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Rapport définitif - Rapport No. 388, Mars 2019

Cas no 3304 (République dominicaine) - Date de la plainte: 07-JUIN -17 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce des violations du droit de négociation collective ainsi que des pratiques antisyndicales exercées par un organe officiel relevant du ministère de la Santé, en réponse à des mouvements de protestation organisés par le Syndicat national du personnel infirmier (SINATRAE) et le Syndicat national des professionnels et employés de la santé (SINATESA)

  1. 311. La plainte figure dans une communication de la Confédération nationale d’unité syndicale (CNUS), du Syndicat national du personnel infirmier (SINATRAE) et du Syndicat national des professionnels et employés de la santé (SINATESA), en date du 7 juin 2017.
  2. 312. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 21 février 2018.
  3. 313. La République dominicaine a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 314. Dans leur communication en date du 7 juin 2017, les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement de la République dominicaine, via le Conseil national d’assistance aux personnes âgées (ci-après l’entité de la santé), un organe officiel relevant du ministère de la Santé, a commis une série de violations des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective.
  2. 315. Les organisations plaignantes signalent que le 12 août 2016, le SINATRAE, le SINATESA ainsi que d’autres syndicats du secteur de la santé de la République dominicaine ont signé, avec le ministère de la Santé, une convention qui garantissait aux infirmiers, bioanalystes, psychologues, odontologues et pharmaciens, une augmentation salariale à partir de janvier 2017, le calcul des pensions basé sur le dernier salaire complet ainsi que des primes au mérite et à l’ancienneté. Les organisations plaignantes affirment que, en dépit de cela, l’entité de la santé a refusé d’appliquer la convention, y compris les augmentations de salaires convenues, aux infirmiers, professionnels et employés qui exercent leur activité dans les foyers et les centres de soins aux personnes âgées dépendant de cette entité. Ce refus a déclenché une série de mouvements de protestation pacifiques qui, selon les allégations, ont eu pour conséquence les mesures de représailles suivantes: i) M. Julio Cesar García Cruceta et Mme Argentina Abreu, dirigeants des organisations plaignantes, se sont vu interdire l’accès aux locaux de l’entité de la santé et aux foyers et centres de soins aux personnes âgées; et ii) Mmes María Teresa Valladares Curro et Francia Ybelice Rodríguez Heredia, infirmières membres du SINATRAE, entre autres, se sont vu refuser de regagner leurs postes de travail et sont actuellement privées de leurs salaires depuis le mois d’avril 2017, alors qu’aucune procédure disciplinaire n’a été engagée à leur encontre.
  3. 316. Face au refus de l’entité de la santé de rencontrer les dirigeants du SINATRAE et du SINATESA, les organisations plaignantes indiquent que les tentatives de régler le conflit et rétablir les droits bafoués ont échoué. Les organisations plaignantes allèguent par conséquent que les pratiques de l’entité de la santé, exercées par sa directrice, ont violé les principes de la liberté syndicale ainsi que le droit à un procès équitable tel que prévu dans la Constitution de la République et la loi no 41-08 de la fonction publique, ainsi que dans les conventions nos 87 et 98 de l’OIT. Eu égard à ce qui précède, les organisations plaignantes demandent l’abandon des pratiques antisyndicales et tout particulièrement: i) la reconnaissance du SINATRAE et du SINATESA comme représentants légitimes, respectivement des infirmiers et des professionnels et employés qui exercent leur activité dans les foyers et les centres de soins aux personnes âgées dépendant de l’entité de la santé, ainsi que la possibilité que leurs dirigeants puissent accéder aux locaux de ladite institution; ii) l’application aux travailleurs de l’entité de la santé des termes de la convention signée en août 2016 par le SINATRAE et le SINATESA ainsi que d’autres syndicats, avec le ministère de la Santé, en particulier en ce qui concerne l’augmentation salariale convenue; et iii) la réintégration dans leurs fonctions habituelles de Mmes María Teresa Valladares Curro et Francia Ybelice Rodríguez Heredia, ainsi que le paiement de leurs salaires échus jusqu’à leur réintégration dans leurs postes de travail respectifs.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 317. Dans sa communication en date du 21 février 2018, le gouvernement fait savoir que le SINATRAE et le SINATESA sont dûment enregistrés et qu’à aucun moment il n’y a eu de plainte selon laquelle ils n’auraient pas pu représenter les infirmiers ou les professionnels et employés qui exercent leur activité dans les foyers et les centres de soins aux personnes âgées. En ce qui concerne les allégations de refus de l’entité de la santé de rencontrer les représentants du SINATRAE et du SINATESA, le gouvernement déclare que, le 20 avril 2016, M. Julio Cesar García Cruceta et Mme Argentina Abreu ont été reçus dans les locaux de l’entité de la santé. Selon la directrice exécutive de l’entité de la santé, le SINATRAE a exigé à cette occasion que les cotisations syndicales des infirmiers membres du syndicat lui soient transférées, ce qui, conformément à la loi no 41-08 de la fonction publique, n’était pas possible sans l’autorisation expresse des infirmiers. La directrice de l’entité de la santé allègue que, suite à ce refus de transfert automatique de la cotisation syndicale au SINATRAE, ce syndicat l’a accusée d’administration irrégulière de fonds.
  2. 318. En ce qui concerne les allégations de déni d’accès aux locaux de l’entité de la santé, ainsi qu’aux foyers et aux centres de soins aux personnes âgées, le gouvernement déclare que, le 8 juin 2016, comme à d’autres occasions, des membres du SINATRAE et du SINATESA, y compris M. Julio Cesar García Cruceta et Mme Argentina Abreu, étaient présents au Foyer des personnes âgées San Francisco de Asís, où ils appelaient à la grève et à des arrêts de travail, alors que la loi no 41-08 de la fonction publique interdit que les organisations de fonctionnaires organisent des grèves, y incitent ou les soutiennent dans les services publics dont l’interruption pourrait mettre en danger la vie, la santé ou la sécurité des citoyens. Le gouvernement indique que ceux qui exercent ce type d’activités ont le droit de soumettre le conflit de travail à la considération du comité du personnel de l’organe correspondant, procédure qui, cependant, n’a pas été épuisée par les organisations syndicales en question.
  3. 319. En ce qui concerne les allégations de refus d’appliquer l’augmentation de salaire, conclue avec le ministère de la Santé, aux infirmiers qui exercent leur activité dans les différents foyers et centres de soins de l’entité de la santé, le gouvernement fait savoir que, depuis l’émission du décret no 83-15, du 6 avril 2015, les infirmiers en question font partie de l’équipe de travail de l’entité de la santé, et non plus du ministère de la Santé, et se trouvent par conséquent exclus de l’application de la convention signée avec ce ministère. Le gouvernement indique cependant que des évaluations de comportement professionnel annuelles ont garanti une augmentation de salaire pour tout le personnel qui exerce au sein de l’entité de la santé.
  4. 320. Enfin, en ce qui concerne les allégations de refus de réintégrer, en outre, Mmes María Teresa Valladares Curro et Francia Ybelice Rodríguez Heredia à leurs postes de travail respectifs, le gouvernement fait savoir qu’elles ont été démises de leurs fonctions pour s’être rendues coupables de fautes de troisième degré prévues à l’article 84 de la loi no 41-08 de la fonction publique, respectivement: «3. Ne pas se rendre au travail pendant plus de trois (3) jours ouvrables consécutifs, ou trois (3) jours dans un même mois, sans autorisation de l’autorité compétente, ou sans motif justifié, commettant ainsi un abandon de fonction» et «20. Commettre quelque autre faute similaire aux fautes antérieures par sa nature ou sa gravité, à l’appréciation de l’autorité de sanction».

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 321. Le comité note que le présent cas porte, d’une part, sur le refus d’appliquer la «convention conclue entre le gouvernement national et les syndicats de travailleurs de la santé», signée le 12 août 2016, aux infirmiers, professionnels et employés du secteur de la santé qui exercent leur activité dans les foyers et les centres de soins aux personnes âgées administrés par l’entité de la santé et, d’autre part, des allégations de pratiques antisyndicales consécutives aux mouvements de protestation organisés par les organisations syndicales dans le but de faire appliquer ledit accord.
  2. 322. En ce qui concerne la non-application aux travailleurs de l’entité de la santé de la convention collective du 12 août 2016, le comité note que le gouvernement déclare que, suite au décret no 83-15, depuis le 6 avril 2015, les infirmiers qui exercent leur activité au sein de l’entité de la santé dépendent administrativement de ladite institution et non plus du ministère de la Santé, raison pour laquelle le comité observe que les parties sont en désaccord quant au champ d’application de la convention en question. A cet égard, le comité souligne tout d’abord qu’il ne lui appartient pas de trancher en cas de conflit d’interprétation concernant la portée des clauses contenues dans les conventions collectives, cette tâche incombant aux organes judiciaires nationaux ou aux instances spécifiques désignées à cette fin par la convention collective elle-même. A cet égard, le comité rappelle que, en cas de conflits d’interprétation d’une convention collective dans le secteur public, l’interprétation qui l’emporte ne devrait pas être donnée par l’autorité publique, qui serait juge et partie, mais par une autorité indépendante des parties. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1476.]
  3. 323. Eu égard à ce qui précède et observant que les parties ne font référence ni à une éventuelle action en justice sur l’interprétation de la convention collective de 2016 ni à une procédure de dialogue visant à déterminer les modalités d’exercice du droit de négociation collective des travailleurs de l’entité de la santé, le comité espère que le conflit concernant le champ d’application de la convention collective de 2016 sera réglé dans les meilleurs délais soit par le dialogue entre les parties, soit par la décision d’un organe indépendant des parties. Le comité rappelle en outre que, quelle que soit la décision prise quant au champ d’application de la convention collective du 12 août 2016 en ce qui concerne les travailleurs de l’entité de la santé, le gouvernement doit garantir que les travailleurs de l’entité pourront exercer leur droit de négociation collective.
  4. 324. En ce qui concerne les allégations d’actes antisyndicaux qui auraient été commis en réponse aux mouvements de protestation organisés par le SINATRAE et le SINATESA dans le but d’obtenir l’application de la convention, le comité note que les organisations plaignantes allèguent que les mouvements de protestation, bien que pacifiques, ont donné lieu aux mesures de représailles suivantes: i) la non-reconnaissance par l’entité de la santé du SINATRAE et du SINATESA comme représentants légitimes des travailleurs de ladite entité et le déni d’accès à ses locaux aux dirigeants des syndicats en question; et ii) l’exclusion de leurs postes de travail de Mmes María Teresa Valladares Curro et Francia Ybelice Rodríguez Heredia, infirmières membres du SINATRAE, qui sont privées de leurs salaires depuis le mois d’avril 2017, alors qu’aucune procédure disciplinaire n’a été engagée à leur encontre.
  5. 325. Le comité note que, pour sa part, le gouvernement affirme qu’à aucun moment il n’y a eu de plainte selon laquelle des dirigeants du SINATRAE ou du SINATESA auraient été empêchés de représenter les infirmiers ou les professionnels et employés qui exercent leur activité dans les foyers et les centres de soins aux personnes âgées et qu’à plusieurs reprises les plus hauts responsables des deux syndicats ont accédé aux locaux de l’entité, allant même jusqu’à organiser des grèves et des arrêts de travail en dépit du fait que la loi interdit d’organiser, de déclencher ou de soutenir des grèves dans les services publics dont l’interruption pourrait mettre en péril la vie, la santé ou la sécurité des citoyens. Le comité note que le gouvernement ajoute que les travailleurs qui exercent ce genre d’activités ont le droit de soumettre le conflit de travail à la considération du comité du personnel de l’organe correspondant, procédure qui, cependant, n’a pas été utilisée par les organisations syndicales en question. Enfin, le comité prend note des documents fournis par le gouvernement, documents qui rapportent que les infirmières Mmes María Teresa Valladares Curro et Francia Ybelice Rodríguez Heredia ont été démises de leurs fonctions pour fautes de troisième degré, conformément à l’article 84 de la loi no 41-08 de la fonction publique. Selon les copies des communications envoyées par le gouvernement, l’infirmière María Teresa Valladares Curro a violé l’alinéa 3 du dispositif légal: «Ne pas se rendre au travail pendant trois (3) jours ouvrables consécutifs, ou trois jours dans le même mois, sans autorisation de l’autorité compétente, ou sans motif justifié, commettant ainsi un abandon de fonction». Mme Francia Ybelice Rodríguez Heredia, pour sa part, a violé l’alinéa 20 de l’article 84 en question: «Commettre quelque autre faute similaire aux fautes antérieures par sa nature ou sa gravité, à l’appréciation de l’autorité de sanction».
  6. 326. Quant à l’allégation selon laquelle le SINATRAE et le SINATESA n’auraient pas été reconnus comme représentants légitimes des travailleurs de l’entité de la santé et au déni d’accès de leurs dirigeants à ses locaux, le comité observe que le gouvernement nie ces affirmations. Face à la divergence entre la version du gouvernement et celle des organisations plaignantes, le comité veut croire que, au sein de l’entité de santé, le droit des organisations syndicales mentionnées d’avoir accès au lieu de travail de leurs membres sera pleinement respecté.
  7. 327. En ce qui concerne la situation des infirmières Mmes María Teresa Valladares Curro et Francia Ybelice Rodríguez Heredia, tout en prenant bonne note des documents fournis par le gouvernement sur l’exclusion de ces deux travailleuses, le comité observe que le gouvernement n’offre pas de réponse à l’allégation selon laquelle elles n’auraient pas fait l’objet d’une procédure disciplinaire telle que prévue par la loi no 41-08 de la fonction publique et que la faute qui aurait entraîné l’exclusion de Mme Francia Ybelice Rodríguez Heredia n’est pas spécifiée. En vue de s’assurer que les mécanismes qui permettent d’offrir une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale ont bien été appliqués, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures qui s’imposent pour vérifier que les procédures disciplinaires prévues par la législation ont dûment été appliquées aux deux travailleuses et garantir que les motifs de licenciement ne sont pas contraires aux principes de la liberté syndicale.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 328. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité espère que le conflit relatif au champ d’application de la convention collective de 2016 sera réglé dans les meilleurs délais soit par le dialogue entre les parties, soit par la décision d’un organe indépendant des parties. Le comité prie en outre le gouvernement de garantir que, quelle que soit la décision prise au sujet du conflit d’interprétation en question, les travailleurs de l’entité de la santé pourront exercer leur droit de négociation collective.
    • b) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures qui s’imposent pour garantir que les procédures disciplinaires prévues par la législation ont été dûment appliquées aux cas de Mmes María Teresa Valladares Curro et Francia Ybelice Rodríguez Heredia et pour s’assurer du fait que les motifs de licenciement ne sont pas contraires aux principes de la liberté syndicale.
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