Allégations: Les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement, en sa qualité d’employeur dans le secteur hospitalier, n’a pas respecté sa convention collective ni engagé le dialogue avec le syndicat pour régler la question, en violation du droit de négociation collective
- 55. La plainte figure dans une communication datée du 12 août 2020 présentée par le Congrès des syndicats du Commonwealth des Bahamas (CBTUC) et le Syndicat des infirmières et infirmiers des Bahamas (BNU).
- 56. Le gouvernement des Bahamas a transmis ses observations sur les allégations dans une communication datée du 28 janvier 2022.
- 57. Les Bahamas ont ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 58. Dans leur communication datée du 12 août 2020, les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement des Bahamas n’a pas intégralement respecté les clauses et conditions stipulées dans une convention collective qui a été conclue avec le BNU le 21 juillet 2016 et refuse d’engager des discussions avec ce dernier pour régler la question.
- 59. Les organisations plaignantes indiquent que le BNU, qui est un syndicat dûment enregistré aux Bahamas et un affilié du CBTUC, est l’agent négociateur de l’ensemble des infirmières et infirmiers rattachés à l’Autorité des hôpitaux publics et au Département de la santé publique du ministère de la Santé. Les organisations plaignantes signalent que le BNU et le ministère de la Santé sont parties à une série de conventions collectives enregistrées, dont celle du 21 juillet 2016.
- 60. Les organisation plaignantes déclarent que le gouvernement: i) a enfreint les articles 10.01 à 10.04 de la convention collective du 21 juillet 2016, qui contiennent des dispositions relatives à la santé et la sécurité au travail conformément à l’article 4 de la loi sur la santé et la sécurité au travail; ii) a enfreint l’article 25.01 de la convention collective susmentionnée, qui reconnaît l’importance de maintenir les plus hauts niveaux d’efficacité et prévoit que les employés en fonctions seront pris en considération en premier lorsqu’une possibilité d’avancement se présente; et iii) a omis de communiquer avec le BNU concernant les changements apportés aux politiques et procédures qui régissent ses membres.
- 61. Les organisations plaignantes indiquent que le BNU et le ministère de la Santé sont plongés dans ce conflit depuis 2016. Selon les documents joints à la plainte: i) le 28 septembre 2016, le BNU a déposé une plainte concernant un différend du travail auprès du ministère du Travail; et ii) le 21 décembre 2016, le ministère du Travail a porté la question devant le tribunal du travail des Bahamas pour règlement final.
- 62. Les organisations plaignantes indiquent également que le BNU a présenté des demandes d’autorisation d’un scrutin de grève le 28 septembre 2016 et le 16 mai 2018, mais que ces demandes ont été rejetées par le ministère du Travail. Après que le syndicat a présenté une nouvelle demande, un scrutin de grève a été organisé le 4 décembre 2018 et a donné lieu à un vote majoritaire en faveur de la grève. Les organisations plaignantes informent qu’un certificat de grève a été accordé au BNU le 6 décembre 2018.
- 63. Les organisations plaignantes indiquent que le BNU s’est rendu devant le tribunal du travail, mais que l’affaire a été ajournée à plusieurs reprises, sans évolution aucune, le ministère de la Santé ne s’étant pas présenté. Elles indiquent que les communications se sont poursuivies pendant la période d’attente incluant, entre autres, une réunion entre les parties et le Premier ministre des Bahamas, au cours de laquelle il a été convenu que les questions en suspens devaient être résolues. Cependant, malgré une demande du Premier ministre appelant les parties à définir les modalités avec le directeur du travail, il n’y a eu aucun résultat tangible.
- 64. Les organisations plaignantes indiquent que, en raison de l’impasse dans laquelle se trouvaient les parties, le BNU a demandé que l’affaire soit poursuivie et s’est rendu devant le tribunal du travail pour une audience le 10 mars 2020. Elles indiquent que les deux parties ont finalement convenu que le tribunal du travail n’était pas compétent en la matière, en vertu de la jurisprudence applicable. Les organisations plaignantes informent que, le 12 mars 2020, le tribunal a établi que la question ne pouvait pas être examinée plus avant et a donc rejeté la demande introductive d’instance.
- 65. Les organisations plaignantes indiquent que le BNU a continué à demander des réunions avec le gouvernement, sans succès. Elles dénoncent le non-respect par le gouvernement du principe de la négociation collective consacré par la convention nº 98.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 66. Dans une communication du 28 janvier 2022, le gouvernement indique que la question qui fait l’objet de la plainte découle d’une relation employeur-employé. Le gouvernement souligne qu’il n’y a pas eu de manquement de sa part à l’obligation de négocier collectivement et de finaliser une convention collective en sa qualité d’employeur. Il indique qu’une convention collective juridiquement contraignante est enregistrée auprès du Greffe des syndicats et que, même si cette convention collective a expiré, elle restera en vigueur jusqu’à la signature d’une nouvelle.
- 67. Le gouvernement souligne qu’en tant qu’employeur il vise à assurer l’harmonie des relations de travail et participe toujours aux négociations dans le but de parvenir à un accord à l’amiable. Le gouvernement informe également qu’une élection générale tenue dans le pays le 16 septembre 2021 a donné lieu à un changement d’administration, qui a conduit à la création d’une unité spécifiquement chargée de négocier toutes les conventions collectives dans la fonction publique.
- 68. Le gouvernement déclare que toute allégation d’atteinte aux droits syndicaux est erronée et fausse, en insistant sur le fait que le pays a toujours été à l’avant-garde du travail décent. Le gouvernement indique que, même si la pandémie de COVID-19 a posé de nouveaux défis, il s’efforce d’apporter des mesures correctives et des réponses à toutes les préoccupations en suspens soulevées par les infirmières et infirmiers qu’il emploie.
- 69. En ce qui concerne le conflit entre les parties, le gouvernement confirme qu’une plainte concernant un différend du travail a été déposée en septembre 2016 et portée devant le tribunal du travail en vue d’un règlement. Il confirme également qu’il y a eu des retards avant que l’affaire soit entendue et qu’elle a finalement été rejetée, les deux parties ayant convenu que le tribunal susmentionné n’était pas compétent.
- 70. Le gouvernement déclare que le pays dispose d’un système judiciaire solide et fiable, et que le BNU avait et continue d’avoir la possibilité de recourir aux tribunaux en engageant une action devant la Cour suprême. Il informe toutefois qu’à ce jour cela ne s’est pas produit.
- 71. En ce qui concerne les tentatives du BNU d’obtenir un certificat de grève à l’issue d’un scrutin de grève, le gouvernement informe que la procédure à suivre est prévue par les articles 20 et 74 de la loi sur les relations du travail de 1971. Le gouvernement explique que le BNU n’a pas suivi les procédures requises par la loi, ce qui explique pourquoi il n’a pas réussi, dans un premier temps, à obtenir un certificat de grève. Il confirme également que le syndicat a obtenu un certificat de grève une fois les procédures suivies.
- 72. Le gouvernement conclut en indiquant qu’il est prévu que les négociations avec le BNU concernant une nouvelle convention collective soient conclues dans les prochains mois, étant donné que de nombreuses préoccupations financières ont été abordées. Le gouvernement estime donc que le présent cas devrait être clos.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 73. Le comité note que, dans le présent cas, les organisations plaignantes allèguent que le ministère de la Santé n’a pas respecté les dispositions d’une convention collective conclue avec le BNU et n’a pas engagé de discussions avec le syndicat pour régler la question, violant ainsi le droit de négociation collective.
- 74. Le comité note la chronologie des événements fournie par les organisations plaignantes et le gouvernement comme suit: le 21 juillet 2016, une convention collective a été conclue entre le ministère de la Santé et le BNU. Le 28 septembre 2016, le BNU a déposé une plainte concernant un différend du travail auprès du ministère du Travail, alléguant la violation des dispositions de la convention collective susmentionnée relatives aux promotions et à la santé et la sécurité au travail, ainsi qu’un défaut de communication avec le syndicat par le ministère de la Santé. Le 21 décembre 2016, le ministère du Travail a porté la question devant le tribunal du travail des Bahamas en vue d’un règlement final. Le 6 décembre 2018, le BNU a obtenu un certificat de grève après avoir organisé un scrutin qui a abouti à un vote majoritaire en faveur de la grève. À l’issue d’une réunion avec le Premier ministre des Bahamas, les parties ont convenu que le conflit devait être résolu, mais aucun résultat n’a suivi. Après plusieurs ajournements, une audience devant le tribunal du travail a eu lieu le 10 mars 2020, au cours de laquelle les deux parties ont convenu que le tribunal n’était pas compétent en la matière. Le 12 mars 2020, le tribunal a rejeté la demande introductive d’instance au motif que la question ne pouvait pas être examinée plus avant.
- 75. Le comité prend note des opinions divergentes exprimées par les organisations plaignantes et le gouvernement concernant la violation alléguée des droits syndicaux par le ministère de la Santé en sa qualité d’employeur. À cet égard, le comité souhaite souligner que le respect mutuel des engagements pris dans les accords collectifs est un élément important du droit de négociation collective et doit être sauvegardé pour fonder les relations professionnelles sur des bases solides et stables. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1336.]
- 76. Le comité note que le BNU et le ministère de la Santé ont convenu que le tribunal du travail n’était pas compétent pour régler le différend. Observant que la convention collective du 21 juillet 2016 ne prévoit pas de procédure de règlement spécifique, le comité estime que le différend devrait être résolu par les mécanismes de règlement nationaux appropriés ou par l’autorité judiciaire nationale compétente. Prenant dûment note du fait que les parties négocient actuellement une nouvelle convention collective, et compte tenu du manque de clarté lié à l’autorité chargée de trancher les différends liés à l’interprétation des conventions collectives, le comité invite les parties à envisager d’indiquer dans la nouvelle convention la manière dont ces différends devraient être résolus.
- 77. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle: i) dans l’attente de la conclusion d’une nouvelle convention collective, la convention collective du 21 juillet 2016 reste en vigueur; et ii) une nouvelle administration a été récemment élue et elle vise à répondre à toutes les préoccupations en suspens soulevées dans le secteur des soins infirmiers. Prenant dûment note des négociations en cours en vue de la conclusion d’une nouvelle convention collective entre le ministère de la Santé et le BNU, le comité encourage les parties à saisir cette occasion pour régler le différend soulevé dans le présent cas et parvenir à une solution mutuellement satisfaisante. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 78. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité recommande au Conseil d’administration d’approuver la recommandation suivante:
- Prenant dûment note des négociations en cours en vue de la conclusion d’une nouvelle convention collective entre le ministère de la Santé et le BNU, le comité encourage les parties à saisir cette occasion pour régler le différend soulevé dans le présent cas et parvenir à une solution mutuellement satisfaisante. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.