ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport définitif - Rapport No. 396, Octobre 2021

Cas no 3354 (Costa Rica) - Date de la plainte: 18-MARS -19 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

Allégations: Les organisations plaignantes allèguent des licenciements massifs, y compris de dirigeants syndicaux, et l’abrogation des conventions collectives dans deux entreprises multinationales du secteur agro-industriel. Elles allèguent également l’absence de protection effective de la part de l’État

  1. 231. La plainte figure dans une communication conjointe de la Confédération des travailleurs Rerum Novarum (CTRN), de la Fédération nationale des travailleurs de l’agro-industrie, de l’hôtellerie-restauration et des branches connexes (FENTRAGH) et de l’Union internationale des travailleurs de l’agriculture, de l’alimentation, de l’hôtellerie restauration, du tabac et des branches connexes (UITA), datée du 18 mars 2019.
  2. 232. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées du 19 décembre 2019 et du 6 octobre 2021.
  3. 233. Le Costa Rica a ratifié la convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (n° 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (n° 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 234. Dans leur communication en date du 18 mars 2019, les organisations plaignantes allèguent que les changements intervenus depuis le 1er mars 2019, avec l’ouverture dans la province de Limón du nouveau terminal à conteneurs de Moín exploité sous concession par une multinationale portuaire, ont conduit deux entreprises multinationales du secteur agro-industriel (la Standard Fruit Company de Costa Rica S.A., ci-après dénommée «l’entreprise A», et la Chiquita Brands Costa Rica S.R.L., ci-après dénommée «l’entreprise B») à procéder à des licenciements massifs et illégaux. Les organisations plaignantes allèguent plus particulièrement que ces entreprises ont brutalement fermé les installations portuaires situées dans la province de Limón, ce qui a entraîné le licenciement de travailleurs et de représentants syndicaux du Syndicat libre des travailleurs de l’industrie de la banane et assimilés du Costa Rica (SINTRACOBAL), du Syndicat des travailleurs de l’agriculture et assimilés (SINTRAGA) et du Syndicat des travailleurs de l’agriculture et des transports agricoles et assimilés (SINTRASTAFCOR), syndicats affiliés aux organisations plaignantes (la CTRN et la FENTRAGH, cette dernière étant elle-même affiliée à l’UITA).
  2. 235. En ce qui concerne l’entreprise A, les organisations plaignantes allèguent que: i) le 24 mars 2019, l’entreprise a brutalement fermé sans préavis l’unité de travail située dans la province de Limón, laissant 480 travailleurs sur le carreau; et ii) elle a abrogé la convention collective signée avec le SINTRASTAFCOR et licencié les représentants syndicaux du SINTRAGA et du SINTRASTAFCOR sans suivre les procédures légales et au mépris de leurs privilèges syndicaux. Les organisations plaignantes allèguent également que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale (ci-après «le MTSS»), loin de veiller à la protection des privilèges syndicaux et de la convention collective, a plutôt entériné, via un accord, l’autorisation de fermeture illégale de l’unité de travail et, par conséquent, les licenciements.
  3. 236. En ce qui concerne l’entreprise B, les organisations plaignantes allèguent que: i) le 4 mars 2019, l’entreprise a fermé de manière violente et brutale l’unité de travail implantée dans la province de Limón, supprimant ainsi 380 emplois, dont ceux des dirigeants syndicaux du SINTRACOBAL; et ii) elle a abrogé la convention collective signée avec ledit syndicat et interdit à celui-ci d’accéder, dans l’enceinte de l’entreprise, au local auquel il a droit en vertu de l’article 101 de la convention collective précitée. Les organisations plaignantes indiquent que le local syndical comporte une salle de formation et des bureaux dans lesquels se trouvent du mobilier, des documents, du matériel de bureau, des ordinateurs, un appareil photo, des vidéoprojecteurs, un écran de télévision, des registres de procès-verbaux, des informations comptables et d’autres biens et documents, et allèguent qu’à ce jour l’entreprise n’a pas fait savoir ce qu’elle comptait en faire. Elles allèguent également que le véhicule immatriculé BDB-037 appartenant au SINTRACOBAL est resté dans l’enceinte de l’entreprise et que, suite à la plainte déposée par le syndicat auprès du MTSS, les inspecteurs du travail se sont rendus dans l’unité de travail et y ont dressé un procès-verbal.
  4. 237. Les organisations plaignantes considèrent que pour s’opposer à des licenciements massifs, si l’on met à part le lock-out – illégal –, le Code du travail ne prévoit aucun mécanisme et allèguent que le système de contrôle des pratiques de travail déloyales du MTSS est lent, bureaucratique et n’est pas déclenché d’office. Les organisations plaignantes indiquent que des actions ont été intentées devant le tribunal du travail de la province de Limón contre la fermeture des deux unités de travail et soulignent que, dans le cas de l’entreprise A, le tribunal a rejeté la demande au motif qu’il n’était pas compétent pour connaître d’un conflit collectif de nature économique et sociale puisque les licenciements avaient déjà eu lieu et qu’il n’y avait plus de conflit à prévenir. Les organisations plaignantes estiment que le tribunal n’a pas tenu compte du fait que des dirigeants syndicaux avaient été licenciés au mépris de la procédure applicable et qu’une convention collective avait été abrogée (dossier n° 19-000071-0679-LA). En ce qui concerne l’entreprise B, les organisations plaignantes font savoir que le tribunal du travail de Limón a également rejeté la demande tendant à ce que la fermeture soit qualifiée de lock-out illégal (dossier n° 19 000250-0679-LA) et que le syndicat a formé un recours contre cette décision.
  5. 238. Les organisations plaignantes allèguent que l’objectif des licenciements massifs était de sous-traiter le travail à des entrepreneurs n’offrant aucune garantie sur le plan de la liberté syndicale, et ce en toute impunité et sans que cela n’entraîne de réaction significative de la part du MTSS. Elles soulignent en outre que, d’après le rapport publié en 2018 par l’Institut national de statistique et de recensement, la province en question affiche les indicateurs de développement humain les plus faibles du pays et que 43 pour cent de la population est exclue de l’emploi formel. Elles ajoutent que les taux d’analphabétisme et de pauvreté sont tout aussi élevés et que, par leur comportement, les entreprises concernées aggravent la situation actuelle.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 239. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications du 19 décembre 2019 et du 6 octobre 2021, auxquelles il a joint les rapports du bureau du vice-ministre du Travail et de la Sécurité sociale chargé des questions de travail, de la Direction du travail, de la Direction nationale et Inspection générale du travail et du pouvoir judiciaire, ainsi que les réponses des entreprises concernées.
  2. 240. En ce qui concerne l’entreprise A, celle-ci indique que: i) le 24 janvier 2019, elle a informé les travailleurs de la fermeture imminente de l’unité de travail située dans la province de Limón; ii) cette unité a été fermée parce que ses activités avaient été transférées à une multinationale portuaire qui exploitait le terminal à conteneurs au titre d’une concession de service public; iii) les 24 et 28 janvier, l’entreprise a tenu au siège régional du MTSS situé à Limón des réunions de conciliation avec le SINTRASTAFCOR (avec lequel elle était liée par une convention collective), la CTRN, la FENTRAGH, le ministre, les vice-ministres et le chef coordonnateur de l’Unité de règlement des conflits du siège du MTSS situé à Limón; iv) le 28 janvier, les parties sont parvenues à un accord en vertu duquel l’entreprise s’est engagée à prendre des mesures d’ordre économique, mais aussi de large portée sociale: versement à chaque travailleur du solde de tout compte et de trois mois de salaire supplémentaires, octroi de bourses pour l’année scolaire 2019, distribution de fournitures scolaires et paiement des cotisations des travailleurs qui devaient prendre leur retraite en 2019; en outre, les travailleurs ont été encouragés à constituer une unité de production, qui a vu le jour le 16 mars 2019 avec le soutien du MTSS dans le cadre du système d’incitation à la création de coopératives. Appelée COOPESITRACO RL, cette unité de production compte 124 anciens travailleurs de l’entreprise qui ont participé à l’assemblée constitutive et a été enregistrée le 3 avril 2019; l’entreprise s’est engagée à mettre gracieusement un atelier et des bureaux à la disposition d’un organisme public afin que la COOPESITRACO RL puisse fournir à différentes entreprises de la région des services tels que l’entretien et la réparation de conteneurs; et v) tous les engagements ont été respectés à la satisfaction de l’ensemble des anciens travailleurs et même des dirigeants syndicaux du SINTRASTAFCOR et du SINTRAGA, qui ont en outre reçu sept mois de salaire supplémentaires en sus des trois mois déjà versés.
  3. 241. L’entreprise A fait savoir que les anciens salariés ont déposé le 24 janvier 2019 une déclaration de conflit collectif de nature socio-économique devant le tribunal du travail de Limón du premier circuit judiciaire de la zone atlantique (dossier no 19 000071 0679 LA), mais que, dans le cadre des accords conclus le 28 janvier (paragraphes 8 et 12 du procès-verbal spécial), les délégués qui représentaient les salariés en question à la réunion de conciliation ont accepté de retirer cette déclaration après avoir trouvé un arrangement. L’entreprise indique également que le SINTRASTAFCOR et la COOPESITRACO RL ont fait part de leur mécontentement et de leur désaccord au sujet du dépôt de la présente plainte.
  4. 242. De son côté, le gouvernement indique que, le 28 janvier 2019, le tribunal précité a rejeté catégoriquement la déclaration de conflit collectif de nature socio-économique au motif qu’elle concernait une fermeture totale de l’unité de travail et non un arrêt de travail ou un lock-out. Le gouvernement ajoute que la Direction nationale et Inspection générale du travail ne dispose d’aucun document faisant état d’une quelconque plainte contre l’entreprise A. Il donne des détails sur les réunions de conciliation qui ont eu lieu les 24 et 28 janvier 2019 dans les locaux de l’Unité de règlement des conflits située à Limón et mentionne chacun des points sur lesquels les parties se sont mises d’accord le 28 janvier, soulignant que: i) l’entreprise, les travailleurs et le ministère s’étaient engagés à publier un communiqué de presse annonçant que les deux parties avaient conclu un accord mutuellement satisfaisant (le communiqué a bien été publié); ii) le syndicat avait convenu que l’accord était contraignant pour les organisations syndicales et les travailleurs de l’entreprise, y compris les dirigeants syndicaux du SINTRASTAFCOR; iii) le syndicat s’était engagé à retirer la déclaration de conflit collectif déposée devant le tribunal; et iv) le syndicat communiquerait l’accord aux travailleurs et anciens travailleurs afin de garantir la paix sociale entre les parties, et le ministère du Travail maintiendrait ouvertes les voies de communication et de dialogue sur les questions liées à l’emploi dans la région de Limón et mettrait en place un mécanisme de dialogue social avec le secteur privé afin de promouvoir les initiatives en matière d’employabilité.
  5. 243. En ce qui concerne la convention collective signée entre l’entreprise A et le SINTRASTAFCOR, le gouvernement indique que, d’après le dossier n° 913 dont dispose le Département des relations de travail, elle a été homologuée par décision n° DAL DRT OF 515-2018 du 9 octobre 2018, et qu’il n’existe aucun document faisant état de son abrogation. Le gouvernement indique également que le 20 août 2019, une enquête d’office a été menée afin de déterminer si l’entreprise avait licencié des travailleurs protégés par l’immunité syndicale sans avoir préalablement demandé une autorisation. Le gouvernement indique que cette enquête n’a pu être menée car l’unité de travail était fermée et qu’en tout état de cause il y a eu une négociation tripartite entre le syndicat, l’entreprise et le ministère, qui a abouti à la signature de l’accord du 28 janvier 2019.
  6. 244. Pour ce qui est de l’entreprise B, celle-ci indique que: i) la fermeture des installations avait été décidée conformément à un contrat de concession de service public qui modifiait l’organisation logistique au niveau national; ii) le licenciement des travailleurs répondait à des raisons objectives, la totalité des installations ayant été fermées; iii) le 3 mars 2019, tous les travailleurs ainsi que le SINTRACOBAL ont été informés de la regrettable fermeture des installations à compter du 4 mars, qui a entraîné le licenciement de 172 travailleurs (et non de 300 comme le prétendent les organisations plaignantes); iv) les licenciements ne sont devenus effectifs que le 27 mars, car les représentants syndicaux ont déposé une déclaration de conflit collectif de nature socio économique auprès du MTSS, ce qui a eu pour effet immédiat de suspendre les relations de travail; et v) l’entreprise et le gouvernement indiquent qu’à l’issue d’une série de réunions de conciliation, qui ont eu lieu les 13, 14, 25 et 27 mars 2019 et au cours desquelles le tribunal de conciliation a proposé aux parties de passer des accords mutuellement satisfaisants, aucun accord n’a été conclu, et la procédure de conciliation a donc été close le 27 mars, les licenciements devenant effectifs à cette date.
  7. 245. L’entreprise nie avoir externalisé toutes les activités qui étaient menées sur le site et souligne qu’il était de notoriété publique que lesdites activités avaient été transférées à la multinationale portuaire qui détient la concession de service public pour la conception, le financement, la construction, l’exploitation et la maintenance du terminal à conteneurs de Moín (province de Limón). L’entreprise affirme avoir respecté toutes ses obligations, y compris le paiement de l’indemnité visée à l’article 99 de la convention collective (lequel faisait état de l’éventuelle fermeture totale des installations et du versement d’une indemnité complémentaire à celle prévue par le Code du travail). En ce qui concerne l’accès au local du syndicat, l’entreprise dit avoir informé les travailleurs et le SINTRACOBAL que, s’ils souhaitaient entrer sur le site, ils devaient se mettre d’accord avec le personnel des ressources humaines pour des raisons de sécurité. L’entreprise fait cependant observer que le 5 mai les représentants syndicaux y sont entrés et ont récupéré leurs biens, y compris leur véhicule.
  8. 246. Le gouvernement indique que, le 9 mars 2019, le SINTRACOBAL a demandé au tribunal du travail de Limón du premier circuit judiciaire de la zone atlantique de déclarer illégal le lock-out effectué par l’entreprise B (dossier n° 19-000250-0679-LA), et que le tribunal a estimé qu’il y avait eu fermeture totale de l’unité de travail et non fermeture temporaire ou arrêt des activités. Il indique en outre que le 12 mars 2019 le syndicat a fait appel du jugement et que la Cour d’appel civile et du travail de la zone atlantique, section de Limón, a confirmé le jugement de première instance par décision n° 2019-144 du 16 mai 2019.
  9. 247. En ce qui concerne la convention collective signée entre l’entreprise et le SINTRACOBAL, le gouvernement fait savoir qu’elle a été homologuée par décision n° DAL DRT OF 535 2018 du 30 octobre 2018 et qu’il n’existe aucun document faisant état de son abrogation. Il indique également que trois procédures administratives impliquant l’entreprise sont en instance auprès du service de l’inspection du travail de Limón: i) une plainte déposée le 6 mars 2019 par le SINTRACOBAL pour pratiques de travail déloyales et persécution syndicale ayant donné lieu à la visite immédiate du site par un inspecteur, qui en a constaté la fermeture; le 24 septembre 2021, il a été constaté qu’un recours en révision déposé par l’entreprise en avril 2019 contre le rapport d’inspection n’avait pas été résolu et, par conséquent, l’inspecteur en charge a décidé que le recours serait résolu dès qu’il serait possible d’entrer sur le lieu de travail, ii) une plainte déposée le 2 avril 2019 pour licenciement illégal d’une travailleuse enceinte; si le tribunal de première instance a demandé à l’entreprise d’annuler le licenciement de la travailleuse, cette décision a fait l’objet d’un recours en révision; l’inspecteur du travail, dans son rapport daté du 20 mai 2019, a conclu qu’il ne s’agissait pas d’un licenciement discriminatoire motivé par la grossesse de l’intéressée puisque tout le personnel de l’unité de travail avait été licencié pour raisons économiques (le gouvernement indique que le 8 novembre 2019, la clôture définitive du dossier a été ordonnée); et iii) une lettre en date du 9 avril 2019 adressée au Département de l’inspection du bureau de Limón dans laquelle l’entreprise a communiqué la liste des licenciements effectués le 27 mars, dans laquelle figurait le nom de personnes protégées par des privilèges spéciaux: en ce qui concerne ces dernières, le gouvernement indique qu’une enquête avait été ordonnée et avait abouti à la conclusion que l’entreprise n’avait pas suivi la procédure de demande d’autorisation de licenciement de travailleurs jouissant de la protection syndicale prévue dans le Code du travail et dans le manuel de procédure légale de l’inspection du travail et que, par conséquent, le 7 août 2019, les inspecteurs ont été chargés de vérifier si l’employeur avait fondé sa décision sur des éléments objectifs (fermeture définitive du lieu de travail) et s’il existait des motifs discriminatoires. Le gouvernement indique que le 29 septembre 2021, une visite a été effectuée sur le lieu de travail et il a été corroboré qu’il était fermé depuis le 4 mars 2019. Le gouvernement souligne que le MTSS a toujours agi dans le strict respect du cadre légal et que le ministère n’a autorisé aucun licenciement de travailleur jouissant de la protection syndicale.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 248. Le comité observe que dans le présent cas les organisations plaignantes allèguent que, au début de l’année 2019, les entreprises A et B ont fermé les unités de travail portuaire situées dans la province de Limón et que, dans ce contexte, il a été procédé à des licenciements massifs de travailleurs et de représentants syndicaux au mépris des procédures établies et que les conventions collectives en vigueur dans ces unités de travail ont été abrogées. Elles allèguent également que le MTSS a eu une attitude permissive à l’égard des faits susmentionnés.
  2. 249. Le comité observe qu’il ressort des documents communiqués par les organisations plaignantes et de la réponse du gouvernement que la fermeture de l’unité de travail de l’entreprise A a eu lieu le 24 janvier 2019. Par ailleurs, le comité observe avec regret que, selon les allégations des organisations plaignantes et les réponses des entreprises, la fermeture des deux unités de travail a eu lieu sans qu’aucun préavis n’ait été adressé aux travailleurs ou aux syndicats: l’entreprise A a fait connaître sa décision le jour même, soit le 24 janvier, et l’entreprise B la veille, soit le 3 mars pour une fermeture le 4.
  3. 250. Le comité observe que les organisations plaignantes et les entreprises conviennent que la fermeture totale des deux unités de travail a touché les travailleurs syndiqués, mais aussi tous les autres travailleurs. Elles semblent également d’accord pour dire que la fermeture des unités de travail était liée à l’ouverture du nouveau terminal à conteneurs de Moín (province de Limón), qui est géré par une multinationale portuaire détenant la concession de service public pour la conception, le financement, la construction, l’exploitation et la maintenance du terminal. Bien que les organisations plaignantes allèguent également que ces fermetures et les licenciements avaient pour but d’externaliser le travail, le comité note qu’il était de notoriété publique d’après l’entreprise B que les activités qui étaient auparavant menées dans ces unités avaient été reprises par la multinationale portuaire susmentionnée.
  4. 251. Le comité note que tant les organisations plaignantes que le gouvernement indiquent ce qui suit: i) les anciens travailleurs des deux unités de travail ont demandé au pouvoir judiciaire de déclarer illégal le lock-out décidé par les entreprises (les organisations plaignantes considèrent que si l’on met à part le lock-out illégal, le Code du travail ne prévoit aucun mécanisme pour faire face aux licenciements massifs); et ii) dans les deux cas, les demandeurs ont été déboutés en première et deuxième instances au motif qu’il y avait eu fermeture totale des unités de travail et résiliation des contrats de travail du fait de l’employeur, et non fermeture temporaire ou arrêt des activités.
  5. 252. Le comité prend note également des informations détaillées du gouvernement concernant les réunions de conciliation qui auraient eu lieu après la fermeture des deux unités de travail. Dans le cas de l’entreprise A, le gouvernement indique que les 24 et 28 janvier 2019, des réunions de conciliation entre l’entreprise, le SINTRASTAFCOR, la CTRN et la FENTRAGH se sont déroulées au siège régional de Limón du MTSS et que, le 28 janvier, les parties sont parvenues à un accord en vertu duquel l’entreprise s’est engagée à prendre des mesures d’ordre économique – indemnités et avantages par exemple – mais aussi de large portée sociale, comme la création, par 124 des anciens travailleurs, d’une coopérative qui fournit des services au terminal à conteneurs. Selon le gouvernement, les parties ont convenu que le syndicat communiquerait l’accord aux anciens travailleurs afin de garantir la paix sociale, le syndicat s’est engagé à abandonner son action en justice et a convenu avec le MTSS de maintenir ouvertes les voies de communication et de dialogue sur les questions relatives à l’emploi dans la région de Limón et de mettre en place un espace de dialogue pour le secteur privé destiné à encourager les initiatives dans le domaine de l’employabilité. Le comité note également que, selon le gouvernement, le SINTRASTAFCOR et la coopérative ont exprimé leur mécontentement et leur désaccord au sujet du dépôt de la présente plainte.
  6. 253. En ce qui concerne l’entreprise B, le comité note que d’après le gouvernement, bien que des réunions de conciliation aient eu lieu les 13, 14, 25 et 27 mars et que le MTSS ait recherché les meilleures voies de dialogue entre les parties, la procédure de conciliation a été close le 27 mars 2019. Le comité note également que d’après le gouvernement: i) les licenciements auxquels il a été procédé le 27 mars 2019 ont été notifiés par l’entreprise au Département de l’inspection de Limón le 9 avril 2019; ii) étant donné que les licenciements concernaient des membres du comité exécutif et des représentants syndicaux, une enquête a été ordonnée; et iii) l’inspection du travail a conclu dans son rapport que l’entreprise n’avait pas suivi la procédure de demande d’autorisation de licenciement des travailleurs protégés qui est prévue dans le Code du travail et le manuel de procédure légale de l’inspection du travail; les inspecteurs ont donc été chargés le 7 août 2019 de vérifier si l’employeur avait fondé sa décision sur des éléments objectifs (fermeture définitive du lieu de travail) et s’il existait des motifs discriminatoires. Le comité observe que, le gouvernement indique que le 29 septembre 2021, une visite a été effectuée sur le lieu de travail et il a été corroboré qu’il était fermé depuis le 4 mars 2019. Le comité observe également que les procédures judiciaires susmentionnées ont abouti à la conclusion qu’il s’agissait d’une fermeture totale de l’unité de travail.
  7. 254. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’entreprise B n’aurait pas permis au syndicat de récupérer des biens meubles et de la documentation qui se trouvaient dans son local, ainsi qu’un véhicule lui appartenant, le comité note que d’après l’entreprise celle-ci avait informé le SINTRACOBAL que l’entrée dans l’enceinte de l’unité de travail devait être convenue avec le personnel des ressources humaines et que, de toute façon, des représentants du syndicat étaient entrés sur le site le 5 mai et avaient repris les biens appartenant à l’organisation, y compris son véhicule.
  8. 255. Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle les deux entreprises auraient abrogé les conventions collectives signées avec les syndicats concernés, le comité note que, d’après le gouvernement, aucun document ne fait état de l’abrogation des conventions collectives en question. Il note également que, aux dires de l’entreprise B, celle-ci a respecté toutes ses obligations, y compris le paiement de l’indemnité visée à l’article 99 de la convention collective (lequel prévoyait l’éventuelle fermeture totale de l’unité ainsi que le versement d’une indemnité complémentaire à celle prévue par le Code du travail).
  9. 256. Rappelant l’importance qu’il attache à la promotion du dialogue et des consultations sur les questions d’intérêt commun entre les autorités publiques et les organisations professionnelles les plus représentatives du secteur en question, ainsi qu’à ce que les gouvernements consultent les organisations syndicales en vue d’examiner les conséquences des programmes de restructuration sur l’emploi et les conditions de travail des salariés [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1523 et 1555], le comité veut croire que l’instance de dialogue qui devait être mise en place en vertu de l’accord de conciliation du 28 janvier 2019 mentionné ci-dessus l’a effectivement été et qu’elle contribuera à maintenir ouvertes les voies de communication et de dialogue entre toutes les parties concernées par les questions liées à l’emploi dans la région de Limón.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 257. Voulant croire que l’instance de dialogue susmentionnée est mise en place et au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à décider que cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer