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Rapport intérimaire - Rapport No. 396, Octobre 2021

Cas no 3185 (Philippines) - Date de la plainte: 05-FÉVR.-16 - Actif

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent l’exécution extrajudiciaire de trois dirigeants syndicaux et dénoncent le fait que le gouvernement n’a pas conduit d’enquête en bonne et due forme sur ces affaires ni traduit les auteurs en justice. Elles allèguent également des menaces et des tentatives d’assassinat visant un quatrième dirigeant syndical et les membres de sa famille, qui ont été contraints de se cacher, et dénoncent le fait que le gouvernement n’a pas conduit d’enquête en bonne et due forme sur cette affaire ni protégé les victimes. Dans ces affaires, l’absence d’enquête et de poursuites est susceptible de renforcer le climat d’impunité, de violence et d’insécurité, qui nuit à l’exercice des droits syndicaux. Sont également allégués d’autres cas d’exécution extrajudiciaire de syndicalistes et de dirigeants syndicaux à Manille et dans le secteur agricole sur l’île de Negros, ainsi que des cas d’arrestation illégale, de mise en détention, d’inscription sur liste rouge, d’intimidation et de harcèlement de syndicalistes et de dirigeants syndicaux

  1. 508. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion d’octobre 2019 et, à cette occasion, a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 391e rapport, paragr. 523-532, approuvé par le Conseil d’administration à sa 337e session  .]
  2. 509. La Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) a fourni des informations supplémentaires dans une communication en date du 2 mars 2021. Dans une communication en date du 22 juin 2021, la Fédération des travailleurs agricoles des Philippines (UMA) et la Fédération nationale des travailleurs du sucre - alimentation et commerce général (NFSW-FGT) se sont jointes à la plainte et ont fourni des allégations supplémentaires.
  3. 510. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 27 janvier 2021.
  4. 511. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 512. À sa réunion d’octobre 2019, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 391e rapport, paragr. 532]:
    • a) Soulignant l’importance qu’il attache à l’identification rapide des auteurs de violences contre les syndicalistes et à leur traduction en justice afin de lutter contre l’impunité et de promouvoir un climat exempt de violence, d’intimidation et de crainte, dans lequel la liberté syndicale peut être pleinement exercée, et rappelant que les assassinats d’Antonio «Dodong» Petalcorin, d’Emilio Rivera et de Kagi Alimudin Lucman ont eu lieu en 2013, le comité exprime à nouveau le ferme espoir que les auteurs présumés seront traduits en justice et condamnés sans délai et veut croire que le gouvernement continuera de faire tout son possible à cet égard. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des progrès réalisés, y compris de l’état actuel de ces affaires, et de fournir une copie des jugements pertinents dès que ceux-ci seront rendus.
    • b) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère grave et urgent des questions traitées dans le présent cas.

B. Allégations supplémentaires des organisations plaignantes

B. Allégations supplémentaires des organisations plaignantes
  1. 513. Le 2 mars 2021, l’ITF a soumis des informations supplémentaires concernant les allégations d’exécution extrajudiciaire d’un dirigeant syndical en raison de ses activités syndicales légitimes. En particulier, l’ITF affirme qu’après avoir reçu à plusieurs reprises des menaces de mort, M. Leonardo Escala, président du syndicat Nagkakaisang Manggagawa sa Pantalan Incorporated (NMPI-ICTSI), qui représente les dockers de l’International Container Terminals Services Inc. (Terminal de Manille), a essuyé plusieurs coups de feu devant son domicile à Tondo (Manille) alors qu’il était accompagné de sa nièce; M. Escala est décédé des suites de ses blessures à l’hôpital local. L’ITF exprime en outre sa préoccupation quant au nombre d’exécutions extrajudiciaires de syndicalistes, à l’incapacité des autorités de fournir une protection adéquate aux représentants syndicaux et à la culture de l’impunité entourant ce genre de crime.
  2. 514. Dans leur communication en date du 22 juin 2021, l’UMA et la NFSW-FGT ont fourni des informations supplémentaires alléguant de graves violations des droits humains et syndicaux par le régime, en particulier dans le secteur agricole, notamment par la mise en œuvre du mémorandum n° 32 de 2018 visant à réprimer la violence anarchique et les actes de terreur. Les allégations font référence à de nombreux cas d’exécution extrajudiciaire, d’arrestation illégale, de mise en détention, d’inscription sur liste rouge, de harcèlement, de menaces et d’intimidation concernant des syndicalistes et des dirigeants syndicaux sur l’île de Negros.
  3. 515. En particulier, les organisations plaignantes allèguent qu’un adhérent de l’UMA a été tué en septembre 2016 et que, depuis janvier 2017, 98 personnes ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires sur l’île de Negros, dont 16 adhérents et dirigeants de la NFSW-FGT. Les organisations plaignantes dénoncent les actes suivants:
    • Le 7 septembre 2016, Ariel Diaz, président de l’organisation Danggayan Dagiti Mannalon ti Isabela et membre de l’équipe d’organisateurs de l’UMA à Delfin Albano (province d’Isabela) a été abattu dans sa ferme par trois hommes en civil.
    • Le 20 janvier 2017, Alexander Ceballos, coordinateur de la NFSW-FGT à Salvador Benedicto et Murcia, membre du conseil régional de la NFSW-FGT et dirigeant d’un groupe de 50 planteurs de canne à sucre, a été abattu devant son domicile à Purok Tangke (barangay de Pandanon Silos, Murcia, Negros Occidental) par deux inconnus à moto qui seraient liés au maire de Salvador Benedicto. Le chef de la police de Murcia a confirmé que M. Ceballos avait reçu des menaces de mort avant son assassinat. Selon les organisations plaignantes, la justice n’a pas été saisie et l’enquête de police n’a donné aucun résultat, alors que M. Ceballos était depuis longtemps la cible de menaces et d’intimidations de la part du clan Dela Cruz. Ainsi, en juillet 2015, des hommes armés qui croyaient avoir affaire à M. Ceballos ont ouvert le feu sur un véhicule à bord duquel se trouvait son fils.
    • Le 21 décembre 2017, Flora Gemola, présidente de la NFSW-FGT pour la ville de Sagay, a été retrouvée sans vie dans la ferme que le ministère de la Réforme agraire lui avait attribuée le jour même à Hacienda Tilapas (barangay de Rafaela Barrera, Sagay, Negros Occidental). Lorsque la victime a été retrouvée par un de ses proches, son corps présentait les traces de huit coups portés à l’arme blanche. Le chef de la police de la ville a indiqué que Mme Gemola avait semble-t-il été abordée en lien avec un conflit foncier par au moins deux individus qui ont commis leur forfait au cours de l’altercation qui s’en était suivie et que ses services avaient déjà identifié des suspects.
    • Le 22 février 2018, Ronald Manlanat, adhérent d’une section locale de la NFSW-FGT à Hacienda Joefred (barangay de Luna, Sagay, Negros Occidental) a été abattu de plusieurs balles dans la tête par des inconnus alors qu’il travaillait aux champs. M. Manlanat et d’autres adhérents de la même section locale avaient déjà reçu des menaces parce qu’ils travaillaient la terre, et M. Manlanat a également été accusé d’avoir participé en 2016 à une attaque menée par la Nouvelle armée populaire (NPA). Aux dires des organisations plaignantes, les demandes d’enquête sur le décès de M. Manlanat n’ont pas abouti.
    • Le 27 juin 2018, Julius Broce Barellano, président de l’Association des travailleurs agricoles d’Hacienda Medina affiliée à la NFSW-FGT, a été abattu par deux inconnus devant son domicile de Sitio Cotcot (Hacienda Medina, barangay de Rizal, San Carlos, Negros Occidental). D’après le témoignage de son épouse, M. Barellano a été pris en chasse et abattu à bout portant alors qu’il tentait de se mettre à l’abri chez lui. La police a retrouvé sur les lieux dix douilles, quatre balles de fusil et une balle de pistolet. M. Barellano était au premier plan d’une affaire d’expulsion opposant un propriétaire foncier influent à environ 140 fermiers à Hacienda Medina. Une plainte pour assassinat a été déposée devant le tribunal régional de San Carlos.
    • Le 20 octobre 2018, entre six et dix inconnus masqués ont ouvert le feu sur la tente de fortune où se reposaient des ouvriers agricoles d’Hacienda Nene-Barbara (barangay de Bulanon, Sagay, Negros Occidental). Neuf sont morts sur le coup (Eglicerio Villegas, Angelife E. Arsenal, Paterno M. Baron, Rene P. Laurencio Sr, Morena F. Mendoza, Marcelina D. Dumaguit, Rannel H. Bantigue, Jomarie S. Ugahayon Jr. et Marchel Sumicad). Trois ont été brûlés par les suspects (Morena F. Mendoza, Marcelina D. Dumaguit et Rannel H. Bantigue). Trois autres travailleurs ont survécu à l’agression. Les victimes étaient membres d’une association d’agriculteurs affiliée à la NFSW-FGT. D’après les organisations plaignantes, les agresseurs seraient des hommes de main du propriétaire terrien et des paramilitaires de l’unité auxiliaire civile spéciale de l’armée philippine.
    • Le 7 juin 2019, Marlon «Astro» Fajardo a accusé Felipe Dacal-Dacal, membre actif de la NFSW-FGT à Escalante (Negros Occidental), d’appartenir à la NPA. Devant les dénégations de l’intéressé, il a tiré sur lui à plusieurs reprises à son domicile (barangay de Pinapugasan, Escalante, Negros Occidental) avant de prendre la fuite. Avant les faits, des soldats avaient essayé trois fois de convaincre M. Dacal-Dacal de ne plus participer à des rassemblements, mais il n’a pas obtempéré. Les organisations plaignantes affirment que Marlon «Astro» Fajardo est un officier de renseignement de l’armée philippine.
    • Le 23 juin 2020, Jose Jerry Catalogo, responsable d’une association locale d’agriculteurs affiliée à la NFSW-FGT, a été abattu près de son domicile dans le barangay de Paitan (Escalante, Negros Occidental). Sa femme l’a retrouvé avec deux balles dans la tête et la poitrine et les bras et jambes cassés. D’après le rapport préliminaire de la police, M. Catalogo, qui avait indiqué plusieurs jours avant les faits qu’il était suivi par des inconnus, a été tué par trois ou quatre assaillants.
    • Le 2 février 2021, Antonio «Cano» Arellano, président d’une organisation paysanne affiliée la NFSW-FGT dans le barangay de Jonob-Jonob (Escalante, Negros Occidental), a été abattu par quatre inconnus.
  4. 516. Les organisations plaignantes font également état de nombreux cas d’arrestation illégale, de mise en détention et d’accusation montée de toutes pièces visant plus de 100 agriculteurs, travailleurs et militants des droits de l’homme, y compris des membres et des dirigeants de la NFSW-FGT et des syndicats affiliés à l’UMA, dont certains sont actuellement en détention. Elles dénoncent les actes suivants:
    • Le 17 juin 2017, des soldats de l’armée philippine ont arrêté illégalement Ricky Omandam, membre de l’OGYON, organisation locale de travailleurs agricoles située dans le barangay de New Eden (Pangantucan, Bukidnon) et affiliée à l’UMA. M. Omandam a été conduit au détachement militaire de Madaya et détenu pour des raisons inconnues.
    • Le 19 juillet 2017, des hommes en armes appartenant à la compagnie de sécurité publique de la province de Bukidnon, qui est rattachée à la police nationale philippine (PNP), ont investi de force le domicile d’Alfredo Omandam situé dans le barangay de New Eden (Pangantucan, Bukidnon), qu’ils ont fouillé sans mandat et, n’ayant trouvé aucun objet illégal, ont traîné M. Omandam sur la place publique où ils l’ont accusé de posséder des munitions. Ils l’ont ensuite conduit à Malaybalay avec son épouse, qui a été libérée le lendemain. M. Omandam et son épouse sont tous deux membres de l’OGYON, qui revendique des augmentations de salaire pour les travailleurs des plantations.
    • Le 8 octobre 2017, après une attaque menée par des membres présumés de la NPA contre le complexe de la société Del Monte, Angelica Pavorada Regasajo, ouvrière agricole et membre de l’OGYON résidant dans le barangay de Merangeran, a été appréhendée de force par des soldats et accusée de possession illégale de munitions. Le même jour, plusieurs soldats en armes sont entrés au domicile de sa mère, qu’ils ont fouillé en toute illégalité avant de repartir. Ils sont ensuite revenus et c’est à ce moment-là qu’ils auraient trouvé les munitions que Mme Pavorada Regasajo était soupçonnée d’avoir en sa possession. L’intéressée a été conduite au poste de police de Quezón (Bukidnon), détenue illégalement et poursuivie au pénal. La police lui a par ailleurs signifié que son époux était accusé d’appartenir à la NPA.
    • Le 3 juillet 2018, six femmes (membres de l’OGYON) ont été accusées de soutenir la NPA, arrêtées illégalement par l’armée philippine et détenues au détachement militaire de Madaya.
    • Le 22 octobre 2018, Julie Balvastamen et Susanu Aguaron (membres de l’OGYON) ont été arrêtées et détenues illégalement par des membres de la police et des forces armées à un poste de contrôle à Lumbo (Valencia, Bukidnon) devant lequel elles étaient venues manifester en silence. Ayant protesté avec insistance de leur droit de manifester pacifiquement, elles ont été libérées.
    • Le 19 décembre 2018, Ricky Cañete, dirigeant de la NFSW-FGT à Sagay, a été arrêté dans le barangay de General Luna (Sagay, Negros Occidental) par des policiers municipaux portant capuches et accusé par les autorités gouvernementales d’avoir participé à une attaque de la NPA en mai 2016. Actuellement en détention, il est faussement accusé de deux assassinats et d’une tentative d’assassinat.
    • Le 2 juin 2019, Edilberto Sangga (membre de la NFSW-FGT) a été arrêté illégalement sous de fausses accusations de violation de domicile, et trois de ses employés de maison ont été détenus par une quarantaine de membres de l’armée philippine, qui ont pris d’assaut le quartier et y ont dissimulé de fausses preuves.
    • Le 18 septembre 2019, Rolly Hernando, Joel Guillero, Leon Charito, Buenvinido Ducay, Kenneth Serondo, Carlo Apurado, Reynaldo Saura et Aiza Gamao, membres et dirigeants de la NFSW-Théâtre ouvrier et de l’organisation urbaine Kadamay, ont été arrêtés dans le barangay de Jonob-Jonob (Escalante, Negros Occidental). Ils faisaient partie de l’équipe qui sillonnait les différentes villes du nord de la province du Negros pour informer le public sur les événements destinés à commémorer, le 20 septembre 2019, l’anniversaire du massacre d’Escalante. Ils ont été interpellés par des hommes en civil portant capuches qui ont exigé de voir leur autorisation et leur ont demandé de s’éloigner de leur véhicule. Les organisations plaignantes affirment que les hommes ont placé deux pistolets et des bouteilles de rhum vides dans le véhicule, ont saisi les téléphones portables des militants et ont effacé les photos de l’incident que certains d’entre eux avaient prises. Les militants ont ensuite été conduits au poste de police d’Escalante, où les policiers auraient confisqué 5 pistolets, 1 révolver, 1 mitrailleuse, 3 grenades à fusil, 2 bombes artisanales, 21 cocktails Molotov et diverses munitions. Les travailleurs détenus sont accusés de possession illégale d’armes à feu et d’explosifs et trois d’entre eux, qui sont membres de la NFSW-FGT – Joel Guillero, Leon Charito et Buenvinido Ducay – sont actuellement détenus.
    • Le 31 octobre 2019, John Milton Lozande (secrétaire général de la NFSW-FGT) a été arrêté avec 56 autres personnes lors d’une perquisition menée dans les bureaux du Kilusang Mayo Uno (KMU) et du Bayan par l’armée philippine, la force d’action spéciale (unité d’élite de la PNP) et des fonctionnaires du Groupe des enquêtes pénales et de lutte contre la criminalité. Bien qu’en possession de mandats de perquisition délivrés par la section 89 du tribunal régional de Quezón, l’équipe a fait irruption dans les locaux sans annoncer ses intentions ni présenter les mandats et a forcé le passage en pointant des fusils de gros calibre sur les personnes présentes, leur ordonnant de se coucher à plat ventre sur le sol, avant d’investir les lieux et de détruire et saccager tout ce qui se trouvait sur son passage. Quelques heures plus tard, à l’arrivée de deux conseillers du barangay, le chef de l’équipe a déclaré que la perquisition pouvait officiellement commencer, et c’est à ce moment-là que plusieurs armes de poing et explosifs auraient été trouvés en différents points des locaux. Une perquisition a été menée en même temps et selon le même mode opératoire dans le bureau de la NFSW FGT, le bureau de Gabriela et une maison d’habitation, au cours de laquelle Danilo Tabura, responsable du service parajuridique de la NFSW-FGT, et Roberto Lachica, concierge du bâtiment de la NFSW-FGT, ont été arrêtés. Au total, 25 pistolets et une grenade à main avaient été placés par les forces de sécurité gouvernementales dans les différents locaux susmentionnés.
    • Le 1er novembre 2019, Imelda Sultan, organisatrice de longue date et employée du bureau de district de la NFSW-FGT depuis plus de vingt ans, a été arrêtée dans le bureau de district de la NFSW-FGT (barangay de Balintawak) par des membres de la police d’Escalante, de l’unité SWAT, de la force d’action spéciale de la Police nationale des Philippines et de l’armée philippine. Les troupes gouvernementales ont pu placer subrepticement sur les lieux 3 pistolets et 17 balles, 7 munitions pour lance-grenades, 2 bombes artisanales, 3 téléphones portables et des documents subversifs. Lindy Perocho, employée du bureau de district de la NFSW-FGT, a été arrêtée à son domicile dans le barangay de Jonob-Jonob par des membres de la police municipale d’Escalante, de la force d’action spéciale de la PNP et de l’armée philippine. Les troupes gouvernementales ont placé 2 pistolets et 3 munitions pour lance-grenades dans sa maison. Les deux victimes ont été arrêtées le même jour en vertu de mandats de perquisition délivrés par la section 89 du tribunal régional de Quezón et sont actuellement en détention.
    • Le 16 décembre 2019, Ariel Ronido, président de l’OGYON, et son beau-frère Edgardo Andales ont été arrêtés illégalement par l’armée philippine et conduits au détachement militaire de Madaya. M. Andales a été libéré le lendemain, mais M. Ronido est toujours détenu et un membre de sa famille qui s’était rendu sur les lieux deux jours plus tard n’a pas été autorisé à le voir. M. Ronido n’est pas joignable sur son téléphone.
    • Le 31 janvier 2020, Rene Manlangit, président de la NFSW-FGT à Hacienda Nene (Purok Fire Tree, barangay de Bulanon, Sagay, Negros Occidental), et Rogelio Arquillo Jr, membre de la NFSW-FGT à Hacienda Nene, ont tous deux été accusés par la PNP d’avoir commis plusieurs assassinats lors du massacre de Sagay en octobre 2018, alors qu’ils étaient eux-mêmes des survivants de ce massacre et que certains de leurs proches en avaient été victimes. Sous le coup d’un mandat d’arrêt, ils se cachent dans un lieu sûr pendant que leur affaire passe en jugement. En avril 2018, avant le massacre de Sagay, une brigade de l’armée philippine basée à Negros avait publié une déclaration affirmant que les bungkalan de la NFSW-FGT (ouvriers agricoles qui cultivent de petites parcelles de terre sur de grandes haciendas pour nourrir leur famille) participaient aux efforts d’accaparement des terres déployés par les rebelles qui financent les opérations de la NPA et d’autres organisations dans la région. La NFSW-FGT et l’UMA ont condamné cette déclaration explosive de l’armée, qui a manifestement incité de présumés agents de l’État à perpétrer de violentes attaques contre des agriculteurs dans toute l’île de Negros.
    • Le 9 juin 2020, Gaspar Davao, coordinateur de district et organisateur de la NFSW-FGT dans le nord de l’île de Negros, a été arrêté par un groupe composé de policiers de la ville de Cadiz et de membres de l’armée philippine à un point de contrôle dans le barangay de Caduhaan, à Cadiz. Après avoir intercepté le véhicule dans lequel se trouvait l’intéressé, le groupe a informé ses passagers qu’il recherchait une personne infectée par le COVID-19 pour la placer en quarantaine. Lorsque M. Davao est descendu du véhicule, un membre de l’armée philippine l’a immédiatement désigné comme étant la personne recherchée et a ordonné au conducteur du véhicule de continuer sa route sans contrôler les autres passagers. Le groupe a ensuite conduit de force M. Davao au poste de police de Cadiz et lui a confisqué son sac, sans l’informer des véritables raisons de son arrestation. Le lendemain, M. Davao a dû faire face aux journalistes avec son sac posé sur la table devant lui, qui contenait une grenade à fragmentation, des documents qui ne lui appartenaient pas et ses effets personnels. Il est actuellement détenu à la prison du district de Negros Occidental.
  5. 517. Les organisations plaignantes allèguent en outre de nombreux cas d’inscription sur liste rouge, de harcèlement, d’intimidation et autres menaces contre des syndicalistes et des dirigeants syndicaux visant à réprimer le syndicalisme et à instiller la peur chez les adhérents des syndicats:
    • En mars 2018, Godfrey Palahang, organisateur de l’OGYON et des Missionnaires ruraux des Philippines - Région Mindanao Nord, a été contraint de se rendre en tant que rebelle présumé de la NPA en raison de sa participation à des organisations militantes.
    • Depuis 2018, Guillermo «Ka Gimo» Hernandez, ancien président de l’UMA, secrétaire général du syndicat Kaisahan ng mga Manggagawang Bukid sa Batangas (KAISAHAN) et représentant du secteur sucrier au conseil tripartite de district de l’industrie sucrière, fait l’objet de harcèlement: en février 2018, des membres de l’armée de terre et de l’armée de l’air philippines ont cherché à savoir où il se trouvait; en juillet 2018, l’armée et la police ont installé un détachement militaire dans le village de M. Hernandez; et en août 2018, deux camions militaires transportant des soldats et des policiers qui le recherchaient ont patrouillé dans les environs de son domicile. M. Hernandez et son épouse, qui figurent tous deux sur la liste des terroristes établie par le gouvernement, ne peuvent donc pas rentrer chez eux.
    • En 2018, cinq membres du KAISAHAN – Marilyn Hernandez, trésorière de la NFSW-FGT, Carlos Sañosa, Jun Delos Reyes, Robert Hernandez et Josefino Castillano – ont été désignés comme terroristes.
    • En 2018, le Bureau de l’immigration (BI) a accusé sœur Patricia Anne Fox, missionnaire bénévole de l’UMA, d’avoir participé illégalement à des activités politiques faisant d’elle une «étrangère indésirable» et a ordonné son expulsion. Il lui a ainsi été reproché d’avoir participé à des rassemblements, des conférences de presse et des missions d’enquête sur les violations des droits humains dans les couches pauvres et marginalisées de la société. Le 16 avril 2018, des fonctionnaires du BI ont arrêté Mme Fox au motif qu’elle se livrait à des activités politiques en violation de son visa de missionnaire. L’intéressée a été détenue pendant près de 24 heures avant d’être relâchée. Finalement, le BI a déclassé son visa en visa temporaire qui a expiré en novembre 2018.
    • Le 4 mai 2018, des membres de la PNP et des agents de sécurité travaillant pour le compte des propriétaires terriens Perla et Juan Miguel Gonzales, dont le petit-fils est le maire de la ville de Silay, ont tenté de démolir les maisons de quatre adhérents du Syndicat des travailleurs agricoles d’Hacienda San Herman – NFSW, à savoir Celso Gonzales, Celso Salgado, Ernesto Tilacas et Noel Zaragosa, mais ils se sont heurtés à la résistance des travailleurs agricoles. Ils sont parvenus finalement à les démolir le 21 juin 2018, et les syndicalistes vivent désormais sur un site de relogement du gouvernement. Ces actes visaient à instiller la peur chez les travailleurs pour les inciter à retirer leurs revendications de réforme agraire et réprimer le syndicalisme.
    • Le 8 juillet 2018, 30 membres de l’armée philippine ont campé à une trentaine de mètres du domicile de Hasil Delima, membre de la NFSW-FGT, à Sitio Aniya (barangay de Winaswasan, Calatrava).
    • Le 4 août 2018, plus de 100 agents de sécurité travaillant pour le compte de la direction de l’entreprise Diamond Factor Corporation ont commencé à détruire des parcelles cultivées appartenant à l’Association des agriculteurs et des travailleurs agricoles d’Aidsisa (AFFWA-NFSW) à Aidsisa (barangay d’Eustaquio Lopez, Silay, Negros Occidental). Pendant que certains accomplissaient leur œuvre de destruction, d’autres tiraient des coups de feu en l’air pour effrayer les agriculteurs et les ouvriers agricoles. D’après les organisations plaignantes, ces actes visaient probablement à menacer les résidents et les ouvriers agricoles et à les inciter à retirer leur demande de réforme foncière des terres revendiquées par l’entreprise. Les membres de l’AFFWA-NFSW continuent de vivre dans la peur.
    • Le 16 novembre 2018, après avoir tiré sans discernement des coups de feu à Sitio Puting Bato (barangay de Washington, Escalante) une centaine de membres de l’armée des philippines, de la force d’action spéciale de la PNP et du Groupe d’enquête conjoint ont procédé à une évacuation forcée des lieux et à un contrôle des entrées/sorties des riverains, installé un campement illégal près des habitations et effectué en toute illégalité des fouilles et des mises en détention qui ont touché 21 personnes appartenant à 11 familles, dont des membres de la PAMALAKAYA et de la NFSW-FGT.
    • Le 1er février 2019, des militaires armés en uniforme ont saccagé et fouillé illégalement les maisons de membres du Pakigdaet sa Kalambuan (PSK)-NFSW à Sitio Magtuod (barangay de Bugang, Toboso). Ils ont cherché à intimider les habitants en procédant à un décompte du nombre d’hommes, soupçonnés d’être des membres de la NPA, et leur ont également dit qu’ils s’exposaient à de graves représailles s’ils s’opposaient à la fouille de leur domicile.
    • Le 22 février 2019, les forces armées ont fouillé la maison de Tioliza Iwayan, membre de la NFSW-FGT, à Jonob-Jonob (Escalante) à la recherche d’armes censées appartenir à la NPA, mais ils n’ont rien trouvé.
    • Le 4 mars 2019, le domicile d’Arjie Marangga, secrétaire générale de la NFSW-Toboso et «correspondante aux pieds nus» de l’émission de radio Kaling kag Tugda, situé à Neuva Estrella (barangay de General Luna, Toboso, Negros Occidental), a été encerclé par des membres de l’armée philippine arrivés sur les lieux avec un camion militaire, quatre camionnettes et plusieurs motos, qui ont accusé l’intéressée d’héberger des membres de la NPA et menacé tous les membres de la famille de représailles s’ils ne quittaient pas la NFSW-FGT.
    • Le 20 mars 2019, des soldats ont cherché à intimider et harcelé les habitants de Sitio Fuentes (barangay de Mabini, Escalante) et ont saccagé la maison de Teddy Canillo, organisateur régional de la NFSW-FGT à Escalante (Negros Occidental).
    • Le 28 mars 2019, des militaires prétendant appartenir à la PNP ont pris d’assaut un village et saccagé le bureau de la coopérative et les maisons de Grace Parreno, Anilyn Serrondo, Chen-Chen Serrondo, Joenel Timplado, ainsi que d’Eulando Serrondo (leader du PSK), qui a en outre fait l’objet de nouvelles menaces.
    • Le 9 avril 2019, trois hommes du Groupe de travail national visant à mettre fin au conflit armé communiste local ont indiqué à 30 habitants de Gaway-Gaway (Jonob-Jonob, Escalante) qui assistaient à une réunion du Panihugsa sang mga Obreros sa Barangay Jonobjonob (POBJ)-NFSW qu’ils étaient préoccupés des problèmes des agriculteurs et de la POBJ et les ont avertis qu’ils s’exposaient à des poursuites s’ils participaient à des rassemblements et à des actions de masse.
    • Le 19 avril 2019, 113 agriculteurs appartenant pour la plupart à la NFSW-FGT et au KMP, mais aussi à 26 autres associations d’agriculteurs, ont assisté à une réunion à Escalante, qui a été mise à profit pour inscrire sur liste rouge toutes les organisations progressistes, notamment la NFSW-FGT.
    • Le 22 avril 2019, 40 militaires en armes ont pris d’assaut un village et ont cherché à intimider Eulando Serrondo (leader du PSK) et d’autres membres du PSK-NFSW.
    • Le 24 juin 2019, Theresa Aloquina, épouse d’Aldrin Aloquina, vice-président régional de la NFSW-FGT, a fait l’objet de manœuvres d’intimidation et de harcèlement à son domicile situé à Linao II (Balintawak, Escalante) de la part de membres du Groupe de travail national visant à mettre fin au conflit armé communiste local qui recherchaient M. Aloquina et qui, tout en admettant que la NFSW-FGT était légale, ont dit qu’elle était soutenue par une autre organisation.
    • Le 26 juin 2019, Rebecca Bucabal, présidente du Panaghiusa sa Obreros sa Barangay Balintawak (POBB)-NFSW, a fait l’objet de manœuvres d’intimidation et de harcèlement à Balintawak (Escalante) de la part de six membres du Groupe de travail national visant à mettre fin au conflit armé communiste local, qui lui ont demandé de coopérer et de quitter la NFSW-FGT, qu’ils ont qualifiée de «maot» (malfaisante, nuisible).
    • Le 4 juillet 2019, la police de Silay, munie de mandats de perquisition, a fouillé la maison de Jose Rex Escapalao, vice-président du Syndicat des travailleurs agricoles Hacienda Raymunda-NFSW, y a placé un révolver, a arrêté le responsable syndical et l’a accusé de possession illégale d’armes à feu. M. Escapalao a été détenu au poste de police de Silay pendant une semaine avant d’être libéré sous caution; son cas est devant la cour en attendant la date de son jugement.
    • Le 5 juillet 2019, Susan Pabalate, adhérente de la NFSW-FGT, a fait l’objet de manœuvres d’intimidation et de harcèlement à son domicile dans le barangay de Malasibog (Escalante) de la part de 14 membres armés du Groupe de travail national visant à mettre fin au conflit armé communiste local.
    • Le 14 juillet 2019, des hommes armés en civil ont intimidé et menacé les membres de la famille de Dingding, dirigeant de la NFSW-FGT dans la région, à Hacienda Amparo (Mabini, Escalante), en disant qu’ils seraient désolés qu’il arrive quelque chose de désagréable à leur mère si celle-ci refusait de se rendre en tant que membre du parti communiste des Philippines.
    • Le 14 juillet 2019, les habitants de Minasugang (barangay de Tabunac, Toboso) ont fait l’objet de manœuvres d’intimidation et de harcèlement de la part de membres de l’armée des Philippines lors d’une réunion du conseil de village qui devait porter sur un programme de création de sources de revenus, mais au cours de laquelle on leur a demandé de remettre leurs fusils et leurs armes – ce qu’ils n’ont pu faire puisqu’ils n’en possédaient pas – et de se laver de tout soupçon. Ils ont également été contraints de donner les noms des responsables de leur coopérative affiliée à la NFSW-FGT, qui n’était pas encore enregistrée à l’époque. Les registres de la coopérative et les documents relatifs à leur conflit foncier sont désormais entre les mains de l’armée des Philippines.
    • Les 27 et 28 juillet 2019, 171 habitants des barangays de Bandila, Tabunac, Bugang et Magticol (Toboso) ont été contraints de participer à un séminaire sur la paix que l’armée philippine et d’autres organismes gouvernementaux locaux avaient organisé dans le but de les déradicaliser. Ils ont également été contraints de fabriquer des pancartes de groupes anti-progressistes et des drapeaux rouges frappés de la faucille et du marteau et de les brandir pendant un rassemblement de protestation dans le centre-ville en scandant le slogan «non au racket».
    • Depuis 2019, l’armée, en coopération avec les unités du gouvernement local, a pris le contrôle des commémorations annuelles du massacre d’Escalante de 1985 en organisant un «sommet de la paix» au cours duquel 2 400 rebelles supposés ont dû participer à un «simulacre de reddition». Le maire avait refusé d’accorder les autorisations requises aux groupes qui organisaient traditionnellement la commémoration et la police et les soldats ont arrêté les membres du Théâtre ouvrier, qui se produisaient à chaque commémoration annuelle.
    • Dans son rapport annuel de 2019, le Groupe de travail national visant à mettre fin au conflit armé communiste local a inscrit sur liste rouge le KMU et l’UMA et leurs adhérents. Le Réseau de résistance à l’expansion des plantations agricoles à Mindanao, dont l’UMA est le coordinateur national, a également été inscrit sur la liste des groupes terroristes communistes dans le secteur agricole.
    • Le 19 avril 2020, Ariel Casilao, vice-président en exercice de l’UMA, a été accusé d’usurpation d’identité pour s’être fait passer pour un membre en exercice de la Chambre des représentants en vue d’aider six bénévoles participant aux opérations de secours d’urgence menées par l’organisation Sagip Kanayunan, qui avaient été appréhendés et détenus au poste de police de Norzagaray; l’affaire est toujours en instance.
    • L’UMA-Isabela figure parmi les organisations progressistes inscrites sur liste rouge par l’armée philippine entre mai et juin 2020. Des sacs faisant office d’affiches portant les noms de militants accusés d’être des recruteurs de la NPA ont été placardés sur des arbres le long des principaux axes routiers de trois villes (Isabela, Cagayan et Tuguegarao) et des tracts qualifiant les militants de terroristes et de recruteurs de la NPA ont été distribués. En juin 2021, des responsables de l’UMA-Isabela ont de nouveau été harcelés pour leurs liens présumés avec la NPA: un simulacre de cérémonie de reddition a été organisé au cours duquel des responsables de l’UMA ont refusé de se rendre aux soldats, alors que des policiers et des militaires s’étaient rendus chez eux pendant trois jours consécutifs pour tenter de les contraindre à se laver des soupçons d’appartenir à la NPA. Cet incident s’est produit après que l’UMA-Isabela eut porté plainte auprès du Conseil provincial de Santa Maria pour violation de la loi sur le salaire minimum par une usine de bioéthanol dont les responsables avaient menacé les membres de l’UMA-Isabela de mort et de licenciements massifs.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 518. Dans sa communication en date du 27 janvier 2021, le gouvernement réaffirme qu’il a déjà répondu aux allégations formulées dans le cadre du présent cas. En ce qui concerne les cas d’Emilio Rivera et d’Antonio Petalcorin, s’appuyant sur les conclusions de l’organe régional tripartite de surveillance de la région XI (RTMB-XI) selon lesquelles des poursuites pour assassinat avaient été engagées et une enquête était en cours pour appréhender le suspect et recueillir toute information pertinente, il affirme que l’on ne saurait reprocher à l’État l’absence d’enquêtes policières, de poursuites et d’enquêtes judiciaires indépendantes appropriées dans ces affaires d’assassinat.
  2. 519. En ce qui concerne le cas de Kagi Alimudin Lucman, le gouvernement réaffirme que le Comité interinstitutions (IAC) a considéré, sur la base des directives opérationnelles de l’ordonnance administrative no 35, qu’il n’y avait pas eu exécution extrajudiciaire mais qu’une enquête a été menée conformément à la procédure pénale ordinaire, qui avait conclu à l’absence de témoins directs.
  3. 520. En ce qui concerne le cas de Carlos Cirilo, le gouvernement déclare qu’il ressort des pièces du dossier que contrairement aux allégations l’intéressé ne s’est pas vu refuser une escorte policière et que, malgré les enquêtes de suivi, aucun témoin n’a pu apporter des informations au sujet des grenades lancées dans la propriété de la victime.
  4. 521. Le gouvernement réaffirme que les cas susmentionnés sont traités et instruits selon la procédure ordinaire en matière d’enquête et de poursuites pénales et que la disponibilité des comptes rendus est largement tributaire des investigations menées par la police et des procédures judiciaires, dont l’avancement peut être affecté par des facteurs comme l’absence de témoins directs.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 522. Le comité rappelle que le présent cas concerne des allégations d’exécution extrajudiciaire de trois dirigeants syndicaux, une tentative d’assassinat d’un autre syndicaliste et l’incapacité du gouvernement à enquêter de manière appropriée sur ces cas et à traduire les auteurs en justice, ce qui renforce le climat d’impunité, de violence et d’insécurité et nuit par conséquent à l’exercice des droits syndicaux. Des allégations supplémentaires font état de 18 autres exécutions extrajudiciaires de syndicalistes et de dirigeants syndicaux à Manille et sur l’île de Negros, ainsi que de nombreux cas d’arrestation illégale, de mise en détention, d’inscription sur liste rouge, de harcèlement, d’intimidation et de menaces concernant des syndicalistes et des dirigeants syndicaux dans le secteur agricole.
  2. 523. En ce qui concerne les allégations initiales et l’état d’avancement des affaires concernant les assassinats d’Antonio «Dodong» Petalcorin, d’Emilio Rivera et de Kagi Alimudin Lucman (recommandation a)), le comité note que le gouvernement se borne à reprendre les informations apportées antérieurement, à savoir que les suspects dans les affaires Emilio Rivera et Antonio Petalcorin sont sous le coup d’un mandat d’arrêt et qu’une enquête de suivi est en cours en vue de les appréhender, et que l’enquête sur l’affaire Kagi Alimudin Lucman a conclu à l’absence de témoins directs. Le comité regrette une fois de plus qu’aucun progrès substantiel ne semble avoir été réalisé pour traduire les auteurs en justice dans ces trois affaires, bien que les assassinats aient eu lieu en 2013 et que le gouvernement ait indiqué à plusieurs reprises qu’ils faisaient l’objet d’une enquête conformément à la procédure ordinaire d’enquête et de poursuite pénale. Rappelant qu’il importe que les enquêtes ouvertes sur des assassinats de syndicalistes aboutissent à des résultats concrets permettant d’établir les faits de manière incontestable, ainsi que les motifs de ces faits et leurs auteurs, de manière à pouvoir appliquer les sanctions appropriées et s’employer à éviter leur répétition à l’avenir [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 96], le comité exprime de nouveau le ferme espoir que les auteurs présumés seront traduits en justice et condamnés sans délai. Le comité veut croire que le gouvernement continuera de faire tout son possible à cet égard et le prie instamment de le tenir informé de toute évolution à ce sujet.
  3. 524. En ce qui concerne les allégations supplémentaires communiquées par l’ITF, l’UMA et la NFSW FGT, le comité observe que les organisations plaignantes dénoncent une politique de répression et de criminalisation des syndicats, en particulier dans le secteur agricole, notamment par la mise en œuvre du mémorandum no 32, qui s’est traduite dans la pratique par de graves violations des droits humains et syndicaux. Le comité observe en particulier que les organisations plaignantes dénoncent 18 cas d’exécution extrajudiciaire de syndicalistes et de dirigeants syndicaux depuis 2016 (Leonardo Escala, Ariel Diaz, Alexander Ceballos, Flora Gemola, Ronald Manlanat, Julius Broce Barellano, Eglicerio Villegas, Angelife E. Arsenal, Paterno M. Baron, Rene P. Laurencio Sr, Morena F. Mendoza, Marcelina D. Dumaguit, Rannel H. Bantigue, Jomarie S. Ugahayon Jr, Marchel Sumicad, Felipe Dacal-Dacal, Jose Jerry Catalogo et Antonio «Cano» Arellano) et allèguent que les enquêtes correspondantes n’ont pas toujours donné des résultats. Le comité note en outre que les organisations plaignantes font également état d’arrestations illégales, de mises en détention et de poursuites pénales abusives concernant plus de 100 travailleurs, militants des droits de l’homme et syndicalistes appartenant notamment à des syndicats affiliés à la NFSW-FGT et à l’UMA, ainsi que de nombreux cas d’intimidation, de harcèlement, d’inscription sur liste rouge et de menaces contre des syndicalistes et des dirigeants syndicaux. Selon les organisations plaignantes, le gouvernement n’assure pas une protection adéquate contre ces crimes, dont la plupart se caractérisent par un certain degré d’implication d’agents de l’État, en particulier des membres de la police, des forces armées ou d’autres organisations sous leur contrôle. Constatant que le gouvernement n’a pas encore fourni ses observations à cet égard, le comité doit exprimer sa profonde préoccupation devant la gravité des allégations formulées, ainsi que devant leur caractère répété et prolongé, qui se traduit par un climat de violence et d’impunité ayant des effets extrêmement dommageables sur l’exercice légitime des droits syndicaux dans le pays. Dans ces circonstances, le comité se doit de rappeler que les actes d’intimidation et de violence physique à l’encontre de syndicalistes constituent une violation grave des principes de la liberté syndicale et l’absence de protection contre de tels actes équivaut à une impunité de fait qui ne saurait que renforcer un climat de crainte et d’incertitude très préjudiciable à l’exercice des droits syndicaux. Le fait d’assimiler purement et simplement les syndicats à un mouvement d’insurrection a pour effet de les stigmatiser et de mettre souvent les dirigeants syndicaux et les syndicalistes dans une situation d’extrême insécurité. Il importe que tous les actes de violence visant les syndicalistes, qu’il s’agisse d’assassinats, de disparitions ou de menaces, fassent l’objet d’enquêtes appropriées. En outre, la simple ouverture d’une enquête ne met pas fin à la mission du gouvernement; celui-ci est tenu de donner tous les moyens nécessaires aux instances chargées de ces enquêtes pour que celles-ci aboutissent à l’identification et à la condamnation des coupables. [Voir Compilation, paragr. 90, 93 et 102.] Considérant qu’un grand nombre d’actes auraient été commis par des agents de l’État – appartenant en particulier à la police, aux forces armées ou à des organisations sous leur contrôle – ou avec leur concours, le comité rappelle également que l’instruction ne devrait pas se limiter au seul auteur du crime, mais s’étendre aux instigateurs en vue de faire prévaloir la vraie justice et d’empêcher de manière significative toute violence future à l’égard des syndicalistes. Il est d’une importance cruciale que la responsabilité dans la chaîne de commandement soit également dûment déterminée lorsque des crimes sont commis par des membres de l’armée ou de la police et que les instructions adéquates puissent être données à tous les niveaux, et que ceux qui détiennent le contrôle engagent leur responsabilité afin d’empêcher, de manière effective, que de tels actes se reproduisent. [Voir Compilation, paragr. 99.]
  4. 525. Au vu de ce qui précède, le comité prie instamment le gouvernement de fournir une réponse détaillée aux graves allégations de l’ITF, de l’UMA et de la NFSW-FGT faisant état d’exécutions extrajudiciaires, d’arrestations illégales, de mises en détention, de menaces, d’intimidation, de harcèlement et d’inscription sur liste rouge concernant des syndicalistes et s’attend à ce que le gouvernement veille à ce que toutes les allégations susmentionnées fassent rapidement l’objet d’une enquête et que les auteurs de violences contre des syndicalistes soient identifiés et traduits en justice, qu’il s’agisse de particuliers ou d’agents de l’État, afin de lutter contre l’impunité et d’empêcher la répétition de tels actes. Le comité veut croire que le gouvernement accordera la priorité aux enquêtes sur ces incidents graves et le prie de le tenir informé des progrès accomplis à cet égard, y compris de l’état d’avancement des poursuites en cours. Le comité prie également instamment le gouvernement de garantir la libération immédiate de tout syndicaliste détenu si son arrestation ou sa détention est liée à l’exercice légitime de ses droits syndicaux.
  5. 526. Enfin, en ce qui concerne le climat de violence et d’insécurité allégué dans le présent cas, le comité se doit de rappeler que l’ensemble des allégations de violence contre des travailleurs, qui sont organisés ou qui veulent défendre de toute autre manière les intérêts des travailleurs, devraient faire l’objet d’une enquête approfondie et il devrait être pleinement tenu compte de toute relation, directe ou indirecte, que l’acte violent est susceptible d’avoir avec une activité syndicale. [Voir Compilation, paragr. 101.] Soulignant que la responsabilité à cet égard incombe au gouvernement, le comité s’attend à ce que celui-ci fasse tout ce qui est en son pouvoir pour que toute allégation passée ou future d’assassinat lié à l’activité syndicale et d’autres formes de violence contre des syndicalistes fasse rapidement l’objet d’une enquête en bonne et due forme afin d’en clarifier les circonstances, y compris l’existence de toute relation directe ou indirecte avec l’activité syndicale, de déterminer les responsabilités et de punir les auteurs en vue de prévenir la répétition de tels actes. Le comité prie également instamment le gouvernement d’intensifier la lutte contre les violences faites aux syndicalistes en concevant et en mettant en œuvre toutes les mesures nécessaires à cet effet, y compris des orientations et des instructions claires à l’intention de tous les agents de l’État et de rendre opérationnels les mécanismes nationaux de surveillance et d’enquête, de manière à prévenir la répétition d’actes violents contre des syndicalistes et des dirigeants syndicaux et à faire en sorte que ceux-ci ne soient pas systématiquement soupçonnés d’appartenir à des groupes insurrectionnels ou autres groupes paramilitaires, compte tenu de l’effet stigmatisant que cela peut avoir sur l’exercice d’activités syndicales légitimes.
  6. 527. Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère grave et urgent des questions traitées dans le présent cas.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 528. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Rappelant que les assassinats d’Antonio «Dodong» Petalcorin, d’Emilio Rivera et de Kagi Alimudin Lucman ont eu lieu en 2013 et que le gouvernement a indiqué qu’ils étaient en cours d’instruction conformément à la procédure ordinaire d’enquête et de poursuite pénale, le comité exprime une nouvelle fois le ferme espoir que les auteurs seront traduits en justice et condamnés sans délai. Le comité veut croire que le gouvernement continuera de faire tout son possible à cet égard et le prie instamment de le tenir informé de tout progrès en la matière.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir une réponse détaillée aux graves allégations de l’ITF, de l’UMA et de la NFSW-FGT faisant état d’exécutions extrajudiciaires, d’arrestations illégales, de mises en détention, de menaces, d’intimidation, de harcèlement et d’inscription sur liste rouge concernant des syndicalistes et s’attend à ce que le gouvernement veille à ce que toutes les allégations susmentionnées fassent rapidement l’objet d’une enquête et que les auteurs de violences contre des syndicalistes soient identifiés et traduits en justice, qu’il s’agisse de particuliers ou d’agents de l’État, afin de lutter contre l’impunité et d’empêcher la répétition de tels actes. Le comité veut croire que le gouvernement donnera la priorité aux enquêtes sur ces incidents graves et le prie de le tenir informé des progrès accomplis à cet égard, y compris de l’état d’avancement de toute poursuite qui aurait été engagée.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de garantir la libération immédiate de tout syndicaliste détenu si son arrestation ou sa détention est liée à l’exercice légitime de ses droits syndicaux.
    • d) Enfin, soulignant la responsabilité du gouvernement en ce qui concerne les enquêtes sur les allégations de violence contre des travailleurs qui s’organisent ou défendent de toute autre manière les intérêts des travailleurs, le comité s’attend à ce que le gouvernement fasse tout ce qui est en son pouvoir pour que toute allégation passée ou future d’assassinat lié à l’activité syndicale et d’autre forme de violence contre des syndicalistes fasse rapidement l’objet d’une enquête en bonne et due forme afin d’en clarifier les circonstances, y compris l’existence de toute relation directe ou indirecte avec l’activité syndicale, de déterminer les responsabilités et de punir les auteurs en vue de prévenir la répétition de tels actes. Le comité prie également instamment le gouvernement d’intensifier la lutte contre les violences faites aux syndicalistes en concevant et en mettant en œuvre toutes les mesures nécessaires à cet effet, y compris des orientations et des instructions claires à l’intention de tous les agents de l’État et de rendre opérationnels les mécanismes nationaux de surveillance et d’enquête, de manière à prévenir la répétition d’actes violents contre des syndicalistes et des dirigeants syndicaux et à faire en sorte que ceux-ci ne soient pas systématiquement soupçonnés d’appartenir à des groupes insurrectionnels ou autres groupes paramilitaires, compte tenu de l’effet stigmatisant que cela peut avoir sur l’exercice d’activités syndicales légitimes.
    • e) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère grave et urgent des questions traitées dans le présent cas.
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