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Rapport définitif - Rapport No. 397, Mars 2022

Cas no 3391 (Afrique du Sud) - Date de la plainte: 31-AOÛT -20 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que l’agence publique de transport ferroviaire refuse d’appliquer un accord de conciliation et une injonction judiciaire lui accordant l’accès aux lieux de travail et la déduction des cotisations syndicales

  1. 40. La plainte figure dans une communication du Mouvement national des transports (NTM) en date du 31 août 2020.
  2. 41. Le gouvernement a présenté ses observations dans une communication en date du 21 janvier 2021.
  3. 42. L’Afrique du Sud a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 43. Dans sa communication en date du 31 août 2020, l’organisation plaignante dénonce que le gouvernement et l’Agence de transport ferroviaire de passagers d’Afrique du Sud (PRASA), entreprise publique placée sous l’autorité du ministère des Transports (ci-après «l’entreprise»), refusent d’appliquer un accord de conciliation et une décision judiciaire lui accordant certains droits syndicaux, à savoir l’accès aux lieux de travail et la déduction des cotisations syndicales.
  2. 44. L’organisation plaignante fournit la décision judiciaire susmentionnée, dans laquelle figure le résumé suivant des faits du litige: i) en janvier 2016, le NTM a notifié par écrit à l’entreprise une demande concernant l’exercice de certains droits syndicaux et lui a proposé de tenir une réunion en vue de conclure un accord collectif, mais cette réunion n’a pas eu lieu; ii) le NTM a alors saisi la Commission nationale de conciliation, de médiation et d’arbitrage (CCMA) devant laquelle une tentative de conciliation a échoué, puis le différend a été renvoyé à l’arbitrage, lequel a donné lieu à une décision datée du 21 juillet 2016; iii) les parties sont convenues, d’une part, de ce que le NTM fournirait des formulaires d’affiliation, des notifications de résiliation et des justificatifs des résiliations notifiées à l’ancien syndicat et, d’autre part, de ce que l’entreprise accorderait à l’organisation plaignante les droits prévus aux articles 12(1) et 13 de la loi sur les relations professionnelles (LRA) (à savoir l’accès aux lieux de travail et la déduction des cotisations syndicales); enfin iv) si l’organisation plaignante a produit 7 058 formulaires établissant la désaffiliation des travailleurs d’autres syndicats, l’entreprise a fait valoir qu’elle n’avait pu établir d’affiliation au NTM que pour 1 314 employés, le reste des formulaires fournis étant soit des doubles, soit entachés d’erreurs.
  3. 45. L’organisation plaignante affirme que, bien qu’ayant accepté d’accorder au NTM certains droits syndicaux aux termes de l’accord de conciliation, l’entreprise aurait reçu une instruction politique du ministère des Transports lui enjoignant de ne pas appliquer cet accord. Malgré tous les efforts déployés par le syndicat pour résoudre le différend, y compris par l’entremise du bureau local du BIT, l’entreprise a persisté à refuser d’appliquer l’accord. Le NTM a donc déposé une requête auprès du tribunal du travail, qui a prononcé une injonction d’exécution de l’accord de conciliation dans une décision rendue en décembre 2018. Le tribunal a en outre estimé, au sujet de l’accès aux lieux de travail, que l’entreprise avait accordé ce droit au NTM en vertu de l’accord de conciliation, et que, contrairement à ce qu’elle soutenait, le syndicat n’était donc pas tenu de démontrer que sa représentativité était suffisante car il ne demandait pas à être admis au sein de l’instance de négociation collective. Quant à la déduction des cotisations syndicales, le tribunal a considéré que, quel que soit le nombre des formulaires d’affiliation reçus et vérifiés par l’entreprise (point litigieux qu’il n’était pas nécessaire, selon lui, de trancher à ce stade), celle-ci était tenue de procéder aux retenues sur les salaires à partir du moment où les formulaires d’affiliation le prévoyaient. L’organisation plaignante allègue que, malgré l’injonction prononcée par le tribunal, l’entreprise persiste à refuser de lui accorder l’accès aux lieux de travail et de procéder à la déduction des cotisations syndicales, violant donc de manière flagrante la décision du tribunal.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 46. Dans sa communication en date du 21 janvier 2021, le gouvernement explique qu’en janvier 2016 le NTM a notifié à l’entreprise que 54 pour cent des employés de celle-ci dans tout le pays y étaient affiliés et il a demandé à pouvoir exercer ses droits syndicaux. L’entreprise n’a cependant pu répondre à cette demande, car le NTM n’a fourni aucune preuve à l’appui de ses affirmations et que deux autres organisations syndicales rassemblaient déjà 87 pour cent de sa main d’œuvre. Elle ne reconnaît donc pas à ce jour au NTM de droits de négociation collective ni de pouvoirs au titre de la LRA. Le gouvernement affirme que le différend opposant l’entreprise et l’organisation plaignante a fait l’objet d’une procédure de conciliation et d’arbitrage devant la CCMA, à l’issue de laquelle les parties ont conclu un accord de conciliation en juillet 2016 disposant que le NTM produirait des formulaires d’affiliation, des notifications de résiliation et des justificatifs des résiliations notifiées à l’ancien syndicat, et que la compagnie lui accorderait l’accès aux lieux de travail ainsi que la déduction des cotisations syndicales. L’organisation plaignante a saisi le tribunal du travail afin d’obtenir une injonction sur la base de cet accord et celle-ci lui a été accordée par un jugement prononcé en décembre 2018. Le gouvernement ajoute que, outre la décision d’injonction, le tribunal a prononcé différents obiter dicta selon lesquels l’organisation plaignante devrait se voir accorder l’accès aux lieux de travail et l’entreprise devrait procéder à la déduction des cotisations syndicales, ainsi qu’il est convenu dans l’accord de conciliation, l’exercice de ces droits n’étant pas subordonné à la preuve d’une représentativité suffisante du syndicat.
  2. 47. Le gouvernement indique, en outre, qu’en janvier 2019 l’organisation syndicale a adressé à l’entreprise un courrier dans lequel elle affirmait que le refus de celle-ci de lui accorder l’accès aux lieux de travail et de déduire les cotisations syndicales de ses membres était constitutif d’entrave à la bonne marche de la justice. L’entreprise a fait valoir en réponse que: i) le tribunal n’avait pas tranché le point de savoir si elle devait ou non accorder l’accès aux lieux de travail et la déduction des cotisations syndicales, car les considérations exprimées par le juge au sujet de la nature et du caractère sacré de l’accord de conciliation se trouvaient dans un obiter dictum, dépourvu d’effet obligatoire à son égard; et ii) selon l’accord de conciliation l’organisation plaignante devait d’abord se soumettre au recensement de ses adhérents avant de se voir accorder l’accès aux lieux de travail et de pouvoir bénéficier de la déduction des cotisations. En avril 2019, l’organisation syndicale a intenté contre l’entreprise une action pour entrave à la bonne marche de la justice qui est toujours pendante.
  3. 48. Le gouvernement apporte également des précisions sur les échanges qui ont eu lieu entre les parties, indiquant qu’entre janvier et mars 2019 l’organisation plaignante a soumis un certain nombre de formulaires d’affiliation et de notifications de résiliation à l’entreprise aux fins de la procédure de déduction des cotisations syndicales et que les parties ont organisé une réunion pour débattre de leurs obligations respectives au titre de l’accord de conciliation. Toutefois, en examinant les formulaires d’affiliation et les notifications de résiliation, l’entreprise a relevé des anomalies et engagé auprès de la CCMA une procédure de vérification, qui a été contestée par le NTM au motif que celle-ci n’aurait pas la compétence de réformer sa propre décision eu égard au fait qu’elle avait déjà tranché le litige et que l’accord de conciliation avait fait l’objet d’une injonction judiciaire. Entre octobre 2019 et juillet 2020, de nouvelles discussions ont eu lieu entre l’organisation plaignante et l’entreprise en vue de mener une opération de vérification, mais elles n’ont donné aucun résultat tangible. L’entreprise soutient que le processus de vérification n’a pas encore pu aboutir en raison de l’absence de coopération de l’organisation syndicale et des nombreuses requêtes pour entrave à la bonne marche de la justice qu’elle a présentées.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 49. Le comité rappelle que, dans le cas à l’examen, l’organisation plaignante allègue que le gouvernement et l’entreprise publique de transport ferroviaire refusent d’appliquer un accord de conciliation et l’injonction judiciaire qui lui a fait suite par lesquels l’organisation plaignante s’est vu accorder l’accès aux lieux de travail et la déduction des cotisations syndicales. Il rappelle en outre que ces questions font suite à un différend ayant déjà opposé l’organisation plaignante à cette entreprise dans lequel l’organisation syndicale entendait obtenir la reconnaissance de l’intégralité de ses droits syndicaux et de négociation collective, et qui a été examiné précédemment par le comité dans le cas no 3186 (voir 381e rapport du Comité de la liberté syndicale, mars 2017, paragr. 76-98). Le comité observe que, en l’espèce, il avait accueilli favorablement l’accord de conciliation adoptée en 2016 ainsi que le rapprochement progressif qui s’était opéré ensuite entre l’organisation plaignante et l’entreprise et qui, selon le gouvernement, avait rendu la plainte sans objet.
  2. 50. Le comité observe que, si dans le cadre de son précédent examen il avait réservé un accueil favorable à l’accord de conciliation de 2016, il n’y a pas lieu qu’il examine les questions dont traite celle-ci, l’entreprise ne les ayant pas soulevées. Le comité observe que la plainte dont il est actuellement saisi allègue la non-application des dispositions de cette décision, malgré l’injonction judiciaire dont elle a fait l’objet, ainsi que les conséquences de cette inapplication sur les droits syndicaux fondamentaux de l’organisation plaignante. Tout en notant que les faits à l’origine de l’espèce ne sont pas contestés par les parties, le comité observe que celles-ci ont des avis divergents sur la véritable interprétation qu’il convient de donner au contenu de l’accord de conciliation et sur le point de savoir si les droits syndicaux fondamentaux visés doivent être accordés à l’organisation plaignante et, dans l’affirmative, à quelles conditions. Alors que, de son côté, l’organisation plaignante allègue que l’entreprise a convenu de lui accorder l’accès aux lieux de travail et la déduction des cotisations syndicales dans l’accord de conciliation de 2016 puis n’a pas appliqué cet accord, pas plus que l’injonction judiciaire de 2018, qui confirme l’interprétation de l’organisation plaignante, le gouvernement et l’entreprise réfutent de leur côté cette allégation affirmant que, selon l’accord de conciliation, l’organisation syndicale est d’abord tenue de prouver qu’elle est suffisamment représentative et que, tant qu’elle ne l’a pas fait et qu’il n’a pas été procédé à la vérification des affiliations (processus auquel l’organisation syndicale refuse de coopérer selon l’entreprise), l’entreprise n’est aucunement tenue de lui accorder les droits syndicaux qu’elle revendique. Le comité prend note du raisonnement du tribunal du travail à cet égard (considéré par le gouvernement et l’entreprise comme un obiter dictum dépourvu de valeur contraignante) selon lequel les parties ont négocié et conclu un accord de conciliation accordant au syndicat le droit d’accéder aux lieux de travail et de bénéficier de la déduction des cotisations et rien n’imposait au syndicat de démontrer une représentativité suffisante, contrairement à ce que soutient l’entreprise, étant donné qu’il ne semble pas que le NTM ait demandé à être admis au sein de l’instance de négociation collective. Le comité note en outre que, face aux allégations de non-application par l’entreprise de l’injonction judiciaire de 2018, l’organisation syndicale a intenté une action pour entrave à la bonne marche de la justice qui est toujours en instance, et il observe que, selon les informations fournies par le gouvernement, malgré les différentes tentatives des parties pour engager le dialogue au sujet de la vérification des affiliations au syndicat, ces rapprochements n’ont donné aucun résultat tangible.
  3. 51. Le comité croit comprendre de ce qui précède que la question centrale du litige à l’examen porte sur les facilités syndicales, en particulier l’accès aux lieux de travail et la déduction des cotisations syndicales, et le refus de l’entreprise d’accorder ces facilités à l’organisation plaignante. À cet égard, le comité rappelle que le gouvernement doit garantir aux représentants syndicaux l’accès aux lieux de travail en respectant pleinement les droits de propriété et les droits de la direction, afin que les syndicats puissent communiquer avec les travailleurs dans le but de les informer des avantages que la syndicalisation peut présenter pour eux. Les représentants des travailleurs devraient avoir accès à tous les lieux de travail dans l’entreprise lorsque leur accès à ces lieux est nécessaire pour leur permettre de remplir leurs fonctions de représentation. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1590 et 1591.] En outre, pour ce qui est du système de retenue à la source des cotisations syndicales, le comité souhaite souligner que les travailleurs devraient avoir la possibilité de demander que les retenues à la source soient effectuées sur leur salaire au titre des cotisations syndicales dues aux organisations syndicales de leur choix, même si ces organisations ne sont pas les plus représentatives. [Voir Compilation, paragr. 695.]
  4. 52. En vertu de ce qui précède, le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que l’organisation plaignante ait raisonnablement accès aux lieux de travail où sont employés ses membres, tout en s’assurant que cet accès ne soit pas exercé au détriment du fonctionnement efficace de l’entreprise, et qu’il facilitera les discussions entre les parties afin qu’elles puissent en établir les modalités, ainsi que l’utilisation d’un système de retenue à la source lorsque les travailleurs membres de l’organisation syndicale en ont fait la demande. À cet égard, le comité invite l’organisation plaignante à fournir à l’entreprise tous les formulaires nécessaires. Le comité encourage en outre le gouvernement à favoriser le rapprochement des parties pour régler toute question restée en suspens quant aux modalités susmentionnées et faire en sorte que l’organisation plaignante puisse exercer sans délai ses droits syndicaux fondamentaux.
  5. 53. Le comité estime que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 54. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que l’organisation plaignante ait raisonnablement accès aux lieux de travail où sont employés ses membres, tout en s’assurant que cet accès ne soit pas exercé au détriment du fonctionnement efficace de l’entreprise, et qu’il facilitera les discussions entre les parties afin qu’elles puissent en établir les modalités, ainsi que l’utilisation d’un système de retenue à la source lorsque les travailleurs membres de l’organisation syndicale en ont fait la demande. À cet égard, le comité invite l’organisation plaignante à fournir à l’entreprise tous les formulaires nécessaires. Le comité encourage en outre le gouvernement à favoriser le rapprochement des parties pour régler toute question restée en suspens quant aux modalités susmentionnées et faire en sorte que l’organisation plaignante puisse exercer sans délai ses droits syndicaux fondamentaux.
    • b) Le comité estime que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos.
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