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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 391, Octobre 2019

Cas no 3243 (Costa Rica) - Date de la plainte: 18-OCT. -16 - Cas de suivi fermés en raison de l'absence d'informations de la part du plaignant ou du gouvernement au cours des 18 mois écoulés depuis l'examen de ce cas par le Comité.

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent la violation de deux dispositions de la convention collective d’une banque publique par des jugements de la Cour suprême du pays

  1. 171. La plainte figure dans des communications en date des 18 octobre et 20 décembre 2016 et des 6 et 7 avril 2017, présentées par le Syndicat des travailleurs de la Banque Populaire (SIBANPO) et UNI Global Union.
  2. 172. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date du 20 octobre 2017 et du 13 septembre 2019.
  3. 173. Le Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 174. Dans leurs communications respectives en date du 18 octobre 2016, les organisations plaignantes allèguent que, par le vote no 201413758, en date du 20 août 2014, la chambre constitutionnelle de la Cour suprême a modifié unilatéralement le champ d’application de l’article 45 de la quatrième convention collective de travail de la Banque populaire et de développement communal (ci-après «la Banque»), qui concerne le paiement d’une indemnité de cessation de travail aux travailleurs de la Banque en question. Les organisations plaignantes allèguent en particulier que: i) depuis plusieurs décennies, les relations de travail entre la Banque et ses employés sont régies par la convention collective de travail, instrument qui, en vertu de l’article 62 de la Constitution du Costa Rica, a force de loi dans le pays; ii) adoptant une pratique irrégulière mise en place ces dernières années par les autorités publiques, le Contrôleur général de la République a déposé un recours en inconstitutionnalité contre l’article 45 de la convention collective de travail de la Banque, réclamant son annulation partielle; iii) l’article 45 de ladite convention dispose que la Banque devra payer à ses travailleurs une indemnité de cessation de travail correspondant aux années travaillées, au moment de leur retraite, de leur pension, de leur démission ou de leur licenciement avec ou sans responsabilité patronale; iv) ledit article prévoit que le montant de cette allocation de cessation de travail sera d’un mois par année travaillée pour la période antérieure au 1er mars 2001 mais que, pour la période postérieure à cette date, le calcul devra se faire selon la modalité prévue par le code du travail; v) le recours en inconstitutionnalité déposé par le contrôleur soutient que l’article en question est abusif et contraire aux principes d’égalité, de rationalité et d’utilisation efficiente des fonds publics; et vi) même si, dans son arrêt, la chambre constitutionnelle a déclaré un non-lieu et que, partant, elle a considéré que la clause de la convention collective en question n’était pas inconstitutionnelle, le haut tribunal a limité sa validité en déterminant un plafond d’années de référence maximum de vingt ans pour le calcul du montant de l’allocation de cessation de travail.
  2. 175. Les organisations plaignantes allèguent que ce jugement de la chambre constitutionnelle est incohérent et contradictoire, qu’il est totalement dénué de fondement juridique mais répond à des pressions et à des intérêts à caractère politique; et qu’il enfreint fondamentalement le principe de libre négociation entre les parties, de même que celui de sécurité juridique. Les organisations plaignantes déclarent à cet égard que: i) tous les arguments avancés par le contrôleur dans son recours en inconstitutionnalité ont été réfutés par la cour; en effet l’article 45 de la convention collective ne crée pas de discriminations, ne viole aucun droit fondamental et n’enfreint aucun principe de proportionnalité ni de rationalité; ii) il n’existe aucun motif valable pour limiter le plafond de calcul de l’indemnité de cessation de travail à vingt ans de travail; et iii) en imposant le plafond en question qui modifie de manière unilatérale la clause de la convention collective, la Cour dénature celle-ci, outrepasse ses compétences, enfreint le principe de libre négociation collective et ne tient pas compte de la procédure spécifique respectueuse des droits des parties prévue par la loi générale de l’administration publique et qui concerne la suppression des droits acquis par une convention collective.
  3. 176. Dans leurs communications respectives en date du 20 décembre 2016, les organisations plaignantes ajoutent que: i) les employés de la Banque sont des employés publics, qui ne relèvent pas de l’Etat et auxquels s’applique le régime du secteur privé, et que, en vertu de l’article 2 de sa loi constitutive, la Banque est pleinement autonome au niveau administratif et fonctionnel, travaille sur son propre patrimoine et ne bénéficie pas de la garantie de l’Etat; ii) dans le cadre du recours en inconstitutionnalité, le Procureur général de la République demande que le recours soit déclaré recevable et exige de fixer un plafond de vingt ans; et iii) le jugement affecte également la procédure d’homologation de la cinquième convention collective de la Banque: en effet, le 14 décembre 2016, le Département des relations de travail du ministère du Travail et de la Sécurité sociale a demandé au SIBANPO des éclaircissements quant au champ d’application de la clause relative à l’allocation de cessation de travail de la nouvelle convention collective. Enfin, les organisations plaignantes déclarent encore une fois que le jugement de la cour constitue une contradiction juridique étant donné qu’il n’est pas possible de déclarer non recevable le recours en inconstitutionnalité déposé contre la clause de la convention collective et en même temps de modifier unilatéralement cette dernière.
  4. 177. Dans leurs communications en date des 6 et 7 avril 2017, les organisations plaignantes se réfèrent à un deuxième jugement de la Cour suprême relatif à une autre disposition de la convention collective de la Banque, jugement qui, selon leurs allégations, enfreint également le droit de libre négociation collective. Les organisations affirment en particulier que: i) l’article 35 de la quatrième convention collective en vigueur de la Banque concerne les modalités de paiement des salaires aux travailleurs de la Banque et stipule que «le salaire est hebdomadaire. Toute reconnaissance économique qui affecterait le salaire sera calculée sur le salaire hebdomadaire, c’est-à-dire le salaire mensuel divisé par quatre pendant les cinquante-deux semaines»; ii) en dépit du fait que l’article en question est inclus dans la convention collective de la Banque depuis plus de trente ans, la Banque a décidé d’appliquer une autre modalité, distincte de la conventionnelle, et effectue une division par 4,33, ce qui revient à revoir à la baisse le salaire des travailleurs par rapport aux accords conclus; iii) le SIBANPO a soumis cette question à un débat judiciaire et, même si en première instance il a obtenu des résultats contraires, les jugements en première instance ont intégralement été annulés par 13 jugements en seconde instance, jugements émis entre le 27 février et le 15 juin 2012, le tribunal d’appel ayant estimé que la Banque s’était écartée de la convention collective; et iv) la Banque a déposé un recours devant la chambre du travail de la Cour suprême qui a annulé les décisions de seconde instance par 13 décisions émises entre le 10 et le 31 août 2012, considérant, sans preuve, que les modalités de paiement étaient comprises dans les grilles salariales et que l’employeur avait respecté la clause de la convention collective.
  5. 178. En ce qui concerne les 13 décisions de la deuxième chambre de la Cour suprême, les organisations plaignantes affirment qu’elles constituent une suppression d’un avantage conventionnel obtenu par une négociation collective parfaitement légale et que lesdites décisions sont, par conséquent, contraires aux principes de négociation collective libre et volontaire et à celui de sécurité juridique. Elles ajoutent que, en vertu de la convention no 98, les parties peuvent librement déterminer les matières qui feront l’objet de négociation et qui donneront lieu à des améliorations en faveur des travailleurs par rapport à la législation, motif pour lequel il est pleinement légitime que la convention collective prévoie une modalité de paiement plus favorable que celle envisagée par la législation.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 179. Dans une communication en date du 20 octobre 2017, le gouvernement fait parvenir sa réponse à la deuxième allégation des organisations plaignantes, allégation relative à la violation présumée, par la deuxième chambre de la Cour suprême, de l’article 35 de la convention collective de la Banque, article qui traite de la modalité de paiement hebdomadaire aux travailleurs de l’entité. Le gouvernement déclare à cet égard que: i) la deuxième chambre de la Cour suprême, qui constitue la plus haute instance judiciaire chargée des affaires professionnelles dans le pays, a annulé les jugements en seconde instance, qui avaient estimé que l’entité bancaire s’était écartée de la convention collective; ii) estimant que la deuxième chambre n’avait pas utilisé de manière appropriée les preuves mises à sa disposition (grilles salariales de la Banque), le SIBANPO a contesté les jugements de la deuxième chambre devant la chambre constitutionnelle de la Cour suprême par un recours en inconstitutionnalité; iii) dans un jugement en date du 13 mai 2015, la chambre constitutionnelle a déclaré ce recours non recevable, considérant que le recours en inconstitutionnalité n’est pas pertinent dans les cas de simple interprétation de lois ou d’autres dispositions normatives, mais uniquement pour des questions étroitement liées à la Constitution, ce qui n’était pas le cas dans le présent dossier; et iv) à la demande du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, dans le cadre de la préparation de la réponse du gouvernement au comité, la deuxième chambre a fait savoir que ses décisions n’ont pas été motivées par des considérations d’ordre patrimonial ni par des critères d’opportunité mais se sont basées sur une interprétation objective de la législation conventionnelle qui faisait l’objet de l’examen.
  2. 180. Eu égard à ce qui précède et après avoir rappelé l’évolution de la jurisprudence de la deuxième chambre en matière de reconnaissance du droit de négociation collective dans le secteur public, le gouvernement déclare que la conduite des fonctionnaires de la justice a été pleinement respectueuse des principes de l’OIT.
  3. 181. Dans une communication du 13 septembre 2019, le gouvernement fait part de sa réponse à la première allégation des organisations plaignantes, relative à la modification unilatérale par la chambre constitutionnelle de la Cour suprême du champ d’application de l’article 45 de la convention collective de travail d’une banque du secteur public, prévoyant le versement d’une indemnité de cessation de travail aux travailleurs de ladite banque. Le gouvernement fait valoir que la chambre constitutionnelle de la Cour suprême a jugé par une décision majoritaire que la clause contestée n’était pas inconstitutionnelle, pour autant que le plafond d’années de référence pour le paiement de l’indemnité n’excède pas vingt ans. Citant les extraits correspondants du jugement, le gouvernement indique que la chambre constitutionnelle: i) a reconnu, sur la base de l’article 75, paragraphe 3, de la loi sur la juridiction constitutionnelle, le pouvoir du Contrôleur général de la nation de déposer un recours en inconstitutionnalité lorsqu’il agit pour préserver les fonds publics; ii) a reconnu, par le biais d’un vote non unanime, la possibilité de contester, moyennant un recours en inconstitutionnalité, une convention collective, dans la mesure où les «obligations qui incombent aux organismes publics et à leurs salariés peuvent faire l’objet d’une analyse visant à vérifier le respect des principes de rationalité, d’économie et d’efficacité soit pour éviter toute restriction ou atteinte aux droits des travailleurs par une convention collective, soit pour éviter toute utilisation abusive des fonds publics»; iii) a rappelé, concernant le plafond fixé pour l’indemnité de cessation de travail par les conventions collectives, qu’elle avait accepté le principe que des conventions collectives fixent des plafonds plus élevés, compte tenu du fait que le Code du travail établit des règles minimales pouvant être dépassées dans les limites des principes de rationalité et de proportionnalité, et a pour cette raison validé l’existence de plafonds supérieurs à huit années de travail, mais inférieurs à vingt; iv) a reconnu la constitutionnalité de la clause contestée, mais l’a conditionnée à l’existence d’un plafond maximum visant à éviter une utilisation indue des fonds publics au détriment du service public devant être assuré par l’institution concernée, et a constaté en outre qu’il n’existait aucune raison valable justifiant un traitement privilégié des travailleurs de ladite institution.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 182. Le comité observe que le présent cas porte sur la violation présumée de deux dispositions de la convention collective d’une banque du secteur public par la Cour suprême du pays. Le comité note que les organisations plaignantes se réfèrent en premier lieu à la violation présumée de l’article 45 de la convention collective qui dispose que la Banque paiera à ses travailleurs une allocation de cessation de travail correspondant aux années travaillées, au moment de leur retraite, de leur pension, de leur démission ou de leur licenciement, et qu’elles allèguent à cet égard que: i) l’article en question, inclus dans les versions successives de la convention collective depuis des décennies, prévoit que le montant de l’allocation de cessation de travail sera d’un mois de salaire par année travaillée pour l’époque antérieure au 1er mars 2001, mais que, pour la période postérieure à cette date, le calcul devra tenir compte de la modalité prévue par le Code du travail (l’article 29 du code du travail prévoit une indemnisation entre 19,5 et 22 jours de salaire par année travaillée, chiffre qui varie en fonction de l’ancienneté, avec un plafond maximum de référence pour le calcul du montant de l’allocation qui ne peut dépasser les huit dernières années travaillées); ii) le Contrôleur général de la République a déposé un recours en inconstitutionnalité contre la clause en question, prétendant qu’elle est abusive et contraire aux principes d’égalité, de rationalité et de bon usage des fonds publics; iii) même si, dans son arrêt d’août 2014, la chambre constitutionnelle de la Cour suprême a déclaré non recevable le recours en inconstitutionnalité et que, partant, la clause en question de la convention collective n’était pas inconstitutionnelle, le Haut Tribunal a conditionné son application à ce que le plafond maximum d’années prises en compte pour le calcul du montant de l’allocation n’excède pas vingt ans; iv) ledit arrêt est incohérent juridiquement étant donné qu’il réfute les arguments d’inconstitutionnalité avancés par le contrôleur tout en modifiant unilatéralement l’accord conclu par les signataires de la convention; v) la détermination d’un plafond pour le calcul du montant de l’allocation n’est basé sur aucun argument juridique et est le résultat de pressions politiques; vi) il convient de considérer le fait que la Banque en question jouit d’une autonomie budgétaire pleine et entière et que ses travailleurs sont régis par le régime du secteur privé; par conséquent, le montant de l’allocation n’a pas d’incidence sur les fonds publics; vii) il existe un mécanisme spécifique, prévu dans la loi générale de la fonction publique, qui respecte la bonne procédure, et qui concerne la suppression des droits acquis par une convention collective; et viii) il ressort de ce qui précède que le jugement en question est fondamentalement contraire à la convention no 98, ratifiée par le Costa Rica, et au droit des interlocuteurs sociaux de négocier librement leurs conditions de travail et améliorer les avantages prévus par la législation.
  2. 183. Le comité prend note de la réponse du gouvernement, qui renvoie au texte de la décision rendue par la chambre constitutionnelle de la Cour suprême le 14 août 2014. Le comité observe qu’il ressort dudit arrêt que: i) le recours en inconstitutionnalité déposé par le Contrôleur général de la nation exigeant l’annulation de l’article 45 de la convention collective, relatif à l’allocation de cessation de travail, portait sur le montant de l’allocation ainsi que sur les circonstances prévues pour son octroi (tout type de fin de la relation de travail, et non exclusivement le licenciement sans justification); ii) la chambre constitutionnelle a estimé que la relation de travail existant entre les travailleurs et la Banque n’est pas régie exclusivement par le droit privé; iii) la chambre constitutionnelle a reconnu le pouvoir du Contrôleur général de la nation de déposer un recours en inconstitutionnalité lorsqu’il agit pour préserver les fonds publics; iv) la chambre constitutionnelle a estimé par le biais d’un vote majoritaire que «les obligations qui incombent aux organismes publics et à leurs salariés peuvent faire l’objet d’une analyse visant à vérifier le respect des principes de rationalité, d’économie et d’efficacité soit pour éviter toute restriction ou atteinte aux droits des travailleurs par une convention collective, soit pour éviter toute utilisation abusive des fonds publics; v) tout en reconnaissant le caractère constitutionnel de la clause de la convention collective en question, la chambre constitutionnelle a cependant décidé de limiter la validité de celle-ci à un plafond maximum de vingt années de travail pour le calcul de l’allocation; iv) la chambre a estimé que, bien qu’il soit tout à fait conforme à la Constitution de déterminer, par la convention collective, des avantages supérieurs aux minima prévus par le Code du travail, il appartient à la chambre de vérifier le respect des paramètres de rationalité et de proportionnalité pour éviter un usage abusif des fonds publics; et v) la chambre constitutionnelle a appliqué à la Banque la même solution que celle qu’elle avait appliquée à une autre institution publique dans un jugement antérieur en date du 17 mai 2006 (jugement no 2006-06730).
  3. 184. Rappelant que les accords doivent être obligatoires pour les parties [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1334], le comité considère que le recours en inconstitutionnalité déposé par les bureaux du Procureur général de la nation contre l’article 45 de la convention collective de la Banque risque de saper la confiance des parties dans les mécanismes de négociation collective existants dans le secteur public du pays ni dans leur utilité pour parvenir à des solutions consensuelles dans les conflits collectifs. Compte tenu de ce qui précède, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris des mesures législatives si besoin, afin que les autorités accordent la préférence autant que possible aux mécanismes de négociation collective dans l’évaluation des questions d’intérêt public en rapport avec les avantages économiques des clauses de conventions collectives du secteur public. En cas de préoccupations graves d’ordre économique nécessitant la modification des clauses des conventions collectives dans le secteur public, de telles situations devraient être traitées de préférence dans le cadre du dialogue social. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  4. 185. Rappelant qu’il a examiné par le passé des allégations de recours fréquents à la Cour constitutionnelle pour contester la validité des clauses des conventions collectives dans le secteur public, et notant qu’il ressort des informations disponibles sur le portail Web de la Cour suprême que l’article 45 de la convention collective de la Banque fait l’objet de nouveaux recours en inconstitutionnalité, le comité observe que le recours systématique aux tribunaux pour invalider des clauses des conventions collectives pourrait saper la confiance des parties dans les mécanismes de négociation collective dans le secteur public. Un compromis équitable et raisonnable doit être recherché entre, d’une part, la nécessité de préserver autant que faire se peut l’autonomie des parties à la négociation et, d’autre part, les mesures que doivent prendre les gouvernements pour surmonter leurs difficultés budgétaires. [Voir Compilation, op. cit., sixième édition, 2018, paragr. 1485.]
  5. 186. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent en second lieu que, par 13 jugements émis entre février et août 2012, la deuxième chambre de la Cour suprême a ratifié la violation par la Banque de l’article 35 de la convention collective de l’entité, article relatif au paiement hebdomadaire des travailleurs de la Banque. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent à cet égard que: i) depuis trente ans, les conventions collectives successives de la Banque ont prévu que «le salaire est hebdomadaire. Toute reconnaissance économique qui affecterait le salaire serait calculée sur le salaire hebdomadaire, c’est-à-dire le montant mensuel divisé par quatre pendant les cinquante-deux semaines»; ii) la Banque a décidé d’appliquer une modalité distincte à la conventionnelle et effectué une division par 4,33 du salaire mensuel, ce qui revient à réduire le salaire des travailleurs par rapport aux accords; iii) le SIBANPO a soumis la question au débat judiciaire et a obtenu, en seconde instance, 13 jugements favorables émis entre le 27 février et le 15 juin 2012; et iv) la deuxième chambre de la Cour suprême a cependant annulé les jugements en question, affirmant, sans preuves, que l’employeur avait déjà appliqué ladite clause de la convention. L’organisation plaignante allègue que les arrêts en question de la deuxième chambre de la Cour suprême ignorent les aménagements librement conclus entre les parties de la convention collective et sont, par conséquent, fondamentalement contraires à la convention no 98.
  6. 187. Le comité note que, pour sa part, le gouvernement, après avoir rappelé l’évolution de la jurisprudence de la deuxième chambre de la Cour suprême dans un sens favorable à la reconnaissance du droit de négociation collective dans le secteur public, déclare que, dans le présent cas, les actions des fonctionnaires de justice ont pleinement respecté les principes de l’OIT. Le gouvernement ajoute que le droit d’accès à la justice utilisé par le SIBANPO suppose le respect des décisions des organes de justice, même lorsque celles-ci ne sont pas favorables à leurs revendications. Le comité note que le gouvernement déclare en particulier que: i) le SIBANPO a contesté les arrêts de la deuxième chambre de la Cour suprême devant la chambre constitutionnelle de la Cour par un recours en inconstitutionnalité, estimant que la chambre n’avait pas utilisé les preuves de manière appropriée; ii) dans un jugement daté du 13 mai 2015, la chambre constitutionnelle a déclaré le recours irrecevable, estimant qu’il n’était pas pertinent de déposer un recours en inconstitutionnalité dans des cas de pure interprétation de lois ou autres dispositions législatives; et iii) à la demande du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, dans le cadre de la préparation de la réponse du gouvernement au comité, la deuxième chambre a fait savoir que ses décisions n’avaient pas été motivées par des considérations d’ordre patrimonial ni par des critères d’opportunité, mais étaient basées sur une interprétation objective de la législation conventionnelle qui faisait l’objet de l’examen.
  7. 188. Le comité prend note des éléments fournis tant par les organisations plaignantes que par le gouvernement et observe qu’il ressort des arrêts en question de la deuxième chambre de la Cour suprême que la Cour a estimé que: i) le contenu de l’article 35 actuel de la convention collective de la Banque remonte à l’année 1983, quand il a été décidé que, à partir de 1984, les grilles salariales de la Banque seraient élaborées sur base d’un salaire hebdomadaire; ii) la clause en question de la convention collective permettait alors de passer du salaire mensuel au salaire hebdomadaire en divisant le premier par quatre (et non par 4,33); iii) la méthode de calcul ainsi établie par la convention collective a été mise en pratique immédiatement et a été incluse dans la grille salariale générale de la Banque; et iv) par conséquent, la grille salariale de la Banque et les moyennes mensuelles qui en découlent comprennent déjà la modification résultant de la norme conventionnelle.
  8. 189. Le comité observe qu’il ressort de ce qui précède que le débat autour de l’article 35 de la convention collective de la Banque qui a été porté devant les tribunaux concerne l’interprétation du champ d’application et des méthodes d’application de la modalité de paiement hebdomadaire contenue dans l’article en question. Rappelant qu’il a souligné l’importance de résoudre les conflits d’interprétation des conventions collectives dans le cadre des mécanismes prévus à cet effet par les conventions en question ou, dans tous les cas, d’un mécanisme impartial accessible à toutes les parties signataires, tel qu’un organe judiciaire indépendant (voir 382e rapport, cas no 3162, paragr. 296), et observant que le conflit d’interprétation concernant l’article 35 de la convention collective de la Banque a été examiné par quatre instances judiciaires successives, le comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 190. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris des mesures législatives si besoin, pour garantir que les autorités accordent la préférence autant que possible aux mécanismes de négociation collective dans l’évaluation des questions d’intérêt public en rapport avec les avantages économiques des clauses de conventions collectives du secteur public. En cas de préoccupations graves d’ordre économique nécessitant la modification des clauses des conventions collectives dans le secteur public, de telles situations devraient être traitées de préférence dans le cadre du dialogue social. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
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