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Rapport définitif - Rapport No. 396, Octobre 2021

Cas no 3379 (Afrique du Sud) - Date de la plainte: 14-AVR. -20 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante allègue des licenciements massifs de ses membres par une entreprise de production de métaux dans le cadre d’une restructuration et allègue que les articles 23(1) et 189(1) de la loi sur les relations de travail, sur lesquelles se fondent les licenciements, sont contraires aux conventions de l’OIT sur la liberté syndicale en ce qu’elles excluent les syndicats minoritaires des consultations sur les licenciements et ne leur permettent pas de faire des observations en cas d’extension des conventions collectives

  1. 52. La plainte figure dans une communication en date du 14 avril 2020 émanant de l’Association syndicale des mineurs et des travailleurs de la construction (AMCU).
  2. 53. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication en date du 15 décembre 2020.
  3. 54. L’Afrique du Sud a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 55. Dans sa communication en date du 14 avril 2020, l’organisation plaignante allègue le licenciement illégal de 103 de ses membres par la Royal Bafokeng Platinum Limited (ci après «l’entreprise productrice de métaux» ou «l’entreprise») en 2015 et dénonce l’absence de consultation de l’organisation plaignante – un syndicat minoritaire – tant lors des consultations sur les licenciements qu’avant l’extension de l’accord sur les licenciements à ses membres, en application des articles 23(1) et 189(1) de la loi sur les relations de travail (LRA) (voir annexe). L’organisation plaignante allègue que, dans la pratique, les salariés confrontés à des licenciements massifs n’ont pas le droit d’être représentés par des syndicats minoritaires de leur choix lorsque d’autres syndicats ont conclu une convention collective avec l’employeur, que tout accord de licenciement conclu entre l’employeur et un syndicat majoritaire peut être étendu aux membres du syndicat minoritaire sans aucune participation du syndicat des travailleurs de leur choix et que les lois nationales régissant la question ne sont donc pas conformes aux principes de la liberté syndicale.
  2. 56. En particulier, l’organisation plaignante indique que, au moment des licenciements, elle était un syndicat minoritaire au sein de l’entreprise, représentant 11 pour cent de l’effectif total, et qu’elle ne disposait donc pas de droits en matière d’organisation. En ce qui concerne le contexte des licenciements, l’organisation plaignante déclare que l’entreprise a conclu une convention collective avec deux autres syndicats – l’Union nationale des mineurs sud-africains (NUM), qui représentait environ 56 pour cent des travailleurs, et le syndicat UASA – (UASA), qui représentait 2 pour cent de la main-d’œuvre. La convention collective prévoyait un exercice de réduction des effectifs, en consultation avec la NUM et l’UASA, qui a conduit à la conclusion d’un accord de réduction des effectifs, lequel a été étendu pour s’appliquer aux membres de l’organisation plaignante conformément à l’article 23(1)(d) de la LRA. L’accord stipulait que 103 membres de l’AMCU seraient licenciés et que tout litige relatif à un licenciement abusif qui pourrait en découler serait abandonné et considéré comme entièrement et définitivement réglé. N’ayant pas été informés des licenciements, les travailleurs concernés sont arrivés au travail le 30 septembre 2015, ont été rassemblés dans des bus par le personnel de sécurité de l’entreprise et ont reçu des avis de licenciement, alors même que les contrats à durée déterminée de certains d’entre eux ne contenaient pas de clause permettant à l’entreprise de les licencier.
  3. 57. L’organisation plaignante a d’abord déposé une requête devant le tribunal du travail pour contester l’équité procédurale des licenciements en vertu de l’article 189A(13) de la LRA ainsi que l’équité quant au fond des licenciements devant la Commission de conciliation, de médiation et d’arbitrage, qui a statué en novembre 2015 qu’elle n’était pas compétente pour résoudre le différend par la conciliation. Durant la procédure, l’entreprise a fait valoir que les licenciements étaient autorisés, car l’accord de consultation n’exigeait pas que l’entreprise consulte l’AMCU, et que les salariés concernés n’étaient pas recevables à une action en contestation, car il avait été convenu que leurs réclamations étaient entièrement et définitivement réglées et abandonnées. Il a été donné raison à l’entreprise, et l’AMCU a donc formé un recours pour contester la constitutionnalité des articles 23(1) et 189(1) de la LRA au motif qu’ils violaient le droit à la liberté syndicale. L’organisation plaignante fait valoir que la ministre de la Défense a joué un rôle actif en s’opposant à la demande de l’AMCU tout au long de la procédure, et les défendeurs ont soutenu que le principe du majoritarisme (tel qu’établi dans le contexte de la négociation collective) pouvait également être utilisé pour licencier des salariés sans consulter leur syndicat et pour les tenir liés à une convention collective conclue avec un autre syndicat, laquelle éteint leur droit de contester l’équité de leur licenciement. Le Tribunal du travail, la Cour d’appel du travail et la Cour constitutionnelle ont confirmé la défense de l’entreprise.
  4. 58. En premier lieu, l’organisation plaignante fait valoir que, en promulguant les articles susmentionnés de la LRA et en défendant le comportement de l’entreprise, le gouvernement a agi en violation des conventions nos 87 et 98 et que l’arrêt majoritaire de la Cour constitutionnelle n’a pas donné effet à ces conventions et au droit à la liberté syndicale. Au lieu de cela, elle met en avant les jugements minoritaires qui reconnaissent le droit de tous les syndicats minoritaires à participer aux consultations sur les licenciements, car le fait de ne pas autoriser une telle participation porte atteinte au droit à la liberté syndicale et ne donne donc pas effet aux conventions de l’OIT. Selon l’organisation plaignante, forcer les travailleurs à être représentés par un syndicat rival est incompatible avec la liberté syndicale, encore moins dans le pays, où la rivalité entre la NUM et l’AMCU est extrême et a conduit à de nombreuses reprises à des effusions de sang. La participation des syndicats minoritaires est donc fondamentale pour garantir un résultat juste et équitable.
  5. 59. Deuxièmement, l’organisation plaignante considère que l’OIT fixe une norme d’équité procédurale plus élevée que celle des articles 23 et 33 de la LRA en prévoyant que les parties intéressées mais non signataires devraient avoir la possibilité de présenter au préalable leurs observations ou d’assurer une représentation avant toute extension d’une convention collective. L’OIT, tout en promouvant le majoritarisme, fixe également une norme plus élevée que celle de l’article 189 de la LRA, en prévoyant que les syndicats minoritaires devraient être associés aux discussions en ayant au moins la possibilité d’assurer une représentation ou le droit de s’exprimer. L’organisation plaignante allègue donc que les dispositions du pays relatives aux consultations en matière d’extension et de réduction des effectifs ne contiennent manifestement pas de telles garanties, comme l’illustre le cas de l’AMCU, qui n’a pas eu la possibilité de soumettre des observations, d’assurer une représentation, voire de s’exprimer lors des consultations sur la réduction des effectifs avant l’extension de l’accord de réduction des effectifs. L’organisation plaignante déclare également que, conformément à la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, les règles de procédure doivent permettre d’assurer la transparence du processus décisionnel et la prise en compte des points de vue des parties non signataires avant une éventuelle décision d’extension.
  6. 60. Troisièmement, l’organisation plaignante fait valoir que le processus d’extension autorisé par l’article 23 de la LRA n’implique pas un organisme indépendant et que les extensions sont autorisées entre les employeurs et les syndicats majoritaires dans le cadre d’un processus secret, manquant de transparence et excluant les syndicats minoritaires. Des critères objectifs, précis et préétablis doivent être fixés pour éviter toute possibilité de partialité ou d’abus dans un contexte où certains droits et avantages sont accordés aux syndicats les plus représentatifs qui sont absents de l’article 23 de la LRA. L’organisation plaignante soutient qu’il s’agit de garanties importantes pour assurer une protection adéquate du droit à la liberté syndicale.
  7. 61. Enfin, l’organisation plaignante soutient que la loi, telle que promulguée dans les articles 23 et 189 de la LRA et telle qu’interprétée par la Cour constitutionnelle et soutenue par le gouvernement, est clairement discriminatoire à l’égard des syndicats minoritaires et de leurs membres en leur interdisant effectivement de participer à des instances, comme dans le cas présent.
  8. 62. En vertu de ce qui précède, l’organisation plaignante demande au comité de prier le gouvernement de: i) prendre des mesures immédiates pour réformer ses lois et prévoir expressément que les syndicats minoritaires ont le droit de représenter leurs membres lors des consultations sur les licenciements et de soumettre des observations, d’assurer une représentation et de disposer du droit de s’adresser à l’employeur lors des consultations sur les licenciements, indépendamment de toute extension des conventions collectives à des membres des syndicats minoritaires; ii) veiller à ce que les extensions des conventions collectives soient supervisées par un organisme indépendant et fixer des critères objectifs, précis et préétablis pour les extensions afin d’éviter tout risque de partialité, d’abus ou de discrimination; et iii) veiller à ce que l’entreprise prenne des mesures pour réintégrer les travailleurs licenciés et associer l’AMCU au processus de consultation et d’extension, ou bien verser à chacun des membres de l’AMCU une indemnité de douze mois.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 63. Dans sa communication en date du 15 décembre 2020, le gouvernement déclare que la principale allégation de l’organisation plaignante est que les articles 23 et 189 de la LRA sont discriminatoires à l’égard des syndicats minoritaires et de leurs membres en leur interdisant effectivement de participer aux décisions d’extension des conventions collectives aux syndicats minoritaires et à leurs membres et aux consultations sur les licenciements. Le gouvernement résume le fond de la plainte à une demande lui étant adressée, d’appliquer la LRA d’une manière que l’organisation plaignante croit être compatible avec les conventions de l’OIT, en particulier pour: i) reconnaître le droit de tous les syndicats minoritaires de participer aux consultations sur les licenciements; ii) prévoir, en ce qui concerne la norme d’équité procédurale, que les parties non signataires doivent avoir la possibilité de soumettre leurs observations ou d’assurer une représentation avant que toute convention collective ne leur soit étendue, et prévoir que les syndicats minoritaires doivent être associés aux discussions au moins pour soumettre leurs observations ou avoir le droit de s’exprimer pendant les négociations ou les consultations sur les licenciements; et iii) prévoir la participation des syndicats minoritaires et le rôle d’un organisme indépendant en cas d’extension des conventions collectives.
  2. 64. Le gouvernement déclare que la plainte a fait l’objet d’un examen judiciaire au niveau national devant le Tribunal du travail, la Cour d’appel du travail et la Cour constitutionnelle, qui ont jugé que la LRA était conforme à la Constitution sud-africaine et aux conventions de l’OIT sur la liberté syndicale. Il constate que l’organisation plaignante reconnaît le caractère contraignant des jugements de la Cour constitutionnelle en ce qui concerne sa plainte, ainsi que la promotion du majoritarisme par l’OIT.
  3. 65. En ce qui concerne la question des consultations sur les licenciements, le gouvernement souligne l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui déclare que «la consultation est un droit statutaire, découlant de la LRA, et non un droit fondamental inscrit dans la Déclaration des droits» et que cela ne signifie pas que «chaque syndicat doit être véritablement égal et bénéficier de tous les droits statutaires, quelle que soit sa taille». Le gouvernement ajoute que l’article 189 de la LRA a été rédigé dans le but de prévoir la procédure la plus équitable pour les licenciements fondés sur les exigences opérationnelles, conformément aux normes internationales, notamment la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, et la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971. Il considère également que les recommandations proposées par l’organisation plaignante visant à inclure tous les syndicats minoritaires dans les consultations sur les licenciements créeraient le chaos sur le lieu de travail en introduisant des processus qui non seulement sapent le principe du majoritarisme, mais ajoutent à un processus déjà long d’autres processus qui compromettraient l’obligation de conclure les consultations rapidement.
  4. 66. Le gouvernement indique également que les tribunaux ont jugé à de nombreuses reprises que la hiérarchie qui régit le processus de consultation en vertu de l’article 189 de la LRA répond à l’objectif de la loi, à savoir la promotion de la négociation collective ordonnée. Permettre à une multiplicité de petits syndicats de participer aux consultations sur les licenciements en vertu de l’article 189 de la LRA irait à l’encontre de l’objectif même de la promotion de la négociation collective ordonnée. En outre, l’exclusion des membres de syndicats minoritaires des consultations sur les licenciements ne crée pas de désavantage puisqu’il s’agit d’un processus objectif qui touche les travailleurs d’une catégorie donnée, quelle que soit leur affiliation syndicale. En l’espèce, tous les salariés étaient représentés de manière égale par le syndicat reconnu, les licenciements étaient de nature collective avec des résultats collectifs et les membres de l’AMCU n’allaient donc pas influencer le résultat différemment, même s’ils avaient participé aux consultations.
  5. 67. Le gouvernement ajoute que si l’organisation plaignante allègue que les articles 23 et 189 de la LRA sont clairement discriminatoires à l’égard des syndicats minoritaires et de leurs membres en leur interdisant effectivement de participer à des instances comme dans le cas présent, cela n’a pas été confirmé par l’examen judiciaire des articles pertinents. En particulier, la Cour constitutionnelle a déclaré que «la LRA, bien que fondée sur le principe de la majorité, ne constitue pas un instrument d’oppression. Elle ne supprime pas entièrement les syndicats minoritaires. Ses dispositions laissent une grande latitude aux syndicats minoritaires pour s’organiser au sein de la main-d’œuvre – et pour solliciter un soutien afin de contester l’hégémonie des syndicats établis. C’est précisément parce que la LRA accorde ces droits à l’AMCU que cette dernière, en tant que force insurgée dans le domaine des syndicats établis, a pu augmenter ses effectifs, sa force et son influence aussi puissamment. Et ceci est important pour déterminer l’étendue de la limitation des droits que l’article 23(1)(d) impose». Le gouvernement soutient donc que les garanties prévues aux articles 23 et 189 de la LRA protègent suffisamment les individus et les membres des syndicats minoritaires en cas de licenciements et que ces protections ont été soumises à un examen judiciaire et jugées suffisantes et conformes aux normes internationales.
  6. 68. En conclusion, le gouvernement prie instamment le comité de constater que la plainte est dénuée de fondement puisque les lois sont conformes aux conventions de l’OIT, qu’elles offrent des garanties suffisantes pour la protection des salariés individuels et que les syndicats minoritaires jouent également un rôle dans la mise en œuvre du principe du majoritarisme.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 69. Le comité rappelle que le présent cas porte sur des allégations de licenciements massifs de membres de l’organisation plaignante par une entreprise de production de métaux dans le contexte d’une restructuration économique, où l’organisation plaignante – un syndicat minoritaire – a été exclu des discussions sur les licenciements et n’a pas eu la possibilité de présenter des observations sur l’extension de l’accord de licenciement à ses membres.
  2. 70. Le comité note qu’il n’y a pas de contestation en ce qui concerne les circonstances factuelles ayant conduit au présent cas, en particulier que: i) en 2015, l’entreprise productrice de métaux et deux syndicats – la NUM représentant la majorité des travailleurs (56 pour cent selon l’organisation plaignante, 75 pour cent selon l’arrêt de la Cour constitutionnelle) et le syndicat minoritaire UASA – ont conclu une convention collective, puis un avenant, dans lesquels les parties sont convenues de se concerter exclusivement entre elles sur tout licenciement fondé sur les exigences opérationnelles; ii) la consultation a abouti à la signature d’un accord de licenciement, qui a été étendu, en vertu de l’article 23(1)(d) de la LRA, aux salariés qui n’étaient pas membres des parties à l’accord, en particulier aux membres de l’AMCU, et qui contenait également une clause de règlement complet et définitif par laquelle toutes les parties à l’accord renonçaient à leurs droits de contester la légalité ou l’équité de leur licenciement; et iii) à la suite de l’opération de réduction des effectifs, une partie de la main-d’œuvre a été licenciée (l’organisation plaignante fait valoir que les 103 salariés licenciés étaient tous membres de l’AMCU, alors que l’arrêt de la Cour constitutionnelle indique que 103 salariés ont été licenciés, dont certains étaient membres de l’AMCU). Le comité observe toutefois qu’il existe une divergence d’opinion entre l’organisation plaignante et le gouvernement sur la question de savoir si l’exclusion de l’organisation plaignante, en tant que syndicat minoritaire, des discussions sur le licenciement et de la présentation d’observations sur l’extension de l’accord de licenciement à ses membres, en vertu des articles 23(1) et 189(1) de la LRA, était conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective.
  3. 71. L’organisation plaignante, pour sa part, allègue que l’application dans la pratique des articles 23(1) et 189(1) de la LRA est contraire aux principes de liberté syndicale et de négociation collective dans la mesure où elle interdit effectivement aux syndicats minoritaires de représenter leurs membres en cas de licenciements massifs lorsque d’autres syndicats ont conclu une convention collective avec l’employeur, et que le fait de forcer les travailleurs à être représentés par un syndicat rival est également incompatible avec la liberté syndicale, en particulier dans le contexte du pays, où la rivalité entre la NUM et l’organisation plaignante est extrême et a, à de nombreuses reprises, conduit à des effusions de sang. L’organisation plaignante fait donc valoir que le droit de tous les syndicats minoritaires de participer aux consultations sur les licenciements est fondamental pour garantir un résultat juste et équitable.
  4. 72. Le comité note toutefois que le gouvernement soutient que l’article 189 de la LRA a été rédigé dans le but de mettre en place la procédure la plus équitable pour les licenciements fondés sur les exigences opérationnelles, conformément aux normes internationales; que la hiérarchie qui régit le processus de consultation répond aux objectifs de la LRA, à savoir la promotion d’une négociation collective ordonnée; et que les recommandations formulées par l’organisation plaignante visant à autoriser une multiplicité de syndicats minoritaires à participer aux consultations sur les licenciements créeraient le chaos sur le lieu de travail en portant atteinte au principe du majoritarisme et à l’obligation de conclure les consultations rapidement. Le comité observe que, selon le gouvernement, les garanties prévues dans les articles susmentionnés de la LRA protègent suffisamment les individus et les membres des syndicats minoritaires en cas de réduction des effectifs, même s’ils sont exclus des consultations, puisque la réduction des effectifs est un processus objectif qui touche les travailleurs d’une catégorie donnée, quelle que soit leur affiliation syndicale, et que tous les salariés dans ce cas précis étaient représentés de manière égale par les syndicats reconnus. Le comité note en outre, d’après les informations fournies par l’organisation plaignante et le gouvernement, que le fond du cas a fait l’objet d’un examen judiciaire par le tribunal du travail, la cour d’appel et la cour constitutionnelle, qui ont tous estimé que les articles 23(1) et 189(1) de la LRA étaient conformes aux conventions nos 87 et 98, en ce sens qu’ils promouvaient le majoritarisme mais prévoyaient également des garanties des droits des syndicats minoritaires. Les tribunaux ont estimé en particulier que le législateur avait opté pour un système dans lequel un syndicat majoritaire, après avoir conclu une convention collective avec un employeur, jouissait du droit exclusif d’être consulté au cours d’un processus de licenciement et que l’exclusion des syndicats minoritaires des consultations sur le licenciement ne signifiait pas que leurs membres n’étaient pas représentés.
  5. 73. Le comité croit comprendre de ce qui précède que la question principale du cas est de savoir dans quelle mesure les syndicats minoritaires peuvent participer aux négociations avec l’employeur sur les licenciements touchant leurs membres dans le contexte de la restructuration d’une entreprise en vertu de l’article 189(1) de la LRA et si, dans le cas spécifique de l’organisation plaignante, son exclusion des consultations sur les licenciements est conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective. Le comité observe que la législation du pays a opté pour un système dans lequel l’organisation la plus représentative jouit de privilèges en matière de droits de négociation collective, de manière à faciliter une négociation collective ordonnée, et que l’article 189(1) de la LRA établit une hiérarchie dans le processus de consultation en cas de licenciements collectifs, où l’employeur est d’abord tenu de consulter toute personne qui doit l’être en vertu d’une convention collective valide, et ce n’est qu’en l’absence de convention collective que les consultations doivent inclure un forum sur le lieu de travail, tout syndicat enregistré dont les membres sont susceptibles d’être touchés par les licenciements proposés, ou les salariés susceptibles de l’être, ou encore leurs représentants désignés à cette fin. Le comité rappelle à cet égard que tant les systèmes de négociation collective accordant des droits exclusifs au syndicat le plus représentatif que les systèmes permettant à plusieurs syndicats d’une entreprise de conclure des conventions collectives différentes sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1351.] Le comité considère donc que, tel qu’il est rédigé, l’article 189(1) de la LRA n’est pas en soi incompatible avec la liberté syndicale dans la mesure où, tout en donnant la priorité dans les négociations sur les licenciements aux syndicats qui ont conclu une convention collective avec l’employeur, il prévoit également des consultations avec d’autres syndicats ou directement avec les travailleurs concernés, au cas où aucune convention collective prévoyant des consultations n’aurait été conclue.
  6. 74. Le comité prend bonne note des préoccupations de l’organisation plaignante selon lesquelles le fait de forcer les travailleurs à être représentés par un syndicat rival est incompatible avec la liberté syndicale, en particulier dans le cas de discussions sur les licenciements et compte tenu du contexte particulier de forte rivalité syndicale dans le pays. Le comité rappelle que les organisations syndicales minoritaires auxquelles sont déniés les droits de négocier collectivement doivent pouvoir mener leur action et avoir au moins le droit de se faire les porte-parole de leurs membres et de les représenter en cas de réclamation individuelle. [Voir Compilation, paragr. 545.]
  7. 75. Le comité note en outre que l’organisation plaignante dénonce également l’extension de l’accord de réduction des effectifs à ses membres, en ce qu’il lie les membres à une convention collective conclue par l’employeur avec un autre syndicat et éteint leur droit de contester l’équité de leur licenciement, et allègue que l’organisation plaignante n’a pas eu la possibilité de présenter des observations à ce sujet. De manière plus générale, l’organisation plaignante allègue que l’extension des conventions collectives autorisée par l’article 23(1) de la LRA ne fait pas intervenir un organisme indépendant; que les extensions sont autorisées entre les employeurs et les syndicats majoritaires dans le cadre d’un processus secret, peu transparent et excluant les syndicats minoritaires; et que des critères objectifs, précis et préétablis doivent être fixés pour garantir une protection adéquate du droit à la liberté syndicale. Le comité observe que l’article 23(1) de la LRA autorise l’extension des conventions collectives aux salariés qui ne sont pas membres du syndicat ou des syndicats parties à la convention si: les salariés sont identifiés dans la convention; la convention lie expressément les salariés; et le syndicat ou les syndicats (partie(s) à la convention) ont pour membres la majorité des salariés employés par l’employeur sur le lieu de travail. Le comité croit comprendre que ces conditions étaient remplies dans le cas présent et rappelle que lorsque l’extension d’un accord s’applique à des travailleurs qui ne sont pas membres des syndicats signataires, cette situation ne contredit pas les principes de la liberté syndicale, dans la mesure où il s’agit de l’organisation la plus représentative qui négocie au nom de tous les travailleurs. Le comité observe que les arguments avancés par l’organisation plaignante ignorent le fondement même de la représentation majoritaire dans la négociation collective pour couvrir tous les travailleurs afin d’éviter les différences de traitement sur un même lieu de travail et d’assurer des relations professionnelles ordonnées. En outre, les conditions d’extension énoncées dans la recommandation no 91, auxquelles se réfère l’organisation plaignante, concernent l’extension à l’ensemble d’un secteur ou d’un territoire, ce qui est tout à fait différent de la détermination selon laquelle une convention collective conclue avec une représentation majoritaire sur un lieu de travail donné couvrirait l’ensemble des travailleurs.
  8. 76. En vertu de ce qui précède, le comité considère ce cas comme étant clos et n’en poursuivra pas l’examen.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 77. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité recommande au Conseil d’administration de décider que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.

Appendix

Appendix
  1. L’article 23(1) de la LRA  prévoit ce qui suit:
  2. Une convention collective lie:
  3. (a). les parties à la convention collective;
  4. (b). chaque partie à la convention collective et les membres de chaque autre partie à la convention collective, dans la mesure où les dispositions sont applicables entre eux;
  5. (c). c) les membres d’un syndicat enregistré et les employeurs membres d’une organisation d’employeurs enregistrée qui sont parties à la convention collective, si la convention collective régit:
    • (i). les conditions d’emploi;
    • (ii). la conduite des employeurs à l’égard des salariés ou la conduite des salariés à l’égard des employeurs;
  6. (d). les salariés qui ne sont pas membres du ou des syndicats enregistrés parties à la convention collective si:
    • (i). les salariés sont identifiés dans la convention;
    • (ii). la convention lie expressément les salariés; et
    • (iii). ce syndicat ou ces syndicats comptent parmi leurs membres la majorité des salariés de l’employeur sur le lieu de travail.
  7. L’article 189(1) de la LRA prévoit que:
  8. Lorsqu’un employeur envisage de licencier un ou plusieurs salariés pour des raisons fondées sur les exigences opérationnelles de l’employeur, il doit consulter:
  9. (a). toute personne que l’employeur est tenu de consulter en vertu d’une convention collective;
  10. (b). en l’absence de convention collective exigeant une consultation:
    • (i). un forum sur le lieu de travail, si les salariés susceptibles d’être touchés par les licenciements proposés sont employés dans un lieu de travail pour lequel il existe un forum sur le lieu de travail; et
    • (ii). tout syndicat enregistré dont les membres sont susceptibles d’être touchés par les licenciements proposés;
  11. (c). en l’absence d’un tel forum sur le lieu de travail où sont employés les salariés susceptibles d’être touchés par les licenciements proposés, tout syndicat enregistré dont les membres sont susceptibles d’être touchés par les licenciements proposés; ou
  12. (d). en l’absence d’un tel syndicat, les salariés susceptibles d’être touchés par les licenciements proposés ou leurs représentants désignés à cet effet.
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