Allégations: Ingérence dans la négociation collective pour imposer la négociation d’un projet présenté par un syndicat minoritaire lié au parti gouvernemental; actes de violence ayant empêché l’accès au lieu de travail dans le cadre d’une grève; imposition illégale de l’arbitrage obligatoire, ainsi qu’ingérence et irrégularités dans la procédure d’arbitrage, et extension illégale de la sentence arbitrale connexe; actes d’intimidation et de harcèlement contre l’entreprise, son groupe d’entreprises, son président et la FEDECAMARAS, dont menaces, harcèlement moral, atteinte à la vie privée, confiscations et détention de cadres
- 624. La plainte figure dans des communications en date des 18 et 21 décembre 2015, du 21 mars 2016, des 8 et 28 juillet 2016 et du 8 novembre 2016 présentées par l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et la Fédération des chambres et associations de commerce et de production du Venezuela (FEDECAMARAS).
- 625. Le gouvernement a envoyé ses nouvelles observations dans une communication en date du 2 septembre 2016.
- 626. La République bolivarienne du Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 627. Dans des communications en date des 18 et 21 décembre 2015, du 21 mars 2016, des 8 et 28 juillet 2016 et du 8 novembre 2016, l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et la Fédération des chambres et associations de commerce et de production du Venezuela (FEDECAMARAS) présentent les allégations exposées ci-après.
- 628. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que le gouvernement ait imposé à la brasserie Polar C.A. (l’entreprise) de négocier collectivement avec un syndicat lié au gouvernement et qui ne représente qu’une minorité de travailleurs.
- 629. Les organisations plaignantes indiquent que, traditionnellement, l’entreprise (principale entreprise vénézuélienne de production et distribution de bière et de malt appartenant au groupe Empresas Polar, affiliée à la FEDECAMARAS) conclut des conventions collectives avec l’organisation syndicale la plus représentative de l’Etat de Carabobo (où se trouve la principale usine de production de bière et de malt du pays) et, d’un commun accord, étend les effets de celles-ci aux travailleurs employés dans les autres Etats fédéraux qui constituent le «territoire commercial central» (Amazonas, Apure, Aragua, Bolívar, Cojedes, Falcón et Guárico). Il en est allé ainsi à six reprises depuis 1998.
- 630. Au moment de l’expiration de la convention collective pour 2011-2014, l’entreprise a conclu une convention collective avec le syndicat le plus représentatif, à savoir le syndicat unique des travailleurs des entreprises productrices de bières, boissons gazeuses et boissons nutritionnelles de l’Etat de Carabobo (SUTRABACARABOBO); cette convention a été enregistrée en bonne et due forme par l’autorité administrative compétente le 23 décembre 2014. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que, à cette occasion, le ministère du Pouvoir populaire pour le processus social du travail (MPPPST) ait refusé l’extension de la convention aux travailleurs d’autres Etats (pourtant habituelle jusque-là), alléguant que les dispositions prévues par le SUTRABACARABOBO ne pouvaient s’appliquer que dans l’Etat de Carabobo, sans tenir compte de la plus grande représentativité du syndicat dans les autres Etats. Les organisations plaignantes allèguent que ce refus est imputable à la volonté du gouvernement de favoriser une autre organisation syndicale liée à son parti (le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV)) et qui avait demandé la tenue d’un autre processus de négociation collective: le Syndicat unique régional des travailleurs et travailleuses du territoire central Polar (SINTRATERRICENTROPOLAR). Selon les indications des organisations plaignantes, dans les Etats concernés (à l’exclusion de l’Etat de Carabobo), le SINTRATERRICENTROPOLAR ne représente que 35 pour cent de l’ensemble des travailleurs concernés, alors que le SUTRABACARABOBO en représente 65 pour cent (les organisations plaignantes ajoutent que, en regardant au-delà des lieux de travail situés dans ces Etats, le SINTRATERRICENTROPOLAR ne représente que 6 pour cent de l’ensemble des travailleurs syndiqués de l’entreprise). Par conséquent, l’entreprise a fait valoir devant l’autorité compétente que le SINTRATERRICENTROPOLAR n’était pas l’organisation la plus représentative et que, conformément à la coutume, la convention collective conclue avec le SUTRABACARABOBO devait s’appliquer. Le MPPPST a néanmoins fait fi de la plus grande représentativité du SUTRABACARABOBO et a imposé à l’entreprise de négocier un projet de convention présenté par le SINTRATERRICENTROPOLAR, rejetant toutes les preuves présentées pour démontrer la représentativité moindre de cette organisation syndicale.
- 631. Les organisations plaignantes, pour étayer leurs allégations relatives à l’ingérence du gouvernement visant à favoriser le SINTRATERRICENTROPOLAR au détriment du SUTRABACARABOBO, citent les éléments ci-après (qui renvoient à des informations publiques issues notamment des médias, des réseaux sociaux et des communications du PSUV): i) la participation du SINTRATERRICENTROPOLAR à des conférences de presse organisées par le PSUV au siège de ce parti gouvernemental, au cours desquelles des propos injurieux ont été tenus à l’égard de l’entreprise et où un ton politico-partisan a été employé pour démontrer que le syndicat jouissait d’un solide appui de la part du gouvernement; ii) des déclarations faites par des représentants du PSUV pour soutenir le SINTRATERRICENTROPOLAR et dont le contenu était injurieux à l’égard de l’entreprise; iii) l’appui et la partialité du Vice-président de la République attestés par une photographie avec les dirigeants du SINTRATERRICENTROPOLAR; iv) des manifestations de soutien et de partialité à l’égard du SINTRATERRICENTROPOLAR exprimées sur les réseaux sociaux par la ministre du Pouvoir populaire pour le service pénitentiaire; v) la diffusion, sur les réseaux sociaux toujours, par le Défenseur du peuple, de la position partiale du SINTRATERRICENTROPOLAR, ainsi que de fausses accusations de nature diffamatoire visant l’entreprise.
- 632. Les organisations plaignantes allèguent que, afin de faire pression sur l’entreprise et de lui imposer la négociation collective de clauses de son projet, le SINTRATERRICENTROPOLAR, du 7 au 20 juillet 2015, s’est livré à divers actes de violence pour paralyser les activités productives dans plusieurs agences de distribution, ce qui a porté préjudice à l’entreprise et entravé ses activités: i) les 9, 10 et 13 avril 2015, avec le soutien et en la présence du président du SINTRATERRICENTROPOLAR, un groupe de personnes étrangères à l’entreprise s’est présenté aux abords de l’agence de distribution de la localité de Turmero, dans l’Etat d’Aragua. Ces personnes portaient des armes à feu et, par l’usage de la violence, ont empêché le déroulement normal des activités et l’accès des travailleurs à leur poste (ces faits ont été dénoncés en temps opportun et en bonne et due forme auprès des organes compétents; selon les organisations plaignantes, ils reflètent la grave situation de violence arbitraire émanant de groupes de délinquants qui agissent en toute impunité du fait de l’inaction des organes chargés des poursuites pénales); ii) entre le 13 et le 17 avril, un groupe de personnes étrangères à l’entreprise s’est à nouveau présenté aux abords de l’agence de distribution de la localité de Turmero. Armées, ces personnes, par l’usage de la violence, ont empêché le déroulement des activités commerciales et l’accès des travailleurs à leur poste, ce qui a une nouvelle fois porté atteinte à l’activité productive de l’entreprise (selon les organisations plaignantes, ces personnes auraient été contactées par la direction du SINTRATERRICENTROPOLAR, qui, n’ayant pas le soutien de la majorité des travailleurs, lesquels étaient favorables à l’accord récent signé par le SUTRABACARABOBO, a décidé de recourir à des actes d’intimidation pour obtenir le soutien de ses actions visant à paralyser les activités de l’entreprise). Les organisations plaignantes indiquent que ces actes de violence ont été vivement condamnés par les travailleurs de l’agence de Turmero.
- 633. Les organisations plaignantes dénoncent également les menaces et attaques répétées que le président du SINTRATERRICENTROPOLAR a proférées lors de conférences de presse et d’entretiens, y compris de rassemblements du PSUV, contre l’entreprise, son groupe, ses travailleurs, ses actionnaires et son président exécutif. Le président du SINTRATERRICENTROPOLAR s’est livré à des déclarations fausses et indécentes pour leur porter atteinte et a encouragé les actes d’agression à leur encontre, autant d’attaques qui ont ensuite été diffusées en long et en large à de nombreuses reprises sur les chaînes de télévision de l’Etat. Les organisations plaignantes exposent ces événements en détail et considèrent qu’il s’agit là d’une campagne soutenue par le gouvernement en vue de porter atteinte au groupe d’entreprises, à ses travailleurs et à ses actionnaires et, plus spécifiquement, à l’entreprise, au président de l’entreprise et au groupe d’entreprises par le blocage des activités et divers délits.
- 634. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que, le 26 juin 2015, la directrice de l’inspection nationale, rattachée au MPPPST, ait publié un rapport dans lequel elle faisait état de l’impossibilité de parvenir à un accord et recommandait au ministère du Pouvoir populaire pour le processus social du travail, plus de quatre-vingts jours s’étant écoulés depuis le début de la grève, de soumettre le différend à l’arbitrage, ce qu’a fait le ministère en vertu de la résolution no 9273 du 14 juillet 2015. A cet égard, les organisations plaignantes rappellent qu’aucune disposition juridique ne prévoit une telle faculté en cas de paralysie des activités due à une grève telle que celle qui a été promue par le SINTRATERRICENTROPOLAR dans le secteur de la distribution de bière et de malt (qui ne constitue pas un service essentiel) et soulignent que l’article 492 de la loi organique sur le travail, les travailleurs et les travailleuses (LOTTT) dispose que, pour pouvoir soumettre de force un différend collectif du travail à l’arbitrage en cas de grève, ladite grève doit mettre la vie ou la sécurité de la population ou d’une partie de celle-ci en danger immédiat. Les organisations plaignantes soulignent que la grève en question ne pouvait en aucun cas être considérée comme une menace contre la vie ou la sécurité de la population et que, par conséquent, le différend n’aurait jamais dû être soumis à l’arbitrage obligatoire, ce qui constitue une violation grave du droit à la négociation collective volontaire. En outre, elles dénoncent le fait que, de façon partiale et en violation du principe de la procédure régulière et du droit à la défense, sous le contrôle du MPPPST: i) la résolution en question ait attribué à l’entreprise, de manière détournée et sans fondement, un supposé manque de volonté de dialoguer, la qualifiant d’obstinée et influençant les travailleurs en défaveur de l’entreprise au lieu d’instaurer un climat favorable au règlement du différend; ii) la procédure d’arbitrage se soit déroulée au siège des services du Défenseur du peuple – un organe étranger à la réglementation des relations de travail et dont le plus haut responsable s’était déjà prononcé publiquement contre l’entreprise; iii) durant la procédure d’arbitrage, l’arbitre présidant le comité d’arbitrage (imposé par le MPPPST) et l’arbitre nommé par le SINTRATERRICENTROPOLAR aient toujours agi à l’unisson et rejeté arbitrairement les arguments avancés par l’entreprise, les travailleurs ayant souhaité participer et même le troisième arbitre nommé par l’employeur; iv) l’arbitre-président, sans débat préalable, ait présenté au sein du comité un projet de sentence arbitrale dont il n’a pas pu justifier le contenu faute de la moindre analyse économique ou juridique, et que certaines clauses aient été approuvées sans tenir compte du caractère global de la décision – le troisième arbitre ayant exigé de connaître les arguments techniques justifiant le contenu du projet, l’arbitre-président a reconnu que l’instrument avait été rédigé par le MPPPST et que, par conséquent, toute modification devait être approuvée par le fonctionnaire désigné par le ministère en question; v) selon ses dires, le 6 octobre, l’arbitre nommé par l’entreprise ait dû se rendre au siège du MPPPST tard dans la soirée pour un entretien avec le fonctionnaire chargé du projet de sentence arbitrale, lequel (face à la passivité du président du comité d’arbitrage et de l’arbitre nommé par l’organisation syndicale) a défendu la sentence, accepté d’y introduire quelques ajustements puis exigé que l’arbitre nommé par l’entreprise la signe également, sous la menace d’aggraver les dommages économiques subis par l’entreprise; vi) la sentence arbitrale, publiée le 5 octobre 2015, révèle un mépris total pour les accords conclus par les parties dans le cadre des négociations directes et volontaires (elle fait fi du contenu fixé par les parties pendant les négociations pour 20 clauses, lesquelles ont été intégrées à la sentence avec un libellé différent; elle fait fi de la volonté des parties de supprimer du règlement potentiel relatif aux conditions de travail un ensemble de 18 clauses néanmoins incluses dans la sentence; et elle comprend des clauses qui n’avaient jamais fait partie du projet de convention collective présenté – le comité a donc statué ultra petita, c’est-à-dire au-delà de ce qui lui était demandé). Les organisations plaignantes allèguent que ces pratiques substituent à l’exercice de la liberté syndicale et de la liberté de négocier collectivement des décisions autocratiques imposées par le gouvernement. Elles estiment que le fait que le processus d’arbitrage ait été imposé et que le gouvernement ait outrepassé ses prérogatives dans le cadre du déroulement de la procédure et en ce qui concerne le contenu de la sentence arbitrale constituent un précédent grave susceptible d’être utilisé pour imposer des conditions de travail dans les entreprises du secteur privé sans tenir compte de la volonté et des libertés des parties, en particulier la liberté syndicale et la liberté de négocier collectivement de façon volontaire, ce qui constitue une violation claire des conventions nos 87 et 98.
- 635. De manière générale, s’agissant de l’ingérence des autorités dans la négociation collective, les organisations plaignantes rappellent que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) a formulé des observations au sujet des dispositions de la LOTTT, en particulier l’article 449 de ladite loi relatif à la présence d’un fonctionnaire du travail dans le cadre de la négociation collective, et a souligné que cet article devait être modifié. Les organisations plaignantes considèrent le cas de l’article 493 de la LOTTT comme plus grave encore dans la mesure où cet article dispose que, si un différend collectif est soumis à l’arbitrage et que les parties ne s’accordent pas sur le choix du troisième arbitre dans un délai de cinq jours, ce dernier est nommé par l’inspecteur du travail (à ce sujet, la CEACR a estimé que le système de nomination ne permettait pas de garantir la confiance des parties dans le système ni dans le comité d’arbitrage ainsi établi).
- 636. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que, en vertu de la résolution no 9551 du 29 décembre 2015, le MPPPST ait décidé unilatéralement, sans que le différend collectif n’ait été soumis à aucune forme de médiation et alors qu’aucun service essentiel ou d’utilité publique n’était touché, d’étendre la sentence arbitrale concernée à «toutes les infrastructures de l’entreprise dans le pays», au mépris de la négociation collective volontaire et du pluralisme syndical. Les organisations plaignantes rappellent que, conformément à son libellé, la sentence ne devrait s’appliquer que dans les Etats d’Amazonas, d’Apure, d’Aragua, de Bolívar, de Cojedes, de Falcón et de Guárico (elles rappellent à cet égard que l’Etat de Carabobo a été exclu de la procédure, ce qui a servi de prétexte pour tenir le SUTRABACARABOBO à l’écart du processus de négociation collective). Elles considèrent que cela démontre une fois de plus la persécution systématique dont est victime l’entreprise, et rappellent aussi une nouvelle fois que l’employeur a conclu des conventions collectives de travail avec les organisations syndicales les plus représentatives dans chacun de ses centres de travail. Il en résulte qu’au total 16 organisations syndicales et 15 conventions de travail (couvrant les différentes usines et agences dans les différents Etats où l’entreprise mène des activités) se retrouvent à coexister avec une sentence arbitrale illégale et inconstitutionnelle imposée et étendue par le gouvernement pour favoriser des organisations syndicales liées à son parti. L’extension forcée, selon ce qui est indiqué dans la résolution no 9551 elle-même, répond à une demande du syndicat national des travailleurs des entreprises productrices de produits alimentaires, bières, boissons rafraîchissantes, liqueurs et vins (SINTRACERLIV), organisation qui ne réunit que 18,5 pour cent des travailleurs syndiqués de l’entreprise, mais dont les dirigeants ont des liens étroits avec le PSUV. Les organisations plaignantes estiment que l’objectif du SINTRACERLIV et du MPPPST consiste à ériger artificiellement le SINTRACERLIV au rang d’organisation la plus représentative du pays (alors même qu’elle ne dispose pas du nombre d’adhérents nécessaire) et à lui octroyer le monopole de la gestion de la sentence dans tous les centres de l’entreprise au niveau national.
- 637. L’extension forcée de la sentence arbitrale implique, jusqu’à l’expiration de celle-ci (après trente mois), l’interdiction de toute négociation collective volontaire dans les différents centres de travail de l’entreprise où sont actifs plusieurs syndicats qui y représentent respectivement la majorité des travailleurs. Les organisations plaignantes communiquent à titre d’exemple une résolution administrative du 11 février 2016, dans laquelle l’inspection du travail, en vertu de l’extension de la sentence arbitrale, a ordonné la suspension, pendant toute la période de validité de la sentence, des négociations relatives à un projet de convention collective entre un autre syndicat (le syndicat des travailleurs de l’industrie des boissons de l’Etat de Zulia (SITIBEB-ZULIA)) et l’entreprise.
- 638. Les organisations plaignantes allèguent aussi que les faits dénoncés s’inscrivent dans le cadre d’une campagne d’intimidation, de harcèlement et de diffamation dirigée par le gouvernement contre les entreprises employeuses qui forment le groupe employeur, auquel appartient l’entreprise et dont le président, de même que la FEDECAMARAS, ont été accusés sans fondement par des représentants des pouvoirs publics, dont le Président de la République lui-même, de fomenter et de soutenir une guerre économique contre le gouvernement. Les organisations plaignantes dénoncent une campagne systématique de harcèlement par médias et réseaux sociaux interposés (à grand renfort de programmes, souvent rediffusés, et accompagnés parfois de reportages visant précisément le groupe d’entreprises et faisant même appel aux réseaux sociaux du PSUV). Dans le cadre de cette campagne, le Président de la République et d’autres hauts fonctionnaires ou ex-fonctionnaires d’organismes publics, notamment l’ex-vice-président de l’Assemblée nationale, des ministres et des députés, ont proféré de façon répétée contre ce groupe et son président, ainsi que contre la FEDECAMARAS, des accusations sans fondement et des insultes, les qualifiant d’«ennemis du peuple» et de «traîtres à la patrie», leur reprochant de fomenter «la guerre et la déstabilisation économique du pays» (les menaçant à cet égard de les sanctionner avec toute la rigueur de la loi s’ils ne cessaient pas cette guerre, appelant à ce que leurs dirigeants soient poursuivis pour leurs liens avec des bandes de délinquants qui détournent des produits de base et menaçant de prendre des mesures privatives de liberté contre le président du groupe), d’«affamer le peuple», de comploter à l’étranger, de «contrôler la distribution des aliments et de financer l’opposition», ainsi que de «s’allier à des bandes de délinquants», traitant le président du groupe de «diable», d’«assassin», de «bourgeois exploiteur» ou de «corrompu» et affirmant qu’il «devrait être emprisonné pour ses actes criminels». Par ailleurs, les organisations plaignantes allèguent que le Président de la République a déclaré que discuter avec le président du groupe commercial serait «trahir la patrie». Le groupe est constamment menacé d’expropriation et se voit accusé de ne pas produire les produits du panier alimentaire de base et de détourner des fonds étrangers, alors qu’en réalité on lui refuse l’accès aux devises dont il a besoin pour se procurer à l’étranger les intrants nécessaires à la production (certaines usines de production ne pouvant ainsi pas fonctionner). Selon les organisations plaignantes, cette campagne a été renforcée par l’important réseau de médias de l’Etat connu sous le nom de système bolivarien de communication et d’information (SiBCI), qui comprend notamment la chaîne Venezolana de Televisión qui, en octobre 2015 par exemple, a consacré 1 499 minutes à cette campagne gouvernementale agressive. Dans la même veine, les organisations plaignantes dénoncent des cas où des espaces, des ressources et des fonctionnaires publics ont été utilisés pour mener des activités diffamatoires, les informations ainsi diffusées ayant généralement été présentées de façon à faire croire qu’il s’agissait de faits avérés.
- 639. Les organisations plaignantes dénoncent aussi les actes d’agression suivants: i) des actes de violence, à savoir la saisie par la force, le 18 février 2016, de cinq camions appartenant aux entreprises du groupe par des groupes d’individus violents criant des slogans en faveur du gouvernement et contre le groupe commercial, saisie qui n’a donné lieu à aucune intervention des forces de police, qui sont placées sous le commandement du gouvernement; ii) le harcèlement moral et économique du groupe par les organes d’inspection et de réglementation contrôlés par le gouvernement, dont les organisations plaignantes citent plusieurs exemples: la réalisation de nombreuses inspections forcées, parfois encadrées par la force publique à des fins d’intimidation, en particulier la réalisation de 38 inspections sur une durée de quatre jours, de plus de 293 inspections entre le 1er janvier et le 13 août 2015 et de 75 inspections dans l’entreprise entre le 29 avril et le 27 mai 2016, ainsi que l’imposition, en novembre 2015, d’une amende d’un montant exorbitant équivalant à 87 000 dollars pour présomption de non-soumission d’informations requises dans le délai imparti; iii) des confiscations et des expropriations ou menaces d’expropriation décidées ou brandies par le Président de la République lui-même contre des installations du groupe, qui ont donné lieu à au moins huit cas de destruction de biens appartenant au groupe, au mépris des prescriptions et procédures légales et des garanties constitutionnelles en matière de droit à la défense et à une procédure régulière; iv) la persécution et l’atteinte à la vie privée du président du groupe d’entreprises par l’enregistrement de ses conversations privées et la menace de mesures privatives de liberté (les organisations plaignantes mentionnent en particulier la diffusion à la télévision d’une conversation entre l’intéressé et un économiste vénézuélien ayant des liens avec l’étranger sur la situation économique délicate du pays; le président de l’Assemblée nationale de l’époque a accusé ces deux personnes de «conspiration contre la patrie», et le Président de la République lui-même a de nouveau accusé le président du groupe de se livrer à une guerre économique et a demandé qu’une enquête et une procédure judiciaire soient ouvertes contre lui); v) le harcèlement et la détention de sept travailleurs exerçant des fonctions d’encadrement, dans le contexte d’une suspension des activités due à une pénurie de matières premières et d’intrants importés. Au mépris des règles de procédure, en violation du droit à la défense et à une procédure régulière et sans tenir compte du fait que la suspension des activités était due à la force majeure, les autorités ont pris des ordonnances de réintégration de travailleurs qui n’ont pas pu être mises à exécution, et ont alors ordonné la détention pour désobéissance de ces cadres représentant l’employeur (même si leur détention n’a pas duré plus de quarante-huit heures – du fait des actions juridiques entreprises par le groupe –, des mesures conservatoires sans privation de liberté, comme la présentation devant les tribunaux ou l’interdiction de sortie du pays, ont été imposées dans trois cas).
- 640. Enfin, dans leur communication en date du 8 novembre 2016, les organisations plaignantes dénoncent: i) la poursuite de la campagne de diffamation et de stigmatisation contre le groupe d’entreprises de l’entreprise et son président, ainsi que contre la FEDECAMARAS; ii) le placement en détention par la police de 19 représentants du groupe comme mesure de rétorsion à la désobéissance alléguée, sans garantie de procédure régulière et au mépris du droit à la défense; dans six cas, les personnes se sont retrouvées soumises à durée indéterminée à des mesures restrictives de liberté (par exemple, interdiction de sortie du pays, présentation devant les tribunaux ou ordre de se tenir à la disposition de ces organes). Les organisations plaignantes soulignent que, en ce qui concerne les pouvoirs excessifs que la LOTTT confère à l’administration du travail, il faut citer la possibilité de placer une personne en détention pour non-respect de décisions administratives, le gouvernement a lancé une campagne de persécution de ce groupe commercial et, pour illustrer l’animosité et l’acharnement des autorités, elles mentionnent la détention arbitraire d’un cadre accusé de boycott et soumis à une privation de liberté arbitraire et extrajudiciaire pendant quinze jours; iii) des actes de persécution et de harcèlement par la présence d’agents armés du Service national bolivarien de renseignement devant les installations du groupe commercial à Caracas, ainsi que devant la maison de son président (sans que l’objet de cette présence ait été communiqué). Compte tenu de tout ce qui précède, les organisations plaignantes estiment que les actes de harcèlement et d’intimidation auxquels se livre le gouvernement contre le groupe d’entreprises se sont intensifiés.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 641. Dans sa communication en date du 2 septembre 2016, le gouvernement formule les observations ci-après au sujet des allégations des organisations plaignantes.
- 642. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle il a imposé des négociations collectives avec une organisation minoritaire sans tradition syndicale, le gouvernement indique qu’il n’a en aucun cas imposé les négociations avec le SINTRATERRICENTROPOLAR et qu’il n’est pas vrai d’affirmer que ce syndicat ne représente qu’une minorité de travailleurs de l’entreprise. Le gouvernement indique que: i) le 24 octobre 2013, l’autorité compétente, en vertu du décret no 2013-0580, a accepté la présentation d’un projet de négociation collective par le SINTRATERRICENTROPOLAR conformément aux dispositions; ii) le 9 décembre 2013, l’entreprise a exercé son droit à la défense, alléguant que le SINTRATERRICENTROPOLAR n’était pas l’organisation la plus représentative; iii) en vertu du décret no 2014-0056 du 11 mars 2014, constatant que le différend lié à la représentativité se limitait à l’Etat de Carabobo (dans la mesure où le syndicat que l’entreprise considérait le plus représentatif avait un champ d’action limité à cet Etat) et qu’une convention collective était en vigueur pour les travailleurs de cet Etat, raison pour laquelle il convenait d’exclure l’Etat de Carabobo du champ des négociations, l’autorité compétente a estimé qu’il était inutile d’examiner la question du manque de représentativité allégué.
- 643. En ce qui concerne les allégations relatives aux dommages subis à cause de la paralysie des activités promue par le SINTRATERRICENTROPOLAR avec l’appui du parti gouvernemental et de la Vice-présidence de la République, le gouvernement indique que la grève était conforme à la loi en garantissant un service minimum, ce pour quoi elle a reçu le plein soutien de l’Etat. Le gouvernement indique par ailleurs ignorer si la grève bénéficiait du soutien du PSUV et rappelle qu’il existe en République bolivarienne du Venezuela un solide système démocratique qui permet aux parties de gérer les problèmes sociaux et du travail; que le gouvernement ne se mêle pas des activités de prosélytisme des partis; et que la législation prévoit des mécanismes de sanction en cas de dommages.
- 644. Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle le ministère a imposé l’arbitrage obligatoire, le gouvernement fait savoir que le SINTRATERRICENTROPOLAR a exercé son droit à la grève. S’il est vrai qu’aucun service essentiel pour la collectivité n’était touché, il ne fait aucun doute que, du fait de l’extension territoriale (avec des grèves solidaires) et du fait que le différend principal durait depuis plus de quatre-vingt-dix jours, l’emploi productif qui assure une existence digne à chaque travailleur était menacé. C’est pourquoi, vu l’impossibilité de parvenir à des accords par le biais de mécanismes «internes» et la nécessité de recourir à des mécanismes «externes» – dans ce cas précis l’arbitrage – le MPPPST a ordonné de soumettre le différend collectif à l’arbitrage en vertu de la résolution no 9273 publiée le 13 juillet 2015, conformément aux dispositions de l’article 492 de la LOTTT (qui dispose ce qui suit: «en cas de grève qui, du fait de son extension, de sa durée ou d’autres circonstances graves, fait courir un danger immédiat à la vie ou à la sécurité de la population ou d’une partie de celle-ci, même lorsque le conseil de conciliation n’a pas terminé ses travaux, le ou la ministre du Pouvoir populaire compétent en matière de travail, par le biais d’une résolution motivée, déclarera la procédure conflictuelle close et, partant, la grève correspondante, et soumettra le conflit à l’arbitrage»). En vertu de cette résolution, le rythme normal de travail a pu reprendre, garantissant ainsi le processus social du travail, ainsi que le droit humain et constitutionnel à conclure une convention collective de travail.
- 645. En lien avec les allégations d’ingérence dans l’arbitrage, le gouvernement indique que les arbitres nommés n’étaient pas sous les ordres du MPPPST, puisqu’ils avaient été nommés par les parties au différend – à savoir l’entreprise et le SINTRATERRICENTROPOLAR –, et que les deux parties avaient demandé au MPPPST de nommer un troisième arbitre. S’agissant de la partialité dénoncée dans la prise de décisions, le gouvernement fait valoir que cette allégation manque de substance, comme le démontre le fait que l’un des arbitres (nommé par l’entreprise), n’étant pas d’accord avec certains points convenus par la majorité, a formulé une opinion individuelle.
- 646. Par rapport à l’allégation selon laquelle la sentence arbitrale a porté atteinte à certaines décisions prises de façon autonome lors de la négociation collective volontaire, le gouvernement fait valoir que, dans le cadre d’un arbitrage fondé sur l’équité, les arbitres doivent se baser essentiellement sur ce qu’ils estiment le plus équitable et agir en toute liberté. Dans l’intérêt de l’équité, ils sont habilités à prendre une décision différente de ce qui a déjà été convenu par les parties, sans que cela ne viole aucun droit.
- 647. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’extension de la sentence visait à empêcher la négociation de conventions collectives jusqu’à l’expiration de la sentence, le gouvernement dit que la résolution ministérielle no 9551 publiée le 30 décembre 2015, en vertu de laquelle la sentence a été élargie, n’interdit en aucun cas la conclusion de nouvelles conventions de travail. De même, le gouvernement nie que l’extension forcée modifie le modèle de négociation et affirme que, dans la mesure où une seule entité employeuse est concernée, l’extension a visé à protéger, garantir et développer le processus social du travail pour protéger le droit dont jouissent tous les travailleurs à bénéficier d’un traitement équitable.
- 648. S’agissant de l’allégation selon laquelle le gouvernement a discriminé les organisations syndicales qui ne se conforment pas à ses lignes politiques et l’extension de la sentence a été décidée à la demande d’une organisation syndicale (le SINTRACERLIV) liée au PSUV, laquelle visait à s’ériger artificiellement au rang d’organisation la plus représentative et de seule administratrice de la sentence au niveau national, au détriment des autres syndicats, le gouvernement indique que, s’il est vrai que, aux fins de l’extension, il a été tenu compte de la demande du SINTRACERLIV, ce n’est pas parce que celui-ci bénéficiait d’un traitement de faveur, mais parce que le SINTRACERLIV a fait valoir son droit de pétition tel que prévu à l’article 51 de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela. Pour ce qui est de l’allégation de lien entre ce syndicat et le parti gouvernemental (PSUV), le gouvernement déclare que cette accusation a un caractère politique qui sort du cadre syndical, car elle constitue un acte d’opposition directe au gouvernement.
- 649. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la sentence arbitrale a été prononcée par une autorité n’ayant pas la compétence pour le faire et en dehors de toute procédure qui aurait garanti le droit à la défense et à une procédure juste de l’entreprise et des 15 autres syndicats opérant légitimement, le gouvernement indique que le MPPPST a la compétence nécessaire pour édicter un tel acte administratif en vertu des articles 499 et 500 de la LOTTT, qui lui octroient la compétence de mettre en œuvre et de faire respecter les lois et normes en matière de travail et de sécurité sociale, d’édicter des résolutions et de réaliser toutes les actions qui relèvent de sa compétence ou qui sont nécessaires à cette fin. De plus, le gouvernement dit qu’à aucun moment il n’a agi dans l’illégalité, dans la mesure où l’entreprise avait connaissance, au travers du Bulletin officiel qui avait publié la sentence arbitrale, de la demande formulée par le comité d’arbitrage au ministère en vue de l’examen de la question de l’extension obligatoire de la convention collective prévue par la sentence, le but étant que celle-ci soit appliquée à toutes les infrastructures de l’entreprise au niveau national.
- 650. Pour ce qui est des allégations relatives à la campagne de communication du gouvernement désignant la FEDECAMARAS et le groupe d’entreprises de l’entreprise comme responsables d’une guerre économique et accusant ces derniers de soustraire des produits au peuple et de contrôler la distribution de produits alimentaires, le gouvernement dit que le Comité de la liberté syndicale a connaissance du fait que la FEDECAMARAS, en tant qu’organisation, a participé à des coups d’Etat, des grèves illégales et des actes de sabotage contre l’économie du pays, et qu’il est lamentable que cette organisation n’ait rien fait pour se distancier de ce passé, continuant au contraire à agir dans la confrontation politique plutôt que dans le cadre syndical. Pour démontrer l’agressivité politique du groupe d’entreprises concerné, le gouvernement se réfère, à titre d’exemple, aux déclarations faites par le président du groupe selon lesquelles le langage et le ton du chef de l’Etat ne contribuaient pas à gagner la confiance des investisseurs, et souligne que des dirigeants de la FEDECAMARAS se sont exprimés en faveur de la révocation du mandat du Président de la République. Le gouvernement indique qu’il existe des preuves que l’entreprise participe à la déstabilisation économique de la République bolivarienne du Venezuela, utilisant, à des fins politiques, sa position sur le marché et le financement de campagnes publicitaires portant atteinte aux processus sociaux et politiques du pays.
- 651. En réponse aux allégations selon lesquelles le Président de la République a proféré des accusations d’actes de conspiration et de guerre économique par le biais de la chaîne de télévision d’Etat, et selon lesquelles des actes d’intimidation ont été commis au moyen d’inspections forcées, le gouvernement indique que le groupe d’entreprises concerné est responsable d’une part importante de la production alimentaire du pays, à laquelle il participe activement pour saboter l’économie du pays. Le gouvernement souligne que la législation vénézuélienne autorise la réalisation d’inspections dans les entreprises et que ces pratiques, qui ont lieu quotidiennement dans une entreprise ou l’autre, sont parfois exceptionnellement menées de façon exhaustive dans les entreprises du secteur agroalimentaire. S’agissant des allégations relatives à l’utilisation des moyens de communication, le gouvernement dit qu’il a l’obligation constitutionnelle d’informer la population vénézuélienne, raison pour laquelle la télévision d’Etat diffuse de nombreux programmes et émissions spéciales pour dénoncer la guerre économique et ses principaux responsables.
- 652. Le gouvernement affirme que les porte-parole du parti gouvernemental exercent leur droit démocratique de liberté d’expression et rappelle que les députés de l’Assemblée nationale ont la prérogative constitutionnelle particulière de pouvoir formuler des opinions sans qu’aucune procédure légale ne puisse être engagée à leur encontre (prérogative dont bénéficient également les députés de l’opposition). Le gouvernement souligne que la situation économique complexe du pays est le résultat de la baisse du prix du pétrole et des actions de déstabilisation menées par des groupes économiques puissants qui détiennent le monopole de la production et de la distribution des produits alimentaires dans le pays. Il indique que cette situation a généré un climat extrêmement tendu par rapport aux déclarations tant des représentants gouvernementaux que des représentants des employeurs et des travailleurs, sachant que la liberté d’expression est pleine et entière dans le pays.
- 653. Le gouvernement nie en outre les allégations d’exclusion du dialogue social, dans la mesure où la FEDECAMARAS et le groupe de l’entreprise participent au Conseil national de l’économie par l’intermédiaire de l’un de leurs dirigeants. Le gouvernement nie avoir l’intention de réprimer la libre entreprise ou la liberté syndicale, soulignant qu’il existe en République bolivarienne du Venezuela un solide esprit d’initiative au sein du secteur privé et que le gouvernement a mis en place des politiques pour favoriser la production.
- 654. Enfin, le gouvernement affirme que ni le président de la FEDECAMARAS ni le président du groupe d’entreprises de l’entreprise ou les travailleurs de celle-ci n’ont été harcelés ou persécutés par le gouvernement et rejette les accusations formulées dans la plainte. Pour ce qui est des allégations relatives à la détention de cadres, le gouvernement déclare que ces détentions n’étaient pas dues aux liens existant entre ces personnes et la FEDECAMARAS, mais à des violations de la loi, ayant souvent consisté à ne pas respecter les ordonnances de réintégration des travailleurs. Le gouvernement affirme que, de manière générale, une procédure régulière a été garantie dans tous les cas, de même que l’accès à des avocats à la défense.
- 655. Le gouvernement rappelle que la législation vénézuélienne prévoit la possibilité de dénoncer les agressions physiques ou les actes de harcèlement allégués, ainsi que les cas de diffamation. De plus, il indique confirmer ce qu’il a déjà fait valoir en d’autres occasions concernant des allégations similaires dans le cadre de la plainte no 2254. Estimant que les faits dénoncés ne constituent en aucun cas une violation de la convention no 87, le gouvernement demande au Comité de la liberté syndicale de se dessaisir des questions qui ne relèvent pas de sa compétence et qui n’ont aucun lien avec ladite convention afin que celle-ci ne soit plus utilisée pour satisfaire des intérêts politiques particuliers contre la République bolivarienne du Venezuela.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 656. Le comité observe que la plainte concerne les allégations suivantes: ingérence dans la négociation collective de l’entreprise pour imposer la négociation d’un projet présenté par un syndicat minoritaire lié au parti gouvernemental et favoriser ce syndicat; actes de violence ayant empêché l’accès au lieu de travail dans le cadre de la grève; imposition illégale de l’arbitrage obligatoire, ingérence et irrégularités dans la procédure d’arbitrage et extension illégale de la sentence arbitrale; actes d’intimidation, de harcèlement et de diffamation, de la part les autorités, du parti gouvernemental et des organisations proches de celui-ci, contre l’entreprise, son groupe d’entreprises, son président et la FEDECAMARAS, y compris allégations de menaces, harcèlement, atteinte à la vie privée, confiscations et détention de travailleurs exerçant des fonctions d’encadrement.
- 657. Le comité observe que plusieurs des allégations relatives à l’ingérence des autorités dans la négociation volontaire coïncident avec celles qui ont été formulées dans le cadre du cas no 3172 (plainte contre le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela déposée par le Syndicat unique des travailleurs des entreprises productrices de bières, boissons gazeuses et boissons nutritionnelles de l’Etat de Carabobo (SUTRABACARABOBO).
- 658. En ce qui concerne l’allégation d’imposition de la négociation collective avec un syndicat minoritaire, le comité, d’une part, prend note des indications du gouvernement selon lesquelles, pour ce qui est du processus de négociation promu par ce syndicat (le SINTRATERRICENTROPOLAR) et qui touche plusieurs Etats couverts par l’entreprise, l’autorité compétente a considéré: i) le conflit de représentativité allégué par l’entreprise se limitait à l’Etat de Carabobo (qui est l’Etat dans lequel le syndicat que l’entreprise estime le plus représentatif est enregistré, raison pour laquelle l’autorité a jugé que ce syndicat ne pouvait pas négocier dans d’autres Etats); et ii) une convention collective étant en vigueur pour les travailleurs de l’Etat de Carabobo, il convenait d’exclure cet Etat du champ territorial de la négociation et, partant, il était inutile d’examiner la question du manque de représentativité allégué.
- 659. D’autre part, le comité observe que les organisations plaignantes rappellent que la pratique en matière de négociation collective (suivie à six reprises depuis 1998) consiste à conclure des conventions collectives avec l’organisation syndicale la plus représentative de l’Etat de Carabobo (où se trouve la principale usine de production de bière et de malt du pays), dont les effets sont étendus, d’un commun accord, aux travailleurs employés dans les autres Etats fédéraux qui constituent le «territoire commercial central» (Amazonas, Apure, Aragua, Bolívar, Cojedes, Falcón et Guárico). Le comité observe que, selon les allégations des organisations plaignantes que le gouvernement ne conteste pas, la demande initiale de l’entreprise ne visait rien d’autre qu’à étendre la convention collective conclue avec le SUTRABACARABOBO. Il observe de plus que les organisations plaignantes fournissent des statistiques sur l’adhésion au syndicat (critère établi par l’article 438 de la LOTTT comme un élément primordial pour déterminer la représentativité d’une organisation dans le cadre de la négociation collective) pour démontrer la plus grande représentativité de ce syndicat, qui a été exclu des négociations engagées par le SINTRATERRICENTROPOLAR. Le comité observe à cet égard que le gouvernement ne remet pas en question la plus grande représentativité du SUTRABACARABOBO par rapport au SINTRATERRICENTROPOLAR (tant dans l’Etat de Carabobo que dans les autres Etats concernés).
- 660. En outre, après avoir examiné le déroulement du processus dans son ensemble, pour ce qui est des arguments relatifs au champ territorial sur lesquels – selon les indications du gouvernement – les autorités compétentes ont fondé leur décision, le comité ne peut qu’observer ce qui suit: i) dans un premier temps, les autorités ont limité le champ territorial des négociations et exclu l’Etat de Carabobo (justifiant ainsi la non-participation du SUTRABACARABOBO – au motif que le syndicat ne pouvait agir que dans l’Etat de Carabobo – et conférant le droit de négocier à l’organisation dont il est allégué qu’elle est liée au gouvernement (le SINTRATERRICENTROPOLAR)); ii) une fois que la sentence arbitrale a été adoptée, les autorités n’ont plus tenu compte de la limitation territoriale décrétée initialement (en vertu de laquelle il avait été jugé inutile de définir quelle organisation était la plus représentative) et ont imposé l’extension de cette sentence à tous les travailleurs de tous les Etats (à nouveau sans tenir compte objectivement de la représentativité des organisations concernées par la décision et au profit d’une organisation (le SINTRACERLIV) dont les organisations plaignantes allèguent qu’elle est liée au parti gouvernemental).
- 661. Déplorant que, en dépit des nombreuses occasions où tant l’entreprise que les travailleurs concernés ont exprimé la nécessité de vérifier la représentativité des organisations syndicales concernées en avançant des chiffres et des preuves concrètes des nombres d’adhérents, les autorités n’aient pas pris en considération les questions de représentativité qui se posaient, et se référant à ses conclusions dans le cas no 3172 relatif au rayon d’action du SUTRABACARABOBO, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la volonté de la majorité des travailleurs de l’entreprise pour ce qui est de leur représentation dans le cadre de la négociation collective et, à cet effet, la volonté de l’organisation syndicale la plus représentative – déterminée par une vérification objective de la représentativité des organisations concernées – soient respectées sans ingérence aucune. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 662. S’agissant des allégations d’actes de violence ayant empêché l’accès au lieu de travail dans le contexte de l’arrêt des activités soutenu par le SINTRATERRICENTROPOLAR, le comité prend note du fait que le gouvernement indique que la grève était conforme aux dispositions et que, par conséquent, elle devait bénéficier de l’appui de l’Etat. Le comité déplore que le gouvernement ne fournisse aucun renseignement sur les allégations de violence et lui demande de le tenir informé de la situation en ce qui concerne le traitement de la plainte déposée par les organisations plaignantes et de toute action et décision adoptée en lien avec ces allégations.
- 663. Pour ce qui est des allégations de recours illégitime à l’arbitrage obligatoire, le comité observe que le gouvernement indique que, s’il est vrai qu’aucun service essentiel pour la collectivité n’était touché, du fait de l’extension géographique et de la durée (plus de quatre-vingt-dix jours) de la grève, l’emploi productif qui assure une existence digne à chaque travailleur était menacé, raison pour laquelle il a été ordonné de soumettre le différend collectif à l’arbitrage. De plus, le comité observe que – selon les déclarations des organisations plaignantes –, suite à cette décision et au mépris de la négociation collective volontaire, le résultat de l’arbitrage n’a pas respecté les accords auxquels étaient parvenues les parties pendant les négociations (il modifiait les clauses déjà convenues, réintroduisait des clauses qui avaient été supprimées et en comprenaient d’autres qui n’avaient jamais fait partie du projet de convention présenté au départ). A cet égard, le comité se voit obligé de rappeler que les organes de l’Etat devraient s’abstenir d’intervenir pour modifier le contenu des conventions collectives librement conclues. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1001.] Par ailleurs, le comité rappelle que le droit de grève est le dernier recours dont disposent les organisations de travailleurs pour défendre leurs intérêts, car celui-ci a de graves conséquences non seulement pour les employeurs, mais aussi pour les travailleurs, qui assument les répercussions économiques qui peuvent découler de son exercice – conséquences qui ne sauraient justifier l’action unilatérale du gouvernement, qui porte atteinte tant au droit de grève qu’au caractère libre et volontaire de l’exercice du droit à la négociation collective.
- 664. Le comité prend également note avec préoccupation des allégations de parti pris contre l’entreprise, ainsi que d’irrégularités et d’ingérence de la part des autorités, en lien tant avec la résolution en vertu de laquelle le différend a été soumis à l’arbitrage qu’avec la procédure d’arbitrage elle-même. Pour ce qui est des allégations de partialité des arbitres et de soumission aux instructions du gouvernement, formulées avec force détails par les organisations plaignantes, le comité observe que, en réponse à ces allégations, le gouvernement se limite à indiquer que chacune des parties a nommé un arbitre et que le ministère a nommé le troisième, et que l’arbitre nommé par l’entreprise a formulé une opinion individuelle, n’étant pas d’accord avec certains points convenus par la majorité. De plus, le comité déplore que le gouvernement n’ait pas formulé d’observations précises au sujet des allégations concrètes d’irrégularités dans la procédure d’arbitrage et d’introduction arbitraire de clauses dans la sentence arbitrale, tout en observant que le bon déroulement de cette procédure a été fortement mis en doute par l’entreprise, de même que par le syndicat qui a déposé la plainte objet du cas no 3172. Le comité se doit de rappeler que, en cas de médiation et d’arbitrage de conflits collectifs, l’essentiel réside dans le fait que tous les membres des organes chargés de telles fonctions doivent non seulement être strictement impartiaux, mais doivent apparaître comme tels aussi bien aux employeurs qu’aux travailleurs afin que la confiance dont ils jouissent de la part des deux parties et dont dépend le succès de l’action, même s’il s’agit d’arbitrage obligatoire, soit maintenue. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 598.]
- 665. En ce qui concerne les allégations d’extension illégale de la sentence arbitrale, le comité, tout en prenant note des allégations du gouvernement selon lesquelles cette extension visait à assurer l’égalité de traitement entre les travailleurs, considère que les questions de l’extension d’une convention adoptée dans un contexte où la représentativité de l’organisation qui la soutenait fait l’objet d’un litige, ainsi que de la légitimité de l’arbitrage qui a donné lieu à la sentence et de la mise en œuvre de celle-ci, auraient dû être soumises à la consultation tripartite, après détermination objective de la représentativité des organisations de travailleurs concernées. Le comité prend note avec préoccupation tant de l’imposition de l’extension de la sentence que du fait, selon ce qui ressort des allégations et que le gouvernement ne nie pas, qu’aucune discussion n’a eu lieu avec l’entreprise et les syndicats concernés, pas même une évaluation de la représentativité des organisations concernées (alors que, selon ce qu’allèguent les organisations plaignantes et que le gouvernement ne dément pas, le syndicat qui a demandé l’extension (soit le SINTRACERLIV) jouissait d’une représentativité moindre, notamment par comparaison avec le syndicat exclu de la procédure initiale (le SUTRABACARABOBO)). Le comité observe de plus avec préoccupation que, selon ce qui ressort des informations fournies et malgré le fait que le gouvernement affirme que la résolution portant extension de la sentence n’empêchait en aucun cas la conclusion de nouvelles conventions collectives, l’extension semble avoir empêché l’exercice subséquent du droit de négociation collective par les organisations syndicales représentatives concernées (comme le montre l’ordre susmentionné donné par l’inspection du travail de suspendre les négociations relatives à un projet de convention collective pendant la validité de la sentence arbitrale étendue).
- 666. Exprimant sa préoccupation en lien avec les allégations d’irrégularités dans les procédures concernées, ainsi qu’avec les effets limitants des décisions administratives contestées relatives à l’exercice du droit à la négociation collective, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le plein respect de la négociation collective volontaire conformément aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, en veillant en particulier à ce qu’il ne soit pas fait recours à l’arbitrage obligatoire dans le cadre de services non essentiels et, lorsqu’il est procédé à l’arbitrage, à ce que les procédures soient impartiales et jouissent de la confiance des parties et à ce que l’entreprise puisse négocier librement et volontairement avec les organisations de travailleurs représentatives. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 667. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles les dispositions de la LOTTT permettraient l’ingérence des autorités dans la négociation collective et dans les procédures d’arbitrage, le comité déplore que le gouvernement n’ait pas formulé de réponse à ce sujet. Il rappelle, comme le font les organisations plaignantes, que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) a examiné ces questions et a demandé au gouvernement: i) de modifier l’article 449 de la LOTTT (qui dispose que la discussion d’un projet de négociation collective est effectuée en présence d’un fonctionnaire du travail qui présidera les réunions) de façon à le rendre conforme aux principes de la négociation libre et volontaire et de l’autonomie des parties; ii) en lien avec l’article 493 de la LOTTT (qui concerne la constitution du comité d’arbitrage), de prendre des mesures, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, pour garantir une composition du comité d’arbitrage qui jouisse de la confiance des parties. La République bolivarienne du Venezuela ayant ratifié la convention no 98, le comité soumet les aspects législatifs du présent cas à la CEACR et demande au gouvernement de communiquer à celle-ci les informations complémentaires pertinentes en la matière.
- 668. Pour ce qui est des allégations d’ingérence du gouvernement en vue de favoriser un syndicat minoritaire dont il est allégué qu’il est lié au parti gouvernemental, le comité observe, d’une part, à propos de la grève, que le gouvernement indique: qu’il ignore si le PSUV a appuyé cette grève; que la grève ayant été jugée conforme à la législation, elle bénéficiait du soutien de l’Etat; que les parties peuvent gérer les problèmes sociaux et du travail; et que le gouvernement ne se mêle pas des activités de prosélytisme des parties. D’autre part, le comité observe que le gouvernement ni ne nie quoi que ce soit ni ne fait de commentaire quel qu’il soit au sujet des allégations concrètes des organisations plaignantes relatives à plusieurs cas d’ingérence ayant pris la forme de déclarations de soutien au SINTRATERRICENTROPOLAR, parfois contre l’entreprise, émanant tant du parti gouvernemental (PSUV) – par le biais de ses structures et de ses moyens de communication – que des autorités publiques – notamment de représentants tels qu’une ministre, un maire et le défenseur du peuple. A cet égard, le comité doit souligner l’importance de la non ingérence des autorités et du parti politique du gouvernement dans les activités syndicales ou des organisations d’employeurs, et se réfère à ses conclusions dans le cadre du cas no 3172. Exprimant sa profonde préoccupation à propos des nombreuses allégations graves et détaillées de partialité et d’ingérence du parti gouvernemental et des autorités publiques dans le cadre du différend du travail en question, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éviter tout type d’ingérence dans les relations professionnelles entre l’entreprise et les organisations de travailleurs de celle-ci. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 669. Enfin, le comité prend note avec une profonde préoccupation des graves allégations détaillées d’actes d’intimidation, de harcèlement et de diffamation commis par les autorités, le parti gouvernemental et des organisations liées à celui-ci contre l’entreprise, son groupe d’entreprises et le président de celui-ci, ainsi que contre l’organisation d’employeurs à laquelle ce groupe d’entreprises est affilié (la FEDECAMARAS). Ces allégations incluent des allégations de violence, de harcèlement, d’atteinte à la vie privée, de confiscations et de détention de travailleurs exerçant des fonctions d’encadrement. Tout en reconnaissant l’importance, pour la liberté syndicale, de certains éléments évoqués par le gouvernement – notamment de la liberté d’expression et du rôle que les normes internationales du travail elles-mêmes attribuent à l’inspection du travail –, le comité estime que ces éléments n’apportent pas de réponse satisfaisante à la majorité des allégations de harcèlement et d’intimidation avancées de façon détaillée par les organisations plaignantes. Par ailleurs, le comité rappelle que le gouvernement doit veiller à ce que l’exercice de la liberté d’expression par la FEDECAMARAS et ses organisations affiliées soit respecté et à ce qu’il ne soit pas utilisé comme prétexte pour limiter la participation de cette organisation d’employeurs et de ses affiliées au dialogue social. Le comité déplore que le gouvernement consacre l’essentiel de sa réponse à réexposer et, ce faisant, à confirmer les accusations des organisations plaignantes (par exemple, les accusations de guerre économique ou de sabotage de l’économie qui les visent, et les actes d’incitation à la haine contre l’entreprise ou ses dirigeants, ainsi que contre la FEDECAMARAS, commis par les plus hautes autorités publiques). Le comité rappelle qu’il avait exprimé sa profonde préoccupation à plusieurs reprises face aux différentes formes graves de stigmatisation et d’intimidation de la part des autorités ou de groupes ou organisations liés au parti du gouvernement contre la FEDECAMARAS, ses organisations affiliées, ses dirigeants et ses entreprises affiliées – ainsi qu’en lien avec d’autres allégations comme l’exclusion du dialogue social – dans le cadre du cas no 2254, et se réfère aux conclusions et recommandations y relatives. Le comité observe également que ces allégations font aussi l’objet d’une plainte déposée contre la République bolivarienne du Venezuela en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, qui vient d’être examinée par le Conseil d’administration.
- 670. Concernant les allégations de détention et de restriction de la liberté de travailleurs exerçant des fonctions d’encadrement au sein du groupe d’entreprises de l’entreprise en violation de leur droit à la défense, le comité observe que le gouvernement affirme, de façon générale et sans donner d’autres précisons, que ces détentions ne sont pas liées aux activités des organisations d’employeurs, mais à des actes de désobéissance, et qu’une procédure régulière a été garantie. En outre, le comité observe que le gouvernement nie également tout acte de harcèlement, persécution ou diffamation et affirme que le système judiciaire dispose de mécanismes pour traiter ces accusations. Compte tenu des allégations divergentes des organisations plaignantes (qui font valoir que ces actes s’inscrivent dans le cadre d’une campagne de harcèlement menée par le gouvernement à l’encontre du groupe d’entreprises et de l’organisation d’employeurs FEDECAMARAS) et de l’absence d’informations précises de la part du gouvernement, le comité rappelle que les mesures d’arrestation de syndicalistes et de dirigeants d’organisations d’employeurs peuvent créer un climat d’intimidation et de crainte empêchant le déroulement normal des activités. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 67.] S’agissant des cas relatifs à l’arrestation, à la détention ou à la condamnation d’un dirigeant employeur, le comité, estimant que l’intéressé devrait bénéficier de la présomption d’innocence, considère qu’il incombe au gouvernement de démontrer que les mesures qu’il a prises ne sont pas dues aux activités des organisations d’employeurs. Tout en prenant note du fait que le gouvernement indique que les détentions alléguées découlent d’actes de désobéissance et ne sont pas liées aux activités des organisations d’employeurs, le comité invite les organisations plaignantes à fournir au gouvernement et au comité les renseignements complémentaires dont elles disposent, en particulier concernant toute plainte ou autre action juridique, et demande au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les résultats des procédures administratives ou judiciaires engagées à cet égard, plus particulièrement au sujet des mesures alléguées de privation de liberté.
- 671. En lien avec les allégations de saisie de biens du groupe d’entreprises de l’entreprise par des groupes violents, ainsi que de confiscations et d’expropriation (ou de menace d’expropriation) au mépris des prescriptions et procédures légales et des garanties constitutionnelles en matière de droit à la défense et à une procédure régulière, le comité déplore que le gouvernement n’ait pas formulé d’observations concrètes à cet égard. Il demande au gouvernement de communiquer des observations détaillées en lien avec ces allégations et, à cette fin, invite les organisations plaignantes à fournir les renseignements complémentaires dont elles disposent, en particulier concernant toute plainte ou autre action juridique engagée en ce sens.
- 672. De plus, le comité prend note avec préoccupation des allégations supplémentaires des organisations plaignantes du 8 novembre 2016 (dont les allégations suivantes: poursuite de la campagne de diffamation et de stigmatisation contre le groupe d’entreprises de l’entreprise et de son président, ainsi que contre la FEDECAMARAS; 19 nouvelles mises en détention de cadres du groupe d’entreprises pour désobéissance, sans garantie en matière de procédure régulière et avec des mesures restrictives de liberté dans six cas; actes de persécution et de harcèlement par le biais de la présence d’agents armés du Service national bolivarien de renseignement devant les installations du groupe commercial à Caracas, ainsi que devant la maison de son président). Le comité demande au gouvernement de communiquer ses observations à cet égard.
- 673. Exprimant sa préoccupation vu les multiples allégations de menaces, harcèlement et intimidation, le comité doit rappeler le principe selon lequel les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 44.] Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures fermes pour éviter ce type d’actes et de déclarations et pour rétablir un climat de dialogue constructif afin de favoriser des relations harmonieuses entre les partenaires sociaux.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 674. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que, conformément aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective: i) le plein respect de la négociation collective volontaire soit garanti, et que, lorsqu’il est procédé à l’arbitrage, les procédures soient impartiales et jouissent de la confiance des parties, et que l’entreprise puisse négocier librement et volontairement avec les organisations de travailleurs représentatives; et ii) la volonté de la majorité des travailleurs de l’entreprise pour ce qui est de sa représentation dans le cadre de la négociation collective et, à cet effet, la volonté de l’organisation syndicale la plus représentative – déterminée par une vérification objective de la représentativité – soient respectées.
- b) Exprimant sa profonde préoccupation devant la gravité des allégations présentées, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éviter tous types d’ingérence dans les relations sociales entre l’entreprise et les organisations de travailleurs présentes en son sein. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute procédure engagée ou décision adoptée en lien avec les allégations d’actes de violence ayant empêché l’accès au lieu de travail dans le cadre d’une grève, notamment le traitement de la plainte déposée par les organisations plaignantes.
- d) La République bolivarienne du Venezuela ayant ratifié la convention no 98, le comité soumet les aspects législatifs de ce cas à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et demande au gouvernement de communiquer à celle-ci les informations complémentaires pertinentes en ce qui concerne les allégations selon lesquelles certaines dispositions de la LOTTT (art. 449 et 493) permettraient l’ingérence des autorités dans la négociation collective et dans la constitution des comités d’arbitrage.
- e) Le comité demande au gouvernement de communiquer des observations précises concernant les allégations de saisie de biens du groupe d’entreprises de l’entreprise par des groupes violents, ainsi que de confiscations et d’expropriation (ou de menaces d’expropriation) et, à cette fin, invite les organisations plaignantes à fournir les renseignements complémentaires dont elles disposent, en particulier concernant toute plainte ou autre action juridique engagée à cet égard; le comité invite également les organisations plaignantes à fournir au gouvernement et au comité les informations supplémentaires dont elles disposent sur les allégations de détention et de restriction de la liberté de travailleurs exerçant des fonctions d’encadrement au sein du groupe d’entreprises de l’entreprise, en particulier sur toute plainte ou autre action juridique, et demande au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les résultats de toute procédure administrative ou judiciaire engagée à cet égard, plus particulièrement en ce qui concerne la prise alléguée de mesures privatives de liberté.
- f) Le comité demande au gouvernement de communiquer ses observations en lien avec les dernières allégations des organisations plaignantes en date du 8 novembre 2016 (dont les allégations suivantes: poursuite de la campagne de diffamation et de stigmatisation; 19 nouvelles mises en détention de cadres du groupe d’entreprises; actes de persécution et de harcèlement par le biais de la présence d’agents armés du Service national bolivarien de renseignement devant les installations du groupe commercial à Caracas, ainsi que devant la maison de son président).
- g) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures fermes pour éviter toute déclaration ou tout autre acte de menace, harcèlement ou persécution contre le groupe d’entreprises de l’entreprise, son président et la FEDECAMARAS, et pour rétablir un climat de dialogue constructif afin de favoriser des relations harmonieuses entre les partenaires sociaux.