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Rapport définitif - Rapport No. 392, Octobre 2020

Cas no 3291 (Mexique) - Date de la plainte: 23-MAI -17 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante allègue une discrimination antisyndicale, dont des actes de harcèlement et d’intimidation, des licenciements discriminatoires, la suspension du paiement des salaires et autres prestations, ainsi que la non-reconnaissance de son statut de syndicat minoritaire par l’entreprise

  1. 737. La plainte figure dans des communications du Syndicat unique national indépendant des travailleurs de LICONSA au Mexique (SUNITEL) en date des 23 et 31 mai et du 4 octobre 2017.
  2. 738. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications en date du 30 janvier et du 22 novembre 2018.
  3. 739. Le Mexique a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 740. Dans ses communications en date des 23 et 31 mai et du 4 octobre 2017, l’organisation plaignante indique être un syndicat d’un organisme semi-public, LICONSA, S.A. de C.V. («l’entreprise»), et avoir été légalement constitué et reconnu officiellement par la procédure de toma de nota le 15 décembre 2014. Elle allègue avoir été victime d’actes de discrimination antisyndicale perpétrés par des représentants de l’entreprise et des membres du Syndicat national des travailleurs de l’industrie du lait, de l’industrie alimentaire et des industries apparentées et connexes (SINDILAC) affilié à la Confédération des travailleurs du Mexique (CTM) et signataire de la convention collective; elle allègue notamment qu’il arrive que ses membres fassent l’objet de harcèlement et d’intimidation, soient mutés d’un lieu de travail vers un autre sans être consultés et soient victimes de licenciements injustifiés, et que le versement de leur salaire et autres prestations soit suspendu. L’organisation plaignante affirme aussi ne pas être reconnue par l’entreprise et par le syndicat majoritaire en tant que syndicat minoritaire nouvellement créé.
  2. 741. L’organisation plaignante indique que, comme suite au dépôt, auprès de l’entreprise, de la toma de nota attestant la création du syndicat en décembre 2014, l’entreprise a pris des mesures répressives en mutant sans les consulter vers un autre lieu de travail, dès le 29 janvier 2015 et jusqu’à la fin de 2016, les membres et représentantes du SUNITEL Mmes Araceli López Munguía (secrétaire générale), María Isabel Guillén Torres (rédactrice de comptes rendus), María Irma Flores Núñez (secrétaire au travail et aux conflits) et Delfina Herrera Arriaga (les pièces jointes à l’annexe indiquent que celles-ci ont été détachées vers une sous-direction distincte de l’entreprise au sein de la Direction métropolitaine sud, dont elles relèvent) et en les affectant à la campagne «Croisade nationale contre la faim» du gouvernement fédéral. L’organisation plaignante signale que, depuis janvier 2015, elle s’est rendue à six reprises au Sous-Secrétariat au travail du Secrétariat au travail et à la prévoyance sociale et a rencontré des représentants du SINDILAC-CTM et de l’entreprise employeuse, qui n’ont pas reconnu la création du nouveau syndicat indépendant ni entériné ses propositions, qui ont été dénigrées et ignorées.
  3. 742. L’organisation plaignante allègue que ses membres et ses représentants ont subi des représailles pour avoir créé le syndicat et cite l’exemple de: i) M. Alfredo Celedonio Flores Núñez, frère de l’une des dirigeantes du SUNITEL, qui aurait été muté sans être consulté à l’usine de Toluca en raison de ce lien de parenté; ii) Mme Leticia López Hernández qui, le 20 juin 2016, aurait été suspendue pour faute administrative pour une durée de huit jours par le directeur de l’entreprise, lequel, avec la complicité du SINDILAC-CTM, aurait donné l’ordre aux gardiens de ne pas la laisser entrer; iii) Mmes María Irma Flores Núñez (secrétaire au travail et aux conflits) et Leticia López Hernández, dont le salaire et les autres prestations n’auraient pas été versés depuis le 14 mars 2017; et iv) Mmes Araceli López Munguía (secrétaire générale), Delfina Herrera Arriaga et María Isabel Guillén Torres (rédactrice de comptes rendus), dont le salaire et les autres prestations n’auraient pas été versés depuis le 15 avril 2017.
  4. 743. L’organisation plaignante indique que, le 12 avril 2016, elle a saisi le Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage (JFCA) d’une requête dans laquelle elle demandait à devenir signataire de la convention collective de l’entreprise et, en tant que syndicat indépendant, à être représentée au prorata du nombre de travailleurs qui lui étaient affiliés. Elle indique à cet égard que, faute de fondement juridique à l’appui de la requête, le Conseil fédéral a rejeté la requête du SUNITEL dans sa décision arbitrale du 13 juin 2017 et a jugé en outre qu’il n’y avait pas lieu qu’il se prononce sur la demande du syndicat à être reconnu en tant que représentant de ses membres et travailleurs affiliés étant donné que l’enregistrement officiel de l’organisation produisait des effets qu’elle pouvait faire valoir devant toutes les autorités. Le 26 juin 2017, l’organisation plaignante a adressé au président du Conseil fédéral une injonction administrative lui demandant de rétablir les relations professionnelles entre les membres du SUNITEL, l’entreprise et le SINDILAC-CTM, mais elle n’a reçu aucune réponse, et le 4 juillet 2017 elle a formé un recours en amparo direct contre la décision arbitrale.
  5. 744. L’organisation plaignante indique que, le 9 juin 2017, Mmes Araceli López Munguía, María Irma Flores Muñoz, Delfina Herrera Arriaga, María Isabel Guillén Torres et Leticia López Hernández ont été licenciées abusivement et ont engagé une action devant le tribunal du travail pour contester leur licenciement. À l’appui de leur action, elles ont invoqué l’article 123, alinéa A, partie XXII (obligations de l’employeur en cas de licenciement injustifié ou de licenciement en raison de l’affiliation à une association ou à un syndicat).
  6. 745. L’organisation plaignante affirme que les cotisations syndicales prélevées sur les salaires des personnes affiliées au SUNITEL continuent d’être reversées au SINDILAC-CTM, même dans les cas où celles-ci ont changé d’affiliation syndicale, et qu’elle a demandé à l’entreprise ce qui justifiait de tels prélèvements, sans obtenir de réponse.
  7. 746. L’organisation plaignante indique qu’elle a saisi plusieurs autorités de requêtes et de plaintes concernant les faits décrits ci-dessus, mais que les autorités et organismes concernés n’ont pas répondu et n’y ont pas donné suite; elle cite, par exemple: i) une plainte concernant des faits survenus le 15 mai 2015 dont elle a saisi le bureau du Procureur fédéral de la défense du travail (PROFEDET); ii) une requête en date du 16 mai 2017 adressée au Sous-Secrétariat au travail du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, décrivant les violations des droits de Mmes Araceli López Munguía, Delfina Herrera Arriaga, María Irma Flores Núñez, María Isabel Guillén Torres et Leticia López Hernández; iii) une requête en date du 25 mai 2017 adressée au Président constitutionnel des États-Unis du Mexique pour l’informer de la situation et lui demander d’intervenir et de suivre la situation; iv) une plainte en date du 1er juin 2017 adressée à la Commission nationale des droits de l’homme, demandant le rétablissement des droits de l’homme relatifs au travail et la réintégration des intéressés à leur poste; v) des lettres (misivas de extrañamiento) datées du 20 juin 2017 adressées au directeur général de l’entreprise, au ministre de l’Intérieur et au ministre du Développement social, et une lettre datée du 29 juin 2017 adressée au Président constitutionnel des États Unis du Mexique, expliquant que, depuis la création du SUNITEL, les membres de ce syndicat étaient victimes de harcèlement et de violence psychologique, ce qui portait atteinte à leurs droits de l’homme relatifs au travail; et vi) une demande datée du 14 juin 2017 adressée au directeur général de l’entreprise semi-publique pour l’informer de l’existence d’un comité syndical composé de représentants du SUNITEL rendant compte de ses activités syndicales au sein de l’entreprise.
  8. 747. L’organisation plaignante indique en outre que, le 26 juin 2017, le SUNITEL a demandé à devenir membre de la Confédération révolutionnaire des ouvriers et paysans (CROC), qui a accepté sa candidature le 28 juin 2017. Le 4 août 2017, le secrétaire général de la Fédération révolutionnaire des ouvriers et paysans (FROC), affiliée à la CROC, a demandé au représentant légal de l’entreprise de mettre les parties en présence afin qu’elles trouvent une solution concertée au conflit entre le SUNITEL, le SINDILAC-CTM et l’entreprise. L’organisation plaignante déclare ne pas avoir eu de réponse.
  9. 748. L’organisation plaignante affirme que, le 25 septembre 2017, Mmes Araceli López Munguía (secrétaire générale) et Margarita Leticia Flores Prudencio (secrétaire en charge de l’organisation et de la communication) ont reçu une citation à comparaître, d’ordre pénal, le jour même près l’agent du ministère public de la fédération et le bureau d’enquête V-DDF relevant des services du Procureur général de la République. Les membres de l’organisation plaignante ne se sont pas présentés, faute d’avoir été prévenus dans les délais prévus à l’article 72 du Code de procédure pénale (soit quarante-huit heures avant le jour et l’heure prévus des audiences). L’organisation plaignante allègue que les citations à comparaître participent de la volonté de la dissuader de poursuivre le renforcement du SUNITEL et de lui imprimer l’élan voulu.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 749. Dans ses communications en date des 30 janvier et 22 novembre 2018, le gouvernement transmet ses observations ainsi que celles de l’entreprise.
  2. 750. Le gouvernement indique que, le 12 avril 2016, le SUNITEL a saisi la seizième chambre spéciale du JFCA d’une requête dans laquelle il demandait entre autres à l’entreprise et au SINDILAC-CTM de: i) déclarer inapplicables et nulles certaines clauses de la convention collective de travail, révisée le 14 novembre 2017, qui octroient trop de privilèges au syndicat signataire de la convention collective; et ii) reconnaître au SUNITEL le droit de défendre les intérêts professionnels de ses membres. Le gouvernement indique que les parties ne sont parvenues à aucun accord au stade de la conciliation, en raison du défaut de comparution de l’entreprise et du syndicat défendeur, qui ne se sont pas présentés non plus à l’audience de conciliation, demandes et exceptions ni à l’audience consacrée au dépôt et à l’acceptation des preuves, se privant ainsi de leur droit de présenter des preuves et de rejeter celles de leur contradicteur. Au cours de cette dernière audience, les preuves fournies par le SUNITEL ont été acceptées dans leur intégralité. Le 4 avril 2017, la seizième chambre spéciale du JFCA a rendu sa décision arbitrale portant acquittement de l’entreprise et du SINDILAC-CTM, au motif que: i) l’organisation plaignante (SUNITEL) n’a pas démontré qu’elle était fondée à poursuivre la procédure judiciaire étant donné que, dans le cadre de l’exercice du droit à la liberté syndicale, et conformément à l’article 388 de la loi fédérale sur le travail, une entreprise peut compter un ou plusieurs syndicats, mais seul le syndicat majoritaire dispose de privilèges admissibles que lui confère la Constitution ou la convention, notamment le droit exclusif de négocier avec l’entreprise en vue de la révision de la convention collective; ii) la convention collective s’applique à tous les travailleurs syndiqués de l’entreprise, ce qui fait que les membres du syndicat minoritaire sont protégés au même titre que les membres du syndicat majoritaire; iii) le fait que le syndicat majoritaire dispose du pouvoir de négociation de la convention collective ne constitue pas un avantage tel que les travailleurs seraient influencés dans le choix de l’organisation à laquelle s’affilier; iv) le SUNITEL n’a pas été privé des moyens dont il a besoin pour défendre les intérêts professionnels de ses membres, étant donné qu’il prend les mesures qu’il considère nécessaires, en leur nom ou pour la défense de leurs droits individuels; et v) le SUNITEL n’a pas besoin d’être accrédité, et le Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage n’a pas lieu de se prononcer sur sa reconnaissance, étant donné que l’enregistrement officiel du syndicat et de son comité directeur produit des effets juridiques dont celui-ci peut se prévaloir devant toutes les autorités et les tiers, comme le prévoit l’article 368 de la loi fédérale sur le travail.
  3. 751. Le gouvernement fait observer que la demande d’injonction administrative dont a été saisi le président du JFCA, soi-disant restée lettre morte, a été considérée comme reçue par la décision du 22 février 2018 et, au vu des arguments exposés, elle a été déclarée irrecevable par la décision arbitrale définitive du 4 avril 2017.
  4. 752. Le gouvernement indique que l’organisation plaignante a formé un recours en amparo direct contre la décision arbitrale devant le dix-septième Tribunal collégial du travail du premier circuit, qui a rendu le 18 octobre 2017 une décision dans laquelle il a rejeté le recours de l’organisation plaignante au motif que celle-ci n’avait pas contesté la décision arbitrale quant au fond. L’affaire a été classée le 14 novembre 2017.
  5. 753. Compte tenu de ce qui précède, le gouvernement fait observer que les faits que le SUNITEL considère comme portant atteinte à ses droits syndicaux ont été examinés en première et en deuxième instance et que les décisions, rendues dans le respect du droit, n’ont pas été favorables au SUNITEL, étant donné qu’aucune violation des normes du travail lui portant préjudice n’a été établie.
  6. 754. Le gouvernement indique que ni l’action devant le tribunal du travail ni le recours en amparo ne concernaient le droit de négociation collective, contrairement à ce qu’affirme l’organisation plaignante dans sa plainte. Il indique cependant que la plainte dont a été saisi le Comité de la liberté syndicale porte sur un différend qui oppose deux syndicats sur la question de savoir qui est fondé à négocier la convention collective régissant les relations professionnelles entre l’entreprise et les travailleurs syndiqués, en particulier ceux du service de la promotion sociale de Tláhuac affiliés au SUNITEL relevant de la Direction métropolitaine sud, et que c’est le SINDILAC-CTM qui est signataire de la convention collective.
  7. 755. Pour ce qui est des cotisations syndicales prélevées sur les salaires des membres du SUNITEL et reversées au SINDILAC-CTM, le gouvernement indique que: i) tous les employés de l’entreprise sont membres du SINDILAC-CTM et représentés par lui, y compris ceux qui revendiquent leur affiliation au SUNITEL; et ii) aucun travailleur n’a demandé à quitter le SINDILAC-CTM ni à ce que les cotisations soient reversées à un autre syndicat, ce qui fait que l’entreprise se trouve dans l’impossibilité de modifier le système de prélèvement des cotisations syndicales, étant donné que prendre une telle décision de manière unilatérale constituerait une violation des droits des travailleurs.
  8. 756. Pour ce qui est de la discrimination antisyndicale dont auraient fait l’objet les membres du SUNITEL lorsqu’ils ont été mutés vers un autre lieu de travail à partir de décembre 2014, après que l’entreprise eut appris la constitution et la reconnaissance officielle du SUNITEL par la procédure de toma de nota, le gouvernement nie ces allégations, arguant que tous les travailleurs (les membres supposés du SUNITEL au même titre que les autres) relèvent toujours de la Direction métropolitaine sud. Le gouvernement affirme que les faits invoqués ont été appréciés de manière subjective et que l’organisation plaignante n’a pas produit de preuves écrites ni de données précises et concrètes. Il indique que le détachement de plusieurs travailleurs à la campagne «Croisade nationale contre la faim» s’est fait dans le respect du contrat de travail conclu entre l’entreprise et chacun des travailleurs et que les membres syndiqués de l’organisation plaignante ne sont de loin pas les seuls travailleurs à avoir fait l’objet de ces détachements ou mutations. Ces mutations ne tenaient donc pas de la discrimination, de la répression ni de l’intimidation, mais avaient été décidés pour servir l’objet social de l’entreprise. Pour ce qui est de M. Alfredo Celedonio Flores Núñez, le gouvernement indique qu’il n’a pas été muté à l’usine de Toluca comme l’affirme l’organisation plaignante et qu’il a toujours relevé de la section des opérations de Tláhuac de la Direction métropolitaine sud (le gouvernement joint des fiches de paie).
  9. 757. De plus, pour ce qui est de la non-reconnaissance du SUNITEL par l’entreprise, le gouvernement ajoute que l’entreprise n’a pas été officiellement notifiée par le SUNITEL de la toma de nota que lui auraient octroyée les autorités compétentes en matière d’emploi et qu’elle n’en a été informée qu’oralement et n’a reçu aucune demande ou proposition du SUNITEL liée à la représentation syndicale qu’il entend exercer.
  10. 758. Quant aux autres allégations de discrimination antisyndicale émanant de l’organisation plaignante, le gouvernement indique que: i) Mme Leticia López Hernández n’a pas été suspendue de ses fonctions, étant donné qu’elle n’a fait l’objet d’aucune procédure administrative et que personne ne l’a empêchée de se rendre au travail ni de pénétrer sur son lieu de travail; et ii) pour ce qui est de la suspension du paiement du salaire dont auraient fait l’objet Mmes Araceli López Munguía, María Irma Flores Núñez, María Isabel Guillén Torres, Leticia López Hernández et Delfina Herrera Arriaga, le gouvernement indique que l’entreprise n’a à aucun moment recouru à une telle mesure, mais que les intéressées ont cessé de se rendre au travail à partir du 15 avril 2017. Le gouvernement précise à cet égard que, pour les employés de l’entreprise relevant de la catégorie des promoteurs sociaux, ce qui est le cas des intéressées, il existe un mécanisme de supervision et de contrôle prévoyant que les superviseurs se rendent sur les sites de distribution du produit pour s’assurer de la présence des travailleurs sur les lieux de la prestation de services. Ce mécanisme a permis de constater l’absence des travailleuses, et les procédures prévues par la loi ont été mises en œuvre pour que des prestations non réalisées ne soient pas indûment payées (rapport d’incident confidentiel joint à l’annexe). Le gouvernement indique qu’étant donné que le salaire est versé en contrepartie de la prestation d’un service il n’y a pas lieu de payer des services non rendus, car cela se ferait au détriment des finances publiques et constituerait un détournement de fonds de la part de l’entreprise.
  11. 759. Au sujet de l’allégation relative à l’absence de réponse ou de suivi, de la part des autorités et organismes publics compétents, le gouvernement indique que: i) le 15 mai 2017, Mmes Araceli López Munguía et María Irma Flores Núñez ont effectivement consulté à titre personnel le PROFEDET qui leur a fourni des conseils juridiques sur le droit du travail et leur a demandé de lui transmettre les informations et les documents nécessaires à l’analyse de leur cas, mais celles-ci ne se sont jamais présentées à nouveau dans le service; ii) la Commission nationale des droits de l’homme a indiqué que, pour ce qui est de la plainte en date du 1er juin 2017 présentée par plusieurs membres du SUNITEL pour dénoncer des violations des droits de l’homme dont ils auraient été victimes, l’examen de la plainte a permis de conclure que le différend opposait la LINCONSA et le SUNITEL, raison pour laquelle ladite commission s’est déclarée incompétente en la matière et a orienté le SUNITEL vers le PROFEDET ou l’organe de contrôle interne de l’entreprise pour que l’un ou l’autre mène l’enquête; iii) la Direction générale de l’aide aux citoyens relevant de la Présidence indique avoir reçu les lettres datées du 25 mai et du 29 juin 2017 et les avoir transmises aux organismes compétents, qui ont répondu; iv) le directeur général de l’entreprise a indiqué ne pas avoir reçu la demande d’informations du comité syndical mentionnée par l’organisation, expliquant qu’il n’y avait aucune trace attestant la réception de ce document et ajoutant qu’il n’existe pas de comité syndical des travailleuses; v) pour ce qui est de la requête en date du 16 mai 2017 dont a été saisi le Comité chargé de la transparence du ministère de la Fonction publique, le gouvernement indique qu’elle a été traitée dans le respect du droit, et la demanderesse a été informée de ce que les informations demandées n’existaient pas; et vi) l’entreprise a indiqué n’avoir reçu aucun document écrit de la part de l’organisation plaignante dans laquelle celle ci décrirait des cas de harcèlement au travail, document que l’organisation plaignante indique avoir envoyé au ministre de l’Intérieur, au ministre du Développement social et au Président de la République. Compte tenu de ce qui précède, le gouvernement considère que toutes les demandes émanant de l’organisation plaignante ont été dûment traitées par les autorités compétentes.
  12. 760. Le gouvernement déclare que le président du JFCA a confirmé l’ouverture d’une procédure au nom de López Hernández, Leticia et consorts devant la sixième chambre spéciale du Conseil fédéral, affaire qui porte la cote no 323/2017 et qui en est au stade de la conciliation, demandes et exceptions. Le procès est en cours. Le gouvernement indique que la décision rendue à l’issue du procès pour licenciement injustifié sera respectée.
  13. 761. Le gouvernement indique que, pour ce qui est de la demande d’entretien adressée par la FROC au représentant légal de l’entreprise afin que soit trouvée une solution concertée au conflit, l’entreprise indique qu’il n’y a aucun conflit à régler avec les membres de l’organisation plaignante, qui sont toujours membres du SINDILAC CTM dont ils ne se sont pas désaffiliés, et que les membres syndiqués peuvent toujours se faire entendre par l’intermédiaire de leurs représentants syndicaux légitimes reconnus par l’entreprise. L’entreprise indique également que le conflit est un conflit entre les syndicats.
  14. 762. Le gouvernement conclut en demandant au comité de tenir compte de la partialité avec laquelle l’organisation plaignante a relaté les faits, sachant qu’elle a été officiellement reconnue par l’État mexicain, qui a respecté tous ses droits relatifs à la liberté d’association et lui a apporté le soutien, les conseils, l’attention et les réponses dont elle avait besoin en temps voulu, et a veillé à ce que les institutions de l’État règlent les conflits en lien avec le travail avec impartialité et équité. Le gouvernement réaffirme que, compte tenu que le conflit est un conflit de personnes, d’une part, et un conflit entre syndicats, d’autre part, c’est aux parties prenantes, et à elles seules, qu’il incombe de les régler au sein du mouvement syndical.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 763. Le comité note que, dans la présente plainte, l’organisation plaignante allègue que ses membres ont été victimes d’actes de discrimination antisyndicale, dont des licenciements injustifiés, la suspension du paiement des salaires et d’autres prestations, des actes de harcèlement et d’intimidation, des mutations vers un autre lieu de travail sans avoir été consultés, entre autres; elle allègue aussi la non-reconnaissance, par l’entreprise et le syndicat majoritaire, du Syndicat unique national indépendant des travailleurs de LICONSA au Mexique (SUNITEL) en tant que syndicat minoritaire nouvellement créé.
  2. 764. Pour ce qui est des procédures contestées par l’organisation plaignante, le comité note que d’après le gouvernement, le 12 avril 2016, le SUNITEL a engagé une action en justice qui a abouti le 4 avril 2017 à une décision arbitrale définitive en faveur de l’entreprise et du Syndicat national des travailleurs de l’industrie du lait, de l’industrie alimentaire, et des industries apparentées et connexes (SINDILAC) affilié à la Confédération des travailleurs du Mexique (CTM). Il a été considéré dans la décision arbitrale que les revendications de l’organisation plaignante n’étaient pas valables étant donné que celle-ci n’était pas fondée à demander la nullité ou le retrait de certaines clauses de la convention collective de travail au motif qu’elles octroyaient trop de privilèges au syndicat signataire (SINDILAC-CTM), et il a été rappelé que, conformément à l’article 388 de la loi sur le travail, dans les cas où plusieurs syndicats coexistent dans une entreprise, c’est le syndicat majoritaire qui a le pouvoir exclusif de négocier et de faire appliquer la convention collective conclue avec l’entreprise, les syndicats minoritaires conservant le droit de défendre les intérêts professionnels de leurs membres et s’en faisant le porte-parole, entre autres. Le gouvernement précise que la demande d’injonction administrative dont a été saisi le président du Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage (JFCA) en vue du rétablissement des relations de travail entre le SUNITEL, le SINDILAC-CTM et l’entreprise a été prise en considération et a abouti à la décision du 22 février 2018 qui a conclu à l’irrecevabilité de la demande. Le gouvernement ajoute que le recours en amparo direct formé par l’organisation plaignante a également été rejeté. En outre, le comité prend dûment note des arguments du gouvernement selon lesquels, contrairement à ce qu’indique l’organisation plaignante, les actions engagées devant le JFCA et le tribunal collégial de circuit en matière de travail ne portaient pas sur la reconnaissance du droit de négociation collective (des informations communiquées par le gouvernement et l’organisation plaignante, il ressort que le décompte officiel des suffrages des travailleurs – principal élément produit pour revendiquer son droit de négociation collective – n’a pas été demandé au cours du procès).
  3. 765. Le comité relève qu’effectivement, comme l’indique le gouvernement, une partie de la plainte a trait à un conflit intersyndical opposant l’organisation plaignante et le syndicat titulaire de la convention collective. Les différends au sein du mouvement syndical étant hors de son champ de compétence, le comité ne poursuivra pas l’examen quant au fond.
  4. 766. Pour ce qui est des allégations de discrimination antisyndicale de la part de l’entreprise:
    • a) pour ce qui est de l’allégation concernant les mutations vers un autre lieu de travail à partir de décembre 2014 (date à laquelle le syndicat dit avoir informé l’entreprise de sa création), le comité note que le gouvernement nie ces affirmations et explique que les membres affiliés à l’organisation plaignante ne sont pas les seuls à avoir été affectés à la campagne du gouvernement fédéral intitulée «Croisade nationale contre la faim» et que toutes les personnes qui ont été affectées à ce projet l’ont été dans le respect des obligations prévues dans leur contrat de travail. Le comité fait observer à cet égard que l’entreprise n’a pas la même version des faits que l’organisation plaignante. Il prend dûment note des déclarations du gouvernement selon lesquelles Alfredo Celedonio Flores Núñez n’a pas été muté à l’usine de Toluca et a joint à l’annexe des fiches de paie qui attestent que celui-ci relève toujours de la Direction métropolitaine sud;
    • b) pour ce qui est de la prétendue suspension du paiement du salaire de Mmes Araceli López Munguía, María Irma Flores Núñez, María Isabel Guillén Torres, Leticia López Hernández et Delfina Herrera Arriaga, le comité prend note des informations fournies par le gouvernement selon lesquelles les intéressées ont cessé de venir travailler à partir du 15 avril 2017 et prend acte des documents élaborés dans le cadre du mécanisme de supervision et de contrôle par les superviseurs (pour la période allant du 16 avril au 15 mai 2017). Le comité prend note de la divergence de vues entre l’organisation plaignante – qui allègue que Mme Leticia López Hernández a été suspendue de ses fonctions pour faute administrative le 23 juin 2016, à la suite de quoi l’entreprise aurait donné l’ordre aux gardiens de ne pas la laisser entrer – et le gouvernement, qui indique que cette personne n’a fait l’objet d’aucune procédure administrative; et
    • c) le comité déclare qu’il semble y avoir un lien entre les allégations de licenciements antisyndicaux et celles concernant la discrimination antisyndicale, vu que les personnes concernées et certains des problèmes exposés coïncident (en particulier en cas d’absence injustifiée). À cet égard, le comité note qu’une procédure portant sur des licenciements injustifiés est en cours et que l’organisation plaignante allègue une discrimination antisyndicale.
  5. 767. Compte tenu de ce qui précède, le comité veut croire que les procédures en cours détermineront dans les plus brefs délais s’il y a eu discrimination syndicale de la part de l’entreprise, en particulier dans les cas de licenciement des membres de l’organisation plaignante, et que, le cas échéant, des sanctions et des mesures de réparation adéquates seront prises, dont la réintégration des travailleurs à leur poste de travail.
  6. 768. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement indiquant que les autorités et les organismes compétents ont donné suite aux diverses demandes présentées par l’organisation plaignante de manière appropriée. En outre, le comité relève que l’organisation plaignante a omis d’indiquer que la citation à comparaître d’ordre pénal qu’elle a mentionnée dans ses allégations avait donné lieu à des poursuites pénales contre les syndicalistes concernés.
  7. 769. Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle l’entreprise n’aurait pas expliqué pourquoi elle continue à prélever les cotisations syndicales reversées au SINDILAC-CTM sur les salaires des membres du SUNITEL, en dépit de leur affiliation à l’organisation plaignante, le comité prend note des informations communiquées par le gouvernement qui indiquent qu’aucun travailleur n’a demandé à ce que l’entreprise verse les cotisations syndicales au SUNITEL, mais les syndiqués qui le souhaiteraient pourraient donner l’ordre à l’entreprise de verser leurs cotisations sociales à l’organisation syndicale de leur choix.
  8. 770. Pour ce qui est de la non-reconnaissance du SUNITEL par l’entreprise, le comité prend note des versions contradictoires fournies d’une part par l’organisation plaignante (qui évoque par exemple l’absence de réponse à la demande formulée le 4 août 2017 par le secrétaire général de la Fédération révolutionnaire des ouvriers et paysans (FROC), affiliée à la Confédération révolutionnaire des ouvriers et paysans (CROC), de mettre les parties en présence afin qu’elles trouvent une solution concertée au conflit qui oppose le SUNITEL, le SINDILAC-CTM et l’entreprise) et d’autre part par le gouvernement, qui affirme qu’il n’existe aucun conflit entre l’entreprise et les membres de l’organisation plaignante.
  9. 771. Au vu de ce qui précède, le comité invite les autorités concernées à promouvoir le dialogue social au sein de l’entreprise, y compris avec l’organisation plaignante, afin de créer des relations professionnelles harmonieuses.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 772. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité invite les autorités concernées à promouvoir le dialogue social au sein de l’entreprise, y compris avec l’organisation plaignante, afin de créer des relations professionnelles harmonieuses.
    • b) Le comité veut croire que les procédures en cours détermineront dans les plus brefs délais s’il y a eu discrimination syndicale de la part de l’entreprise, en particulier en ce qui concerne les licenciements des membres de l’organisation plaignante.
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