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Rapport définitif - Rapport No. 392, Octobre 2020

Cas no 3239 (Pérou) - Date de la plainte: 04-JUIL.-16 - Clos

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Allégations: Immixtion indue des dispositions et critères relatifs à l’octroi des congés syndicaux dans l’exercice de la représentation syndicale

  1. 890. La plainte figure dans une communication en date du 4 juillet 2016 de la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP) et du Syndicat de l’Unité des travailleurs du Bureau du contrôleur général de l’administration fiscale – Impôts internes (SINAUT SUNAT).
  2. 891. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication en date du 11 août 2017.
  3. 892. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 893. Dans leurs communications, les organisations plaignantes allèguent que le rapport technique no 52 2016-SERVIR/GPGSC en date du 18 janvier 2016 et la décision no 060-2016-8AOOO en date du 31 mai 2016 du SUNAT introduisent des dispositions et des critères relatifs à la procédure d’octroi des congés syndicaux qui s’immiscent dans l’autonomie interne des organisations et compliquent l’exercice des activités de représentation syndicale.
  2. 894. Les organisations plaignantes soulignent que, conformément aux dispositions de la législation nationale (article 32 de la loi sur les relations collectives de travail (LRCT) et articles 61 à 64 du règlement d’application de la loi sur la fonction publique): i) c’est la convention collective et non une directive de l’employeur qui doit contenir des dispositions visant à favoriser la conduite d’activités syndicales, en ce qui concerne les réunions, les communications, les autorisations et les congés; ii) en l’absence de convention collective, l’employeur n’est tenu d’accorder un congé aux dirigeants syndicaux dont le mandat est prévu par le règlement que lorsque ceux-ci doivent assister à des «événements impliquant une présence obligatoire», dans la limite de trente jours civils par an et par dirigeant; iii) la limite de trente jours ne s’applique pas lorsqu’il existe une convention collective ou une coutume plus favorable sur le lieu de travail; iv) en l’absence de convention collective ou de coutume, il incombe à l’employeur de respecter les limites imposées par la loi, c’est-à-dire d’accorder la limite de trente jours de congé, et il ne lui appartient pas de régler une question qui devrait être fixée avec la participation des deux parties ou par la pratique coutumière; v) il n’appartient pas à l’employeur de déterminer quels sont les événements impliquant une présence obligatoire ni de contrôler l’utilisation des congés syndicaux – c’est à l’organisation syndicale de définir, dans ses statuts, quels sont les événements qui impliquent une présence obligatoire, car la question de la détermination de l’utilisation des facilités accordées par la loi, en l’absence de convention collective ou de coutume applicable, est un domaine qui relève de l’autonomie interne des organisations syndicales.
  3. 895. Malgré ce cadre juridique, en juin 2016, le Bureau du contrôleur général de l’administration fiscale (SUNAT) a adopté la décision no 060 2016-8AOOO qui, en actualisant la procédure de contrôle de la présence et de l’assiduité des travailleurs, établit que: i) il incombe aux organisations syndicales de communiquer au SUNAT les noms et prénoms des dirigeants auxquels s’applique le droit au congé; ii) lorsque le congé est d’une journée complète, le supérieur hiérarchique direct doit être averti au moins deux jours ouvrables à l’avance, avec indication de l’utilisation du congé syndical et des informations sur les événements impliquant une présence obligatoire auxquels le dirigeant syndical assistera; iii) en cas de congé horaire ou portant sur une partie de la journée de travail, afin de garantir qu’aucun travail assigné n’est interrompu, le travailleur doit informer préalablement son supérieur hiérarchique direct de l’utilisation du congé syndical et des événements impliquant une présence obligatoire auxquels il doit assister; iv) si les événements impliquant une présence obligatoire ne sont pas indiqués, la demande de congé sera considérée comme n’ayant pas été présentée et des «mesures appropriées» seront prises, ce qui signifie que des sanctions pour faute professionnelle seront appliquées; et v) à cet effet, la Direction nationale des ressources humaines pourra vérifier la véracité des informations communiquées par le travailleur concernant l’utilisation du congé syndical.
  4. 896. Les organisations plaignantes précisent que cette décision se fonde sur le rapport technique no 52 2016-SERVIR/GPGSC en date du 18 janvier 2016, de l’Autorité nationale de la fonction publique (SERVIR), un rapport qui a été publié à la demande du SUNAT et qui indique que: i) le défaut de communication de la date de début et de fin des congés syndicaux constitue une infraction passible de sanctions disciplinaires; et ii) «il incombe aux dirigeants syndicaux de prouver que les congés demandés le sont pour des événements impliquant une présence obligatoire, et il appartient à chaque organisation syndicale de mettre en place les mécanismes permettant de vérifier que la période de congé est utilisée pour des activités syndicales». Les organisations plaignantes remettent en cause le fait que ce rapport ne précise pas que les limites légales ne sont applicables qu’en l’absence d’une convention collective ou d’une coutume plus favorable – ce qui ouvre la porte à une situation où, dans des entités publiques comme le SUNAT, cette réglementation conventionnelle ou coutumière est remplacée par les critères établis dans le rapport technique –, c’est-à-dire par les critères, procédures et délais fixés par l’employeur.
  5. 897. En ce qui concerne la situation du SUNAT, les organisations plaignantes affirment que l’octroi de congés syndicaux était régi par une coutume en vertu de laquelle: i) l’employeur accordait des congés d’une durée maximale de trente jours à quatre dirigeants syndicaux; ii) les congés étaient utilisés moyennant un préavis ou régularisés après coup, sans qu’il soit nécessaire de fournir des informations sur les événements impliquant une présence obligatoire pour lesquels ils étaient utilisés, et sans que leur utilisation ne soit soumise à des délais de préavis, à un contrôle de l’employeur ou à d’éventuelles sanctions. Les organisations plaignantes joignent des copies des demandes de congé présentées et acceptées par le passé selon cette pratique qu’elles affirment être habituelle, en précisant qu’elle a été répétée et acceptée par les parties.
  6. 898. Dans ce contexte, les organisations plaignantes considèrent que la décision contestée constitue une mesure unilatérale qui entrave ou complique l’utilisation des congés syndicaux, en les soumettant au respect de conditions, de procédures et de délais qui n’étaient pas appliqués auparavant, sans que cela n’ait affecté à aucun moment la continuité des services publics ou la réalisation des objectifs institutionnels. Les organisations plaignantes dénoncent spécifiquement le fait que la décision exige, lors de la présentation de la demande de congés, que les «événements impliquant une présence obligatoire» auxquels la personne assistera soient indiqués, et autorise l’employeur à contrôler et à surveiller l’utilisation de ces congés, ainsi qu’à sanctionner ce qui, selon ses critères, peut constituer une utilisation inadéquate de ces congés, ce qui inclurait indirectement la possibilité de déterminer quels sont les événements qui impliquent une présence obligatoire. Selon les organisations plaignantes, il s’ensuit une ingérence manifeste de l’employeur dans l’autonomie des organisations et dans le déroulement de leurs activités, ce qui n’est pas prévu par la législation nationale et qui, en pratique, peut conduire à un mécanisme de contrôle des activités syndicales par l’employeur.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 899. Dans sa communication en date du 11 août 2017, le gouvernement fournit les observations suivantes des autorités concernées en réponse aux allégations formulées dans la plainte.
  2. 900. En premier lieu, le gouvernement soumet les observations du SUNAT. L’entité employeuse déclare que la décision no 060-2016-8AOOO a été adoptée conformément aux décisions de la Cour constitutionnelle et de la SERVIR. Elle indique que le fait de prévoir que l’utilisation du congé syndical doit être annoncée à l’avance et que des informations doivent être fournies concernant les événements impliquant une présence obligatoire des dirigeants syndicaux ne viole aucun droit syndical et ne saurait être considéré comme une ingérence du SUNAT, pour deux raisons:
    • i) selon l’article 61 du règlement d’application de la loi sur la fonction publique et les décisions de la Cour constitutionnelle, en l’absence de convention collective, les entités sont tenues d’accorder un congé pour les événements impliquant une présence obligatoire jusqu’à concurrence de trente jours par an et par dirigeant syndical – raison pour laquelle les organisations syndicales doivent indiquer dans leurs statuts tous les cas qui constituent des événements impliquant une présence obligatoire (à défaut, il sera laissé à la discrétion de l’entité employeuse de déterminer si le congé demandé est lié à l’activité syndicale);
    • ii) en ce qui concerne la communication des congés syndicaux, conformément à l’article 18 du règlement de la LRCT, l’organisation syndicale doit porter à la connaissance de l’entité employeuse et de l’autorité administrative du travail les noms et fonctions des dirigeants syndicaux soumis aux droits établis concernant l’utilisation des congés syndicaux. En conséquence, et conformément au rapport technique no 52 2016-SERVIR/GPGSC, il n’est pas possible pour un dirigeant syndical de s’absenter sans préavis, étant donné que l’organisation syndicale doit informer l’employeur, avec un préavis raisonnable, de la date de début et de fin du congé syndical.
  3. 901. En second lieu, le gouvernement transmet les observations de l’Autorité nationale de la fonction publique, qui indique que le rapport technique no 52 2016-SERVIR/GPGSC n’affecte pas et ne limite pas l’autonomie interne des organisations syndicales, pour deux raisons fondamentales:
    • i) La liberté syndicale n’est pas un droit absolu; elle est soumise aux différentes dispositions établies par des règles ayant force de loi. Dans ce sens, le fait qu’il ne soit pas possible pour un dirigeant syndical de s’absenter sans préavis n’affecte pas ses activités de représentation syndicale et est conforme aux dispositions de la LRCT, dont les articles prévoient que les organisations syndicales doivent à la fois indiquer la liste des membres du comité exécutif et informer à l’avance l’entité employeuse des dates de début et de fin du congé syndical.
    • ii) La Cour constitutionnelle a établi que: i) les activités menées par les organisations syndicales pour la défense des droits et des intérêts des travailleurs syndiqués sont considérées comme des événements impliquant une présence obligatoire (STC no 5474 2006-PA); et ii) pour que le congé syndical soit accordé, lorsqu’elles sollicitent le congé auquel elles ont droit, les organisations doivent informer l’entreprise employeuse des événements impliquant une présence obligatoire (la SERVIR se réfère à la STC no 6037-2013-PA/TC, qui a considéré qu’une demande de congé dans laquelle il était simplement indiqué «notre syndicat compte 50 membres et, compte tenu des périodes qu’il traverse, il a besoin du congé en question pendant vingt jours civils par an» ne répondait pas aux exigences légales).
  4. 902. À cet égard, la SERVIR conclut que le rapport technique n’a pas pour but de s’immiscer dans les activités que les dirigeants syndicaux mènent pour défendre leurs membres ou de les limiter; il développe plutôt les dispositions de la LRCT et de son règlement d’application, ainsi que les arrêts de la Cour constitutionnelle sur la procédure à suivre par les organisations syndicales pour l’octroi de congés syndicaux. À cet égard, la SERVIR rappelle que le rapport technique, tout en indiquant qu’il incombe aux dirigeants syndicaux de prouver que le congé demandé sera utilisé pour des événements impliquant une présence obligatoire, précise qu’il appartient à chaque organisation syndicale de mettre en place des mécanismes de contrôle pour s’assurer que le temps consacré aux congés est utilisé pour des activités syndicales.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 903. Le comité note que la plainte allègue que les dispositions et critères relatifs à l’octroi de congés syndicaux introduits dans une institution de l’administration publique, sur la base du rapport technique no 52 2016-SERVIR/GPGSC et repris dans la décision no 060 2016 8AOOO, s’immiscent indûment dans l’exercice de la liberté syndicale, sans reconnaître la primauté de ce qui pourrait être établi par la négociation collective et la coutume à cet égard. Les organisations plaignantes allèguent que la décision adoptée, en exigeant un préavis pour l’utilisation des congés, ainsi qu’une notification, sous peine de sanction, des événements impliquant une présence obligatoire, complique l’utilisation des congés, restreint la liberté syndicale et entraîne un changement unilatéral par l’employeur de la pratique coutumière existante (en vertu de laquelle, selon l’allégation, il n’était pas nécessaire de donner un préavis ni de donner des précisions sur les activités syndicales concernées). Les organisations plaignantes se disent particulièrement préoccupées par l’obligation, prévue dans la décision, de fournir des informations sur les événements impliquant une présence obligatoire lors de la présentation de la demande de congés syndicaux, considérant qu’une telle mesure permet à l’institution employeuse de s’immiscer dans la détermination des événements pour lesquels ce congé peut être utilisé et de surveiller et contrôler l’utilisation de ces congés à des fins antisyndicales.
  2. 904. En ce qui concerne la détermination des événements impliquant une présence obligatoire, le comité prend bonne note du fait que, selon le gouvernement, les événements qui sont considérés comme impliquant une présence obligatoire et, par conséquent, pour lesquels un congé syndical doit être accordé sont ceux qui sont librement déterminés par les statuts de l’organisation syndicale en question, reconnaissant ainsi que cette qualification et cette détermination relèvent des organisations de travailleurs dans l’exercice de leur autonomie syndicale.
  3. 905. En ce qui concerne l’établissement de procédures et de contrôles pour l’utilisation des congés syndicaux, le comité rappelle de manière générale que l’octroi de facilités aux représentants des organisations d’agents publics, donc entre autres l’octroi de temps libre, a pour corollaire la garantie d’un «fonctionnement efficace de l’administration ou du service intéressé». Un tel corollaire signifie qu’il peut y avoir un contrôle des demandes de temps libre pour des absences pendant les heures de travail par les autorités administratives compétentes seules responsables du fonctionnement efficace des services. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1605.] À cet égard, si un certain degré de contrôle est possible pour permettre à l’employeur de garantir le fonctionnement efficace de l’administration concernée (par exemple, dans ce cas, en prévoyant que l’organisation syndicale donne un préavis raisonnable lorsque le congé doit être utilisé pour des événements impliquant une présence obligatoire), cela ne devrait pas impliquer un contrôle ou une surveillance de la nature des événements syndicaux concernés.
  4. 906. Dans le cas spécifique, le comité prend dûment note de l’indication du gouvernement selon laquelle le rapport technique auquel se réfère la plainte précise qu’il appartient à chaque organisation syndicale de mettre en place les mécanismes permettant de vérifier que la période de congé est utilisée par le dirigeant syndical pour des activités syndicales. Le comité croit donc comprendre que le rapport technique reconnaît qu’il est de la responsabilité du syndicat de contrôler l’utilisation effective des congés à des fins syndicales. Par conséquent, à la lumière de ce qui précède, bien que: i) la demande de congé syndical puisse être soumise à certaines exigences de procédure (par exemple, le respect d’un délai de préavis raisonnable ou d’autres dispositions qui peuvent être établies par voie de négociation ou selon la coutume) et à l’indication par l’organisation concernée, conformément à ses statuts, que le congé est destiné à un événement impliquant une présence obligatoire; ii) la procédure de demande de congé ne devrait pas impliquer l’obligation de communiquer à l’employeur les détails des activités syndicales à mener, ni permettre à l’employeur d’examiner ou de contrôler la nature de ces activités.
  5. 907. Le comité note que la décision du SUNAT contient des dispositions qui pourraient donner lieu à une surveillance et à un contrôle excessifs par l’employeur de la nature des activités pour lesquelles le congé est demandé, étant donné que: i) elle oblige le travailleur à fournir des informations sur «l’événement impliquant une présence obligatoire auquel le congé doit servir»; ii) elle établit que, si le travailleur ne fournit pas les informations requises, la demande de congé est réputée ne pas avoir été présentée et «les mesures appropriées» seront prises; et iii) elle permet à l’employeur de «prendre les mesures appropriées pour vérifier la véracité des informations communiquées par le travailleur de manière physique et/ou électronique, à l’occasion de l’utilisation du congé syndical». À cet égard, le comité invite le gouvernement à promouvoir un dialogue constructif entre le SUNAT et le syndicat plaignant afin de parvenir à la modification de la décision no 060 2016-8AOOO.
  6. 908. En ce qui concerne l’allégation relative à une modification unilatérale de la pratique coutumière existante au sein du SUNAT, le comité n’est pas en mesure de vérifier si, en vertu de la législation nationale, il existait une coutume liant les parties pour ce qui a trait à la procédure d’octroi des congés syndicaux. Le comité rappelle également que ces questions et d’autres questions relatives à l’octroi des congés syndicaux devraient pouvoir être convenues et clarifiées par le biais de la négociation collective – qui, comme le reconnaît la législation nationale, prévaut lorsqu’elle offre des conditions plus favorables que celles établies par les réglementations légales. À cet égard, le comité invite le gouvernement à promouvoir la négociation collective entre les parties sur ces questions relatives à l’octroi du congé syndical à la lumière de la liberté syndicale et de la négociation collective, et en tenant compte de toute coutume applicable conformément à la législation nationale.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 909. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à adopter les recommandations suivantes:
    • a) Le comité invite le gouvernement à promouvoir un dialogue constructif entre le SUNAT et le syndicat plaignant afin de parvenir à la modification de la décision no 060 2016-8AOOO.
    • b) Le comité invite le gouvernement à promouvoir la négociation collective entre les parties sur ces questions relatives à l’octroi du congé syndical à la lumière de la liberté syndicale et de la négociation collective, et en tenant compte de toute coutume applicable conformément à la législation nationale.
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