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Rapport définitif - Rapport No. 380, Octobre 2016

Cas no 3109 (Suisse) - Date de la plainte: 11-OCT. -14 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce son exclusion de la négociation d’une convention collective avec l’entreprise La Poste. Par ailleurs, elle allègue des actes de discrimination et d’intimidation à l’encontre de son président et de ses membres

  1. 936. Le Syndicat autonome des postiers (SAP) a présenté sa plainte dans des communications en date du 11 octobre 2014, des 18 février et 30 mars 2015 et du 2 février 2016.
  2. 937. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications en date des 9 mars et 30 novembre 2015, et du 6 mai 2016.
  3. 938. La Suisse a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 939. Dans une communication en date du 14 octobre 2015, le Syndicat autonome des postiers (SAP) indique être un syndicat constitué en 2005 au sein de La Poste Suisse SA. Pour parvenir à son objectif d’améliorer les conditions professionnelles de ses membres, il s’est doté, selon ses statuts, du pouvoir de négocier et de conclure des conventions collectives de travail. Le SAP indique cependant que, depuis sa création, il revendique auprès de La Poste Suisse SA le droit de participer aux négociations en vue de la conclusion de la Convention collective de travail (CCT) de l’entreprise ou d’engager des négociations en vue de conclure une convention pour ses membres. Selon le SAP, ce droit de négociation collective lui est dénié par l’entreprise sur la base de critères de représentativité que cette dernière refuse de préciser malgré des demandes répétées du syndicat entre 2005 et 2010. Suite à une plainte déposée auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF), l’entreprise a accepté de reconnaître le SAP comme syndicat représentant ses collaborateurs en novembre 2010 et de lui octroyer progressivement certaines facilités, mais tout en continuant de refuser de négocier collectivement avec lui.
  2. 940. Suite au changement de statut de la poste qui est devenue une société anonyme en 2012, et de son personnel désormais régi par le Code des obligations, le SAP a renouvelé sa demande de participer aux négociations de la future CCT en préparation. Devant le nouveau refus de l’entreprise, notamment via une communication du 3 avril 2012 dans laquelle l’entreprise indique que le nombre d’adhérents du SAP (500 membres) est loin de suffire pour lui permettre d’être considéré comme représentatif, le syndicat a saisi la Commission fédérale de La Poste (Post-Com) qui l’a débouté. Par la suite, le SAP a saisi le Tribunal administratif fédéral qui, dans un arrêt du 13 décembre 2013, a conclu que la Post Com n’avait pas la compétence de contraindre La Poste Suisse SA à accepter ou refuser le SAP comme partenaire social et a donc annulé la décision de Post-Com. Le 23 décembre 2013, suite à l’échec de son recours devant la dernière instance administrative suisse, le SAP a demandé l’intervention de l’Office fédéral de conciliation. La séance de conciliation a eu lieu neuf mois plus tard, à savoir le 8 septembre 2014. Le SAP dénonce le fait que, lors de la séance, les syndicats concurrents du SAP au sein de l’entreprise (les syndicats Syndicom et Transfair) étaient présents et parties à la procédure et ont contribué, par leur opposition à l’égard du SAP, à l’échec de la conciliation. Le SAP s’étonne du fait que le système de règlements des conflits collectifs mis en place permet aux syndicats concurrents de faire objection à sa reconnaissance par l’employeur. Par ailleurs, le SAP conteste le nombre d’adhérents avancé par les syndicats Syndicom et Transfair, respectivement 15 000 et 6 000 membres, et demande l’établissement d’un constat notarial pour attester du nombre exact de salariés adhérents.
  3. 941. Le SAP dénonce le fait que l’entreprise a continué de refuser de spécifier les critères de représentativité qu’elle appliquait en expliquant au surplus qu’indépendamment du nombre de ses adhérents, elle ne souhaitait pas admettre le SAP comme partenaire social et qu’elle ne le ferait que sous la contrainte d’une décision judiciaire. Une telle déclaration illustre le climat de défiance dans lequel doit évoluer le SAP dont les représentants sont diabolisés aux yeux du personnel par la direction de l’entreprise. A l’appui de ses allégations, le SAP fournit copie d’échanges internes entre 2005 et 2009 dans lesquels il est précisé au personnel de direction que le SAP n’est pas un partenaire officiel de l’entreprise. En outre, le SAP dénonce les mesures d’intimidation et de rétorsion subies par son président, M. Olivier Cottagnoud, et son vice-président, M. Lionel Laurent, pour avoir simplement rempli leurs mandats syndicaux, notamment des mesures disciplinaires.
  4. 942. Le SAP considère que les autorités suisses, par le biais de la commission fédérale de La Poste et du Tribunal administratif fédéral, lui ont dénié le droit d’accéder aux négociations de conventions collectives alors que les critères de représentativité ne sont pas connus ni définis. L’entreprise concernée a même refusé de spécifier les critères qu’elle appliquait pour dénier ce droit au SAP devant la Commission fédérale de conciliation. Ainsi le SAP se voit opposé le fait qu’il n’est pas représentatif sans en connaître les critères. De plus, le SAP dénonce une absence manifeste de bonne foi de la part de l’entreprise dans la mesure où celle-ci a tardé à engager des discussions avec le syndicat et refuse de reconnaître au SAP le droit de négocier collectivement depuis 2005 sans pour autant indiquer les critères de représentativité appliqués pour ce déni. Pour le SAP, la bonne foi est pourtant un élément essentiel pour la paix sociale.
  5. 943. Par ailleurs, le SAP observe que les autorités se réfèrent à la jurisprudence du Tribunal fédéral sur la question, or celle-ci n’a pas établi de critères clairs, notamment de critère quantitatif minimal fixe. Le SAP rappelle les principes des organes de contrôle de l’OIT selon lesquels la représentativité doit se fonder sur des critères objectifs et préalablement définis. Cette situation où le gouvernement n’a pas mis en place un système où les critères de représentativité sont définis à l’avance d’une manière transparente contrevient donc aux engagements de ce dernier compte tenu de la ratification par la Suisse des conventions pertinentes de l’OIT sur la liberté syndicale et la négociation collective, mais aussi des principes rappelés par les organes de contrôle, en particulier le Comité de la liberté syndicale et la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
  6. 944. Le SAP demande que le gouvernement prenne toutes les dispositions pour faire cesser les violations et intervienne auprès de La Poste Suisse SA pour qu’elle accepte enfin de négocier la CCT en préparation ou de conclure une convention collective avec le SAP pour ses membres. Le SAP demande en outre au gouvernement d’intervenir pour faire cesser les mesures de discrimination et de pression à l’encontre de ses dirigeants et représentants dans l’entreprise.
  7. 945. Dans sa communication en date du 30 mars 2015, le SAP dénonce le délai prévu par le gouvernement pour répondre à la plainte, à savoir début 2016. Le SAP rappelle que le gouvernement est informé de la situation depuis le recours devant la Commission fédérale de conciliation en décembre 2013. Selon le SAP, il s’agit d’un délai calculé afin de le maintenir hors de la négociation collective en cours avec l’entreprise et ainsi de l’affaiblir par la désaffiliation d’adhérents mécontents de ne pas voir le SAP accéder à la CCT. Le SAP indique être gravement affecté par la désaffiliation d’adhérents.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 946. Dans une communication en date du 6 mai 2016, le gouvernement fournit l’historique du traitement de la plainte et formule ses observations en réponse aux allégations de l’organisation plaignante.
  2. 947. De manière liminaire, le gouvernement rappelle que La Poste Suisse SA constitue l’un des plus grands employeurs de Suisse avec environ 55 000 salariés. L’entreprise, dont le mandat stratégique est fixé par la Confédération qui est son actionnaire majoritaire, est présente sur l’ensemble du territoire suisse. En juin 2013, elle est devenue une société anonyme de droit public sous la raison sociale «La Poste Suisse SA». Ses marchés clés sont exploités par les sociétés stratégiques du groupe, à savoir Poste CH SA, PostFinance SA et CarPostal Suisse SA. Les rapports de service du personnel de l’entreprise sont soumis au régime du droit privé du contrat de travail, à savoir le Code des obligations depuis le 26 juin 2013. Conformément à la loi du 17 décembre 2010 sur l’organisation de La Poste (LOP; RS 783.1), les modalités et la date du passage des rapports de travail des employés de La Poste sous le droit privé ont fait l’objet d’une convention entre les partenaires sociaux le 25 juin 2012. Par ailleurs, la loi du 17 décembre 2010 a également prévu l’obligation pour l’entreprise de négocier une CCT avec les associations du personnel (syndicats de branche). Le gouvernement rappelle enfin que l’entreprise compte 55 000 salariés et que les deux syndicats parties à la CCT avec l’entreprise représentent près de 40 pour cent de l’effectif (15 000 pour Syndicom et 6 000 pour Transfair).
  3. 948. Le gouvernement indique que le SAP faisait état de 600 membres actifs selon un acte notarial de juillet 2014, dont des retraités et des sympathisants qui ne travaillent pas dans l’entreprise. Selon les acteurs de la branche, le SAP n’aurait pas réussi à se développer substantiellement depuis sa création en 2005.
  4. 949. S’agissant de l’historique du traitement du cas, le gouvernement indique que, en date du 17 octobre 2014, le Bureau international du Travail (BIT) a informé le secrétariat à l’économie (SECO) que le SAP avait présenté une plainte devant le Comité de la liberté syndicale contre le gouvernement pour le non-respect des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective. La plainte porte essentiellement sur le refus de La Poste Suisse SA (ci-après l’entreprise) d’intégrer le SAP comme partenaire à la négociation de la nouvelle CCT suite au changement de statut de l’établissement. Le gouvernement observe que la plainte du SAP devant le Comité de la liberté syndicale fait suite à plusieurs procédures judiciaires intentées par le SAP devant les tribunaux nationaux aux mêmes fins. La raison principale du refus de l’entreprise d’intégrer le SAP comme partenaire à la négociation de la nouvelle CCT tient à la représentativité du SAP auprès du personnel qu’elle considère insuffisante tant sur un plan numérique (600 membres sur un total de 55 000 employés) que géographique. Une raison subsidiairement invoquée par l’entreprise renvoie au comportement supposément déloyal du SAP.
  5. 950. L’annonce du BIT a été discutée de manière informelle lors de la séance de la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l’OIT le 17 octobre 2014 à Genève. A cette occasion, les représentants syndicaux nationaux à la commission (Union syndicale suisse, Unia et Travail.Suisse) ont souligné le caractère non représentatif du SAP dans le cadre de la négociation collective au sein de l’entreprise. Dans le cadre des procédures en vigueur en ce qui concerne la présentation de plaintes devant le Comité de la liberté syndicale, le Directeur général du BIT a la possibilité de confier à un représentant de l’Organisation le mandat d’établir des contacts préliminaires avec la partie plaignante et les autorités compétentes du pays concerné afin de recueillir des informations complètes concernant les questions soulevées dans la plainte, d’établir les faits et de rechercher sur place des possibilités de solution (paragraphe 67 des procédures spéciales en vigueur pour l’examen des plaintes en violation de la liberté syndicale). C’est dans ce sens que le SECO a sollicité du BIT une mission de contacts préliminaires à des fins de récolte d’informations auprès des parties, y compris les partenaires sociaux, dans le but de trouver si possible un arrangement à l’amiable. Le Comité de la liberté syndicale ayant accédé à la requête, une mission du Bureau a été entreprise les 11 et 12 décembre 2014 à Lausanne, Vétroz et Berne. La mission a rencontré des représentants du SECO, de l’Office fédéral de la justice et des différents partenaires sociaux impliqués (SAP, La Poste, Syndicom, Union syndicale suisse, Unia, Travail.Suisse, Transfair, Union patronale suisse).
  6. 951. Dans son rapport, la mission a observé que la pratique de la négociation collective en Suisse se fait sans critère quantitatif préétabli en ce qui concerne la représentativité syndicale. Elle a toutefois relevé que la jurisprudence, notamment du Tribunal fédéral, a développé des critères entourant la reconnaissance d’un syndicat comme partenaire social afin de participer à la négociation collective, de conclure une CCT ou d’y adhérer. Ces critères portent sur des conditions de représentativité et de loyauté du syndicat qui sont concrétisées dans chaque cas particulier selon le pouvoir d’appréciation du tribunal. La finalité est de promouvoir une négociation collective efficace. La mission a observé que cette approche pragmatique est reconnue et appréciée par l’ensemble des personnes rencontrées, à l’exception du SAP.
  7. 952. La mission a aussi noté que l’entreprise compte près de 55 000 salariés et que les deux syndicats engagés en vue de conclure des CCT avec la direction représentaient alors près de 40 pour cent de l’effectif (15 000 pour Syndicom et 6 000 pour Transfair), contre 600 membres actifs pour le SAP, soit un pour cent de l’effectif. La mission a noté que la principale revendication du SAP était de pouvoir participer immédiatement à la négociation de la CCT avec la direction. Dans ses conclusions, la mission a constaté qu’il existait un réel désaccord sur la question de la représentation du SAP dans la négociation de la CCT de La Poste qui, compte tenu de la pratique en vigueur en Suisse, pourrait être réglé par les juridictions appropriées. En conséquence, cette question n’ayant pas fait l’objet d’un règlement amiable, le Bureau a porté le cas devant le Comité de la liberté syndicale. En mars 2015, le Bureau a ainsi informé le SECO que la plainte du SAP avait été enregistrée.
  8. 953. S’agissant des différents recours intentés par le SAP, le gouvernement rappelle que, dès le changement de statut de l’entreprise connu, le SAP a demandé à être intégré aux négociations relatives à la conclusion d’une nouvelle CCT. La Poste a refusé cette demande au motif que le SAP n’était pas suffisamment représentatif (1,1 pour cent de représentativité) et manifestait un comportement déloyal (communication en date du 3 avril 2012). Le 29 avril 2013, le SAP a saisi la Post-Com d’une plainte, sollicitant une décision formelle quant à l’obligation de l’entreprise de l’intégrer aux négociations collectives. Le 4 juillet 2013, la Post-Com a décidé de ne «pas donner pour instruction à La Poste de mener des négociations avec le SAP». Le SAP a interjeté recours contre cette décision auprès du TAF le 22 juillet 2013. Dans un arrêt du 13 décembre 2013, le TAF a retenu que la Post-Com n’avait pas la compétence matérielle d’enjoindre l’entreprise d’intégrer un syndicat à des négociations collectives et que cette autorité n’aurait donc pas dû entrer en matière sur la plainte du SAP. En conséquence, le TAF a annulé la décision du 4 juillet 2013 de la Post-Com et a rejeté le recours du SAP pour le surplus. Par la suite, et toujours dans le but d’obtenir son intégration comme partenaire à la négociation de la CCT de l’entreprise, le SAP a saisi l’Office fédéral de conciliation. La procédure de conciliation a échoué le 9 septembre 2014. Le SAP a ensuite interjeté recours contre la décision du TAF devant le Tribunal fédéral. Ce dernier, par un arrêt du 22 mars 2015, a confirmé la décision du TAF et débouté la demande du SAP. Le 26 juin 2015, le SAP a saisi le Tribunal civil de Bern-Mitteland pour atteinte à sa personnalité juridique. L’audience de conciliation, qui a eu lieu en octobre 2015, n’a pas abouti. Le SAP a par la suite renoncé à ouvrir une action dans le délai légal prévu à cet effet.
  9. 954. Le gouvernement précise que, durant la période précitée, le dialogue a été maintenu entre l’entreprise et le SAP. L’entreprise a en effet accordé au SAP certaines facilités dans l’optique qu’il puisse se développer (2010: rencontres informatives trimestrielles entre les représentants des deux parties, droit d’utilisation des panneaux d’affichage interne, transmission au SAP des adresses des nouveaux collaborateurs; 2013: droit de rencontrer les nouveaux apprentis).
  10. 955. S’agissant de la détermination de la représentativité selon le système suisse, le gouvernement indique tout d’abord que la liberté syndicale est consacrée à l’article 28 de la Constitution fédérale (RS 101). Cette disposition constitutionnelle prévoit que les travailleurs, les employeurs et leurs organisations ont le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d’y adhérer ou non. La jurisprudence et la doctrine distinguent la liberté syndicale individuelle de la liberté syndicale collective. La liberté syndicale individuelle donne au particulier le droit de contribuer à la création d’un syndicat, d’adhérer à un syndicat existant ou de participer à son activité, ainsi que celui de ne pas y adhérer ou d’en sortir. Quant à la liberté syndicale collective, elle garantit au syndicat la possibilité d’exister et d’agir en tant que tel, c’est-à-dire de défendre les intérêts de ses membres. Elle implique notamment le droit de participer à des négociations collectives et de conclure des conventions collectives.
  11. 956. Le gouvernement précise qu’un syndicat est constitué sous la forme d’une association au sens des articles 60 et suivants du Code civil suisse (CCS; RS 210). Cependant, en Suisse, il n’existe pas de procédure d’enregistrement ni de reconnaissance des syndicats pour déterminer leur représentativité. L’appréciation de la représentativité d’un syndicat se fait au cas par cas et selon les conditions précisées par la jurisprudence du Tribunal fédéral. A cet égard, la jurisprudence en matière de représentativité a été formulée et confirmée dans plusieurs arrêts du Tribunal fédéral. Le gouvernement se réfère en particulier à l’arrêt 2C 701/2013 du Tribunal fédéral en date du 26 juillet 2014 (Union du personnel du domaine des EPF c. Conseil des Ecoles polytechniques fédérales; EPF). Cet arrêt portait sur la question de savoir si un syndicat devait être reconnu comme partenaire social du domaine des Ecoles polytechniques fédérales (EPF). Le Conseil des EPF avait fixé notamment des exigences d’effectifs des membres du syndicat pour être représentatif et conclu que le syndicat ne pouvait pas être reconnu comme partenaire social fiable. Dans son arrêt, le Tribunal fédéral a appliqué le droit constitutionnel suisse. En l’espèce, le syndicat ayant intenté le recours a eu gain de cause dans la mesure où le Tribunal fédéral a reconnu qu’il satisfaisait à des conditions de représentativité suffisantes pour participer à la négociation collective au sein des EPF.
  12. 957. Dans son arrêt, le Tribunal fédéral a rappelé un certain nombre de principes: i) le droit d’exercer la liberté syndicale collective sous la forme d’une participation à des négociations collectives, de la conclusion de conventions collectives ou de l’adhésion à de telles conventions ne peut être d’emblée ouvert à tout syndicat sans restriction. Une telle situation pourrait aboutir à une trop grande multiplication des acteurs sociaux, ce qui serait de nature à nuire à la qualité et à l’efficacité du dialogue social, ainsi qu’à la conclusion de conventions collectives, alors que cet instrument est considéré, avec l’autonomie des partenaires sociaux, comme un élément central du droit collectif du travail en Suisse. C’est pour cette raison que seul un syndicat reconnu comme partenaire social peut se prévaloir d’un droit à entrer dans le dialogue social en invoquant l’article 28 Cst; ii) les conditions de reconnaissance d’un syndicat ont été développées par la jurisprudence rendue en droit privé, selon laquelle un syndicat doit être reconnu comme partenaire social afin de participer à des négociations collectives, de conclure une convention collective ou d’y adhérer, même sans l’accord de l’employeur ou des autres partenaires sociaux, s’il est suffisamment représentatif et qu’il se comporte loyalement, sous peine de violer ses droits de la personnalité. En particulier, un syndicat minoritaire ne peut être écarté s’il est suffisamment représentatif; iii) la doctrine a systématisé cette jurisprudence en énonçant quatre conditions qu’un syndicat doit cumulativement remplir pour être reconnu comme partenaire social, à savoir: 1) avoir la compétence de conclure des conventions collectives («Tarifahigkeit»); 2) avoir la compétence à raison du lieu et de la matière; 3) être suffisamment représentatif (condition de la représentativité); et 4) faire preuve d’un comportement loyal (condition de la loyauté); iv) sous l’angle de la liberté syndicale, la jurisprudence du Tribunal fédéral envisage également la représentativité et la loyauté comme des conditions qu’un syndicat doit remplir pour être reconnu comme partenaire social; v) le fait de limiter la qualité de partenaire social aux syndicats qui remplissent des conditions de représentativité et de loyauté ne constitue pas une atteinte à la liberté syndicale qui emporterait l’obligation de respecter les exigences de l’article 36 Cst (restriction des droits fondamentaux). Les conditions de représentativité et de loyauté doivent au contraire être comprises comme des conditions inhérentes à la notion de partenaire social, qu’un syndicat doit remplir pour pouvoir revendiquer cette qualité; vi) les conditions de représentativité et de loyauté sont des notions juridiquement indéterminées, qui doivent être concrétisées dans chaque cas particulier par usage du pouvoir d’appréciation; vii) en ce qui concerne la condition de représentativité, le pouvoir d’appréciation est correctement mis en œuvre si des critères adéquats et raisonnables sont utilisés. Ces critères doivent être suffisamment larges pour admettre dans le dialogue social des syndicats minoritaires, de manière à favoriser un certain pluralisme dans l’expression des voix syndicales, sans pour autant conduire à admettre tout syndicat minoritaire comme partenaire social, sous peine de nuire à l’efficacité du dialogue social. Il est ainsi nécessaire que le syndicat soit le porte-parole d’une minorité et non pas constitué de membres isolés. A cet égard, le Tribunal fédéral n’a pas fixé de seuil quantitatif minimal applicable de manière générale pour déterminer si un syndicat minoritaire est représentatif. Il a en revanche retenu, dans un cas d’espèce, qu’un syndicat comprenant sept pour cent des travailleurs de l’entreprise était suffisamment représentatif et que, si l’on voulait le nier, ce syndicat devrait tout de même être reconnu de par son importance évidente au plan national. D’une part, un syndicat n’a pas besoin de représenter une forte minorité pour être représentatif et, d’autre part, un syndicat non représentatif dans l’entreprise concernée, mais qui jouit d’une représentativité suffisante au niveau cantonal ou fédéral doit également être reconnu comme partenaire social. La représentativité d’un syndicat doit également être examinée compte tenu de la structure particulière de l’entreprise ou de l’institution publique par laquelle il demande à être reconnu comme partenaire social; viii) les critères de représentativité peuvent être codifiés par l’employeur dans un document de portée générale; si l’employeur est une collectivité publique ou un établissement de droit public, ils peuvent, même si cela n’est pas indispensable, être prévus dans une base légale, formelle ou matérielle; ix) concernant la condition de loyauté, elle implique que le syndicat concerné se déclare prêt à respecter toutes les obligations découlant de la CCT et, de manière générale, qu’il soit un partenaire social digne de confiance. Le syndicat doit se montrer comme un interlocuteur fiable et de bonne foi. Tel n’est en particulier pas le cas s’il entrave les négociations collectives de manière abusive ou s’il porte des accusations abusives à l’encontre des autres partenaires sociaux; x) la condition de loyauté a trait au comportement du syndicat avec les autres partenaires sociaux; en particulier, un syndicat ne peut être qualifié de déloyal au seul motif qu’il est en litige avec certains de ses membres ou de ses anciens membres, de tels litiges n’ayant pas de lien avec le comportement du syndicat en tant que partenaire social; et xi) la condition de loyauté, qui est une des modalités de la bonne foi, doit être considérée comme présumée. En conséquence, si un syndicat demandant à être reconnu comme partenaire social se déclare prêt à respecter les obligations découlant de la CCT ou, plus largement, l’obligation de se comporter comme un partenaire social digne de confiance et qu’il remplit par ailleurs les autres conditions de reconnaissance, l’employeur ne peut alors en principe pas refuser de le reconnaître, sauf s’il apporte la preuve que la condition de loyauté n’est pas réalisée en raison de comportements passés de nature à faire sérieusement craindre qu’il n’agirait pas de manière loyale dans le dialogue social.
  13. 958. Le gouvernement déclare que le SAP est un syndicat minoritaire de la branche, qui représente environ un pour cent des salariés de l’entreprise, alors que les autres syndicats (Syndicom et Transfair) représentent respectivement près de 28 pour cent et 11 pour cent du personnel. L’entreprise ne souhaite pas intégrer le SAP aux négociations de la CCT clairement en raison de son manque de représentativité numérique et géographique en plus de son comportement jugé déloyal. L’entreprise a néanmoins mené d’intenses consultations avec le SAP pour lui accorder un certain nombre de facilités afin de permettre son développement (rencontres trimestrielles avec des représentants de la direction, droit d’utilisation des panneaux d’affichage interne, transmission des adresses des nouveaux collaborateurs, droit de rencontrer les nouveaux apprentis). Enfin, le gouvernement rappelle que le SAP a disposé de toutes les garanties juridiques et des voies judiciaires et administratives de recours pour faire valoir ses droits, jusqu’à la juridiction suprême, à savoir le Tribunal fédéral.
  14. 959. Même si, en Suisse, les critères de représentativité sont fixés par la jurisprudence du Tribunal fédéral et non pas par la loi, le gouvernement est d’avis qu’il s’agit de critères objectifs établis pour éviter toute possibilité de partialité et d’abus. Il n’est ni souhaitable, ni judicieux de fixer des critères de représentativité dans la législation nationale. Le gouvernement rappelle à cet égard que le Tribunal fédéral affirme lui-même qu’une base légale, formelle ou matérielle, peut certes être prévue mais n’est pas indispensable, même si l’employeur est une collectivité publique ou un établissement de droit public.
  15. 960. En conclusion, le gouvernement considère que la législation et la pratique nationales en ce qui concerne la détermination des critères de représentativité syndicale sont pleinement en adéquation avec les exigences découlant des conventions de l’OIT portant sur le droit de négociation collective, en particulier les conventions nos 98 et 154 ratifiées par la Suisse.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 976. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à considérer que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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