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Rapport intérimaire - Rapport No. 380, Octobre 2016

Cas no 3184 (Chine) - Date de la plainte: 15-FÉVR.-16 - Actif

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Allégations: Arrestation et détention de huit conseillers et parajuristes qui ont fourni des services de soutien à des travailleurs et à leurs organisations en vue du règlement de conflits collectifs et/ou individuels du travail, et ingérence de la police dans des conflits collectifs du travail

  1. 193. La plainte figure dans une communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) en date du 15 février 2016. La CSI a fourni des informations complémentaires dans une communication en date du 10 octobre 2016.
  2. 194. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date du 24 mai et du 26 octobre 2016.
  3. 195. La Chine n’a ratifié ni la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 196. Dans ses communications en date du 15 février 2016 et du 10 octobre 2016, la CSI allègue que, les 3 et 4 décembre 2015, sept conseillers et parajuristes de quatre organisations de défense des travailleurs de la ville de Guangzhou, province de Guangdong – M. He Xiaobo, M. Zeng Feyiang, M. Meng Han, Mme Zhu Xiaomei, M. Deng Xiaoming, M. Peng Jiayong et M. Tang Huanxing (également connu sous le nom de Tang Jian) – ont été arrêtés et détenus lors d’une vague de répression. De plus, la CSI croit que M. Chen Huihai, directeur du Centre de services aux travailleurs Haige, a été placé sous surveillance par les autorités chargées de la sécurité publique pendant plusieurs jours et a été forcé de se cacher. Selon la CSI, le 8 juin 2016, quatre militants – M. Zeng Feiyang, Mme Zhu Xiaomei, M. Tang Huanxing et M. Meng Han – ont été officiellement inculpés pour rassemblement public en vue de troubler l’ordre social. Trois d’entre eux ont été condamnés le 26 septembre 2016. Monsieur Meng Han est le seul encore en prison (voir tableau ci dessous).
    • NomDate de l’arrestationChef d’accusationOrganisation
      1.M. He Xiaobo04.12.2015

      Libéré sous caution le 07.04.2016 dans l’attente d’une enquête plus approfondie qui pourrait durer jusqu’à douze mois.
      DétournementDirecteur, Centre de services sociaux Nan Fei Yan
      2.M. Zeng Feyiang04.12.2015

      Le 08.06.2016, officiellement inculpé pour rassemblement public en vue de troubler l’ordre social. Le 26.09.2016, condamné à trois ans de prison, avec quatre ans de sursis.
      Rassemblement public en vue de troubler l’ordre socialDirecteur, Centre de services aux travailleurs de Panyu
      3.M. Meng Han04.12.2015

      Le 08.06.2016, officiellement inculpé pour rassemblement public en vue de troubler l’ordre social. Encore en prison.
      Rassemblement public en vue de troubler l’ordre socialEmployé, Centre de services aux travailleurs de Panyu
      4.Mme Zhu Xiaomei04.12.2015

      Le 08.06.2016, officiellement inculpée pour rassemblement public en vue de troubler l’ordre social. Le 26.09.2016, condamnée à dix-huit mois de prison, avec deux ans de sursis.
      Rassemblement public en vue de troubler l’ordre socialCoordonnatrice, Centre de services aux travailleurs de Panyu
      5.M. Deng Xiaoming04.12.2015

      Libéré sous caution le 01.02.2016 dans l’attente d’une enquête plus approfondie qui pourrait durer jusqu’à douze mois.
      Rassemblement public en vue de troubler l’ordre socialEmployé, Centre de services aux travailleurs Haige
      6.M. Chen Huihai03.12.2015

      Sous surveillance jusqu’au 07.12.2015.
      Rassemblement public en vue de troubler l’ordre socialDirecteur, Centre de services aux travailleurs Haige
      7.M. Peng Jiayong04.12.2015

      Libéré sous caution le 01.02.2016 dans l’attente d’une enquête plus approfondie qui pourrait durer jusqu’à douze mois.
      Rassemblement public en vue de troubler l’ordre socialCoordonnateur, Réseau de solidarité syndicale de Guangzhou
      8.M. Tang Huanxing

      (également connu sous le nom de Tang Jian)
      03.12.2015

      Le 08.06.2016, officiellement inculpé pour rassemblement public en vue de troubler l’ordre social. Le 26.09.2016, condamné à dix-huit mois de prison, avec deux ans de sursis.

      Non précisé Ancien employé, Centre de services aux travailleurs de Panyu
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  2. 197. La CSI indique que ces conseillers et parajuristes, via leurs organisations respectives, œuvrent pour le respect des droits du travail garantis par la législation nationale et internationale. En conséquence, ils ont été la cible de mesures répressives par le gouvernement – arrestation, détention, interrogatoire, saisie de documents et d’ordinateurs, surveillance au domicile et au bureau, harcèlement verbal et physique. Selon la CSI, les accusations portées contre eux sont fallacieuses, mais visent à les intimider eux et, par extension, les travailleurs et les organisations de travailleurs qu’ils soutiennent.
  3. 198. L’organisation plaignante fournit les éléments d’information suivants sur les huit conseillers.
  4. 199. Monsieur He Xiaobo, originaire de la province du Henan, est arrivé à Guangzhou comme travailleur migrant il y a plus de quinze ans. Il a perdu trois doigts dans un accident du travail et a bénéficié de l’assistance parajuridique du Centre de services aux travailleurs de Panyu, auquel il s’est joint en tant que bénévole puis en tant qu’employé. En 2007, il a fondé le Centre de services sociaux Nan Fei Yan dans le district de Foshan, qui a été officiellement enregistré en 2012, pour offrir des services parajuridiques aux travailleurs migrants dans le cadre de conflits concernant des accidents du travail et des maladies professionnelles. Le 4 décembre 2015, M. He a été arrêté par les autorités chargées de la sécurité publique près de son domicile. Il n’a pas eu le droit de voir sa femme et s’est vu refuser l’accès à son avocat. Le 8 janvier 2016, sa femme et son avocat ont porté plainte. Le même jour, sa femme a reçu un mandat d’arrestation émis par les autorités municipales chargées de la sécurité publique, qui indiquait qu’il était arrêté, soupçonné de «détournement». La CSI explique que le «détournement» n’est pas une accusation criminelle en vertu du Code pénal et que le mandat d’arrestation ne précise pas les dispositions législatives qui auraient été violées. La CSI croit que ce chef d’accusation renvoie à l’article 271 du Code pénal. D’autre part, la femme de M. He a été informée que son mari avait signé un accord en vue de renoncer à son droit de se faire représenter par un avocat au centre de détention. La CSI met en doute cette affirmation. Toutefois, si cet accord a effectivement été signé, c’est sous la contrainte, selon la CSI.
  5. 200. Monsieur Zeng Feiyang est diplômé de la faculté de droit de l’Université normale de Chine du Sud; il est le fondateur et l’actuel directeur du Centre de services aux travailleurs de Panyu, dans le district de Panyu de la ville de Guangzhou – la première ONG pour les travailleurs du sud de la Chine. Il a fourni au centre des services juridiques aux travailleurs migrants et des formations sur le droit du travail et la sécurité sociale. En 2012, le quotidien Nanfang Metropolitan Daily a rendu hommage à M. Zeng pour ses œuvres caritatives. Les pressions exercées sur M. Zeng se sont faites de plus en plus fortes, dont des agressions et des descentes dans ses bureaux par des casseurs anonymes après l’intervention active de son organisation dans un certain nombre de grèves et de cas de licenciement abusif de représentants élus des travailleurs. L’inscription du centre au Registre du commerce a été annulée par les autorités en 2007. Le 22 décembre 2015, Xinhua et CCTV News ont attaqué M. Zeng dans un long reportage l’accusant de recevoir des fonds et d’appuyer des organisations étrangères pour provoquer des grèves. Le 4 décembre 2015, il a été arrêté pour «rassemblement public en vue de troubler l’ordre social» et est détenu au centre de détention 1 de Guangzhou. Monsieur Zeng s’est vu refuser le droit de voir son avocat jusqu’au 8 juin 2016, date à laquelle il a reçu l’acte d’accusation. L’avocat lui a été attribué par la police. Le 29 juin et le 4 juillet 2016, M. Zeng a rencontré l’avocat engagé par sa famille, et a fait savoir à celle-ci qu’il n’avait commis aucune infraction à la loi et n’avait rien fait de mal. Le 11 juillet 2016, on a montré à l’avocat la copie d’une lettre datée du 8 juillet 2016 et signée par M. Zeng, indiquant que celui-ci refusait soi-disant de voir l’avocat engagé par sa famille. En outre, les menaces et le harcèlement dont faisait l’objet la famille de M. Zeng se sont intensifiés, au point qu’en avril 2016 sa mère a porté plainte contre l’agence de presse Xinhua pour avoir publié un article accusant M. Zeng de détournement. Ses parents ont été menacés par des personnes anonymes se prétendant être de la sécurité nationale, pour que la plainte soit retirée.
  6. 201. Monsieur Meng Han travaille au Centre de services aux travailleurs de Panyu. En août 2013, alors qu’il travaillait à l’hôpital de Guangzhou comme agent de sécurité en sous-traitance, lui et les préposés au nettoyage ont exigé que la direction de l’hôpital négocie leur assurance sociale avec l’entreprise contractante. Au bout de plusieurs mois de protestation, les préposés au nettoyage ont été indemnisés, mais 12 agents de sécurité qui ont rejeté la proposition de règlement ont été arrêtés. Monsieur Meng figurait parmi ceux qui ont été poursuivis pour trouble à l’ordre social. Il a été condamné à neuf mois d’emprisonnement en avril 2014. Il a été libéré ultérieurement et s’est joint au Centre de services aux travailleurs de Panyu en tant qu’organisateur. Il a été arrêté le 4 décembre 2015 pour «rassemblement public en vue de troubler l’ordre social». Monsieur Meng a rencontré son avocat le 1er mars 2016 mais dès le 10 avril 2016, le procureur a empêché l’avocat de rendre visite à l’accusé, en faisant valoir qu’il s’agissait d’une décision de la sécurité nationale. Le 18 août 2016, la police a remis à l’avocat de M. Meng une lettre de licenciement signée de M. Meng. L’avocat est convaincu que son client l’a fait sous la contrainte, M. Meng lui ayant dit la veille que sa famille faisait l’objet d’une forte pression. Le 27 juin 2016, M. Meng clamait toujours son innocence et a refusé de répondre à la demande de la sécurité publique d’accuser d’autres collègues détenus. En outre, les parents de M. Meng ont été régulièrement harcelés par des casseurs anonymes. Le 28 mars 2016, des personnes anonymes munies de barres de fer se sont rendues à l’appartement des parents de M. Meng pour les sommer de partir. La police a également sommé le propriétaire de demander aux parents de M. Meng de partir et de quitter Zhongshan. Depuis début mai, la distribution d’énergie et d’eau a été coupée dans leur appartement et, le 7 mai, des personnes anonymes sont entrées dans leur appartement, en brisant la porte à coups de hache. Les voisins ont également été menacés alors qu’ils tentaient de leur venir en aide.
  7. 202. Madame Zhu Xiaomei a travaillé pendant quinze ans à l’usine Hitachi Metals à Guangzhou et a été promue au grade de superviseur. Elle a été licenciée en 2014 après avoir soutenu les ouvriers dans des négociations collectives visant à étendre la couverture d’assurance sociale à l’ensemble des effectifs. Elle a cité la société devant un tribunal d’arbitrage pour licenciement abusif et a obtenu gain de cause. Après quoi, elle a été recrutée comme coordonnatrice au Centre de services aux travailleurs de Panyu. Madame Zhu a été arrêtée le 4 décembre 2015 pour «rassemblement public en vue de troubler l’ordre social» et a été libérée sous caution le 1er février 2016. Au tribunal, Mme Zhu a été représentée par un avocat lui ayant été attribué sous la pression.
  8. 203. Monsieur Chen Huihai a travaillé à l’usine de fabrication de bijoux Panhua de 2000 à 2012. Il s’est joint au Centre de services aux travailleurs migrants de Panyu comme bénévole en 2003 où il a siégé au conseil d’administration et coordonné des projets de 2008 à 2014. Monsieur Chen a conseillé les ouvriers bijoutiers à Panyu lors d’un certain nombre de conflits du travail et a fondé une nouvelle ONG pour aider les travailleurs à mener des grèves et à faire pression sur les employeurs en vue de négociations collectives. Il dirige actuellement le Centre de services aux travailleurs Haige basé dans la ville de Guangzhou. Le 3 décembre 2015, M. Chen a envoyé un SMS pour indiquer que les autorités chargées de la sécurité publique le surveillaient. Le 7 décembre 2015, il a fait savoir, via les réseaux sociaux, qu’il était «libre» sans donner plus de précisions.
  9. 204. Monsieur Deng Xiaoming a travaillé dans une usine de la ville de Zhongshan, province du Guangdong, après avoir abandonné l’école secondaire. En 2012, il a été indemnisé pour accident du travail avec l’aide du Centre de services aux travailleurs de Panyu; après quoi, il s’est joint au centre comme bénévole et plus tard comme employé à temps plein au service externe du centre dans la ville de Zhongshan. Monsieur Deng s’est joint au Centre de services aux travailleurs Haige en 2014. Il a été arrêté et détenu le 4 décembre 2015 pour «rassemblement public en vue de troubler l’ordre social» et a été libéré sous caution le 1er février 2016 dans l’attente d’une enquête plus approfondie qui pourrait durer jusqu’à douze mois.
  10. 205. Monsieur Peng Jiayong a été élu par ses collègues pour les représenter dans le cadre d’un conflit du travail au sein de la société française Zhongshan Gallic Industries Co. Ltd. Il a été licencié et a intenté un procès pour licenciement abusif contre l’employeur, procès qu’il a perdu. Par la suite, M. Peng s’est joint au Centre de services aux travailleurs de Panyu; il a défendu activement les droits des travailleurs et a servi d’agent de liaison des meneurs de grève dans le cadre du Réseau de solidarité syndicale qu’il avait formé. Depuis 2012, il est le coordonnateur du Réseau de solidarité syndicale Guangzhou dans la ville de Guangzhou. Il a été arrêté le 4 décembre 2015 pour «rassemblement public en vue de troubler l’ordre social» et libéré sous caution par la suite.
  11. 206. Monsieur Tang Huanxing (alias Tang Jian) a travaillé au Centre de services aux travailleurs de Panyu en 2014 et a milité dans un certain nombre de groupes de défense des droits civils à Guangzhou. Monsieur Tang a été porté disparu par ses collègues le 3 décembre 2015. Il a pu envoyer un message à ses amis le 31 janvier 2016 indiquant qu’il avait été libéré à la fin de janvier et qu’il était rentré dans sa ville natale dans la province de Jianxi. Il a précisé dans son message qu’il avait été appréhendé le 3 décembre 2015 par les forces chargées de la sécurité publique et détenu pour interrogatoire.
  12. 207. La CSI fournit en outre les éléments d’information suivants sur les conflits du travail individuels et collectifs auxquels les conseillers précités ont participé (classés par organisation).

    Centre de services aux travailleurs de Panyu

    Grève des travailleurs des services sanitaires du district de Shatou à Guangzhou (octobre-novembre 2015) Participants: Zeng Feiyang et Zhu Xiaomei

  1. 208. Le conflit concernant les travailleurs des services sanitaires de Shatou a commencé en octobre 2015 lorsque leur employeur a annoncé qu’ils devraient démissionner et commencer à travailler dans un autre district à compter de novembre 2015, à une dizaine de kilomètres. Les travailleurs ont alors fait appel au Centre de services aux travailleurs de Panyu. Des membres du personnel ont aidé les travailleurs à s’organiser et à élire des agents de négociation. Le 21 octobre 2015, les représentants des travailleurs ont informé l’entreprise et le gouvernement local que les travailleurs ne démissionneraient pas de leur plein gré et que l’entreprise était tenue par la loi de les rémunérer jusqu’à l’expiration de leurs contrats. Devant l’absence de réaction de l’entreprise, les travailleurs ont décidé d’agir collectivement. Le 27 octobre 2015, les travailleurs se sont rassemblés à l’entrée de la station de collecte des déchets de Shatou en scandant «Fini le travail intérimaire, donnez-nous notre indemnité de départ» et «On aime Shatou, on veut y travailler». Cette manifestation a attiré l’attention des autorités locales, qui ont rencontré les représentants élus des travailleurs le lendemain. Le 28 octobre 2015, une trentaine de travailleurs se sont rassemblés devant la salle de réunion dans un geste de solidarité avec leurs représentants élus. Lors de la séance de négociation, l’employeur a réitéré sa demande de transfert des travailleurs dans un autre district sans indemnisation. Les représentants des travailleurs ont rejeté cette demande. Les fonctionnaires locaux présents à la réunion étaient sensibles à la position des travailleurs et, dans l’après-midi, ils ont annoncé que le nouvel entrepreneur local, Qiaoyin Co., embaucherait tous les travailleurs en service à Shatou. Après de nouveaux pourparlers, les représentants des travailleurs ont abouti à un accord préliminaire en vue de la résiliation des contrats existants des travailleurs et du versement d’une indemnité équivalant à un mois de salaire par année de service, sur la base du salaire net effectif. En vertu de cet accord, une période de plus de six mois de service équivaudrait à une année complète, et une période de moins de six mois à la moitié d’une année. Les travailleurs ont accepté cet accord et ont consenti à reprendre le travail. Toutefois, l’employeur a annoncé unilatéralement les modalités de l’entente au lieu de signer un accord officiel conjointement avec les travailleurs. Il en a résulté une nouvelle manifestation des travailleurs qui ont exigé que l’entente soit signée conjointement et basée sur l’accord négocié. Finalement, toutefois, les travailleurs ont consenti à «l’annonce» de l’employeur.

    Grève des travailleurs de l’usine de chaussures Lide Shoes (août 2014-mai 2015) Participants: Zeng Feiyang, Zhu Xiaomei, Meng Han et Tang Huanxing

  1. 209. L’usine Lide Shoes Co. Ltd. de Panyu emploie environ 2 750 travailleurs, qui fabriquent des produits en cuir pour différentes marques. Lors de l’été 2014, les travailleurs de l’entreprise ont entendu parler de plans visant à transférer l’usine l’année suivante à environ une heure de Panyu. En août 2014, une vingtaine de travailleurs militants ont commencé à organiser leurs camarades et ont demandé son appui au Centre de services aux travailleurs de Panyu. Leurs revendications initiales concernaient le versement d’arriérés de cotisations sociales et de cotisations au fonds de logement. La direction a réagi en novembre 2014 en forçant les employés à signer de nouveaux contrats de travail comportant de fausses dates ayant pour effet de raccourcir leur ancienneté. Le 6 décembre 2014, les travailleurs d’un département se sont mis en grève, et bientôt toute l’usine était paralysée. Les travailleurs ont tenu une assemblée pour élire 11 agents de négociation et 50 représentants. Les négociations ont un peu progressé, et la direction a annoncé un accord visant à limiter les indemnités à des sommes forfaitaires. Les travailleurs ont repris la grève le 15 décembre 2014. Une fois que la direction a accepté davantage de concessions, les grévistes ont repris le travail le 17 décembre 2014. Trois jours plus tard, M. Zeng Feiyang a été attaqué dans son bureau par des agresseurs inconnus. L’attaque serait liée à l’intervention du centre dans le conflit. Comme la direction poursuivait la préparation de ses projets de transfert, un groupe d’une centaine de militants s’est réuni en avril 2015 pour discuter de stratégie et a élu 19 nouveaux représentants. La police a tenté de disperser l’assemblée et a appréhendé M. Meng Han, employé au centre de Panyu. Plusieurs travailleurs auraient été battus ou maintenus brièvement en garde à vue par la police. Le 20 avril 2015, les travailleurs ont repris la grève. Les agents de négociation ont rencontré la direction et ont exigé un règlement rapide de tous les griefs en instance, dont les arriérés de cotisations sociales et de cotisations au fonds de logement, ainsi que l’indemnité de déménagement basée sur l’ancienneté. Les fonctionnaires locaux ont assisté à la réunion et ont promis de favoriser le dialogue entre les travailleurs et la direction. Le 22 avril 2015, la direction a promis d’accéder aux réclamations des travailleurs, mais ces derniers ont exigé une déclaration écrite officielle ou un accord écrit à cet effet. Les travailleurs ont également aidé à la libération de M. Meng, l’employé du centre de Panyu, qui avait été assigné à résidence. L’entreprise et le gouvernement local ont émis une déclaration conjointe dans laquelle ils promettaient d’accéder à toutes les revendications des travailleurs. Le 25 avril 2015, les travailleurs ont accepté de mettre fin à la grève. Dans une communication datée du 10 octobre 2016, l’organisation plaignante fait valoir que les actions collectives menées à l’usine étaient pacifiques, que des réunions de négociation entre les travailleurs et la direction ont eu lieu, et que le gouvernement local et les syndicats officiels ont joué un rôle dans la médiation, et que l’on est parvenu à des solutions approuvées par la direction et les travailleurs.

    Grève des travailleurs des services sanitaires, Université de Guangzhou (août-octobre 2014) Participants: Zeng Feiyang, Zhu Xiaomei, Meng Han, Deng Xiaoming, Peng Jiayong et Chen Huihai

  1. 210. En août 2014, plus de 200 travailleurs des services sanitaires de l’Université du district Sud de Guangzhou étaient confrontés à la perspective d’un licenciement par GrounDey Property Management ou d’un déménagement avec l’entreprise dans une autre partie de la ville. Le contrat de nettoyage des rues signé par l’entreprise arrivait à expiration le 1er septembre 2014 et l’entreprise a annoncé qu’elle ne chercherait pas à le renouveler. Deux réclamations clés préoccupaient les employés: premièrement, obtenir une indemnité de licenciement équitable et raisonnable; deuxièmement, obtenir des garanties du gouvernement local que l’entreprise reprenant le contrat de nettoyage de l’université embaucherait tout l’effectif existant. Les travailleurs ont exigé de rencontrer l’entreprise pour régler leurs griefs, mais leur demande a été rejetée. Ils ont alors fait appel au Centre de services aux travailleurs de Panyu. Le centre a donné des conseils stratégiques aux travailleurs et les a aidés à élire des représentants pour diriger et mener leur campagne. Le 23 août 2014, les travailleurs ont élu 18 représentants, dont trois trésoriers chargés de gérer les fonds de leur campagne. Les travailleurs ont à nouveau demandé à rencontrer l’entreprise face à face pour discuter de leurs revendications. L’entreprise a refusé et, le 26 août 2014, les travailleurs se sont mis en grève, attirant beaucoup d’attention dans les réseaux sociaux. Bien des membres du public sont venus voir les grévistes pour exprimer leur soutien. Finalement, les fonctionnaires locaux sont venus rencontrer les grévistes et ont proposé de servir de médiateurs, mais les travailleurs ont insisté pour négocier directement et en tête-à-tête avec l’entreprise. Le gouvernement local a alors organisé et présidé une réunion de négociation collective qui a eu lieu le 2 septembre 2014. Assistaient à cette réunion cinq des représentants des travailleurs, deux consultants du Centre de services aux travailleurs de Panyu et une vingtaine de fonctionnaires locaux de divers départements. De plus, 200 travailleurs se sont rassemblés devant le lieu de la réunion pour apporter leur soutien aux négociations. Après plusieurs heures de négociations, l’entreprise a offert aux employés une indemnité forfaitaire de départ équivalant à 1 000 yuan par année de service. Il s’est ensuivi une semaine de négociations entre les travailleurs et le gouvernement local (qui représentait l’entreprise), à l’issue de laquelle l’entreprise a finalement accepté de verser à chaque travailleur 3 000 yuan par année de service, plus les arriérés de cotisations sociales et de cotisations au fonds de logement, soit un déboursé total estimé à 3 millions de yuan. Les travailleurs ont accepté les conditions de règlement du conflit, et ont rencontré aussitôt après des problèmes à la signature du contrat de travail avec le nouvel entrepreneur, Suicheng Construction and Property Co. Ltd, ce dernier refusant d’embaucher les employés âgés et ceux qui n’avaient pas de permis de résidence local. Les travailleurs y ont vu une tentative de la part de l’entreprise de construction de se débarrasser de ceux qu’elle considérait comme des fauteurs de troubles. Bon nombre des représentants des travailleurs venaient de la province voisine du Hunan. Ils avaient beau vivre à Guangzhou depuis de nombreuses années, aucun d’entre eux ne s’était vu accorder un permis de résidence à Guangzhou. Finalement, l’entreprise de construction a accepté d’embaucher tous les travailleurs, mais il a fallu plusieurs semaines aux deux parties pour négocier un nouveau contrat de travail et pour obtenir la signature de tous les travailleurs. Les travailleurs du dernier groupe ont signé leur contrat le 12 octobre 2014.

    Demande d’augmentation de salaire à l’usine de moulage Liansheng (juin-octobre 2013) Participants: Chen Huihai, Zeng Feiyang et Deng Xiaoming

  1. 211. Le 28 juin 2013, à Guangzhou, plus de 300 travailleurs de l’usine de moulage Liansheng se sont mis en grève pour exiger une augmentation de salaire net alignée sur le salaire minimal local. Le 3 juillet 2013, l’entreprise a signé une convention collective salariale qui garantissait l’augmentation demandée. Toutefois, une centaine de travailleurs ont continué à faire pression sur l’entreprise pour qu’elle aborde des questions plus générales concernant l’égalité de salaire à travail égal et la pratique discriminatoire consistant à réserver la possibilité de faire de lucratives heures supplémentaires aux seuls employés entretenant de bons rapports avec la direction. L’entreprise a refusé de négocier avec les représentants démocratiquement élus, et le gouvernement local a refusé d’accepter la légitimité de ces représentants. Les travailleurs ont alors fait appel au Centre de services aux travailleurs de Panyu situé à proximité pour discuter de leurs options. Le centre a aidé les travailleurs à organiser une manifestation pacifique sur le site de l’usine et à faire des démarches auprès des organisations gouvernementales et des syndicats. En outre, les travailleurs ont commencé à diffuser des reportages sur les réseaux sociaux et à échanger de l’information en temps réel sur des plates-formes de messagerie instantanée. En octobre, sous la pression du gouvernement local et des travailleurs, l’entreprise a accepté un compromis et a signé une convention collective qui garantissait une indemnité de départ acceptable aux travailleurs licenciés.

    Centre de services aux travailleurs Haige

    Conflit de travail à l’usine de confection de sacs Cuiheng (mars-avril 2015) Participants: Peng Jiayong (actuellement membre du Réseau de solidarité syndicale de Guangzhou), Chen Huihai et Deng Xiaoming

  1. 212. Environ 200 travailleurs de l’usine japonaise de confection de sacs Cuiheng, à Zhongshan, province du Guangdong, se sont mis en grève à la mi-mars, exigeant un meilleur salaire, des cotisations sociales et des cotisations au fonds de logement, des primes de fin d’année et d’autres prestations. Après une semaine de grève et aucune réaction de la part de la direction, les travailleurs ont demandé aide et conseils à M. Chen Huihai le 22 mars 2015. Monsieur Chen et ses collègues ont aidé les travailleurs à élire leurs représentants et à présenter une demande de convention collective. La direction a rejeté les négociations, a licencié les représentants des travailleurs et a appelé la police. Plusieurs centaines de policiers antiémeute sont arrivés et ont interpellé 26 travailleurs, dont 4 ont été détenus plus de dix jours. Beaucoup d’autres travailleurs ont été blessés. Lorsqu’un groupe de bénévoles du Centre de services aux travailleurs Haige a rendu visite à l’un des travailleurs qui avait été hospitalisés, deux d’entre eux ont été interpellés par des policiers en civil et interrogés. Une altercation s’est ensuivie, et l’un des bénévoles, M. Peng Jiayong, a été tabassé si gravement qu’il a été hospitalisé pour protrusion discale lombaire. Le lendemain matin, alors qu’ils se rendaient au poste de police local pour signaler l’agression dont M. Peng avait été victime, M. Chen et trois de ses collègues ont été attaqués. Alors que M. Chen stationnait sa voiture, un homme portant un casque de moto a lancé deux briques sur le véhicule. L’une des briques a raté de peu la tête de M. Chen, et l’autre a heurté au bras Zhu Xinhua, un représentant des travailleurs d’une autre usine. L’agresseur a enfourché une moto qui l’attendait et a pris la fuite. Plusieurs agents de police étaient présents sur les lieux, mais n’ont rien tenté pour prendre l’agresseur en chasse. L’agression a été signalée sur les réseaux sociaux, et environ 20 000 yuan ont été recueillis spontanément pour les frais médicaux encourus par M. Peng.

    Grève des travailleurs de la bijouterie Tongxin (juin-octobre 2014) Participants: Chen Huihai, Deng Xiaoming et Peng Jiayong

  1. 213. Une grève de deux mois entamée par 59 travailleurs à la bijouterie Tongxin, dans la ville de Foshan, a pris fin le 27 août 2014 après que la direction a finalement fait des concessions lors des négociations avec les représentants élus des travailleurs. L’entreprise a promis de verser les cotisations sociales et les cotisations au fonds de logement ainsi qu’une indemnité compensatrice pour les jours de congé annuel non pris. Les deux parties ont accepté de poursuivre les pourparlers concernant le versement d’un salaire de base plus élevé en basse saison. Monsieur Chen et son équipe ont conseillé aux travailleurs de poursuivre la négociation collective en vue de régler le conflit, et aux représentants élus d’obtenir l’appui de la fédération provinciale des syndicats de Guangdong et de la fédération municipale. Les deux fédérations ont pris part à la médiation en vue d’amener la direction à la table des négociations. Le 20 octobre 2014, la Fédération des syndicats de Foshan a réagi en outre à la demande des travailleurs de mener une enquête et d’améliorer la représentation du syndicat de l’entreprise à l’usine Tongxin.

    Centre de services sociaux Nan Fei Yan

  1. 214. Le Centre de services sociaux Nan Fei Yan défend les droits des travailleurs migrants et fournit de l’aide parajuridique aux travailleurs blessés ou malades dans la ville de Foshan. Le centre a été enregistré officiellement au Bureau des affaires civiles en 2012. Les travailleurs blessés et ceux qui ont contracté une maladie professionnelle sont organisés en groupes d’entraide qu’ils dirigent et qui leur permettent de recevoir une formation en droit du travail, d’organiser des visites aux victimes hospitalisées et à leur famille, et de prendre part à des activités de sensibilisation. Nan Fei Yan fournit de l’aide parajuridique à ces travailleurs pour réclamer une indemnisation, offre une permanence téléphonique pour les cas d’accidents du travail et recommande les réformes législatives requises sur la santé et la sécurité au travail, sur l’assurance sociale, sur la responsabilité pénale des employeurs et sur la création d’un fonds d’indemnisation public au profit des travailleurs blessés ou malades. Le gouvernement local a rendu hommage à Nan Fei Yan et à M. He Xiaobo pour les services fournis aux travailleurs migrants. Toutefois, Nan Fei Yan a été attaqué à plusieurs reprises au fil des années. Le 14 octobre 2014, Nan Fei Yan a convoqué une conférence de presse pour faire connaître les résultats d’une recherche effectuée conjointement avec une autre ONG et avec l’Université de Foshan sur l’éducation des enfants des travailleurs migrants de la ville de Foshan. Cette recherche a révélé que le taux d’admission des enfants de migrants dans les écoles publiques est nettement inférieur aux statistiques officielles (37 pour cent selon les statistiques des groupes civils, contre 70 pour cent selon les chiffres officiels). Le lendemain, M. He a été convoqué au Bureau des affaires civiles, qui l’a accusé d’utiliser des informations trompeuses. Le 1er mai 2015, une exposition de photos de travailleurs blessés a été organisée en collaboration avec Nan Fei Yan. Elle a été annulée par les autorités. Trois bureaux de Nan Fei Yan ont reçu des menaces de suspension de projets gouvernementaux, de déplacement forcé et de fermeture forcée. En juin 2015, lors de son audit annuel, le Bureau des affaires internes a accordé une simple «note de passage» à Nan Fei Yan, affirmant que l’organisation avait entrepris des activités non autorisées. Selon M. He, cette décision est due à l’intervention de l’organisation dans des cas de blessures et de maladies professionnelles. Les activités et les finances des organisations enregistrées au Bureau des affaires civiles font l’objet d’un audit annuel; l’obtention d’une simple «note de passage» deux années de suite peut donner lieu à une radiation du registre. En juillet, les projets de Nan Fei Yan approuvés ou financés par le bureau ont été suspendus et définitivement arrêtés. Accusé de mener des «opérations illégales», Nan Fei Yan s’est vu ordonner par les autorités de fermer sa bibliothèque pour les migrants dans le district de Shunde. Des pressions ont été exercées sur le propriétaire des locaux de la bibliothèque pour les migrants, située rue Zu Miao, pour qu’il mette fin au bail signé avec Nan Fei Yan. La bibliothèque était le principal endroit disponible pour donner des consultations sur le droit du travail et fournir de l’aide parajuridique aux travailleurs en cas de conflit; les travailleurs y venaient souvent pour des cas de blessures depuis 2008. Le 12 août 2015, le Bureau des affaires civiles a informé Nan Fei Yan qu’à compter de 2012-2014 ses finances feraient l’objet de nouveaux audits. Le 23 août 2015, M. He a fait une demande de divulgation d’informations auprès du Bureau des affaires civiles dans l’attente des nouveaux audits prévus par le bureau. Le 8 septembre 2015, le Bureau des affaires civiles a rejeté la demande de divulgation d’informations de M. He. Le 23 août 2015, à la bibliothèque Shunde pour les migrants, les autorités ont interrompu un séminaire à l’intention des travailleurs migrants concernant les dispositions législatives et réglementaires sur les accidents du travail. L’eau et l’électricité ont été coupées. Le 15 septembre 2015, le Bureau des affaires sociales de la ville de Foshan a informé M. He d’une plainte relative à des irrégularités financières chez Nan Fei Yan de 2012 à 2014 et de la tenue d’un nouvel audit des finances de l’organisation en 2012 et 2013. Monsieur He a indiqué à la presse que ces mesures visaient à obliger Nan Fei Yan à renoncer à la défense des droits des travailleurs et des migrants en prévision de l’adoption d’une nouvelle loi sur la gestion des ONG étrangères.
  2. 215. Nan Fei Yan a aidé M. Yang Tong Xiao, un travailleur migrant, à intenter une action en responsabilité civile – une première. Le 30 octobre 2015, ce dernier a obtenu gain de cause contre son employeur, FuRi Construction Material Company, dans le district de Sanshui de la ville de Foshan, pour ne pas avoir souscrit une assurance sociale couvrant les accidents du travail pour les employés. Ceci constitue une première en Chine, et permet une meilleure indemnisation des victimes et des personnes à leur charge.
  3. 216. Depuis 2005, des travailleurs de l’entreprise de Foshan Hao Xin Precious Metals Jewellery Co. Ltd ont commencé à contracter la silicose. Il a fallu dix ans (jusqu’en 2015) pour qu’un certificat de maladie professionnelle soit délivré à 176 travailleurs. Plus de 250 autres travailleurs ont contracté la maladie ou sont présumés en être atteints. En 2010, l’entreprise a accepté de verser une somme forfaitaire à titre de dédommagement aux travailleurs atteints de silicose ayant leur certificat et a conclu un autre accord avec d’autres travailleurs malades pour la prise en charge des coûts de leurs médicaments pendant les trente prochaines années. Les travailleurs, particulièrement ceux qui attendent toujours leur certificat, sont inquiets au sujet de l’application de l’accord, l’entreprise prévoyant de déménager ailleurs. A compter de 2010, les travailleurs malades se sont rassemblés pour manifester contre l’entreprise et formuler des revendications auprès du gouvernement. Il en a résulté des affrontements avec la police. Le 29 décembre 2010, lors d’une manifestation, la police a placé 18 d’entre eux en détention administrative pour une durée de cinq à dix jours pour entrave à la circulation. Le dernier affrontement a eu lieu le 17 janvier 2016 lorsque les travailleurs malades ont appris que l’entreprise fermait ses portes pour raisons commerciales. En outre, 18 travailleurs manifestants atteints de silicose ont été détenus jusqu’à dix jours pour certains d’entre eux. Nan Fei Yan a fourni de l’aide parajuridique à des travailleurs de l’entreprise Hao Xin pour l’obtention d’une attestation d’accident du travail et pour l’application de l’accord d’indemnisation conclu avec l’entreprise.
  4. 217. Dans sa communication du 10 octobre 2016, la CSI allègue que Mme Zhu, M. Zeng et M. Tang ont été condamnés pour rassemblement public en vue de troubler l’ordre social, en vertu de l’article 290 du Code pénal. Ce chef d’accusation résulte du rôle qu’ils ont joué dans les arrêts du travail à l’usine Lide Shoes entre décembre 2014 et avril 2015. Selon l’organisation plaignante, le procureur a fait valoir «l’illégalité» des arrêts de travail au motif que la production de l’usine a été perturbée, avec pour conséquences de «graves» pertes économiques (2,7 millions RMB) pour l’entreprise. Le gouvernement a soutenu que les trois militants étaient des «meneurs» qui ont incité les travailleurs à bloquer l’entrée et la circulation.
  5. 218. En outre, selon la CSI, l’article 290 du Code pénal peut être invoqué, et est effectivement invoqué pour interdire les manifestations publiques et les actions collectives sur les lieux de travail, en criminalisant les organisateurs et les participants au motif de l’ordre public.
    • Article 290. Dans le cas où les rassemblements publics en vue de troubler l’ordre social auraient de graves conséquences, où la bonne marche du travail, la production, les activités, l’enseignement et la recherche scientifique seraient perturbés, entraînant de graves pertes, les meneurs seront condamnés à une peine de prison qui ne sera pas inférieure à trois ans, mais qui ne sera pas supérieure à sept ans; les individus qui y prennent une part active seront condamnés à une peine de prison qui ne sera pas supérieure à trois ans, à un internement, une surveillance publique ou la privation des droits politiques. Lorsque les rassemblements publics en vue d’attaquer les organes de l’Etat entraînent des perturbations dans le fonctionnement de ceux-ci, ainsi que de graves pertes, les meneurs seront condamnés à une peine de prison qui ne sera pas inférieure à cinq ans, mais qui ne sera pas supérieure à dix ans; les individus qui y prennent une part active seront condamnés à une peine de prison qui ne sera pas supérieure à cinq ans, à un internement, une surveillance publique ou la privation des droits politiques.
  6. L’organisation plaignante est d’avis que la législation et son application représentent un grave danger pour l’exercice de la liberté syndicale. La possibilité d’être poursuivi pour avoir participé à une action pacifique susceptible d’entraîner des pertes économiques est une violation manifeste du principe de la liberté syndicale.
  7. 219. La CSI rappelle que l’article 290 a été invoqué pour condamner 12 agents de sécurité de l’hôpital de Guangzhou en avril 2014, pour arrêt du travail pendant trois mois en 2013, dans lequel était impliqué le Centre de services aux travailleurs de Panyu (et dans lequel travaillaient M. Zeng, Mme Zhu, M. Tong et M. Meng). Cet arrêt du travail, et d’autres activités, dont des activités d’organisation du travail et de formation, ont été utilisés comme preuves par le procureur au tribunal contre les quatre militants. Ils ont été accusés, en particulier, d’être impliqués dans les affaires et de montrer des vidéos d’arrêts du travail dans d’autres usines avec des travailleurs de Lide, ainsi que d’aider les travailleurs à rédiger leur demande de négociation avec la direction, à mettre en place un fonds de solidarité pour appuyer leurs activités, et à faciliter l’élection de 61 représentants des travailleurs et de 13 représentants pour la négociation avec la direction.
  8. 220. Selon l’organisation plaignante, le procureur a invoqué le caractère «illégal» du fonctionnement du Centre de services aux travailleurs de Panyu (qui a été radié en 2007) et du militantisme syndical (wei-chuan) que promeuvent le Centre de services aux travailleurs de Panyu et son personnel. Les quatre conseillers professionnels ont été accusés d’être à l’origine de l’action collective et de ne pas tenir compte des procédures de règlement des conflits de droits et de médiation des hauts fonctionnaires du gouvernement. Sous une certaine contrainte, les trois militants ont plaidé coupable et ont fait des «aveux» devant le tribunal en échange d’un sursis. Selon la CSI, si ces militants sont maintenant hors de prison, cela n’atténue en rien le fait d’avoir été victimes et de continuer à être victimes de graves violations de leurs droits syndicaux. Même si cela n’est pas certain, il est probable qu’ils ne puissent pas continuer à fournir d’autres services aux travailleurs pendant que courent leurs sursis ou le risque de prison.
  9. 221. La CSI conclut en déclarant que le gouvernement a violé les principes de la liberté syndicale en arrêtant et en détenant des défenseurs des droits des travailleurs et en s’ingérant dans les activités de leurs organisations, privant ainsi les travailleurs et leurs organisations de leur droit d’organiser leurs activités – en particulier d’obtenir des avis juridiques et des conseils professionnels pour une action collective efficace. La CSI allègue aussi que la police n’a enquêté sur aucun des cas de harcèlement dont ont fait l’objet les proches des accusés. Les actions du gouvernement ont un effet dissuasif en ce sens que, conscients des conséquences auxquelles s’exposaient leurs défenseurs, les travailleurs hésiteront désormais à exercer leurs droits. En outre, comme il est décrit dans deux des cas précités (Cuiheng Bag Factory, Lide Shoes Co. Ltd.), le gouvernement a violé les droits des travailleurs à la liberté syndicale lorsque la police est intervenue dans des conflits du travail, entraînant des agressions physiques et des arrestations de travailleurs et de leurs défenseurs. La CSI souligne que le fait que les personnes arrêtées et détenues par les autorités n’étaient pas des syndicalistes impliqués dans un conflit du travail est hors de propos pour la question de savoir s’il y a eu atteinte à la liberté syndicale. Elle souligne que le comité a constaté antérieurement que le droit à la liberté syndicale peut être violé lorsque les représailles visent les défenseurs des travailleurs et renvoie au cas no 2189 (Chine), concernant les lourdes peines de prison infligées à deux militants agissant au nom des travailleurs ainsi que la détention d’un militant syndical indépendant impliqué dans un conflit du travail et les mauvais traitements qu’il a subis; au cas no 2528 (Philippines), concernant des actes de violence visant des dirigeants, membres, organisateurs et sympathisants syndicaux/défenseurs de syndicats ainsi que des organisations de travailleurs du secteur informel; et au cas no 2566 (République islamique d’Iran), concernant des actes d’intimidation et de harcèlement envers des syndicalistes iraniens et des militants des droits humains soutenant Farzad Kamangar. La CSI considère que l’arrestation de conseillers et de parajuristes porte atteinte à la liberté syndicale des travailleurs chinois en ce sens qu’ils sont empêchés d’exercer leur droit à la liberté syndicale et que la répression exercée par l’Etat sur leurs défenseurs sous prétexte qu’ils ont appuyé leurs activités a également sur eux un effet dissuasif.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 222. Dans sa communication en date du 24 mai 2016, le gouvernement indique qu’il a mené à bien des enquêtes sur les allégations dans ce cas et fournit les informations suivantes. Monsieur Zeng Feiyang (41 ans), M. Meng Han (51 ans), M. Tang Huanxing (45 ans), Mme Zhu Xiaomei (36 ans), M. Peng Jiayong (40 ans) et M. Deng Xiaoming (22 ans) étaient membres dans le passé du Centre de traitement des documents des travailleurs de Panyu. L’enregistrement de ce centre de services a été annulé par l’autorité administrative responsable du commerce et de l’industrie en 2007. Comme il ne s’est pas enregistré depuis dans un département administratif, ce centre de services est actuellement une organisation illégale. Lors de la période allant de décembre 2014 à avril 2015, les six personnes précitées ont mobilisé une partie des travailleurs de l’usine Lide Shoes de Panyu en vue de trois arrêts de travail qui ont entraîné des rassemblements de masse et, en définitive, des troubles à l’ordre public. Le 20 avril 2015, plusieurs centaines de travailleurs de l’usine ont bloqué l’entrée, ont refusé l’accès à des véhicules de transport et ont empêché d’autres travailleurs de travailler normalement en bloquant l’accès aux escaliers, en les menaçant et en les agressant verbalement. Les six personnes précitées ont été accusées du délit de rassemblement public en vue de troubler l’ordre social et, en conséquence, placées en détention pénale le 4 décembre 2015 par la division de Panyu du Bureau de la sécurité publique de Guangzhou, province du Guangdong.
  2. 223. Le 8 janvier 2016, le ministère public municipal a autorisé l’arrestation de M. Zeng, de M. Meng, de M. Tang et de Mme Zhu pour délit présumé de rassemblement public en vue de troubler l’ordre social et a permis à M. Peng et à M. Deng de trouver un garant en attendant leur procès, conformément aux dispositions de l’article 290 du Code pénal. Le 20 janvier et le 1er février 2016, le ministère public a permis à M. Tang et à Mme Zhu de trouver un garant en attendant leur procès. Le 7 mars 2016, avec l’approbation du ministère public municipal de Guangzhou, le délai de garde à vue en cours d’enquête après l’arrestation a été prolongé d’un mois une première fois pour M. Zeng et M. Meng, conformément aux dispositions législatives en vigueur. Le 7 avril 2016, avec l’approbation du ministère public municipal de Guangzhou, le délai de garde à vue en cours d’enquête après l’arrestation a été prolongé d’un mois une seconde fois pour M. Zeng et M. Meng, conformément aux dispositions législatives en vigueur.
  3. 224. Le gouvernement explique en outre que M. He Xiaobo (41 ans) a été placé en détention pénale le 4 décembre 2015 par la division de Panyu du Bureau de la sécurité publique de Guangzhou, province du Guangdong, pour délits présumés de détournement, appropriation frauduleuse et détention de fausses factures. Le 8 janvier 2016, conformément aux articles 271, 272 et 210 du Code pénal, le ministère public de Foshan a autorisé l’arrestation de M. He. Le 7 mars 2016, avec l’approbation du ministère public municipal de Guangzhou, le délai de garde à vue en cours d’enquête après l’arrestation a été prolongé d’un mois une première fois pour M. He. Monsieur He a été autorisé à trouver un garant en attendant son procès conformément à la loi.
  4. 225. Le gouvernement explique que M. Chen Huihai n’a rien à voir avec les cas précités et que l’Autorité chargée de la sécurité publique de la Chine n’a imposé aucune mesure de contrainte à son égard.
  5. 226. Le gouvernement souligne que l’autorité chargée de la sécurité publique a imposé des mesures de contrainte à l’endroit de M. Zeng et de six autres personnes, non pas parce qu’elles avaient organisé des activités pour les travailleurs et y avaient participé, mais parce qu’elles s’étaient livrées à des activités criminelles, notamment en organisant des rassemblements publics en vue de troubler l’ordre social et qu’elles étaient soupçonnées d’avoir enfreint les dispositions des articles 290, 271, 272 et 210 du Code pénal, nuisant ainsi à l’ordre public et aux intérêts d’autres citoyens. Lorsqu’elle a traité ces cas, l’autorité chargée de la sécurité publique s’est conformée à la lettre aux dispositions législatives et réglementaires applicables et a préservé les droits légitimes des personnes concernées. Les sept personnes soupçonnées d’infractions pénales ont eu accès à des soins médicaux et sont restées en bonne santé pendant leur période de détention. Dans le même temps, dans un esprit humanitaire, l’autorité chargée de la sécurité publique a fourni des soins appropriés à ces personnes soupçonnées d’infractions pénales. Prenant en considération le fait que Mme Zhu, bien qu’elle ne soit pas légalement en période d’allaitement, avait un jeune enfant à nourrir pendant sa détention, l’autorité chargée de la sécurité publique a mis à sa disposition un lieu spécial où allaiter son enfant.
  6. 227. Le gouvernement indique que ces cas ont été traités en conformité avec la loi et souligne que, conformément à la Constitution et aux lois applicables, le gouvernement garantit que les citoyens jouissent de la liberté syndicale et protège l’exercice de leur droit. En vertu de l’article 35 de la Constitution, les citoyens jouissent de la liberté d’expression, de presse, de réunion, d’association, de défilé et de manifestation. L’article 3 de la loi sur les syndicats et l’article 7 de la loi sur le travail stipulent que les travailleurs ont le droit de se syndiquer et d’adhérer à un syndicat en conformité avec la loi. Le chapitre VI de la loi sur les syndicats énonce les obligations légales associées au fait d’empêcher des travailleurs de se syndiquer ou d’adhérer à un syndicat en conformité avec la loi. La liberté syndicale est pleinement protégée en Chine et les organisations syndicales jouent un rôle important dans l’application du droit du travail, en particulier en protégeant les droits et les intérêts des travailleurs. Toutefois, dans l’exercice des droits précités, les travailleurs et leurs organisations doivent se conformer aux lois et règlements de l’Etat, notamment ceux qui régissent la gestion sociale, et ne doivent pas troubler l’ordre public, ni nuire aux intérêts d’autres citoyens ni perturber la vie sociale et économique.
  7. 228. Dans sa communication en date du 23 octobre 2016, le gouvernement indique que, le 26 septembre 2016, le tribunal a examiné le cas concernant M. Zeng, M. Tang et Mme Zhu. Selon le gouvernement, suite à une enquête approfondie, le tribunal a fait valoir que, lors des arrêts de travail collectifs (les 6, 15-17 décembre 2014 et 20-25 avril 2015), M. Zeng et d’autres individus ont organisé les gens pour bloquer la barrière de l’entreprise ainsi que la circulation des véhicules à travers la barrière, troubler les commerces et bureaux, empêcher le travail normal des autres et perturber gravement l’ordre de production normal de l’entreprise. Le tribunal a maintenu qu’il était clair que les accusés ont collectivement troublé l’ordre social. Compte tenu du repenti des défendeurs et de la détermination légale des situations qui aboutit à des sanctions moins sévères, le tribunal a condamné M. Zeng à trois ans d’emprisonnement et quatre ans de mise à l’épreuve, et M. Tang et Mme Zhu à un an et demi de prison et deux ans de mise à l’épreuve. Les défendeurs ont plaidé coupable, ont accepté les condamnations qu’ils ne contesteraient pas en appel. Selon le gouvernement, les droits des défendeurs ont été dûment protégés durant le procès.
  8. 229. S’agissant de M. Meng, concerné par le même cas, le gouvernement indique que, suite à une enquête supplémentaire, le procureur a soumis le cas au tribunal, et l’examen du cas est prévu dans un proche avenir.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 230. Le comité note que la CSI, l’organisation plaignante dans ce cas, allègue l’arrestation et la détention de sept conseillers et parajuristes (M. He Xiaobo, M. Zeng Feyiang, M. Meng Han, Mme Zhu Xiaomei, M. Deng Xiaoming, M. Peng Jiayong et M. Tang Huanxing) qui ont fourni des services de soutien à des travailleurs et à leurs organisations dans le règlement de conflits collectifs et/ou individuels du travail. La CSI allègue en outre que M. Chen Huihai, directeur du Centre de services aux travailleurs Haige, a été placé sous surveillance par la police. L’organisation plaignante indique que, le 8 juin 2016, quatre militants – M. Zeng Feiyang, Mme Zhu Xiaomei, M. Tang Huanxing et M. Meng Han – ont été officiellement inculpés pour rassemblement public en vue de troubler l’ordre social. Monsieur Zeng a été condamné à trois ans de prison, avec quatre ans de sursis. Monsieur Tang et Mme Zhu ont été chacun condamnés à dix huit mois de prison avec deux ans de sursis. Monsieur Meng est toujours en détention. Messieurs Deng et Peng ont été libérés sous caution le 1er février 2016, et font toujours l’objet d’une enquête. Par ailleurs, la CSI allègue que le gouvernement s’est ingéré dans des conflits collectifs du travail en faisant intervenir la police, entraînant des agressions physiques et des arrestations de travailleurs et de leurs défenseurs. Le comité note que, dans sa communication du 23 octobre 2016, le gouvernement confirme la condamnation de M. Zeng, M. Tang et Mme Zhu et indique que le cas de M. Meng sera examiné dans un proche avenir.
  2. 231. Le comité rappelle tout d’abord que son mandat consiste à déterminer si telle ou telle législation ou pratique est conforme aux principes de la liberté syndicale et que les allégations concernant d’autres questions échappent à sa compétence.
  3. 232. Le comité note la description détaillée fournie par l’organisation plaignante du travail des organisations et des huit conseillers qui les représentent, ainsi que des cas dans lesquels ils sont intervenus. Selon les informations fournies par la CSI, M. Chen Huihai, M. Zeng Feyiang, M. Meng Han, Mme Zhu Xiaomei, M. Deng Xiaoming, M. Peng Jiayong et M. Tang Huanxing s’emploient apparemment à aider les travailleurs à exercer leurs droits syndicaux, mais cela ne semble pas être le cas de M. He Xiaobo, directeur du Centre de services sociaux Nan Fei Yan, qui défend les droits des travailleurs migrants et fournit de l’aide parajuridique aux travailleurs blessés et malades de la ville de Foshan. Tout en prenant note avec une grande préoccupation des allégations concernant M. He, à moins que l’organisation plaignante ne fournisse des informations démontrant une atteinte aux droits syndicaux dans son cas particulier, le comité ne poursuivra pas l’examen de l’affaire concernant M. He.
  4. 233. En outre, pour situer ce cas dans son contexte, tout en notant la déclaration du gouvernement selon laquelle la liberté syndicale est garantie par les dispositions explicites de sa Constitution, de la loi sur le travail et de la loi sur les syndicats, le comité renvoie aux conclusions qu’il a formulées antérieurement au sujet de certains obstacles législatifs importants à la pleine garantie de la liberté syndicale dans le pays. En particulier, dans son examen du cas no 2031 [voir 321e rapport, paragr. 165], le comité avait rappelé ses conclusions formulées à propos de deux plaintes précédentes présentées contre le gouvernement de la Chine [voir 286e rapport (cas no 1652) et 310e rapport (cas no 1930)], selon lesquelles bien des dispositions de la loi sur les syndicats étaient contraires aux principes fondamentaux de la liberté syndicale, et avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce qu’elle soient modifiées. Le comité rappelle en outre qu’il a souligné antérieurement l’importance du développement d’organisations libres et indépendantes et de la négociation avec l’ensemble des composantes du dialogue social. [Voir 330e rapport, paragr. 466 (cas no 2189).] C’est dans ce contexte que le comité procède à l’examen du présent cas.
  5. 234. S’agissant de l’allégation d’arrestation et de détention de sept conseillers auprès des travailleurs, le comité note que, selon la CSI, les mesures répressives et les charges retenues contre eux sont des mesures de représailles prises à leur endroit par le gouvernement pour leur action dans le domaine des droits du travail et visent à les intimider, ainsi que les travailleurs et les organisations qu’ils soutiennent. La CSI allègue en outre que, le 20 décembre 2014, M. Zeng a été attaqué dans son bureau et croit que cette attaque est liée à l’intervention du Centre de services aux travailleurs de Panyu dans le conflit du travail à l’usine Lide Shoes. L’organisation plaignante allègue que, dans le cas de ce même conflit, la police est intervenue en avril 2015 dans une réunion de militants, et plusieurs travailleurs ont été battus et détenus (dont M. Meng).
  6. 235. Le comité note que le gouvernement confirme l’allégation de la CSI selon laquelle six militants – M. Zeng Feyiang, M. Meng Han, Mme Zhu Xiaomei, M. Deng Xiaoming, M. Peng Jiayong et M. Tang Huanxing – faisaient l’objet d’une enquête pour délit présumé de rassemblement public en vue de troubler l’ordre social. Le gouvernement explique que ces personnes étaient membres dans le passé du Centre de traitement des documents des travailleurs de Panyu, dont l’enregistrement a été annulé par l’autorité administrative responsable du commerce et de l’industrie en 2007. N’étant plus enregistré, ce centre est actuellement une organisation illégale. Le gouvernement explique par ailleurs que, lors de la période allant de décembre 2014 à avril 2015, les six personnes précitées ont mobilisé une partie des travailleurs de l’usine Lide Shoes de Panyu menant à trois arrêts de travail qui ont entraîné des rassemblements de masse et, en définitive, des troubles à l’ordre public. Selon le gouvernement, le 20 avril 2015, plusieurs centaines de travailleurs de l’usine ont bloqué l’entrée, ont refusé l’accès à des véhicules de transport et ont empêché d’autres travailleurs de travailler normalement en bloquant l’accès aux escaliers, en les menaçant et en les agressant verbalement. Les six personnes précitées ont été accusées du délit de rassemblement public en vue de troubler l’ordre social et, en conséquence, placées en détention pénale le 4 décembre 2015 par la division de Panyu du Bureau de la sécurité publique de Guangzhou, province du Guangdong. Le comité note que le gouvernement souligne que l’enquête dont font l’objet des conseillers auprès des travailleurs n’est pas liée à leur participation à des activités pour les travailleurs, mais à leur implication dans des activités criminelles, notamment des rassemblements publics en vue de troubler l’ordre social, et au fait d’avoir enfreint les dispositions des articles 290, 271, 272 et 210 du Code pénal (nuisant ainsi à l’ordre public et aux intérêts d’autres citoyens).
  7. 236. Le comité observe que les six militants précités semblent avoir été arrêtés, gardés en détention et accusés pour leur intervention dans un conflit du travail et considère que la détention de personnes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une violation grave des libertés publiques en général et des libertés syndicales en particulier. Le comité rappelle qu’il a toujours reconnu aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux. Il rappelle en outre que le fait de participer à un piquet de grève et d’inciter fermement, mais pacifiquement, les autres salariés à ne pas rejoindre leur poste de travail ne peut être considéré comme une action illégitime. Il en va toutefois autrement lorsque le piquet de grève s’accompagne de violences ou d’entraves à la liberté du travail par contrainte exercée sur les non-grévistes, actes qui, dans beaucoup de pays, sont punis par la loi pénale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 302 et 651.] Le comité note que le gouvernement évoque les dégâts que le rassemblement a causés et d’autres infractions pénales commises. Le gouvernement indique par ailleurs que, dans les cas de M. Zeng, M. Tang et Mme Zhu, le tribunal a retenu que les défendeurs avaient organisé les gens de manière à bloquer la barrière de l’entreprise, interrompre la circulation aux abords de la barrière, troubler les commerces et bureaux, empêcher le travail normal des autres et perturber gravement l’ordre de production normal de l’entreprise. A cet égard, le comité note, selon l’indication de l’organisation plaignante, que les actions collectives menées dans l’usine Lide étaient pacifiques. Le comité exprime sa préoccupation devant les lourdes peines, même assorties de sursis, infligées à M. Zeng Feyiang, Mme Zhu Xiaomei, et M. Tang Huanxing, et prie le gouvernement de communiquer copie des jugements rendus. Le comité prend également note de l’allégation de la CSI, selon laquelle il est probable que les conseillers ne puissent pas continuer à fournir d’autres services aux travailleurs pendant que courent leurs sursis ou le risque de prison. Il prie le gouvernement de veiller à ce que ces trois militants puissent continuer sans entrave à fournir des conseils aux travailleurs.
  8. 237. Notant l’indication du gouvernement selon laquelle, suite à une enquête supplémentaire conernant M. Meng, impliqué dans le même cas, le procureur a soumis le cas devant le tribunal et que son examen est prévu dans un proche avenir, le comité prie le gouvernement de fournir copie du jugement dès qu’il aura été rendu.
  9. 238. Le comité s’attend à ce que les enquêtes en cours aboutissent sans délai supplémentaire, à ce qu’elles tiennent compte des principes précités et qu’elles fassent la lumière sur les allégations d’agression de M. Zeng, le 20 décembre 2014, de passage à tabac et de détention de plusieurs travailleurs de l’usine Lide Shoes et de M. Meng en avril 2015. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard et de transmettre copie des jugements dans les cas de M. Meng Han, de M. Deng Xiaoming et de M. Peng Jiayong dès qu’ils auront été rendus.
  10. 239. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle M. Chen n’est pas concerné dans les cas mentionnés par l’organisation plaignante et qu’aucune mesure de contrainte n’a été imposée à son égard. S’il est entendu que M. Chen n’est pas en garde à vue, le comité se demande néanmoins si M. Chen a été accusé, comme d’autres conseillers auprès des travailleurs, de «rassemblement public en vue de troubler l’ordre social», comme l’affirme l’organisation plaignante. Le comité prie le gouvernement d’indiquer si M. Chen a été accusé de «rassemblement public en vue de troubler l’ordre social» et, dans l’affirmative, de fournir des informations détaillées concernant son cas.
  11. 240. Le comité note en outre l’allégation de la CSI d’intervention policière dans un conflit du travail survenu à l’usine de confection de sacs Cuiheng en mars-avril 2015 à la suite de laquelle quatre travailleurs ont été gardés en détention plus de dix jours et beaucoup d’autres ont été blessés. De plus, selon l’organisation plaignante, lorsqu’un groupe de bénévoles du Centre de services aux travailleurs Haige a rendu visite à l’un des travailleurs qui avait été hospitalisé, deux d’entre eux ont été abordés par des policiers en civil et interrogés. L’organisation plaignante allègue qu’une altercation s’est ensuivie et que l’un des bénévoles, M. Peng Jiayong, a été gravement tabassé et hospitalisé pour protrusion discale lombaire. Le lendemain matin, alors qu’ils se rendaient au poste de police local pour signaler l’agression dont M. Peng avait été victime, M. Chen et trois de ses collègues ont été attaqués. Alors que M. Chen stationnait sa voiture, un homme portant un casque de moto a lancé deux briques sur le véhicule. L’une des briques a raté de peu la tête de M. Chen, et l’autre a heurté au bras Zhu Xinhua, un représentant des travailleurs d’une autre usine. Selon la CSI, l’agresseur a pris la fuite alors que plusieurs agents de police présents sur les lieux n’ont rien tenté pour le prendre en chasse. Le comité regrette que le gouvernement n’ait fourni aucune information sur ces incidents présumés. Le comité attend du gouvernement qu’il diligente une enquête indépendante à propos de ces graves allégations et le prie de fournir des informations détaillées sur les résultats de cette enquête.
  12. 241. Le comité prend note des allégations de pressions dont auraient fait l’objet les proches de M. Zeng et de M. Meng et prie le gouvernement de fournir ses observations à cet égard.
  13. 242. En conclusion, le comité regrette que le gouvernement n’ait pas fourni d’informations détaillées au sujet des conflits décrits par l’organisation plaignante et en réponse aux informations détaillées fournies par les organisations plaignantes concernant le rôle et les activités des six militants intervenus pour aider les travailleurs à faire aboutir leurs revendications. Le comité est néanmoins encouragé par le fait que la CSI ait fourni des informations sur le rôle des autorités locales pour ce qui est de favoriser le dialogue entre les travailleurs et la direction de certaines entreprises, ce qui a conduit, dans certains cas, à la résolution du conflit. Le comité considère que la seule solution durable aux conflits du travail tels qu’ils sont décrits dans la plainte passe par le respect intégral du droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix, la promotion de la négociation collective et la création de mécanismes appropriés par lesquels les conflits du travail peuvent être résolus par le dialogue. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 26.]

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 243. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de communiquer copie des jugements dans les cas de M. Zeng Feyiang, de Mme Zhu Xiaomei et de M. Tang Huanxing et de veiller à ce que ces trois militants puissent continuer sans entrave à fournir des conseils aux travailleurs.
    • b) Le comité s’attend à ce que l’enquête en cours concernant M. Deng Xiaoming et M. Peng Jiayong aboutisse sans délai supplémentaire, à ce qu’elle tienne compte des principes précités et qu’elle fasse la lumière sur les allégations d’agression de M. Zeng le 20 décembre 2014, et de passage à tabac et de détention de plusieurs travailleurs de l’usine Lide Shoes, et de M. Meng en avril 2015. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard et de transmettre copie des jugements dans les cas de M. Meng Han, de M. Deng Xiaoming et de M. Peng Jiayong dès qu’ils auront été rendus.
    • c) Le comité prie le gouvernement d’indiquer si M. Chen a été accusé de «rassemblement public en vue de troubler l’ordre social» et, dans l’affirmative, de fournir des informations détaillées concernant son cas.
    • d) Le comité attend du gouvernement qu’il diligente une enquête indépendante sur l’allégation relative à l’intervention policière dans le conflit du travail à l’usine de confection de sacs Cuiheng, en mars-avril 2015, à la suite de laquelle quatre travailleurs ont été détenus et beaucoup d’autres ont été blessés, dont M. Peng Jiayong, bénévole au Centre de services aux travailleurs Haige, M. Chen et Zhu Xinhua, un représentant des travailleurs d’une autre usine. Il prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les résultats de cette enquête.
    • e) Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations à propos des allégations de pressions dont auraient fait l’objet les proches de M. Zeng et de M. Meng.
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