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Rapport définitif - Rapport No. 391, Octobre 2019

Cas no 3091 (Colombie) - Date de la plainte: 06-JUIN -14 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante allègue qu’une entreprise municipale prestataire de services publics a utilisé un processus de restructuration pour procéder à des actes de discrimination et d’ingérence antisyndicales

  1. 154. La plainte figure dans deux communications de la Confédération générale du travail (CGT) datées du 6 juin 2014 et du 31 janvier 2017.
  2. 155. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications datées du 19 juin 2015 et du 13 février 2018.
  3. 156. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 157. Dans ses communications datées du 6 juin 2014 et du 31 janvier 2017, la CGT indique que l’entreprise municipale EMCALI (ci-après dénommée l’«entreprise») est une entreprise industrielle et commerciale d’Etat chargée de fournir des services de distribution d’eau, d’électricité, d’assainissement et de télécommunications dans les municipalités de Cali, Yumbo et Puerto Tejada. L’organisation plaignante allègue que, entre mai 2004 et janvier 2010, dans le cadre d’une restructuration présumée, l’entreprise a licencié 52 membres du Syndicat des fonctionnaires d’EMCALI (SERVIEMCALI), parmi lesquels figuraient les sept membres du comité exécutif du syndicat et 27 chefs de département. Cette mesure avait réduit de moitié le nombre de membres de ce syndicat, affilié à la CGT, fondé le 5 mai 2002 et qui comptait 105 membres. L’organisation plaignante indique que les travailleurs licenciés appartenaient à la catégorie des agents publics et ne bénéficiaient pas de la convention collective conclue entre l’entreprise et le Syndicat des travailleurs employés par des entreprises municipales de Cali (SINTRAEMCALI), syndicat majoritaire des travailleurs officiels, qui garantissait la stabilité de l’emploi aux travailleurs officiels.
  2. 158. L’organisation plaignante allègue que les chefs de département étaient classés à tort dans la catégorie des agents publics et qu’ils auraient dû relever de la catégorie des travailleurs officiels. L’organisation plaignante indique que, bien que, par des décisions rendues en 1997 et en 1999, le conseil d’administration de l’entreprise ait classé le poste de chef de département dans la catégorie des agents publics, par des arrêts rendus le 1er juillet 1999, le 23 mai 2002 et le 25 mars 2004, la chambre du contentieux-administratif du Conseil d’Etat avait annulé ces décisions et fait valoir que le poste de chef de département relevait de la catégorie des travailleurs officiels et non de celle des agents publics. Il ressort de ces arrêts que, en règle générale, les travailleurs employés par des entreprises industrielles et commerciales d’Etat doivent relever de la catégorie des travailleurs officiels et que ces entreprises ne doivent nommer des agents publics à des postes de direction ou de confiance qu’à titre exceptionnel. Il ressort en outre de ces arrêts que, compte tenu du type d’attributions et du niveau de prise de décision attachés au poste de chef de département, ce dernier ne pouvait être classé dans la catégorie des agents publics, mais devait relever de celle des travailleurs officiels.
  3. 159. L’organisation plaignante indique que les chefs de département avaient demandé à l’entreprise d’être classés dans la catégorie des travailleurs officiels, en se fondant sur les trois arrêts rendus par le Conseil d’Etat. L’entreprise avait refusé leur demande, à la suite de quoi ils avaient intenté une action en protection en tant que mesure transitoire pour protéger leurs droits qui avait été rejetée après avoir été déclarée irrecevable. L’organisation plaignante indique que, par différentes communications et demandes, le SERVIEMCALI avait demandé à l’entreprise de respecter les arrêts précités; l’entreprise n’avait pas répondu à cette demande et, de surcroît, avait reclassé le poste de chef de département dans la catégorie des agents publics par sa décision no 820 du 20 mai 2004. L’organisation plaignante soutient qu’il incombe à l’entreprise de réintégrer les travailleurs licenciés entre 2004 et 2010, notamment les chefs de département licenciés dans le cadre d’une restructuration qui, dans les faits, n’était qu’une simulation dont l’unique objet était de contourner les arrêts rendus par le Conseil d’Etat.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 160. Dans ses communications datées du 19 juin 2015 et du 13 février 2018, le gouvernement a transmis ses observations ainsi que celles de l’entreprise. Le gouvernement indique que, en 2002, l’entreprise municipale avait été placée sous le contrôle du gouvernement et avait dès lors été administrée par la Direction générale des services publics aux fins de son redressement opérationnel et financier. Le gouvernement indique que la direction générale avait mis en œuvre plusieurs mesures afin de redresser l’entreprise qui se trouvait dans une situation financière difficile et était menacée de liquidation. La direction générale avait notamment rendu la décision no 820 en date du 20 mai 2004, en vertu de laquelle elle avait adopté les statuts internes de l’entreprise, mis en place une nouvelle structure organisationnelle, redéfini la composition des effectifs ainsi que les attributions générales des différents départements et indiqué les postes qui devaient être occupés par des travailleurs officiels ou par des agents publics. Comme il ressort de cette décision, les mesures adoptées visaient principalement à renforcer l’efficience et l’efficacité de l’entreprise et, par conséquent, à favoriser son redressement et sa pérennité.
  2. 161. Le gouvernement indique que, bien que la législation nationale dispose que les personnes fournissant des services au sein des entreprises industrielles et commerciales d’Etat relèvent de la catégorie des travailleurs officiels, les entreprises doivent définir dans leurs statuts internes les postes de direction ou de confiance qui doivent être occupés par des personnes ayant le statut d’agents publics. D’après le gouvernement, la décision no 820 de 2004 a fait l’objet d’un contrôle de légalité dans le cadre d’une action en nullité relative et le Conseil d’Etat, organe suprême de la juridiction du contentieux-administratif, s’est prononcé à cet égard dans un arrêt rendu le 15 décembre 2011 dans lequel il a établi que la décision visée était conforme au droit. Le gouvernement a fourni des extraits de cette décision, dont il ressort ce qui suit: i) en 2014, l’entreprise était placée sous le contrôle de l’Etat en raison de la situation financière difficile dans laquelle elle se trouvait; ii) la Direction générale des services publics avait assuré la direction et l’administration de l’entreprise; iii) si, en principe, il aurait été du ressort du conseil d’administration de l’entreprise d’adopter une telle décision, dans ce cas l’entreprise était placée sous le contrôle de l’Etat et administrée par la direction générale qui, par conséquent, était habilitée à rendre la décision no 820 de 2004 et à définir les postes de direction ou de confiance devant être occupés par des agents publics; et iv) les nouveaux statuts de l’entreprise n’étaient pas le fruit de l’arbitraire de la direction générale, mais découlaient d’études techniques qui avaient débouché sur la restructuration de l’organisation de l’entreprise.
  3. 162. L’entreprise indique que, dans le cadre du processus de restructuration organisationnelle autorisée en vertu de la décision no 820 de 2004, tant des travailleurs officiels que des agents publics avaient été licenciés. Elle indique que, au total, 385 postes avaient été supprimés (349 postes de travailleurs officiels et 36 d’agents publics) et que la restructuration et la suppression de postes ne pouvaient être considérées comme une conduite antisyndicale étant donné que les licenciements n’étaient pas le fruit d’une décision arbitraire et que les garanties dont bénéficiaient les dirigeants syndicaux avaient été respectées. L’entreprise indique que les sept membres du comité exécutif du SERVIEMCALI qui occupaient des postes d’agents publics et avaient été licenciés dans le cadre de cette restructuration avaient été réintégrés par la voie de l’action en protection. Leur situation était la suivante: MM. Villarreal et Muñoz travaillaient toujours pour l’entreprise et les cinq autres avaient présenté leur démission volontaire pour mise au bénéfice d’une pension de vieillesse: Mme Montoya avait pris sa retraite le 16 novembre 2005, Mme Trujillo le 28 décembre 2007, M. Millán de Rodríguez le 31 décembre 2014, Mme Peláez le 15 mai 2015 et M. Martín Mancera le 1er août 2017. L’entreprise indique en outre que la plupart des dirigeants du SERVIEMCALI en fonctions de 2002 à 2011 étaient toujours liés à l’entreprise et que ceux qui ne l’étaient plus avaient soit présenté leur démission volontaire, soit étaient décédés, soit avaient été mis au bénéfice d’une pension de vieillesse. Elle indique que seuls deux d’entre eux ont perdu leur poste à des dates différentes par décision unilatérale.
  4. 163. Le gouvernement indique que, bien que le SERVIEMCALI s’attache à ce que le statut de travailleur officiel soit reconnu aux personnes occupant le poste de chef de département au sein de l’entreprise afin qu’elles puissent bénéficier de la convention collective conclue par l’entreprise, en vertu du décret d’application no 160 de la loi portant adoption de la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, adopté le 5 février 2014, les agents publics peuvent conclure des accords avec l’entreprise. Le gouvernement indique que, le 22 janvier 2015, le SERVIEMCALI et le SIEMCALI ont présenté conjointement des cahiers de revendications à l’entreprise et élu un comité de négociation et que l’étape de règlement direct a été ouverte, ce qui témoigne de l’esprit de négociation qui animait les parties.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 164. Le comité observe que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue qu’une entreprise municipale a utilisé un processus de restructuration pour procéder à des actes de discrimination et d’ingérence antisyndicales. Le comité note que, d’après l’organisation plaignante et le gouvernement, il s’agit d’une entreprise commerciale et industrielle d’Etat au sein de laquelle les travailleurs relèvent pour la plupart de la catégorie des travailleurs officiels et, à titre exceptionnel, de celle d’agents publics pour les travailleurs occupant des postes de direction et de confiance.
  2. 165. Le comité note que l’organisation plaignante allègue que: i) entre 2004 et 2010, dans le cadre d’une restructuration présumée, l’entreprise a licencié la moitié des membres du SERVIEMCALI, parmi lesquels figuraient les sept membres du comité exécutif du syndicat et 27 chefs de département; ii) la restructuration avait pour but de licencier les chefs de département, qui étaient classés à tort dans la catégorie des agents publics et ne bénéficiaient donc pas de la convention collective qui garantissait la stabilité de l’emploi aux travailleurs officiels; iii) par des arrêts rendus en 1999, 2002 et 2004, la chambre du contentieux-administratif du Conseil d’Etat avait annulé les décisions par lesquelles le conseil d’administration de l’entreprise avait classé le poste de chef de département dans la catégorie des agents publics et avait établi que, compte tenu du type d’attributions et du niveau de prise de décision attachés au poste de chef de département, ce dernier ne pouvait être classé dans la catégorie des agents publics; et iv) l’entreprise n’a pas respecté les arrêts précités, n’a pas accordé le statut de travailleurs officiels aux chefs de département et, par sa décision du 20 mai 2004, avait reclassé le poste de chef de département dans la catégorie des agents publics.
  3. 166. A cet égard, le comité note que le gouvernement et l’entreprise indiquent ce qui suit: i) à compter de 2002, du fait de la situation financière difficile dans laquelle elle se trouvait, l’entreprise avait été placée sous le contrôle de l’Etat et la Direction générale des services publics avait mis en œuvre plusieurs mesures visant à renforcer son efficience et son efficacité. La direction générale avait notamment rendu la décision no 820 en date du 20 mai 2004 en vertu de laquelle elle avait redéfini la composition des effectifs ainsi que les attributions générales des différents départements, indiqué les postes qui devaient être occupés par des travailleurs officiels ou par des agents publics et déterminé que les chefs de département devaient relever de la catégorie des agents publics; ii) dans un arrêt rendu le 15 décembre 2011, la chambre du contentieux-administratif du Conseil d’Etat avait établi que la décision visée était conforme au droit; iii) dans le cadre de la restructuration, 385 postes avaient été supprimés (349 postes de travailleurs officiels et 36 d’agents publics); iv) les sept membres du comité exécutif du SERVIEMCALI licenciés avaient été réintégrés par la voie de l’action en protection: deux d’entre eux travaillaient toujours au sein de l’entreprise et les cinq autres avaient présenté leur démission volontaire pour mise au bénéfice d’une pension de vieillesse; et v) bien que le SERVIEMCALI s’attache à ce que le statut de travailleur officiel soit reconnu aux chefs de département afin qu’ils puissent bénéficier de la convention collective, depuis l’adoption du décret no 160 en 2014, les agents publics peuvent également conclure des conventions collectives avec l’entreprise; à cet égard, le 22 janvier 2015, le SERVIEMCALI, conjointement avec un autre syndicat, avait présenté un cahier de revendications et élu un comité de négociation, et l’étape de règlement direct avait été ouverte.
  4. 167. Le comité observe qu’il ressort des informations fournies par les parties que, entre 2002 et 2013, l’entreprise était placée sous le contrôle du gouvernement et administrée par la Direction générale des services publics. Au cours de cette période, la direction générale avait mis en œuvre plusieurs mesures et avait notamment rendu en 2004 une décision dans laquelle elle avait redéfini la composition des effectifs, précisé les postes qui devaient être occupés par des travailleurs officiels ou par des agents publics et déterminé que les chefs de département devaient relever de la catégorie des agents publics.
  5. 168. Le comité observe que la question du classement des chefs de département au sein de l’entreprise a fait l’objet de plusieurs actions portées devant la juridiction du contentieux-administratif et que, dans un arrêt rendu le 15 décembre 2011, la chambre du contentieux-administratif du Conseil d’Etat avait établi que la décision de 2004 en vertu de laquelle la direction générale avait déterminé que les chefs de département devaient relever de la catégorie des agents publics était conforme au droit. Le comité souligne qu’il n’est pas compétent pour se prononcer sur le classement de certains fonctionnaires dans la catégorie des travailleurs officiels ou dans celle d’agents publics et qu’il lui incombe uniquement de veiller au respect des principes de la liberté syndicale dans le secteur public. Le comité observe à cet égard que, depuis l’adoption du décret no 160 du 5 février 2014, les agents publics peuvent conclure des accords avec l’entreprise et que, en 2015, le SERVIEMCALI a présenté un cahier de revendications à l’entreprise.
  6. 169. S’agissant des licenciements effectués dans le cadre de la restructuration de l’entreprise, le comité observe que, d’après les informations fournies par le gouvernement et l’entreprise, les sept membres du comité exécutif du SERVIEMCALI licenciés ont été réintégrés par la voie de l’action en protection. Le comité observe en outre que, sur les 385 travailleurs licenciés, 52 étaient membres du SERVIEMCALI, de sorte que le syndicat avait perdu la moitié de ses membres. Tout en observant qu’il ne dispose pas d’éléments qui lui permettent de conclure que le licenciement des travailleurs membres du syndicat, relevant de la catégorie des agents publics ou de celle des travailleurs officiels, était dû à leur affiliation syndicale ou à l’exercice d’activités syndicales légitimes, le comité souligne qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur des allégations relatives aux plans de restructuration, même lorsque ceux-ci engendrent des licenciements collectifs, à moins qu’ils n’aient donné lieu à des actes de discrimination ou d’ingérence antisyndicale. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1114.] Compte tenu de ce qui précède, et en l’absence de toute autre information de la part de l’organisation plaignante, le comité ne poursuivra pas l’examen du présent cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 170. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à décider que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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