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Rapport définitif - Rapport No. 380, Octobre 2016

Cas no 3138 (République de Corée) - Date de la plainte: 18-JUIN -15 - Clos

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Allégations: Les plaignants allèguent que le gouvernement encourage la révision de conventions collectives en vigueur contenant des dispositions qu’il juge illégales ou déraisonnables

  1. 349. La plainte figure dans une communication conjointe en date du 18 juin 2015 émanant de la Confédération syndicale internationale (CSI), de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) et de la Fédération des syndicats coréens (FKTU).
  2. 350. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 3 juin 2016.
  3. 351. La République de Corée n’a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 352. Dans leur communication conjointe en date du 18 juin 2015, la CSI, la KCTU et la FKTU allèguent que, le 15 avril 2015, le ministre de l’Emploi et du Travail a annoncé un plan officiel visant à promouvoir la révision de centaines de conventions collectives actuellement en vigueur contenant des dispositions que le gouvernement juge soit «illégales», soit «déraisonnables». A cet égard, les organisations plaignantes précisent qu’elles ne contestent pas les efforts que fait le gouvernement pour éliminer les dispositions «illégales» portant sur des questions telles que le recrutement des travailleurs par le biais de programmes de recrutement spéciaux, y compris le recrutement de membres de la famille de syndicalistes, et qui sont mises en cause par le gouvernement, car elles portent atteinte à l’égalité des droits garantie par la Constitution.
  2. 353. Toutefois, s’agissant des dispositions réputées «déraisonnables», les plaignants indiquent que le gouvernement cible des dispositions librement négociées qui donnent aux syndicats la possibilité de faire entendre leur voix lors de la prise de décisions par la direction, notamment en cas de licenciement, de redéploiement des effectifs et de recrutement. Les plaignants font savoir que, selon le ministère de l’Emploi et du Travail (MOEL), 29,4 pour cent des 727 entreprises faisant l’objet de l’étude ont besoin de l’accord d’un syndicat avant de procéder à un redéploiement de leurs effectifs, tandis que 17,2 pour cent d’entre elles en ont besoin pour procéder à des licenciements.
  3. 354. Les plaignants expliquent que, le 20 avril 2015, les fonctionnaires du ministère ont commencé à se pencher sur les conventions collectives d’environ 3 000 entreprises employant chacune une centaine de travailleurs ou plus dans le pays, afin de déterminer si ces conventions collectives contiennent ou non des dispositions illégales ou déraisonnables. Selon les plaignants, le ministère se proposait de demander instamment à la direction et aux syndicats de réviser volontairement les dispositions des conventions collectives illégales et/ou déraisonnables avant la fin de juillet 2015, et il promettait des mesures incitatives telles que de futurs programmes de soutien des partenariats direction-travailleurs ou d’autres prestations à ceux qui réviseraient volontairement ces dispositions illégales ou déraisonnables. Les plaignants allèguent que ceux qui n’avaient pas révisé les accords collectifs à la fin de juillet 2015 devaient recevoir une ordonnance de rectification du ministère et que ceux qui n’avaient pas révisé les dispositions illégales d’une manière appropriée se verraient infliger une amende; cependant, aucune ordonnance de rectification n’a été émise concernant les dispositions déraisonnables, car elles ne sont pas illégales. Le ministère prévoyait aussi de donner des directives en matière de négociation collective afin que les futures conventions collectives ne contiennent plus aucune disposition illégale ou déraisonnable.
  4. 355. Les plaignants font valoir que la position du gouvernement selon laquelle les dispositions de conventions collectives librement négociées précisant que la direction doit consulter les syndicats concernant la prise de décisions en matière de personnel sont déraisonnables est contraire à la jurisprudence coréenne en matière de négociation collective. Les plaignants font référence à plusieurs cas dans lesquels la Cour suprême a estimé que, s’agissant de dispositions prévoyant le consentement des syndicats en matière de mesures disciplinaires, si une convention collective contient des dispositions aux termes desquelles «les mesures relatives à des questions de personnel affectant des dirigeants syndicaux doivent être prises en accord avec le syndicat», toute mesure disciplinaire prise sans cet accord est en principe nulle et non avenue.
  5. 356. Les plaignants font observer que le principe de négociation collective selon lequel les gouvernements ne devraient pas intervenir pour modifier le contenu des conventions collectives est un principe fondamental, et ils font référence à cet égard au paragraphe 215 de l’étude d’ensemble de 2012 de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, aux paragraphes 881, 912, 913 et 1001 du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, ainsi qu’aux cas suivants examinés par le comité: nos 1897 (Japon), 1951 (Canada), 2178 (Danemark) et 2326 (Australie).
  6. 357. Les organisations plaignantes concluent en indiquant que les mesures prises par le pouvoir exécutif ou le pouvoir législatif pour limiter le champ d’application de la négociation collective sont contraires à la convention no 98. Elles estiment que, dans le présent cas, le gouvernement a lancé une campagne publique pour supprimer des dispositions dont même les tribunaux de la République de Corée avaient jugé qu’elles constituaient des sujets légitimes de négociation. Quant aux dispositions réputées «déraisonnables», le gouvernement offre des incitations pour encourager les entreprises à faire pression sur les syndicats dans le but de leur faire accepter des modifications. Les organisations plaignantes estiment que, en demandant instamment aux employeurs de ne pas accepter certains termes négociés, le gouvernement affaiblit le pouvoir de l’une des parties du système des relations professionnelles, ce qui constitue une ingérence illégale dans la libre négociation collective entre les parties. Le plan annoncé affectera les négociations à venir sur les lieux de travail, détruira le principe des relations professionnelles autonomes et constituera une menace contre la paix sociale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 358. Dans sa communication en date du 3 juin 2016, le gouvernement de la République de Corée explique que, en République de Corée, les droits fondamentaux des travailleurs tels que la liberté syndicale, la négociation collective et l’action collective sont garantis par la Constitution et par la législation. En vertu de l’article 33.1 de la Constitution, «aux fins d’améliorer les conditions de travail, les travailleurs jouissent du droit d’association, du droit de négociation collective et du droit de grève». La loi fondée sur cette disposition, à savoir la loi sur les syndicats et l’harmonisation des relations de travail (TULRAA), garantit les droits syndicaux fondamentaux: les travailleurs ont le droit de constituer librement des organisations syndicales (droit d’association); les syndicats peuvent négocier collectivement avec la direction concernant leurs conditions de travail, pour autant que cette négociation ne viole pas la loi (droit de négociation collective); et les travailleurs peuvent engager une action collective, y compris la grève, après avoir recouru à la médiation, si les efforts de négociation collective ont échoué (droit d’engager une action collective). La section 30 de la loi TULRAA garantit le principe de la négociation autonome: «un syndicat et un employeur ou une organisation d’employeurs peuvent négocier une convention collective l’un avec l’autre en toute bonne foi et sincérité et en s’abstenant d’abuser de leur pouvoir».
  2. 359. Le gouvernement souligne qu’il respecte la validité des conventions collectives, et il est convaincu que les parties peuvent négocier librement et conclure un accord collectif sur toutes questions qu’elles jugent opportunes telles que les salaires, le temps de travail et autres conditions de travail. Cependant, les conventions collectives librement négociées ne devraient pas violer la Constitution non plus que la législation en vigueur. A cet égard, la section 31.3 de la loi TULRAA prévoit que les autorités administratives peuvent délivrer une ordonnance de rectification en vertu de la résolution prise par la Commission des relations professionnelles concernant toute disposition illégale dans une convention collective. Pour ce qui est des dispositions «illégales», le gouvernement estime, par exemple, que les dispositions des conventions collectives relatives au recrutement spécial ou préférentiel des enfants des syndicalistes sont illégales, car elles sont contraires au «principe de l’égalité» consacré par la Constitution et parce qu’elles violent la section 7 de la loi-cadre sur la politique de l’emploi, ainsi que la loi sur la sécurité de l’emploi qui garantit l’égalité de chances dans l’emploi en matière d’opportunité. Le gouvernement considère en outre qu’une disposition relative à la «négociation avec un syndicat unique» est illégale elle aussi, car elle vise à empêcher l’employeur de négocier avec des syndicats autres que la partie adverse dans le cadre de la convention collective, en violation de la liberté de constituer des syndicats qui est pourtant garantie. Par ailleurs, toute convention collective qui ne respecte pas les conditions de travail statutaires est illégale. Par exemple, une convention collective prévoyant que tout travailleur ayant un enfant âgé de «six ans au maximum» a droit à un congé pour garde d’enfant serait illégale, car la législation pertinente a été révisée en vue d’octroyer ce droit aux travailleurs ayant un enfant âgé de «huit ans au maximum». Par conséquent, toutes les dispositions illégales devraient être révisées, la responsabilité en incombe au syndicat et à la direction et le gouvernement a le devoir quant à lui d’encourager les parties à prendre les mesures correctives appropriées en délivrant une ordonnance de rectification en vertu de la section 31.3 de la loi TULRAA. Si une partie s’estime lésée, elle peut déposer une plainte administrative contre une ordonnance de rectification.
  3. 360. Le gouvernement indique que, en 2014, il a demandé à l’Institut coréen du travail d’entreprendre une étude sur les conventions collectives. Selon cette étude, 47 pour cent des conventions collectives violaient la Constitution, car elles prévoyaient un syndicat unique pour la négociation, même après l’introduction du principe du pluralisme; 30,4 pour cent d’entre elles contenaient des dispositions relatives à l’emploi spécial pour les enfants des retraités, en violation de la disposition qui garantit l’égalité en matière de perspectives d’emploi en vertu de la loi-cadre sur la politique de l’emploi; et 24,9 pour cent des conventions collectives contenaient des dispositions interdisant toute réaffectation et tout transfert de syndicalistes sans le consentement de leur syndicat.
  4. 361. Le gouvernement dit que la Cour suprême a statué que, même si les décisions très importantes de la direction ne sont pas assujetties à la convention collective en principe, les partenaires sociaux peuvent négocier collectivement et conclure des accords collectifs sur toutes questions de leur choix, y compris sur celles qui relèvent des droits de la direction. La Cour suprême a également jugé que:
    • – La restructuration d’une entreprise par le biais de licenciements ou de fusions entre équipes commerciales, par exemple, fait partie des décisions très importantes que la direction peut être amenée à prendre et qui ne doivent pas en principe faire l’objet de négociation collective; cependant, même une question relevant des droits de l’employeur en matière de gestion peut faire l’objet d’une négociation collective et de la conclusion d’un accord collectif entre travailleurs et employeur/direction, s’ils en décident ainsi (décision 2011DU20406 de la Cour suprême, etc.).
    • – Si, dans une convention collective, une disposition requiert de l’employeur qu’il conclue un «accord» avec le syndicat sur des questions relevant des droits de la direction et outrepassant par conséquent le champ d’application de la négociation collective, cette disposition unique ne devrait pas être interprétée comme signifiant que l’employeur renonce à une partie de ses droits ou qu’il accepte de les voir considérablement réduits; quant au sens du terme «accord» précisé dans la disposition, il devrait être interprété à la lumière d’un examen complet visant à vérifier que le syndicat partage aussi les responsabilités de la direction, en se fondant sur le principe selon lequel les droits vont de pair avec les responsabilités, sur les détails et circonstances qui ont conduit à la signature d’une telle convention collective et sur la relation de cette disposition avec d’autres dispositions de la convention collective (décision 2010D011030 de la Cour suprême, etc.).
    • – En principe, toute décision en matière de personnel prise en dehors du processus d’approbation précisé dans la convention collective est nulle et non avenue. Cependant, l’idée est de limiter les mesures disciplinaires injustes qui pourraient être prises contre les dirigeants syndicaux, et non pas de refuser à l’employeur l’exercice de son droit de prendre des mesures disciplinaires qui reste l’un de ses droits fondamentaux. Par conséquent, cela ne signifie pas que l’accord du syndicat est nécessaire dans tous les cas où l’employeur doit exercer son droit de prendre des mesures disciplinaires (décision 2001DU3136 de la Cour suprême, prononcée le 10 juin 2003).
  5. 362. Le gouvernement estime que, contre une convention collective qui viole les droits fondamentaux de la direction en vertu de la législation coréenne, il peut tout au plus recommander aux parties d’améliorer leurs conventions collectives de manière autonome et les convaincre de le faire; il n’a pas la possibilité de les y contraindre. Il observe également que, bien que le Comité de la liberté syndicale ait insisté sur le principe de la négociation volontaire, il a également conclu que, si un gouvernement souhaite que les dispositions d’une convention collective soient adaptées à la politique économique du pays, il doit essayer d’amener les parties à prendre en compte volontairement ces considérations, sans leur imposer la renégociation, et il se réfère à cet égard aux paragraphes 933 et 1008 du Recueil, op. cit. En outre, le gouvernement souligne que les organisations plaignantes reconnaissent aussi que toutes dispositions illégales, par exemple celles qui sont contraires à la Constitution ou à la législation, doivent être modifiées.
  6. 363. Le gouvernement estime que les plaignants décrivent sa position d’une manière inexacte et, à cet égard, il réitère son opinion selon laquelle les conventions collectives devraient être respectées en principe, à moins que leur contenu ne soit illégal. Le gouvernement explique également qu’il est inexact de dire qu’il ne reconnaît pas les dispositions en vertu desquelles «toute mesure disciplinaire prise contre des dirigeants syndicaux devrait l’être en accord avec le syndicat». Au contraire, le gouvernement soutient que, si un employeur qui est partie à une telle convention collective prend des mesures disciplinaires à l’égard d’un dirigeant syndical sans le consentement préalable du syndicat, ces mesures disciplinaires sont évidemment nulles et non avenues. Cependant, selon le gouvernement, certains syndicats coréens font obstruction et s’opposent systématiquement à l’exercice, par les employeurs, de leurs droits d’administrer et de gérer leur personnel et leurs entreprises, même lorsqu’ils agissent en toute légitimité. Par exemple, certains syndicats s’opposent à toutes mesures disciplinaires, même lorsque l’employeur fait en sorte de les consulter pleinement et invoque un motif irréfutable pour prendre de telles mesures, comme la confirmation par un tribunal d’une peine prononcée à l’encontre d’un dirigeant syndical qui a commis un acte illégal. Dans ce type de cas, si l’employeur n’est pas autorisé à prendre des mesures disciplinaires sans le consentement du syndicat, il se trouve dans l’impossibilité d’exercer ses droits d’administrer son propre personnel. Cette situation inquiète le gouvernement, car les conventions collectives dotées de telles dispositions peuvent non seulement entraîner une gestion inefficace des ressources humaines, mais aussi mettre en danger la survie des entreprises.
  7. 364. Le gouvernement indique que les syndicats peuvent intervenir de plusieurs manières dans l’exercice des droits des employeurs d’administrer leur personnel et de gérer leurs entreprises: ainsi, ils peuvent demander à l’employeur de les consulter sur les questions d’administration du personnel (mesures disciplinaires, transferts et réaffectations de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes) ou concernant la gestion de l’entreprise (décider entre la délocalisation d’une usine ou l’adoption de nouvelles technologies, par exemple), et les syndicats peuvent aussi empêcher l’employeur d’exercer ses droits d’administrer le personnel et de gérer son entreprise sans leur consentement préalable. Par conséquent, le gouvernement estime que le champ d’intervention des syndicats peut être décidé dans le cadre des conventions collectives sans qu’il soit porté atteinte aux droits des employeurs d’administrer leur personnel ou de gérer leurs entreprises. En effet, ces droits peuvent avoir une incidence sur les conditions de travail des salariés. Par exemple, si une usine est délocalisée dans une autre région, les salariés auront besoin d’argent pour leur relocalisation et de mesures facilitant leur installation dans le nouvel endroit. Dans ce type de cas, le gouvernement estime que l’employeur doit consulter pleinement le syndicat ou les salariés et n’exercer ses droits en matière de gestion qu’après avoir pleinement consulté le syndicat afin de promouvoir des relations travailleurs-direction raisonnables.
  8. 365. Pour conclure, le gouvernement estime que les partenaires sociaux seraient bien inspirés d’améliorer, par le biais d’une renégociation volontaire, les conventions collectives qui contiennent des dispositions déraisonnables. Il encourage donc vivement les partenaires sociaux à agir dans ce sens, car il est convaincu que cette démarche sera bénéfique aux deux parties et les aidera à édifier des relations professionnelles raisonnables, favorables au développement de chacune. Le gouvernement estime qu’il n’est pas illégal de demander à un employeur de consulter les syndicats avant d’exercer ses droits en matière d’administration de personnel et de gestion de l’entreprise; au contraire, le gouvernement encourage la consultation conformément à la loi sur la promotion de la participation et de la coopération des travailleurs. Le gouvernement indique que la législation nationale et les précédents judiciaires, ainsi que les conventions de l’OIT, montrent que l’essence même de l’administration du personnel et de la gestion des entreprises ne saurait être compromise par des dispositions de conventions collectives tendant à les limiter. Le gouvernement est convaincu qu’il peut conseiller et persuader les partenaires sociaux d’améliorer leurs conventions collectives par le biais de la renégociation volontaire, et non par la contrainte, dans l’intérêt des deux parties. Le gouvernement estime que cette proposition n’est pas du tout contraire à la convention no 98.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 366. Le comité note que les plaignants en l’espèce allèguent que le gouvernement encourage la révision des conventions collectives contenant des dispositions qu’il juge «illégales» ou «déraisonnables».
  2. 367. Le comité comprend, selon les explications données par le gouvernement et les organisations plaignantes, que les dispositions «illégales» sont des dispositions qui sont contraires à la législation nationale en vigueur. Il note en outre les explications des plaignants selon lesquelles les syndicats ne contestent pas les efforts du gouvernement visant à éliminer de telles dispositions.
  3. 368. Concernant les dispositions réputées «déraisonnables», le comité note que ce sont des dispositions qui ont un impact sur certains droits de la direction et, notamment, celles qui font obligation à l’employeur de consulter le syndicat pour obtenir son accord concernant certaines questions telles que les mesures disciplinaires imposées à un travailleur, les licenciements, les mises à pied, les délocalisations des entreprises, etc. Le comité note que, d’une part, le gouvernement estime que toutes les dispositions des conventions collectives librement négociées, y compris celles qui portent atteinte aux prérogatives de la direction, sont contraignantes et doivent être respectées. D’autre part, le gouvernement estime que ces dispositions sont déraisonnables parce que, à son avis, elles pourraient engendrer des situations dans lesquelles les directeurs ne peuvent exercer pleinement leurs droits de gestion, par exemple une situation dans laquelle un syndicat évite d’être consulté ou refuse de donner son accord concernant un licenciement, même lorsque la faute du travailleur a été clairement démontrée. Le gouvernement estime que ce type de disposition constitue un risque non seulement pour la gestion efficace de l’entreprise, mais encore pour sa survie.
  4. 369. S’agissant de l’argument mis en avant par le gouvernement, le comité comprend que la préoccupation du gouvernement n’est pas tant l’existence d’une telle disposition que sa mise en pratique, et il rappelle que le respect mutuel des engagements pris dans les accords collectifs est un élément important du droit de négociation collective et doit être sauvegardé pour fonder des relations professionnelles sur des bases solides et stables. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, paragr. 940.] Cela revient à dire qu’un syndicat qui est partie à une convention collective contenant une disposition qui requiert son approbation pour qu’une mesure disciplinaire puisse être prise contre un syndicaliste doit être consulté conformément aux dispositions pertinentes et compte tenu de l’interprétation du tribunal compétent en cas de désaccord. Le comité note que, comme l’a expliqué le gouvernement, la Cour suprême de la République de Corée semble avoir traité plusieurs de ces cas et trouvé un équilibre entre la protection des syndicalistes contre des mesures disciplinaires injustifiées et le droit des directeurs d’entreprise de prendre de telles mesures; il existe donc une jurisprudence établie à cet égard.
  5. 370. Le comité note l’explication du gouvernement selon laquelle il n’exige pas des partenaires sociaux qu’ils renégocient l’accord, mais il leur conseille et tente de les persuader de le faire sur une base volontaire. Le comité note l’allégation des plaignants, qui n’est pas contestée par le gouvernement, selon laquelle le gouvernement recourt à des incitations diverses à cette fin. Le comité note que le gouvernement estime que ses actions ne portent pas atteinte au principe de la négociation libre et volontaire et qu’il les justifie en se référant aux paragraphes suivants du Recueil, op. cit.:
    • 933. Si certaines règles et procédures peuvent faciliter le déroulement de la négociation collective et contribuer à sa promotion et si certaines mesures peuvent faciliter aux parties l’accès à certaines informations, par exemple, sur la situation économique de leur unité de négociation, sur les salaires et les conditions de travail dans certaines unités voisines et sur la situation économique générale, toutes les législations qui instituent des organismes et des procédures de médiation et de conciliation destinés à faciliter la négociation entre partenaires sociaux doivent sauvegarder l’autonomie des parties à la négociation. En conséquence, au lieu de conférer aux autorités publiques des pouvoirs d’assistance active, voire d’intervention, leur permettant de faire prévaloir leur point de vue, il convient de faire en sorte de convaincre les parties à la négociation de tenir compte de leur propre gré des raisons majeures de politiques économiques et sociales d’intérêt général évoquées par le gouvernement.
    • […]
    • 1008. La suspension ou la dérogation; – par voie de décret, sans l’accord des parties – de conventions collectives librement conclues est contraire aux principes de la libre négociation collective volontaire consacrés par l’article 4 de la convention no 98. Si un gouvernement souhaite que les dispositions d’une convention collective soient adaptées à la politique économique du pays, il doit essayer d’amener les parties à prendre en compte volontairement ces considérations, sans leur imposer la renégociation des conventions collectives en vigueur.
  6. 371. Le comité estime qu’il faut distinguer entre, d’une part, la situation dans laquelle le gouvernement souhaite que les dispositions d’une négociation collective soient adaptées aux politiques économiques et sociales d’un pays, par exemple les politiques d’intérêt général, et, d’autre part, la situation dans laquelle seuls les intérêts des parties à la convention collective sont en jeu. Dans ce dernier cas, le comité estime que toute tentative visant à influencer les partenaires sociaux concernant les questions qui devraient être ou ne pas être couvertes par la négociation collective dans le but de favoriser l’une des parties irait à l’encontre du principe de l’autonomie des partenaires dans la négociation, et il rappelle à cet égard que la négociation volontaire des conventions collectives, et donc l’autonomie des partenaires sociaux à la négociation, constitue un aspect fondamental des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 925.] Le comité regrette que le gouvernement ait apparemment proposé des incitations en vue de l’introduction de changements dans les conventions collectives dans des domaines qui devraient relever de l’autonomie des partenaires à la négociation; le comité demande au gouvernement de bien vouloir s’abstenir de telles actions à l’avenir. Cependant, le comité considère que la mise au point et l’adoption, dans un cadre tripartite, de directives en matière de négociation collective constitueraient une méthode appropriée pour garantir un cadre efficace au sein duquel les préoccupations légitimes liées au processus de négociation pourraient être dûment prises en compte. Le comité s’attend à ce que toutes directives de cette nature soient le résultat d’une consultation tripartite pleine et entière.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 372. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité prie le gouvernement de bien vouloir s’abstenir à l’avenir de toute action visant à favoriser l’introduction de changements dans des conventions collectives, dans des domaines qui doivent continuer de relever de l’autonomie des partenaires à la négociation. Le comité s’attend à ce que toutes directives qui seraient mises au point en matière de négociation collective soient le résultat d’une consultation tripartite pleine et entière.
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