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Rapport intérimaire - Rapport No. 392, Octobre 2020

Cas no 3263 (Bangladesh) - Date de la plainte: 26-FÉVR.-17 - Actif

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Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent les violations graves des droits syndicaux par le gouvernement, y compris l’arrestation et la détention arbitraires de dirigeants syndicaux et de militants, les menaces de mort proférées et les violences physiques infligées au cours de la détention, les fausses accusations pénales, la surveillance, l’intimidation et l’ingérence dans les activités syndicales, ainsi qu’un recours excessif aux forces de police lors d’une manifestation pacifique

  1. 266. Le comité a examiné ce cas (présenté en février 2017) pour la dernière fois à sa réunion de mars 2019 et, à cette occasion, a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 388e rapport, paragr. 184-204, approuvé par le Conseil d’administration à sa 335e session.].
  2. 267. La Confédération syndicale internationale (CSI) fournit des informations complémentaires dans une communication en date du 11 février 2020.
  3. 268. Le gouvernement présente ses observations dans des communications en date des 28 mai et 10 octobre 2019, et 30 janvier et 15 septembre 2020.
  4. 269. Le Bangladesh a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 270. À sa réunion de mars 2019, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 388e rapport, paragr. 204]:
    • a) Considérant que l’arrestation et la détention arbitraires de syndicalistes comportent un risque d’abus et portent atteinte à l’exercice du droit à la liberté syndicale, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de renforcer l’obligation de la police de rendre des comptes en cas de privation arbitraire de liberté et de fournir continuellement aux forces de sécurité les instructions et la formation appropriées afin que les syndicalistes ne fassent à l’avenir plus l’objet de mesures arbitraires d’arrestation et de détention. Il prie le gouvernement de fournir des informations sur l’évolution de la situation à cet égard.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante – menée par une institution indépendante de celle qui serait impliquée – concernant les allégations de menaces de mort, violences physiques et bastonnades dont auraient été victimes des syndicalistes arrêtés et détenus à la suite de la grève d’Ashulia, ainsi que dans tous les autres cas présumés d’intimidation et de harcèlement par la police au cours de la même période, et de le tenir informé des mesures prises à ce sujet. Le comité invite l’organisation plaignante à fournir toutes informations pertinentes additionnelles aux autorités nationales compétentes afin qu’elles puissent diligenter l’enquête en toute connaissance de cause.
    • c) Le comité s’attend fermement à ce que le gouvernement veille à ce que des instructions appropriées soient données à la police afin d’empêcher que des forces de police n’entrent à nouveau dans les locaux de syndicats sans autorisation et ne s’immiscent indûment dans les activités syndicales légitimes à l’avenir, et prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
    • d) Compte tenu de la gravité des allégations présentées dans la dernière communication de l’organisation plaignante concernant la violente répression policière de manifestations de travailleurs du secteur de la confection, qui aurait fait un mort et au moins 80 blessés parmi les travailleurs, le comité demande au gouvernement de présenter sans délai des observations détaillées en réponse à celles-ci. Le comité invite également l’organisation plaignante à fournir toutes informations pertinentes additionnelles aux autorités nationales compétentes afin qu’elles puissent diligenter l’enquête en toute connaissance de cause.

B. Informations complémentaires des organisations plaignantes

B. Informations complémentaires des organisations plaignantes
  1. 271. Dans une communication en date du 11 février 2020, les organisations plaignantes fournissent des informations complémentaires détaillées sur les questions en suspens. Elles allèguent en particulier que des poursuites pénales relatives à la grève d’Ashulia de 2016 restent en instance et dénoncent les représailles de masse et la criminalisation ainsi que la surveillance et l’intimidation persistantes des travailleurs en raison de leurs activités syndicales, avec 19 affaires pénales contre plus de 520 travailleurs actuellement en cours en relation avec les manifestations de 2018-19 relatives au salaire minimum.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 272. Le gouvernement indique, en ce qui concerne les poursuites engagées contre des centaines de syndicalistes à la suite de la grève d’Ashulia de 2016, allégations précédemment examinées par le comité, que huit cas sur dix ont été rejetés pour manque de preuves et que seuls deux restent en instance devant les tribunaux. L’affaire impliquant cinq dirigeants syndicaux doit être entendue par le tribunal le 4 octobre 2020 et l’affaire contre 15 dirigeants syndicaux doit être entendue le 13 octobre 2020. Le gouvernement fournit également des copies des actes d’accusation et des ordonnances des tribunaux.
  2. 273. En ce qui concerne les allégations d’arrestation et de détention arbitraires consécutives à la grève d’Ashulia de 2016, le gouvernement indique que les agents chargés de veiller à l’application de la loi sont rôdés aux opérations antiémeutes et s’abstiennent de commettre tout excès ou écart, sauf en cas de légitime défense ou pour protéger la vie ou les biens civils, et que toute allégation d’excès fait l’objet d’une enquête par la police ou par le ministère de l’Intérieur dans le cadre de procédures juridiques et administratives établies et donne lieu à un suivi systématique. En cas d’allégations graves, de multiples enquêtes sont menées par les organes et autorités compétents. Le gouvernement réitère également les informations fournies précédemment quant au nombre de cours et de formations sur les droits de l’homme, les libertés publiques et les droits syndicaux organisés à l’intention des policiers entre 2011 et 2017 et ajoute que chaque policier reçoit par ailleurs une formation sur les droits de l’homme, les droits fondamentaux et les droits constitutionnels durant les cours de base. Comme la sensibilisation est importante pour éviter le harcèlement, en juillet 2019, la police industrielle a émis des instructions pour que quiconque ne soit pas harcelé sans raison apparente pendant les conflits sociaux. En outre, entre 2017 et 2019, un total de 288 formations, ateliers et séminaires ont été organisés pour la police, auxquels 5 052 personnes ont participé. En ce qui concerne les allégations d’ingérence répétée de la police dans les activités syndicales, une réunion a eu lieu en avril 2018 entre la police industrielle et le ministre du Travail et de l’Emploi, au cours de laquelle les instructions nécessaires ont été données aux fonctionnaires concernés. Des mesures préventives supplémentaires ont également été prises pour garantir des conditions de travail paisibles et agréables dans le secteur de la confection, avec la création de 29 comités dans les districts à forte intensité de main-d’œuvre, composés de fonctionnaires du ministère du Travail et du Département de l’inspection des fabriques et établissements.
  3. 274. Le gouvernement réaffirme également qu’aucune plainte pour menaces de mort ou violences physiques contre des dirigeants syndicaux en garde à vue n’a été déposée auprès de la police après la grève d’Ashulia de 2016, mais que toute plainte de ce type ferait l’objet d’une enquête de police. Si des violences physiques sont commises en garde à vue, ce qui est rare, la personne fautive est poursuivie conformément à la loi. En outre, lors d’une réunion tenue en mai 2019 entre le ministère du Travail et de l’Emploi et le ministère de l’Intérieur, ce dernier a été prié de prendre les mesures nécessaires sur la base des recommandations du comité.
  4. 275. Le gouvernement fait savoir en outre, en ce qui concerne les allégations de répression policière violente des manifestations de 2018 contre le salaire minimum que, entre le 9 décembre 2018 et le 12 janvier 2019, des travailleurs de plusieurs usines des zones d’Ashulia et de Savar à Dhaka sont descendus dans la rue pour protester contre une augmentation insuffisante du salaire minimum, que la police n’a fait usage que de la force minimale pour protéger la vie et les biens des civils et n’a fait usage d’aucune arme létale dans aucun des lieux et que, dans la zone métropolitaine de Dhaka, des biens privés ont été endommagés par les manifestants. Le gouvernement indique en particulier que:
  5. 276. Le gouvernement déclare en outre que, en ce qui concerne les manifestations de 2018-19, les partenaires sociaux ont affirmé que 34 plaintes ont été déposées auprès de la police par les employeurs contre 170 travailleurs nommément désignés et contre 2 030 travailleurs dont les noms ne sont pas connus. Il indique que toutes les plaintes déposées par les employeurs l’ont été pour vandalisme sur des véhicules, blocage de routes et destruction de biens publics et que, sur ces cas, 19 plaintes ont été retirées, 10 sont en instance et 2 n’avaient pas trait à la question des salaires, 1 a été déposée contre une personne étrangère à l’affaire (non-travailleur), 1 a été réglée par un rapport final de la police, dans la mesure où aucun témoin n’a été trouvé, et 1 plainte n’a pas été déposée. Trois nouvelles plaintes ont été déposées par la police pour les mêmes motifs contre 300 personnes dont les noms ne sont pas connus. Le gouvernement indique également que 77 travailleurs ont été arrêtés, mais qu’ils ont tous été libérés sous caution par la suite et que 7 autres travailleurs ont été arrêtés pour avoir incendié un autobus public. Il explique que, aussitôt qu’une plainte est déposée auprès de la police, des vérifications préliminaires sont effectuées et, si des motifs suffisants sont trouvés, l’auteur est poursuivi ou l’affaire est classée sans suite par le biais d’un rapport final. À ce jour, aucune accusation n’a été portée contre un travailleur dans les incidents susmentionnés et aucun travailleur n’est en prison. Le gouvernement fournit également des copies des mémorandums d’accord conclus de septembre 2018 à avril 2019 entre les travailleurs et les employeurs dans plusieurs entreprises, prévoyant le paiement des salaires et des sommes légalement dues aux travailleurs licenciés ou suspendus.
  6. 277. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle un travailleur aurait trouvé la mort durant les manifestations de 2018-19, le gouvernement fait savoir que la police n’a pas fait usage d’armes létales pendant les troubles sociaux et que plusieurs «magistrats exécutifs» étaient présents avec la police pour surveiller l’utilisation des armes. La police a appris plus tard qu’un travailleur avait été gravement blessé et transporté à l’hôpital où il a été déclaré mort. Le rapport de l’enquête préliminaire montre qu’aucune arme létale n’a été utilisée et qu’une blessure ronde de 2 centimètres a été découverte sur le côté gauche de la poitrine de la victime. Le rapport post mortem a montré que la cause de la mort était une hémorragie et un choc résultant d’une blessure par pénétration d’une arme pointue émoussée de nature à provoquer la mort. L’affaire suit son cours.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 278. Le comité note que ce cas concerne des allégations de violations graves des droits de liberté syndicale par le gouvernement, en particulier par l’action des forces de police à la suite d’une grève dans des usines de confection à Ashulia en décembre 2016, y compris la détention arbitraire de dirigeants syndicaux et de militants, des menaces de mort proférées et des violences physiques infligées au cours de la détention, de fausses accusations pénales, la surveillance de syndicalistes, l’intimidation et l’ingérence dans les activités syndicales. Les organisations plaignantes allèguent également un recours excessif aux forces de police lors d’une manifestation pacifique en décembre 2018 et janvier 2019.
  2. 279. En ce qui concerne les allégations de poursuites pénales illégitimement engagées contre des centaines de travailleurs nommément désignés ou dont les noms ne sont pas connus à la suite de la grève de 2016 à Ashulia, précédemment examinées dans ce cas, le comité croit comprendre, d’après les informations fournies par le gouvernement que, sur les 10 plaintes initialement déposées contre des centaines de travailleurs nommément désignés ou dont les noms ne sont pas connus, 8 ont été rejetées faute de preuves, et 2 plaintes contre 20 personnes nommément désignées et environ 110 personnes dont les noms ne sont pas connus sont actuellement en instance devant les tribunaux pour vandalisme, pillage et destruction de biens. Les audiences dans ces deux dernières affaires sont prévues pour octobre 2020. Rappelant que le comité a signalé le danger que représentent pour le libre exercice des droits syndicaux des inculpations prononcées à l’encontre de représentants de travailleurs dans le cadre d’activités liées à la défense des intérêts de leurs mandants [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 154], le comité veut croire que les deux procédures restantes seront conclues sans autre délai et prie le gouvernement de le tenir informé de leur issue.
  3. 280. En ce qui concerne l’obligation pour la police de rendre des comptes au regard des allégations d’arrestation et de détention arbitraires de syndicalistes à la suite de la grève menée à Ashulia en 2016 [recommandation a)], le comité prend note des informations fournies par le gouvernement sur le nombre de formations, ateliers et cours dispensés aux policiers sur les droits de l’homme et les droits syndicaux jusqu’en 2019 (portant sur des sujets tels que les droits fondamentaux, les droits constitutionnels, les libertés publiques, les opérations antiémeutes, le droit du travail et les droits syndicaux), ainsi que sur les autres mesures préventives, en particulier la publication d’instructions sur les restrictions imposées au harcèlement pendant les conflits sociaux. Il observe également que, d’après les informations fournies à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de 2019 (commission d’experts), des mesures préventives ont été mises en place pour éviter les incidents de violation des libertés publiques, notamment des actions de sensibilisation, des formations et des séminaires sur les droits de l’homme et au travail à l’intention des fonctionnaires de police. Tout en prenant note de l’indication générale du gouvernement selon laquelle tout excès présumé du personnel chargé de l’application des lois fait l’objet d’une enquête en bonne et due forme dans le cadre des procédures juridiques et administratives établies, le comité note que le gouvernement ne donne aucun détail quant aux mesures concrètes prises pour renforcer l’obligation de la police de rendre des comptes en cas de privation arbitraire de liberté. Considérant que les mesures d’arrestation de syndicalistes et de dirigeants d’organisations d’employeurs peuvent créer un climat d’intimidation et de crainte empêchant le déroulement normal des activités syndicales [voir Compilation, paragr. 126], le comité encourage le gouvernement à prendre des mesures concrètes pour renforcer la formation des agents de police, en particulier sur la question des arrestations et des détentions arbitraires de syndicalistes, afin de renforcer l’obligation de rendre des comptes pour toute violation à cet égard, de telle sorte que les syndicalistes ne fassent plus l’objet de mesures arbitraires d’arrestation et de détention. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur la nature et le contenu de toute formation fournie ou prévue à cet égard.
  4. 281. En ce qui concerne les allégations d’ingérence répétée de la police dans les activités syndicales à la suite de la grève d’Ashulia de 2016 [recommandation c)], le comité rappelle que, lors de son précédent examen du cas, il avait noté avec regret que le gouvernement n’avait fourni aucune information sur la conduite d’une enquête interne sur ces allégations et l’avait prié de veiller à ce que des instructions appropriées soient données à la police afin d’éviter que de telles pratiques ne se reproduisent à l’avenir. Le comité prend note de l’indication générale du gouvernement selon laquelle les instructions nécessaires ont été données aux fonctionnaires concernés en avril 2018. Compte tenu du caractère grave et répété des allégations (irruption dans les bureaux des syndicats, interruption de séances de formation, confiscation du matériel de formation et d’autres matériels syndicaux, etc.), le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que des instructions et une formation claires soient données aux policiers, y compris l’élaboration de modules de formation sur les droits syndicaux et toute autre mesure appropriée, afin de prévenir efficacement, à l’avenir, l’ingérence de la police dans les activités syndicales.
  5. 282. En ce qui concerne l’enquête sur les allégations de menaces de mort, de violences physiques et de bastonnades pendant la garde à vue [recommandation b)], le comité regrette de constater, d’après les informations fournies par le gouvernement, qu’aucune enquête de ce type ne semble avoir eu lieu jusqu’à présent et que le gouvernement se contente de réaffirmer une fois de plus qu’aucune plainte pour violences n’a été déposée auprès de la police. Dans ces conditions, le comité se voit dans l’obligation de rappeler que, dans les cas allégués de tortures ou de mauvais traitements de prisonniers, les gouvernements devraient mener des enquêtes indépendantes sur les plaintes de cette nature pour que les mesures qui s’imposent, y compris la réparation des préjudices subis, soient prises et que des sanctions soient infligées aux responsables pour veiller à ce qu’aucun détenu ne subisse ce genre de traitement. [Voir Compilation, paragr. 112.] Notant en outre que le gouvernement a indiqué qu’en mai 2019 le ministère de l’Intérieur a été prié de donner suite aux recommandations du comité et rappelant qu’une enquête indépendante sur les allégations de torture et de mauvais traitements est la première étape pour protéger efficacement les individus contre ces violations aussi graves de leurs droits fondamentaux, le comité prie instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante – menée par une institution indépendante de celle qui serait impliquée – concernant les allégations de menaces de mort, violences physiques et bastonnades dont auraient été victimes des syndicalistes arrêtés et détenus à la suite de la grève d’Ashulia, ainsi que dans tous les autres cas présumés d’intimidation et de harcèlement par la police au cours de la même période, et de le tenir informé des mesures prises à ce sujet. Le comité invite à nouveau les organisations plaignantes à fournir toutes informations pertinentes additionnelles aux autorités nationales compétentes, afin qu’elles puissent diligenter une enquête en toute connaissance de cause.
  6. 283. En ce qui concerne les allégations plus récentes de répression violente de manifestations pacifiques de travailleurs de la confection [recommandation d)], le comité prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement, indiquant en particulier que des dizaines de milliers de travailleurs sont descendus dans la rue à plusieurs reprises en décembre 2018 et janvier 2019 pour protester contre une augmentation insuffisante du salaire minimum, bloquant les routes et interrompant la circulation. Le comité observe toutefois que, si les organisations plaignantes font état de manifestations pacifiques et dénoncent leur répression violente par la police, qui a entraîné la mort d’un travailleur et blessé au moins 80 personnes, le gouvernement affirme que les manifestants montraient des signes d’agitation, vandalisant des véhicules et jetant des objets pesants sur les policiers, blessant plusieurs d’entre eux, et que la police a dû disperser la foule en utilisant des armes non létales. Concernant les allégations selon lesquelles un travailleur aurait été tué par un tir, le comité note que, selon le gouvernement, aucune arme létale n’a été utilisée par la police, que la victime a été trouvée avec une blessure sur le côté gauche de la poitrine de nature à provoquer la mort et que l’affaire est actuellement en cours d’instruction. Au vu des informations disponibles, le comité ne peut que dire sa préoccupation devant les actes de violence commis des deux côtés et rappelle que, si les principes de la liberté syndicale ne protègent pas des abus qui consistent en des actes de caractère délictueux dans l’exercice d’une action de protestation [voir Compilation, paragr. 224], la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. Dans les cas où la dispersion d’assemblées publiques ou de manifestations par la police a entraîné la perte de vies humaines ou des blessures graves, le comité a attaché une importance spéciale à ce qu’on procède immédiatement à une enquête impartiale et approfondie des circonstances et à ce qu’une procédure légale régulière soit suivie pour déterminer le bien-fondé de l’action prise par la police et pour déterminer les responsabilités. [Voir Compilation, paragr. 82 et 104.] Le comité prie donc le gouvernement de diligenter sans retard une enquête indépendante sur l’usage excessif de la force dont aurait fait preuve la police, faisant au moins 80 blessés parmi les travailleurs, et de l’informer des conclusions et des mesures prises à la suite de cette enquête. Le comité prie aussi le gouvernement de le tenir informé du résultat de l’enquête en cours sur le décès d’un travailleur et des mesures prises en conséquence. Le comité veut croire que ces enquêtes seront menées sans délai et aboutiront à des résultats concrets permettant d’établir les faits de manière incontestable et d’identifier leurs auteurs, de manière à pouvoir appliquer les sanctions appropriées et s’employer à éviter leur répétition à l’avenir.
  7. 284. Le comité observe en outre, en ce qui concerne les manifestations de janvier 2019, que plusieurs mémorandums d’accord ont été conclus entre les travailleurs et les employeurs dans plusieurs entreprises, prévoyant le paiement des salaires et des sommes légalement dues aux travailleurs licenciés ou suspendus. Il note en outre que 37 plaintes ont été déposées auprès de la police (34 par les employeurs et 3 déposées par la police elle-même) contre 170 travailleurs nommément désignés et des milliers de personnes dont les noms ne sont pas connus pour vandalisme contre des véhicules, blocage de routes et destruction de biens publics (19 plaintes ont maintenant été retirées, 5 ont été classées pour différentes raisons, 10 sont en instance et, dans le cas de 3 plaintes, aucune information actualisée n’a été fournie), que 84 travailleurs ont été arrêtés puis relâchés et qu’aucune charge n’a été retenue contre quiconque en rapport avec ces incidents. Tout en prenant dûment note du fait que, au moment de l’établissement du rapport du gouvernement, aucune accusation n’avait été portée contre un travailleur quelconque, le comité note que 10 plaintes sont toujours en instance et n’ont donc pas encore été entièrement classées par un rapport final et qu’aucune information actualisée n’a été fournie sur les 3 plaintes déposées par la police. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de préciser si ces affaires ont finalement donné lieu à des poursuites pénales contre un travailleur ou si elles ont été classées sans suite dans un rapport final, et de fournir des informations actualisées sur l’état d’avancement de toutes les arrestations de travailleurs ayant participé aux manifestations de janvier 2019.
  8. 285. Considérant que les organisations plaignantes dans le présent cas ont formulé des allégations répétées de recours excessif à la force, d’arrestation et de détention arbitraires, d’intimidation, de violences physiques et d’autres violations des libertés publiques lors des manifestations de travailleurs en 2016 et 2018-19 et, conformément à ses recommandations ci-dessus, le comité encourage le gouvernement à intensifier ses efforts pour fournir une formation concrète, régulière et complète aux policiers et autres agents de l’État concernés sur les questions des libertés publiques, des droits de l’homme et des droits syndicaux, afin d’éviter l’usage excessif de la force et de garantir le plein respect des libertés publiques lors des assemblées et manifestations publiques, ainsi que l’obligation, pour les auteurs d’éventuelles violations, d’en rendre pleinement compte.
  9. 286. Enfin, le comité prend note des allégations complémentaires soumises par les organisations plaignantes et prie le gouvernement de fournir des observations détaillées à ce sujet, en particulier en ce qui concerne les affaires pénales qui seraient en cours contre des centaines de travailleurs à la suite des manifestations de 2018-19 relatives au salaire minimum.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 287. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • Le comité veut croire que les deux procédures en instance engagées contre des travailleurs à la suite de la grève d’Ashulia de 2016 seront menées à bien sans autre délai et prie le gouvernement de le tenir informé de leur issue.
    • Le comité encourage le gouvernement à prendre d’autres mesures concrètes pour améliorer la formation des policiers sur l’aspect spécifique des arrestations et détentions arbitraires et pour renforcer l’obligation de rendre des comptes pour toute violation à cet égard, afin que les syndicalistes ne fassent plus l’objet de mesures arbitraires d’arrestation et de détention. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur la nature et le contenu de toute formation fournie ou prévue à cet égard.
    • Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que des instructions et une formation claires soient données aux policiers, y compris l’élaboration de modules de formation sur les droits syndicaux et toute autre mesure appropriée, afin de prévenir efficacement, à l’avenir, l’ingérence de la police dans les activités syndicales.
    • Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante – menée par une institution indépendante de celle qui serait impliquée – concernant les allégations de menaces de mort, violences physiques et bastonnades dont auraient été victimes des syndicalistes arrêtés et détenus à la suite de la grève d’Ashulia de 2016, ainsi que dans tous les autres cas présumés d’intimidation et de harcèlement par la police au cours de la même période, et de le tenir informé des mesures prises à ce sujet. Le comité invite à nouveau les organisations plaignantes à fournir toutes informations pertinentes additionnelles aux autorités nationales compétentes, afin qu’elles puissent diligenter une enquête en toute connaissance de cause.
    • Le comité prie le gouvernement de diligenter sans retard une enquête indépendante sur l’usage excessif de la force dont aurait fait preuve la police durant les manifestations de 2018-19, faisant au moins 80 blessés parmi les travailleurs, et de l’informer des conclusions et des mesures prises à la suite de cette enquête. Le comité prie aussi le gouvernement de le tenir informé du résultat de l’enquête en cours sur le décès d’un travailleur et des mesures prises en conséquence. Le comité veut croire que ces enquêtes seront menées sans délai et aboutiront à des résultats concrets permettant d’établir les faits de manière incontestable et d’identifier leurs auteurs, de manière à pouvoir appliquer les sanctions appropriées et s’employer à éviter leur répétition à l’avenir.
    • Le comité prie le gouvernement de préciser si les 13 affaires en instance auprès de la police en rapport avec les manifestations de 2018-19 ont finalement donné lieu à des poursuites pénales contre un travailleur ou si elles ont été classées sans suite dans un rapport final, et de fournir des informations actualisées sur l’état d’avancement de toutes les arrestations de travailleurs ayant participé aux manifestations de janvier 2019.
    • Compte tenu de la gravité et du caractère répété des allégations dans le présent cas, le comité encourage le gouvernement à intensifier ses efforts pour fournir une formation concrète, régulière et complète aux policiers et autres agents de l’État concernés sur les questions des libertés publiques, des droits de l’homme et des droits syndicaux, afin d’éviter l’usage excessif de la force et de garantir le plein respect des libertés publiques lors des assemblées et manifestations publiques, ainsi que l’obligation, pour les auteurs d’éventuelles violations, d’en rendre pleinement compte.
    • h) Le comité prie le gouvernement de fournir des observations détaillées au sujet des allégations complémentaires soumises par les organisations plaignantes, en particulier en ce qui concerne les affaires pénales qui seraient en cours contre des centaines de travailleurs à la suite des manifestations de 2018 19 relatives au salaire minimum.
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