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Rapport définitif - Rapport No. 392, Octobre 2020

Cas no 3302 (Argentine) - Date de la plainte: 25-AOÛT -17 - Clos

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Allégations: Non-autorisation du prélèvement des cotisations des membres à la source et absence de dialogue et de négociation avec un syndicat simplement inscrit du secteur judiciaire (AEFPJN)

  1. 235. La plainte figure dans des communications de l’Association des employés et fonctionnaires du pouvoir judiciaire de la nation (AEFPJN) en date des 25 août et 15 décembre 2017.
  2. 236. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications en date des 24 septembre 2018 et 5 juillet 2019.
  3. 237. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 238. Dans ses communications en date des 25 août et 15 décembre 2017, l’organisation plaignante indique être une organisation de premier niveau «simplement inscrite» (simplemente inscripta) du secteur judiciaire. L’AEFPJN allègue que la Cour suprême de justice de la nation (la cour suprême), en tant qu’entité employeuse, n’a même pas autorisé l’examen de sa demande de prélèvement des cotisations syndicales de ses membres à la source. Le refus a été exprimé par la décision administrative no 3566/2016, que la Cour suprême a basée sur des règles internes, en particulier l’article 38 de la loi sur les associations syndicales no 23551, qui n’accorde cet avantage qu’aux entités syndicales ayant le statut de syndicat, à savoir la qualité d’organisme professionnel représentatif (personería gremial). Selon l’organisation plaignante, cette décision a été adoptée après plus de cinq ans de procédures, de requêtes et d’actions en justice engagées par l’AEFPJN.
  2. 239. L’organisation plaignante allègue une restriction à l’exercice de la négociation collective, en ce que la cour suprême n’a jamais convoqué ou reçu les autorités du syndicat. L’AEFPJN considère également que la cour suprême fait preuve de discrimination à son égard en ne l’invitant pas à des discussions sur des questions d’importance institutionnelle. À titre d’exemple, elle mentionne la discussion sur l’«impôt sur le revenu» à laquelle de nombreuses entités représentatives ont pu assister, de même que l’entité ayant le statut de syndicat, mais les représentants de l’AEFPJN n’ont pu y accéder au motif qu’ils n’étaient que membres d’un syndicat simplement inscrit.
  3. 240. D’une manière générale, l’organisation plaignante allègue que, depuis sa création (en 2012), le syndicat n’a jamais été reçu par les autorités ou les représentants de l’employeur (la cour suprême) malgré de nombreuses demandes d’audition faites par divers moyens. Elle affirme que la cour suprême ne fournit pas d’informations à l’AEFPJN et qu’il n’y a pas d’appel au dialogue entre les deux parties. L’AEFPJN souligne que cette absence de dialogue entraîne l’impossibilité d’aborder les questions et les problèmes d’intérêt commun.
  4. 241. L’AEFPJN indique que, compte tenu de ce qui précède, elle a engagé diverses procédures judiciaires contre la cour suprême, notamment en ce qui concerne le prélèvement des cotisations syndicales à la source, ainsi que d’autres demandes formulées par l’organisation plaignante auxquelles elle n’a reçu aucune réponse (concernant le nombre de travailleurs handicapés dans l’appareil judiciaire national, la mise en œuvre des politiques de santé, le paiement des heures supplémentaires et l’augmentation des effectifs). L’organisation plaignante regrette que, en l’absence de dialogue, elle doive recourir à des procédures judiciaires longues et coûteuses.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 242. Dans ses communications en date des 24 septembre 2018 et 5 juillet 2019, le gouvernement fournit des commentaires sur les allégations formulées.
  2. 243. En ce qui concerne l’allégation de non-autorisation du prélèvement des cotisations syndicales, le gouvernement reproche à l’organisation plaignante de s’être adressée à une instance internationale avant d’avoir épuisé sa demande au niveau national. Le gouvernement précise que la déclaration administrative faite par la cour en 2016 en rejetant la requête par la décision administrative no 3566/2016 n’impliquait en aucune manière une déclaration de la cour suprême sur la constitutionnalité des règlements appliqués (la loi sur les associations syndicales). Le gouvernement précise que la fonction administrative n’a pas permis à la cour de contrôler la législation en question à l’époque et considère que l’organisation plaignante aurait dû faire valoir l’inconstitutionnalité de l’article 38 de la loi sur les associations syndicales dès le début.
  3. 244. À cet égard, le gouvernement déclare que, à la suite du recours en amparo formé par l’organisation plaignante qui conteste la constitutionnalité de cet article: i) le tribunal national de première instance du travail no 22 a rejeté le recours de l’organisation plaignante; mais ii) ce jugement a fait l’objet d’un appel, et la chambre I de la Cour d’appel nationale du travail a décidé, le 19 avril 2019, de révoquer le jugement initial et d’ordonner à la cour suprême de mettre en œuvre les moyens d’accorder à l’AEFPJN un code de retenue sur les rémunérations en sa qualité d’agent de prélèvement des montants payés par ses membres au titre des cotisations. Dans son arrêt, en ce qui concerne le cas en l’espèce, la cour d’appel nationale a déclaré l’article 38 de la loi sur les associations syndicales inconstitutionnel et s’est référée à des décisions antérieures de la cour suprême elle-même et à des recommandations antérieures du comité et de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, qui avaient souligné que la législation en question (y compris le fait de restreindre le prélèvement des cotisations syndicales aux organisations ayant le statut de syndicat) n’était pas conforme aux principes et droits fondamentaux consacrés par la convention no 87 de l’OIT.
  4. 245. En ce qui concerne les allégations de manque d’information, ainsi que de manque de dialogue et de négociation avec l’employeur, le gouvernement indique que: i) l’AEFPJN est un syndicat mineur, qui ne compterait que 177 membres; ii) dans la plainte, l’organisation plaignante ne conteste pas cette question et ne mentionne pas avoir engagé un processus d’évaluation aux fins d’être considérée comme une organisation ayant le statut de syndicat; iii) en tant que syndicat simplement inscrit, l’AEFPJN n’a pas la représentativité nécessaire pour accéder à la négociation collective; iv) les autres recours judiciaires cités dans la plainte ne portent pas sur les questions relatives aux droits collectifs des travailleurs judiciaires et, en ce qui concerne l’un de ces cas, la commission du travail mentionnée n’a jamais existé; et v) le gouvernement est toujours ouvert au dialogue social, qui doit être collaboratif, transparent et large, ce qui n’implique pas de méconnaître certains pouvoirs des organisations les plus représentatives en identifiant clairement les agents ayant une capacité de représentation collective.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 246. Le comité note que, dans la présente plainte, l’organisation plaignante dénonce le fait de ne pas être autorisée à prélever les cotisations de ses membres à la source et allègue un manque d’information, de dialogue et de négociation de la part de la cour suprême en tant qu’employeur.
  2. 247. Le comité note que l’une des questions essentielles posées dans la plainte a été résolue en faveur de l’organisation plaignante par un jugement qui, rappelant les décisions antérieures de la cour suprême et les décisions des organes de contrôle de l’OIT, en particulier du comité (cas no 2054), a considéré qu’il était inconstitutionnel et contraire à la liberté syndicale de limiter aux organisations syndicales ayant le statut de syndicat la faculté de prélever les cotisations syndicales à la source. Le comité prend dûment note du fait que ce jugement a ordonné à la cour suprême de mettre en œuvre les moyens d’accorder à l’AEFPJN un code de retenue sur les rémunérations en sa qualité d’agent de prélèvement des montants payés par ses membres au titre des cotisations.
  3. 248. Le comité rappelle que, même si tant les systèmes de négociation collective accordant des droits exclusifs au syndicat le plus représentatif que les systèmes permettant à plusieurs syndicats d’une entreprise de conclure des conventions collectives différentes sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale, lorsque la loi d’un pays établit une distinction entre le syndicat le plus représentatif et les autres syndicats, ce système ne devrait pas avoir pour effet d’empêcher les syndicats minoritaires de fonctionner et d’avoir au moins le droit de formuler des représentations au nom de leurs membres et de représenter ceux-ci dans les cas de réclamations individuelles. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1351 et 1387.]
  4. 249. Le comité constate, d’une part, que l’organisation plaignante ne démontre ni ne prétend être suffisamment représentative pour pouvoir s’engager dans des négociations collectives dans le cadre du système des organisations les plus représentatives (c’est-à-dire ayant le statut de syndicat) établi par la législation nationale. D’autre part, le comité note que le gouvernement, tout en soulignant que l’AEFPJN est un syndicat simplement inscrit, ne nie pas l’absence de dialogue avec l’employeur mentionnée dans la plainte.
  5. 250. Compte tenu de ce qui précède, le comité invite les autorités concernées à promouvoir le dialogue avec l’organisation plaignante, conformément à la législation nationale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 251. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité invite les autorités concernées à promouvoir le dialogue avec l’organisation plaignante, conformément à la législation nationale.
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