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Rapport définitif - Rapport No. 399, Juin 2022

Cas no 3389 (Argentine) - Date de la plainte: 03-AOÛT -20 - Clos

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Allégations: Suppression des effets d’une convention collective en vigueur par un État provincial au moyen de la révocation de l’acte d’homologation de la convention

  1. 79. La plainte figure dans la communication du 3 août 2020 envoyée par la Centrale des travailleurs de l’Argentine (CTA des travailleurs).
  2. 80. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date du 20 mai 2021 et du 2 mai 2022.
  3. 81. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 82. L’organisation plaignante allègue que le gouvernement de la province de Terre de Feu s’arroge le pouvoir de rendre ineffective une convention collective en vigueur applicable aux agents publics de l’État provincial, en recourant purement et simplement à la révocation de l’acte d’homologation de ladite convention. La CTA des travailleurs demande que le gouvernement soit instamment prié d’annuler immédiatement cette révocation administrative et de reprendre le dialogue avec les organisations syndicales représentatives des agents de l’État.
  2. 83. L’organisation plaignante indique que: i) la convention collective applicable au personnel de l’administration publique provinciale a été conclue le 28 novembre 2019, puis homologuée par la résolution no 217/19 du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale (résolution MTEySS no 217/19) et publiée au Journal officiel de la province de Terre de Feu du 6 décembre 2019; ii) la convention a été signée par l’Association des travailleurs de l’État, le Syndicat des fonctionnaires de la nation et l’Association des travailleurs de la santé en Argentine; iii) la convention a vu le jour à l’issue d’un processus émaillé d’innombrables difficultés qui a duré plus de vingt ans (depuis l’ouverture des négociations, à la suite de l’adoption de la loi provinciale no 113, jusqu’à l’adoption, l’enregistrement, l’homologation et la publication du texte définitif) et n’a pu aboutir que grâce à des efforts obstinés; iv) la convention collective a été homologuée par l’autorité administrative de la province et ses dispositions sont devenues immédiatement applicables – à l’exception de toutes celles ayant des incidences budgétaires, dont le texte de la convention prévoit, conformément à la loi provinciale no 113, qu’elles doivent être approuvées préalablement par l’assemblée provinciale; v) après le renouvellement des autorités gouvernementales à l’issue d’un processus électoral démocratique, le procureur de la province a émis un avis faisant état de possibles incohérences qu’il convenait d’examiner, sans mentionner de mesures spécifiques à adopter; vi) à la suite de cet avis, les autorités ont pris le décret provincial 101/20 donnant instruction au ministère du Travail d’«émettre l’acte administratif révoquant, pour cause d’illégitimité, la résolution MTEySS no 217/19»; le ministère du Travail de la province a pris la résolution MTEySS no 20/20 portant révocation de la résolution MTEySS no 217/19 (par laquelle l’accord avait été homologué), «au motif qu’elle est contraire à l’ordre public de la province et émane du droit administratif»; vii) les actes administratifs qui ont donné lieu à la révocation ont été édictés sans que les parties à la convention aient la possibilité de présenter leurs arguments, au mépris le plus total des garanties découlant du droit à une protection administrative et judiciaire effective; viii) les autorités locales considèrent que, en conséquence de la «déshomologation» de la convention, elles doivent revenir aux dispositions qui s’appliquaient avant l’entrée en vigueur de l’instrument collectif (le décret-loi 22.140, qui date de la dernière dictature au pouvoir de facto en Argentine, a ainsi été remis en vigueur par voie interprétative); ix) une action en justice a été introduite devant le tribunal du travail compétent, qui l’a rejetée pour des motifs de forme (plus précisément, le tribunal a considéré que le recours en amparo n’était pas le moyen approprié de faire valoir les griefs car le critère d’arbitraire ou d’illégalité manifeste n’était pas présent, l’argument étant que «l’homologation est un acte administratif de portée générale» et est de ce fait «essentiellement révocable» par le pouvoir exécutif de la province); x) il s’ensuit que les fonctionnaires de l’État provincial perdent complètement le bénéfice des conventions collectives et des droits qui en découlent.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 84. Dans sa communication du 20 mai 2021, le gouvernement transmet les observations des autorités de la province concernée: i) les éléments qui ont motivé la révocation de la résolution portant homologation ont été établis à l’issue d’un examen exhaustif du dossier et des procédures y afférentes, en particulier des considérations émises par le bureau du procureur de la province de Terre de Feu, contre lesquelles les services juridiques du ministère n’ont pas d’objection à faire valoir; ii) il est constaté en outre qu’aucune des organisations syndicales signataires de la convention n’a déposé de recours contre l’acte administratif en question ni même ne l’a remis en cause; iii) une convention collective est en cours de négociation avec les mêmes organisations syndicales qui étaient parties à la convention dont l’homologation a été révoquée; iv) dans le cadre d’une action en justice liée aux questions soulevées par l’organisation plaignante, l’autorité judiciaire a considéré que l’homologation est un acte administratif de portée générale et, qu’elle est donc, par définition, essentiellement révocable par le pouvoir exécutif de la province; v) à l’exception des observations qui ont motivé la révocation de la résolution portant homologation, le ministère du Travail de la province n’a jamais enregistré de plainte d’un syndicat concernant des mesures, en cours ou prises dans le passé, qui limiteraient l’application des droits de liberté syndicale ou empêcheraient la poursuite de négociations en vue de l’élaboration définitive d’une convention collective pour le personnel de l’administration publique de la province.
  2. 85. Dans sa communication en date du 2 mai 2022, le gouvernement transmet le dossier relatif au processus de négociation collective et indique qu’une nouvelle convention collective a été signée, qui au dire des parties concernées aurait complètement résolu le conflit. Le gouvernement demande par conséquent la clôture du cas.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 86. La présente plainte dénonce la suppression des effets d’une convention collective en vigueur par un État provincial au moyen de la révocation de l’acte d’homologation de la convention. Le comité observe que les autorités provinciales indiquent que les éléments qui ont motivé la révocation de la résolution portant homologation ont été établis à l’issue d’un examen exhaustif du dossier, et que l’autorité judiciaire a considéré que l’homologation est un acte administratif révocable.
  2. 87. Le comité observe que les raisons invoquées dans les différentes résolutions visant à la révocation de l’homologation mentionnent des éléments tels que la non-prise en considération des incidences budgétaires, certaines irrégularités dans la procédure administrative ou concernant la représentation paritaire, ainsi que des contradictions avec l’ordre juridique ou l’ordre public du travail. Le comité note à cet égard que le décret provincial 101/20, joint à la plainte, mentionne que le «procureur a estimé que la convention n’a pas fait l’objet d’une analyse juridique approfondie quant aux règles d’ordre public de la province à respecter […] et que, par ailleurs, il n’a pas été procédé à un examen exhaustif des dispositions impliquant directement des engagements ou des modifications budgétaires»; de plus, «des irrégularités dans la procédure administrative suivie par le ministère compétent, découlant de l’existence de trois dossiers différents» ont été observées, «ainsi que le non-respect du dispositif de négociation établi comme des points et/ou de l’ordre du jour fixés par le ministère»; enfin, «il n’a pas été constaté non plus que des représentants paritaires désignés en bonne et due forme avaient participé […], ce qui autorise à conclure que la procédure suivie dans cette négociation n’a pas contribué à conférer à celle-ci transparence et légitimité». Le comité observe en outre que le décret provincial 101/20 a considéré que «l’instrument conventionnel présente des vices manifestes qui portent atteinte à l’ordre public dans le domaine du travail […], par exemple l’obligation de détention de la nationalité argentine pour intégrer la fonction publique», ou sont contraires à l’ordre juridique provincial, et fait allusion à l’existence de dispositions de la convention qui ont des incidences budgétaires et n’ont pas été préalablement analysées et prises en considération par les autorités gouvernementales. Le comité considère à cet égard que la durée du processus de négociation (plus de vingt ans) aurait dû permettre de procéder ex ante à toutes les vérifications nécessaires, et que la révocation unilatérale des effets juridiques de la convention après son entrée en vigueur, comme ce fut le cas en l’espèce, ne contribue pas à la promotion de la négociation collective.
  3. 88. Par ailleurs, le comité prend dûment note des informations transmises par le gouvernement dans sa communication du 2 mai 2022, selon lesquelles de nouvelles négociations ont abouti à la conclusion d’une convention collective, qui au dire des parties concernées aurait complètement résolu le conflit. Compte tenu de ce qui précède, le comité estime que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 89. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité recommande au Conseil d’administration de décider que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
    • Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent une série d’actes contraires à la liberté syndicale et à la négociation collective

      au sein de l’Entreprise de télécommunications de Bogota
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