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Rapport intérimaire - Rapport No. 386, Juin 2018

Cas no 3242 (Paraguay) - Date de la plainte: 13-SEPT.-16 - Actif

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent des licenciements et le refus de la part du ministère du Travail de reconnaître et d’homologuer un syndicat, en favorisant un parlementaire, propriétaire de l’entreprise

  1. 553. La plainte figure dans deux communications de la Centrale unitaire des travailleurs – Authentique (CUT-Auténtica) en date des 24 mai et 13 septembre 2016.
  2. 554. Le gouvernement a répondu par une communication en date du 31 octobre 2017.
  3. 555. Le Paraguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante

    Syndicat des conducteurs et employés de l’entreprise de transport «La Limpeña» SRL (compagnie d’autobus 1)

  1. 556. Dans leur communication du 24 mai 2016, les organisations plaignantes indiquent que, le 24 juin 2015, deux jours après la création du Syndicat des conducteurs et employés de l’entreprise «La Limpeña», 40 membres du syndicat ont été licenciés de l’entreprise pour des raisons antisyndicales et que l’autorité administrative a refusé d’enregistrer le syndicat, favorisant ainsi le propriétaire de l’entreprise, M. Celso Maldonado, député à l’Assemblée nationale du Paraguay.
  2. 557. L’organisation plaignante explique que, en raison des mauvaises conditions de travail, les travailleurs de l’entreprise de transport ont accepté de convoquer une assemblée générale constitutive le 9 juin 2015. Le 22 juin 2015, une réunion a eu lieu au cours de laquelle le syndicat a été créé, ses statuts ont été approuvés et son comité directeur a été élu en présence de 51 travailleurs. Les organisations plaignantes indiquent que, le jour même de la tenue de l’assemblée générale constitutive, le comité directeur a envoyé un télégramme à la direction de l’entreprise pour l’en informer. Néanmoins, cette dernière n’a pas accusé réception du télégramme avant le 27 juin 2015.
  3. 558. Les organisations plaignantes allèguent que, le 24 juin 2015, deux jours après l’assemblée générale constitutive, l’entreprise a licencié les syndicalistes dans le seul but de les priver du nombre minimum de 20 membres prévu par l’article 292 du Code du travail. Ils indiquent à cet égard que: i) 10 syndicalistes, y compris des dirigeants syndicaux, ont été licenciés sans motif par l’entreprise, 24 syndicalistes ont été licenciés pour abandon de poste, 3 ont vu leur contrat de travail suspendu, 5 auraient démissionné du syndicat et 3 membres seraient, aux yeux de l’entreprise, extérieurs à l’entreprise; ii) le 15 août 2015, l’entreprise a formulé une demande de dépôt en consignation pour les 10 membres licenciés sans motif, car ils auraient refusé de percevoir leurs indemnités et introduit une demande de justification des licenciements de MM. Julio Osvaldo Maisana, Antonio Jara, Rafael Andino Bogado ainsi que 22 autres membres pour «abandon massif de leur poste de manière injustifiée»; iii) 44 travailleurs ont porté plainte contre l’entreprise pour leurs licenciements; enfin, iv) en réaction aux licenciements antisyndicaux du 24 juin 2015 et au refus du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale (MTESS) d’accepter l’enregistrement du syndicat, 23 membres syndicaux, y compris le secrétaire général et le secrétaire chargé des procès verbaux, ont décidé de se crucifier et de camper devant le MTESS en guise de protestation.
  4. 559. Les organisations plaignantes indiquent que le MTESS a convoqué une table ronde pour régler le conflit entre l’entreprise et le syndicat. Il ressort de la documentation soumise par ces organisations les éléments suivants: i) les représentants de l’entreprise n’ont pas participé à la première réunion le 20 juillet 2015; ii) lors de la deuxième réunion du 21 juillet 2015, le représentant de l’entreprise a déclaré que la situation des 10 premiers travailleurs licenciés n’était pas négociable, mais a ouvert une possibilité de dialogue avec les autres syndicalistes licenciés; iii) durant la réunion du 4 août 2015, la signature du président de la Fédération paraguayenne des travailleurs du transport aurait été falsifiée; ce dernier aurait, en lien avec le fait mentionné, déposé une plainte auprès du ministère public le 16 septembre 2015.
  5. 560. Selon les organisations plaignantes, les actions du MTESS étaient politiquement motivées. A cet égard, elles indiquent les faits suivants: i) le 17 juillet 2015, l’entreprise a demandé au MTESS de rejeter l’enregistrement provisoire dudit syndicat au motif que le nombre minimum de membres n’aurait pas été respecté; ii) le 23 juillet 2015, la Direction générale du service juridique du ministère du Travail a déclaré, dans son avis no 796/2015, que pour obtenir son enregistrement provisoire le syndicat devait remédier à des vices de forme, annexer une copie du procès-verbal de l’assemblée constitutive et modifier ses statuts; il convient de noter que cet avis n’incluait pas l’objection soulevée par l’entreprise; iii) le 17 août 2015, le syndicat a répondu aux objections soulevées par l’entreprise et par le service juridique concernant son enregistrement provisoire; il ressort de ces communications que le syndicat estime avoir respecté toutes les exigences formelles requises par la loi et nie avoir omis d’informer la direction de l’entreprise de la création du syndicat jusqu’au 27 juin 2015 ou avoir admis des personnes extérieures à l’entreprise; iv) le 4 septembre 2015, le service juridique du MTESS a émis son avis no 1088/2015 indiquant que le syndicat ne satisfaisait toujours pas pleinement aux exigences énoncées ci-dessus et lui a de nouveau demandé de transmettre l’original et une copie certifiée conforme de son acte constitutif, de fournir des informations sur les membres présents et de lui communiquer le solde des fonds sociaux; v) le 17 septembre, le syndicat a transmis les informations demandées dans l’avis no 1088/2015, mais a précisé que, en ce qui concerne la copie certifiée conforme du procès-verbal de constitution, le secrétaire général, M. Miguel Garcete, et le secrétaire chargé des procès-verbaux, M. Esteban Álvarez, n’étaient pas en mesure de signer les documents du fait que tous deux étaient crucifiés, de sorte qu’ils ont donné l’autorisation à d’autres membres du comité exécutif de signer à leur place; vi) le 15 octobre 2015, la Direction du service juridique du MTESS a de nouveau indiqué que MM. Miguel Garcete et Esteban Álvarez, en leur qualité de secrétaire général et de secrétaire chargé des procès-verbaux, devaient se conformer à l’article 294, alinéa a), du Code du travail et que jusqu’à présent ils n’avaient pas encore signé la copie certifiée conforme de l’acte constitutif, «d’autres personnes l’ayant fait à leur place sans l’autorisation expresse correspondante de signer lesdits documents»; vii) le 20 octobre 2015, dans une communication adressée au Directeur général du travail, le syndicat, conformément à l’avis susmentionné d’octobre, a joint la copie certifiée conforme de l’acte constitutif, ainsi que l’acte notarié de confirmation et d’autorisation du secrétaire général et du secrétaire chargé des procès-verbaux déclarant qu’ils «n’étaient pas en mesure de signer les documents requis parce qu’ils avaient les mains clouées» et autorisant le secrétaire aux finances, le secrétaire aux affaires juridiques et le secrétaire chargé des litiges à signer tous les documents nécessaires; viii) le 19 novembre 2015, le MTESS, par la décision no 44, a enregistré provisoirement le syndicat et lui a accordé trente jours pour valider toutes les mesures juridiques adoptées antérieurement à cette date; ix) le 7 décembre 2015, le secrétaire général et le secrétaire chargé des procès-verbaux, n’étant plus dans l’impossibilité de le faire, ont validé leur mesures antérieures; x) le 17 décembre 2015, l’entreprise a de nouveau soulevé une objection et rejeté l’enregistrement définitif du syndicat; et xi) le 2 mai 2016, le MTESS a émis la décision no 257 énonçant les objections soulevées contre l’enregistrement définitif du syndicat et déclarant que «l’on ne saurait faire valoir que, au moment de l’assemblée constitutive, les personnes licenciées faisaient partie de l’entreprise; ce qui importait était de déterminer le nombre de membres restant dans le syndicat après les licenciements prononcés pour diverses raisons». Le syndicat a fait appel de cette décision et demandé qu’elle soit déclarée nulle et non avenue.
  6. 561. Les organisations plaignantes soulignent que le MTESS a interjeté un appel en amparo (protection des droits constitutionnels) contre 17 membres du syndicat, car ses membres avaient installé des tentes devant le MTESS et plusieurs syndicalistes s’étaient crucifiés, ce qui a causé un trouble à l’ordre public et perturbé les services publics. Il ressort des informations fournies par les organisations plaignantes que, le 10 novembre 2015, le tribunal de première instance a rejeté le recours en amparo, que la décision a été portée en appel par le MTESS et que, le 22 février 2016, la section des accords de la première chambre de la cour d’appel pénale a rejeté la requête déposée par le ministère.

    Syndicat des conducteurs et employés de l’entreprise de transport Julio Correa (compagnie d’autobus 2)

  1. 562. Les organisations plaignantes allèguent que, dans le cadre d’un processus d’appel d’offres pour la ligne 51, l’entreprise adjudicataire a refusé de reprendre, pour des raisons antisyndicales, les travailleurs de l’entreprise Julio Correa (la première entreprise concessionnaire), et dénoncent l’inaction du gouvernement à cet égard.
  2. 563. Les organisations plaignantes expliquent que les entreprises de transport opèrent dans le cadre de concessions de l’Etat, de sorte que le service de transport public est confié à des entreprises privées. Elles soulignent que la première entreprise concessionnaire possédait un syndicat constitué et actif, le Syndicat des conducteurs et employés de l’entreprise de transport Julio Correa. En octobre 2015, le vice-ministère des Transports a lancé un appel d’offres public pour assurer le transport public de voyageurs sur la ligne 51, auquel deux entreprises se sont portées candidates, mais l’une d’entre elles s’est retirée, laissant l’entreprise San Isidro (la nouvelle entreprise concessionnaire) comme seule soumissionnaire. Selon les organisations plaignantes, la concession de l’itinéraire faisait l’objet d’un appel d’offres prévoyant que l’entreprise adjudicataire reprendrait tous les conducteurs et travailleurs de la première entreprise concessionnaire. Cependant, le 8 janvier 2016, lors d’une réunion entre la direction du syndicat, l’ancienne entreprise concessionnaire et la nouvelle entreprise concessionnaire, le syndicat a pris connaissance d’un acte notarié dans lequel il était indiqué que les employés de la première entreprise concessionnaire «approuvaient» la reprise de 25 pour cent des travailleurs.
  3. 564. Il découle des annexes et des allégations envoyées par les organisations plaignantes les éléments suivants: i) le 20 janvier 2016, le vice-ministre du Travail a demandé, dans le cadre de la reprise des anciens travailleurs de la première entreprise concessionnaire, la désignation de représentants des anciens travailleurs pour participer au processus de remplacement de l’employeur; ii) le 26 janvier 2016, le syndicat a transmis une liste de représentants; iii) le 17 février 2016, lors d’une réunion avec le MTESS, le vice-ministre des Transports et les dirigeants de la nouvelle entreprise concessionnaire, le syndicat a obtenu l’accès à l’acte notarié donnant légitimité à la reprise de 25 pour cent des anciens travailleurs et a découvert qu’il s’agirait d’un faux; iv) en février 2016, le syndicat a envoyé deux requêtes en accélération de la procédure au MTESS et au vice-ministère des Transports leur demandant d’intégrer une commission chargée du réengagement des anciens travailleurs de l’entreprise de transport Julio Correa; v) le 18 février 2016, le syndicat a soumis une demande de médiation par le dossier no 286/16 auprès du bureau du défenseur du peuple; vi) le 3 mars 2016, le vice-ministre du Travail, M. Cesar Agusto Sagovia, a fait savoir au syndicat, en réponse à ses requêtes en accélération de la procédure, qu’aucun représentant du syndicat ou ancien travailleur n’avait pris part au processus de conformation de réembauche, ni ne s’était présenté, tout au long de la période de trente jours consacrée aux modalités du remplacement de l’employeur; vii) le 8 mars 2016, MM. Miguel Rojas, secrétaire général du syndicat, et Remigio Segovia, secrétaire chargé des litiges, ont déposé une plainte pénale pour production supposée d’un document non authentique; et viii) le 26 avril 2016, le syndicat a interjeté un recours en amparo contre l’entreprise en demandant la réembauche et la réintégration des 47 anciens travailleurs. Les organisations plaignantes soulignent que la nouvelle entreprise concessionnaire n’a toujours pas procédé à la réembauche des travailleurs de la première entreprise concessionnaire, ce qui, selon elles, constitue une violation de la liberté syndicale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement

    Compagnie d’autobus 1

  1. 565. Dans sa communication en date du 31 octobre 2017, le gouvernement fait parvenir les informations fournies par la Direction du travail, dans lesquelles elle nie les allégations des organisations plaignantes concernant le refus par le MTESS d’enregistrer et de reconnaître le syndicat. Le gouvernement indique que, par la décision no 44 du 19 novembre 2015, le MTESS a enregistré provisoirement le syndicat, conformément à la procédure prévue à l’article 300 du Code du travail. L’entreprise s’est opposée à cet enregistrement et, le 2 mai 2016, a été publiée la décision no 257 faisant droit aux objections à l’enregistrement provisoire du syndicat.
  2. 566. Le gouvernement indique que le syndicat a fait appel de la décision du MTESS et que l’affaire a été renvoyée à la justice pour un examen plus approfondi. Le 30 novembre 2016, le tribunal d’appel du travail a déclaré nulle et non avenue la procédure de déclaration écrite à l’appui de l’appel interjeté le 19 juillet 2016 et a également déclaré nul et non avenu le recours formé par le syndicat. Par la suite, le 11 août 2017, la Cour suprême de justice a rejeté l’action en inconstitutionnalité intentée par le syndicat contre la décision du tribunal d’appel du travail, considérant que le caractère arbitraire des décisions allégué n’avait pas été observé, qu’aucune violation concrète des normes constitutionnelles n’avait été démontrée, pas plus qu’aucune violation du droit à la défense ou du droit à une procédure régulière.
  3. 567. De même, le gouvernement communique la note no 294/17 du registre des employeurs et des travailleurs en date du 27 mars 2017, indiquant que l’entreprise était inscrite jusqu’en 2015. Le gouvernement nie sa prétendue inaction pour trouver une solution au conflit. Plus précisément, il indique que la Direction de la médiation pour les conflits collectifs, qui relève du MTESS, a convoqué deux réunions tripartites pour traiter de la situation des travailleurs de l’entreprise de transport.
  4. 568. Le gouvernement envoie également la réponse de l’entreprise indiquant que le syndicat n’avait été reconnu qu’à titre provisoire, et que l’entreprise s’y était opposée par la suite car, selon elle, le syndicat avait été constitué de manière irrégulière, en violation des règles du Code du travail, et ne comptait pas un nombre suffisant de membres.
  5. 569. En ce qui concerne les manifestations qui se sont déroulées devant les installations du MTESS et les crucifixions, le gouvernement indique que ce type de manifestation ne présente pas les caractéristiques des crucifixions des périodes grecques ou latines, que l’état de santé des manifestants a été surveillé en permanence par des médecins du ministère de la Santé publique et de la Protection sociale, et que les photos présentées par le gouvernement lorsque les manifestants sont allés témoigner devant le juge compétent les montrent en bonne santé physique.

    Compagnie d’autobus 2

  1. 570. Dans sa communication en date du 31 octobre 2017, le gouvernement fournit les informations communiquées par la Direction du travail, dans lesquelles il est indiqué que le dernier comité directeur enregistré du syndicat remonte au 4 mars 2014, et fait parvenir le rapport de la Direction du registre des employeurs, qui montre que la première entreprise concessionnaire a soumis des listes de travailleurs jusqu’en 2015.
  2. 571. Le gouvernement transmet la réponse de la nouvelle entreprise concessionnaire en se référant à la décision du tribunal concernant le recours en amparo interjeté par le syndicat. A cet égard, l’entreprise indique que, à la lecture du recours en amparo, il est possible de constater qu’il s’agit d’une affaire dans laquelle la nouvelle entreprise concessionnaire a remporté un appel d’offres, que les travailleurs de la première entreprise concessionnaire ont demandé la réembauche des travailleurs par l’entreprise adjudicataire et que, conformément à l’acte notarié no 30/10/2015, l’entreprise adjudicataire s’est engagée à reprendre 25 pour cent des conducteurs et employés au sein de ses effectifs. Il reste qu’aucun employé ne s’est présenté durant la période de trente jours consacrée aux modalités du remplacement de l’employeur en vue de l’inscription nécessaire au processus de reprise des anciens employés.
  3. 572. De même, le gouvernement joint une copie du recours en amparo interjeté par le syndicat, qui a été déclaré irrecevable le 16 août 2016 du fait que la question de la légitimité de l’acte notarié ne relevait pas d’un recours en amparo, qu’il existait une autre voie appropriée, qu’il n’y avait pas urgence en la matière et que les procédures administratives et judiciaires n’avaient pas été épuisées. Plus tard, le syndicat a interjeté appel devant le tribunal d’appel pour l’enfance et l’adolescence, appel qui a été déclaré nul et non avenu le 28 mars 2017.
  4. 573. En ce qui concerne la situation de la première entreprise concessionnaire, le gouvernement déclare que cette dernière a été fermée par le conseil de l’ancien secrétariat au Transport de la région métropolitaine d’Asunción et qu’elle a cessé d’opérer sur cette ligne depuis 2016, une fois les procédures d’appel d’offres achevées et la ligne attribuée à une autre entreprise.
  5. 574. En conclusion, dans les deux cas, le gouvernement considère qu’il n’y a pas eu de violation du droit à la liberté syndicale et que l’Etat paraguayen promeut le plein exercice de la liberté syndicale, puisque ce principe constitue un élément fondamental du système démocratique.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité

    Compagnie d’autobus 1

  1. 575. Le comité note que les organisations plaignantes dénoncent, d’une part, le licenciement massif de syndicalistes d’une entreprise de transport public à la suite de la création du syndicat et, d’autre part, le refus injustifié de l’enregistrement définitif par l’autorité administrative du travail.
  2. 576. Le comité note que, dans sa communication en date du 13 septembre 2016, les organisations plaignantes affirment que: i) les travailleurs de l’entreprise de transport ont été convoqués le 22 juin 2015 à une assemblée générale constitutive au cours de laquelle a été votée la constitution d’un syndicat; ii) le comité directeur du syndicat a informé l’entreprise le jour même de la constitution du syndicat, mais l’entreprise n’a pas accusé réception de cette communication avant le 27 juin 2015; iii) les travailleurs de l’entreprise de transport, tous membres du syndicat, ont été licenciés le 24 juin 2015; iv) en ce qui concerne l’enregistrement provisoire du syndicat, l’entreprise a demandé le 17 juillet 2015 que l’enregistrement soit refusé et, du 23 juillet au 20 octobre 2015, la Direction générale du service juridique du MTESS a refusé de traiter l’enregistrement du syndicat en raison de vices de forme (qui n’incluaient pas l’objection soulevée par l’entreprise concernant le nombre minimum de membres nécessaire à l’enregistrement) auxquels le syndicat aurait remédié ultérieurement; v) le MTESS a interjeté un recours en amparo contre des membres syndicaux, car des membres du syndicat avaient décidé de manifester et de s’installer en face de ses locaux; vi) le 19 novembre 2015, le MTESS a procédé à l’enregistrement provisoire du syndicat, sous réserve de la validation de toutes les mesures juridiques adoptées antérieurement, à laquelle le comité directeur du syndicat a procédé le 7 décembre 2015; vii) le 17 décembre 2015, l’entreprise a de nouveau demandé le rejet, cette fois-ci, de l’enregistrement définitif du syndicat; viii) enfin, le 4 mai 2016, le directeur général du travail a rejeté l’enregistrement définitif du syndicat et annulé son enregistrement, au motif que, sur les 51 membres fondateurs du syndicat, 42 avaient quitté l’entreprise du fait qu’ils avaient démissionné ou avaient été licenciés.
  3. 577. Le comité note que les organisations plaignantes formulent également plusieurs autres allégations de licenciement de dirigeants et de membres syndicaux pour des motifs antisyndicaux. A cet égard, le comité note que, selon les organisations plaignantes, 10 membres du comité directeur du syndicat ont été congédiés sans motif valable et que 25 autres travailleurs ont été licenciés pour abandon massif de postes de travail. Le comité prend également note des allégations formulées par les organisations plaignantes selon lesquelles le MTESS s’est comporté de manière partiale, en refusant d’enregistrer le syndicat et en émettant des objections à de simples vices de forme, ce qui a conduit à favoriser le propriétaire de l’entreprise, député au Parlement national.
  4. 578. Le comité prend note également de la réponse du gouvernement selon laquelle le MTESS n’a jamais refusé de reconnaître le syndicat. En ce qui concerne la décision du MTESS sur l’enregistrement définitif du syndicat, le gouvernement indique que le syndicat a fait appel de cette décision et que, le 30 novembre 2016, le tribunal d’appel du travail a déclaré nul et non avenu l’appel interjeté par le syndicat. Il prend également note de la réponse du gouvernement qui nie l’inaction présumée de la Direction de la médiation pour les conflits collectifs, le MTESS ayant convoqué des réunions tripartites en vue de trouver une solution au conflit. Enfin, le comité prend note des allégations de l’entreprise, transmises par le gouvernement, selon lesquelles le syndicat a été irrégulièrement constitué, avec des personnes extérieures à l’entreprise et un nombre insuffisant de membres.
  5. 579. En ce qui concerne le refus d’enregistrer le syndicat, le comité note que le 19 novembre 2015 le MTESS a accepté l’enregistrement provisoire du syndicat – sans tenir compte de l’allégation de l’entreprise selon laquelle il y avait un nombre insuffisant de membres, et donc sans insister sur cet aspect comme une exigence à satisfaire – et que cet enregistrement a toutefois été révoqué par la suite par la décision du 2 mai 2016 de la même autorité administrative pour non-respect de l’exigence relative au nombre minimum de 20 travailleurs prévue à l’article 294 du Code du travail. Dans ce cas, le comité considère que le nombre minimum de 20 membres ne semble pas être un chiffre exagéré. Le comité note également que, selon les éléments de preuve fournis par les organisations plaignantes, le syndicat a entretenu une correspondance continue avec les autorités compétentes et a remédié à tous les vices de forme portés à son attention. Le comité note que, dans la décision no 257, l’autorité administrative a rejeté l’enregistrement du syndicat, considérant que le critère pour déterminer le nombre de membres syndicaux au sein de l’entreprise n’est pas le nombre de membres au moment de l’assemblée constitutive, mais le nombre de membres restants dans le syndicat après les cessations de fonctions survenues pour différentes raisons. Le comité note à cet égard que plus de dix mois se sont écoulés entre la création du syndicat le 24 juin 2015 et la décision de l’autorité administrative sur l’enregistrement définitif du syndicat le 2 mai 2016. A cet égard, le comité rappelle qu’une longue procédure d’enregistrement constitue un obstacle sérieux à la création d’organisations et équivaut à un déni du droit des travailleurs de créer des organisations sans autorisation préalable. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 463.]
  6. 580. En ce qui concerne le licenciement de dirigeants, le comité note qu’une quarantaine de syndicalistes au total – dont au moins 11 membres du comité directeur – ont été licenciés deux jours après la tenue de l’assemblée constitutive. Le comité rappelle que, en particulier lors des premières étapes de la syndicalisation d’un lieu de travail, le licenciement de représentants syndicaux peut mettre en péril les premières tentatives d’exercice du droit d’organisation, car cela a non seulement pour conséquence de priver les travailleurs de leurs représentants, mais aussi d’avoir un effet intimidant sur les autres travailleurs qui auraient pu envisager d’assumer des fonctions syndicales ou simplement d’adhérer à un syndicat. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1131.] Tout en regrettant que ni les organisations plaignantes ni le gouvernement n’aient fourni d’informations détaillées sur les plaintes déposées par les travailleurs licenciés devant les juridictions du travail et sur l’issue de ces plaintes, le comité rappelle que, lorsqu’elles sont saisies de plaintes en discrimination antisyndicale, les instances compétentes doivent mener immédiatement une enquête et prendre les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences des actes de discrimination antisyndicale qui auront été constatés. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1159.]
  7. 581. N’étant pas en mesure d’exclure la possibilité que le retard dans la procédure ait pu avoir un impact négatif sur la possibilité de se conformer à l’exigence relative au nombre minimum de travailleurs (plusieurs démissions ayant eu lieu au cours de cette période à la suite des actes présumés de discrimination antisyndicale) et d’obtenir l’enregistrement du syndicat ainsi que la jouissance de l’immunité syndicale des membres du comité directeur, et notant que: i) lors de l’examen initial de la demande d’enregistrement, les autorités n’ont pas tenu compte de l’objection soulevée par l’entreprise concernant le nombre minimum de membres – en ne l’incluant pas dans la liste des points à traiter, mais en l’invoquant ultérieurement pour refuser l’enregistrement; ii) la réduction du nombre de membres du syndicat était due au licenciement d’un grand nombre de membres du syndicat quelques jours après la tenue de son assemblée constitutive; et iii) étant donné que le comité ne sait pas si la motivation antisyndicale présumée de ces licenciements a fait l’objet d’une enquête, il prie le gouvernement de l’informer de toute procédure administrative et judiciaire en cours et de lui en fournir copie. Enfin, compte tenu de la gravité des allégations d’actes de discrimination antisyndicale commis dans les jours qui ont suivi la création du syndicat, le comité rappelle que, en cas de licenciement de syndicalistes en raison de leur affiliation ou de leurs activités syndicales, le comité a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux dirigeants et aux membres du syndicat qui ont été licenciés en raison de leurs activités syndicales légitimes d’obtenir leur réintégration dans leur poste de travail et d’appliquer aux entreprises les sanctions légales pertinentes. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1167.] Le comité prie le gouvernement de mener une enquête sur ces allégations et de prendre les mesures nécessaires à cet égard. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé.
  8. 582. Enfin, le comité rappelle que, depuis de nombreuses années, la commission d’experts a noté la nécessité de renforcer les dispositions juridiques contre la discrimination antisyndicale, l’absence de sanctions adéquates en cas de non-respect des dispositions relatives à la stabilité dans l’emploi des syndicalistes et aux actes d’ingérence des organisations de travailleurs, et qu’il a invité le gouvernement, dans le cas no 3019, à consulter les partenaires sociaux sur les mécanismes propres à garantir une protection efficace contre les actes de discrimination antisyndicale, y compris des procédures rapides et impartiales, en prévoyant des recours et des sanctions suffisamment dissuasives. Le comité s’attend à ce que le gouvernement transmette sans délai ses observations à cet égard dans le cadre du suivi du cas no 3019.

    Compagnie d’autobus 2

  1. 583. Le comité note que, dans la présente plainte, les organisations plaignantes dénoncent le fait que, dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, l’entreprise adjudicataire a refusé de reprendre les travailleurs de l’ancienne entreprise concessionnaire pour des raisons antisyndicales et dénoncent l’inaction des autorités compétentes à cet égard.
  2. 584. Le comité prend note des allégations des organisations plaignantes selon lesquelles: i) en octobre 2015, lorsque le vice-ministère des Transports a lancé un appel d’offres public pour l’exploitation de la ligne 51, une des conditions de cet appel d’offres aurait été que la nouvelle entreprise concessionnaire s’engage à reprendre tous les travailleurs de la première entreprise concessionnaire; ii) au cours d’une réunion entre l’entreprise adjudicataire, le MTESS, le vice-ministère des Transports et le syndicat, ce dernier a été informé de l’existence d’un document qui aurait été accepté par les anciens travailleurs, et qui validerait la reprise de 25 pour cent des travailleurs, et a décidé de déposer une plainte pénale pour la production alléguée d’un document non authentique; iii) le 20 janvier 2016, le vice-ministre du Travail a demandé, dans le cadre de la reprise d’anciens travailleurs, la désignation de représentants des anciens travailleurs, pour participer à la procédure de remplacement de l’employeur, et le syndicat a transmis sa liste; iv) le syndicat a envoyé deux requêtes en accélération de la procédure au MTESS et au vice-ministre du Travail en demandant à faire partie de la commission chargée du réengagement des anciens travailleurs de la première entreprise concessionnaire; et v) le 3 mars 2016, le vice-ministre du Travail, en réponse aux requêtes susmentionnées, a informé le syndicat qu’aucun représentant syndical n’avait assisté officiellement au processus de reprise de la main-d’œuvre et qu’aucun travailleur ne s’était présenté pendant la période de trente jours prévue pour le remplacement de l’employeur.
  3. 585. Le comité prend également note des observations du gouvernement indiquant que: i) la nouvelle entreprise concessionnaire a remporté un appel d’offres public en vertu duquel les travailleurs de la première entreprise concessionnaire ont demandé la reprise des travailleurs par l’entreprise adjudicataire et que, conformément à l’acte notarié no 30/10/2015, l’entreprise adjudicataire s’est engagée à intégrer 25 pour cent des conducteurs et des employés dans ses effectifs; ii) aucun travailleur ni membre du syndicat ne s’est présenté pendant la période de remplacement de l’employeur de trente jours pour procéder à l’enregistrement nécessaire au processus de reprise des anciens employés; iii) le recours en amparo formé par le syndicat en lien avec la falsification supposée de signatures a été déclaré sans fondement par l’autorité compétente compte tenu de l’existence d’autres voies plus appropriées; et iv) la première entreprise concessionnaire a été fermée et a cessé d’exploiter la ligne depuis 2016, une fois les procédures d’appel d’offres achevées, et la ligne attribuée à une autre entreprise.
  4. 586. Le comité, tout en notant les divergences entre les allégations concernant la non-reprise des travailleurs par l’entreprise adjudicataire, rappelle que nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes, et il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1075.] Le comité considère également que la liquidation et l’extinction de la personnalité juridique sous laquelle opère une entreprise ne doivent pas être utilisées comme prétexte pour perpétrer des actes de discrimination antisyndicale ni ne doivent constituer un obstacle pour les autorités compétentes à l’heure de déterminer s’il y a eu ou non actes de discrimination antisyndicale et, au cas où de tels actes seraient avérés, ceux-ci doivent être sanctionnés, et les travailleurs qui en ont été victimes doivent obtenir réparation. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1115.]
  5. 587. Rappelant que, lorsqu’elles sont saisies de plaintes en discrimination antisyndicale, les instances compétentes doivent mener immédiatement une enquête et prendre les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences des actes de discrimination antisyndicale qui auront été constatés [voir Compilation, op. cit., paragr. 1159], afin de déterminer s’il y a eu ou non-discrimination antisyndicale dans les faits rapportés, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu’une enquête soit menée sans délai sur les allégations de non-reprise des travailleurs de la première entreprise concessionnaire pour des motifs antisyndicaux. Le comité invite également les organisations plaignantes, en vue de faciliter l’enquête, à fournir au gouvernement les informations sur le caractère antisyndical supposé des faits dénoncés. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 588. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne les allégations concernant le refus d’enregistrer le Syndicat des conducteurs et employés de l’entreprise «La Limpeña» et les licenciements antisyndicaux allégués, le comité prie le gouvernement de l’informer de toute procédure administrative et judiciaire en cours et d’en fournir copie. Enfin, compte tenu de la gravité des allégations d’actes de discrimination antisyndicale commis dans les jours qui ont suivi la création du syndicat, le comité prie le gouvernement de mener une enquête sur ces allégations conformément à ses conclusions ci-dessus et de prendre les mesures nécessaires et de le tenir informé à cet égard.
    • b) En ce qui concerne les allégations de discrimination antisyndicale concernant le Syndicat des conducteurs et employés de l’entreprise de transport Julio Correa, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu’une enquête soit menée sans délai sur les allégations de non-reprise des travailleurs de la première entreprise concessionnaire pour des motifs antisyndicaux. Le comité invite également les organisations plaignantes, en vue de faciliter l’enquête, à fournir au gouvernement les informations concernant le caractère antisyndical supposé des faits dénoncés et prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
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