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Effect given to the recommendations of the Committee and the Governing Body
Effect given to the recommendations of the Committee and the Governing Body- 33. Le comité examine le présent cas depuis sa réunion de mai-juin 1996 et il l’a examiné pour la dernière fois à sa réunion de mars 2014. [Voir 371e rapport, paragr. 44-53, approuvé par le Conseil d’administration à sa 320e session.] A cette occasion, le comité a dit vouloir croire que le gouvernement serait prochainement en mesure de lever l’interdiction de la rémunération des permanents syndicaux à temps plein et de veiller à ce que personne ne soit sanctionné pour avoir conclu un accord à cet égard. Dans l’intervalle, le comité a prié le gouvernement de lui fournir des informations détaillées sur la manière dont les durées maximales de congé syndical, permettant aux employeurs de rémunérer les activités syndicales pendant le temps nécessaire, sont appliquées dans la pratique et sur toute plainte recueillie concernant des pratiques de travail déloyales en matière de travail. Le comité a par ailleurs pris note avec une profonde préoccupation de la révocation de l’accréditation du Syndicat coréen des enseignants et des travailleurs de l’éducation (KTU), du quatrième refus d’enregistrer le Syndicat coréen des salariés de l’Etat (KGEU), ainsi que des allégations de perquisition et de saisie des serveurs du KGEU. Rappelant que, depuis l’adoption de la loi sur les syndicats et l’harmonisation des relations de travail en 1997, il a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier ou abroger les dispositions interdisant aux travailleurs licenciés d’être membres d’un syndicat, le comité a constaté que la loi sur la constitution et le fonctionnement des syndicats d’enseignants et la loi sur la constitution et le fonctionnement des syndicats de fonctionnaires contiennent des dispositions similaires et a instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les dispositions restreignant l’adhésion syndicale et de le tenir informé de toutes mesures prises pour faciliter l’enregistrement du KGEU et pour garantir la nouvelle accréditation du KTU sans délai. Le comité a en outre prié le gouvernement de fournir des informations détaillées en réponse à toutes les allégations énoncées dans la communication du 1er décembre 2013 de la Confédération syndicale internationale (CSI), de l’Internationale de l’éducation (IE), de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) et du KTU. Enfin, le comité a une fois encore prié le gouvernement de fournir des observations complètes au sujet des précédentes allégations d’ingérence dans les négociations entre syndicats et employeurs, et de communiquer les motifs de la résiliation unilatérale de conventions collectives contraignantes survenue au sein de la Korea Railroad Corporation (ci-après l’entreprise de chemins de fer), du Service national des pensions (ci-après le service des pensions) et de la Korea Gas Corporation (ci-après l’entreprise de gaz), et d’indiquer les mesures prises pour mettre l’article 314 du Code pénal en conformité avec les principes de la liberté syndicale.
- 34. Dans une communication du 25 juillet 2014, la KCTU, le KGEU, le Syndicat coréen des enseignants et des travailleurs de l’éducation (JeonKyojo, KTU) et la CSI fournissent des informations supplémentaires à propos de différents aspects du cas. En ce qui concerne le refus d’enregistrer le KGEU et la procédure judiciaire qui s’y rapporte, les organisations plaignantes indiquent que, dans une décision du 24 avril 2014, le tribunal administratif de Séoul a confirmé la décision du ministère de l’Emploi et du Travail de rejeter le rapport de constitution du KGEU présenté le 2 août 2013. Les organisations plaignantes ajoutent également que, le 23 avril 2014, la Cour suprême a statué en faveur du ministère à propos du rejet du rapport de constitution du KGEU présenté le 25 février 2010, au moment où l’organisation a été nouvellement créée à la suite de la fusion de trois syndicats de fonctionnaires. La Cour suprême a estimé que la décision du ministère était juste étant donné que les lois existantes n’autorisent pas les travailleurs licenciés à adhérer à un syndicat ou à le représenter. Les organisations plaignantes ont fourni des copies des deux jugements.
- 35. Quant à la révocation de l’accréditation du KTU, les organisations plaignantes indiquent que le KTU a sollicité une injonction provisoire en vue de suspendre la décision du gouvernement d’annuler son accréditation. Le 13 novembre 2013, le tribunal administratif de Séoul a accordé l’injonction. Toutefois, lors de l’examen de l’affaire quant au fond, le tribunal administratif de Séoul l’a classée et a confirmé la décision d’annuler l’accréditation le 19 juin 2014. Deux heures après le prononcé de la décision, le ministère de l’Emploi et du Travail a annoncé une série de mesures d’exécution dont: l’annulation des congés autorisés de 72 permanents syndicaux à temps plein qui ont reçu l’ordre de reprendre le travail; une demande adressée au KTU de libérer les locaux fournis au syndicat ou de rembourser les subventions reçues pour les locaux; la suspension des négociations collectives en cours avec le KTU et la résiliation de conventions collectives existantes; la suspension du prélèvement des cotisations syndicales; et le retrait, pour des membres du KTU, de l’autorisation de siéger à plusieurs comités établis en application des conventions collectives. Le 23 juin 2014, le ministère a organisé une réunion des commissaires à l’éducation de tous les bureaux métropolitains et provinciaux de l’éducation afin de superviser l’application desdites mesures. Le 27 juin 2014, 1 500 enseignants ont quitté les établissements scolaires plus tôt pour participer à un rassemblement organisé pour protester contre la révocation de l’accréditation du KTU. Le ministère de l’Education a annoncé que le rassemblement constituait une action collective illégale et a engagé des poursuites à l’encontre des enseignants présents.
- 36. Dans une communication du 14 janvier 2015, le gouvernement indique que, le 26 décembre 2013, la Haute Cour de Séoul a rejeté l’appel intenté contre l’injonction du tribunal administratif suspendant la décision du ministère de l’Emploi et du Travail d’annuler l’accréditation du KTU, de sorte que le syndicat a pu préserver son statut juridique jusqu’à la première décision quant au fond. Cette décision a été rendue le 19 juin 2014 lorsque le tribunal administratif de Séoul (juridiction de première instance) a rejeté la demande du KTU d’annuler la décision de révoquer son accréditation. Le gouvernement précise que le tribunal a estimé que la révocation de l’accréditation était légale dans la mesure où le KTU avait enfreint la loi sur la constitution et le fonctionnement des syndicats d’enseignants en permettant dans ses statuts l’adhésion de travailleurs licenciés et en les autorisant à être des membres actifs de l’organisation. Cette décision confirmait une fois de plus la position du tribunal pour qui l’adhésion de fonctionnaires et d’enseignants à des syndicats devait se limiter aux travailleurs en service. Le gouvernement a en outre indiqué que, le 23 juin 2014, le KTU a fait appel de la décision devant la Haute Cour de Séoul (juridiction de seconde instance) et que, le 10 juillet, il a sollicité une injonction pour suspendre la décision du tribunal de première instance jusqu’au prononcé de la décision de seconde instance. L’injonction a été accordée le 19 septembre 2014, et le 22 septembre le ministère de l’Emploi et du Travail a fait appel de cette décision. Le gouvernement réitère ses précédentes indications générales relatives à l’enregistrement des organisations syndicales et au statut spécifique des enseignants, conformément à l’article 2 de la loi sur la constitution et le fonctionnement des syndicats d’enseignants, et souligne que la Constitution de la République de Corée contient des dispositions spécifiques relatives au droit d’organisation et de négociation collective des fonctionnaires (article 33(2)) qui, lues conjointement avec l’article 33(2) de la loi sur les fonctionnaires d’Etat, n’autorisent qu’aux fonctionnaires en service d’adhérer à un syndicat. Le gouvernement confirme une fois encore que le KTU peut recouvrer son statut juridique à tout moment s’il se conforme volontairement à la loi en modifiant ses statuts et en excluant les travailleurs licenciés du syndicat.
- 37. Pour ce qui est de l’allégation relative aux mesures prises à l’encontre des enseignants qui ont participé au rassemblement du 27 juin 2014 à Séoul, le gouvernement reconnaît que le ministère de l’Eduction, en application de l’article 234(2) de la loi sur la procédure pénale, a signalé la participation de 36 enseignants au mouvement de protestation qui les invitait à quitter leur poste plus tôt aux motifs que les enseignants qui ont planifié et participé à la manifestation ont porté atteinte à la neutralité politique de l’éducation et enfreint l’article 66(1) de la loi sur les fonctionnaires d’Etat. Le gouvernement ajoute que le 16 juillet 2014, le KTU a porté plainte auprès de la Commission nationale des droits de l’homme de Corée (NHRCK), la priant de déclarer anticonstitutionnelles et illégales les accusations du ministère de l’Education à l’encontre des membres syndicaux qui ont participé au mouvement de protestation.
- 38. Pour ce qui est du refus d’enregistrer le KGEU, le gouvernement rappelle que, après le rejet de sa demande d’enregistrement, le syndicat a intenté une action auprès du tribunal administratif de Séoul, lui demandant l’annulation du refus, rejetée par le tribunal le 24 juin 2014. Selon l’exposé des motifs du tribunal, les membres des syndicats de fonctionnaires ne peuvent être que «les personnes qui ont actuellement le statut de fonctionnaire». Le refus de l’enregistrement était légitime puisque l’article 7(2) des statuts du KGEU autorise les travailleurs licenciés à adhérer à l’organisation syndicale.
- 39. Dans une communication du 2 février 2016, le KTU, la KCTU, l’IE et la CSI ont présenté des informations supplémentaires à propos de la révocation de l’accréditation du KTU par le ministère de l’Emploi et du Travail. Les organisations plaignantes indiquent que, le 28 mai 2015, la Cour constitutionnelle a confirmé la constitutionnalité de la section 2 de la loi sur la constitution et le fonctionnement des syndicats d’enseignants en dépit de la recommandation du Comité de la liberté syndicale invitant le gouvernement à abroger les dispositions présentes dans les lois sur les syndicats et l’harmonisation des relations de travail, sur la constitution et le fonctionnement des syndicats d’enseignants, et sur la constitution et le fonctionnement des syndicats de fonctionnaires interdisant aux travailleurs licenciés d’être membres de syndicats. S’appuyant sur cette décision, la Haute Cour de Séoul a confirmé la révocation de l’accréditation du KTU le 21 janvier 2016. Les organisations plaignantes indiquent par ailleurs que le même jour le ministère de l’Education a demandé aux bureaux métropolitains et provinciaux de l’éducation de prendre des dispositions en application de la décision de la Haute Cour et de priver le KTU des droits dont il bénéficiait en tant que syndicat légal, à savoir l’octroi de congés autorisés aux permanents syndicaux à temps plein, des locaux syndicaux fournis par les bureaux de l’éducation, un système de perception directe des cotisations, la participation aux négociations collectives en cours et aux conventions collectives en vigueur, et des sièges réservés dans différents comités établis par les conventions collectives.
- 40. Dans une communication reçue le 1er mai 2017, le gouvernement fournit des informations complémentaires sur la procédure judiciaire relative au statut juridique du KTU et sur la mise en œuvre des mesures prises par le ministère de l’Education. Il indique que, le 21 janvier 2016, la Haute Cour de Séoul a confirmé la décision du ministère de l’Emploi et du Travail, selon laquelle le KTU n’était plus considéré comme un syndicat officiel, étant donné qu’il permettait à des enseignants licenciés de s’affilier à l’organisation et que ces derniers, conformément à son règlement, figuraient déjà parmi ses membres, ce qui est contraire aux dispositions de la loi sur la constitution et le fonctionnement des syndicats d’enseignants. Tout en réitérant ses observations de janvier 2015, le gouvernement ajoute que, le 1er février 2016, le KTU a fait appel de l’arrêt rendu en deuxième instance par la Haute Cour de Séoul et demandé une suspension de son exécution et que l’affaire est actuellement examinée par la Cour suprême. Il indique en outre que, tant que la Cour suprême n’a pas rendu de jugement final qui suspendrait les effets de la décision du gouvernement, consistant à faire perdre au KTU son statut juridique de syndicat, ou annulerait cette décision, le KTU n’est pas un syndicat officiel et, par conséquent, les mesures prises par le ministère de l’Education à la suite de l’arrêt de la Haute Cour de Séoul sont légitimes et conformes audit arrêt, à la Constitution de la République de Corée et à la législation applicable.
- 41. Le gouvernement indique en outre que, tandis que l’«ordonnance de dissolution» émise en vertu de la précédente loi sur les syndicats visait à dissoudre le syndicat, la «décision visant à faire perdre à l’organisation son statut juridique de syndicat» n’entraîne pas forcément la dissolution de l’organisation. Cette décision a uniquement pour effet de priver l’organisation de certains droits juridiques (dirigeants syndicaux à plein temps, négociation collective, accords, etc.) dont elle jouissait en tant que syndicat officiel. Par conséquent, la décision du gouvernement de faire perdre au KTU son statut juridique de syndicat et l’arrêt selon lequel cette décision est légitime ne peuvent pas être considérés comme le rétablissement de l’ordonnance visant à dissoudre le syndicat, comme le soutiennent les organisations plaignantes. Il est également indiqué dans l’arrêt en question que l’ordonnance de dissolution, qui visait à dissoudre une organisation en vertu de la précédente loi sur les syndicats, diffère de la décision rendue dans la présente affaire, laquelle consiste simplement à ne pas reconnaître l’organisation en tant que syndicat aux termes de la loi sur les syndicats et l’harmonisation des relations de travail.
- 42. Le comité prend note des informations fournies par les organisations plaignantes et par le gouvernement. Il note avec une profonde préoccupation que, sept ans après la première demande d’enregistrement du KGEU, le gouvernement continue de la lui refuser aux motifs que ses statuts autorisent l’adhésion de travailleurs licenciés et que la demande du KTU d’invalidation de la révocation de son accréditation pour des motifs similaires a également été rejetée en raison d’une incompatibilité avec l’article 2 de la loi sur la constitution et le fonctionnement des syndicats d’enseignants. Le comité se voit obligé de rappeler sa position de longue date, à savoir que, si l’Etat peut vouloir veiller à ce que les statuts des syndicats se tiennent dans la légalité, aucune législation adoptée dans ce domaine ne doit porter atteinte aux droits des travailleurs définis dans les principes de la liberté syndicale. Une disposition excluant l’appartenance syndicale des travailleurs licenciés est incompatible avec les principes de la liberté syndicale, car elle prive l’intéressé du droit de s’affilier à l’organisation de son choix. Elle pourrait même inciter à l’accomplissement d’actes de discrimination antisyndicale dans la mesure où le licenciement d’un travailleur militant syndical l’empêcherait de continuer à exercer des activités au sein de son organisation. [Voir 353e rapport, cas no 1865, paragr. 720.] Ce principe s’applique à tous les travailleurs sans distinction, y compris les fonctionnaires et les enseignants. Compte tenu de ces principes, la condition imposée pour l’enregistrement du KGEU et du KTU de modifier leurs statuts et d’exclure l’adhésion des travailleurs licenciés constitue une atteinte au droit de ces organisations d’établir leurs statuts et règlements. [Voir 363e rapport, cas no 1865, paragr. 125.] Le comité croit comprendre que, tant que les dispositions législatives interdisant l’adhésion syndicale de fonctionnaires et d’enseignants licenciés restent appliquées, les pouvoirs judiciaires et exécutifs du gouvernement continueront de refuser l’octroi d’un statut juridique au KGEU et au KTU. Etant donné que sa précédente recommandation à cet égard doit encore être mise en œuvre, le comité prie fermement à nouveau le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour abroger les dispositions de la loi sur les syndicats et l’harmonisation des relations de travail, de la loi sur la constitution et le fonctionnement des syndicats d’enseignants, et de la loi sur la constitution et le fonctionnement des syndicats de fonctionnaires qui interdisent aux travailleurs licenciés d’être membres d’un syndicat et de fournir des informations détaillées sur tout fait nouveau à cet égard.
- 43. Le comité note que, selon les informations fournies par les organisations plaignantes et par le gouvernement, les enseignants qui ont participé au rassemblement du 27 juin 2014 ont été dénoncés par le ministère de l’Education aux motifs qu’il s’agissait d’une action collective illégale. Le comité note que les organisations plaignantes indiquent que le rassemblement était un acte de protestation contre la révocation de l’accréditation du KTU, alors que le gouvernement, sans contredire les déclarations de ces dernières quant à l’objectif de la manifestation, indique que le ministère de l’Education a signalé 36 participants aux motifs que les enseignants qui ont planifié la manifestation et qui y ont participé ont porté atteinte à la neutralité politique de l’éducation et ont enfreint l’article 66(1) de la loi sur les fonctionnaires d’Etat. Le comité rappelle que le droit d’organiser des réunions publiques constitue un aspect important des droits syndicaux. A cet égard, le comité a toujours opéré une distinction entre les manifestations ayant un objet purement syndical, qu’il considère comme rentrant dans l’exercice d’un droit syndical, et celles qui tendent à d’autres fins. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 134.] Le comité estime que l’objectif du rassemblement contre la révocation de l’accréditation d’un syndicat d’enseignants était clairement de protéger le droit d’organisation des travailleurs. Le comité prie le gouvernement de s’assurer de l’abandon des poursuites à l’encontre des enseignants qui ont participé au rassemblement du 27 juin 2014 et prie les organisations plaignantes de l’informer de l’évolution de la situation et de lui fournir des informations sur la décision de la NHRCK.
- 44. S’agissant de l’interdiction de la rémunération des permanents syndicaux à temps plein et du système de congé syndical, le gouvernement réitère que la principale motivation derrière cette interdiction est d’éviter les risques de porter atteinte à l’autonomie des syndicats et d’exclure toute ingérence de l’employeur dans les activités syndicales, partant du principe que tout permanent syndical à temps plein rémunéré par l’employeur pourrait éprouver des difficultés à placer les intérêts du syndicat avant les siens à la table des négociations.
- 45. Le gouvernement réitère que, conformément à la loi actuelle sur les syndicats et l’harmonisation des relations de travail, le paiement d’un salaire à un permanent syndical à temps plein est interdit et constitue une pratique déloyale en matière de travail pour laquelle l’employeur est sanctionné. En réponse à la demande du comité de communiquer des informations sur toutes plaintes reçues pour des pratiques déloyales en matière de travail, le gouvernement indique que le ministère de l’Emploi et du Travail, conjointement aux bureaux régionaux du travail, mène des inspections annuelles communes pour contrôler le système de congé syndical. Des sanctions et des mesures de correction sont imposées en application des réglementations concernées. Par exemple, après la réception d’une plainte en avril 2012 signalant que la direction d’une entreprise versait des salaires aux dirigeants du syndicat de la société, en infraction à l’article 81(4) de la loi sur les syndicats et l’harmonisation des relations de travail, le ministère a porté l’affaire devant la justice et le tribunal a condamné la société à des amendes.
- 46. En ce qui concerne la demande du comité de transmettre des observations complètes au sujet des précédentes allégations d’ingérence dans les négociations entre syndicats et employeurs, et d’indiquer les motifs de la résiliation unilatérale de conventions collectives contraignantes survenue au sein de l’entreprise de chemins de fer, du service des pensions et de l’entreprise de gaz, le gouvernement indique qu’une convention collective prévoyant que l’employeur rémunère des permanents syndicaux à temps plein ou couvre des dépenses de fonctionnement autres que la fourniture d’un local syndical est jugée illégale et est donc soumise à une mesure de correction (article 31(3) de la loi). Les conventions collectives qui enfreignent la loi doivent être modifiées et il ne peut aucunement être affirmé qu’une mesure visant à corriger une pratique illégale encourage des pratiques déloyales en matière de travail. En outre, le gouvernement souligne qu’il respecte l’autonomie des employeurs et des travailleurs pour promouvoir les organisations publiques et qu’il mène raisonnablement des évaluations sur la gestion de leurs activités, sans intervenir dans l’établissement des syndicats ni de leurs caractéristiques fondamentales, pour s’assurer que les organisations fournissent harmonieusement des services publics. Dès lors, l’allégation qu’il y a eu ingérence du gouvernement dans des négociations entre la direction et les syndicats n’est pas recevable. Enfin, le gouvernement indique que, depuis décembre 2014, les employeurs et les travailleurs du service des pensions, de l’entreprise de gaz et de l’entreprise de chemins de fer ont conclu une convention collective valable.
- 47. S’agissant de l’interdiction de la rémunération des permanents syndicaux à temps plein, le comité note avec regret que le gouvernement continue d’exclure la question de cette rémunération du champ de négociations libres et volontaires entre les travailleurs et les employeurs, sous peine de sanctions. Le comité se voit obligé de rappeler que la réglementation des relations entre les employeurs et les organisations de travailleurs et les moyens fournis aux représentants des travailleurs entrent intégralement dans l’éventail de sujets couverts par la négociation collective et, comme le comité l’a réitéré à plusieurs occasions [voir 363e rapport, cas no 1865, paragr. 110, et 371e rapport, cas no 1865, paragr. 47], la question de la rémunération des permanents syndicaux à temps plein devrait faire l’objet de négociations libres et volontaires entre les travailleurs et les employeurs ou leurs organisations respectives. Eu égard aux inquiétudes du gouvernement concernant l’autonomie des syndicats dans de telles circonstances, le comité considère que, s’il s’avérait, dans un cas particulier, que l’employeur s’ingérait dans les affaires internes d’un syndicat en finançant ses membres de manière à placer le syndicat sous sa domination ou son contrôle, cet acte devrait être sanctionné en fonction des éléments de preuve établis. Le fait de sanctionner un employeur qui paie un salaire à un permanent syndical à temps plein en application d’une convention collective librement consentie, sans aucune preuve ni plainte d’ingérence ni tentative de la part de l’employeur de placer le syndicat sous son contrôle est une restriction inacceptable de la négociation collective libre qui ne sert aucunement l’objectif de protéger les organisations syndicales contre l’ingérence des employeurs. A ce sujet, le comité demande une fois encore au gouvernement de lever l’interdiction, de veiller à ce que personne ne soit sanctionné pour avoir conclu un tel accord et de s’abstenir d’exiger des parties signataires de conventions collectives prévoyant la rémunération des permanents syndicaux à temps plein de modifier leur accord.
- 48. Dans leur communication de juillet 2014, la KCTU, le KGEU, le KTU et la CSI ont également apporté un complément d’information à propos de l’allégation de mesures disciplinaires injustes à l’encontre de membres de la section de la NHRCK du KGEU, mentionnée pour la première fois dans leur communication du 28 octobre 2011. Rappelant qu’en 2011 la vice-présidente de la section a reçu un préavis de licenciement pour avoir critiqué le président de la commission et que 11 membres du syndicat ont fait l’objet de sanctions disciplinaires en application des lois sur les fonctionnaires d’Etat et sur les fonctionnaires territoriaux pour avoir manqué à leur «obligation de préserver la dignité» et enfreint l’«interdiction de mener une action collective» en ayant mis en place, après le licenciement de la vice-présidente, un piquet de grève d’une personne pendant l’heure du déjeuner et écrit des articles sur des médias en ligne pour contester les licenciements injustes et les politiques antidémocratiques, les organisations plaignantes indiquent que le tribunal administratif a rejeté l’appel des syndicalistes contre les mesures disciplinaires en 2014.
- 49. Les organisations plaignantes fournissent la décision du tribunal administratif de Séoul datée du 2 mai 2013, rejetant l’appel des syndicalistes qui précise que les motifs pour les sanctions disciplinaires imposées à 11 membres du syndicat étaient: i) la participation au relais d’un piquet de grève d’une personne pour dénoncer la décision de la NHRCK de refuser le renouvellement du contrat d’emploi de Kang Inyeong; ii) la rédaction d’un article pour le média OhMyNews et la publication du même article sur l’Intranet de la commission; et iii) l’organisation des piquets dans le hall et sur le trottoir. Les mesures disciplinaires incluent une suspension d’un mois et d’un à trois mois de retenue sur salaire. Le tribunal a entériné les mesures disciplinaires adoptées par la commission, confirmant que, en organisant un piquet de grève et en publiant des articles révélant des informations sur un conflit interne au sein de la commission, les requérants avaient bel et bien enfreint l’interdiction de mener des activités collectives autres que les services publics décrits à l’article 66(1) de la loi sur les fonctionnaires d’Etat et manqué à leur obligation de préserver la dignité conformément à l’article 63 de la loi sur les fonctionnaires d’Etat. Plus particulièrement, en ce qui concerne ce dernier motif, le tribunal a estimé qu’il était raisonnable de supposer que la conduite des requérants ait pu amener l’opinion publique à douter de l’équité et de l’intégrité de tous les fonctionnaires de la commission, soulevant des préoccupations quant à la perte de la confiance du public envers l’administration du gouvernement.
- 50. Les organisations plaignantes affirment en outre que des actions judiciaires ont été intentées à l’encontre des responsables syndicaux pour avoir mené des actions syndicales légitimes. Le 24 mai 2014, 30 personnes, dont M. Yoo Ki-Soo, le secrétaire général de la KCTU, ont été arrêtées lors d’une marche réclamant au gouvernement qu’il assume sa responsabilité dans le récent naufrage du ferry Sewol. Les organisations plaignantes indiquent qu’environ 300 personnes sont mortes dans le naufrage qui, selon les manifestants, est dû à la déréglementation et à un piètre contrôle des autorités de la sécurité et de la santé dans le secteur. La marche s’est tenue après un rassemblement de la KCTU et une veillée aux chandelles organisée par le «Conseil du peuple coréen pour les mesures à prendre à la suite de la catastrophe du Sewol», à laquelle ont participé des syndicats. Le 27 mai 2014, le bureau du procureur a demandé des mandats pour trois des 30 personnes arrêtées, dont M. Yoo Ki Soo et M. Ahn Hyun-ho, directeur des publications du KGEU et journaliste du média en ligne U-Public, une publication du KGEU. M. Ahn est un travailleur licencié et un membre de la section de la ville de Séoul du KGEU. Le ministère public a insisté pour que M. Yoo soit détenu pendant l’enquête aux motifs que sa résidence n’était pas fixe compte tenu de ses fréquents voyages d’affaires pour rencontrer des membres de la KCTU (alors qu’il a une résidence fixe) et qu’il y avait un motif raisonnable de croire qu’il pourrait détruire des preuves ou fuir. Il a aussi insisté sur le fait que le délit commis était grave, qu’il pourrait y avoir récidive et qu’il pourrait blesser le policier qui l’avait arrêté. Quant à M. Ahn, l’argument invoqué pour justifier sa détention était qu’il pourrait tromper l’opinion publique en écrivant des articles tendancieux sur le naufrage du ferry Sewol. Le tribunal de district de Séoul Centre a accepté ces arguments et a émis des mandats d’arrêt contre les deux responsables le jour même. Le 29 mai 2014, M. Yoo et M. Ahn ont été transférés vers le centre de détention de Séoul. Le 2 juin 2014, ils ont demandé au tribunal de revoir la légalité du mandat d’arrêt. Le tribunal a rejeté l’affaire et a confirmé leur détention le 12 juin. Les organisations plaignantes estiment que le naufrage du ferry est directement lié à la politique gouvernementale relative à la sécurité et la santé au travail, et que la déréglementation du secteur des transports a mené à plusieurs accidents récents. Les syndicats sont donc bien dans leur droit de protester sur cette question. De plus, des membres de la KCTU et de la Fédération coréenne des syndicats (FKTU) étaient aussi directement touchés par le naufrage du ferry. Les organisations plaignantes en concluent que la décision d’arrêter 30 responsables et membres syndicaux pour leur participation à un rassemblement et à une marche pacifiques liés à une catastrophe industrielle est sans ambiguïté et constitue une grave violation du droit à la liberté syndicale. Il leur semble par ailleurs que la motivation du gouvernement est de harceler et d’intimider le mouvement syndical et d’envoyer un message clair qu’il ne tolérera pas les dissensions.
- 51. Les organisations plaignantes indiquent en outre que, en mai 2014, 123 enseignants avaient écrit des messages sur le site Web du bureau de la présidence contre la présidente Park Geun hye, réclamant sa démission pour la mauvaise gestion par les autorités de la catastrophe du ferry survenue en avril. Le 2 juillet 2014, les enseignants ont publié une déclaration réclamant la démission de la présidente. Le ministère de l’Education a accusé ces enseignants d’avoir exercé des «activités politiques», ce qui a conduit à la saisie des serveurs du KTU les 15 et 16 juillet. Le 16 juillet, le KTU a saisi la NHRCK, demandant que le ministère de l’Education revienne sur ses intentions de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des enseignants ayant participé à la déclaration en ligne exigeant la démission de la présidente. Les organisations plaignantes allèguent que, après avoir mis le syndicat hors la loi, le gouvernement limite la liberté d’expression des enseignants en adoptant des mesures disciplinaires à leur encontre.
- 52. Dans sa communication de janvier 2015, le gouvernement fournit un résumé des faits et de l’issue de la procédure qui rejoint celui présenté par les organisations plaignantes à propos des mesures disciplinaires contre les membres de la section de la NHRCK du KGEU et qui ajoute que les syndicalistes ont fait appel auprès de la Cour suprême. Le gouvernement estime que la décision du tribunal rejetant la demande contre les mesures disciplinaires démontre que, bien que bénéficiant de la liberté syndicale et de la liberté d’expression en tant qu’individus, les fonctionnaires doivent respecter la limite à leurs libertés que leur imposent leurs fonctions ainsi que l’obligation de protéger les intérêts publics.
- 53. Quant à l’allégation de poursuites judiciaires contre des membres et des dirigeants de la KCTU et du KGEU ayant participé à la manifestation du 24 mai 2014 à propos du naufrage du ferry Sewol, le gouvernement indique que, si la majorité des manifestants ont respecté la loi, un groupe d’environ 1 000 personnes ont quitté l’itinéraire officiel et ont gêné le trafic en bloquant les artères principales à proximité de la place Cheonggye, n’ont pas respecté l’ordre légitime de la police de se disperser et ont été violents à l’égard de policiers en uniforme, rendant leur manifestation illégale et violente. C’est pourquoi 30 personnes ont été arrêtées sur place pour entrave à la circulation et à l’exécution de fonctions officielles. Le gouvernement précise par ailleurs que M. Yoo a été arrêté pour avoir enfreint l’article 144 du Code pénal (entrave aggravée à l’exécution de fonctions publiques, avec violence), ainsi que l’article 185 (entrave générale à la circulation). M. Ahn a lui été poursuivi pour violation des articles 136 (entrave à l’exécution de fonctions officielles) et 257 (atteinte à l’intégrité physique) du Code pénal. Au cours de l’enquête, la police et le parquet ont demandé au tribunal d’émettre des mandats d’arrêt qui leur ont été accordés. Les demandes de M. Yoo et de M. Ahn de revoir la légalité de leur détention ont ensuite été rejetées par le tribunal de district de Séoul. Soulignant que les 30 personnes arrêtées avaient enfreint les lois de la République de Corée et que les mesures prises à leur encontre respectaient les lois et les principes concernés, le gouvernement indique que 28 personnes ont été libérées peu de temps après leur arrestation et que les procès de M. Yoo et de M. Ahn devaient encore avoir lieu.
- 54. A propos de la publication, les 13 et 28 mai 2014, de la «Déclaration des enseignants» sur le site Web du bureau de la présidence, priant instamment le gouvernement de démissionner, le gouvernement indique que le ministère de l’Education a signalé 43, puis 80 enseignants, coupables d’avoir enfreint l’interdiction d’exercer des activités politiques. Le gouvernement ajoute que le ministère de l’Education a également signalé 71 enseignants qui ont organisé une conférence de presse au siège du KTU le 2 juillet 2014 et présenté la «Déclaration des enseignants» réclamant la démission de la présidente; il précise que l’affaire fait l’objet d’une enquête du procureur ou d’autres procédures pénales.
- 55. En ce qui concerne l’allégation de perquisition et de saisie du serveur Web du KTU, le gouvernement indique que l’organe chargé des enquêtes ayant conclu qu’il existait suffisamment de preuves pour penser que les membres du KTU, dont le président, avaient enfreint l’article 66(1) de la loi sur les fonctionnaires d’Etat en menant des activités collectives qui ne constituent pas des devoirs publics des enseignants, les procureurs ont estimé qu’il était nécessaire et approprié de sécuriser les données relatives à l’allégation. La perquisition et la saisie ont été menées avec le mandat d’un juge et dans le respect de la loi coréenne.
- 56. Quant à l’allégation de perquisition et de saisie des serveurs Web du KGEU, le gouvernement insiste une fois de plus sur l’obligation de neutralité politique des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions et, à part mener des actions et exprimer leurs opinions en tant que membres syndicaux sur des questions économiques et sociales qui sont directement liées à leurs intérêts, ils ne sont pas autorisés à mener des activités politiques en tant que membres syndicaux. Signalant que la perquisition et la saisie au KGEU ont été menées pour enquêter sur la violation présumée de l’article 65 de la loi sur les fonctionnaires d’Etat ou de l’article 57 de la loi sur les fonctionnaires territoriaux, le gouvernement indique que la liberté d’expression des syndicats de fonctionnaires de même que leurs droits d’organisation et de négociation collective sont garantis par les lois actuelles. La perquisition et la saisie n’avaient pas pour intention de limiter les droits syndicaux ni de leur porter atteinte; elles s’inscrivaient seulement dans le cadre d’une enquête pour déterminer si des fonctionnaires d’Etat ou territoriaux avaient enfreint la loi.
- 57. S’agissant des allégations de licenciement de membres du KTU pour leurs activités, y compris l’expression de leur opinion à propos de la politique gouvernementale en matière d’éducation ou des dons ponctuels à des partis politiques progressistes, le gouvernement indique que l’article 7(2) de la Constitution de la République de Corée établit l’obligation de neutralité politique des fonctionnaires et limite leurs activités politiques, dont la participation à des activités militantes et à des campagnes électorales, de façon à éviter de servir les intérêts d’une formation précise ou d’un parti spécifique. Quant aux syndicats d’enseignants, le gouvernement déclare que, étant donné que l’objectif d’une organisation syndicale en vertu des lois actuelles sur les syndicats et l’harmonisation des relations de travail et sur la constitution et le fonctionnement des syndicats d’enseignants est d’améliorer la situation économique et sociale du travailleur (l’enseignant), les syndicats d’enseignants ont le droit d’exprimer leur opinion sur des questions de politique économique et sociale qui ont un impact direct sur les intérêts de leurs membres, mais ne peuvent pas faire connaître leur opinion politique à l’égard d’un parti ou d’un pouvoir politique précis de façon à influencer le processus décisionnel du gouvernement. Le gouvernement cite la décision de la Cour suprême 2010Do6388 du 19 avril 2012 pour soutenir cette interprétation du droit applicable et conclut qu’il était inévitable que les enseignants subissent les désavantages de cette infraction et que les mesures prises contre chaque enseignant n’avaient pas pour objectif de réprimer les activités politiques des syndicats, mais bien de sanctionner chaque violation individuelle du droit. Plus précisément, le gouvernement indique que la liberté d’expression des enseignants du primaire et des premières années du secondaire est limitée pour protéger les jeunes élèves dont les valeurs ne sont pas encore bien établies pour résister aux tentatives d’endoctrinement. Le gouvernement reconnaît qu’en 2010 huit enseignants ont été licenciés ou démis pour les fonds et les contributions qu’ils avaient versés au Parti travailliste démocrate, mais qu’ils ont tous été réintégrés lorsque la Cour a estimé que les mesures disciplinaires étaient excessives et a annulé les décisions. En outre, en 2011, 1 352 autres enseignants ont été renvoyés devant la justice pour avoir enfreint des lois, comme celle sur les fonctionnaires d’Etat, en finançant le Parti travailliste démocrate et 25 d’entre eux dont la période de prescription disciplinaire n’était pas arrivée à échéance ont été sanctionnés. Quant aux mesures disciplinaires contre les membres du KTU pour avoir exprimé leur opinion politique, les autorités reconnaissent que, au cours du gouvernement précédent, 12 enseignants du KTU ont été licenciés pour avoir refusé l’évaluation nationale de 2008 des acquis scolaires, 16 pour avoir adhéré à la «Déclaration des enseignants de 2009» et 8 pour leur soutien au Parti travailliste démocrate. Toutefois, ils ont tous été réintégrés lorsque la Cour a décidé que leur renvoi était une mesure disciplinaire excessive. Le gouvernement reconnaît aussi qu’en tout des mesures disciplinaires ont été adoptées contre 83 enseignants par rapport à la «Déclaration des enseignants de 2009» qui, en plus des 16 licenciements mentionnés ci-dessus, ont débouché sur 47 suspensions, trois retenues sur salaire et 17 avertissements. Le gouvernement indique que la Cour a approuvé les motifs des mesures disciplinaires du ministère de l’Education et a imposé des sanctions pécuniaires.
- 58. Le comité prend dûment note des informations fournies par les organisations plaignantes et par le gouvernement. S’agissant des mesures disciplinaires prises contre des membres de la section de la NHRCK du KGEU, le comité croit comprendre que ces mesures ont été adoptées pour une violation de l’interdiction de mener des activités collectives et de l’obligation de dignité s’appliquant aux fonctionnaires. Le comité note avec préoccupation que 11 membres syndicaux ont fait l’objet de mesures disciplinaires, notamment pour s’être relayés à un piquet de grève d’une personne pendant l’heure du déjeuner pour dénoncer le licenciement de la vice-présidente de la section syndicale. Constatant qu’au moment de la communication le cas devait encore être entendu par la Cour suprême, le comité prie les parties de le tenir informé des résultats de la procédure et de lui transmettre une copie du jugement.
- 59. S’agissant des allégations d’arrestation et de renvoi devant la justice de 30 participants à la manifestation du 24 mai 2014 liée au naufrage du ferry Sewol, dont deux responsables de la KCTU, le comité note que le gouvernement et les organisations plaignantes présentent des versions divergentes des faits: alors que les organisations plaignantes déclarent que des poursuites judiciaires ont été intentées contre des responsables syndicaux pour leurs activités syndicales légitimes, le gouvernement affirme que les personnes arrêtées et renvoyées devant la justice ont eu recours à la violence, ont bloqué la circulation et ont gêné la mission de la police. Compte tenu des faits contestés, le comité voudrait simplement rappeler le principe général selon lequel, si des personnes menant des activités syndicales ou exerçant des fonctions syndicales ne peuvent prétendre à l’immunité vis-à-vis de la législation pénale ordinaire, les activités syndicales ne devraient pas en elles-mêmes servir de prétexte aux pouvoirs publics pour arrêter ou détenir arbitrairement des syndicalistes [voir Recueil, op. cit., paragr. 72] et demande aux parties de fournir des informations à propos de la procédure judiciaire en cours, y compris des copies des décisions une fois qu’elles seront rendues.
- 60. Quant aux observations du gouvernement à propos de l’interdiction imposée aux fonctionnaires et aux enseignants de mener des activités politiques, présentée comme un motif valable pour imposer des sanctions disciplinaires, pour mener une perquisition et saisir les serveurs des syndicats, le comité observe que la question a été soulevée par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et par la Commission de l’application des normes dans le cadre de l’application de la convention no 111. S’agissant des effets que l’interdiction de mener des activités politiques peut avoir sur l’exercice de la liberté syndicale, le comité rappelle que, bien que les grèves de nature purement politique n’entrent pas dans le champ d’application des principes de la liberté syndicale, les syndicats devraient avoir la possibilité de recourir aux grèves de protestation, notamment en vue de critiquer la politique économique et sociale du gouvernement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 529.]. Le comité réitère sa précédente observation à propos des dispositions législatives concernées de la République de Corée: tout en relevant dûment, d’après son examen antérieur de cette disposition, que le statut des fonctionnaires est tel que certaines activités purement politiques peuvent être considérées comme contraires au code de conduite que l’on attend d’eux et que les organisations syndicales ne devraient pas se lancer abusivement dans des activités politiques et aller au-delà de leurs véritables fonctions en favorisant des intérêts essentiellement politiques, le comité demande une fois de plus au gouvernement de veiller à ce que les syndicats de fonctionnaires aient la possibilité d’exprimer publiquement leurs vues sur les questions relatives à la politique économique et sociale qui ont un impact direct sur les intérêts de leurs membres. [Voir 353e rapport, paragr. 705] Le comité veut croire que le gouvernement ne prendra plus de mesures disciplinaires, en particulier le renvoi de fonctionnaires pour leur soutien personnel à un parti politique ou pour l’expression de leur opinion à propos de la politique économique et sociale du gouvernement qui concerne les intérêts des travailleurs.
- 61. Pour ce qui est des allégations de perquisition et de saisie de serveurs de syndicats, tout en prenant dûment note des indications du gouvernement selon lesquelles ces perquisitions ont été menées sur la base de mandats judiciaires et conformément à la loi, le comité attire l’attention du gouvernement sur le principe selon lequel de telles mesures ne doivent pas être prises en fonction des opinions des syndicats de fonctionnaires à propos de questions relatives à la politique économique et sociale, ce qui pourrait créer un climat de crainte et d’intimidation qui empêcherait les organisations syndicales d’exercer leurs fonctions.
- 62. Dans leur communication de juillet 2014, la KCTU, la KGEU, le KTU et la CSI ont également fourni les informations suivantes à propos d’une opération de police au siège de la KCTU, le 22 décembre 2013. D’après les organisations plaignantes, quelque 5 000 policiers antiémeutes, dont environ 900 membres du groupe d’intervention, ont été déployés sur l’hypothèse que six dirigeants du Syndicat des cheminots coréens (KRWU), figurant sur la liste des personnes recherchées de la police, se trouvaient dans les locaux. Le siège de la KCTU se situe dans l’immeuble du Kyunghayung Shinmunsa, un grand journal coréen. A 9 heures, la police a encerclé l’immeuble et a empêché les membres syndicaux d’y entrer ou d’en sortir. Une fois en place autour de l’immeuble, la police est entrée à la recherche des six dirigeants du KRWU. Le journal, propriétaire de l’immeuble, et la KCTU ont tous deux indiqué, en vain, qu’en l’absence d’un mandat la perquisition était illégale. Entre-temps, la police a également arrêté aveuglément plusieurs manifestants à l’extérieur de l’immeuble. Selon les organisations plaignantes, du gaz poivré a été utilisé contre les manifestants et 138 personnes ont été arrêtées, dont M. Yoo, ainsi que Yang Sung yun et Lee Sang-jin, vice-présidents de la KCTU, et trois présidents d’organisations affiliées à la KCTU, dont M. Kim Jeong-hun, président du KTU. Toutes les personnes arrêtées ont été libérées après quarante-huit heures, à l’exception de M. Kim Jeong-hun, pour qui la police a demandé un mandat de placement en détention que le tribunal ne lui a pas octroyé. Toutes les personnes arrêtées ont été poursuivies pour entrave à la justice. Au cours de la perquisition, la police a endommagé du mobilier et du matériel de la KCTU, dont presque toutes les portes et les serrures. Aucun des individus recherchés ne se trouvait dans les locaux. L’opération a duré douze heures. Le 15 juin 2014, le bureau du procureur du district de Séoul Centre a annoncé que, sur les 138 personnes arrêtées, 19 avaient été renvoyées devant la justice selon la procédure ordinaire, dont les responsables de la KCTU et de ses organisations affiliées. Par ailleurs, aucune n’avait été placée en détention, à l’exception de M. Yoo Ki-Soo, qui l’était dans le cadre de la manifestation relative au ferry Sewol. Soixante-huit autres personnes ont été renvoyées devant la justice en procédure simplifiée, et la procédure a été suspendue pour les autres.
- 63. Dans une communication du 16 septembre 2014, le KRWU, la Fédération coréenne des travailleurs des services publics et des transports (KPTU), la KCTU et la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) ont envoyé d’autres allégations relatives au comportement de la Korea Railroad Corporation (Korail, ci-après dénommée «compagnie ferroviaire»), une entreprise publique détenue par le gouvernement, et des organismes publics pendant et au lendemain de la grève de décembre 2013. La compagnie ferroviaire emploie directement 26 000 personnes, et 35 000 autres sont employées par l’intermédiaire de sous-traitants.
- 64. Les organisations plaignantes indiquent que, depuis plusieurs années, le gouvernement a fait plusieurs tentatives de restructuration et de privatisation de la compagnie ferroviaire, dont la plus récente est le «Plan pour le développement de l’industrie ferroviaire» (ci-après dénommé le «plan») annoncé le 26 juin 2013. Les organisations plaignantes indiquent que le KRWU est le principal représentant du personnel de la compagnie ferroviaire et compte environ 21 000 adhérents. Il est affilié à la KCTU (par l’intermédiaire de la KPTU) et à l’ITF. Le KRWU s’est opposé aux différentes tentatives de restructuration et de privatisation de la compagnie ferroviaire, y compris la dernière. La campagne contre le plan a démarré dès que son contenu a été rendu public, au début de 2013. La campagne a été déployée conjointement par la KPTU, la KCTU, des organisations de la société civile et des partis politiques de l’opposition et comprenait des réunions publiques dans l’enceinte de l’Assemblée nationale et à l’extérieur, des pétitions contre la fragmentation et la privatisation des chemins de fer, des campagnes de communication à l’intention des citoyens et des manifestations publiques. Le KRWU a plusieurs fois pris contact avec le ministère du Territoire, des Infrastructures et des Transports pour stopper l’exécution du plan et discuter d’autres solutions, mais le gouvernement insistait sur le caractère non négociable de l’orientation fondamentale et du contenu du plan, et, lors d’une réunion en présence de l’ITF, un représentant du ministère a précisé qu’il s’agissait «de la dernière possibilité de réformer la compagnie ferroviaire et que nous ne devions pas en retarder l’exécution».
- 65. Les organisations plaignantes rappellent une plainte soumise précédemment au comité et liée en partie à un litige intervenu en 2009 entre la compagnie ferroviaire et le KRWU (cas no 2829), concernant des allégations, entre autres, de résiliation unilatérale de la convention collective du KRWU, d’une application inappropriée de l’article 314 du Code pénal, de poursuites en dommages-intérêts et de procédures disciplinaires entreprises contre quelque 12 000 membres et responsables du syndicat qui avaient participé à une grève en 2009, aboutissant notamment à 169 licenciements. Les organisations plaignantes rappellent que, à cette occasion, le comité avait instamment prié le gouvernement de prendre toutes les mesures voulues pour mettre l’article 314 du Code pénal en conformité avec les principes de la liberté syndicale et avait demandé l’abandon immédiat des accusations pénales portées en vertu de cet article contre les dirigeants et les membres du syndicat, la réintégration immédiate des responsables syndicaux licenciés ainsi que la levée des mesures disciplinaires. [Voir 365e rapport, paragr. 582.]
- 66. S’agissant du contexte et des conséquences de la grève de décembre 2013, les organisations plaignantes font état des faits suivants: le KRWU a soumis au vote la tenue d’une action collective contre le plan du 25 au 27 juin 2013. Une large majorité des membres a voté pour la tenue de cette action si la compagnie ferroviaire prenait des mesures concrètes pour mettre le plan à exécution. Le 18 juillet 2013, le KRWU a proposé officiellement à la direction de l’entreprise d’ouvrir des négociations sur les questions de salaires et de lieu de travail, y compris les questions liées à l’exécution du plan. Entre cette date et le 9 décembre 2013, cinq séances complètes de négociation et dix sessions de travail se sont tenues, sans avancée notable. Le 12 novembre 2013, le KRWU a saisi la Commission nationale des relations professionnelles (NLRC) d’une demande de médiation. L’échec de la médiation a été constaté officiellement le 27 novembre. Le KRWU a organisé un deuxième vote sur la tenue, du 20 au 22 novembre 2013, d’une action collective à propos des négociations salariales. Une large majorité de travailleurs s’est une nouvelle fois prononcée pour.
- 67. Le 1er décembre 2013, la compagnie ferroviaire a annoncé qu’elle avait l’intention de former des remplaçants dans l’optique de la grève; le 4 décembre 2013, la compagnie a envoyé au ministère de la Défense nationale un mémorandum demandant l’envoi de militaires mécaniciens de locomotive pour remplacer le personnel. Dans sa réponse du 5 décembre 2013, le ministère a communiqué une liste de 155 mécaniciens de locomotive qui seraient mis à disposition en cas de grève. Le même jour, l’entreprise a publié un communiqué de presse dans lequel elle qualifiait la grève d’illégale et annonçait son intention d’apporter une réponse ferme, notamment en faisant appel à des remplaçants. Le transport ferroviaire étant considéré par la législation comme un service essentiel, un service minimum doit être assuré, selon des modalités définies par un accord entre travailleurs et direction. Dans le respect de ces dispositions, le KRWU a préparé une liste de membres qui resteraient à leur poste afin d’assurer le service minimum et l’a soumise à l’entreprise le 3 décembre 2013. Le même jour, le syndicat a tenu une conférence de presse pour annoncer son intention de cesser le travail au moment de la tenue du Conseil d’administration de la compagnie ferroviaire où devaient être votés la création d’une société par actions et l’investissement de fonds dans celle-ci.
- 68. Le KRWU a démarré sa grève nationale illimitée le 9 décembre 2013 à 9 heures. Le lendemain, le conseil d’administration de la compagnie ferroviaire approuvait la création de la société par actions et l’investissement de fonds dans celle-ci. Durant la période qui a précédé la grève et pendant la durée de celle-ci, l’ITF et la CSI ont parrainé une pétition et lancé plusieurs initiatives pour demander au gouvernement et à la compagnie ferroviaire de mettre un terme aux violations des droits des travailleurs perpétrées contre les cheminots en grève, au nombre de 15 000. Les organisations plaignantes indiquent que la grève s’est achevée au bout de vingt-trois jours, ce qui en fait le mouvement le plus long dans le secteur ferroviaire en République de Corée. Le 30 décembre 2013, les parlementaires de l’opposition et du parti au pouvoir sont parvenus à un accord en vue de la formation, au sein de la Commission du territoire, des infrastructures et des transports de l’Assemblée nationale, d’une sous-commission chargée du développement du secteur ferroviaire. Le président du KRWU a alors demandé officiellement à tous les membres de reprendre le travail, mettant ainsi un terme le 31 décembre à une grève de vingt-trois jours. Les organisations plaignantes indiquent en outre que le KRWU a effectué une grève d’une journée le 25 février 2014 pour obtenir gain de cause sur les revendications en matière de négociation collective et demander réparation pour les violations des droits fondamentaux des travailleurs intervenues dans le cadre de la grève de décembre.
- 69. S’agissant de la légalité des grèves, les organisations plaignantes indiquent que le KRWU a suivi toutes les procédures légales, notamment la consultation des membres par vote, la tenue de négociations et la demande d’une médiation de la NLRC et n’a entamé la grève qu’après l’échec de la médiation. Le KRWU a de surcroît respecté toutes les dispositions prévoyant l’organisation d’un service minimum, alors même qu’il savait pertinemment que la classification des services ferroviaires parmi les services essentiels est contraire aux normes internationales du travail. Les organisations plaignantes indiquent également que si, au regard de la législation coréenne, les grèves concernant la politique du gouvernement, par opposition à celles concernant les salaires et/ou les conditions de travail, peuvent être considérées comme illégales, l’OIT estime depuis longtemps que les travailleurs ont le droit de faire grève pour des questions liées à la politique sociale et économique. On peut de surcroît faire valoir concrètement que le plan aurait des conséquences lourdes sur les conditions de travail et les salaires des membres du KRWU. La compagnie ferroviaire a néanmoins publié une déclaration officielle dans laquelle elle promettait une réponse ferme et qualifiait d’illégale la grève qui n’avait pas débuté, sans qu’un tribunal se soit prononcé sur la légitimité de celle-ci.
- 70. S’agissant des mesures prises par la compagnie ferroviaire contre la grève et les grévistes, les organisations plaignantes indiquent que dès le début de la grève, le 9 décembre 2013, la compagnie ferroviaire a annoncé qu’elle allait renvoyer tous les grévistes. Des procédures ont été engagées contre plus de 8 600 membres du KRWU, soit la totalité des personnes qui avaient participé à la grève. De la Commission des relations professionnelles (LRC) régionale de Séoul (décision du 2 juin 2014) à la LRC régionale du Jeolla du Nord (décision du 30 juin 2014), huit LRC régionales au total ont considéré que le renvoi des travailleurs pendant la grève était injustifié. Par ailleurs, après le début de la grève, la compagnie ferroviaire a porté plainte contre 176 responsables du syndicat, notamment les membres de la direction centrale, pour entrave à l’activité économique. A la suite de la grève du 25 février 2014, l’entreprise a porté plainte pour entrave à l’activité économique contre 92 autres responsables du KRWU pour leur rôle dans cette action. Enfin, les organisations plaignantes allèguent que, durant la grève de décembre 2013, l’entreprise a fait appel à plus de 6 000 remplaçants, notamment des travailleurs retraités, des stagiaires et des militaires envoyés par le ministère de la Défense. Outre qu’il constituait une violation de la liberté syndicale, le recours à des remplaçants posait un grave problème de sécurité. Plusieurs accidents se sont produits de ce fait, dont un, le 15 décembre 2013, qui a entraîné la mort d’une passagère âgée.
- 71. Les organisations plaignantes apportent également des éléments sur les actions lancées par la police et le parquet contre le KRWU, ses responsables et ses membres en lien avec la grève. Elles allèguent que, pendant la grève, la police et le parquet ont obtenu des mandats de perquisition et conduit, les 17 et 19 décembre 2013, des opérations au siège du KRWU à Séoul ainsi que dans les bureaux régionaux de Séoul, Busan, Daejeon, Yeongju et Suncheon; des fichiers des ordinateurs du syndicat ont été téléchargés et des biens du syndicat ont été saisis. Selon les organisations plaignantes, l’ensemble du matériel de communication, des publications, des documents de réunion et autres informations concernant les objectifs et le déroulement de la grève étant publics, ces opérations avaient manifestement pour but d’intimider et de discréditer les membres du syndicat. La police a également saisi des enregistrements d’applications de médias sociaux utilisées par des membres du KRWU pour leurs communications personnelles.
- 72. Les organisations plaignantes indiquent en outre que, à la suite de la plainte de la compagnie ferroviaire pour entrave à l’activité économique, les responsables du syndicat ont été convoqués pour interrogatoire au poste de police, les convocations étant envoyées tous les jours ou tous les deux jours à partir du début de la grève. Bien que les intéressés aient communiqué des déclarations écrites et fait part de leur intention de répondre à toute question une fois la grève terminée, les procureurs ont demandé, et obtenu, des mandats d’arrêt contre 35 responsables du KRWU: la direction centrale (président, premier vice-président, secrétaire général, dirigeants régionaux, etc.) ainsi que les présidents des sections rassemblant les mécaniciens de locomotive et des sections comptant parmi leurs membres une forte proportion de grévistes. Cinq des 35 dirigeants faisant l’objet d’un mandat d’arrêt ont été interpellés pendant la grève; les autres ont été arrêtés lorsqu’ils se sont présentés spontanément pour être interrogés, après la fin de la grève.
- 73. En outre, les organisations plaignantes déclarent que, le 22 décembre 2013 (c’est-à-dire pendant la grève), la police a mené une opération contre le siège de la KCTU, où elle pensait trouver les dirigeants du KRWU dont certains étaient visés par un mandat d’arrêt. Quelque 5 000 policiers ont encerclé l’immeuble du journal Kyunghayung, où se trouvent les bureaux de la KCTU, et barré l’accès du bâtiment à toute personne sous le prétexte qu’ils exécutaient des mandats d’arrêt lancés contre les dirigeants du KRWU. La police a conduit cette opération sans détenir de mandat spécifique. Les agents ont fait usage d’une force excessive et cassé la vitre et les charnières de la porte d’entrée, ont pénétré dans le bâtiment et se sont dirigés vers les étages supérieurs, où se situent les bureaux de la KCTU. Ils ont perquisitionné dans les locaux de la KCTU et endommagé des installations, du mobilier et des documents. Pas moins de 137 personnes, dont des membres de la KCTU, qui manifestaient devant le bâtiment ont été arrêtées et, bien qu’une autorisation de rassemblement sur le trottoir face à l’immeuble ait été délivrée, les policiers ont barré l’accès à la rue et au trottoir et empêché le passage de personnes qui voulaient se rendre sur le lieu du rassemblement.
- 74. Les organisations plaignantes indiquent que 30 responsables du KRWU contre qui un mandat d’arrêt avait été délivré pendant la grève de décembre 2013 se sont présentés spontanément à la police, en deux groupes, les 4 et 14 janvier 2014 respectivement. Le président, le premier vice-président, le secrétaire général et le président de la section régionale de Séoul ainsi que neuf autres responsables du KRWU constituaient le second groupe. Dans la plupart des cas, le tribunal a rejeté la demande de placement en détention concernant les responsables syndicaux arrêtés après la grève, jugeant excessives les mesures de la police et les procédures lancées par le parquet. Sur la base de ces décisions, le KRWU a déposé un recours contestant la validité de la détention de deux responsables arrêtés pendant la grève, et les intéressés ont été remis en liberté le 9 janvier 2014. Des mandats d’arrêt ont toutefois été validés le 16 janvier 2014 pour le président, le vice-président, le secrétaire général et le président de la section de Séoul du KRWU. Ces derniers ont été arrêtés, puis remis en liberté sous caution le 2 février 2014.
- 75. Les organisations plaignantes apportent en outre des indications concernant des actions intentées au civil contre le KRWU et les responsables du syndicat pour leur rôle dans les grèves. La compagnie ferroviaire a ainsi engagé des poursuites en responsabilité contre le KRWU et 187 de ses responsables, réclamant des dommages-intérêts d’un montant de 16,2 milliards de won de la République de Corée (KRW) (environ 16 millions de dollars des Etats-Unis). Cette somme comprend un milliard de KRW (990 000 dollars) de demandes d’indemnisation pour l’atteinte portée à l’image de l’entreprise du fait de la grève de décembre 2013. L’entreprise envisage en outre d’intenter une action pour réclamer 8 milliards de KRW (7,9 millions de dollars) de dommages-intérêts pour la grève de février 2014. Le 27 janvier 2014, le tribunal a fait droit à la requête de l’entreprise réclamant une saisie conservatoire de 11,7 milliards de KRW (environ 11 millions de dollars) sur les avoirs du KRWU, à titre de mesure de garantie dans le cadre de l’action en cours et pour une action précédente (7,8 milliards de KRW pour la grève de décembre 2013 et 3,9 milliards de KRW pour une grève menée par le KRWU en 2009). Le compte en banque du KRWU sur lequel sont versées les cotisations des membres est actuellement bloqué à 10,5 milliards de KRW (10 millions de dollars), tandis que les biens immobiliers du syndicat, d’une valeur de 1,1 milliard de KRW (1 million de dollars), font également l’objet d’une saisie conservatoire. Les organisations plaignantes ajoutent que la compagnie ferroviaire envisage de demander une nouvelle saisie conservatoire, d’un montant de 13 milliards de KRW (12,8 millions de dollars), concernant l’indemnisation réclamée pour les dommages liés à la fin de la grève de décembre 2013 et à celle de février 2014. Les organisations plaignantes affirment que ces actions en dommages-intérêts, ainsi que les amendes infligées aux termes de la disposition sur l’entrave à l’activité économique, font non seulement peser une grave menace financière sur l’existence même du syndicat, mais ont aussi un effet d’intimidation et entravent l’exercice des activités syndicales légitimes.
- 76. Les organisations plaignantes indiquent par ailleurs que, à la suite de la grève de décembre 2013, la compagnie ferroviaire a engagé des procédures disciplinaires contre 404 responsables et membres du KRWU. Des mesures ont été prononcées lors de deux séries d’entretiens disciplinaires, en février et juillet 2014, concernant les grèves de décembre 2013 et de février 2014 ainsi que d’autres actions de protestation menées au début de l’année. Certaines de ces mesures étaient en cours de réexamen à la date de la communication.
- 77. En outre, la compagnie ferroviaire a annoncé le 27 mars 2014 qu’elle prévoyait de procéder à des rotations et des échanges réguliers de personnel entre les régions et les catégories professionnelles, qui concerneraient environ 3 pour cent de tous les employés. Selon les organisations plaignantes, bien que l’entreprise affirme officiellement que l’objectif de ces mutations est un gain d’efficacité, et donc de compétitivité, il existe des raisons de penser qu’elles sont menées en représailles aux actions collectives du syndicat. Le KRWU attire l’attention sur le fait que ces transferts, qui ne s’effectuent pas sur la base de critères clairs, entraînent en réalité des dépenses de personnel supplémentaires et représentent une menace en termes de sécurité car ils contraignent les cheminots à travailler sur des types de trains et dans des environnements qui ne leurs sont pas familiers. Les organisations plaignantes allèguent que ces transferts constituent une violation de la convention collective et de la loi sur les normes du travail. Elles indiquent en outre que les transferts ont des conséquences graves sur le plan psychologique pour les travailleurs concernés: le 3 avril 2014, un membre du KRWU qui avait participé à la grève de décembre 2013 et devait être muté pour la deuxième fois s’est suicidé. Le KRWU a manifesté son opposition aux mutations forcées par divers moyens (conférences de presse, rassemblements, manifestations de deux membres en haut d’un immeuble, grève de la faim suivie par 50 membres et séances durant lesquelles des centaines de personnes se sont rasé la tête en signe de protestation), mais en vain car les transferts se poursuivaient à la date de la communication.
- 78. En conclusion, les organisations plaignantes attirent l’attention du comité sur l’importance cruciale que revêt dans ce cas l’usage inapproprié du chef d’entrave à l’activité économique contre les dirigeants et les membres du KRWU et demandent l’envoi en République de Corée d’une mission de contacts directs de l’OIT, à des fins d’enquête et de recherche de solutions concernant les atteintes aux droits fondamentaux des travailleurs constatées actuellement.
- 79. Dans sa communication du 14 janvier 2015, le gouvernement présente des informations générales en réponse à la demande du comité d’indiquer les mesures prises pour mettre l’article 314 du Code pénal – entrave à l’activité économique – en conformité avec les principes de la liberté syndicale. Le gouvernement souligne tout d’abord qu’aucun employeur ne pourra intenter une action en réparation contre un syndicat dans les cas où il a subi des préjudices à cause des activités de celui-ci (article 3 de la loi sur les syndicats et l’harmonisation des relations de travail) et que la responsabilité pénale du syndicat ne peut être engagée pour l’exercice d’activités syndicales légitimes. Toutefois, aucun acte de violence ou de destruction ne pourra être interprété comme étant justifié pour quelque motif que ce soit (article 4). Le gouvernement indique en outre que les tribunaux appliquent l’article 314(1) du Code pénal, qui réprime l’«entrave à l’activité économique», aux actes qui entravent les activités d’autrui en répandant des informations fallacieuses ou en recourant à des moyens trompeurs, ou en menaçant de recourir à la force. Selon le gouvernement, le chef d’entrave à l’activité économique n’est retenu que pour les conflits du travail où des actes constituant des infractions manifestes au Code pénal sont commis, par exemple le recours à la violence ou l’occupation de chaînes de production. L’exercice de la force fait référence au pouvoir susceptible d’empêcher ou de perturber l’exercice du libre choix. Une grève en tant qu’action d’un conflit qui va au-delà du simple refus de fournir un travail et implique l’usage de la force pour faire cesser le travail collectivement afin de porter les opinions des travailleurs en faisant pression sur les employeurs contient elle aussi des éléments constitutifs d’un recours à la force. Le gouvernement indique en outre que la Cour suprême a jugé que seules les grèves qui interviennent de manière inopinée et dont on estime qu’elles ont pu empêcher ou entraver l’exercice par l’employeur de son libre choix de mener à bien ses activités économiques, la grève ayant été source de perturbations ou de dommages considérables pour l’activité, sont considérées comme une infraction d’entrave à l’activité économique (Cour suprême, 17 mars 2011, 2007Do482). En conclusion, même une grève illégale ne serait pas nécessairement passible de sanctions pénales pour entrave à l’activité économique, sauf si le libre choix de l’employeur de mener à bien ses activités a pu être entravé ou perturbé. Il n’existe par conséquent que peu de possibilités que le chef d’entrave à l’activité économique constitue une violation des principes de la liberté syndicale.
- 80. S’agissant des allégations sur l’opération conduite le 22 décembre 2013 au siège de la KCTU, le gouvernement indique que la police a obtenu le 16 décembre 2013 des mandats d’arrêt contre le président et d’autres membres du syndicat de la compagnie ferroviaire qui participaient à des grèves illégales. Ces mandats n’avaient pas pu être exécutés car les intéressés avaient pris la fuite. Ayant appris les 15 et 18 décembre 2013 que le président et les membres du syndicat se cachaient au siège de la KCTU, la police a décidé de pénétrer dans les locaux le 22 décembre afin d’exécuter les mandats d’arrêt. Le gouvernement confirme que les policiers sont entrés dans l’immeuble de la KCTU sans mandat spécifique de perquisition et de saisie, pour exécuter le mandat d’arrêt, mais fait valoir que plusieurs dispositions du Code de procédure pénale autorisent cette manière de procéder. Confirmant en outre que 138 membres de la KCTU qui faisaient obstruction de manière directe et active à l’exercice de la mission de service public ont été arrêtés sur place, le gouvernement indique que des mesures correspondant à la gravité des délits ont été prises ensuite: renvoi devant la justice selon la procédure ordinaire sans placement en détention pour 19 personnes; renvoi devant la justice selon une procédure simplifiée pour 68 personnes; suspension des poursuites pour 50 personnes; ajournement des poursuites pour une personne. Le gouvernement conclut que l’organe coréen chargé des enquêtes s’est acquitté de sa mission de service public de manière légitime et a pris des mesures conformes à la loi contre les personnes qui avaient commis des délits en empêchant collectivement l’exécution des mandats d’arrêt.
- 81. Le KRWU, la KPTU, la KCTU et l’ITF ont soumis un complément d’information dans une communication en date du 24 février 2015. En ce qui concerne les mesures disciplinaires prises contre les personnes qui avaient participé à deux grèves organisées par le KRWU – l’une du 9 au 31 décembre 2013, l’autre le 24 février 2014 –, les organisations plaignantes indiquent que certaines des mesures contre lesquelles les travailleurs avaient déposé un recours ont été annulées soit par l’employeur, soit au stade du réexamen devant la LRC. Dans certains cas, la décision n’a pas encore été réexaminée.
- 82. Les organisations plaignantes communiquent en outre la décision rendue le 22 décembre 2014 par la 13e Chambre pénale du tribunal de district de Séoul Ouest dans l’affaire de l’entrave à l’activité économique par la direction du KRWU. Le tribunal de district a relaxé de ce chef le président du KRWU, M. Myounghwan Kim, et trois autres hauts responsables du syndicat qui avaient conduit la grève de décembre 2013. Il s’est appuyé sur la jurisprudence de la Cour suprême qui avait estimé dans un arrêt antérieur que, pour être considérée comme une entrave à l’activité économique, une grève devait être «intervenue soudainement, à un moment où l’employeur ne pouvait la prévoir». Dans la mesure où les préparatifs de la grève de décembre 2013 avaient été publics, le tribunal de district a estimé que cette condition n’était pas remplie et que l’entrave à l’activité économique n’était donc pas constituée. Les organisations plaignantes citent des extraits de la décision dans laquelle il est fait référence à l’opinion de l’OIT: «Sanctionner pénalement le simple fait de refuser de fournir un travail a pour effet concret d’imposer le travail forcé. […] Considérant que ceci pourrait être contraire à l’article 12(1) de la Constitution, qui interdit le travail forcé, et que notre nation fait actuellement l’objet de critiques de la part de l’OIT et de la communauté internationale, qui lui reprochent d’être le seul pays sanctionnant pénalement le simple fait de refuser de fournir un travail qui manque de légitimité, il convient d’appliquer de manière limitée et restreinte les sanctions pénales pour entrave à l’activité économique lorsqu’il s’agit de simples faits de refus de fournir un travail.» Les organisations plaignantes précisent toutefois que cette décision n’est pas définitive; le parquet a fait appel et la décision peut être annulée par la Cour d’appel. En outre, la jurisprudence ne ferme pas la possibilité d’appliquer l’entrave à l’activité économique aux grèves pacifiques.
- 83. Les organisations plaignantes indiquent en dernier lieu que la décision du tribunal de district s’écarte par certains aspects des normes internationales, dans la mesure où elle donne une interprétation très stricte de ce que sont les objectifs légitimes d’une grève. Selon la décision, «la mise en œuvre de l’ajustement structurel dans une entreprise, comme les licenciements pour motifs économiques ou la fusion de différentes entités, exige des décisions de haut niveau de la partie responsable de la gestion et ne relève donc pas, en principe, de la négociation collective; même dans le cas où la mise en œuvre de l’ajustement structurel implique obligatoirement des changements de la situation ou des conditions de travail des travailleurs, l’objectif d’une grève portant sur ces questions ne saurait être considéré comme légitime. […] La question de savoir s’il faut consacrer des investissements à la création de la société par actions Suseo KTX doit être tranchée à haut niveau par la partie responsable de la gestion – la Korail – et, par conséquent, […] ne relève pas de la négociation collective. L’objectif de cette grève – empêcher cette décision – ne peut donc être considéré comme légitime.» Se référant à la jurisprudence sur laquelle se fonde la décision restrictive du tribunal de district, les organisations plaignantes indiquent que, en ce qui concerne la légitimité de l’objectif d’une grève, la Cour suprême a, dans plusieurs arrêts, estimé que les revendications formulées dans une grève doivent avoir trait à l’amélioration des conditions de travail et relever de la négociation collective. Les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement et les employeurs du pays se sont appuyés sur cette interprétation restrictive au cours des dernières décennies pour considérer comme illégitimes d’innombrables grèves de cheminots et d’autres travailleurs.
- 84. Les organisations plaignantes ont par ailleurs communiqué de nouvelles informations sur le processus de révision de la convention collective entre la compagnie ferroviaire et le KRWU, conduit en 2014 à la suite de l’adoption par le gouvernement de sa politique de «normalisation des institutions publiques». Indiquant que, dans le cadre de cette politique, le gouvernement avait donné l’ordre à la compagnie ferroviaire et à d’autres structures publiques fortement endettées d’abroger ou de réviser les dispositions des conventions collectives correspondant à 55 points et huit catégories, les organisations plaignantes allèguent que les dispositions protégeant les avantages et les droits acquis par les travailleurs de la compagnie ferroviaire et d’autres structures publiques au fil d’années de lutte figuraient au nombre des principales dispositions visées. Les organisations plaignantes indiquent en outre que, suivant les directives du gouvernement, la compagnie ferroviaire a demandé la révision de ces dispositions de la convention collective lors de la négociation avec le KRWU sur les salaires et les questions en suspens pour l’année 2013, qui avait été renvoyée à 2014. Selon les allégations, l’entreprise a menacé d’appliquer strictement des mesures disciplinaires, d’intenter de nouvelles actions en dommages-intérêts et de procéder à d’autres mutations forcées si le KRWU venait à refuser les conditions proposées et déclaré qu’elle limiterait les mesures disciplinaires et ajournerait une deuxième vague de mutations si le KRWU faisait des concessions. Sous cette pression, ont indiqué les organisations plaignantes, la direction du KRWU a conclu le 18 août 2014 un accord de principe avec la direction de l’entreprise, qui comprenait la plupart des modifications demandées dans le cadre de la politique du gouvernement.
- 85. Les organisations plaignantes indiquent que l’accord de principe a été soumis au vote de la Commission élargie des conflits du travail de la KRWU, qui l’a adopté par 83 voix contre 29, avec 12 abstentions. Cependant, l’accord a été rejeté lors d’un scrutin organisé du 1er au 3 septembre auprès de tous les membres (49 pour cent de voix pour seulement). Après ce vote de défiance vis-à-vis de la direction du syndicat, le président du KRWU, Myounghwan Kim, et les autres responsables qui avaient conduit la grève de 2013 ont démissionné de leurs fonctions, ce qui a créé une vacance temporaire de direction. Immédiatement après le rejet de l’accord, le gouvernement a annoncé des restrictions pour les cheminots dans 10 domaines supplémentaires, ainsi que l’application de la politique de normalisation des institutions publiques à 37 autres structures publiques. S’appuyant sur les directives du gouvernement, la direction de l’entreprise a demandé aux dirigeants par intérim du KRWU d’entamer de nouvelles négociations. Les organisations plaignantes allèguent en outre que, pendant la vacance de direction, la société a essayé par divers moyens de semer la division au sein des membres du KRWU: en faisant afficher par des cadres intermédiaires sur les lieux de travail de tout le pays des tracts affirmant qu’il était important d’accepter les contraintes imposées dans le cadre de la politique de normalisation et en exerçant des pressions sur l’ensemble des salariés pour qu’ils signent une pétition et organisent un rassemblement dans ce sens. Selon les allégations, les pressions se sont poursuivies jusqu’à l’élection de nouveaux dirigeants à la tête du KRWU, en octobre 2014, et des centaines de membres se sont désaffiliés du syndicat pendant cette période.
- 86. Dans sa communication reçue le 1er mai 2017, le gouvernement réitère ses observations de février 2014 sur les motifs à partir desquels les grèves de décembre 2013 et de février 2014 au sein de la compagnie ferroviaire ont été jugées illégales et réaffirme que, en vertu de la loi sur les syndicats et l’harmonisation des relations de travail, les services ferroviaires sont considérés comme essentiels et sont ainsi visés par les prescriptions relatives aux services minima. Le gouvernement fournit en outre des informations actualisées sur les mesures disciplinaires prises à l’encontre des dirigeants et des membres du KRWU qui avaient participé aux grèves susmentionnées et indique ainsi que, au mois de mars 2017, 11 travailleurs syndiqués ont été licenciés et 229 suspendus, tandis que 32 ont fait l’objet de réductions de salaire. Il précise par ailleurs que les 11 travailleurs licenciés ont déposé des plaintes administratives individuelles entre le 15 mai et le 9 juin 2015, lesquelles sont toujours en cours d’examen.
- 87. En ce qui concerne les accusations d’entrave à l’activité économique contre des membres du syndicat, le gouvernement réitère ses observations de janvier 2015 selon lesquelles il y a peu de chances que des grèves pacifiques, ne donnant lieu qu’à un arrêt de travail, soient qualifiées d’entraves à l’activité économique, même si les causes de ces grèves ne sont pas légitimes, et estime par conséquent que ces accusations ne devraient pas constituer une violation de la liberté d’association.
- 88. S’agissant de la révision de la convention collective entre le KRWU et la compagnie ferroviaire, effectuée en 2014, le gouvernement indique que l’accord de 2014 est le fruit d’un accord amiable conclu après de nombreuses et longues séances de négociations entre l’entreprise et le KRWU, conformément à la législation applicable, y compris la loi sur les syndicats et l’harmonisation des relations de travail. Il ajoute que, dans le cadre de la mise en œuvre de la convention collective entre la direction et les travailleurs, la direction a mené des activités visant à informer les salariés des dispositions de cette convention, et conclut que l’argument du KRWU selon lequel l’entreprise tire profit de la politique de «normalisation des institutions publiques» est infondé.
- 89. Le comité prend dûment note des informations fournies par les organisations plaignantes et par le gouvernement et observe que les questions soulevées dans les allégations concernent principalement les mesures prises en réponse aux actions de grève organisées par la section du KRWU de l’entreprise de chemins de fer, du 9 au 31 décembre 2013 et le 24 février 2014. Ces questions comprennent la prise en considération de la grève comme action illégale, en se référant à son objectif; le recrutement de remplaçants pendant la grève; les mesures disciplinaires, allant jusqu’à des licenciements, contre les grévistes et les responsables syndicaux qui organisaient l’action de grève; l’inculpation, l’arrestation et le placement en détention aux termes de l’article 341 du Code pénal (entrave à l’activité économique) de responsables syndicaux qui organisaient la grève; l’arrestation et l’inculpation pour entrave à la justice de militants syndicaux qui manifestaient; l’utilisation d’une force excessive par les policiers; la perquisition dans les locaux d’un syndicat ayant entraîné des dégâts matériels; et les poursuites au civil contre le syndicat et ses membres pour les dommages causés par la grève, ainsi que les irrégularités dans le processus de révision de la convention collective entre le KRWU et la compagnie ferroviaire. Le gouvernement n’a pas répondu aux allégations détaillées présentées dans les communications datées du 16 septembre 2014 et du 24 février 2015, mais il a tenu compte de deux aspects de ces allégations soulevés précédemment dans les recommandations du comité et dans la communication des organisations plaignantes de juillet 2014. Le comité invite par conséquent le gouvernement à donner des informations détaillées sur les nouvelles questions soulevées dans les communications plus récentes des organisations plaignantes.
- 90. S’agissant des allégations relatives à la prise en considération de la grève comme action illégale, le comité note que, selon les organisations plaignantes, malgré le fait que le syndicat avait suivi toutes les procédures légales, l’entreprise a publié une déclaration officielle dans laquelle elle promettait une réponse ferme et qualifiait d’illégale la grève qui n’avait pas débuté. Le comité note également que les organisations plaignantes indiquent dans leur communication du 24 février 2015 que la 13e Chambre pénale du tribunal de district de Séoul Ouest a conclu, dans sa décision du 22 décembre 2014, que la grève de décembre 2013 était illégitime car son objectif concernait une question – la mise en œuvre de l’ajustement structurel dans l’entreprise – ne relevant pas de la négociation collective. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, cette interprétation de ce que sont les objectifs légitimes d’une grève s’appuie sur de nombreux précédents de la Cour suprême, selon lesquels les revendications formulées dans une grève doivent avoir trait exclusivement à l’amélioration des conditions de travail et relever de la négociation collective. Le comité se voit obligé de rappeler que le droit de grève ne devrait pas être restreint aux seuls différends de travail susceptibles de déboucher sur une convention collective particulière: les travailleurs et leurs organisations doivent pouvoir manifester, le cas échéant, dans un cadre plus large leur mécontentement éventuel sur des questions économiques et sociales touchant aux intérêts de leurs membres. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 531.] Dans le cadre de l’examen de ce cas, le comité a à plusieurs reprises, bien que dans des contextes différents, prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que des grèves soient possibles pour d’autres motifs que la question restreinte des conflits sociaux concernant la signature d’une convention collective. Dans le cas de la grève de décembre 2013 au sein de la compagnie ferroviaire, les revendications des grévistes portaient sur une réforme et un plan de restructuration ayant un impact important sur l’entreprise, qui auraient sans aucun doute eu des conséquences sur les intérêts des travailleurs. L’interprétation restrictive des objectifs légitimes de la grève peut avoir des conséquences graves pour les grévistes et leurs organisations, dans la mesure où elle peut les exposer à des actions civiles et des poursuites pénales et justifier des mesures telles que le recours à des remplaçants dans le but de briser la grève. Compte tenu de ce qui précède, le comité demande une nouvelle fois au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l’interprétation restrictive des objectifs légitimes de la grève qui est faite actuellement soit abandonnée et qu’il soit possible de faire grève pour toute question sociale et économique concernant directement les travailleurs.
- 91. S’agissant du recrutement de remplaçants pendant la grève, le comité note que, selon les organisations plaignantes, la compagnie ferroviaire a publié avant la grève de décembre 2013 un communiqué de presse qualifiant cette action d’illégale et annonçant une réponse ferme, notamment par le biais du recrutement de remplaçants, et que l’entreprise a effectivement eu recours pendant la grève à plus de 6 000 remplaçants, dont des travailleurs retraités, des stagiaires et des militaires mis à disposition par le ministère de la Défense. Le comité note également que les organisations plaignantes indiquent qu’il a été fait appel à des remplaçants en dépit du fait que le syndicat avait fait le nécessaire pour se conformer aux dispositions garantissant un service minimum.
- 92. En ce qui concerne les allégations de mesures disciplinaires contre des membres et des responsables du KRWU pour leur rôle dans la grève, le comité note que, selon les organisations plaignantes, la compagnie ferroviaire a annoncé dès le début de la grève, le 9 décembre 2013, qu’elle allait renvoyer tous les grévistes, ce qu’elle a fait – plus de 8 600 membres du KRWU étaient concernés. Les commissions des relations professionnelles ont jugé que ces licenciements pendant les grèves étaient injustifiés. Les organisations plaignantes font ensuite état de deux séries de procédures disciplinaires intervenues après la fin des deux actions de grève, respectivement en février et juillet 2014, à l’issue desquelles des mesures (licenciement, suspension et retenue sur salaire) ont été prononcées contre plusieurs centaines de travailleurs en raison de leur participation aux deux grèves et à d’autres actions de protestation au début de l’année 2014. Selon la dernière communication en date du gouvernement sur ce sujet, en mars 2017, à l’issue de la procédure d’examen des commissions des relations professionnelles, 11 travailleurs ont été licenciés et 229 autres suspendus, tandis que 32 ont fait l’objet d’une retenue sur salaire. Les 11 travailleurs dont le licenciement a été confirmé ont déposé des plaintes administratives, toujours en cours d’examen. Rappelant que le recours au licenciement ou à la suspension de syndicalistes parce qu’ils ont exercé le droit de grève constitue une discrimination grave en matière d’emploi pour exercice d’activités syndicales légitimes, et que les travailleurs ainsi licenciés ou suspendus doivent être immédiatement réintégrés sans perte de salaire, le comité invite les organisations plaignantes et le gouvernement à soumettre des informations complémentaires sur l’issue des plaintes administratives déposées par les 11 travailleurs licenciés.
- 93. Le comité note que, selon les informations fournies par les organisations plaignantes dans leur communication en date du 16 septembre 2014, la compagnie ferroviaire a porté plainte pour entrave à la justice contre respectivement 176 et 92 responsables du KRWU pour leur rôle dans les deux actions de grève de décembre 2013 et février 2014. Les procédures étaient en cours à la date de la communication. Trente-cinq des personnes inculpées ont fait l’objet d’un mandat d’arrêt; cinq ont été arrêtées pendant la grève et les autres se sont présentées de leur propre chef une fois la grève terminée. Dans la plupart des cas, le tribunal n’a pas ordonné le placement en détention, et les dernières personnes qui étaient détenues ont été remises en liberté le 2 février 2014. Dans leur communication en date du 24 février 2015, les organisations plaignantes indiquent que la 13e Chambre pénale du tribunal de district de Séoul Ouest a relaxé du chef d’entrave à l’activité économique les quatre principaux responsables du KRWU qui avaient conduit la grève de décembre 2013, au motif que la grève n’était pas intervenue soudainement, à un moment où l’employeur ne pouvait la prévoir. Le comité accueille favorablement cette décision et note avec intérêt que, dans ses considérants, le tribunal de district s’appuie sur la position de l’OIT concernant l’article 314 du Code pénal pour donner une interprétation restrictive de cette disposition légale. Le comité prend également bonne note des explications du gouvernement concernant les critères pris en compte par les tribunaux dans le cadre de l’application de l’article 314 du Code pénal. Il note avec intérêt les indications du gouvernement selon lesquelles même une grève illégale ne pourrait être sanctionnée pour entrave à l’activité économique que si le libre choix de l’employeur de mener à bien ses activités a pu être entravé ou perturbé. Le comité estime, cependant, que le critère mentionné par le gouvernement, à savoir que «seules les grèves qui interviennent de manière inopinée et dont on estime qu’elles ont pu empêcher ou entraver l’exercice par l’employeur de son libre choix de mener à bien ses activités économiques, la grève ayant été source de perturbations ou de dommages considérables pour l’activité, sont considérées comme une infraction d’entrave à l’activité économique», est très large et n’exclut pas l’application de l’entrave à l’activité économique à des grèves pacifiques. Plus précisément, le comité rappelle que le fait d’établir un lien entre les restrictions aux grèves et l’entrave aux échanges et au commerce pouvait porter atteinte à une large gamme d’actions légitimes. Le comité observe que les tribunaux penchent pour une approche restrictive de l’application de l’entrave à l’activité économique aux grèves, mais se voit obligé de noter que, tant que cette disposition reste applicable à certaines grèves pacifiques, les travailleurs qui exercent leur droit de grève sont exposés au risque de poursuites pénales, d’arrestation et de placement en détention. Même si, au terme d’une longue procédure judiciaire, ils ne sont pas condamnés grâce à l’interprétation étroite donnée par le juge de l’article 314(1), le simple fait de faire l’objet de poursuites, d’être soumis à un procès et, dans certains cas, d’être arrêté et placé en détention constitue en soi une violation grave de leur droit à la liberté syndicale. Compte tenu des observations ci-dessus, et rappelant ses conclusions à cet égard, le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réviser l’article 314 du Code pénal de manière à ce qu’il ne viole pas le droit des travailleurs d’exercer des activités syndicales légitimes et de le mettre en conformité avec les principes de la liberté syndicale. En particulier, il prie instamment le gouvernement de veiller à ce que, entre-temps, le chef d’entrave à l’activité économique ne soit pas utilisé dans le contexte de grèves pacifiques, et que tous les travailleurs inculpés pour leur participation à des grèves pacifiques bénéficient d’un non-lieu. Il invite en outre le gouvernement et les organisations plaignantes à le tenir informé des mesures prises, à lui adresser des informations sur l’issue des procédures judiciaires en cours contre les responsables du KRWU et à lui communiquer une copie des décisions de justice dans ces affaires.
- 94. Le comité note les informations communiquées séparément par deux groupes d’organisations plaignantes ainsi que les observations du gouvernement concernant les événements du 22 décembre 2013. Le gouvernement et les organisations plaignantes s’accordent sur le fait que les policiers ont pénétré dans les locaux de la KCTU à la recherche de six dirigeants du KRWU visés par des mandats d’arrêt pour leur participation à l’action de grève au sein de la compagnie ferroviaire; que la police a conduit cette opération sans mandat de perquisition; que 138 manifestants, dont des membres de la KCTU, ont été arrêtés, parmi lesquels 19 ont été ensuite renvoyés en justice pour entrave à la justice, 68 ont fait l’objet d’une mise en accusation sommaire et 50 ont vu les poursuites à leur encontre suspendues. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, les policiers ont fait usage d’une force excessive contre les manifestants et détruit ou endommagé des installations, du mobilier et des documents pendant la perquisition dans les bureaux de la KCTU. Le comité rappelle que les perquisitions dans des locaux syndicaux ne devraient avoir lieu que sur mandat de l’autorité judiciaire ordinaire, lorsque cette autorité est convaincue qu’il y a de solides raisons de supposer qu’on trouvera sur les lieux les preuves nécessaires à la poursuite d’un délit de droit commun et à la condition que la perquisition soit limitée aux objets qui ont motivé la délivrance du mandat. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 185.] Le comité note avec une profonde préoccupation les allégations selon lesquelles des biens de l’organisation syndicale ont été mis à sac et endommagés lors de cette opération. Rappelant que l’arrestation, le placement en détention et l’inculpation de syndicalistes en raison de leurs activités syndicales sont contraires aux principes de la liberté syndicale, le comité constate avec regret que les membres de la KCTU qui manifestaient contre la perquisition sans mandat dans les locaux de l’organisation syndicale ont été arrêtés et poursuivis pour entrave à la justice, au motif qu’ils auraient entravé l’exécution par la police de mandats d’arrêt. Le comité croit comprendre que les mandats d’arrêt sur la base desquels la police a mené cette opération ont été émis contre les grévistes du KRWU pour entrave à l’activité économique; aussi doit-il rappeler sa demande formulée de longue date de modifier cette disposition afin de garantir le respect des droits relatifs à la liberté syndicale. Sur la base de ces constatations, le comité demande au gouvernement de faire en sorte que soit menée une enquête complète sur les allégations de recours excessif à la force et de dégâts matériels imputables à la police, et de prendre les mesures nécessaires pour amener les responsables de la violation des locaux du KRWU à rendre compte de leurs actes et à le tenir informé des mesures prises. Le comité prie en outre le gouvernement et les organisations plaignantes de communiquer des informations sur l’issue des procédures judiciaires contre les dirigeants et les membres de la KCTU poursuivis dans le cadre de ces événements et de lui faire parvenir une copie des décisions.
- 95. Le comité prend note des indications fournies par les organisations plaignantes concernant les actions au civil entamées par la compagnie ferroviaire contre le KRWU et ses membres en lien avec les actions de grève de décembre 2009 et de décembre 2013, et les mesures de garantie prises en conséquence (blocage du compte bancaire du syndicat à 10,5 milliards de KRW et saisie conservatoire de ses avoirs). En particulier, le comité note avec préoccupation les allégations des organisations plaignantes selon lesquelles ces actions en dommages-intérêts, ainsi que les amendes infligées aux termes de la disposition sur l’entrave à l’activité économique, font non seulement peser une grave menace financière sur l’existence même du syndicat, mais ont aussi un effet d’intimidation et entravent l’exercice des activités syndicales légitimes. Le comité a déjà souligné que par définition les grèves occasionnent des perturbations et des coûts et que les travailleurs qui décident d’exercer leur droit de grève, en dernier ressort et comme moyen de pression sur l’employeur afin de remédier à tout sentiment d’injustice, doivent eux aussi consentir des sacrifices importants. [Voir 365e rapport, paragr. 577.] Dans le présent cas, aucune information détaillée n’a été communiquée sur les motifs avancés à l’appui des demandes de dommages-intérêts et le gouvernement n’a pas répondu aux allégations; le comité, exprimant sa préoccupation quant aux lourdes conséquences que ces demandes de dommages-intérêts d’un montant énorme peuvent avoir sur le libre fonctionnement du syndicat, prie le gouvernement de répondre aux allégations et lui demande, ainsi qu’aux organisations plaignantes, d’apporter des informations complémentaires sur les procédures judiciaires, y compris des copies des décisions rendues. Le comité prie en outre le gouvernement de recueillir l’avis des organisations d’employeurs sur cette question.
- 96. S’agissant de la révision de la convention collective entre la compagnie ferroviaire et le KRWU, le comité note avec préoccupation que, selon les organisations plaignantes, l’entreprise a menacé d’appliquer strictement des mesures disciplinaires, d’intenter de nouvelles actions en dommages-intérêts et de procéder à d’autres mutations forcées si le KRWU venait à refuser les conditions proposées, et que la compagnie ferroviaire a essayé de semer la division au sein des membres du KRWU. Le comité note que, si le gouvernement a mentionné dans sa communication antérieure à celle des organisations plaignantes que la compagnie ferroviaire avait adhéré en décembre 2014 à une convention collective valide, les organisations plaignantes ne mentionnent pas avoir signé cette convention. Rappelant que la négociation collective doit, pour conserver son efficacité, revêtir un caractère volontaire et ne pas impliquer un recours à des mesures de contrainte qui auraient pour effet d’altérer ce caractère [voir Recueil, op. cit., paragr. 926], le comité se voit obligé de noter que les menaces de mesures de contrainte telles que celles dont font état les organisations plaignantes, si elles sont établies, pourraient altérer le caractère volontaire de la négociation. Le comité invite le gouvernement à apporter des informations complètes concernant ces allégations. Il invite également les organisations plaignantes à communiquer des informations complémentaires sur le déroulement et le résultat du processus de révision.