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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 388, Mars 2019

Cas no 3305 (Indonésie) - Date de la plainte: 27-FÉVR.-18 - Clos

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Allégations: Pratiques antisyndicales de la part de la direction d’une chaîne de restaurants, en particulier transferts unilatéraux de membres et de représentants syndicaux, actes d’intimidation, licenciements massifs de travailleurs à la suite d’une manifestation de protestation pacifique et refus d’appliquer les recommandations du Département du travail tendant à faire réintégrer les syndicalistes licenciés, de même que manquement du gouvernement à son obligation de faire respecter les droits syndicaux

  1. 396. La plainte figure dans une communication en date du 27 février 2018 de l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA).
  2. 397. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date des 24 septembre 2018 et 31 janvier 2019.
  3. 398. L’Indonésie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 399. Par sa communication du 27 février 2018, l’UITA porte plainte contre le gouvernement de l’Indonésie pour des pratiques antisyndicales présumées de la part de la direction de l’entreprise PT Champ Resto Indonesia (ci-après «l’entreprise»), une chaîne de restaurants comptant plus de 100 points de vente.
  2. 400. L’organisation plaignante explique que les travailleurs de l’entreprise ont créé un syndicat qui a été officiellement enregistré sous le nom de Serikat Pekerja Mandiri Champ Resto Indonesia (SPM CRI) par le Bureau du travail de Tangerang le 24 mars 2014. Le syndicat est membre de la Fédération des syndicats libres de l’hôtellerie-restauration, des centres commerciaux et du tourisme (FSPM), affiliée à l’UITA. Selon l’organisation plaignante, la direction a réagi à la création du syndicat par des pratiques antisyndicales, courantes en Indonésie, en raison d’un environnement juridique laxiste. Le 8 mai 2014, le secrétaire général, le président, le trésorier et un membre du comité ont été transférés unilatéralement dans de nouveaux locaux, loin de leur résidence et des membres du syndicat. Trois jours plus tard, la direction avait fait circuler une lettre contenant les noms des membres du syndicat qui, selon elle, avaient démissionné du syndicat. L’organisation plaignante estime que cette mesure visait à intimider les travailleurs. Malgré ces difficultés, une convention collective a néanmoins été signée le 24 décembre 2014 dans laquelle l’entreprise s’engage à respecter le syndicat et le droit des travailleurs à y adhérer. L’UITA allègue que cet accord a été violé de façon constante et flagrante par l’entreprise.
  3. 401. En janvier 2015, une travailleuse dans l’un des points de vente de l’entreprise a demandé des informations sur le congé de maternité. En février, la direction lui a répondu en lui demandant de démissionner car la politique de l’entreprise en matière de congés de maternité payés ne s’applique pas aux employés des restaurants, et reste limitée aux employés des services administratifs. Lorsque le syndicat s’est saisi de son cas, il a reçu la même réponse. Après huit mois de grossesse, la travailleuse a présenté une demande de congé à partir du 6 mars 2015 conformément à la législation en vigueur, qui lui donne droit à quarante-cinq jours de congé de maternité payé avant la date prévue de l’accouchement. La direction a ignoré sa demande et celle du syndicat et a traité son absence comme une démission volontaire. Le 9 mars 2015, la FSPM a organisé un rassemblement au siège de l’entreprise à Jakarta pour défendre le droit de la travailleuse de retourner au travail après avoir accouché. L’action syndicale a permis son retour au travail en juin 2015, mais l’entreprise a repris ses pressions sur le syndicat et ses membres.
  4. 402. En mai 2015, 14 membres du syndicat ont été transférés de leur emploi à Bandung vers des points de vente de l’entreprise situés dans trois autres villes. Les travailleurs ont été informés de leurs transferts, qui étaient apparemment une mesure prise pour répondre à la fermeture d’un point de vente à Bandung, par courrier électronique, au lieu de recevoir des lettres de transfert. Selon l’organisation plaignante, dix autres points de vente sont quand même restés en activité dans la ville. En août 2015, un responsable syndical a été informé par courrier électronique qu’il était transféré dans un nouveau point de vente, de Bandung à Jakarta.
  5. 403. Le 11 novembre 2015, la FSPM a déposé une plainte auprès du ministère de la Main d’œuvre détaillant les violations de la législation indonésienne, notamment des pratiques antisyndicales visant à intimider les membres et à empêcher le fonctionnement du syndicat (transferts de membres et de dirigeants syndicaux), une discrimination contre les travailleuses (inexistence d’un congé de maternité et d’une protection applicable à tous les employés), une compensation inadéquate des heures supplémentaires et la non-inscription de la totalité du personnel au régime public d’assurance-maladie obligatoire pour les employés et leurs familles (le BPJS). La mesure dans laquelle l’entreprise a omis d’inscrire les employés et leurs familles au BPJS est apparue au grand jour en novembre 2015 lorsque le nouveau-né d’un autre travailleur, M. Kemal, a perdu la vie après que l’hôpital a refusé un traitement essentiel au-dessus des moyens de la famille. Les membres du syndicat ont organisé une manifestation publique à Bandung le 2 décembre 2015, en exigeant que l’entreprise inscrive tous les travailleurs pour qu’ils puissent bénéficier d’une couverture familiale. Seuls des travailleurs non en service ont participé à cette manifestation. Entre le 15 décembre 2015 et le 12 janvier 2016, 83 travailleurs ont été licenciés pour le simple fait d’avoir protesté contre les conséquences tragiques du non-respect par l’entreprise de ses obligations légales. Parmi ces personnes se trouvaient le président du syndicat, le secrétaire général, le trésorier et des membres du comité.
  6. 404. Le 12 janvier 2016, la FSPM a envoyé une lettre au directeur du BPJS concernant la non inscription par l’entreprise de tous les travailleurs et de leurs familles. Il n’a reçu aucune réponse. La FSPM a envoyé une lettre de rappel le 17 février 2016, à laquelle il n’y a pas eu de réponse. Le 22 janvier 2016, la FSPM a déposé une deuxième plainte auprès du ministère de la Main d’œuvre, l’informant des licenciements massifs antisyndicaux et du harcèlement continu des membres et des dirigeants syndicaux par des transferts punitifs. Le ministère n’a pas répondu. Le 28 janvier 2016, la FSPM a adressé une demande officielle au ministère de la Main-d’œuvre lui demandant de faire office de médiateur dans le différend entre le syndicat et l’entreprise portant sur le licenciement de 83 membres et dirigeants syndicaux à la suite d’une manifestation de protestation contre le décès de l’enfant et la non-inscription par l’entreprise des employés au BPJS. En avril 2016, le ministère de la Main d’œuvre a finalement répondu à la demande de médiation en autorisant le Département du travail à jouer le rôle de médiateur dans le différend relatif aux licenciements dans trois provinces: Jakarta, Java-Ouest et Banten. Le 22 août, le Département du travail de Jakarta a recommandé à l’entreprise de réintégrer cinq travailleurs licenciés avec versement de leurs arriérés de salaires. Le 9 septembre 2016, le Département du travail de Java-Ouest a recommandé que l’entreprise réintègre 32 travailleurs licenciés, avec versement de leurs arriérés de salaires. Enfin, le 26 septembre 2016, le Département du travail de Banten a recommandé à l’entreprise de réintégrer dix travailleurs licenciés avec versement de leurs arriérés de salaires. Devant le refus de l’entreprise de mettre en œuvre ces recommandations, la FSPM a porté plainte contre l’entreprise devant les tribunaux des relations professionnelles de Jakarta (le 28 novembre 2016), Serang (Banten) (le 21 décembre 2016) et Bandung (Java-Ouest) (le 5 janvier 2017).
  7. 405. Le 30 mars 2017, le Tribunal des relations professionnelles de Jakarta a confirmé la légalité des cinq licenciements. Il a d’abord déclaré les licenciements nuls et non avenus, mais les a ensuite justifiés en considérant que les travailleurs licenciés avaient enfreint les règles de l’entreprise, qui prévoient le licenciement immédiat sans lettre de préavis de tout employé qui «avec succès ou non, tente de persuader ses collègues ou des tiers d’agir d’une manière susceptible de provoquer un trouble ou de perturber l’atmosphère au travail». Dans sa sentence, le Tribunal des relations professionnelles de Jakarta a décidé que les règles de l’entreprise l’emportent sur les engagements pris par le gouvernement en vertu de la convention no 87, ce qui amène l’organisation plaignante à dire qu’elles peuvent être interprétées arbitrairement par l’employeur. Le 26 avril 2017, la FSPM a fait appel de cette décision devant la Cour suprême. Le 31 octobre 2017, la Cour suprême a rejeté l’appel du syndicat et confirmé la légalité du licenciement de cinq membres du syndicat. Confrontés à la longueur oppressante et au caractère arbitraire de la procédure judiciaire qui a pour effet de décourager les travailleurs de tenter d’exercer leurs droits, les cinq travailleurs ont accepté leur indemnité de départ.
  8. 406. Le 3 mai 2017, le Tribunal des relations professionnelles de Serang (Banten) a décidé que les dix licenciements portés devant le Département du travail étaient en fait illégaux et que les travailleurs devaient être pleinement réintégrés. Le 18 mai 2017, l’entreprise a fait appel de cette décision devant la Cour suprême (au moment de la présentation de la plainte, il n’y avait toujours pas de décision dans cette affaire).
  9. 407. Le 8 mai 2017, le Tribunal des relations professionnelles de Bandung a confirmé la légalité des licenciements et le droit des travailleurs à une indemnité de départ uniquement. Le tribunal, après avoir d’abord déclaré que les ruptures de la relation de travail étaient non valables, nulles et non avenues, a confirmé la légalité des licenciements au motif que la participation des travailleurs à la manifestation pacifique du 2 décembre 2015 et aux actions de protestation qui ont suivi n’était pas conforme à la loi no 2 (2004) sur le règlement des différends relatifs aux relations professionnelles. Cette loi prévoit que les conflits du travail doivent être réglés par des réunions bipartites entre les parties, par une médiation sous les auspices du Département du travail ou du Tribunal des relations professionnelles. Le tribunal a conclu sur cette base que la relation de travail entre les deux (parties) n’apporterait probablement pas d’avantages et qu’il conviendrait d’y mettre un terme dans le respect des formes. L’organisation plaignante estime donc que, dans sa décision sanctionnant le licenciement de 32 travailleurs pour leur participation à des manifestations de protestation pacifiques, le Tribunal des relations professionnelles a effectivement déclaré que le droit des travailleurs de protester, qui fait partie du droit à la liberté syndicale, n’est pas protégé par le droit indonésien et constitue un motif de licenciement. La FSPM a fait appel de cette décision devant la Cour suprême le 5 juin. Cet appel est actuellement en instance.
  10. 408. L’UITA allègue que, pendant que ces affaires suivaient leur cours dans un système juridique clairement dysfonctionnel, l’entreprise a poursuivi ses agressions antisyndicales. Le 29 avril 2017, 11 autres dirigeants et membres syndicaux ont été transférés unilatéralement dans des points de vente situés dans des villes éloignées de leur lieu de résidence et des autres membres du syndicat.
  11. 409. L’organisation plaignante estime que les événements susmentionnés témoignent du manquement persistant du gouvernement à assurer le respect de ses obligations internationales au titre des conventions nos 87 et 98. Elles illustrent aussi l’indivisibilité des droits énoncés dans les conventions de l’OIT, en démontrant que le droit à la non discrimination et le droit à une protection sociale adéquate sont intrinsèquement liés au droit à la liberté syndicale. Des travailleurs se voient refuser leur droit à l’assurance-maladie légale avec des conséquences tragiques et font l’objet de représailles pour avoir porté ces pratiques illégales et cette négligence criminelle à l’attention de l’entreprise et du public. L’incohérence des mesures prises par les différents organes juridiques chargés de veiller au respect des droits des travailleurs encourage l’employeur à continuer de violer les droits des travailleurs. Les recommandations du Département du travail peuvent être ignorées par l’employeur même lorsqu’elles défendent les droits fondamentaux. Le système des tribunaux des relations professionnelles aboutit à des jugements très différents même lorsqu’il est question d’examiner les mêmes événements et les mêmes questions juridiques.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 410. Dans ses communications en date des 24 septembre 2018 et 31 janvier 2019, le gouvernement fournit ses observations sur les allégations présentées par l’UITA.
  2. 411. D’emblée, le gouvernement indique qu’il est déterminé à garantir la liberté syndicale dans la loi qui, en Indonésie, renvoie aux conventions no 87 et 98, et qu’à cet égard il s’est efforcé d’appliquer la loi par un système d’éducation préventive et de règlement des différends.
  3. 412. En ce qui concerne l’allégation relative à des actes d’intimidation de travailleurs, le gouvernement indique que la direction a déclaré qu’elle n’avait jamais publié de lettre contenant les noms des membres du syndicat qui ont démissionné. Par ailleurs, une convention collective a été conclue le 24 décembre 2014 entre la direction et la FSPM, qui contient une clause garantissant l’existence d’un syndicat au sein de l’entreprise.
  4. 413. Le gouvernement indique que l’entreprise réfute l’allégation de licenciement d’une travailleuse ayant demandé un congé maternité. A cet égard, il indique que l’entreprise garantit ce droit conformément à l’article 82(1) de la loi no 13 de 2013 sur la main-d’œuvre. La travailleuse qui a demandé un congé maternité a bénéficié d’un congé pour la période allant du 7 mars au 5 juin 2015, au cours de laquelle elle a reçu son salaire. La travailleuse en question est retournée travailler au même lieu et au même poste qu’avant son congé maternité. Le gouvernement fournit les documents pertinents.
  5. 414. En ce qui concerne l’absence du régime d’assurance-maladie rattaché au BPJS, le gouvernement indique que l’affiliation au régime national d’assurance-maladie est obligatoire et s’effectue graduellement (en deux étapes) jusqu’à ce que tous les résidents de l’Indonésie en fassent partie. La première étape a débuté le 1er janvier 2014 et la seconde devait s’achever le 1er janvier 2019. Au cours de la première étape, les membres des forces armées nationales indonésiennes, les fonctionnaires du ministère de la Défense et les membres de leurs familles, les membres de la police nationale indonésienne et les fonctionnaires de la police nationale indonésienne et les membres de leurs familles sont devenus des bénéficiaires de l’assurance-maladie à prime. En outre, les employeurs des entreprises d’Etat, des grandes entreprises, des moyennes et des petites entreprises devraient avoir assuré leurs salariés au plus tard le 1er janvier 2015, suivis des employeurs des microentreprises (au plus tard le 1er janvier 2016). Enfin, les bénéficiaires non-salariés et les non-travailleurs devraient être assurés au plus tard le 1er janvier 2019.
  6. 415. Auparavant, l’assurance-maladie des travailleurs de l’entreprise en question était organisée d’une manière indépendante par la direction par le biais d’un partenariat avec certains hôpitaux. Cette mise en œuvre indépendante avait été approuvée par le gouvernement par la publication d’une recommandation de l’Agence de la main d’œuvre et de la migration de la régence de Bandung-Ouest, Java-Ouest. En 2015, l’entreprise a commencé à inscrire ses travailleurs au régime de sécurité sociale, y compris M. Kemal et les membres de sa famille. Le gouvernement explique que l’enfant de deux mois de M. Kemal a dû être hospitalisé pour une leucémie. L’entreprise a adressé l’enfant à un hôpital avec lequel elle avait conclu un partenariat. Malgré le traitement administré, l’enfant est décédé. Le gouvernement soumet les documents pertinents concernant le traitement reçu à l’hôpital Santo Yusuf. Le gouvernement ajoute que, le 18 décembre 2015, le superviseur de la main-d’œuvre de la ville de Bandung a demandé à l’entreprise d’inscrire tous les travailleurs au BPJS.
  7. 416. En ce qui concerne le licenciement présumé des travailleurs qui ont organisé la manifestation de protestation, le gouvernement indique que les 89 travailleurs licenciés ont violé l’article 51(21) des dispositions réglementaires de l’entreprise concernant les «tentatives, avec succès ou non, de persuader des collègues ou des tiers d’agir d’une manière susceptible de provoquer une agitation au travail». Le gouvernement explique que le processus de règlement du différend concernant ces 89 travailleurs licenciés comprend des négociations bipartites, une médiation et le recours au Tribunal des relations professionnelles et à la Cour suprême. Lorsqu’ils se prononcent sur une même affaire, il est possible que les juges rendent des décisions différentes, car tout dépend de la perspective et de l’interprétation de ces derniers. Le Tribunal des relations professionnelles et la Cour suprême sont des institutions judiciaires indépendantes dont les procédures échappent à la compétence du gouvernement.
  8. 417. Le gouvernement fait référence au processus de règlement des différends dans chacune des régions comme suit:
    • ■ Province de Java occidental:
      • – Le licenciement de 42 travailleurs a été réglé par un accord.
      • – Le licenciement de 32 travailleurs avait été initialement réglé par la médiation de l’Agence de la main-d’œuvre et des migrations de la province de Java-Ouest qui, le 9 septembre 2016, a recommandé que l’entreprise les réintègre et s’acquitte du versement lié au non-respect des droits des travailleurs L’entreprise a rejeté la recommandation et a intenté une action en justice devant le Tribunal des relations professionnelles de Bandung (31 travailleurs). Un travailleur est parvenu à un accord avec l’entreprise. Dans sa décision en date du 8 mai 2017, le Tribunal des relations professionnelles a approuvé le licenciement des travailleurs moyennant une indemnité de départ unique, conformément à l’article 156(2), d’une prime d’ancienneté, conformément à l’article 156(3), et d’une indemnité pour les droits, conformément à l’article 156(4) de la loi no 13 de 2003 sur la main-d’œuvre. Le syndicat a fait appel de cette décision devant la Cour suprême, qui l’a rejetée le 19 octobre 2017. De ce fait, le versement d’une indemnité (une indemnité de départ, un montant accordé en reconnaissance des services accomplis pendant la durée de l’emploi et une indemnité compensatrice pour les droits ou avantages) à 25 salariés a été achevé les 25 octobre et 1er novembre 2018. Six autres travailleurs envisagent de demander une révision judiciaire de la décision de la Cour suprême. La direction de l’entreprise a néanmoins indiqué qu’elle paierait toutes les indemnités de départ conformément à la décision de la cour.
    • ■ Province de Jakarta:
      • – Le licenciement de cinq travailleurs a été examiné dans le cadre de la médiation de l’Agence de la main-d’œuvre et des migrations de la province de Jakarta, qui a recommandé, le 22 août 2016, leur réintégration. L’entreprise a rejeté la recommandation et a intenté une action en justice devant le Tribunal des relations professionnelles. Ce dernier a ordonné la cessation de la relation d’emploi assortie du versement d’une indemnité de départ, d’une indemnité pour les années de service, d’une indemnité compensatoire pour les droits, d’une indemnité de cessation d’emploi et d’une indemnité pour les jours fériés religieux pour 2016. Les cinq travailleurs en question ont interjeté appel devant la Cour suprême. Cette dernière les a déboutés le 6 octobre 2017. Le 11 janvier 2018, les deux parties sont convenues d’une cessation de la relation de travail conformément à la décision de la Cour suprême et ont signé un accord à cet effet (accord joint à la réponse du gouvernement). Le même jour, les travailleurs ont reçu une indemnité (indemnité de départ et indemnité compensatoire).
    • ■ Province de Banten:
      • – Le licenciement de dix travailleurs a été examiné dans le cadre de la médiation de l’Agence de la main-d’œuvre et des migrations de la province de Banten, qui a recommandé, le 26 septembre 2016, la réintégration des travailleurs. L’entreprise a rejeté la recommandation et a intenté une action en justice devant le Tribunal des relations professionnelles. Dans sa décision en date du 3 mai 2017, le Tribunal des relations professionnelles a ordonné la réintégration des travailleurs et infligé une amende à l’entreprise. Cette dernière a interjeté appel devant la Cour suprême. Le 20 novembre 2017, la Cour suprême a annulé la décision du Tribunal des relations professionnelles du 3 mai 2017. Les travailleurs ont demandé un recours en révision judiciaire.
  9. 418. En ce qui concerne le transfert présumé de dirigeants et de membres syndicaux, le gouvernement rappelle que, en vertu de l’article 12 des dispositions réglementaires de l’entreprise du 27 octobre 2014, l’entreprise peut transférer un employé si sa décision répond aux besoins de l’entreprise. Selon le gouvernement, tous les employés, qu’ils soient syndiqués ou non, sont traités sur un pied d’égalité lorsque des transferts sont jugés nécessaires. Le gouvernement souligne que le transfert des employés du point de vente de Piset Square, Bandung, est dû à la fermeture de ce dernier.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 419. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue des pratiques antisyndicales de la part de la direction d’une chaîne de restaurants, en particulier des transferts unilatéraux de membres et de représentants syndicaux, des actes d’intimidation, des licenciements massifs de travailleurs suite à une manifestation pacifique et le refus d’appliquer les recommandations du Département du travail tendant à faire réintégrer les syndicalistes licenciés, de même que le manquement du gouvernement à son obligation de faire respecter les droits syndicaux.
  2. 420. Le comité note que la question du manquement du gouvernement à son obligation de fournir des prestations d’assurance-maladie et une protection de la maternité à ses travailleurs ne relève pas de sa compétence et ne fera donc pas l’objet de son examen.
  3. 421. En ce qui concerne le licenciement de 89 travailleurs (83 selon l’organisation plaignante), le comité note que le gouvernement et l’entreprise ne réfutent pas que les licenciements sont la conséquence de la participation des travailleurs à des actions de protestation ou à des manifestations pacifiques. Le comité note en outre que leur caractère pacifique n’est pas réfuté. Tout en notant que tous les travailleurs, à l’exception de 16 d’entre eux, ont déjà signé des accords de règlement du conflit avec l’entreprise et ont reçu un ensemble de prestations convenues, le comité tient néanmoins à faire les observations suivantes.
  4. 422. Le comité rappelle que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 208.] Il considère en outre que le respect des principes de la liberté syndicale exige que l’on ne puisse ni licencier des travailleurs ni refuser de les réengager, en raison de leur participation à une action de protestation. Le comité rappelle que la responsabilité d’appliquer les principes de la liberté syndicale incombe en dernier ressort au gouvernement. Il rappelle en outre qu’il appartient au gouvernement de veiller à l’application des conventions internationales sur la liberté syndicale librement ratifiées, dont le respect s’impose à toutes les autorités de l’Etat, y compris les autorités judiciaires. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 46 et 49.] Le comité note que, dans le présent cas, les dispositions réglementaires de l’entreprise, telles qu’interprétées par les tribunaux, semblent interdire toute action revendicative au sein de l’entreprise en violation du droit des travailleurs de protester et de manifester pacifiquement. Il semblerait en outre que, dans la pratique, ces dispositions réglementaires l’emportent sur le droit national et les obligations internationales. Rappelant que le gouvernement a déjà indiqué que la liberté syndicale, le droit d’organisation et la liberté d’exprimer des opinions en public, notamment lors de manifestations et de protestations, sont garantis en Indonésie par divers textes législatifs, y compris la Constitution, la loi no 9 de 1998 sur la liberté d’expression dans les lieux publics, la loi no 21 de 2000 sur les syndicats et la loi no 13 sur la main-d’œuvre [voir 380erapport, cas no 3176, paragr. 602], le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris législatives s’il y a lieu, en consultation avec les partenaires sociaux, afin d’assurer la pleine protection des droits fondamentaux des travailleurs à la liberté syndicale et l’invalidation de toute disposition réglementaire d’une entreprise qui pourrait prévoir le contraire. Il prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cette fin.
  5. 423. Notant que 16 travailleurs, selon le gouvernement, sont en train de demander une révision judiciaire de la décision de la Cour suprême, le comité prie le gouvernement de porter les conclusions de ce cas à l’attention des autorités judiciaires compétentes et de fournir des informations sur les résultats de cette révision.
  6. 424. En ce qui concerne les cas présumés de transfert de syndicalistes vers d’autres villes, le comité note que le gouvernement a indiqué que les transferts étaient conformes aux dispositions réglementaires de l’entreprise et qu’ils sont dus à la fermeture d’un point de vente à Bandung. Le comité note que l’organisation plaignante indique qu’il restait dix autres points de vente à Bandung. A cet égard, le comité, tout en considérant que les transferts de travailleurs pour des raisons dépourvues de lien avec leur affiliation ou leurs activités syndicales ne sont pas couverts par l’article 1 de la convention no 98 [voir Compilation, op. cit., paragr. 1103], rappelle que les travailleurs devraient bénéficier d’une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale dans l’emploi, tels que le licenciement, la rétrogradation, le transfert ou toutes autres mesures préjudiciables. Le comité prie le gouvernement d’engager des discussions avec les partenaires sociaux concernés en vue de parvenir à un accord sur une politique visant à reconnaître les besoins de l’entreprise tout en garantissant que les transferts ne portent pas atteinte au droit des travailleurs à la liberté syndicale.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 425. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris législatives, s’il y a lieu, en consultation avec les partenaires sociaux, afin d’assurer la pleine protection des droits fondamentaux des travailleurs en matière de liberté syndicale et l’invalidation de toute disposition réglementaire d’une entreprise privée qui pourrait prévoir le contraire. Il prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cette fin.
    • b) Notant que 16 travailleurs, selon le gouvernement, sont en train de demander une révision judiciaire de la décision de la Cour suprême, le comité prie le gouvernement de porter les conclusions de ce cas à l’attention des autorités judiciaires compétentes et de fournir des informations sur les résultats de cette révision.
    • c) Le comité prie le gouvernement d’engager des discussions avec les partenaires sociaux concernés en vue de parvenir à un accord sur une politique visant à reconnaître les besoins de l’entreprise tout en garantissant que les transferts ne portent pas atteinte au droit des travailleurs à la liberté syndicale.
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