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Rapport définitif - Rapport No. 397, Mars 2022

Cas no 3265 (Pérou) - Date de la plainte: 04-JANV.-17 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante allègue le licenciement antisyndical de dirigeants du Syndicat des travailleurs de l’Hôtel Monasterio par l’hôtel en question

  1. 648. La plainte figure dans une communication de la Confédération syndicale des travailleurs du Pérou (CSP) en date du 25 novembre 2016.
  2. 649. Le gouvernement a fait parvenir ses observations concernant les allégations dans des communications en date des 4 et 8 août et du 15 septembre 2017, du 25 juillet 2018, du 4 mars et du 5 avril 2019, ainsi que du 30 décembre 2021.
  3. 650. Le Pérou a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 651. Dans sa communication en date du 25 novembre 2016, l’organisation plaignante allègue que la politique antisyndicale de l’entreprise PERU OEH S.A. (ci-après «l’entreprise») a donné lieu au licenciement de dirigeants du Syndicat des travailleurs de l’Hôtel Monasterio. Elle allègue en particulier que le licenciement du secrétaire général de ce syndicat, M. Justo Ccahua Llacta, est intervenu en réponse à l’exercice de ses droits syndicaux.
  2. 652. L’organisation plaignante fait savoir que le licenciement en question a eu lieu le 29 mai 2013 dans le contexte de la présentation d’un cahier de revendications. Elle indique que M. Llacta a été accusé d’avoir commis une faute grave, prétendument pour avoir manqué de respect au directeur général de l’entreprise par des mots grossiers. Selon l’organisation plaignante, cette accusation a pour fondement les activités de M. Llacta et les revendications qu’il a présentées auprès du ministère du Travail.
  3. 653. L’organisation plaignante affirme que l’entreprise a décidé de licencier M. Llacta en se basant sur des faits survenus les 23 et 31 mars et le 28 avril 2013, dates auxquelles le syndicat organisait des actions de protestation en dehors des heures et du lieu de travail. Le licenciement de M. Llacta s’inscrit donc en fait dans une stratégie antisyndicale systématique de l’entreprise.
  4. 654. L’organisation plaignante indique en outre que la Direction régionale du travail du gouvernement régional de Cuzco a jugé l’entreprise responsable de plusieurs fautes graves à l’issue d’un contrôle que l’inspection du travail a effectué dans ses locaux. Conformément à la décision no 255-2013-GR-CUS/DRTPE-DPSCL-SDILSST rendue par la Direction régionale du travail le 20 décembre 2013 et transmise par l’organisation plaignante, l’entreprise a été condamnée à payer une amende d’un montant de 9 842 nouveaux soles pour des actes portant atteinte à la liberté syndicale, tels que l’entrave à la représentation syndicale. L’organisation plaignante fait valoir que cette accusation met en lumière le véritable caractère antisyndical des mesures employées par l’entreprise contre les dirigeants syndicaux.
  5. 655. L’organisation plaignante indique également que des poursuites judiciaires ont été engagées en rapport avec le licenciement de M. Llacta et fournit des copies des décisions rendues à cet égard. D’après les documents joints à la plainte, une demande en nullité de licenciement pour avoir déposé plainte ou participé à une procédure contre l’employeur auprès des autorités compétentes, déposée par M. Llacta, a été déclarée fondée en première instance le 13 janvier 2014. Les documents susmentionnés font également référence au licenciement d’un autre dirigeant du Syndicat des travailleurs de l’Hôtel Monasterio, M. Tito Loayza Porcel, dont la demande de réintégration pour licenciement frauduleux a été déclarée fondée en première instance le 4 novembre 2015.
  6. 656. En ce qui concerne le recours formé par M. Llacta, l’organisation plaignante fait savoir que la décision rendue en première instance a été révoquée par la chambre constitutionnelle et sociale de Cuzco le 28 août 2014. Elle renvoie également à un pourvoi en cassation formé par M. Llacta, qui a été déclaré infondé par la chambre permanente de droit constitutionnel et social de la Cour suprême de justice de la République. L’organisation plaignante indique en outre qu’elle a formé un recours en amparo devant la onzième chambre constitutionnelle de la Cour supérieure de justice de Lima contre les membres ayant rendu cette décision.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 657. Dans ses communications en date du 4 août 2017 et du 25 juillet 2018, le gouvernement fournit des informations sur les contrôles de l’inspection du travail menés dans l’entreprise. Il indique que, entre 2012 et juillet 2017, la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi de Cuzco et la Direction régionale du travail et de la promotion de l’emploi de la zone métropolitaine de Lima ont émis 18 ordres d’inspection et que dans sept cas des constats d’infraction ont été établis. Le gouvernement confirme également que l’entreprise a reçu une amende pour entrave à la représentation syndicale, en vertu de la décision no 255-2013-GR-CUS/DRTPE-DPSCL-SDILSST.
  2. 658. Dans sa communication en date du 15 septembre 2017, le gouvernement transmet les observations de l’entreprise en ce qui concerne les allégations formulées dans le cadre du présent cas. Selon l’entreprise, M. Llacta a été licencié pour avoir commis des fautes graves, conformément à la procédure de licenciement prévue par la législation du travail en vigueur. Elle précise que les fautes graves en question sont les suivantes: i) un manquement aux obligations professionnelles entraînant le non-respect du principe de bonne foi au travail; et ii) des injures et des manquements sous forme verbale ou écrite à l’encontre de l’employeur, de ses représentants, des supérieurs hiérarchiques et d’autres travailleurs, que ce soit sur le lieu de travail ou à l’extérieur de celui-ci, du moment que les faits découlent directement de la relation de travail.
  3. 659. L’entreprise affirme que le 21 mai 2013, M. Llacta s’est rendu au bureau des ressources humaines de l’Hôtel Monasterio et a manqué de respect au chef de ce bureau, l’a insulté, a invoqué de prétendus actes de tromperie, d’escroquerie et de manœuvres frauduleuses, et l’a menacé d’engager des poursuites pénales pour de prétendus actes illicites commis par des responsables de l’entreprise. L’entreprise indique que le directeur général de l’hôtel a convoqué M. Llacta à son bureau afin qu’il puisse répondre de ses actes, mais ce dernier a conservé une attitude offensive et, de nouveau, a proféré des insultes et menacé d’engager des poursuites pénales contre les responsables de l’hôtel. Elle affirme que M. Llacta n’a jamais nié avoir commis ces fautes graves ni présenté d’arguments pour sa défense et que, compte tenu de ces faits, la procédure de licenciement a été exécutée.
  4. 660. L’entreprise indique que M. Llacta a tenté, en vain, d’obtenir l’annulation de son licenciement moyennant les voies de recours judiciaires. Elle souligne qu’il a exercé tous les recours légaux prévus par le système juridique péruvien en vue de protéger ses droits et que, tout au long de la procédure judiciaire, il a été établi que le licenciement n’était pas dû à des motifs antisyndicaux mais à des fautes graves.
  5. 661. En ce qui concerne la plainte déposée par M. Llacta auprès de la Direction régionale du travail du gouvernement régional de Cuzco, qui a donné lieu à un dossier de sanction et à la décision no 255-2013-GR-CUS/DRTPE-DPSCL-SDILSST, l’entreprise fait savoir que le dossier fait actuellement l’objet d’une procédure judiciaire devant le cinquième tribunal du travail de Cuzco. D’après la déclaration de recevabilité de la demande, transmise par l’entreprise, cette dernière demande l’annulation complète dudit dossier et l’annulation de l’amende de 9 842 nouveaux soles qui lui a été infligée.
  6. 662. Dans ses communications en date du 8 août 2017, du 4 mars et du 5 avril 2019 ainsi que du 30 décembre 2021, le gouvernement fournit des informations sur la procédure judiciaire concernant le licenciement de M. Llacta. Le gouvernement indique que: i) M. Llacta a déposé une demande en nullité de licenciement qui a été déclarée fondée par le premier tribunal transitoire du travail dans une décision en date du 13 janvier 2014; ii) la chambre constitutionnelle et sociale de la Cour supérieure de justice de Cuzco a révoqué cette décision par sa décision du 29 août 2014, qui a déclaré la demande infondée; iii) s’opposant à ladite décision, M. Llacta a formé un pourvoi en cassation devant la chambre permanente de droit constitutionnel et social de la Cour suprême de justice, qui a été déclaré irrecevable le 10 juin 2015; et iv) après le retour du dossier en première instance, le premier tribunal transitoire du travail de Cuzco, par décision du 22 mars 2016, a ordonné le classement sans suite de la procédure.
  7. 663. Le gouvernement indique en outre que: i) l’organisation plaignante, au nom de M. Llacta, a formé un recours en amparo (no 5786-2016) contre le pouvoir judiciaire et les magistrats de la chambre permanente de droit constitutionnel et social de la Cour suprême de justice qui ont statué sur la procédure de nullité du licenciement; ii) cette demande a été déclarée irrecevable le 10 mai 2016 et la deuxième chambre civile de Lima a confirmé cette déclaration d’irrecevabilité par décision du 24 avril 2017; et iii) l’organisation plaignante a formé un recours en inconstitutionnalité contre cette décision et ce recours a été déclaré irrecevable par la onzième chambre constitutionnelle de la Cour supérieure de justice de Lima, qui a ordonné le classement sans suite du dossier par décision du 25 octobre 2019.
  8. 664. Le gouvernement conclut que la procédure engagée aux fins de l’annulation du licenciement de M. Llacta a été résolue définitivement au niveau judiciaire et que ce dernier a exercé son droit d’action en justice devant les tribunaux péruviens sans aucune limitation. Soulignant que l’entreprise n’a été reconnue coupable d’aucune infraction en lien avec le licenciement, le gouvernement demande la clôture du cas.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 665. Le comité note que, dans le cas présent, l’organisation plaignante dénonce la politique antisyndicale d’une entreprise du secteur de l’hôtellerie. Il prend note que l’organisation plaignante allègue en particulier que le licenciement de M. Llacta, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l’Hôtel Monasterio, résulte de l’exercice de ses droits syndicaux.
  2. 666. Le comité prend note de la chronologie des événements fournie par l’organisation plaignante, le gouvernement et l’entreprise, à savoir: i) au nom du Syndicat des travailleurs de l’Hôtel Monasterio, M. Llacta a dénoncé la violation par l’entreprise de la convention collective en vigueur et a présenté des plaintes auprès du ministère du Travail; ii) entre 2012 et juillet 2017, les plaintes administratives déposées contre l’entreprise ont mené à l’émission de 18 ordres d’inspection et sept d’entre eux ont donné lieu à des constats d’infraction; iii) en mars et avril 2013, plusieurs actions de protestation ont été organisées par le syndicat en question pour défendre son droit à la négociation collective; iv) le 29 mai 2013, M. Llacta a été licencié dans le contexte de la présentation d’un cahier de revendications; v) le 20 décembre 2013, la Direction régionale du travail du gouvernement régional de Cuzco a rendu la décision no 255-2013-GR-CUS/DRTPE-DPSCL-SDILSST par laquelle l’entreprise s’est vu imposer une amende pour entrave à la représentation syndicale; vi) l’entreprise a contesté l’imposition de cette amende en formant un recours auprès du cinquième tribunal du travail de Cuzco; vii) le 13 janvier 2014, une demande en nullité de licenciement présentée par M. Llacta a été déclaré fondée en première instance; viii) le 29 août 2014, cette décision a été révoquée par la Cour supérieure de justice de Cuzco; ix) le 10 juin 2015, le pourvoi en cassation formé par M. Llacta a été déclaré irrecevable par la Cour suprême de justice; x) le 4 novembre 2015, une demande de réintégration dans son poste de travail présentée par M. Porcel, un autre dirigeant syndical licencié par l’entreprise, a été déclarée recevable en première instance; xi) le 10 mai 2016, un recours en amparo intenté par l’organisation plaignante au nom de M. Llacta a été déclaré irrecevable, jugement qui a été confirmé par la décision de la deuxième chambre civile de Lima en date du 24 avril 2017; et xii) un recours en inconstitutionnalité contre cette décision, déposé par l’organisation plaignante, a été déclaré irrecevable par la Cour supérieure de justice de Lima, qui a ordonné le classement sans suite du dossier le 25 octobre 2019.
  3. 667. En ce qui concerne le licenciement du secrétaire général du syndicat, le comité note que, selon l’organisation plaignante: i) les licenciements font partie d’une stratégie antisyndicale systématique de l’entreprise pour contrer les actions de protestation menées par le syndicat et en tant que réponse antisyndicale aux allégations de non-respect des conventions collectives signées par les parties; ii) l’accusation de faute grave portée contre M. Llacta, pour avoir soi-disant manqué de respect au directeur général de l’entreprise, est due à sa participation à l’organisation syndicale; iii) cette accusation porte sur des faits qui se sont déroulés au cours d’actions de protestations organisées par le syndicat en dehors des heures et du lieu de travail; et iv) le véritable motif antisyndical des mesures employées contre les dirigeants syndicaux a été mis en évidence par l’amende imposée à l’entreprise.
  4. 668. Le comité prend note également de la réponse de l’entreprise communiquée par le gouvernement, dans laquelle elle affirme que: i) M. Llacta ne s’est pas acquitté de ses obligations professionnelles, ce qui constitue un manquement à la bonne foi dans le cadre du travail, et a commis des actes d’insulte et tenu des propos injurieux à l’encontre du chef des ressources humaines et du directeur général de son entreprise; ii) M. Llacta a été licencié pour avoir commis ces fautes graves, conformément à la procédure de licenciement prévue par la législation du travail en vigueur; et iii) à l’issue de la procédure judiciaire engagée par ce dernier, il a été établi que le licenciement n’était pas dû à des motifs antisyndicaux. Par ailleurs, le comité note que le gouvernement, quant à lui, souligne que M. Llacta a exercé son droit d’action en justice sans aucune limitation, et que l’entreprise n’a été reconnue coupable d’aucune infraction en ce qui concerne son licenciement.
  5. 669. Rappelant que, en ce qui concerne les motifs de licenciement, les activités des dirigeants syndicaux doivent être examinées dans le contexte des situations particulières qui peuvent être spécialement tendues et difficiles en cas de différend du travail et de grève [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, paragr. 1132], le comité prend dûment note que, suite à une décision de première instance ordonnant sa réintégration pour licenciement antisyndical, les autres instances judiciaires ont estimé que le licenciement de M. Llacta était justifié.
  6. 670. Notant que le licenciement du secrétaire général du syndicat a eu lieu dans le cadre d’un conflit collectif entre l’entreprise et le syndicat qui a abouti: i) à une amende imposée à l’entreprise par la Direction régionale du travail pour entrave à la représentation syndicale; et ii) à la réintégration d’un autre dirigeant syndical licencié, le comité veut croire que le gouvernement continuera de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le libre exercice des activités syndicales au sein de l’entreprise qui fait l’objet du présent cas.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 671. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité veut croire que le gouvernement continuera de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le libre exercice des activités syndicales au sein de l’entreprise qui fait l’objet du présent cas.
    • b) Le comité considère que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos.
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