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Rapport définitif - Rapport No. 391, Octobre 2019

Cas no 3197 (Pérou) - Date de la plainte: 30-DÉC. -15 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce la commission, par une entreprise maritime, de plusieurs actes antisyndicaux, dont le non renouvellement de contrats de travail et le non-respect d’une convention collective. Elle dénonce également des retards importants dans le fonctionnement du système judiciaire

  1. 486. La plainte figure dans une communication en date du 30 décembre 2015 de la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP).
  2. 487. Le gouvernement a envoyé ses observations par des communications en date des 6 mai et 8 juillet 2019.
  3. 488. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 489. Dans sa communication du 30 décembre 2015, l’organisation plaignante indique que l’entreprise IMI del Perú S.A.C. (ci-après dénommée l’«entreprise maritime»), dont l’activité principale est le transport maritime, fournit ses services à la compagnie pétrolière Savia del Perú S.A.C. (ci-après dénommée la «compagnie pétrolière»). Selon l’organisation plaignante et selon les documents joints à la plainte, à la suite d’une série de plaintes déposées par le Syndicat des travailleurs de l’entreprise maritime (SINTRAIMI) pour violation des droits du travail et actes de discrimination antisyndicale, notamment le non renouvellement des contrats de travail des travailleurs syndiqués, le 30 juillet 2008, le ministère du Travail de la province de Talara a dressé un procès-verbal d’infraction à l’encontre des deux sociétés (l’entreprise maritime et la compagnie pétrolière) pour infractions liées aux bulletins de salaires, dénaturation des contrats de sous-traitance et dénaturation des contrats soumis à conditions. Selon le procès-verbal d’infraction, l’entreprise maritime comptait dans sa liste de salariés des travailleurs qui relevaient en fait de la compagnie pétrolière (considérée comme l’entreprise principale). Le ministère a infligé une amende aux deux sociétés et ordonné à la compagnie pétrolière d’intégrer 988 travailleurs de l’entreprise maritime dans sa liste de salariés. L’organisation plaignante indique que la compagnie pétrolière a contesté la décision ministérielle devant les tribunaux judiciaires et que, suite à ces manœuvres dilatoires, lesdits tribunaux ne se sont pas encore prononcés sur la question du fait qu’un pourvoi en cassation formé par la compagnie pétrolière devant la Cour suprême de justice est toujours en instance.
  2. 490. L’organisation plaignante indique également que, invoquant le faible prix du pétrole brut, l’entreprise maritime a mis en place des programmes de réduction des effectifs assortis de mesures d’incitation dérisoires et menacé les travailleurs qui les refuseraient de la perte de toutes sortes de droits. Elle indique aussi que l’entreprise a licencié 246 travailleurs dans le cadre de ces programmes de réduction des effectifs et allègue qu’elle essaye de se séparer de 200 travailleurs supplémentaires en vue de démanteler le syndicat. L’organisation plaignante allègue également que l’entreprise ne paie pas les heures supplémentaires des travailleurs et que, malgré le fait que le SINTRAIMI a déposé une plainte à cet égard et que la Direction générale nationale de l’inspection du travail (SUNAFIL) a conclu que l’entreprise maritime devait payer les heures supplémentaires aux travailleurs syndiqués, l’entreprise ne s’est toujours pas acquittée de ses obligations. L’organisation plaignante allègue également que, devant l’intérêt accru des travailleurs de l’entreprise maritime pour la syndicalisation, cette dernière aurait tenté de les décourager et de les déstabiliser par des mesures de licenciement, des transferts de personnel, des changements dans les horaires de travail et des hausses dans les primes de santé.
  3. 491. D’autre part, l’organisation plaignante allègue que, bien que le SINTRAIMI ait signé trois conventions collectives avec l’entreprise maritime et ait soumis le quatrième cahier de revendications, l’entreprise refuse non seulement de discuter des améliorations économiques avec le syndicat, mais aussi de respecter les conventions collectives déjà signées. L’organisation plaignante indique que, le 29 janvier 2015, l’autorité administrative a infligé une amende à l’entreprise maritime pour non-exécution de la sentence arbitrale rendue dans le cadre des négociations collectives pour la période 2012-13 concernant le versement d’une prime de service prolongé. Elle allègue également que l’entreprise ne respecte pas la convention collective de 2013-14 pour ce qui a trait aux denrées alimentaires qu’elle doit fournir aux travailleurs.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 492. Par ses communications en date des 6 mai et 8 juillet 2019, le gouvernement fait parvenir ses observations, ainsi que celles de l’entreprise maritime.
  2. 493. Le gouvernement fournit les informations suivantes concernant les procès-verbaux d’infraction dressés contre l’entreprise maritime et la compagnie pétrolière. En ce qui concerne l’entreprise maritime, celle-ci a contesté le procès-verbal d’infraction lui infligeant une amende pour infractions liées aux bulletins de salaires et pour intermédiation illégale (dénaturation de l’externalisation), procès-verbal qui a été déclaré nul et non avenu; le SINTRAIMI a alors fait appel de cette décision et un nouveau jugement a confirmé l’imposition de l’amende; l’entreprise maritime a alors une nouvelle fois contesté l’amende, qui a été à nouveau confirmée le 30 avril 2009. L’entreprise maritime a alors entamé un recours en contentieux administratif: i) par jugement du 16 novembre 2011, la deuxième chambre de déchargement des tribunaux du travail de Piura a déclaré le recours formé partiellement fondé; elle a déclaré nul et non avenu le jugement sanctionnant l’entreprise pour intermédiation illégale de 988 travailleurs et a déclaré sans fondement la demande en nullité de la sanction imposée pour dénaturation des contrats intermittents sous conditions; ii) cette sentence a été confirmée par la chambre spéciale du travail de Piura le 15 octobre 2012; iii) le 12 mars 2015, la Cour suprême de justice a déclaré sans fondement le recours en cassation formé par le SINTRAIMI; et iv) le 8 janvier 2015, le deuxième tribunal du travail a émis un titre exécutoire ordonnant l’établissement d’une nouvelle décision annulant les sanctions imposées. Le gouvernement indique également qu’un pourvoi en cassation formé par l’entreprise maritime est en instance.
  3. 494. En ce qui concerne la compagnie pétrolière, le gouvernement déclare que, suite à la contestation par cette dernière du procès-verbal d’infraction lui infligeant une amende et lui ordonnant d’intégrer les 988 travailleurs de l’entreprise maritime dans ses effectifs, ledit procès-verbal a été déclaré nul et sans effet. Le SINTRAIMI a ensuite fait appel de cette décision, ce qui a abouti à la nullité de la mesure et à la confirmation de l’amende et l’ordonnance d’intégration des travailleurs. La compagnie pétrolière a alors engagé une procédure en contentieux administratif: i) par jugement du 16 juin 2014, le deuxième tribunal du travail transitoire de Piura a déclaré la demande sans fondement; ii) par jugement du 12 janvier 2015, la Chambre spéciale du travail de Piura a annulé le jugement du 16 juin 2014 et déclaré la nullité du procès-verbal d’infraction; iii) le 12 mars 2015, la Cour suprême de justice a déclaré sans fondement le pourvoi en cassation formé par le SINTRAIMI; et iv) le 11 mars 2016, la deuxième chambre du tribunal du travail a émis un titre exécutoire enjoignant au gouvernement régional de Piura d’adopter une nouvelle décision administrative annulant la procédure administrative de sanction pour intermédiation illégale en matière d’emploi. Le gouvernement indique également qu’un pourvoi en cassation formé par la compagnie pétrolière est en instance.
  4. 495. Le gouvernement indique également que la SUNAFIL a rendu une décision établissant que l’entreprise maritime doit à ses travailleurs la rémunération des heures supplémentaires. Le gouvernement indique que, bien que l’entreprise maritime ne l’ait pas contestée, elle ne s’est pas acquittée des montants indiqués dans la décision, et la SUNAFIL a donc demandé à la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi de Piura de prendre les mesures appropriées. Le gouvernement rappelle également que l’entreprise maritime a été sanctionnée pour non-exécution de la clause II de la sentence arbitrale correspondant à la période comprise entre août 2012 et juin 2013.
  5. 496. En ce qui concerne les programmes de réduction des effectifs assortis de mesures d’incitation, l’entreprise maritime affirme que, après la baisse considérable du cours du baril de pétrole, l’industrie pétrolière a été contrainte de réduire ses activités et que cette situation l’a conduite à limiter les siennes et en particulier à proposer aux travailleurs qui le souhaitent de participer à un programme de réduction des effectifs assorti d’incitations. Elle précise que, entre mars et septembre 2015, 246 travailleurs ont accepté de partir volontairement et qu’à ce jour aucun des intéressés n’a engagé de poursuites judiciaires ni signalé à l’autorité administrative du travail d’irrégularité quelconque en lien avec son départ volontaire ou les menaces alléguées par l’organisation plaignante.
  6. 497. Enfin, l’entreprise maritime affirme que les changements d’horaire, les transferts de personnel et le non-paiement des heures supplémentaires étaient uniquement dus à sa situation financière difficile et que ces mesures ne visaient pas à nuire aux travailleurs.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 498. Le comité note qu’en l’espèce l’organisation plaignante allègue qu’une entreprise maritime fournissant des services à une compagnie pétrolière a commis une série d’actes antisyndicaux, tels que le non-renouvellement des contrats des travailleurs syndiqués. Elle fait également valoir que, bien que des plaintes aient été déposées et que les deux sociétés aient été sanctionnées, elles ont déposé des recours administratifs et judiciaires qui sont toujours en instance en raison de l’utilisation de tactiques dilatoires.
  2. 499. Le comité note que, comme l’a allégué l’organisation plaignante et comme il ressort des documents présentés par cette dernière: i) suite à une série de plaintes déposées par le SINTRAIMI pour violation du droit du travail et discrimination antisyndicale (non renouvellement des contrats de travail des travailleurs syndiqués), le ministère du Travail a dressé en 2008 un procès-verbal d’infraction contre les deux sociétés (l’entreprise maritime et la compagnie pétrolière), pour infractions liées aux bulletins de salaires, dénaturation des contrats de sous-traitance et dénaturation des contrats sous conditions (contrats temporaires); ii) une amende a été infligée aux deux sociétés et la compagnie pétrolière a été condamnée à intégrer 988 travailleurs de l’entreprise maritime dans ses effectifs; et iii) la compagnie pétrolière a formé plusieurs recours en justice en vue de retarder l’intégration des travailleurs, et la justice ne s’est pas encore prononcée. A cet égard, le comité note que le gouvernement fait savoir que les deux sociétés ont contesté les procès-verbaux d’infraction d’abord administrativement et ensuite devant la juridiction contentieuse administrative et que, en 2015, la Cour suprême de justice a déclaré sans fondement les pourvois en cassation formés par le SINTRAIMI contre les sentences qui avaient ordonné l’annulation des sanctions imposées aux deux sociétés. Le comité note que, dans sa réponse, le gouvernement indique également que des pourvois en cassation formés par les deux sociétés sont en instance.
  3. 500. Le comité note que ni les organisations plaignantes ni le gouvernement n’ont fourni de copies des jugements rendus et que les informations fournies par les parties ne lui permettent pas de savoir si la procédure judiciaire en question est terminée ou, au contraire, si elle est toujours en cours. Tenant compte du fait qu’il s’agit de procédures judiciaires relatives à des procès-verbaux d’infraction établis il y a plus d’une décennie, le comité rappelle que le retard pris pour mener à bien les recours judiciaires qui donnent accès à la réparation réduit par lui-même l’efficacité de ces recours, étant donné que la situation ayant fait l’objet d’une plainte, souvent, peut avoir changé de manière irréversible, de sorte qu’il devient impossible d’ordonner une réparation appropriée ou de revenir à la situation antérieure [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1144] et espère que si, comme l’indique le gouvernement, des recours sont en instance devant la Cour suprême de justice, cette dernière se prononcera dès que possible.
  4. 501. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles l’entreprise maritime aurait licencié 246 travailleurs dans le cadre de programmes de réduction des effectifs assortis de mesures d’incitation dérisoires, aurait menacé les travailleurs de la perte de toutes sortes de droits s’ils refusaient ces mesures et essayerait de se séparer de 200 travailleurs supplémentaires en vue de démanteler le SINTRAIMI, le comité note que l’entreprise maritime déclare que ces programmes ont été mis en œuvre pour des raisons économiques, que les 246 travailleurs qui ont accepté ces programmes entre mars et septembre 2015 l’ont fait volontairement, et qu’aucun d’entre eux n’a engagé de poursuites judiciaires ni déposé de plainte en rapport avec ces programmes. A cet égard, le comité rappelle qu’il ne peut se prononcer sur les allégations concernant les programmes et les mesures de restructuration ou de rationalisation économique, que ceux-ci impliquent ou non des réductions de personnel ou des transferts d’entreprises ou des services du secteur public au secteur privé, que dans la mesure où ils ont donné lieu à des actes de discrimination ou d’ingérence antisyndicaux. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 42.] Compte tenu de l’insuffisance de preuves démontrant le caractère antisyndical du programme de réduction des effectifs assorti de mesures d’incitation, le comité ne procédera pas à l’examen de cette allégation.
  5. 502. Le comité note également que, selon l’organisation plaignante, devant l’intérêt accru des travailleurs de l’entreprise maritime pour la syndicalisation, cette dernière aurait tenté de décourager et de déstabiliser les travailleurs par des mesures de licenciement, des changements dans les horaires de travail, le non-paiement des heures supplémentaires aux travailleurs syndiqués et une hausse des primes de santé. En ce qui concerne le non paiement des heures supplémentaires, le comité note que, selon le gouvernement, la SUNAFIL a demandé à la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi de Piura de prendre les mesures appropriées pour que l’entreprise paie ses dettes et s’acquitte de ses obligations. A cet égard, le comité veut croire que le gouvernement veillera à ce que les travailleurs syndiqués reçoivent le paiement des heures supplémentaires concernées.
  6. 503. En ce qui concerne les allégations de transferts de personnel, de changements dans les horaires de travail et de hausses dans les primes de santé, tout en notant que l’entreprise maritime affirme que ces mesures sont la conséquence de la situation économique difficile de l’industrie pétrolière et qu’elles n’ont eu aucun impact sur le niveau de rémunération des travailleurs, le comité note également que l’organisation plaignante ne fournit aucun élément démontrant le caractère antisyndical des mesures susmentionnées.
  7. 504. En ce qui concerne les licenciements allégués, tout en notant que le gouvernement n’a pas envoyé ses observations à leur sujet, le comité note que l’organisation plaignante n’a pas indiqué combien de travailleurs ont été licenciés, à quelles dates et s’ils étaient membres ou non du syndicat. Dans ces circonstances, le comité ne poursuivra pas l’examen de ces allégations.
  8. 505. En ce qui concerne la non-exécution présumée d’une sentence arbitrale et des clauses d’une convention collective, le comité note que, selon l’organisation plaignante et le gouvernement, l’entreprise maritime a été condamnée, le 29 janvier 2015, à une amende pour non-exécution de la clause II de la sentence arbitrale rendue pour la période comprise entre août 2012 et juin 2013. En ce qui concerne le non-respect allégué de la convention collective de 2013-14 pour ce qui a trait aux denrées alimentaires que l’entreprise maritime doit fournir aux travailleurs, tout en notant que le gouvernement n’a pas fait parvenir ses observations sur la question, le comité note qu’il ne dispose d’aucune information de l’organisation plaignante concernant d’éventuels recours formés en lien avec le non-respect allégué. Compte tenu de ce qui précède, le comité veut croire que le gouvernement veillera au règlement rapide et efficace de tout recours formé à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 506. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à décider que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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