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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 383, Octobre 2017

Cas no 3124 (Indonésie) - Date de la plainte: 27-FÉVR.-15 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante allègue le licenciement de dirigeants syndicaux, une restriction à l’exercice du droit de grève en faisant appel à la police et aux forces paramilitaires contre des grévistes, le licenciement de membres syndicaux et d’autres travailleurs pour avoir participé à une grève, et une ingérence de l’employeur dans les affaires syndicales par des actes d’intimidation à l’encontre des travailleurs pour les pousser à quitter leur syndicat au profit du syndicat soutenu par la direction

  1. 394. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion d’octobre 2016, lors de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 380e rapport, paragr. 562 à 589, approuvé par le Conseil d’administration à sa 328e session.]
  2. 395. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 6 mars 2017.
  3. 396. L’organisation plaignante a fourni des informations complémentaires dans une communication en date du 12 juin 2017.
  4. 397. L’Indonésie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 398. A sa réunion d’octobre 2016, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 380e rapport, paragr. 589]:
    • a) Accueillant favorablement la réponse détaillée du gouvernement, le comité le prie de prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête indépendante sur les allégations de recours à la police et à d’autres groupes contre des grévistes. Il prie le gouvernement de l’informer du résultat de l’enquête, y compris de toute mesure prise en conséquence, et veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour veiller à ce que la police, les forces de sécurité et d’autres groupes ne soient pas utilisés pour briser une grève, et que toute intervention durant des grèves ou des actions collectives soit strictement limitée aux situations où l’ordre public est sérieusement menacé, conformément aux principes énoncés dans ses conclusions.
    • b) Au vu des principes susmentionnés et des licenciements massifs de travailleurs grévistes, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête indépendante afin de donner suite aux allégations de licenciement antisyndical de 1 300 travailleurs et d’établir les réels motifs de ces mesures et, s’il devait s’avérer que les travailleurs ont été licenciés pour des activités syndicales légitimes, de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les travailleurs soient intégralement indemnisés si, de fait, la réintégration n’est plus possible en raison de la fermeture de l’entreprise. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
    • c) Le comité prie le gouvernement de lui communiquer une copie des rapports de l’enquête relative aux allégations d’actes d’intimidation contre Kokom Komalawati. Le comité prie instamment le gouvernement de fournir ses observations sur les allégations spécifiques d’ingérence dans les affaires syndicales en forçant les travailleurs à quitter leur syndicat au profit d’un syndicat soutenu par la direction. Le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour veiller à ce que tout acte d’ingérence de l’employeur dans les affaires syndicales soit correctement identifié et traité en conséquence et, le cas échéant, à ce qu’il impose des sanctions suffisamment dissuasives pour que de telles pratiques ne se renouvellent pas à l’avenir.
    • d) Gardant à l’esprit la nature complexe du présent cas et la multitude des allégations entretenant des liens entre elles (paiement de salaires insuffisants, licenciement de dirigeants syndicaux à la suite de la création d’un syndicat, restriction à l’exercice du droit de grève, licenciement de travailleurs pour avoir participé à une grève et ingérence dans les affaires syndicales), le comité veut croire que les enquêtes à mener aborderont ces incidents d’une manière globale pour refléter correctement les circonstances du présent cas.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 399. Dans des communications en date du 6 mars et du 20 septembre 2017, le gouvernement indique qu’il protège l’exercice du droit d’organisation, de la liberté d’expression en public et du droit de grève, tant que l’exercice de ces droits demeure conforme aux procédures et aux mécanismes prévus par la législation nationale, qu’il respecte les droits et la dignité d’autres parties et qu’il ne compromet pas la sécurité et l’ordre publics. Le gouvernement indique qu’il a diligenté une enquête sur les allégations de recours à la force contre des grévistes en juillet 2012, dans le cadre de laquelle il a sollicité des informations auprès de la police et de la direction du groupe textile (la société mère de l’entreprise textile concerné par la grève). Les résultats de l’enquête indiquent que l’action collective menée en juillet 2012 n’était pas conforme aux procédures et aux mécanismes en vigueur, dans la mesure où les travailleurs n’avaient pas déposé d’avis de grève, que ce soit auprès de la police, conformément à la loi no 9 de 1998 sur la liberté d’expression en public, ou auprès du bureau de la main-d’œuvre de la ville de Tangerang (province de Banten), conformément la loi no 13 de 2003 relative à la main-d’œuvre. Le gouvernement indique également que le règlement no 1 de 2005 du chef de la police indonésienne dispose que les forces de police peuvent être présentes sur les lieux où se déroulent des conflits du travail, des grèves, des manifestations ou des lock-out si l’administration responsable de la main-d’œuvre, les organisations de travailleurs ou syndicats ou les employeurs ou organisations d’employeurs en font la demande ou si les forces de police elles-mêmes l’estiment nécessaire. Le déploiement de ces forces vise à fournir une protection et une assistance en vue d’assurer la sécurité et l’ordre publics et à faire en sorte que les travailleurs et les employeurs exercent le droit qui leur appartient d’organiser une grève ou de protéger leur entreprise et d’organiser un lock-out de façon légale, sans heurt et pacifiquement. Conformément à ce règlement, les forces de police étaient présentes sur les lieux à la suite d’un rapport oral de la direction de l’entreprise faisant état de la tenue de la grève. Leur présence était nécessaire, car les grévistes étaient accompagnés de membres d’une organisation communautaire (le Conseil de gestion du potentiel de la famille de la province de Banten – BPPKB), ont exercé des actes d’intimidation et de violence contre des travailleurs non grévistes et ont endommagé des biens appartenant à l’entreprise. Dans ce contexte d’anarchie et d’atteinte à l’ordre public, la police a pris des mesures pour disperser les grévistes, conformément au règlement susmentionné. Les forces de police ont exhorté les femmes enceintes et les travailleurs âgés à éviter le lieu de la grève, mais ceux-ci n’ont pas tenu compte de cet avertissement. Le gouvernement considère donc que, compte tenu des résultats de l’enquête, les forces de police n’étaient présentes sur le lieu de la grève que pour maintenir la sécurité et l’ordre publics, et que les pertes de connaissance alléguées et les blessures légères qu’auraient subies les travailleurs ne sont dues qu’à des bousculades entre les participants à la grève.
  2. 400. Le gouvernement déclare en outre que le seul motif des licenciements de travailleurs était la mauvaise situation financière de l’entreprise, comme cela a été démontré par les audits menés de 2009 à 2011 et par la fermeture de l’entreprise en 2014. Il indique s’être efforcé de différentes manières de régler cette affaire, conformément à la loi no 2 de 2004 sur le règlement des conflits du travail, qui prévoit diverses modalités: négociations bipartites, médiation, conciliation, arbitrage et tribunal du travail. En janvier 2017, le gouvernement a organisé une rencontre entre la direction de la société mère et les travailleurs, représentés par Mme Kokom Komalawati et par des membres de l’organisation plaignante, afin de traiter la question des travailleurs licenciés dont les droits n’ont pas encore été payés. La direction de la société mère a accepté de verser les sommes concernées aux travailleurs licenciés, et les deux parties sont convenues de résoudre le litige dans le cadre d’un processus de discussion organisé par le bureau régional de la main-d’œuvre de Tangerang. A cet effet, deux réunions ont eu lieu les 23 et 30 janvier 2017, lors desquelles il a été convenu que les négociations relatives aux questions en suspens liées aux travailleurs de l’entreprise seraient menées une fois par semaine, que chaque partie respecterait les droits de l’autre et que toute question restant en suspens au terme d’un délai de deux mois serait traitée par le ministère de la Main-d’œuvre et par son bureau régional à Tangerang. Les négociations ont également permis de vérifier et de préciser les données relatives au nombre de travailleurs concernés (339 selon la société mère, 346 selon les représentants des travailleurs) et de planifier les réunions suivantes, en février et mars 2017, certaines étant organisées par le gouvernement tandis que la présence du Département du travail n’était pas sollicitée pour d’autres. Le gouvernement indique cependant que les négociations n’ont pas abouti à un accord entre les parties, notamment sur le montant des indemnités de licenciement. En avril et mai 2017, le gouvernement a donc proposé à l’une et l’autre partie de saisir immédiatement le bureau local de la main-d’œuvre de Tangerang en vue d’une médiation, mais l’organisation plaignante a décliné l’offre et l’employeur n’a pas répondu. A ce jour, le gouvernement attend que l’une des parties ou les deux saisissent le bureau local de la main d’œuvre, conformément à la loi sur le règlement des conflits du travail.
  3. 401. S’agissant des allégations relatives à des actes d’intimidation, le gouvernement rappelle que le droit d’organisation est protégé par la législation nationale, notamment par l’article 28 de la loi no 21 de 2000 sur les syndicats et organisations de travailleurs, qui dispose qu’il est interdit d’empêcher un travailleur ou de rendre obligatoire pour celui-ci de former ou non un syndicat, de devenir ou non responsable syndical ou membre d’un syndicat ou de mener ou non des activités syndicales en ayant recours au licenciement, à la suspension, à la rétrogradation, au transfert, à la réduction de salaire, à l’intimidation ou à l’organisation de campagnes contre la constitution de syndicats. En vertu de l’article 43 de cette loi, le non respect de l’article 28 est passible d’une peine d’emprisonnement allant de un à cinq ans et d’une amende allant de 100 000 000 à 500 000 000 rupiah indonésiennes. Le gouvernement indique par ailleurs que, à la suite d’une enquête policière sur les atteintes présumées aux droits syndicaux de Mme Komalawati, la police a émis un ordre de clôture de l’enquête par manque de preuves. S’agissant des allégations d’actes d’ingérence dans les affaires syndicales en forçant les travailleurs à s’affilier à un syndicat soutenu par la direction, la direction de la société mère a déclaré que l’entreprise locale n’avait aucun lien avec la création du Syndicat des travailleurs indépendants (SPI) et qu’elle n’avait pas obligé les travailleurs à s’y affilier. En outre, le gouvernement indique qu’aucune plainte à cet égard n’a été déposée ou signalée et suggère à l’organisation plaignante d’apporter des preuves à l’appui de ces allégations à la police ou au bureau du ministère du Travail et de la Main d’œuvre de Tangerang, lesquels sont compétents pour résoudre les questions de travail à l’échelle nationale. Le gouvernement ajoute que, selon la société mère, certains travailleurs se sont plaints d’actes d’intimidation perpétrés par le syndicat de l’entreprise (PTP SBGTS-GSBI PT PDK) et de manœuvres visant à les empêcher de s’affilier au SPI et de travailler pendant la grève déclarée par le syndicat.
  4. 402. En conclusion, le gouvernement indique que le ministère du Travail, le bureau de la main d’œuvre de la ville de Tangerang et le Département de la police de Tangerang ont mené une enquête au sujet des faits mentionnés dans le présent cas (paiement de salaires insuffisants, licenciement de dirigeants syndicaux après la création d’un syndicat, restriction à l’exercice du droit de grève, licenciement de travailleurs pour avoir participé à une grève et ingérence dans les affaires syndicales) et ont conclu qu’il ne s’agissait pas d’une violation des conventions nos 87 et 98, dans la mesure où il a été estimé que les faits allégués par l’organisation plaignante n’étaient pas contraires aux dispositions de la loi no 21 de 2000 sur les syndicats et organisations de travailleurs, ni aux dispositions de la convention no 87. Le gouvernement indique par ailleurs que les problèmes d’emploi se sont posés lorsque l’entreprise a connu des pertes financières, ce qui a entraîné la suspension du salaire minimum et le licenciement de travailleurs, y compris de dirigeants syndicaux, ces faits ayant par la suite donné lieu à une grève. Selon le gouvernement, toutefois, les mesures relatives à la suspension du salaire minimum et au licenciement de travailleurs ont été prises conformément aux procédures en vigueur, notamment dans le cadre de négociations avec les représentants des travailleurs, comme le montre le procès-verbal d’une réunion bipartite (figurant en annexe), et ont été appliquées avant l’enregistrement de l’organisation de travailleurs. Bien que les questions relatives à l’emploi n’aient pas été réglées dans leur intégralité à ce jour, le gouvernement indique qu’il a pris des mesures afin de parvenir à leur règlement dans le cadre d’un processus de discussion entre la direction de la société mère et les représentants des travailleurs.
  5. 403. En ce qui concerne les informations complémentaires fournies par l’organisation plaignante, le gouvernement affirme que chaque citoyen est libre d’exprimer son opinion, conformément à la loi no 9 de 1998 relative à la liberté d’expression en public, qui dispose que, à quelques exceptions près, des manifestations peuvent être organisées dans un lieu public, ainsi qu’au règlement no 7 de 2012 du chef de la police nationale sur les procédures à appliquer aux services, à la sécurité et à la gestion de la liberté d’expression dans les lieux publics, qui régit la localisation et les horaires des manifestations. Le gouvernement explique toutefois que les manifestations conduites par l’organisation plaignante le dimanche sont une cause de perturbations et d’interruption des activités de la population locale, comme par exemple une journée sans voitures. Par ailleurs, chaque citoyen a le droit de se reposer pacifiquement et commodément pendant les jours fériés et les jours de repos hebdomadaire, et les manifestations susmentionnées violent donc l’article 28 J de la Constitution indonésienne, en vertu de laquelle chaque citoyen doit respecter les droits humains des autres dans le fonctionnement ordinaire de la société, de la nation et de l’Etat. Vu qu’il n’existe pas, au niveau national, de réglementation assurant la commodité, l’ordre public, la protection des personnes et le respect des droits et libertés de chacun pendant les manifestations, les autorités locales peuvent fixer des règlements techniques à cet effet. C’est ainsi que le règlement municipal no 2 de 2017 dispose que les manifestations ne peuvent être organisées que pendant les jours ouvrables et non pendant les jours de repos hebdomadaire.
  6. 404. En ce qui concerne la présence de la police pendant l’une des manifestations organisées par l’organisation plaignante en avril 2017, le gouvernement indique que le rôle de la police était d’assurer la sécurité et l’ordre publics compte tenu de l’ampleur du rassemblement. Il ajoute qu’une enquête de police a été diligentée sur les allégations de violences perpétrées par un agent de police de la ville de Tangerang; dans ce cadre, des témoins ont été entendus (des représentants de la police, Mme Komalawati et une autre représentante syndicale) et il a été établi qu’aucun coup n’avait été porté, mais que l’agent de police a plaqué sa main sur la bouche d’une manifestante parce qu’elle prononçait son discours avec agitation et crachait, portant atteinte à l’honneur de la police. Ce comportement a néanmoins été jugé contraire au code de déontologie de la police et, en juin 2017, à l’issue de l’enquête et du procès, l’agent a fait l’objet d’une mesure disciplinaire consistant en une réprimande écrite.

C. Informations complémentaires fournies par l’organisation plaignante

C. Informations complémentaires fournies par l’organisation plaignante
  1. 405. Dans une communication en date du 12 juin 2017, l’organisation plaignante indique que le conseil exécutif central de la Fédération des syndicats de l’Indonésie (DPP GSBI) et le syndicat de l’entreprise ont tenu une réunion avec le gouvernement le 19 décembre 2016, mais que le gouvernement n’avait pris aucune mesure effective en vue de donner effet aux recommandations du comité, si ce n’est qu’il a encouragé la société mère et les travailleurs à négocier afin de régler la question des droits des travailleurs qui ont été licenciés de façon unilatérale. A cet égard, l’organisation plaignante indique que, le 12 janvier 2017, une première réunion a été organisée entre les représentants des travailleurs, la direction de la société mère, le Département du travail de la ville de Tangerang et des représentants du département des relations professionnelles et de la sécurité sociale du ministère de la Main d’œuvre. Les parties ont convenu que le cas serait de nouveau soumis au processus de négociation pour une période de deux mois à compter du 23 janvier 2017, et ce sous la coordination directe du chef du Département du travail de la ville de Tangerang. L’organisation plaignante déclare également que, malgré les cinq réunions qui ont été organisées pendant cette période, les négociations ont abouti à une impasse. La société mère a maintenu la position qu’elle avait adoptée au cours des cinq dernières années, et le gouvernement n’a pas cherché à trouver une solution ni agi de façon active afin de résoudre l’affaire. Lors de la troisième réunion entre les parties, par exemple, les représentants du Département du travail de la ville de Tangerang n’étaient présents qu’à l’ouverture de la réunion, laissant par la suite le processus de négociation au soin des représentants des travailleurs et à la société mère, et les représentants du ministère de la Main-d’œuvre n’ont fait que prendre des notes sans participer activement à la réunion. Le 11 avril 2017, faute d’accord au terme du délai de deux mois, le ministère de la Main-d’œuvre a proposé que le cas soit résolu au moyen d’un processus de médiation et par le tribunal du travail, conformément à la loi sur le règlement des conflits du travail, mais l’organisation plaignante et les dirigeants du syndicat de l’entreprise ont rejeté cette proposition au motif que les délais fixés pour la procédure légale devaient être respectés, et ont exhorté le gouvernement à donner effet aux recommandations formulées par le comité.
  2. 406. L’organisation plaignante déclare également que, en janvier 2017, le maire de la ville de Tangerang a émis l’arrêté municipal no 2 de 2017 relatif aux rassemblements publics dans la ville de Tangerang. L’article 12(2)(b) de cet arrêté interdit au public de se rassembler ou d’organiser des campagnes ou des cortèges les samedis et dimanches. L’organisation plaignante estime que cet arrêté est contraire à la loi no 9 de 1998 sur la liberté d’expression publique et qu’il a été promulgué afin d’empêcher les piquets de grève et les campagnes pacifiques qui ont été organisés par les travailleurs de l’entreprise chaque dimanche matin au cours de l’année précédente afin de mobiliser le soutien de la population à la cause des travailleurs et d’inciter le gouvernement local à résoudre l’affaire en suspens depuis cinq ans. Lors d’une manifestation de ce type organisée le dimanche 9 avril 2017 au matin, le secrétaire général du syndicat DPP GSBI a reçu une gifle de la part d’un agent de police de la ville de Tangerang, ce qui montre non seulement que le gouvernement n’a pas résolu les questions en suspens relatives à ce cas, mais aussi qu’il cautionne les actes de violence qui ont une nouvelle fois été commis à l’encontre de travailleurs de la société mère.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 407. Le comité note que le présent cas porte sur des allégations de licenciement de dirigeants syndicaux, de restriction au droit de grève en faisant appel à la police et aux forces paramilitaires contre des grévistes, de licenciement de membres syndicaux et d’autres travailleurs pour avoir participé à une grève, et d’ingérence dans les affaires syndicales par des actes d’intimidation pour que les travailleurs quittent leur syndicat au profit d’un syndicat soutenu par la direction.
  2. 408. S’agissant des allégations relatives au recours à la police et à d’autres groupes contre des grévistes en juillet 2012 (recommandation a)), le comité note que les informations fournies par l’organisation plaignante et par le gouvernement illustrent leurs points de vue opposés quant à certains éléments, dont l’affiliation des groupes paramilitaires présents sur le lieu de la grève et l’origine des violences et des blessures dont ont été victimes les travailleurs. Dans sa plainte initiale, l’organisation plaignante indique que les grévistes ont dû faire face à l’intervention violente des forces de sécurité, de la police et de groupes paramilitaires qui ont eu recours à la force et ont employé du gaz lacrymogène contre eux, intervention à la suite de laquelle 34 travailleurs ont été blessés ou ont perdu connaissance. De son côté, le gouvernement indique que les informations fournies par la police et par la société mère montrent, d’une part, que les grévistes n’ont pas respecté les procédures en vigueur, puisqu’aucun avis de grève n’a été déposé auprès des autorités compétentes, et, d’autre part, que la police était présente sur le lieu de la grève à la suite d’une demande formulée par la direction de l’entreprise, conformément aux règlements en vigueur, dans l’unique but de maintenir l’ordre et la sécurité publics, dans la mesure où les grévistes étaient accompagnés d’une organisation communautaire et ont perpétré des actes de violence et d’intimidation et ont endommagé des biens appartenant à l’entreprise. Le gouvernement maintient également que les blessures légères que pourraient avoir subi les travailleurs découlent de bousculades entre les participants à la grève et non de l’action de la police. Dans ces circonstances, le comité doit de nouveau souligner que, bien que les principes de la liberté syndicale ne protègent pas les abus dans l’exercice du droit de grève qui constituent des actions de caractère délictueux [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 667], la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 43.]
  3. 409. Le comité note également que, selon les indications du gouvernement, une enquête a été menée au sujet des allégations de recours à la force contre les grévistes, mais comprend que ce processus a simplement consisté à solliciter des informations auprès de la société mère et de la police, lesquels constituent, selon l’organisation plaignante, les principaux acteurs à l’origine des violations alléguées. Il considère qu’une telle enquête présente le risque d’aboutir à des résultats qui ne soient pas impartiaux ou objectifs et rappelle que, lorsque se sont produites des atteintes à l’intégrité physique ou morale, le comité a considéré qu’une enquête judiciaire indépendante devrait être effectuée sans retard, car cette méthode est particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de telles actions. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 50.] Notant en outre les indications de l’organisation plaignante selon lesquelles, en avril 2017, la police a de nouveau eu recours à la force à l’encontre d’un travailleur pendant une manifestation pacifique, le comité note la déclaration du gouvernement informant qu’a été diligentée une enquête sur ces allégations et que, bien qu’il ait été établi qu’il n’y avait pas eu recours à la violence, l’agent de police a fait l’objet d’une réprimande pour ne pas avoir exercé ses fonctions dans le respect du code de déontologie de la police.
  4. 410. Notant en outre l’inquiétude de l’organisation plaignante suscitée par l’adoption de l’arrêté municipal no 2 de 2017, qui vise, selon elle, à restreindre délibérément les campagnes pacifiques menées par les travailleurs de l’entreprise afin d’exprimer leurs préoccupations quant au caractère ancien et persistant de ce cas, le comité observe que, selon le gouvernement, les manifestations conduites par l’organisation plaignante le dimanche causent des perturbations et interrompent les activités de la population locale, tout citoyen ayant le droit de se reposer pacifiquement et commodément pendant les jours de repos hebdomadaire, et que les autorités locales sont habilitées à réglementer cet aspect de la liberté d’expression en public. Rappelant à cet égard que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels et qu’une restriction imposée par la législation concernant les horaires des manifestations ne se justifie pas et peut rendre les manifestations inopérantes en pratique [voir Recueil, op. cit., paragr. 133 et 149], le comité considère qu’un arrêté ministériel posant l’interdiction générale de manifester le week end, ainsi qu’il est allégué dans le présent cas, entraverait sérieusement l’exercice de ce droit. Le comité prie le gouvernement de lui fournir un exemplaire de l’arrêté municipal et s’attend à ce qu’il prenne les mesures nécessaires pour que tous les travailleurs puissent exercer leur droit de manifestation pacifique conformément aux principes de la liberté syndicale.
  5. 411. S’agissant des allégations de licenciements massifs (recommandation b)), le comité rappelle que l’organisation plaignante a présenté des allégations concernant deux séries de licenciements distinctes, l’une s’étant produite en février et mars 2012 au moment de l’enregistrement du syndicat de l’entreprise et concernant majoritairement des dirigeants syndicaux, et l’autre s’étant produite à la suite de la grève de juillet 2012, lors de laquelle près de 1 300 travailleurs ont été licenciés. Le comité prend note des indications du gouvernement selon lesquelles le seul motif de licenciement des travailleurs était la mauvaise situation financière de l’entreprise, les licenciements ayant été effectués conformément aux procédures en vigueur et avant l’enregistrement de l’organisation de travailleurs. Le comité observe que cette information semble porter sur la première série de licenciements, dans la mesure où le gouvernement et les représentants de l’employeur ont précédemment déclaré que ces licenciements avaient été effectués dans le cadre d’un programme de restructuration entre février et juin 2012, tout en indiquant que les licenciements auxquels il a été procédé à la suite de la grève de juillet 2012 se fondaient sur l’absence prolongée des travailleurs et leur refus d’obéir à l’appel de l’entreprise qui leur demandait de retourner à leur unité de travail. [Voir 380e rapport, paragr. 572 à 573 et 577 à 578.]
  6. 412. A cet égard, le comité prend également note des informations fournies par le gouvernement et l’organisation plaignante selon lesquelles, en janvier 2017, le gouvernement a organisé une réunion entre les représentants de la société mère et ceux des travailleurs, qui sont convenus de résoudre la question des travailleurs licenciés dont les droits n’ont pas été payés dans le cadre d’un processus de négociation d’une durée de deux mois. Le comité salue ces efforts, mais observe que, tant le gouvernement que l’organisation plaignante indiquent que, au terme de cinq réunions entre les parties, les négociations ont abouti à une impasse, faute d’accord. Tout en prenant note également des allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles le gouvernement n’a pas participé activement au règlement de l’affaire, le comité observe que celui-ci a organisé un certain nombre de réunions et de négociations bipartites et que, lorsque le ministère de la Main-d’œuvre a proposé de résoudre le cas dans le cadre d’un processus de médiation et par le tribunal du travail au terme du délai de deux mois, l’organisation plaignante a refusé et l’employeur n’a pas donné suite à la proposition; à ce jour aucune des parties n’a saisi le bureau local de la main d’œuvre en vue de régler la question. Dans ces circonstances, le comité ne peut que regretter que, plus de cinq ans après les faits, le litige n’ait toujours pas été résolu et que des centaines de travailleurs attendent toujours leur indemnisation. Le comité observe en outre que les informations fournies ne permettent pas de déterminer sur quelle série de licenciements portent les négociations (les licenciements auxquels il a été procédé lors de l’enregistrement du syndicat de l’entreprise ou ceux qui ont été effectués à la suite de la grève de 2012, ou les deux), mais estime que, dans tous les cas, les négociations, si elles sont menées de bonne foi par les deux parties, peuvent contribuer de manière significative à la résolution amiable du conflit. Le comité invite les parties à présenter une demande formelle de médiation s’agissant de la question des travailleurs licenciés par le bureau local de la main-d’œuvre.
  7. 413. Observant de surcroît que le gouvernement n’a pas fourni d’informations précisant si une enquête indépendante avait été menée au sujet des allégations de licenciements massifs de travailleurs à la suite de la grève de juillet 2012, et rappelant que les licenciements massifs de grévistes comportent de graves risques d’abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale, le comité prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête indépendante afin de donner suite à ces allégations et d’établir les réels motifs de ces mesures et, s’il devait s’avérer que les travailleurs ont été licenciés pour des activités syndicales légitimes, prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce qu’ils soient intégralement indemnisés. Le comité espère fermement que le gouvernement sera en mesure de faire état de progrès accomplis à cet égard, et ce dans les plus brefs délais.
  8. 414. Pour ce qui est de l’allégation d’ingérence dans les activités syndicales et les actes visant à intimider les travailleurs (recommandation c)), le comité note qu’il ressort des informations et de la documentation communiquées par le gouvernement que l’enquête menée au sujet des violations alléguées des droits syndicaux de Mme Komalawati a été clôturée faute de preuves suffisantes, que la société mère conteste les allégations selon lesquelles l’entreprise locale a interféré dans les affaires syndicales ou intimidé les travailleurs afin qu’ils s’affilient au syndicat de la direction nouvellement créé, que ces allégations n’ont pas encore été portées devant l’autorité compétente et que, selon la société mère, les actes d’intimidation ont également été perpétrés par le syndicat de l’entreprise à l’encontre de travailleurs n’ayant pas participé à la grève ou souhaitant s’affilier au nouveau syndicat. Exprimant sa préoccupation quant aux allégations d’ingérence et d’intimidation de la part des deux parties, et compte tenu des indications du gouvernement selon lesquelles certaines des allégations ne lui ont pas été soumises, le comité invite l’organisation plaignante à communiquer aux autorités nationales compétentes des informations détaillées concernant les allégations d’ingérence dans les affaires syndicales en forçant les travailleurs à quitter leur syndicat au profit d’un syndicat soutenu par la direction, afin que ces autorités puissent diligenter une enquête et déterminer si ces allégations sont fondées et, si tel est le cas, qu’elles puissent prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation et sanctionner ces actes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
  9. 415. Enfin, le comité note les indications générales du gouvernement selon lesquelles le ministère du Travail, le bureau de la main-d’œuvre de la ville de Tangerang et le Département de la police de la ville de Tangerang ont diligenté des enquêtes au sujet des questions soulevées dans le présent cas (paiement de salaires insuffisants, licenciement de dirigeants syndicaux à la suite de la création d’un syndicat, restriction à l’exercice du droit de grève, licenciement de travailleurs pour avoir participé à une grève et ingérence dans les affaires syndicales) et ont conclu que ces faits ne constituaient pas une violation de la législation nationale ou des conventions nos 87 et 98. Le comité prend note que, bien que les questions relatives à l’emploi n’aient pas été résolues dans leur intégralité, le gouvernement a pris des mesures pour les résoudre en organisant des discussions entre les représentants de la société mère et ceux des travailleurs. Tout en prenant dûment note de cette indication et en saluant l’initiative du gouvernement d’encourager les négociations entre les parties et de solliciter des informations sur les questions pertinentes auprès de la police et de la société mère, le comité considère que, compte tenu de la nature complexe du cas, du nombre considérable de travailleurs concernés et de la multitude d’allégations graves entretenant des liens entre elles, dont certaines n’ont pas été contestées par le gouvernement ni par les représentants de l’employeur, les mesures susmentionnées sont insuffisantes en l’absence d’une enquête indépendante visant à corroborer les faits. Le comité prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que toutes les questions en suspens soient résolues sans délai d’une façon qui soit conforme à ses recommandations et le prie de rendre compte de façon détaillée des mesures prises ou envisagées à cet égard.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 416. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de lui fournir un exemplaire de l’arrêté municipal no 2 de 2017 et s’attend à ce qu’il prenne les mesures nécessaires pour s’assurer que tous les travailleurs peuvent exercer leur droit de manifestation pacifique conformément aux principes de la liberté syndicale.
    • b) Le comité prie de nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête indépendante afin de donner suite aux allégations de licenciement antisyndical de centaines de travailleurs à la suite de la grève de juillet 2012 et d’établir les réels motifs de ces mesures et, s’il devait s’avérer que les travailleurs ont été licenciés pour des activités syndicales légitimes, prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce qu’ils soient intégralement indemnisés. Le comité espère fermement que le gouvernement sera en mesure de faire état de progrès accomplis à cet égard, et ce dans les plus brefs délais. Le comité invite également les parties à présenter une demande formelle de médiation s’agissant de la question des travailleurs licenciés par le bureau local de la main-d’œuvre.
    • c) Le comité invite l’organisation plaignante à communiquer aux autorités nationales compétentes des informations détaillées concernant les allégations d’ingérence dans les affaires syndicales en forçant les travailleurs à quitter leur syndicat au profit d’un syndicat soutenu par la direction, afin que ces autorités puissent diligenter une enquête et déterminer si ces allégations sont fondées et, si tel est le cas, qu’elles puissent prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation et sanctionner ces actes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
    • d) Gardant à l’esprit la nature complexe du présent cas, le nombre considérable de travailleurs concernés et la multitude d’allégations graves entretenant des liens entre elles, dont certaines n’ont pas été contestées par le gouvernement ni par les représentants de l’employeur, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que toutes les questions en suspens soient résolues sans délai d’une façon qui soit conforme à ses recommandations et le prie de rendre compte de façon détaillée des mesures prises ou envisagées à cet égard.
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