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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 400, Octobre 2022

Cas no 3076 (Maldives) - Date de la plainte: 08-AVR. -14 - En suivi

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Allégations: Usage disproportionné de la force par la police contre des travailleurs en grève; arrestation arbitraire de membres et de dirigeants de la TEAM; licenciement abusif de neuf travailleurs dont des dirigeants de la TEAM ayant participé à une grève comme meneurs; non-application du jugement ordonnant leur réintégration sans perte de salaire. D’autres allégations font état de discrimination antisyndicale à l’encontre de membres du syndicat TEAM dans deux autres établissements hôteliers

  1. 539. Le comité a examiné ce cas (présenté en avril 2014) pour la dernière fois lors de sa réunion de juin 2021, et, à cette occasion, il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 395e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 342e session, paragr. 252 283  .]
  2. 540. L’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) a fourni des informations additionnelles dans des communications datées des 18 août 2021 et 24 mai 2022.
  3. 541. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication datée du 23 mai 2022.
  4. 542. La République des Maldives a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 543. Lors de sa réunion de juin 2021, le comité a formulé les recommandations suivantes sur les questions restées en suspens [voir 395e rapport, paragr. 283]:
    • a) Le comité prie le gouvernement et les organisations plaignantes de fournir des informations sur la situation professionnelle actuelle des dirigeants et membres du syndicat TEAM licenciés à l’hôtel A  .
    • b) En ce qui concerne la question de l’indemnisation liée aux licenciements injustifiés à l’hôtel B  , compte tenu de l’intention des plaignants de demander une révision judiciaire de l’arrêt de la Cour suprême, le comité prie instamment le gouvernement de procéder à un examen approfondi des allégations relatives à la nature antisyndicale de ces licenciements en vue de garantir que, dans le cas où les allégations seraient prouvées, les employés concernés reçoivent une indemnisation adéquate pour réparer tous les dommages subis et prévenir toute répétition de tels actes à l’avenir.
    • c) Le comité prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les procédures judiciaires relatives aux allégations de licenciements abusifs dans l’hôtel C  soient rapidement menées à bien, afin d’éviter des retards déraisonnables, et pour que les décisions soient rapidement et pleinement appliquées par les parties concernées.
    • d) Le comité prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le syndicat de l’hôtel C puisse exercer librement ses activités syndicales légitimes, y compris son droit d’organiser des réunions et de déployer des banderoles syndicales, sans aucune ingérence de la direction, et pour que les cadres syndicaux licenciés aient un accès raisonnable aux membres et aux locaux du syndicat, de sorte qu’ils puissent remplir leurs fonctions de représentation. Le comité invite en outre le gouvernement à tendre la main aux parties et à les encourager à s’engager de bonne foi dans la négociation collective afin de créer et de maintenir des relations de travail harmonieuses et de prévenir les conflits du travail.
    • e) Rappelant que les aspects législatifs du cas ont été renvoyés à la CEACR, le comité veut croire que le gouvernement agira rapidement en vue de garantir l’adoption de la législation nécessaire pour assurer pleinement la liberté d’association et les droits de négociation collective.
    • f) S’agissant des allégations spécifiques de ce cas d’espèce, le comité prie à nouveau le gouvernement de demander des informations aux organisations d’employeurs concernées en vue de pouvoir disposer de leur version des faits et de celle des entreprises en cause sur les questions en instance.

B. Informations complémentaires des organisations plaignantes

B. Informations complémentaires des organisations plaignantes
  1. 544. Dans ses communications datées des 18 août 2021 et 24 mai 2022, l’UITA allègue qu’aucun progrès n’a été réalisé dans la résolution d’un quelconque des trois cas dans les hôtels A, B et C et souligne un manque de protection des droits syndicaux, tant en droit que dans la pratique.
  2. 545. En ce qui concerne l’hôtel A, les organisations plaignantes rappellent que, en février 2021, la Cour suprême a confirmé la décision de la Haute Cour de novembre 2016, selon laquelle la réintégration des neuf dirigeants et membres de la TEAM victimes ne nécessitait pas le retour sur le même lieu de travail. Elles indiquent que cette décision était la dernière étape de la procédure judiciaire, que six membres du syndicat ont conclu des règlements à l’amiable, mais que trois autres travailleurs, dont le secrétaire général de la TEAM, sont toujours au chômage et réclament leur réintégration. Selon les organisations plaignantes, le gouvernement n’a pris aucune mesure pour engager un dialogue entre les travailleurs et la direction afin de régler le différend et de réintégrer les trois syndicalistes restants.
  3. 546. Concernant l’hôtel B, les organisations plaignantes indiquent que, en juillet 2021, la TEAM a soumis une demande de révision de l’arrêt de la Cour suprême de février 2021, qui a estimé que, bien qu’il n’y ait pas eu de base pour le licenciement des travailleurs licenciés, le paiement reçu par ces travailleurs en lieu et place du préavis était une compensation suffisante. Dans sa demande de révision judiciaire, la TEAM a exprimé ses inquiétudes quant au retard excessif dans le processus judiciaire – l’arrêt de la Cour suprême a été rendu dix ans après le licenciement des syndicalistes – qui a effectivement pénalisé les 22 membres du syndicat réclamant leur réintégration et a souligné que cette période prolongée a été utilisée comme l’une des raisons pour lesquelles la réintégration des travailleurs n’était pas possible selon la Cour suprême. Abordant ensuite le raisonnement de la cour selon lequel les actions internationales de protestation contre les licenciements abusifs avaient miné la confiance au point que la réintégration à l’hôtel n’était plus possible ou souhaitable, la TEAM a affirmé que les protestations menées étaient des activités syndicales légitimes qui n’avaient aucune incidence sur la capacité des membres du syndicat licenciés à reprendre le travail, et qu’il n’appartenait pas à la Cour suprême de déterminer si la confiance avait été minée au point que la reprise du travail n’était pas viable. Enfin, la TEAM a fait valoir que, bien que la loi sur l’emploi prévoie la réintégration, le réemploi ou l’indemnisation en cas de licenciement abusif, la Cour suprême a jugé qu’il y avait eu licenciement abusif sans toutefois ordonner aucune des mesures prévues par la loi. En août 2021, la Cour suprême a décidé de ne pas réexaminer le cas, ne trouvant aucune injustice flagrante dans son jugement de février 2021. À cet égard, les organisations plaignantes soulignent qu’il n’y a pas d’autre recours juridique possible et allèguent que le gouvernement ne prend aucune mesure pour parvenir à un règlement à l’amiable.
  4. 547. En ce qui concerne l’hôtel C, les organisations plaignantes indiquent que, en novembre 2020, la Cour suprême a confirmé la décision de la Haute Cour qui a considéré que les licenciements de trois syndicalistes étaient justifiés, même s’ils ont été licenciés pour cause de rassemblement pacifique. Bien qu’aucun recours juridique ne soit possible, les dirigeants syndicaux licenciés cherchent à obtenir réparation. Les organisations plaignantes allèguent en outre que les activités syndicales ont été interdites dans le complexe hôtelier et que le gouvernement n’a pris aucune mesure pour garantir que les travailleurs jouissent de la liberté syndicale sur le lieu de travail, y compris du droit de se livrer à des activités syndicales pacifiques ou à la négociation collective.
  5. 548. En ce qui concerne les cas susmentionnés, les organisations plaignantes allèguent qu’ils sont en cours depuis dix ans, qu’il n’y a toujours pas eu d’enquête indépendante sur l’action de la police et l’arrestation de membres de la TEAM en décembre 2008, avril 2009 et mai 2013 et que les travailleurs et leurs représentants sont frustrés par la lenteur des procédures judiciaires.
  6. 549. Les organisations plaignantes soulèvent également des préoccupations plus générales en ce qui concerne la situation de la liberté syndicale, alléguant qu’il y a une peur croissante dans les complexes hôteliers à travers le pays et que, même si la TEAM a sensibilisé ses membres au droit de s’organiser et de négocier collectivement en tant que droit fondamental, l’intention et les mesures du gouvernement font que ces droits ne sont pas accessibles dans la pratique. En outre, aucun progrès n’a été réalisé pour que la protection des droits syndicaux, en particulier le droit à la liberté de réunion et la protection contre la discrimination antisyndicale, soit pleinement garanti tant en droit qu’en pratique, et le gouvernement n’a pris aucune mesure pour adopter la loi sur les relations professionnelles. De l’avis des organisations plaignantes, l’adoption de la loi sur les relations professionnelles, sur la base du projet présenté dans le Mémorandum technique de l’OIT de juin 2013, qui était le résultat d’un processus de consultation tripartite, permettrait de prendre les mesures législatives nécessaires à la protection des droits syndicaux, en particulier le droit à la liberté de réunion et la protection contre la discrimination antisyndicale.

C. Observations du gouvernement

C. Observations du gouvernement
  1. 550. Dans sa communication datée du 23 mai 2022, le gouvernement présente ses observations sur la situation des hôtels A, B et C, ainsi que sur le cadre législatif qui, selon lui, garantit les droits syndicaux.
  2. 551. En ce qui concerne l’hôtel A, le gouvernement informe que sa communication de janvier 2021 (précédemment examinée par le comité) a déjà traité de manière exhaustive les allégations formulées et réitère que, sur les neuf travailleurs licenciés, un a été réintégré conformément à la décision du tribunal du travail, trois ont conclu des accords à l’amiable et ont retiré toute plainte contre l’employeur et cinq ne se sont pas présentés au travail après avoir été réintégrés, ce que l’employeur a considéré comme un rejet de leur réintégration. Le gouvernement estime qu’il n’y a donc pas de réclamation pendante concernant les travailleurs licenciés de l’hôtel A.
  3. 552. En ce qui concerne l’hôtel B, le gouvernement fournit des informations détaillées sur la procédure judiciaire concernant les 21 travailleurs licenciés. Il indique que le tribunal du travail a jugé leurs licenciements illégaux et a ordonné leur réintégration, ainsi que le paiement des salaires et des indemnités, et que les cas ont ensuite été jugés par la Haute Cour avant d’être traités par la Cour suprême. Cette dernière a jugé qu’il n’y avait effectivement pas de situation de réduction des effectifs à l’hôtel, mais que l’indemnité versée par l’employeur en guise de préavis constituait une juste compensation et que la réintégration aux postes précédents n’était pas possible en raison d’une rupture de confiance entre les parties et du temps considérable qui s’est écoulé depuis la date de cessation de service. En ce qui concerne l’allégation des travailleurs selon laquelle leur licenciement était fondé sur leur participation à une grève, la Cour suprême a observé que, lors de l’examen des cas par le tribunal du travail, les organisations plaignantes ont fait valoir qu’elles ne pouvaient pas affirmer que leur licenciement était principalement dû à leur engagement dans des activités syndicales, que le tribunal du travail n’a pas trouvé de preuves suffisantes pour étayer cette allégation et qu’elle ne pouvait donc pas être prise en compte pour trancher le cas. Selon le gouvernement, les allégations de discrimination antisyndicale soulevées au cours de la procédure n’étaient donc pas fondées. Il ajoute toutefois que, dans le cadre des procédures devant la Haute Cour et la Cour suprême, les travailleurs ont demandé le maintien de la réparation de l’indemnité supplémentaire ordonnée par le tribunal du travail et ont donc le droit de réclamer cette indemnité, mais ne l’ont pas encore demandée. En mai 2022, la Cour suprême a informé qu’elle avait rejeté la demande de révision judiciaire de sa décision, les organisations plaignantes ayant épuisé les procédures judiciaires nationales disponibles.
  4. 553. Concernant l’hôtel C, le gouvernement indique que le tribunal du travail a considéré que le licenciement de trois travailleurs n’était pas justifié, mais n’a pas jugé nécessaire de les réintégrer en raison de leur négligence et a ordonné une indemnisation à la place. En appel, la Haute Cour a annulé la décision du tribunal du travail, considérant que les licenciements étaient légaux et qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner la réintégration, une décision confirmée par la Cour suprême. Dans un cas différent touchant quatre autres membres de la TEAM, le tribunal du travail a décidé que, si l’équité quant au fond des licenciements avait été prouvée par l’employeur, l’équité de procédure ne l’était pas et a donc ordonné le versement d’une indemnité aux travailleurs pour licenciement abusif. En appel, la Haute Cour a considéré que l’équité procédurale avait également été respectée dans les licenciements et que les activités des travailleurs n’avaient pas été exercées conformément à la loi sur la liberté de réunion pacifique, et a donc jugé la décision du tribunal du travail invalide. Cette décision n’a pas fait l’objet d’un appel. Selon le gouvernement, les cas relatifs à l’hôtel C ont donc été conclus par des décisions définitives des tribunaux, et les autres droits syndicaux, y compris le droit d’organiser des assemblées, sont garantis par le cadre juridique existant.
  5. 554. En ce qui concerne les allégations générales concernant l’absence de cadre législatif approprié pour garantir les droits syndicaux, le gouvernement informe que la loi sur les associations, formulée en consultation avec un large éventail de parties prenantes et ratifiée en mai 2022, fournit un cadre plus complet pour l’exercice du droit à la liberté syndicale, en particulier sur l’enregistrement, les droits et obligations généraux, y compris le droit de grève, la responsabilité et la dissolution. Une étude approfondie a également été menée pour déterminer si l’actuel projet de loi sur les relations professionnelles aborde les questions de la protection des droits des travailleurs et des employeurs, de la formation et de la reconnaissance des syndicats, des droits syndicaux, de la négociation collective, des mécanismes de règlement des différends et des forums de dialogue tripartite sur le travail. Comme l’administration actuelle a pour politique d’organiser des consultations publiques sur les projets de loi avant leur adoption par le Parlement, le projet de loi sur les relations professionnelles sera bientôt ouvert à la consultation publique. Le gouvernement ajoute qu’un mécanisme de règlement des différends a été mis en place depuis avril 2011 pour permettre aux employeurs et aux travailleurs de traiter les différends avant de s’engager dans une grève, et ce mécanisme garantit que le droit de grève est uniquement soumis à la sûreté, à la sécurité et aux droits des autres sur le lieu de travail.
  6. 555. En ce qui concerne l’absence alléguée d’un cadre efficace pour assurer la protection contre les licenciements abusifs, le gouvernement indique que la loi sur l’emploi interdit le licenciement illégal sans motif raisonnable et que la charge de la preuve incombe à l’employeur. Les amendements de 2020 à la loi sur l’emploi fournissent des lignes directrices supplémentaires sur un certain nombre de questions juridiques, y compris le licenciement pour motif économique, et le Règlement général sur l’emploi de 2021 détaille davantage les protections accordées par la loi sur l’emploi. En outre, la loi sur l’emploi établit un tribunal du travail indépendant habilité à recevoir les plaintes concernant les violations de ses dispositions.
  7. 556. Quant à l’absence alléguée de législation garantissant le droit à la liberté d’expression et de réunion, le gouvernement soutient que ces deux droits sont garantis par la Constitution et que le droit à la liberté de réunion pacifique est également assuré par la loi de 2013 sur les réunions pacifiques. Toutefois, comme c’est le cas dans de nombreux autres pays démocratiques, ces droits ne peuvent être exercés sans limites.
  8. 557. Le gouvernement conclut en soulignant que, au fil des ans, il a travaillé sans relâche pour améliorer et établir un cadre législatif complet qui garantit les droits des travailleurs conformément aux conventions ratifiées. Le tribunal du travail est opérationnel et a été actif dans le traitement et le règlement des plaintes qui lui ont été soumises. Le gouvernement ne s’immisce pas dans l’exercice du tribunal du travail ou des autres tribunaux. Dans ce cas particulier, ni le gouvernement ni le tribunal du travail n’ont été en mesure d’établir l’allégation de discrimination antisyndicale des organisations plaignantes en relation avec la cessation de leur emploi. Bien que le gouvernement encourage les travailleurs à exercer pleinement les droits que leur confèrent les lois locales et les conventions ratifiées, il est important d’épuiser tous les mécanismes locaux lorsqu’ils cherchent à obtenir réparation et à exercer leurs droits.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 558. Le comité rappelle que le présent cas porte sur des faits survenus à l’hôtel A entre novembre 2008 et mai 2013 et concerne des allégations d’usage disproportionné de la force par la police contre des travailleurs en grève, d’arrestation et détention répétées de dirigeants de la TEAM, de licenciement de ces derniers et de non-application du jugement ordonnant leur réintégration sans perte de salaire. Le cas fait également référence à des allégations de discrimination antisyndicale visant les membres de la TEAM dans deux autres établissements hôteliers – les hôtels B et C.
  2. 559. Le comité prend bonne note des informations additionnelles fournies par les organisations plaignantes et des observations du gouvernement, qui concernent les développements dans les trois établissements hôteliers, ainsi que des informations actualisées sur la situation générale de la liberté syndicale dans le pays.
  3. 560. En ce qui concerne la situation des responsables de la TEAM licenciés à l’hôtel A (recommandation a)), le comité rappelle que, suite à une première décision du tribunal du travail ordonnant la réintégration de neuf travailleurs licenciés, la Cour suprême a confirmé, en février 2021, la décision de la Haute Cour de novembre 2016, selon laquelle les dirigeants et les membres du syndicat victimes ne devaient pas forcément être réintégrés sur le même lieu de travail et que les employeurs avaient toute discrétion pour déterminer le sens et les modalités de la réintégration. Le comité prend bonne note des informations fournies par les organisations plaignantes et le gouvernement sur la situation professionnelle en cours des syndicalistes concernés, mais observe qu’elles sont partiellement contradictoires. Alors que les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement n’a pris aucune mesure pour engager un dialogue entre les travailleurs et la direction afin de régler le différend concernant les trois syndicalistes restants, y compris le secrétaire général de la TEAM, qui n’ont pas été réemployés et réclament leur réintégration, le gouvernement affirme que toutes les plaintes en instance concernant l’hôtel A ont été traitées – un travailleur a été réintégré, trois ont conclu des accords à l’amiable et cinq se sont vu offrir une réintégration, mais ne sont pas venus travailler, ce qui a été compris par l’employeur comme un refus de l’offre de réintégration.
  4. 561. Prenant acte du manque de détails et de clarté quant aux circonstances du retour au travail des travailleurs ou du refus d’y retourner soulevé par le gouvernement, le comité ne peut que constater que, treize ans après qu’une première décision de justice a ordonné leur réintégration, certains dirigeants et membres syndicaux n’ont toujours pas été réemployés et ne disposent d’aucun autre recours juridique au-delà des modalités pouvant être exercées par l’employeur. Dans ces conditions et compte tenu du fait qu’au moins trois travailleurs, dont le secrétaire général de la TEAM, continuent de réclamer leur réintégration, le comité prie instamment le gouvernement de s’engager activement auprès des parties et d’encourager le dialogue entre elles en vue de trouver un règlement à l’amiable pour les syndicalistes qui souhaitent être réintégrés, comme les parties ont pu le faire pour d’autres travailleurs licenciés. Le comité veut croire que toutes les parties s’engageront de bonne foi dans ce processus et feront tous les efforts raisonnables pour trouver une solution acceptable à ce problème de longue date.
  5. 562. En ce qui concerne les allégations de discrimination antisyndicale à l’hôtel B (recommandation b)), le comité rappelle que 22 membres de la TEAM auraient été licenciés abusivement en raison de leur participation à un arrêt de travail pacifique et que, malgré de longues procédures judiciaires, les travailleurs licenciés n’ont toujours pas été réintégrés. Bien que la Cour suprême, dans son arrêt de février 2021, ait confirmé la décision de la Haute Cour concernant le licenciement abusif, elle a annulé la décision initiale du tribunal du travail ordonnant la réintégration et l’indemnisation et a considéré que le paiement reçu par ces travailleurs en lieu et place du préavis constituait une compensation suffisante. Le comité note l’indication des organisations plaignantes à cet égard selon laquelle la TEAM a soumis une demande de révision de l’arrêt en juillet 2021. Dans sa demande, la TEAM s’est dite préoccupée par la longueur excessive de la procédure judiciaire – l’arrêt de la Cour suprême a été rendu dix ans après le licenciement des syndicalistes –, qui a effectivement pénalisé les 22 syndicalistes réclamant leur réintégration, et a fait valoir que, contrairement à ce qu’a déclaré la Cour suprême, les activités syndicales légitimes consistant à organiser des manifestations n’avaient aucune incidence sur la capacité des syndicalistes licenciés à reprendre le travail. La TEAM a également fait valoir que, bien que la Cour suprême ait jugé qu’il y avait eu licenciement abusif, elle n’a ordonné aucune des mesures prévues par la loi sur l’emploi pour remédier à un licenciement abusif – réintégration, réemploi ou indemnisation. Le comité note en outre les observations détaillées du gouvernement sur les procédures judiciaires devant le tribunal du travail, la Haute Cour et la Cour suprême et observe en particulier l’affirmation du gouvernement selon laquelle, d’après les tribunaux, aucune preuve n’a été fournie au cours de la procédure pour étayer l’allégation de discrimination antisyndicale soulevée par les travailleurs en rapport avec leur licenciement, et que cette allégation ne pouvait donc pas être prise en considération pour trancher le cas. Le comité note également que, en août 2021, la Cour suprême a décidé de ne pas réexaminer le cas et que, selon les organisations plaignantes, le gouvernement ne prend aucune mesure pour parvenir à un règlement à l’amiable. Pour sa part, le gouvernement soutient que les travailleurs licenciés ont le droit de réclamer une indemnisation supplémentaire, conformément à l’ordonnance du tribunal du travail, mais qu’aucune demande de ce type n’a encore été soumise.
  6. 563. Le comité croit comprendre de ce qui précède que, plus de onze ans après que leur licenciement a été jugé injustifié, les 22 dirigeants syndicaux de la TEAM ont maintenant épuisé toutes les procédures judiciaires disponibles au niveau national, n’ont pas obtenu leur réintégration et n’ont reçu aucune indemnité, à l’exception de l’indemnité de licenciement initiale, mais ont droit, selon le gouvernement, à une indemnité supplémentaire pour licenciement abusif, conformément à l’ordonnance du tribunal du travail. Rappelant à cet égard que les indemnités perçues devraient être appropriées compte tenu du préjudice subi et de la nécessité d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1173], le comité veut croire que les travailleurs concernés pourront recevoir cette indemnisation sans délai et que le gouvernement jouera un rôle actif pour faciliter le processus. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute action menée à cet égard. Observant en outre le caractère prolongé de la procédure, qui, selon les organisations plaignantes, a pénalisé les 22 syndicalistes réclamant leur réintégration, le comité se voit obligé de rappeler que l’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice. Le retard pris pour mener à bien les recours judiciaires qui donnent accès à la réparation réduit par lui-même l’efficacité de ces recours, étant donné que la situation ayant fait l’objet d’une plainte, souvent, peut avoir changé de manière irréversible, de sorte qu’il devient impossible d’ordonner une réparation appropriée ou de revenir à la situation antérieure. [Voir Compilation, paragr. 170 et 1144.] Dans ces conditions, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les allégations de discrimination antisyndicale soient examinées dans le cadre d’une procédure nationale qui doit être prompte afin que les recours nécessaires puissent être réellement efficaces.
  7. 564. En ce qui concerne l’hôtel C, le comité rappelle que les allégations formulées concernent des procédures disciplinaires de masse touchant une centaine de travailleurs syndiqués et des licenciements (ou non-renouvellement de contrats) antisyndicaux ciblés de dix membres de la TEAM (recommandation c)). Le comité observe, d’après les informations fournies par les organisations plaignantes et le gouvernement que, en novembre 2020, la Cour suprême a confirmé la décision de la Haute Cour qui considérait les licenciements de trois syndicalistes comme justifiés, annulant ainsi la décision initiale du tribunal du travail. Le gouvernement informe également d’un cas supplémentaire, où la Haute Cour a également considéré les licenciements de quatre autres syndicalistes comme justifiés, car ils n’avaient pas agi conformément à la loi sur la liberté de réunion pacifique. Tout en prenant dûment note de ce qui précède et de l’indication du gouvernement selon laquelle les cas relatifs à l’hôtel C ont été conclus par des décisions judiciaires définitives, le comité observe que le gouvernement ne fournit pas de détails sur la manière dont le caractère antisyndical allégué des actes a été pris en considération dans la détermination finale des cas par les tribunaux. Il tient à souligner à cet égard que, selon les allégations, les licenciements ont eu lieu lorsque les travailleurs de l’hôtel ont tenté de s’organiser et se sont accompagnés de procédures disciplinaires massives visant à intimider les membres du syndicat et à empêcher celui-ci de fonctionner. [Voir 391e rapport, octobre 2019, paragr. 393-394.] Dans ces conditions, notant que les dirigeants syndicaux licenciés continuent de demander réparation pour leur licenciement, le comité prie instamment le gouvernement à réunir les parties à l’hôtel C en vue de trouver une solution à l’amiable pour les syndicalistes concernés et le prie de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
  8. 565. Le comité rappelle en outre que les organisations plaignantes ont également allégué précédemment un certain nombre d’entraves à l’exercice des activités syndicales à l’hôtel C (recommandation d)) et observe que le gouvernement et les organisations plaignantes ont des avis différents à cet égard. Alors que le gouvernement affirme que les droits syndicaux, y compris le droit d’organiser des assemblées, sont garantis par le cadre juridique existant, les organisations plaignantes allèguent que les activités syndicales ont été interdites dans le complexe hôtelier et que le gouvernement n’a pris aucune mesure pour garantir que les travailleurs jouissent de la liberté syndicale sur le lieu de travail, y compris le droit de se livrer à des activités syndicales pacifiques ou à des négociations collectives. Compte tenu de ces préoccupations, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le syndicat de l’hôtel C puisse exercer librement ses activités syndicales légitimes, y compris son droit d’organiser des réunions et de déployer des banderoles syndicales, sans aucune ingérence de la direction, et pour que les cadres syndicaux licenciés qui continuent de détenir une fonction de représentation au sein du syndicat aient un accès raisonnable aux membres et aux locaux du syndicat, de sorte qu’ils puissent remplir leurs fonctions de représentation. À cet effet, le comité encourage le gouvernement à réunir les parties afin de clarifier et de supprimer tout obstacle éventuel qui pourrait empêcher le syndicat d’exercer librement ses activités syndicales légitimes et d’inciter les parties à s’engager de bonne foi dans la négociation collective afin de créer et de maintenir des relations de travail harmonieuses et de prévenir les conflits du travail.
  9. 566. Le comité note en outre avec préoccupation les allégations plus générales des organisations plaignantes selon lesquelles il y a de plus en plus de peur dans les complexes hôteliers du pays et de frustration face à la lenteur des procédures judiciaires et que, malgré l’éducation syndicale, le droit d’organisation et le droit de négociation collective ne sont pas accessibles dans la pratique en raison des actions et de l’attitude du gouvernement. Les organisations plaignantes soulignent également que les incidents liés à l’action de la police et aux arrestations de syndicalistes en décembre 2008, avril 2009 et mai 2013, qui ont constitué la plainte initiale dans le présent cas, n’ont toujours pas fait l’objet d’une enquête. Le gouvernement, quant à lui, fait valoir qu’il a travaillé sans relâche à l’amélioration et à la mise en place d’un cadre législatif complet garantissant les droits des travailleurs, que le tribunal du travail est opérationnel et actif dans le traitement et la résolution des plaintes qui lui sont soumises et que le gouvernement encourage les travailleurs à exercer pleinement leurs droits accordés par les lois locales et les conventions internationales ratifiées. Au vu de ces informations contradictoires, le comité doit rappeler qu’un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l’homme. Il incombe aux pouvoirs publics de préserver un climat social où le droit prévaut, puisque c’est la seule garantie du respect et de la protection de l’individu. La responsabilité d’appliquer les principes de la liberté syndicale incombe en dernier ressort au gouvernement. [Voir Compilation, paragr. 71, 72 et 46.] Le comité tient également à souligner qu’il s’était déjà penché sur les allégations de violences policières et d’arrestations de syndicalistes résultant des affrontements entre les travailleurs en grève et les policiers qui sont intervenus et a rappelé à cet égard que l’exercice de la liberté syndicale est incompatible avec la violence ou les menaces de toute nature, qu’elles soient dirigées contre les employeurs, des travailleurs ou d’autres acteurs de la société. [Voir 395e rapport, paragr. 274-275.] Compte tenu de ce qui précède et des préoccupations persistantes soulevées par les organisations plaignantes, le comité prie instamment le gouvernement d’intensifier ses efforts et de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les travailleurs des complexes hôteliers puissent exercer librement leurs activités syndicales légitimes, sans crainte ni intimidation d’aucune sorte.
  10. 567. Enfin, le comité note que les organisations plaignantes soulignent également l’absence persistante de législation adéquate dans le pays pour garantir le droit à la liberté syndicale et de réunion et la protection contre la discrimination antisyndicale (recommandation e)), alléguant en particulier que le gouvernement n’a pris aucune mesure pour adopter la loi sur les relations professionnelles, alors qu’un projet avait été formulé à la suite d’un processus de consultation tripartite en juin 2013. Le comité prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement, tant sur le cadre législatif existant qui, selon lui, garantit les droits syndicaux, la liberté d’expression et la liberté de réunion, que sur les modifications législatives en cours ou prévues. Il prend note, en particulier, de l’adoption de la loi de 2022 sur les associations, qui, selon le gouvernement, a été formulée en consultation avec un large éventail de parties prenantes et fournit un cadre plus complet pour l’exercice du droit à la liberté syndicale. Prenant dûment note de ce qui précède et rappelant que l’aspect législatif de ce cas a été précédemment renvoyé à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (commission d’experts), qui a abordé la question dans son dernier examen de l’application des conventions nos 87 et 98, le comité s’attend à ce que le gouvernement veille à l’adoption de la législation supplémentaire nécessaire pour garantir pleinement les droits relatifs à la liberté syndicale et à la négociation collective. Le comité invite également le gouvernement à soumettre la loi de 2022 sur les associations à l’examen de la commission d’experts.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 568. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de s’engager activement auprès des parties à l’hôtel A et d’encourager le dialogue entre elles en vue de trouver un règlement à l’amiable pour les syndicalistes qui souhaitent être réintégrés, comme les parties ont pu le faire pour d’autres travailleurs licenciés. Le comité veut croire que toutes les parties s’engageront de bonne foi dans ce processus et feront tous les efforts raisonnables pour trouver une solution acceptable à ce problème de longue date.
    • b) Compte tenu de l’affirmation du gouvernement selon laquelle les travailleurs licenciés de l’hôtel B ont droit à une indemnisation supplémentaire pour leur licenciement, le comité veut croire que les travailleurs concernés pourront recevoir une indemnisation adéquate sans délai et que le gouvernement jouera un rôle actif pour faciliter le processus. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard. Le comité prie également instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les allégations de discrimination antisyndicale soient examinées dans le cadre de procédures nationales qui devraient être promptes afin que les recours nécessaires puissent être réellement efficaces.
      • c) Le comité prie instamment le gouvernement de réunir les parties à l’hôtel C en vue de trouver une solution à l’amiable pour les syndicalistes licenciés qui continuent de demander réparation pour leur licenciement et prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard. Le comité prie en outre instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le syndicat de l’hôtel C puisse exercer librement ses activités syndicales légitimes, y compris son droit d’organiser des réunions et de déployer des banderoles syndicales, sans aucune ingérence de la direction, et pour que les cadres syndicaux licenciés qui continuent de détenir une fonction de représentation au sein du syndicat aient un accès raisonnable aux membres et aux locaux du syndicat, de sorte qu’ils puissent remplir leurs fonctions de représentation. À cet effet, le comité encourage le gouvernement à réunir les parties afin de clarifier et de supprimer tout obstacle éventuel qui pourrait empêcher le syndicat d’exercer librement ses activités syndicales légitimes et d’inciter les parties à s’engager de bonne foi dans la négociation collective afin de créer et de maintenir des relations de travail harmonieuses et de prévenir les conflits du travail.
      • d) Le comité prie instamment le gouvernement d’intensifier ses efforts et de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les travailleurs des complexes hôteliers puissent exercer librement leurs activités syndicales légitimes, sans crainte ni intimidation d’aucune sorte.
    • e) Rappelant que les aspects législatifs de ce cas ont été précédemment soumis à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, le comité s’attend à ce que le gouvernement veille à l’adoption de la législation supplémentaire nécessaire pour assurer pleinement les droits relatifs à la liberté syndicale et à la négociation collective. Le comité invite également le gouvernement à soumettre la loi de 2022 sur les associations à l’examen de la commission d’experts.
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