Allégations: L’organisation plaignante allègue des pratiques antisyndicales,
notamment les suivantes: licenciement d’un dirigeant syndical, entraves aux visites de
dirigeants syndicaux à des adhérents, interprétation antisyndicale des normes relatives aux
congés syndicaux, entraves à la représentation des adhérents dans leurs revendications et
ingérence dans leur liberté d’affiliation, ainsi qu’absence de procédures de négociation et
de mécanismes impartiaux pour connaître des conflits du travail, y compris de la
discrimination antisyndicale
- 163. La plainte figure dans les communications reçues le 18 décembre 2014
et le 9 mars 2015 de la Fédération nationale du ministère public du Chili (FENAMIP),
appuyée par le Groupement national des agents de la fonction publique (ANEF).
- 164. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une
communication du 10 décembre 2015.
- 165. Le Chili a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et
la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation
et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 151) sur les relations de
travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 166. Dans ses communications du 18 décembre 2014 et du 9 mars 2015, la
FENAMIP allègue les pratiques antisyndicales suivantes: licenciement d’un dirigeant
syndical, entraves aux visites de dirigeants syndicaux à des adhérents, interprétation
antisyndicale des normes relatives aux congés syndicaux, entraves à la représentation
des adhérents dans leurs revendications et ingérence dans leur liberté d’affiliation,
ainsi qu’absence de procédures de négociation et de mécanismes impartiaux pour connaître
des conflits du travail, y compris de la discrimination antisyndicale.
- 167. L’organisation plaignante affirme que le ministère public fait
obstacle au travail des dirigeants syndicaux, en créant des entraves à leurs visites aux
adhérents et en leur imposant des restrictions indues à l’organisation de réunions et
d’assemblées pendant la journée de travail. Elle allègue que: 1) le 19 mars 2013,
l’administratrice du ministère public local de San Bernardo a fait savoir à deux
dirigeants qui souhaitaient rendre visite à leurs adhérents que les réunions ne
pouvaient avoir lieu que les mardis et jeudis, car elle devait être tenue au courant des
thèmes qui allaient y être abordés; et ii) face à la réclamation formelle présentée par
l’organisation plaignante contre cette mesure décrétée par l’autorité dans la
communication officielle FR (4) no 175-2013, la procureure régionale du ministère public
régional métropolitain de l’Ouest a fait savoir que, conformément à l’article 37 de la
loi no 19.296 relative aux associations de fonctionnaires de l’administration de l’Etat,
avant la tenue d’assemblées et de réunions durant les heures de travail, un accord doit
être conclu avec l’institution employeuse. Cette communication prévoit qu’une demande
doit être officiellement adressée au directeur exécutif régional au moins une semaine
avant la date de la réunion ou de l’assemblée. L’organisation plaignante estime que
cette interprétation est erronée, car cette règle se réfère à des assemblées et non à de
simples réunions destinées à discuter de thèmes à caractère syndical ni à de simples
visites et conversations entre dirigeants et membres syndicaux sur les lieux de travail.
La FENAMIP estime que la communication en question, par son caractère obligatoire, non
seulement ne laisse pas de place à la négociation ni au moindre accord, mais en plus
fixe un délai irréaliste qui ne permet pas d’organiser des réunions urgentes; elle vise
à contrôler l’activité syndicale. De même, l’organisation plaignante estime que
l’obligation de demander une autorisation à l’autorité chaque fois qu’un dirigeant
désire rencontrer un membre de l’association constitue une violation aberrante de la
liberté syndicale.
- 168. L’organisation plaignante affirme qu’en juin 2014 les autorités du
ministère public, en réaction à la présentation d’un recours en protection formé par la
FENAMIP contre une instruction générale lancée par l’avocat du bureau du procureur local
de Talagante (instruction visant, d’après l’organisation plaignante, à ne pas autoriser
des vacances ou des congés prolongés et à laisser sans effet ceux qui avaient déjà été
accordés), ont usé de pratiques antisyndicales: i) bien qu’il n’ait pas été déclaré
recevable, le recours a été communiqué par un moyen officieux au procureur concerné;
ii) le procureur a convoqué les fonctionnaires à une réunion le 13 juin 2014 pour leur
faire part de son mécontentement et de sa déception face à ce recours; iii) par un
courrier interne, le procureur a communiqué une copie du recours à des fonctionnaires et
procureurs afin de laisser un témoignage de son mécontentement et du sérieux avec lequel
il a exercé des pressions sur les affiliés; iv) l’administratrice suppléante du
ministère public, Mme Carmen Gloria Ríos, a insisté auprès des travailleurs pour qu’ils
signent une lettre de renonciation au recours; v) en conséquence, l’organisation
plaignante a saisi la Cour d’appel de San Miguel pour dénoncer ces faits.
- 169. L’organisation plaignante affirme que les autorités lui créent des
difficultés pour représenter les adhérents qui soumettent des revendications, en
particulier en exigeant une procuration signée, ce qui revient à ignorer la fonction de
représentation des associations de fonctionnaires. Elle dénonce le fait que, face au
harcèlement au travail dont Mme Lugarda Andrade, fonctionnaire, a été victime, les
autorités ont contesté la capacité de l’organisation plaignante d’engager un recours
juridictionnel en protection des travailleurs. En réponse à sa demande de réintégration
de la fonctionnaire licenciée, le procureur national a de fait répondu qu’elle ne
disposait pas de la représentation nécessaire. De plus, l’organisation plaignante
signale que, en février 2015, au ministère public régional du Libertado Bernardo
O’Higgins, dans le cadre d’une dénonciation pour irrégularités déposée par une
fonctionnaire, le procureur régional a accepté d’apporter son aide à condition que la
fonctionnaire prenne contact avec les dirigeants syndicaux de son association de
fonctionnaires; l’organisation plaignante ajoute que, ce même mois, au ministère public
local de Los Vilos, une association de fonctionnaires n’a pas été autorisée à
représenter une fonctionnaire affiliée victime de harcèlement au travail, et une
procuration signée à cet effet a été exigée.
- 170. L’organisation plaignante dénonce la destitution à caractère
antisyndical du dirigeant syndical Mario Gutiérrez Ollarzú. Selon elle, M. Gutiérrez
Ollarzú a été à la tête des actions menées par l’organisation plaignante pour manifester
son rejet du projet de renforcement du ministère public au sein du pouvoir exécutif; il
a donc dû prendre des initiatives et formuler des déclarations qui ont déplu au
procureur national, ce qui a créé des tensions entre les deux parties. Des poursuites
ont été engagées contre M. Gutiérrez Ollarzú à l’issue desquelles celui-ci a été jugé et
soumis à un certain nombre de conditions à respecter au titre d’une mesure de
substitution à la procédure pénale (mesure appelée «suspension conditionnelle de la
procédure», en vertu de laquelle, si le prévenu respecte les conditions en question dans
un délai fixé par décision du juge, celui-ci prononce un non-lieu définitif).
L’organisation plaignante allègue que le procureur national a profité de cette situation
pour licencier M. Gutiérrez Ollarzú en invoquant une incapacité survenue, conformément
aux dispositions des articles 60 et 65 de la loi organique du ministère public, en lien
avec l’article 265 du Code organique des instances judiciaires et l’article 35 du
Règlement du personnel pour les fonctionnaires du ministère public. L’organisation
plaignante allègue que la notion d’incapacité survenue n’existe pas dans la législation,
que la cause invoquée n’était pas applicable au dirigeant, car il est fonctionnaire, et
qu’elle n’aurait été appliquée qu’une seule fois dans l’histoire du ministère public
bien qu’il ait existé d’autres cas semblables. La FENAMIP affirme que ce n’est qu’à
cette occasion qu’a été prise la décision de mettre fin à l’emploi de l’intéressé alors
que la situation concernait un dirigeant syndical qui dirigeait un mouvement de grande
ampleur et que le but recherché était d’affaiblir ce mouvement. De même, l’organisation
plaignante allègue que les règles établies par la loi au sujet de l’immunité syndicale
n’ont pas été respectées.
- 171. L’organisation plaignante dénonce l’interprétation antisyndicale des
normes et instructions applicables aux heures de congé syndical. La FENAMIP signale que,
en 2009, le procureur national avait décrété, par la communication no 369/2009, que les
directions respectives avaient l’obligation d’accorder aux dirigeants des associations
les permis nécessaires pour s’absenter de leur travail afin d’accomplir leurs fonctions,
le nombre d’heures de congé octroyé ne pouvant être inférieur à vingt-deux heures par
semaine pour une association nationale et à onze heures par semaine pour des
associations régionales. L’organisation plaignante allègue que, allant à l’encontre de
cette disposition, le nouveau directeur exécutif national, dans la communication
no 152/2014, a exigé des dirigeants syndicaux qu’ils communiquent à l’avance l’usage
qu’ils souhaitent faire de leurs heures de congé afin de coordonner le bon
fonctionnement de l’institution et le registre des heures syndicales établies par la
loi. L’organisation plaignante estime que l’interprétation du procureur national, à
savoir que le nombre d’heures ne peut être inférieur à ce qui est indiqué (en d’autres
termes, la loi établit des valeurs minimales sans limite), était correcte et que celle
du directeur exécutif national, qui considère ces valeurs comme étant maximales,
contredit illégalement le procureur national dans le but d’entraver les activités des
représentants des travailleurs. Selon l’organisation plaignante, le bureau du procureur
national reconnaît que le congé syndical est un droit des dirigeants syndicaux dont ils
peuvent faire usage dans les conditions qu’ils estiment pertinentes, avec pour seule
obligation de communiquer à l’autorité compétente la finalité dudit congé, en
s’efforçant de se mettre d’accord entre eux sur ce point, sans que leur soient imposées
des modalités résultant d’interprétations personnelles, comme ce qu’aurait souhaité le
directeur exécutif national.
- 172. L’organisation plaignante fait état d’interventions
institutionnelles visant à créer des conflits entre organisations de travailleurs et à
ne pas reconnaître le droit des associations régionales d’accueillir en leur sein des
fonctionnaires d’autres régions. Elle allègue que, à la suite d’une demande présentée
par une autre association syndicale du ministère public – lequel considérait que les
fonctionnaires d’une autre région ne peuvent être membres d’une association régionale –,
le procureur national a demandé à la Direction du travail de décider s’il est admissible
de considérer comme activités syndicales les activités déployées par les dirigeants
d’associations régionales de fonctionnaires dans les juridictions de régions autres que
celles où ces associations se sont constituées, et d’opérer des retenues pour le
paiement des cotisations sur le traitement des fonctionnaires qui ont décidé d’adhérer à
une association ayant son siège dans une région autre que celle où ces fonctionnaires
exercent leurs fonctions. L’organisation plaignante indique que, en vertu du principe de
l’autorégulation, les statuts de ces associations affiliées autorisent l’adhésion de
fonctionnaires d’autres régions. Elle rappelle que, quand ces statuts lui ont été
soumis, l’inspection du travail n’a émis aucune observation. C’est pourquoi, et du fait
que la loi ne l’interdit pas, l’organisation plaignante considère que l’adhésion de
fonctionnaires qui exercent leurs fonctions dans d’autres régions est juridiquement
admissible et qu’une entité publique n’a pas à qualifier de syndicales ou non les
activités ou tâches que réalisent des dirigeants syndicaux dans l’exercice de leurs
fonctions dans d’autres régions.
- 173. L’organisation plaignante dénonce le fait que tant les instances
administratives (Direction du travail et bureau du Contrôleur général de la République)
que les instances judiciaires se sont déclarées incompétentes en matière de relations
professionnelles au sein du ministère public. Il en résulte que la seule voie de recours
reconnue en cas de conflit relatif aux conditions d’emploi au sein du ministère public
est l’unique instance interne qui relève de la Direction exécutive nationale –
s’agissant de la même instance qui établit les orientations dans le service, celle-ci
est donc juge et partie. L’organisation plaignante affirme ainsi qu’il n’existe aucun
organisme compétent impartial comme le pouvoir judiciaire pour connaître des questions
de travail entre fonctionnaires ou procureurs et ministère public (l’organisation
plaignante cite en exemple le cas de Mme Miriam Cruz qui, en novembre 2013, a déposé
plainte pour modification unilatérale du contrat. La cour d’appel a jugé que les
tribunaux du travail n’avaient pas compétence dans ce cas, conformément à l’allégation
du Conseil de défense de l’Etat). L’organisation plaignante dénonce le fait que, en
réponse aux diverses plaintes qu’elle a soumises pour pratiques déloyales ou
antisyndicales et violation des droits syndicaux, le Conseil de défense de l’Etat a fait
valoir que les tribunaux du travail n’avaient pas compétence en la matière, affirmant
par ailleurs qu’elle n’était pas, «à proprement parler, une association syndicale», mais
une association de fonctionnaires régie par un ensemble de normes distinctes du Code du
travail, «raison pour laquelle il ne peut exister de "pratiques antisyndicales" à son
égard». L’organisation plaignante allègue qu’il ressort des réponses du Conseil de
défense de l’Etat à ses plaintes, dont le texte est joint à la présente plainte, que les
associations de fonctionnaires sont dépourvues de tout droit syndical et de la
protection des tribunaux de justice ordinaires en cas de pratiques antisyndicales. Elle
ajoute que les conditions de travail au ministère public ne font pas l’objet de
négociations, mais sont imposées, et qu’il n’existe pas de processus interne de
règlement des conflits ni d’outils internes de négociation. Elle cite comme exemple des
obstacles que le ministère public met à l’exercice de la liberté syndicale le fait qu’en
2012 elle a été contrainte de faire appel devant la Cour d’appel de Santiago, puisque le
ministère public avait refusé de lui fournir des informations dont elle avait besoin
pour défendre les droits de ses membres. En conclusion, l’organisation plaignante estime
que les articles 7 et 8 de la convention no 151 ratifiée par le Chili ne sont pas
respectés. Ces articles prévoient l’adoption de procédures de négociation ou d’autres
méthodes permettant aux représentants des agents publics de participer à la
détermination des conditions d’emploi ainsi que de mécanismes de règlement des
différends relatifs à la détermination desdites conditions qui inspirent la confiance
des intéressés.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 174. Dans sa communication du 10 décembre 2015, le gouvernement transmet
ses observations, fondées essentiellement sur la réponse du ministère public aux
allégations. Le ministère public fait savoir que 76,75 pour cent de ses fonctionnaires
sont membres d’une association de fonctionnaires et que, sur le nombre total
d’adhérents, 56,65 pour cent sont affiliés à l’Association nationale des fonctionnaires
du ministère public (ANFUMIP), et 43,35 pour cent, à l’organisation plaignante.
- 175. En ce qui concerne l’allégation d’obstacles au travail des
dirigeants syndicaux et de restrictions indues à l’organisation de réunions durant la
journée de travail, le ministère public estime que les faits qui se sont produits ne
constituent pas un obstacle à l’activité des dirigeants et ne peuvent être considérés
comme une ingérence dans les activités syndicales. Il rappelle que les dirigeants
concernés, sans avertir la direction de ce service, ont fait irruption dans le bureau du
procureur local de San Bernardo le 19 mars 2013, considérant qu’ils pouvaient, sans
autorisation ni avertissement préalable, interrompre les activités de leurs adhérents au
milieu de leur journée de travail. Le ministère public fait savoir que la loi no 19.296
relative aux associations de fonctionnaires établit les droits de ces derniers et
dispose que les réunions convenues au préalable avec l’institution employeuse peuvent
avoir lieu durant les heures de travail (octroyant aux fonctionnaires le même traitement
que celui reconnu aux travailleurs du secteur privé par le Code du travail). Le
ministère public ajoute qu’il a accordé des facilités pour que des réunions puissent
avoir lieu pendant les heures de travail; ainsi, les autorités du ministère public
régional concerné tiennent périodiquement avec les dirigeants de l’Association des
fonctionnaires du ministère public régional de la région métropolitaine de l’Ouest
(ASFFRO), affiliée à l’organisation plaignante, des réunions au cours desquelles sont
traitées des questions intéressant les associations dans le but de se mettre d’accord
sur les mesures les plus appropriées pour les fonctionnaires. Selon le ministère public,
il a ainsi été décidé avec les représentants de l’ASFFRO que l’institution mettrait des
locaux à disposition de cette association pour qu’elle puisse y organiser des réunions
avec ses membres, et y compris durant les heures de travail, à condition que
l’autorisation en soit demandée. Le ministère public ajoute que l’ASFFRO a demandé
l’autorisation de tenir des réunions pendant les heures de travail et qu’elle lui a été
accordée. Le ministère public estime que les dirigeants de l’organisation plaignante, en
faisant irruption en mars 2013 sans préavis ni accord préalable, n’ont pas respecté
l’accord que les autorités avaient conclu avec l’ASFFRO, leur affiliée. Par ailleurs, il
récuse le droit pour les dirigeants d’associations de rencontrer leurs adhérents pendant
les heures de travail sans autorisation préalable de l’autorité compétente, rappelant
que, conformément à l’article 6 de la convention no 151, l’octroi de facilités aux
représentants des organisations ne doit pas entraver le fonctionnement efficace de
l’administration ou du service intéressé. Le ministère public conclut en soulignant que
l’institution accorde davantage de facilités que celles prévues par la loi (ressources
techniques, matériels et locaux pour tenir les réunions au sein de l’institution),
qu’elle n’exige pas d’autorisation préalable et qu’elle se limite à examiner si les
réunions prévues pendant les heures de travail sont compatibles avec le bon
fonctionnement du service (soulignant qu’en aucun cas elle n’examine les thèmes inscrits
à l’ordre du jour de ces réunions).
- 176. En ce qui concerne l’allégation de pratiques antisyndicales exercées
en juin 2014 par le ministère public dans les services du procureur local de Talagante
en réaction à un recours en protection, le gouvernement remet en question le récit et la
qualification des faits. Considérant qu’aucune action antisyndicale n’a eu lieu, il fait
savoir que: i) l’instruction générale ayant motivé le recours est une circulaire du
13 mai 2014 envoyée par le procureur en chef, indiquant que les vacances et les congés
syndicaux seraient autorisés sous réserve que soit traité un certain nombre d’affaires
n’ayant enregistré aucun mouvement; ii) d’autres thèmes étaient à l’ordre du jour de la
réunion du 13 juin, mais, alors qu’elle touchait à sa fin, vu le malaise provoqué par le
courrier susmentionné, le procureur en chef déclara qu’il était désolé d’avoir suscité
cette réaction, d’autant que son intention était seulement de régulariser une procédure
de travail; il ajouta qu’il regrettait que ce malaise ne se soit pas exprimé directement
(le gouvernement précise qu’aucun reproche n’a été formulé concernant le comportement ou
l’action de quiconque); iii) le procureur en chef avait pris connaissance du recours,
puisque le ministère public suit en permanence les recours interjetés devant les
tribunaux (le gouvernement précise que cette information est publique et que la cour
affiche tous les recours dès leur dépôt sur son site Web, auquel chacun peut accéder);
iv) le procureur en chef n’a fait que transmettre à tous les fonctionnaires le courrier
électronique annonçant le dépôt d’un recours qu’il avait reçu, sans y ajouter de phrase
ni de commentaire, et n’a pas abordé le sujet, ni oralement ni par écrit; v) ce recours
a surpris beaucoup de fonctionnaires, quelques-uns exprimant même par courrier leur
désaccord avec la direction de l’association à ce sujet; vi) Mme Carmen Torres Ríos,
qui, avec d’autres fonctionnaires (dont une dirigeante syndicale de premier plan), a
cosigné une lettre exprimant sa position et son opposition au recours, n’était pas alors
administratrice du ministère public (comme le prétend l’organisation plaignante) et a
signé la lettre en sa qualité de membre de l’association de fonctionnaires; vii) par une
résolution du 27 juin 2014, le procureur régional, confronté à ce recours, a ordonné que
soit menée une enquête administrative; celle-ci a débouché sur le classement de la
plainte, aucun comportement passible de sanctions n’ayant pu être établi (aucun des
nombreux fonctionnaires entendus dans le cadre de l’enquête n’a corroboré la version de
l’organisation plaignante); viii) la FENAMIP a intenté une action en justice pour les
mêmes faits sans présenter de témoin qui appuie ses affirmations; ix) en première
instance, le tribunal a suggéré à la FENAMIP de renoncer à son action et, devant son
refus, a rejeté la plainte, considérant qu’il n’avait pas compétence pour se prononcer
sur les faits que l’association de fonctionnaires qualifiait de pratique antisyndicale;
x) la cour d’appel a révoqué la décision et ordonné la poursuite du procès; lors de
l’audience du 27 juin 2015, le tribunal a proposé une tentative de conciliation
consistant à ce que le ministère public exprime son intention de respecter les droits
individuels et syndicaux des travailleurs (étant expressément entendu que l’organisation
plaignante approuve cette solution et sous réserve de la décision qu’adopteraient le
procureur national et le Conseil de défense de l’Etat).
- 177. S’agissant des allégations d’entraves à la représentation des
adhérents dans leurs revendications, le gouvernement signale que, en ce qui concerne les
cas susmentionnés du ministère public régional du Libertado Bernardo O’Higgins et du
ministère public local de Los Vilos, les autorités ont cherché des solutions de concert
avec l’organisation plaignante, une enquête administrative a été menée, et les
procureurs concernés par les faits dénoncés (sans rapport avec la discrimination
antisyndicale) ont été sanctionnés. Quant à la plainte pour harcèlement au travail à
l’encontre de Mme Andrade, le gouvernement fait savoir que Mme Andrade a saisi les
tribunaux à trois reprises et que, dans un cas seulement, la Cour suprême a déclaré le
tribunal incompétent en la matière. Dans les deux autres cas, les actions en protection
engagées par la plaignante ont été examinées par les tribunaux, mais, étant donné
qu’elles étaient dépourvues de tout fondement en droit comme en fait, elles ont été
rejetées après examen quant au fond, et l’impossibilité des fonctionnaires d’assurer
leur défense alléguée par l’organisation plaignante n’a donc pas été démontrée. Le
gouvernement souligne que le cas de Mme Andrade ne concerne aucune allégation de
discrimination ou de pratiques antisyndicales. Par ailleurs, le gouvernement précise que
Mme Andrade n’a adhéré à une association de base de la FENAMIP qu’après son
licenciement. Quant à l’allégation selon laquelle l’organisation plaignante s’est vu
refuser le pouvoir de représenter Mme Andrade en tant qu’adhérente, le gouvernement
indique que, conformément à la loi, les associations de fonctionnaires n’ont pas la
faculté de représenter leurs adhérents pour demander que d’éventuels droits soient
accordés personnellement à ces derniers si elles ne bénéficient pas d’un mandat en bonne
et due forme. Le gouvernement ajoute que l’organisation plaignante n’a communiqué aucun
document prouvant qu’elle avait été mandatée par Mme Andrade étant donné qu’elle avait
présenté sa plainte «au nom de la fédération» et que l’intéressée avait dénoncé à titre
individuel le prétendu licenciement injustifié afin de demander une indemnité (mais non
la réintégration demandée par la FENAMIP), ce qui met en évidence le manque de cohérence
des aspirations de l’organisation plaignante avec celles de la personne qu’elle
prétendait représenter.
- 178. Pour ce qui est de l’allégation de destitution à caractère
antisyndical du dirigeant syndical M. Mario Gutiérrez Ollarzú, le gouvernement précise
d’emblée que le procureur national était lui aussi opposé au projet de loi que
l’organisation plaignante critiquait – autrement dit, M. Gutiérrez Ollarzú et le
procureur national défendaient la même position. Le procureur national a invité toutes
les organisations de fonctionnaires et de procureurs à une réunion de travail au cours
de laquelle a été établi un projet alternatif à proposer au pouvoir exécutif. Par
conséquent, le gouvernement dément les allégations d’animosité et déclare qu’il ne
saurait y avoir de motif d’affaiblir l’action syndicale alors que les objectifs des
syndicats coïncidaient avec ceux du procureur national. En ce qui concerne la procédure
pénale, le gouvernement fait savoir que, le 18 mars 2014, M. Gutiérrez Ollarzú s’est
retourné avec le véhicule qu’il conduisait et que les deux tests d’alcoolémie effectués
ont montré qu’il conduisait en état d’ébriété, ce qui constitue un délit dans la
législation chilienne. Le gouvernement indique que, dans cette affaire pénale,
M. Gutiérrez Ollarzú s’est prévalu du principe de suspension conditionnelle de la
procédure. Ce faisant – et sans l’intervention des autorités –, le fonctionnaire s’est
rendu coupable d’une incapacité survenue, établie dans les textes législatifs. A cet
égard, le gouvernement précise que, si le Règlement du personnel pour les fonctionnaires
du ministère public n’établit pas les motifs, en revanche il reprend ce qui est établi
par la loi. Le gouvernement fournit des explications détaillées sur le fait que, en
vertu des articles 60 et 65 de la loi organique du ministère public et des articles 265
et 332 du Code organique des tribunaux, la suspension conditionnelle d’une procédure
pénale constitue un motif d’incapacité à être nommé procureur ou fonctionnaire du
ministère public et, par conséquent, de cessation de fonctions ou de rupture de contrat
de travail si ledit motif survient alors que l’intéressé est en service. Le gouvernement
indique que, en conséquence, dans le strict respect de la loi, le procureur national a
dû ordonner qu’il soit mis fin au contrat de travail de M. Gutiérrez Ollarzú. Invoquant
la prétendue illégalité de la décision du procureur national, M. Gutiérrez Ollarzú a
déposé un recours auprès de la première chambre du Tribunal de Santiago. Le gouvernement
indique que, dans le cadre de ce jugement, le 4 août 2015, M. Gutiérrez Ollarzú a conclu
une transaction au terme de laquelle il a abandonné toutes ses allégations concernant la
prétendue illégalité de son licenciement en échange d’une indemnité de quelque
7 500 000 pesos chiliens (environ 11 300 dollars des Etats-Unis).
- 179. S’agissant de l’allégation d’interprétation antisyndicale des normes
et instructions relatives aux congés syndicaux, le gouvernement rappelle en premier lieu
les normes applicables, inscrites dans la loi no 19.296, en vertu desquelles: i) les
dirigeants syndicaux ont droit à des congés qui ne peuvent être inférieurs à onze ou
vingt-deux heures par semaine selon le type d’organisation (régionale ou nationale),
heures qui sont considérées comme travaillées et rémunérées par l’institution; et ii) il
existe des congés syndicaux supplémentaires, dont certains doivent être rémunérés par
les institutions, et d’autres par les associations. Le gouvernement nie l’existence
d’une quelconque contradiction entre la communication du procureur national – qui
rappelle les normes relatives au nombre minimum d’heures hebdomadaires accordées par
l’institution, normes qui ont été établies pour protéger les associations de
fonctionnaires – et celle du directeur exécutif national – qui se limite à rappeler
l’obligation de communiquer l’usage desdits congés (obligation que l’organisation
plaignante admet dans sa communication). A cet égard, le gouvernement signale que
l’organisation plaignante continue de contrevenir à cette obligation, se contentant
d’envoyer une fois par semaine un courrier électronique dans lequel elle indique que ses
dirigeants feront usage de leurs congés sans donner à l’autorité institutionnelle la
possibilité de savoir à quel moment elle pourra compter sur les fonctionnaires pour
qu’ils exercent leurs fonctions (le ministère public précise que cette conduite abusive
est tolérée par l’autorité institutionnelle afin de renforcer les organisations de
fonctionnaires). Le gouvernement rappelle que les dirigeants de l’organisation
plaignante bénéficient d’une durée minimale de congés de trente-trois heures
hebdomadaires (onze accordées à l’organisation régionale et vingt-deux à l’organisation
nationale) sur les quarante-quatre heures travaillées par semaine. Il estime que ce que
veut l’organisation plaignante, c’est bénéficier de congés syndicaux illimités aux frais
de l’institution, ce qui est incompatible avec les dispositions légales évoquées plus
haut.
- 180. En ce qui concerne les allégations d’interventions institutionnelles
visant à créer des conflits entre organisations de travailleurs au sujet de la
possibilité que des travailleurs d’autres régions soient membres d’associations
régionales, le ministère public conteste avoir joué un rôle dans l’origine du conflit ou
son développement. Il indique qu’il s’agit d’un conflit entre des organisations de
fonctionnaires dans lequel l’autorité institutionnelle n’est intervenue que pour
demander à la Direction du travail de se prononcer, et ce uniquement à la suite d’une
dénonciation formulée par une autre association de fonctionnaires, l’ANFUMIP. Le
ministère public informe que, vu la pratique des associations affiliées à l’organisation
plaignante consistant à rechercher l’affiliation de fonctionnaires de régions autres que
celles où ces associations se sont constituées, des fonctionnaires membres de l’ANFUMIP
se sont désaffiliés afin d’adhérer à ces autres associations. Il s’est ensuivi que, en
2012, l’ANFUMIP a dénoncé l’organisation plaignante pour pratiques antisyndicales au
motif que ces affiliations étaient illégales. Le 3 mai 2012, la Direction du travail a
indiqué qu’elle manquait de moyens pour se prononcer sur les pratiques antisyndicales
des associations de fonctionnaires, ajoutant dans ses conclusions que «le fait qu’un
fonctionnaire du ministère public participe à la constitution d’une association
régionale dépendant d’une juridiction autre que celle où il exerce ses fonctions ou
qu’il adhère à une telle association est sans fondement légal». Le gouvernement indique
que, malgré cet avis, l’organisation plaignante n’a pris aucune mesure pour remédier à
ce qui lui était reproché, raison pour laquelle, en juillet 2014, l’ANFUMIP a demandé au
procureur national de se prononcer en la matière. Ne souhaitant pas se mêler d’un
conflit entre organisations de fonctionnaires, le procureur national a demandé à la
Direction du travail de trancher. En novembre 2014, la Direction du travail a répondu
qu’elle ne disposait pas du pouvoir d’intervenir dans une situation où des adhésions
sont effectuées en violation de la loi, ajoutant que cela était sans préjudice du droit
dont bénéficient les personnes concernées de contester la validité de ces adhésions.
Compte tenu de cet avis, le procureur national a décidé de ne pas ordonner d’enquête
disciplinaire concernant la plainte de l’ANFUMIP. Le ministère public indique que,
malgré l’interprétation claire donnée par la Direction du travail en la matière,
l’organisation plaignante n’a entrepris aucune action en vue de remédier aux
irrégularités constatées.
- 181. En ce qui concerne les allégations d’absence d’organes impartiaux
permettant de lutter contre les abus au travail, notamment la discrimination
antisyndicale, et d’inexistence d’outils internes de négociation, notamment de règlement
des conflits, le ministère public indique que l’incompétence des tribunaux en matière de
recours interjetés par l’association de fonctionnaires ou ses dirigeants découle d’une
erreur dans la stratégie choisie. S’agissant des cas mentionnés par l’organisation
plaignante à titre d’exemple de l’incompétence alléguée par le Conseil de défense de
l’Etat (cas de Mme Miriam Cruz), le gouvernement indique que la Cour suprême,
contrairement à la décision de la cour d’appel, a déclaré que le tribunal du travail
était compétent, preuve que le manque de protection allégué n’est pas effectif. En ce
qui concerne les allégations relatives au défaut de fourniture d’informations, le
ministère public confirme que l’organisation plaignante a dû recourir à la cour d’appel
pour exiger la fourniture de certains antécédents. Il ajoute que c’est parce que la loi
sur la transparence exige que l’institution consulte les personnes touchées – celles-ci
s’y opposant, le ministère public n’a pu fournir les documents demandés. Le recours à la
cour pour régler la question est donc la conséquence de l’opposition d’un tiers touché.
Le gouvernement précise par ailleurs que l’organisation plaignante reçoit toute
l’information qu’elle demande sur des sujets l’intéressant. Pour ce qui est des
conclusions générales relatives à l’impossibilité des fonctionnaires de se défendre
formulées par l’organisation plaignante, le ministère public souligne que les conflits
peuvent avoir une solution judiciaire et que ce n’est pas parce qu’une initiative n’est
pas acceptée qu’il faut en déduire qu’il n’existe pas de mécanisme de protection. Cela
montre seulement qu’il existe des lacunes dans les modes de présentation des plaintes ou
des revendications ou que celles-ci ne sont pas fondées.
- 182. En ce qui concerne les allusions à l’imposition de décisions et au
manque de négociation et de dialogue contenues dans plusieurs allégations de
l’organisation plaignante, le ministère public fait état de diverses initiatives
montrant que les autorités ont contacté les associations de fonctionnaires ces dernières
années, à titre d’exemple de la collaboration qu’elles ont entretenue avec elles dès
leur constitution – dans le respect de leurs droits et le souci de trouver des
propositions consensuelles à des problèmes ou des questions intéressant les
fonctionnaires. Ces initiatives sont notamment les suivantes: i) en 2014, convocation de
toutes les associations en vue de préparer un projet de renforcement du ministère public
avec la participation de la FENAMIP; cette réunion de travail a débouché sur un projet
de loi issu d’un consensus; ii) table ronde – à ce jour en pleine activité – sur la mise
en œuvre de la loi sur le renforcement du ministère public; iii) réunion de travail
convoquée en août 2014 à l’initiative de l’ANFUMIP en vue d’élaborer une proposition
pour le règlement des conflits du travail au sein du ministère public (ayant d’abord
refusé d’y participer, l’organisation plaignante a ensuite changé d’avis pour finalement
déclarer qu’elle ne soutenait pas les documents proposés – sur différents thèmes:
relations professionnelles, contrôle et dénonciation du harcèlement au travail et du
harcèlement sexuel, code de bonnes relations au travail – au motif que son soutien
pourrait l’empêcher d’obtenir des amendements aux lois permettant à des organismes
extérieurs d’exercer un contrôle sur les conflits du travail au sein du ministère
public); iv) réunion de travail sur les administrateurs du ministère public (à laquelle
ont participé toutes les organisations de fonctionnaires); v) en 2014 et 2015,
organisation de réunions avec les diverses associations de fonctionnaires ou,
exclusivement, avec l’organisation plaignante pour traiter de questions les intéressant,
preuve que les associations sont reçues chaque fois qu’elles le demandent;
vi) fourniture de réponses à diverses demandes et consultations de l’organisation
plaignante, preuve qu’il est répondu à toutes les questions reçues et que les
divergences, quand il y en a eu, ont été réglées par voie de justice; vii) octroi de
facilités aux associations de fonctionnaires en sus des exigences de la loi (accès aux
serveurs de l’institution pour le courrier, mise à disposition de locaux du ministère
public pour les assemblées et autres types de réunions pendant les heures de travail,
versement d’indemnités aux dirigeants des associations lorsqu’ils doivent participer à
des réunions avec les autorités, etc.).
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 183. Le comité note que la plainte porte sur les allégations de pratiques
antisyndicales suivantes: licenciement d’un dirigeant syndical, entraves aux visites de
dirigeants syndicaux à des adhérents, interprétation antisyndicale des normes relatives
aux congés syndicaux, entraves à la représentation des adhérents dans leurs
revendications et ingérence dans leur liberté d’affiliation, ainsi qu’absence de
procédures de négociation et de mécanismes impartiaux pour connaître des conflits du
travail, y compris la discrimination antisyndicale.
- 184. En ce qui concerne l’allégation d’obstacles au travail des
dirigeants syndicaux et de restrictions indues à la possibilité d’effectuer des visites
et d’organiser des réunions pendant la journée de travail, le comité note que, d’un
côté, l’organisation plaignante allègue l’imposition unilatérale de restrictions à la
possibilité pour les dirigeants syndicaux de rencontrer les membres de leur syndicat, à
savoir l’obligation, pour toute réunion, voire pour de simples visites, d’obtenir un
accord moyennant un préavis d’une semaine. De l’autre côté, le gouvernement estime que
l’organisation plaignante défend un droit inexistant à faire irruption, sans préavis ni
accord préalable, pendant les heures de travail, dans les locaux où les adhérents
exercent leurs activités. A cet égard, le comité doit rappeler aussi bien le principe
selon lequel les représentants des travailleurs devraient avoir accès à tous les lieux
de travail dans l’entreprise lorsque leur accès à ces lieux est nécessaire pour leur
permettre de remplir leurs fonctions de représentation, que celui selon lequel le droit
d’accès ne devrait pas être exercé au détriment du fonctionnement efficace de
l’administration ou des institutions publiques concernées; c’est pourquoi les
organisations de travailleurs concernées et l’employeur doivent chercher à conclure des
accords de manière à ce que l’accès au lieu de travail durant les heures de travail et
en dehors de celles-ci soit reconnu aux organisations de travailleurs sans porter
préjudice au fonctionnement de l’administration ou de l’institution publique. [Voir
Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième
édition, 2006, paragr. 1104 et 1109.] Au sujet de cette plainte, le comité note ce qui
suit: le gouvernement informe que, préalablement aux faits dénoncés, les autorités
étaient déjà parvenues à des accords avec l’organisation du ministère public régional
affiliée à l’organisation plaignante concernant la tenue de réunions et l’octroi de
facilités; il précise que les autorités se limitent à examiner s’il est possible de
tenir des réunions pendant la journée de travail; et il indique que, de fait, les
autorisations requises ont été octroyées et que davantage de facilités et de moyens ont
été accordés que ceux prévus par la loi pour la tenue de réunions.
- 185. En ce qui concerne l’allégation de pratiques antisyndicales exercées
dans les services du procureur local de Talagante en représailles au dépôt d’un recours
pour contester une instruction générale du procureur (celui-ci aurait manifesté
publiquement sa déception et aurait fait circuler le texte du recours, et les
travailleurs auraient été incités à signer une lettre de rejet dudit recours), le comité
prend note des informations et documents fournis par le gouvernement – qui nie que les
autorités sont intervenues ou ont fait usage de pratiques antisyndicales –, à savoir
notamment les mesures adoptées par l’administration pour enquêter sur les allégations et
le fait que les parties seraient parvenues à une conciliation devant le tribunal
(consistant à ce que le ministère public exprime son intention de respecter les droits
individuels et syndicaux des travailleurs).
- 186. En ce qui concerne les allégations d’actions antisyndicales et
d’entraves à la représentation des adhérents dans leurs revendications auprès des
autorités (ministère public régional du Libertado Bernardo O’Higgins et ministère public
local de Los Vilos), le comité note que, d’après le gouvernement, les autorités ont
cherché des solutions de concert avec l’organisation plaignante, qu’une enquête
administrative a été menée et que les procureurs concernés par les faits dénoncés (sans
rapport avec la discrimination antisyndicale) ont été sanctionnés. S’agissant de
l’allégation selon laquelle le pouvoir de représenter une adhérente (Mme Andrade) en
justice aurait été refusé, le comité observe que le gouvernement indique que les
associations de fonctionnaires n’ont pas la faculté de représenter leurs adhérents pour
demander que d’éventuels droits soient accordés personnellement à ces derniers si elles
ne bénéficient pas d’un mandat en bonne et due forme. Par ailleurs, le comité note que,
d’après le gouvernement, dans le présent cas, l’organisation plaignante n’aurait pas
apporté la preuve que son adhérente lui aurait donné un mandat pour agir en son nom, et
celle-ci aurait déposé en même temps une réclamation avec des prétentions différentes
(l’intéressée réclamant une indemnité, et le syndicat, sa réintégration).
- 187. En ce qui concerne l’allégation de destitution du dirigeant syndical
M. Gutiérrez Ollarzú, le comité note d’une part que, aux dires de l’organisation
plaignante, le procureur national aurait licencié l’intéressé pour un motif antisyndical
afin d’affaiblir le mouvement syndical qui remettait en question un projet de loi du
pouvoir exécutif concernant le ministère public. Il observe aussi que l’organisation
plaignante allègue que le motif invoqué pour mettre fin à l’emploi du dirigeant syndical
(incapacité survenue pour s’être prévalu de la suspension conditionnelle de la procédure
pénale) n’est pas prévu dans la loi et que la procédure n’a pas respecté l’immunité du
dirigeant syndical. Le comité note d’autre part que le gouvernement indique que la
cessation du contrat de travail a eu lieu conformément à la loi, à la suite de la
décision de bénéficier de la suspension conditionnelle d’une procédure pénale pour
conduite en état d’ivresse. Le comité prend note, à cet égard, des informations
détaillées fournies par le gouvernement concernant le fondement légal de cette cause
d’incapacité survenue. Par ailleurs, il observe que le gouvernement remet en cause le
fait qu’il puisse y avoir un quelconque motif antisyndical étant donné que la position
du procureur national coïncide avec celle de l’organisation plaignante, à savoir rejeter
le projet de loi en question. Enfin, il note que, d’après les informations et documents
fournis par le gouvernement dans le cadre du recours judiciaire interjeté contre le
licenciement de M. Gutiérrez Ollarzú, un accord a été conclu en vertu duquel ce dernier
a abandonné toutes les allégations d’illégalité de cette mesure en échange d’une
indemnité. Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l’examen de l’allégation en
question.
- 188. S’agissant de l’allégation d’interprétation antisyndicale des normes
et instructions applicables à la durée des congés syndicaux, le comité note que, selon
le gouvernement, il n’existe pas de contradiction ni d’interprétation antisyndicale dans
les communications des autorités compétentes et que, sur les quarante-quatre heures de
travail hebdomadaire, une durée minimale de trente-trois heures est accordée aux
dirigeants de l’organisation plaignante. Le comité observe, sans toutefois relever une
quelconque contradiction, que si, d’un côté, en 2009, le bureau du procureur national
avait enregistré le nombre minimum d’heures de congé hebdomadaire dont doivent
bénéficier les dirigeants syndicaux conformément à la loi, d’un autre côté le bureau du
directeur exécutif national a rappelé en 2014 l’obligation de communiquer l’usage qui
sera fait de ces congés. A cet égard, le comité doit rappeler le principe selon lequel
l’octroi de facilités aux représentants des organisations d’agents publics, donc entre
autres l’octroi de temps libre, a pour corollaire la garantie d’un fonctionnement
efficace de l’administration ou du service intéressé. Un tel corollaire signifie qu’il
peut y avoir un contrôle des demandes de temps libre pour des absences pendant les
heures de travail par les autorités administratives compétentes seules responsables du
fonctionnement efficace des services. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1111.] Par
conséquent, le comité considère que la communication du directeur exécutif national, qui
rappelle la nécessité de s’acquitter de l’obligation de faire connaître l’utilisation
qui sera faite des heures de congé syndical, n’entraîne pas d’atteinte au principe de la
liberté syndicale.
- 189. En ce qui concerne les allégations d’interventions institutionnelles
visant à créer des conflits entre organisations de travailleurs au sujet de la
possibilité que des travailleurs d’autres régions soient membres d’associations
régionales, le comité note que, d’après le ministère public, il s’agit d’un conflit
entre des organisations de fonctionnaires dans lequel l’autorité institutionnelle n’est
intervenue que pour demander à la Direction du travail de se prononcer, à la suite d’une
dénonciation formulée par une autre association de fonctionnaires (qui remettait en
question la pratique de certaines associations régionales consistant à accepter
l’adhésion de fonctionnaires d’autres régions). Le comité observe que la Direction du
travail avait jugé sans fondement légal le fait qu’un fonctionnaire du ministère public
participe à la constitution d’une association régionale dépendant d’une juridiction
autre que celle où il exerce ses fonctions ou qu’il adhère à une telle association. Tout
en rappelant qu’il n’appartient pas au comité de se prononcer sur des conflits entre
organisations syndicales, le comité souligne que le libre exercice du droit de
constituer des syndicats et de s’y affilier implique la libre détermination de la
structure et de la composition de ces syndicats. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1114
et 333.] Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en
sorte que les associations de fonctionnaires du ministère public constituées dans une
région puissent avoir comme adhérents des fonctionnaires du ministère public d’autres
régions si leurs statuts les y autorisent.
- 190. En ce qui concerne les allégations d’absence d’organes impartiaux
permettant de traiter des plaintes pour abus au travail, notamment la discrimination
antisyndicale, et d’inexistence d’outils internes de négociation, le comité note d’un
côté que le gouvernement affirme qu’il existe des espaces internes de dialogue – et
fournit des exemples en la matière –, que les conflits peuvent avoir une solution
judiciaire, que dans l’un des cas allégués la Cour suprême a déclaré que les tribunaux
du travail étaient compétents et que, à son avis, la stratégie judiciaire de
l’organisation plaignante comportait des erreurs. D’un autre côté, le comité observe que
le Conseil de défense de l’Etat a allégué l’incompétence de la juridiction du travail,
indiquant que l’organisation plaignante n’est pas à proprement parler une organisation
syndicale, mais une association de fonctionnaires régie par un ensemble de normes
distinctes du Code du travail, «raison pour laquelle il ne peut exister de "pratiques
antisyndicales" à son égard». Le comité rappelle qu’il a déjà signalé que l’article 8 de
la convention no 151 donne une certaine latitude dans le choix des procédures de
règlement des différends intéressant les employés de l’Etat, à condition que la
confiance des parties soit assurée; par ailleurs, le comité a déclaré à propos de
réclamations concernant les pratiques antisyndicales, tant dans le secteur public que
dans le secteur privé, que de telles plaintes doivent normalement être examinées selon
une procédure nationale qui, outre sa rapidité, doit non seulement être impartiale, mais
aussi considérée comme telle par les parties intéressées. [Voir Recueil, op. cit.,
paragr. 778.] Faute de plus amples précisions reçues du gouvernement sur les mécanismes
permettant de résoudre les conflits et, en particulier, de protéger les fonctionnaires
du ministère public contre la discrimination antisyndicale, le comité prie le
gouvernement, à la lumière du principe susmentionné et dans le cadre de l’application de
la convention no 151 ratifiée par le Chili, d’informer la Commission d’experts pour
l’application des conventions et recommandations, à laquelle il renvoie les aspects
législatifs de ce cas, des mécanismes de règlement des conflits relatifs à la
détermination des conditions d’emploi et des dispositifs, recours et sanctions
applicables pour faire en sorte que les fonctionnaires du ministère public bénéficient
de la protection adéquate contre tout acte de discrimination antisyndicale.
- 191. Enfin, au vu des conclusions qui précèdent et notant avec intérêt
que, selon le gouvernement, il existe diverses instances de dialogue permettant de
traiter de questions concernant les associations de fonctionnaires (réunions de travail,
notamment une réunion destinée à réglementer les relations de travail), le comité
encourage les autorités compétentes à continuer d’approfondir le dialogue social avec
les associations de fonctionnaires du ministère public afin de favoriser des relations
collectives harmonieuses et, conformément aux principes de la liberté syndicale
susmentionnés, de parvenir à des accords communs sur des questions qui pourraient
subsister: rencontres de dirigeants syndicaux avec les membres de leur syndicat pendant
la journée de travail; congés syndicaux des dirigeants et communication de l’usage prévu
de ces congés; mise au point et utilisation de procédures de négociation entre les
autorités et les associations de fonctionnaires ou d’autres méthodes leur permettant de
participer à la détermination des conditions d’emploi.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 192. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le
gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les
associations de fonctionnaires du ministère public constituées dans une région
puissent avoir comme adhérents des fonctionnaires du ministère public d’autres
régions si leurs statuts les y autorisent.
- b) Le comité prie le
gouvernement, dans le cadre de l’application de la convention no 151 ratifiée par le
Chili, d’informer la Commission d’experts pour l’application des conventions et
recommandations, à laquelle il renvoie les aspects législatifs de ce cas, des
mécanismes de règlement des conflits relatifs à la détermination des conditions
d’emploi et des dispositifs, recours et sanctions applicables pour faire en sorte
que les fonctionnaires du ministère public bénéficient de la protection adéquate
contre tout acte de discrimination antisyndicale.
- c) Le comité encourage les
autorités compétentes à continuer d’approfondir le dialogue social avec les
associations de fonctionnaires du ministère public afin de garantir le
fonctionnement efficace de l’administration ou du service intéressé et de favoriser
des relations collectives harmonieuses et, conformément aux principes de la liberté
syndicale susmentionnés, de parvenir à des accords communs sur des questions qui
pourraient subsister: rencontres de dirigeants syndicaux avec les membres de leur
syndicat pendant la journée de travail; congés syndicaux des dirigeants et
communication de l’usage prévu de ces congés; mise au point et utilisation de
procédures de négociation entre les autorités et les associations de fonctionnaires
ou d’autres méthodes leur permettant de participer à la détermination des conditions
d’emploi.