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Rapport intérimaire - Rapport No. 392, Octobre 2020

Cas no 3339 (Zimbabwe) - Date de la plainte: 16-OCT. -18 - En suivi

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Allégations: L’organisation plaignante allègue des restrictions au droit de manifester, des décès, des arrestations, des poursuites pénales à l’encontre de dirigeants syndicaux et des accusations de participation à des actions de protestation, ainsi que l’intimidation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes

  1. 968. La plainte figure dans des communications du Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU) datée du 16 octobre 2018 et du 2 avril 2019.
  2. 969. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications datées du 22 mars et du 9 septembre 2019.
  3. 970. Le Zimbabwe a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 971. Dans sa communication datée du 16 octobre 2018, le ZCTU explique que ses allégations concernent les événements survenus le 11 octobre 2018 lorsque, selon l’organisation plaignante, le gouvernement a bloqué, arrêté, brutalisé, intimidé, harcelé et emprisonné des travailleurs qui comptaient s’engager dans une action de protestation contre l’augmentation d’une taxe de 2 cents par dollar et contre la hausse du coût de la vie.
  2. 972. Le ZCTU explique que la nouvelle politique économique intitulée «Fiscal Measures for Reversing Fiscal Disequilibrium» a été présentée le 1er octobre 2018. La nouvelle politique a augmenté la «taxe intermédiaire sur les transferts de fonds» de 5 cents par transaction à 2 cents par dollar transféré. Selon le ZCTU, cette augmentation a diminué le revenu des travailleurs dont le salaire stagne malgré la hausse du coût de la vie et la disparition des produits de base.
  3. 973. Le 4 octobre 2018, le ZCTU a décidé de s’engager dans une action de protestation contre la hausse de taxe proposée. Le ZCTU a informé la police de la République du Zimbabwe (ZRP) des actions de protestation organisées le 11 octobre 2018 dans six centres régionaux du ZCTU. Selon l’organisation plaignante, les 8, 9 et 10 octobre 2018, la ZRP de ces zones respectives a réagi en interdisant l’action de protestation au motif qu’une épidémie de choléra sévissait dans ces zones et que, certaines des questions soulevées par le ZCTU ne concernant pas le travail, il devait se conformer à l’article 25(a) de la loi sur la sécurité et l’ordre public (POSA) qui requiert un préavis suffisant en prévision d’un rassemblement public. Le 10 octobre 2018, par l’entremise de l’association Zimbabwe Lawyers for Human Rights (ZLHR) (Avocats du Zimbabwe pour les droits de l’homme), le ZCTU a adressé une requête à la Cour des magistrats à Harare afin que soit levée l’interdiction de la police. L’audience de la cour a été fixée au 11 octobre 2018 à 11 h 30, soit le jour de l’action de protestation.
  4. 974. Le 11 octobre 2018, les membres du ZCTU se sont rendus dans les bureaux de leurs régions respectives pour discuter de la marche à suivre en prévision des procédures judiciaires à venir. À l’arrivée des travailleurs aux bureaux du ZCTU, et avant que le tribunal n’entende l’affaire, des policiers équipés d’armes à balles réelles, de matraques et de canons à eau avaient déjà bouclé tous les bureaux du ZCTU. À Harare, à 8 heures, plusieurs policiers étaient postés devant les bureaux du ZCTU et, à 9 heures, plus de 150 autres sont arrivés en camionnettes et camions légers et lourds, ont débarqué de leurs véhicules et ont malmené le président et le secrétaire général du ZCTU, M. Peter Mutasa et M. Japhet Moyo. Ces derniers ont été roués de coups de matraque et jetés dans les véhicules. Ils ont été arrêtés avec cinq autres militants syndicaux et détenus au commissariat central de Harare. Ils ont été inculpés pour participation à un rassemblement dans l’intention d’encourager la violence publique, la violation de la paix ou le sectarisme, tel que défini à l’article 37(1)(a) de la loi sur le droit pénal (codification et réforme). Ils ont comparu devant le tribunal pénal le 12 octobre 2018; l’audience a été reportée à l’après-midi par le ministère public, puis renvoyée au 13 octobre 2018, ce qui leur a fait passer deux jours en prison. Le 13 octobre 2018, le tribunal les a remis en liberté moyennant une caution de 50 dollars des États-Unis (dollars É.-U.) chacun et les a à nouveau convoqués le 30 octobre 2018.
  5. 975. L’organisation plaignante allègue que, après l’arrestation des dirigeants du ZCTU, 26 travailleurs ont été pris en otage par la police aux bureaux du ZCTU à Harare. De 9 heures à 19 heures, plus de 50 agents de police sont restés postés dans l’entrée et les escaliers jusqu’au troisième étage pendant que les travailleurs étaient retenus à l’intérieur, privés de nourriture et d’accès aux toilettes. Ils ont été libérés après présentation d’une requête à cet effet à la Haute Cour par l’association ZLHR.
  6. 976. À Mutare, 20 travailleurs qui s’étaient rassemblés dans les bureaux du syndicat ont été arrêtés et détenus au commissariat central de Mutare. Ils ont également été inculpés pour participation à un rassemblement dans l’intention d’encourager la violence publique, la violation de la paix ou le sectarisme, tel que défini à l’article 37(1)(a) de la loi sur le droit pénal. Ils ont comparu devant le tribunal le 12 octobre 2018, ont été libérés moyennant une caution de 50 dollars É.-U. chacun, et devaient comparaître à nouveau le 26 octobre 2018.
  7. 977. À Masvingo, 12 travailleurs ont été arrêtés alors qu’ils manifestaient; ils ont été détenus au commissariat central de Masvingo et inculpés de chefs d’accusation semblables. Ils ont été libérés dans la soirée, et la police les a avertis qu’ils seraient cités à comparaître.
  8. 978. À Gweru, la manifestation a eu lieu malgré l’interdiction de la police. Quatre travailleurs ont été arrêtés: M. Moses Gwaunza a été arrêté à son domicile vers 23 heures, Mme Chikozho et M. Bernard Sibanda ont été arrêtés le 12 octobre 2018 au matin, et le président, M. Kudakwashe Munengiwa, a été arrêté le 17 octobre 2018. Ils font face à des accusations similaires à celles précitées. Les procureurs ayant refusé de les poursuivre faute de preuve, les syndicalistes ont été libérés, mais la police a promis qu’ils seraient cités à comparaître.
  9. 979. À Bulawayo et Chinhoyi, il n’y a pas eu d’arrestations, mais des policiers armés ont empêché les travailleurs de se rassembler.
  10. 980. Au total, 43 personnes ont été arrêtées et 26 ont été détenus lors des événements du 11 octobre 2018.
  11. 981. L’organisation plaignante allègue que l’épidémie de choléra a été utilisée de façon sélective pour justifier l’interdiction de la manifestation, en violation des droits syndicaux. Elle indique que, le 10 octobre 2018, la police a autorisé la tenue d’une cérémonie de remise de diplômes à l’Université du Zimbabwe (Harare), présidée par le Président Emmerson D. Mnangagwa, qui a réuni des gens venus des quatre coins du pays. En outre, des rassemblements publics ont eu lieu à Harare cette même semaine, notamment des matchs de football, des rassemblements religieux et des files d’attente pour l’essence et les supermarchés dans le centre-ville. Par ailleurs, le 16 octobre 2018, un match de football a eu lieu entre les équipes du Zimbabwe (Warriors) et de la République démocratique du Congo. Dans d’autres villes, l’épidémie s’est limitée à des incidents isolés. L’organisation plaignante souligne qu’elle est dispensée de donner un préavis à la police aux termes de la liste d’organisations exemptées présentée en annexe de la POSA et que l’allégation d’infraction de la police est soit due à une méconnaissance de la loi, soit à une tactique délibérée pour bloquer la manifestation.
  12. 982. Le ZCTU ajoute que le gouvernement a violé les articles 58 et 59 de la Constitution nationale sur la liberté de réunion et le droit de manifester, et l’article 3 de la convention no 87. Le ZCTU souligne que le gouvernement n’a pas mis en œuvre les réformes recommandées par la commission d’enquête de 2009, qui a établi que «les violations étaient à la fois systématiques et systémiques» et qui a perçu «un schéma manifeste d’arrestations, de détentions, de violence et de tortures par les forces de sécurité contre les syndicalistes, coïncidant avec les manifestations nationales du ZCTU, ce qui indique que les forces de sécurité menaient des actions coordonnées». La commission a conclu également que «l’application systématique de la POSA constituait manifestement une autre technique de contrôle des rassemblements syndicaux du ZCTU, qu’il s’agisse de ses réunions internes ou de manifestations publiques» et que «les arrestations et les actes de violence ont servi à intimider de façon systématique et systémique à la fois les dirigeants et les membres du syndicat».
  13. 983. Dans sa communication datée du 2 avril 2019, le ZCTU présente des allégations relatives aux incidents du 14 au 16 janvier 2019. Il affirme en particulier que le gouvernement a tué, bloqué, harcelé, intimidé, brutalisé, arrêté et détenu plusieurs manifestants (dont son secrétaire général et son président) à la suite d’une manifestation pacifique contre la hausse du coût de la vie.
  14. 984. Le ZCTU explique que, le 11 janvier 2019, suite à une augmentation unilatérale des prix qui ne s’est pas répercutée sur les salaires des travailleurs, le ZCTU a réclamé l’introduction de mesures visant à atténuer la flambée des prix, l’annulation de la taxe de «deux cents par dollar» introduite en octobre 2018, et le paiement des travailleurs en dollars É.-U. Il a également indiqué au gouvernement son intention d’entreprendre une action de protestation dans l’éventualité où il n’aurait pas répondu dans les sept jours aux préoccupations de ses membres. Le 12 janvier 2019, le gouvernement, faisant fi des exigences du ZCTU, a augmenté le prix de l’essence qui est passé de 1,34 dollar É.-U. le litre à 3,33 dollars É.-U. le litre (soit une augmentation de 150 pour cent) – qui a eu pour effet immédiat d’accroître le coût des transports pour les travailleurs ainsi que le coût d’autres produits de base. Le 13 janvier 2013, le président du ZCTU, M. Mutasa, a lancé un appel à une action de protestation de trois jours (débrayage) dans un vidéoclip devenu viral sur les réseaux sociaux.
  15. 985. Le ZCTU indique que, du 14 au 16 janvier 2019, les travailleurs et la population en général ont répondu à l’appel, entraînant une paralysie du pays. Des groupes de personnes ne faisant pas partie du ZCTU sont descendus dans la rue pour manifester, barricadant les routes dans la plupart des villes et villages. Selon l’organisation plaignante, le gouvernement a réagi par la répression, la police et l’armée faisant feu contre les manifestants. Du fait de cette répression, les manifestants ont affronté les policiers et les militaires, et ont pillé des supermarchés et des magasins en guise de représailles. En plus de la répression, le gouvernement a coupé l’accès à Internet et aux services des réseaux sociaux du 14 au 18 janvier 2019. La connexion a été rétablie par une ordonnance de la Haute Cour obtenue par l’association ZLHR et par l’Institut des médias d’Afrique australe (MISA-Zimbabwe). Le ZCTU allègue que, lors du blocage de l’accès aux services Internet, l’armée et la police ont intensifié leur brutalité, suivant des personnes jusqu’à leur domicile pour les brutaliser et les arrêter.
  16. 986. Le ZCTU indique que, selon le forum des ONG sur les droits de l’homme au Zimbabwe (ZHRNF), ces événements ont coûté la vie à 17 personnes, et occasionné 16 viols et 81 agressions par balle. Selon le ZCTU, la Commission des droits de l’homme du Zimbabwe (ZHRC), une instance constitutionnelle, a constaté que des membres en uniforme de l’armée nationale du Zimbabwe et de la ZRP ont torturé de façon systématique des civils en se rendant à leur domicile la nuit, et a condamné l’utilisation de balles réelles contre des civils. Le ZCTU allègue que le gouvernement a rejeté le rapport qu’il a jugé biaisé, bien qu’il ait confirmé le décès de 12 personnes, mais n’a pas encore ouvert d’enquête indépendante sur les atrocités commises et est demeuré silencieux.
  17. 987. Le 21 janvier 2019, le secrétaire général du ZCTU, M. Moyo, a été arrêté à l’aéroport international de Harare, à son retour de Chine. Il était en dehors du pays lors des manifestations, ce qui n’a pas empêché la police de le garder en détention jusqu’à 18 heures et de confisquer son téléphone portable. Il a été à nouveau arrêté à son domicile à 23 heures et détenu au commissariat central à Harare. M. Moyo a comparu devant la Cour des magistrats et devait rester en détention à la prison à sécurité maximale de Chikurubi jusqu’au 8 février 2019. Ses avocats ont demandé sa mise en liberté sous caution à la Haute Cour, et l’audience initialement fixée au 28 janvier 2019 a été reportée successivement au 29, au 30, au 31 janvier et au 1er février 2019 à l’initiative des procureurs de l’État.
  18. 988. Entre-temps, le président du ZCTU, M. Mutasa, a été forcé de se cacher après que des personnes non identifiées ont attaqué son domicile et tenté de l’enlever. Il s’est rendu à la police le 26 janvier 2019, après avoir lu plusieurs articles de presse annonçant son état de fugitif. Il a alors été détenu au commissariat central de Harare. Il a comparu devant la Cour des magistrats et est demeuré en détention au centre de détention provisoire de Harare. Sa demande de mise en liberté sous caution a été entendue en même temps que celle de M. Moyo. Tous deux sont accusés de tentative de subversion d’un gouvernement constitutionnellement élu ou d’incitation à la violence publique, et s’ils sont déclarés coupables d’un tel délit, ils sont passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à vingt ans d’emprisonnement (sans avoir la possibilité de verser une amende). M. Moyo est accusé d’avoir organisé des réunions non divulguées, tandis que la conduite criminelle de M. Mutasa est due à un appel à une action de protestation.
  19. 989. Le 1er février 2019, la Haute Cour les a remis en liberté moyennant une caution de 2 000 dollars É.-U. chacun, assortie de l’obligation de se présenter quotidiennement pour M. Moyo et deux fois par semaine pour M. Mutasa. De plus, ordre a été donné à M. Mutasa de renoncer au titre de propriété de son domicile pour obtenir sa liberté. Le 7 mars 2019, la Haute Cour a modifié ces conditions; M. Moyo est désormais tenu de se présenter deux fois par semaine, et M. Mutasa une fois tous les quinze jours.
  20. 990. Les conditions imposées entravaient leur liberté de mouvement ainsi que les activités du ZCTU, les deux dirigeants ne pouvant se déplacer en dehors de Harare pour assister à des activités et des conférences internationales. Le ZCTU indique que, bien qu’il ait délégué son conseiller juridique aux réunions tripartites de l’Union africaine et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), le gouvernement n’a pas débloqué à temps les ressources nécessaires (pour la réunion de la SADC, les ressources ont été octroyées après le début de la réunion et le délégué a pu y participer seulement le troisième jour; pour la réunion de l’Union africaine, les ressources nécessaires n’ont tout simplement pas été débloquées, et le délégué n’a donc pas pu y assister).
  21. 991. À la date de la communication du ZCTU, les deux dirigeants syndicaux ont comparu plus de 11 fois devant les tribunaux sans procès, lequel a été reporté au 25 avril 2019 car les procureurs de l’État n’étaient pas encore prêts. La Cour des magistrats a rejeté une demande d’acquittement.
  22. 992. Selon le ZCTU, du 14 au 29 janvier, 1 055 personnes au total ont été arrêtées, dont 12 mineurs. Tous ont été traduits devant les tribunaux en même temps, et leurs cas ont été expédiés sans laisser le temps aux accusés de préparer leur défense. En outre, 995 des personnes arrêtées et jugées se sont vu refuser une mise en liberté sous caution, ce qui a incité certains avocats à manifester le 29 janvier 2019 pour la justice et l’indépendance du pouvoir judiciaire.
  23. 993. Selon l’organisation plaignante, le gouvernement estime que la répression était justifiée parce que les manifestants se sont livrés à des actes de violence qui ont entraîné des pillages et des incendies de propriétés. Bien que le ZCTU condamne la violence, il considère que les forces de sécurité ont leur part de responsabilité pour avoir attaqué les manifestants et fait un usage disproportionné de la force. En outre, le pillage d’épiceries révèle à quel point la population est désespérée face à la flambée des prix sanctionnée par le gouvernement. L’organisation plaignante allègue également que certains des pillards et des incendiaires condamnés par les tribunaux appartenaient à la section jeunesse du parti au pouvoir ZANU PF, dont l’unique intention était de ternir l’image du ZCTU. Le ZCTU allègue également que, si l’État s’est empressé de chercher des moyens d’indemniser les entreprises, il n’a rien fait en ce sens pour les victimes abattues et les familles des personnes tuées.
  24. 994. L’organisation plaignante allègue en outre avoir souffert d’une campagne médiatique orchestrée par The Herald, quotidien appartenant à l’État. Un article publié en première page le 4 février 2019 intitulé «Fresh MDC, ZCTU plot Exposed» laissait entendre que le Mouvement pour un changement démocratique (MDC), le parti d’opposition, se servait du ZCTU et de son institut de recherche, le LEDRIZ, pour «entraîner les jeunes à l’usage de la violence et de tactiques de déstabilisation afin de rendre le pays ingouvernable et de provoquer un changement de régime». Le ZCTU a exprimé ses inquiétudes par l’intermédiaire de ses avocats et a demandé la rétractation de ces allégations, mais les éditeurs ont fait la sourde oreille.
  25. 995. Le ZCTU allègue également que le gouvernement, en représailles face à l’action de protestation réussie, a déclenché une chasse aux sorcières dans la société civile et parmi les dirigeants syndicaux à l’occasion d’une campagne visant à criminaliser les défenseurs des droits de l’homme au Zimbabwe. Plusieurs dirigeants de la société civile et des parlementaires de l’alliance MDC ont été inculpés des mêmes chefs d’accusation que les dirigeants du ZCTU. Les personnes arrêtées incluent notamment: le pasteur Evan Mawarire; Rashid Mahiya, de la Coalition de crise au Zimbabwe; Amos Chibaya, Joana Mamombe, Charles Hwende et d’autres membres du MDC; le président de l’Amalgamated Rural Teachers Union of Zimbabwe (ARTUZ), Obert Masaraure, et son secrétaire général, Robson Chere; et le président de la Zimbabwe Youth Alliance (ZYA), Kumbirai Magorimbo. Des menaces ont également été proférés contre l’association ZLHR pour avoir représenté devant les tribunaux des défenseurs des droits de l’homme et contre l’Association des médecins du Zimbabwe pour les droits de l’homme pour avoir prodigué des soins d’urgence aux victimes de torture et documenté des cas de brutalité policière.
  26. 996. Le ZCTU allègue que la Confédération syndicale internationale (CSI) a organisé une réunion de solidarité avec le ZCTU du 25 au 27 février 2019 au Zimbabwe. Le secrétaire général adjoint de la CSI, M. Mamadou Diallo, devait assister à cette réunion, mais sa demande de visa n’a pas été traitée. Le secrétaire général de la CSI, M. Kwasi Adu Amankwah, a été arrêté au Jameson Hotel une heure après son enregistrement; il a été détenu à Harare de 5 heures à 16 heures. Le ZCTU a dû saisir la Haute Cour pour obtenir sa libération.
  27. 997. Du 12 au 14 mars 2019, les membres de la direction du Conseil de coordination syndicale d’Afrique australe (SATUCC), composée de M. Cosmas Mukuka (vice-président), Austin Muneku (secrétaire exécutif), Hahongora A Kavihuha et Angie Phori Phethe, ont également rendu visite au ZCTU. À l’exception de M. Mukuka, ils ont tous été interrogés par les agents de l’État à l’aéroport international de Harare. Ils ont été autorisés plus tard à entrer dans le pays. Ces interrogatoires et arrestations ont contribué à créer un climat d’intimidation à l’encontre de dirigeants syndicaux.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 998. Dans sa communication du 22 mars 2019, le gouvernement indique que les événements d’octobre 2018 font actuellement l’objet d’un procès devant la Cour des magistrats à Harare. Il fournit les informations suivantes en réponse aux allégations du ZCTU.
  2. 999. Le 1er octobre 2018, le ministre des Finances et du Développement économique a présenté des mesures fiscales pour corriger le déséquilibre fiscal dans le cadre des efforts déployés par le gouvernement pour redresser l’économie. Le ministre des Finances et du Développement économique a noté que les défis auxquels le pays fait face incluent notamment: le manque de devises et de liquidités; un déficit budgétaire et de la balance courante excessivement élevé; l’apparition de pressions inflationnistes; des processus de réengagement laborieux; des infrastructures déficientes; et des services sociaux insuffisants. Ces défis économiques exigeaient des réformes urgentes et des décisions audacieuses pour stimuler la croissance et le développement durable. En conséquence, cette intervention politique visait à réduire le déficit budgétaire en élargissant l’assiette fiscale. L’augmentation de 5 cents par transaction à 2 cents par dollar par transaction s’imposait devant l’informalisation croissante de l’économie et l’utilisation accrue des transactions par téléphone portable et des virements électroniques.
  3. 1000. Le gouvernement indique qu’il a pris note des préoccupations soulevées par le ZCTU suite à l’introduction des mesures fiscales. Toutefois, il blâme le ZCTU pour avoir décidé de manifester contre le gouvernement au lieu de demander la tenue d’une réunion du Forum de négociation tripartite (TNF) pour discuter plus avant des préoccupations des travailleurs. Le gouvernement souligne que le ZCTU a incité «tous les citoyens» à descendre dans la rue pour protester contre la taxe de 2 pour cent. Outre la mobilisation de «tous les citoyens» le 8 octobre 2018, le ZCTU a signifié à la ZRP son intention de participer à une manifestation le 11 octobre 2018. Le 10 octobre 2018, la ZRP a informé le ZCTU que la manifestation n’était pas envisageable compte tenu de la situation dans le pays, notamment l’épidémie de choléra. Le gouvernement indique que, lorsque le ZCTU a pris connaissance de la décision de la ZRP d’interdire l’action de protestation, il a saisi la Haute Cour, qui a rejeté à son tour la demande de procéder à la manifestation. Le ZCTU a fait fi de ce jugement et a engagé son action de protestation, qui a conduit à l’arrestation de certains de ses membres. Le gouvernement souligne que le ZCTU a enfreint la loi en ne se conformant pas à une décision judiciaire interdisant la manifestation. Le gouvernement insiste sur le fait que, face aux problèmes de santé publique causés par l’épidémie de choléra et de typhoïde, les manifestations étaient interdites momentanément à l’échelle du pays afin de contenir la propagation.
  4. 1001. Le gouvernement indique que, le 10 octobre 2018, le ZCTU a contesté l’interdiction des manifestations devant la Cour des magistrats. Avant que la cour ne soit saisie de la question, le ZCTU s’est engagé dans l’action de protestation. En conséquence, les forces de l’ordre, par l’entremise de la ZRP, se sont déployées pour arrêter la manifestation illégale. Les arrestations qui ont suivi ont été effectuées dans les limites prévues par la loi; toutes les personnes appréhendées ont été traduites devant les tribunaux dans les délais impartis et ont été libérées sous caution, dans l’attente de leur procès. Concernant l’allégation selon laquelle des travailleurs ont été pris en otage, le gouvernement indique que la police a agi dans les limites prévues par la loi afin d’éviter que la manifestation illégale ne dégénère.
  5. 1002. Le gouvernement considère qu’il n’est pas pertinent de citer le rapport de la commission d’enquête de 2009 qui concernait le régime du gouvernement précédent. Le gouvernement indique qu’il s’emploie à restaurer la jouissance de leurs droits aux travailleurs et qu’il agit dans le respect de la loi. Il prie instamment le ZCTU de respecter la législation nationale, d’exercer ses droits de manière pacifique tout en se conformant aux procédures et, au lieu de s’engager dans des manifestations illégales, d’utiliser les plateformes nationales de dialogue existantes. Le gouvernement indique également que la demande d’indemnisation de la ZCTU est prématurée, l’affaire étant actuellement devant les tribunaux.
  6. 1003. En ce qui concerne la réforme de la POSA, le gouvernement considère que cette loi ne s’applique pas aux activités syndicales de bonne foi; il n’est donc pas nécessaire de la réformer. Le gouvernement réitère son engagement en faveur du respect et de la promotion des droits des travailleurs, et prie instamment le ZCTU d’utiliser une plateforme de dialogue comme le TNF.
  7. 1004. Dans sa communication datée du 9 septembre 2019, en réponse à la communication du ZCTU datée du 2 avril 2019, le gouvernement rappelle que l’affaire signalée par le ZCTU est devant les tribunaux. Il estime, en conséquence, qu’il est prématuré de l’étudier en détail. Tout en demandant au comité de laisser l’administration de la justice suivre son cours au niveau national, le gouvernement fournit néanmoins la réponse suivante aux questions soulevées par le ZCTU.
  8. 1005. Le gouvernement soutient que des travaux sont en cours, sous les auspices du TNF, pour relever les défis socio-économiques auxquels le pays est confronté depuis de nombreuses années. Une réunion du TNF a été fixée au 14 janvier 2019 et tous les partenaires tripartites avaient confirmé leur présence. Toutefois, le 13 janvier 2019, le président du ZCTU s’est montré sur les médias sociaux en compagnie de M. Mawarire, l’homme derrière #thisflag, une organisation quasi politique qui est reconnue pour inciter à la désobéissance civile. Dans une vidéo diffusée à grande échelle sur les médias sociaux, M. Mutasa s’est adressé au grand public et a appelé à un débrayage illégal du 14 au 16 janvier 2019. Le gouvernement a été surpris de ce rebondissement étant donné la réunion du TNF prévue et s’attendait à ce que le ZCTU soulève des préoccupations éventuelles dans le cadre de cette plateforme, et non à ce qu’il appelle à un débrayage national. Il observe que le ZCTU a choisi de renoncer au dialogue social et a reproché au gouvernement l’absence de progrès au TNF. Néanmoins, le gouvernement indique qu’il demeure attaché au dialogue social et souligne à cet égard que la loi sur le TNF a été promulguée.
  9. 1006. Le gouvernement indique que le débrayage a tourné à la violence; de nombreux commerces ont été pillés, des biens publics et privés saccagés, des bus incendiés et des routes barricadées. Dans ces conditions, les forces de l’ordre sont intervenues pour rétablir l’ordre dans le pays. Le gouvernement insiste sur le fait que l’intervention des forces de l’ordre s’imposait pour éviter des dégâts plus importants, assurer le retour à la normale et permettre aux citoyens de reprendre leurs activités quotidiennes. Le gouvernement souligne que l’appel au débrayage du ZCTU a paralysé l’économie et affecté tout le monde, tant les travailleurs que les non-travailleurs. Il ajoute que, dans sa communication, le ZCTU a reconnu que «des groupes de personnes ne faisant pas partie du ZCTU sont descendus dans la rue pour manifester [...]». Le gouvernement considère que cela démontre que les manifestations n’ont pas été organisées, et qu’il incombait aux forces de l’ordre de rétablir la paix et la tranquillité. Par ailleurs, la direction du ZCTU a continué d’appeler à la désobéissance civile alors que les manifestations tournaient incontestablement à la violence. Le gouvernement indique également que les actions du ZCTU ont déclenché la destruction massive de biens, d’où l’arrestation du président et du secrétaire général du ZCTU. Le gouvernement insiste sur l’importance du respect de la loi pour tous les citoyens et les syndicats. Bien qu’ils aient des droits, qu’ils sont libres d’exercer, ils sont tenus de le faire dans les limites de la loi.
  10. 1007. Le gouvernement réitère que l’interruption temporaire des services Internet a été effectuée dans l’intérêt de tous les citoyens pour maintenir l’ordre et pour prévenir l’usage abusif des médias sociaux, qui menaçait la sécurité nationale. Le gouvernement exprime sa préoccupation face aux allégations non fondées du ZCTU concernant la supposée brutalité des forces de l’ordre qui ont été déployées pour rétablir la paix et faire cesser la violence. Le gouvernement soutient que ces questions sont actuellement devant les tribunaux. Il considère que le ZCTU s’est délibérément absenté des réunions du TNF prévues pour étouffer les progrès et donner une image négative du gouvernement devant les organes de contrôle de l’OIT. Le gouvernement observe que le ZCTU s’adonne à des manœuvres politiques comme en témoigne son association avec le pasteur Mawarire, qui représente un groupe prônant un changement de régime par le renversement du gouvernement actuel.
  11. 1008. Le gouvernement indique que la participation aux délégations tripartites à l’occasion de réunions internationales a été affectée par des pénuries de devises étrangères qui ont touché tous les membres de la délégation et pas seulement le ZCTU. Bien que des efforts aient été déployés depuis pour résoudre les difficultés rencontrées, le gouvernement souligne qu’il appartient aux individus qui souhaitent se déplacer de saisir les tribunaux pour demander un assouplissement des conditions de leur mise en liberté sous caution.
  12. 1009. Concernant la publication alléguée d’un article donnant une image négative du ZCTU, le gouvernement soutient que les lois nationales visent à promouvoir la liberté des médias et qu’il n’exerce aucun contrôle sur The Herald.
  13. 1010. Le gouvernement conclut en insistant sur le fait que ses interventions actuelles visent à remédier aux difficultés socio-économiques auxquelles le pays est confronté. En outre, le gouvernement a privilégié le dialogue social en promulguant la loi sur le TNF, le 5 juin 2019. Le gouvernement indique que le président du pays a rencontré des représentants des travailleurs avant le lancement du TNF et que les travailleurs ont librement exprimé leurs préoccupations. Le président a pris note de ces préoccupations, qui sont actuellement à l’étude, certaines questions ayant déjà été résolues. Cela démontre la volonté politique de la plus haute instance de s’engager de manière significative dans les processus de dialogue social. En conséquence, le gouvernement prie le comité de bien vouloir faire valoir au ZCTU la nécessité de montrer sa volonté de résoudre par le dialogue social les questions qui affectent le pays. Le gouvernement réitère que les décisions rendues dans les affaires pendantes impliquant des dirigeants syndicaux seront communiquées au comité dès qu’elles seront disponibles.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1011. Le comité note que le ZCTU allègue des restrictions au droit de manifester, le meurtre de manifestants, des arrestations, la poursuite pénale de dirigeants syndicaux, et l’intimidation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes. Le comité observe que ces allégations se rapportent à deux actions de protestation qui se sont produites en octobre 2018 et janvier 2019, respectivement, à la suite de l’adoption de certaines mesures fiscales et économiques qui, selon le ZCTU, avaient un impact négatif sur les travailleurs et la population en général, et qui, selon le gouvernement, s’imposaient pour faire face aux défis économiques auxquels le pays est confronté.
  2. 1012. Concernant la manifestation d’octobre 2018, le comité note que, à Harare et dans cinq autres régions du pays, elle a été interdite au ZCTU par la ZRP en raison d’une épidémie de choléra. Le ZCTU ajoute qu’en lui refusant le droit de manifester, la ZRP a également considéré que, certaines des questions soulevées par le syndicat ne concernant pas le travail, le syndicat devait se conformer à la POSA. Le comité note d’après les copies des réponses de la ZRP (transmises par le ZCTU) que, outre la situation de santé publique, la ZRP à Harare estimait que le taux de chômage élevé et la pénurie de médicaments essentiels et de carburant n’étaient pas liés au travail; que la ZRP à Bulawayo estimait que la manifestation prévue et les questions soulevées par le ZCTU en tant que syndicat sortaient du champ d’application de la loi sur le travail et que, par conséquent, les dispositions de la POSA s’appliquaient, et que la ZRP à Chinhoyi et à Mutare fait référence à la POSA.
  3. 1013. Le comité note que le ZCTU ne conteste pas l’existence d’une épidémie de choléra, mais affirme qu’elle a été utilisée de façon sélective, étant donné qu’un grand rassemblement (une cérémonie de remise de diplômes) a eu lieu à Harare, réunissant des gens venus de toutes les régions du pays, sans qu’aucune question similaire ne soit soulevée. Bien qu’il ne soit pas en mesure de commenter les raisons de santé publique justifiant l’interdiction d’une manifestation, le comité note avec préoccupation que, dans plusieurs cas, la ZRP a estimé que les questions soulevées par le ZCTU ne concernaient pas des activités syndicales de bonne foi. Le comité considère à cet égard que la tenue de manifestations, d’actions de protestation et de réunions publiques pour faire entendre des revendications de nature sociale et économique sont des formes traditionnelles de l’action syndicale. Le comité rappelle que la commission d’enquête de 2009 et, depuis lors, la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) ont examiné l’application de la POSA dans la pratique. Tout en prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle la POSA ne s’applique pas à des activités syndicales de bonne foi et qu’il n’est donc pas nécessaire de la réformer, le comité observe que de nouvelles dispositions législatives – la loi sur le maintien de la paix et de l’ordre (MOPO) – ont été promulguées pour remplacer la POSA. Le comité attire l’attention de la CEACR sur les aspects législatifs de ce cas.
  4. 1014. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la Haute Cour a interdit l’action de protestation d’octobre 2018 et que l’affaire était encore en instance devant la Cour des magistrats de Harare. Rappelant l’importance qu’il attache à ce que les procédures légales soient menées à bien rapidement étant donné que les lenteurs de la justice risquent de constituer un déni de justice, le comité s’attend à ce que l’affaire en instance soit conclue sans délai supplémentaire. Il prie le gouvernement de fournir sans délai des copies des décisions rendues par la Haute Cour et la Cour des magistrats concernant la légalité de la manifestation d’octobre 2018.
  5. 1015. Le comité note que, selon le ZCTU, 43 travailleurs ont été arrêtés et 26 détenus en relation avec les événements du 11 octobre 2018, dont le président du ZCTU et son secrétaire général, et d’autres dirigeants syndicaux. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le ZCTU a procédé à la manifestation malgré une décision de la Haute Cour et que la police se devait donc d’intervenir pour arrêter la manifestation illégale, ce qui a donné lieu à des arrestations et des détentions. Le comité rappelle que les intérêts professionnels et économiques que les travailleurs défendent par le droit de grève se rapportent non seulement à l’obtention de meilleures conditions de travail ou aux revendications collectives d’ordre professionnel, mais englobent également la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale et aux problèmes qui se posent à l’entreprise, et qui intéressent directement les travailleurs. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 758.] Le comité observe d’après la dernière communication du gouvernement que les procédures judiciaires sont encore en cours, alors que, selon l’organisation plaignante, les accusés auraient dû comparaître avant la fin du mois d’octobre 2018. Rappelant à nouveau que l’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice [voir Compilation, paragr. 170], le comité prie le gouvernement de transmettre, sans délai, des copies des décisions rendues. Le comité note en outre que, selon le ZCTU, alors que les quatre dirigeants syndicaux arrêtés en rapport à la manifestation à Gweru n’ont pas été poursuivis faute de preuve, la police a promis qu’ils seraient cités à comparaître. Le comité prie le gouvernement de veiller à ce que la police ne prenne pas de mesures de rétorsion à l’encontre de ces travailleurs.
  6. 1016. Concernant les événements de janvier 2019, le comité observe que le ZCTU a appelé à une action de protestation (débrayage) de trois jours. Le comité note que la population a répondu à l’appel et que, malheureusement, dans certains cas, le débrayage s’est accompagné de violence, de pillage de propriétés et de commerces et de routes barricadées par les manifestants. Il en a résulté un affrontement entre les manifestants et la police, pendant et après les événements. Il convient de noter que le ZCTU condamne la violence, tant des manifestants que des policiers. Le comité note avec une profonde préoccupation les allégations faites par le ZCTU selon lesquelles 17 personnes auraient été tuées, 81 autres blessées par balles, 16 violées et 1 055 arrêtées.
  7. 1017. Le comité note, à cet égard, le rapport de suivi au lendemain du débrayage du 14 au 16 janvier et des troubles subséquents publié par la ZHRC, une instance constitutionnelle, que le ZCTU lui a transmis. Le comité note, en particulier, que d’emblée, la ZHRC a condamné les actes de violence commis par les manifestants contre des biens publics et privés. Simultanément, la ZHRC a noté qu’à de nombreuses reprises, les patrouilles de policiers et de militaires avaient agi illégalement et sans suivre la procédure régulière lors des arrestations. La ZHRC a noté en outre la mort d’au moins huit personnes, principalement attribuable à l’utilisation de balles réelles par les policiers. Elle a noté à cet égard que les policiers semblaient faire un usage brutal, excessif et disproportionné de la force dans la plupart des cas, occasionnant donc des morts qui auraient pu être évitées et empirant également la situation. Selon la ZHRC, il est donc inquiétant de noter que le déploiement de l’armée pour réprimer des troubles civils occasionne des pertes de vie et des blessures graves et d’autres violations des droits humains, et que le gouvernement continue de procéder à un tel déploiement. L’organe constitutionnel a également noté que certains de ceux qui ont comparu devant les tribunaux avaient des blessures visibles et n’avaient pas reçu de soins médicaux. La ZHRC a conclu en déclarant que les conclusions révélaient que, au lendemain des troubles du 14 janvier 2019, des membres armés et en uniforme de l’armée nationale du Zimbabwe et de la police de la République du Zimbabwe ont infligé des tortures systématiques. Tout en reconnaissant que des biens publics et privés ont été détruits et vandalisés/pillés et que des barricades ont été érigées sur des routes pour empêcher des gens d’aller travailler, cela ne justifiait pas la torture de citoyens par les forces de l’ordre. En outre, la ZHRC a noté que la méthode d’arrestation que les policiers et les militaires ont utilisée équivalait à l’arrestation et la détention arbitraires, une répression par opposition à l’application de la loi. La ZHRC a également conclu à des violations du droit des personnes en détention préventive.
  8. 1018. Le comité rappelle que les autorités ne devraient avoir recours à la force publique que dans des situations où l’ordre public serait sérieusement menacé. L’intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace de l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public. [Voir Compilation, paragr. 217.] Le comité prie instamment le gouvernement de donner des directives appropriées à l’armée et à la police concernant l’usage à la force pendant des manifestations. En outre, le comité prie instamment le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour donner suite aux conclusions du rapport de la ZHRC.
  9. 1019. Concernant l’arrestation du secrétaire général du ZCTU, le 21 janvier 2019, et du président du ZCTU, le 26 janvier 2019, le comité note l’allégation du ZCTU selon laquelle tous deux ont été libérés sous caution le 1er février après plusieurs reports d’audience à l’initiative des procureurs de l’État. Il note également que, depuis leur arrestation, ils ont comparu plus de 11 fois devant les tribunaux et que leur procès a été reporté au 25 avril 2019. À cet égard, le comité doit rappeler que l’arrestation et la détention de syndicalistes, même pour des raisons de sécurité intérieure, risquent d’impliquer une grave ingérence dans l’exercice des droits syndicaux si une telle mesure ne s’accompagne pas de garanties judiciaires appropriées. [Voir Compilation, paragr. 136.] Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle leur affaire est toujours en instance. Le comité note en outre l’allégation du ZCTU selon laquelle les deux dirigeants ont été accusés, en vertu de la loi sur le droit pénal (codification et réforme), de tentative de subversion d’un gouvernement constitutionnellement élu ou d’incitation à la violence publique, et que, s’ils sont déclarés coupables d’un tel délit, ils sont passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à vingt ans d’emprisonnement. Se référant à ses conclusions précitées, le comité prie instamment le gouvernement d’abandonner les accusations portées pour des raisons liées à leurs activités syndicales et de s’abstenir de recourir à des mesures d’arrestation et de détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales. Si, entre-temps, leur affaire a été entendue par le tribunal, le comité prie le gouvernement de fournir une copie du jugement rendu.
  10. 1020. Le comité note l’allégation du ZCTU selon laquelle suite aux arrestations massives, les cas des travailleurs arrêtés ont été expédiés, sans laisser suffisamment de temps aux accusés pour préparer leur défense. Le comité rappelle que les syndicalistes détenus devraient, à l’instar des autres personnes, bénéficier d’une procédure judiciaire régulière et avoir droit à une bonne administration de la justice, à savoir notamment disposer du temps nécessaire à la préparation de leur défense, communiquer sans entrave avec le conseil de leur choix et être jugés sans retard par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. [Voir Compilation, paragr. 167.] Se référant au rapport de la ZHRC, le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations à cet égard et d’indiquer le nombre de condamnations et de peines prononcées, ainsi que leur fondement, tel que décidé par les tribunaux.
  11. 1021. Le comité note que la loi sur le TNF a été promulguée et que le TNF a été lancé le 5 juin 2019. Il s’attend à ce que cela marque le début d’une nouvelle ère pour le dialogue social au Zimbabwe, basée sur le respect mutuel et dans un esprit d’échange et de communication sincère, efficace et durable entre les parties prenantes.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 1022. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de fournir sans délai des copies des décisions rendues par la Haute Cour et la Cour des magistrats concernant la légalité de la manifestation d’octobre 2018.
    • b) Le comité prie le gouvernement de transmettre, sans délai, des copies des décisions rendues à l’encontre des personnes arrêtées et détenues en rapport aux événements d’octobre 2018. Il prie en outre le gouvernement de veiller à ce que la police ne prenne pas de mesures de rétorsion à l’encontre des travailleurs qui n’ont pas été poursuivis faute de preuve.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de donner des directives appropriées à l’armée et à la police concernant l’usage de la force pendant des manifestations. Le comité prie instamment le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour donner suite aux conclusions du rapport de la ZHRC relativement aux événements de janvier 2019.
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement d’abandonner les accusations portées contre le président et le secrétaire général du ZCTU pour des raisons liées à leurs activités syndicales et de s’abstenir de recourir à des mesures d’arrestation et de détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales. Si, entre temps, leur affaire a été entendue par le tribunal, le comité prie le gouvernement de fournir une copie du jugement rendu.
    • e) Le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations sur l’allégation du ZCTU concernant des arrestations massives suite aux événements de janvier 2019 et d’indiquer le nombre de condamnations et de peines prononcées, ainsi que leur fondement, tel que décidé par les tribunaux.
    • f) Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
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