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Rapport définitif - Rapport No. 397, Mars 2022

Cas no 3355 (Brésil) - Date de la plainte: 09-AVR. -19 - Clos

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent que la mesure provisoire no 873, approuvée en mars 2019, rendra très difficile le recouvrement des cotisations syndicales et aura une incidence sur la gestion financière des syndicats, compromettant ainsi leur pérennité

  1. 95. La plainte figure dans des communications du Syndicat des travailleurs des services municipaux de Campinas et de la Confédération nationale des fonctionnaires municipaux (CSPM), datées du 9 avril et du 19 juillet 2019.
  2. 96. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication datée du 12 août 2019.
  3. 97. Le Brésil n’a pas ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais a ratifié la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 98. Dans leurs communications datées du 9 avril et du 19 juillet 2019, les organisations plaignantes indiquent que, le 1er mars 2019, le Président de la République a approuvé la mesure provisoire no 873/2019, qui modifie la consolidation des lois du travail (CLT) et a des conséquences directes sur le modèle de financement des syndicats. Les organisations plaignantes ajoutent que la mesure provisoire modifie considérablement le mode de recouvrement des cotisations syndicales, en empêchant la retenue à la source sur le salaire du travailleur, et allèguent que cela a un impact notable sur l’organisation et le développement des syndicats. Les organisations plaignantes signalent que la mesure provisoire modifie les articles 545, 578, 579, 579-A et 852 de la CLT et allèguent que les principaux changements qui auront des répercussions négatives sur les syndicats sont les suivants:
    • la mesure empêche la retenue à la source des cotisations syndicales sur le salaire du travailleur et dispose que le recouvrement de ces cotisations s’effectuera exclusivement à l’aide d’un bordereau de banque ou son équivalent électronique, que le syndicat devra remettre à l’employé à son domicile ou, si cela n’est pas possible, au siège de l’entreprise. Les organisations plaignantes allèguent que l’impossibilité de prélever les cotisations à la source aura un effet radical sur le système de recouvrement des cotisations syndicales, qui deviendra plus bureaucratique et considérablement plus coûteux; en effet, des bordereaux devront être émis par l’intermédiaire du système bancaire, ce qui représente pour les organisations syndicales des coûts, en termes financiers et de temps de travail, pouvant aller jusqu’à excéder les recettes collectées; et
    • la mesure exige l’autorisation préalable, individuelle, expresse et écrite du travailleur pour le recouvrement des cotisations syndicales et prévoit que toute disposition contraire sera nulle de plein droit, même si elle est autorisée dans le cadre de la négociation collective.
  2. 99. Les organisations plaignantes allèguent que les nouvelles prescriptions imposées par la mesure provisoire rendront très difficile le recouvrement des cotisations syndicales et, partant, auront une incidence directe sur une composante très sensible des syndicats, à savoir leur gestion financière et la façon dont ils obtiennent des revenus, ce qui compromettra leur pérennité. Elles estiment que la restriction proposée par la mesure provisoire affecte non seulement la liberté et l’autonomie collective des syndicats, mais également l’autonomie et le pouvoir d’autodétermination individuelle du travailleur, qui ne peut voir prélevée sur son propre salaire la cotisation qu’il a lui-même choisi de verser. Par ailleurs, les organisations plaignantes allèguent que la mesure provisoire a été prise sans consultation préalable des représentants des travailleurs et que son contenu, en plus de refléter une position antisyndicale, constitue une pratique antidémocratique qui restreint les droits et libertés collectifs des syndicats ainsi que les droits et libertés individuels des travailleurs.
  3. 100. Les organisations plaignantes signalent qu’en novembre 2017 a été approuvée la loi no 13.467 (réforme du travail), qui a modifié de nombreuses dispositions de la CLT et incorporé de nouvelles dispositions dans le texte législatif; parmi les dispositions modifiées figurent les articles 578 et 579 susmentionnés. Les organisations plaignantes indiquent que, avant la réforme du travail, ces articles prévoyaient que les cotisations syndicales étaient obligatoires et que, depuis la réforme, ces cotisations sont devenues facultatives et soumises à l’autorisation du travailleur.
  4. 101. Les organisations plaignantes indiquent que, même si plusieurs syndicats de tout le pays ont déposé des plaintes et obtenu la suspension des effets de la mesure provisoire au niveau des tribunaux nationaux, conservant ainsi la possibilité de retenir les cotisations syndicales sur le salaire de leurs membres, la majorité des jugements n’ont pas été traités en deuxième instance et il n’existe donc pas de jurisprudence uniforme sur cette question. Enfin, les organisations plaignantes indiquent que les mesures provisoires comme la mesure en question sont prises en situation d’urgence et que leurs effets prennent fin si le texte n’est pas approuvé par le Congrès national dans un délai de soixante jours renouvelable. Elles ajoutent que, la mesure en question n’ayant pas fait l’objet d’une réglementation légale de la part du Congrès, elle a cessé de porter effet le 28 juin 2019, raison pour laquelle elle n’est plus en vigueur dans le système juridique national. Les organisations plaignantes soulignent toutefois que le débat sur l’interdiction du prélèvement à la source des cotisations syndicales reste d’actualité au niveau national.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 102. Dans sa communication datée du 12 août 2019, le gouvernement fait part de ses observations et indique qu’il convient, avant tout, de saisir la pertinence et l’urgence de l’adoption de la mesure provisoire. Le gouvernement rappelle que la loi no 13.467 a été approuvée le 13 juillet 2017 et indique que, avant l’entrée en vigueur de cette loi, les cotisations syndicales avaient un caractère obligatoire dans le système juridique. Toutefois, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, la cotisation syndicale, auparavant appelée «taxe syndicale», est devenue facultative et soumise au consentement préalable et exprès du travailleur. Le gouvernement explique que, même si la logique consacrée par cette loi – à savoir la nécessité d’obtenir le consentement préalable et exprès du travailleur – était bien définie dans les dispositions relatives aux cotisations syndicales, il subsistait des questions à éclaircir, par exemple le point de savoir si ce consentement pouvait être donné lors d’une assemblée générale du syndicat ou dans le cadre de la négociation collective. Le gouvernement indique que le pouvoir exécutif a décidé de clarifier encore davantage cette logique en adoptant la mesure provisoire en question.
  2. 103. Le gouvernement cite les paragraphes 18 et 19 de l’exposé des motifs qui accompagne la mesure provisoire et indique ce qui suit: i) la loi no 13.467 étant en vigueur et le Tribunal fédéral suprême s’étant prononcé sur la constitutionnalité de l’extinction de la taxe syndicale obligatoire, divers artifices avaient été utilisés au mépris de la volonté du législateur, comme la négociation collective et les assemblées collectives; et ii) l’autorisation préalable du travailleur mentionnée dans la loi doit être, nécessairement, individuelle, expresse et écrite, car la règle ou clause normative établissant le caractère obligatoire du paiement de la cotisation syndicale, bien qu’approuvée par négociation collective, assemblée générale ou tout autre moyen, est nulle de plein droit.
  3. 104. Le gouvernement indique que, d’après des données communiquées par le Secrétariat au travail du ministère de l’Économie, 1 954 instruments collectifs contenant des clauses liées au paiement des cotisations syndicales ont été déposés en 2018. Le gouvernement ajoute que les travailleurs, qu’ils soient ou non membres des syndicats ayant signé ces conventions collectives, étaient assujettis aux règles contenues dans ces clauses, même s’ils n’avaient pas expressément accepté une retenue sur leur rémunération. Le gouvernement considère qu’il était nécessaire de protéger de façon immédiate les travailleurs innombrables qui allaient être concernés par le prélèvement de cotisations syndicales avec lesquelles ils étaient en désaccord, et qu’il fallait donc recourir d’urgence à une mesure provisoire clarifiant ces questions. Le gouvernement signale que les dispositions modifiées par la mesure provisoire constituent une étape pertinente dans l’accomplissement de la volonté qui était celle du pouvoir législatif lorsqu’il a approuvé la loi no 13.467/2017.
  4. 105. Le gouvernement souligne que les dispositions collectives qui prévoient le versement de cotisations à une entité syndicale, à quelque titre que ce soit, en obligeant les travailleurs non syndiqués à s’y conformer, portent atteinte au droit de libre association et d’organisation garanti par la Constitution et sont, de ce fait, nulles de plein droit, les sommes correspondantes éventuellement prélevées étant susceptibles d’être remboursées. Le gouvernement estime que la discussion sur le point de savoir s’il est constitutionnel d’imposer une cotisation obligatoire, par contrat ou convention collective, aux travailleurs non membres du syndicat concerné, est extrêmement importante du point de vue juridique, économique et social, puisqu’elle aborde des thèmes qui concernent potentiellement tous les employés non membres de syndicats, et a également un impact sur l’organisation du système syndical brésilien et son mode de financement.
  5. 106. Le gouvernement indique que le Tribunal fédéral suprême lui-même, dans le précédent contraignant no 40, a conclu que «la contribution mentionnée à l’article 8, IV, de la Constitution fédérale n’est exigée que pour les membres du syndicat concerné» et que ce tribunal a établi qu’il est inconstitutionnel d’instituer par accord, convention collective ou jugement normatif des cotisations imposées obligatoirement aux travailleurs non syndiqués. Le tribunal a déterminé que la clause d’un accord, d’une convention collective ou d’un jugement normatif établissant une cotisation de quelque nature que ce soit en faveur d’une entité syndicale, que les employés non syndiqués sont tenus d’acquitter, porte atteinte à la liberté protégée par la Constitution.
  6. 107. Le gouvernement considère qu’il convient de distinguer la cotisation syndicale, prévue dans la Constitution (article 8, fin du paragraphe IV) et établie par la loi (article 578 de la CLT), qui sert les intérêts des différentes catégories professionnelles et a un caractère fiscal (logo obligatoire), de la dénommée «cotisation de soutien», également appelée «contribution de soutien». Il indique que cette dernière est destinée à financer les activités de soutien du syndicat, principalement dans le cadre de la négociation collective, et n’a pas de caractère fiscal. Par ailleurs, le gouvernement souligne que le bordereau de banque ou son équivalent électronique représente une conséquence logique de la défense de ceux qui ne souhaitent pas contribuer financièrement aux organisations syndicales et, par conséquent, est une mesure à même de sauvegarder le principe de la liberté syndicale consacré par le paragraphe V de l’article 8 de la Constitution fédérale de 1988, qui dispose que nul ne peut être obligé à adhérer ou à maintenir son adhésion à un syndicat.
  7. 108. Le gouvernement estime que les dispositions présentées dans la mesure provisoire ne font qu’apporter une plus grande sécurité juridique aux acteurs sociaux, notamment en soulignant la nécessité de respecter le principe de la liberté syndicale, sans négliger la compatibilité nécessaire avec le contenu de la loi no 13.467/2017. Le gouvernement indique toutefois que la mesure provisoire n’est plus en vigueur depuis le 28 juin 2019, puisqu’elle n’a pas été révisée par le pouvoir législatif dans le délai prévu.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 109. Le comité observe que le présent cas concerne la mesure provisoire no 873, approuvée par le Président de la République le 1er mars 2019, qui modifie plusieurs articles de la CLT et dispose ce qui suit: i) les contributions ou cotisations syndicales ne peuvent être prélevées sur le salaire (le syndicat doit envoyer un bordereau de banque au travailleur et ce dernier doit se rendre à la banque pour le paiement); et ii) le recouvrement des cotisations syndicales nécessite l’autorisation préalable, individuelle, expresse et écrite du travailleur, et toute clause disposant le contraire sera nulle, même si elle a été convenue dans le cadre de la négociation collective.
  2. 110. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent ce qui suit: i) la mesure provisoire, prise sans consultation préalable des représentants des travailleurs et des employeurs, rendra très difficile le recouvrement des cotisations et, partant, aura une incidence directe sur la façon dont les syndicats obtiennent des revenus, ce qui compromettra leur pérennité; et ii) même si plusieurs syndicats ont déposé des plaintes et obtenu la suspension des effets de la mesure provisoire, conservant ainsi la possibilité de prélever les cotisations syndicales sur le salaire de leurs membres, la majorité des jugements n’ont pas été traités en deuxième instance.
  3. 111. Le comité note qu’à cet égard le gouvernement indique ce qui suit: i) depuis la réforme introduite au titre de la loi no 13.467/2017, les cotisations syndicales ont cessé d’être obligatoires et sont devenues facultatives; ii) même si cette loi mentionnait la nécessité d’obtenir le consentement préalable et exprès du travailleur, il subsistait des questions à éclaircir, par exemple le point de savoir si ce consentement pouvait être donné lors d’une assemblée générale du syndicat ou dans le cadre de la négociation collective; iii) le pouvoir exécutif a décidé de clarifier encore davantage cette logique en adoptant la mesure provisoire; iv) 1 954 instruments collectifs contenant des clauses liées au paiement des cotisations syndicales ont été déposés en 2018, et les travailleurs étaient assujettis aux règles contenues dans ces clauses même s’ils n’avaient pas expressément accepté une retenue sur leur rémunération, et il fallait d’urgence prendre une mesure provisoire pour clarifier ces questions; et v) le bordereau de banque ou son équivalent électronique représente une conséquence logique de la défense de ceux qui ne souhaitent pas contribuer financièrement aux organisations syndicales.
  4. 112. Le comité, tout en rappelant que la suppression de la possibilité de retenir les cotisations à la source, qui pourrait déboucher sur des difficultés financières pour les organisations syndicales, n’est pas propice à l’instauration de relations professionnelles harmonieuses et devrait donc être évitée, et que la question du prélèvement des cotisations syndicales par les employeurs et de leur transfert aux syndicats devrait être résolue par la négociation collective entre les employeurs et l’ensemble des syndicats sans obstacles d’ordre législatif [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 690 et 701], prend dûment note du fait que, comme l’indiquent les organisations plaignantes et le gouvernement, la mesure provisoire a cessé d’être en vigueur le 28 juin 2019 et, par conséquent, recommande au Conseil d’administration de décider que le cas est clos et n’appelle pas un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 113. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité recommande au Conseil d’administration de décider que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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