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Rapport intérimaire - Rapport No. 383, Octobre 2017

Cas no 3212 (Cameroun) - Date de la plainte: 05-AVR. -16 - Cas de suivi fermés en raison de l'absence d'informations de la part du plaignant ou du gouvernement au cours des 18 mois écoulés depuis l'examen de ce cas par le Comité.

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Allégations: Ingérence antisyndicale de la part d’une société concessionnaire de service public, non-reversement des cotisations syndicales prélevées à la source et manque de mécanismes permettant d’assurer l’impartialité des élections des délégués du personnel

  1. 119. La plainte figure dans une communication de la Confédération des syndicats indépendants du Cameroun (CSIC) en date du 5 avril 2016.
  2. 120. Le gouvernement n’ayant pas répondu, le comité a dû ajourner l’examen du cas à deux reprises. A sa réunion de juin 2017 [voir 382e rapport, paragr. 8], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa prochaine réunion, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas reçues à temps. A ce jour, le gouvernement n’a envoyé aucune information.
  3. 121. Le Cameroun a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 122. Dans sa communication du 5 avril 2016, la CSIC allègue que la société ENEO-SA Cameroun, opérateur de l’électricité au Cameroun (ci-après la société), a empêché le Syndicat national indépendant de l’énergie électrique (SNI-Energie) et le Syndicat national de l’énergie électrique (SNEE), affiliés à la CSIC, de participer, en 2014 et en 2016, aux élections des délégués du personnel, les privant ainsi de leur droit de vote, de celui d’être candidat à l’élection ou de recevoir l’investiture de leur syndicat.
  2. 123. L’organisation plaignante souligne que la société a également bénéficié d’une dérogation du ministre du Travail et de la Sécurité sociale (MINTSS) pour organiser ces élections le 14 avril 2014, et non le 15 janvier 2014, date fixée par lui pour le déroulement de l’ensemble des élections sociales au Cameroun, réduisant ainsi de manière arbitraire la durée du mandat des délégués du personnel de la société. Selon l’organisation, pour ce qui est des élections de 2014, la date de l’élection au sein de la société a encore été reportée d’une semaine, en dehors cette fois de toute autorisation ministérielle. A cette occasion, l’organisation affirme que ses représentants se sont vu interdire l’accès au siège régional de la société par des vigiles armés. L’organisation plaignante allègue que la société aurait dans le même temps favorisé la participation des syndicats qui lui sont inféodés et que cela traduit une volonté de réduire l’autonomie et l’indépendance des syndicats ainsi que leur capacité de revendication. Par ailleurs, la CSIC dénonce l’absence d’affichage de la liste des candidats, en violation des dispositions de l’arrêté no 116 du MINTSS du 1er octobre 2013 qui fixe les modalités de l’élection et les conditions d’exercice des fonctions des délégués du personnel. La CSIC fait également observer que la société a bénéficié d’une dérogation de même nature lors des élections sociales de 2016. En ce qui concerne précisément ces élections, elle affirme que le directeur général de la société a arbitrairement disqualifié le SNI-Energie et le SNEE afin d’empêcher leur participation aux élections sociales, au motif que ceux-ci n’auraient pas signé une charte du dialogue social.
  3. 124. L’organisation plaignante allègue par ailleurs que les cotisations syndicales sont retenues de manière abusive par la société, en violation des dispositions du Code du travail selon lesquelles: «L’employeur prélève directement sur le salaire acquis par un travailleur les cotisations syndicales, à charge d’en opérer le reversement immédiat à l’organisation syndicale désignée par le travailleur.» (art. 21). L’organisation allègue que, après avoir tenté de créer un bicéphalisme au sommet du SNEE, la société, déterminée dans sa stratégie de réduire le SNEE au silence, a décidé de bloquer les cotisations syndicales, réussissant à paralyser le fonctionnement du SNEE. Ce sont quelque 90 000 000 (quatre-vingt-dix millions) de francs CFA des fonds syndicaux qui sont abusivement retenus depuis plus de 2012 et qui, selon la CSIC, devraient être remis à l’équipe légitime, dirigée par M. Fouman Julien Marcel Baby.
  4. 125. La CSIC allègue enfin que l’arrêté no 002 du 13 janvier 2016 du MINTSS ne prévoit aucune disposition pour le déploiement des confédérations au sein des entreprises aux fins des campagnes électorales et qu’il ne prévoit pas non plus de dispositions pour régler le contentieux préélectoral et le contentieux post-électoral: les dispositions prévues dans le Code du travail sont vagues et ne donnent aucune date butoir pour que le contentieux électoral soit vidé avant la proclamation des résultats.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 126. Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante alors qu’il a été invité à deux reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité exhorte le gouvernement à faire preuve de plus de coopération à l’avenir.
  2. 127. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session (1971)], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
  3. 128. Le comité rappelle au gouvernement que l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen d’allégations en violation de la liberté syndicale vise à assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent à leur tour reconnaître l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]
  4. 129. Le comité observe que, dans le présent cas, les allégations de l’organisation plaignante ont trait à l’ingérence antisyndicale de la part d’une société concessionnaire de service public (la société), au non-reversement des cotisations syndicales prélevées à la source par ladite société et au manque de mécanismes permettant d’assurer l’impartialité des élections des délégués du personnel.
  5. 130. S’agissant des allégations d’ingérence de la part de la société dans l’organisation des élections des délégués du personnel, en 2014 comme en 2016, le comité note avec préoccupation que deux syndicats affiliés à la CSIC, à savoir le SNI-Energie et le SNEE n’ont pas pu présenter de candidats aux élections des délégués du personnel, tandis que d’autres syndicats auraient bénéficié du soutien de l’employeur, ce qui entache la sincérité du scrutin, fausse la représentation syndicale dans l’entreprise, voire l’établissement de la représentativité fondée sur ces élections. Le comité note que la non-participation des deux syndicats serait en partie due à l’absence de notification des différents reports de la date des élections, en 2014 comme en 2016 –, reports dont il est allégué qu’ils auraient, à l’exception de l’un d’entre eux, été consentis de manière discrétionnaire par les autorités publiques au détriment des organisations syndicales en question. Le comité note en outre les allégations selon lesquelles le directeur général de la société aurait délibérément écarté les deux syndicats au motif que ces derniers ne seraient pas signataires d’une charte sociale et relève en particulier que, le jour de l’élection de 2016, les dirigeants du SNI-Energie se sont vu interdire l’accès au siège régional de la société. En l’absence d’informations fournies par le gouvernement, le comité tient à souligner que les travailleurs et leurs organisations doivent avoir le droit d’élire leurs représentants en toute liberté, et ces représentants le droit d’exprimer les revendications des travailleurs. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 389.] Le comité souhaite également rappeler que tant les autorités que l’employeur doivent éviter toute discrimination entre les organisations syndicales, spécialement dans la reconnaissance de leurs dirigeants pour leurs activités légitimes. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 343.] De même, pour que le droit syndical ait vraiment un sens, les organisations de travailleurs doivent être en mesure de promouvoir et de défendre les intérêts de leurs membres en bénéficiant des facilités nécessaires au libre exercice des activités liées à la représentation des travailleurs, incluant l’accès aux lieux de travail des membres du syndicat. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1106.] Au vu de ces principes, le comité prie le gouvernement de s’assurer que la direction de la société comme les autorités publiques n’interviennent pas dans les élections sociales et de veiller à ce que certains syndicats de la profession ne soient pas écartés au profit d’autres organisations de travailleurs.
  6. 131. S’agissant des allégations relatives au précompte syndical non reversé, le comité note avec préoccupation, d’après les allégations présentées, que les cotisations syndicales des travailleurs affiliés au SNEE ne seraient pas reversées à ce dernier. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur la situation actuelle du SNEE, notamment d’indiquer si la question du prélèvement des cotisations de ses adhérents a été réglée avec la société et si le SNEE est en mesure de mener ses activités sans entraves. Dans la négative, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires auprès de la société pour remédier à la situation sans délai.
  7. 132. S’agissant de la question de la contestation des résultats des élections des délégués du personnel, le comité note que selon la CSIC les mécanismes permettant d’assurer l’impartialité des élections des délégués du personnel seraient insuffisants et que la législation pertinente en matière de contentieux électoral n’apporterait pas de réponse satisfaisante. En l’absence d’informations précises portées à sa connaissance sur ce point, et compte tenu de l’absence de réponse du gouvernement, le comité ne peut que rappeler que les cas de contestation des élections syndicales doivent relever des autorités judiciaires, qui devraient garantir une procédure impartiale, objective et rapide. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 442.] Le comité observe qu’en l’espèce, à la lumière des informations dont il dispose, la CSIC n’a pas contesté les résultats des élections sociales devant la justice. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur les procédures applicables en matière de contentieux électoral.
  8. 133. Le comité regrette de n’avoir pu disposer d’éléments d’information de la part de l’entreprise en raison de l’absence de réponse du gouvernement. Il prie ce dernier de solliciter des informations auprès des organisations d’employeurs concernées en vue de pouvoir disposer de leur version des faits ainsi que de celle de l’entreprise en cause sur les questions en instance.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 134. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité regrette que le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations, bien qu’il ait été invité à le faire en diverses occasions, y compris sous la forme d’un appel pressant, et le prie d’y répondre dans les plus brefs délais.
    • b) Le comité prie le gouvernement de s’assurer que la direction de la société comme les autorités publiques n’interviennent pas dans les élections sociales et de veiller à ce que certains syndicats de la profession ne soient pas écartés au profit d’autres organisations de travailleurs.
    • c) Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur la situation actuelle du SNEE, notamment d’indiquer si la question du prélèvement des cotisations de ses adhérents a été réglée avec la société et si le syndicat est en mesure de mener ses activités sans entraves. Dans la négative, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires auprès de la société pour remédier à la situation sans délai.
    • d) Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur les procédures applicables en matière de contentieux électoral.
    • e) Le comité prie le gouvernement de solliciter des informations auprès des organisations d’employeurs concernées en vue de pouvoir disposer de leur version des faits ainsi que de celle de l’entreprise en cause sur les questions en instance.
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