Allégations: Usage disproportionné de la force par la police contre des
travailleurs en grève; arrestation arbitraire de membres et de dirigeants de la TEAM;
licenciement abusif de neuf travailleurs dont des dirigeants de la TEAM ayant participé à
une grève comme meneurs; non-application du jugement ordonnant leur réintégration sans perte
de salaire. D’autres allégations font état de discrimination antisyndicale à l’encontre de
membres du syndicat TEAM dans deux autres établissements hôteliers
- 539. Le comité a examiné ce cas (présenté en avril 2014) pour la dernière
fois lors de sa réunion de juin 2021, et, à cette occasion, il a présenté un rapport
intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 395e rapport, approuvé par le Conseil
d’administration à sa 342e session, paragr. 252 283 .]
- 540. L’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de
l’agriculture, de l’hôtellerie restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) a
fourni des informations additionnelles dans des communications datées des 18 août 2021
et 24 mai 2022.
- 541. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication
datée du 23 mai 2022.
- 542. La République des Maldives a ratifié la convention (nº 87) sur la
liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention
(nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 543. Lors de sa réunion de juin 2021, le comité a formulé les
recommandations suivantes sur les questions restées en suspens [voir 395e rapport,
paragr. 283]:
- a) Le comité prie le gouvernement et les organisations
plaignantes de fournir des informations sur la situation professionnelle actuelle
des dirigeants et membres du syndicat TEAM licenciés à l’hôtel A .
- b) En ce
qui concerne la question de l’indemnisation liée aux licenciements injustifiés à
l’hôtel B , compte tenu de l’intention des plaignants de demander une révision
judiciaire de l’arrêt de la Cour suprême, le comité prie instamment le gouvernement
de procéder à un examen approfondi des allégations relatives à la nature
antisyndicale de ces licenciements en vue de garantir que, dans le cas où les
allégations seraient prouvées, les employés concernés reçoivent une indemnisation
adéquate pour réparer tous les dommages subis et prévenir toute répétition de tels
actes à l’avenir.
- c) Le comité prie à nouveau le gouvernement de prendre les
mesures nécessaires pour que les procédures judiciaires relatives aux allégations de
licenciements abusifs dans l’hôtel C soient rapidement menées à bien, afin d’éviter
des retards déraisonnables, et pour que les décisions soient rapidement et
pleinement appliquées par les parties concernées.
- d) Le comité prie à
nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le syndicat de
l’hôtel C puisse exercer librement ses activités syndicales légitimes, y compris son
droit d’organiser des réunions et de déployer des banderoles syndicales, sans aucune
ingérence de la direction, et pour que les cadres syndicaux licenciés aient un accès
raisonnable aux membres et aux locaux du syndicat, de sorte qu’ils puissent remplir
leurs fonctions de représentation. Le comité invite en outre le gouvernement à
tendre la main aux parties et à les encourager à s’engager de bonne foi dans la
négociation collective afin de créer et de maintenir des relations de travail
harmonieuses et de prévenir les conflits du travail.
- e) Rappelant que les
aspects législatifs du cas ont été renvoyés à la CEACR, le comité veut croire que le
gouvernement agira rapidement en vue de garantir l’adoption de la législation
nécessaire pour assurer pleinement la liberté d’association et les droits de
négociation collective.
- f) S’agissant des allégations spécifiques de ce cas
d’espèce, le comité prie à nouveau le gouvernement de demander des informations aux
organisations d’employeurs concernées en vue de pouvoir disposer de leur version des
faits et de celle des entreprises en cause sur les questions en
instance.
B. Informations complémentaires des organisations plaignantes
B. Informations complémentaires des organisations plaignantes- 544. Dans ses communications datées des 18 août 2021 et 24 mai 2022,
l’UITA allègue qu’aucun progrès n’a été réalisé dans la résolution d’un quelconque des
trois cas dans les hôtels A, B et C et souligne un manque de protection des droits
syndicaux, tant en droit que dans la pratique.
- 545. En ce qui concerne l’hôtel A, les organisations plaignantes
rappellent que, en février 2021, la Cour suprême a confirmé la décision de la Haute Cour
de novembre 2016, selon laquelle la réintégration des neuf dirigeants et membres de la
TEAM victimes ne nécessitait pas le retour sur le même lieu de travail. Elles indiquent
que cette décision était la dernière étape de la procédure judiciaire, que six membres
du syndicat ont conclu des règlements à l’amiable, mais que trois autres travailleurs,
dont le secrétaire général de la TEAM, sont toujours au chômage et réclament leur
réintégration. Selon les organisations plaignantes, le gouvernement n’a pris aucune
mesure pour engager un dialogue entre les travailleurs et la direction afin de régler le
différend et de réintégrer les trois syndicalistes restants.
- 546. Concernant l’hôtel B, les organisations plaignantes indiquent que,
en juillet 2021, la TEAM a soumis une demande de révision de l’arrêt de la Cour suprême
de février 2021, qui a estimé que, bien qu’il n’y ait pas eu de base pour le
licenciement des travailleurs licenciés, le paiement reçu par ces travailleurs en lieu
et place du préavis était une compensation suffisante. Dans sa demande de révision
judiciaire, la TEAM a exprimé ses inquiétudes quant au retard excessif dans le processus
judiciaire – l’arrêt de la Cour suprême a été rendu dix ans après le licenciement des
syndicalistes – qui a effectivement pénalisé les 22 membres du syndicat réclamant leur
réintégration et a souligné que cette période prolongée a été utilisée comme l’une des
raisons pour lesquelles la réintégration des travailleurs n’était pas possible selon la
Cour suprême. Abordant ensuite le raisonnement de la cour selon lequel les actions
internationales de protestation contre les licenciements abusifs avaient miné la
confiance au point que la réintégration à l’hôtel n’était plus possible ou souhaitable,
la TEAM a affirmé que les protestations menées étaient des activités syndicales
légitimes qui n’avaient aucune incidence sur la capacité des membres du syndicat
licenciés à reprendre le travail, et qu’il n’appartenait pas à la Cour suprême de
déterminer si la confiance avait été minée au point que la reprise du travail n’était
pas viable. Enfin, la TEAM a fait valoir que, bien que la loi sur l’emploi prévoie la
réintégration, le réemploi ou l’indemnisation en cas de licenciement abusif, la Cour
suprême a jugé qu’il y avait eu licenciement abusif sans toutefois ordonner aucune des
mesures prévues par la loi. En août 2021, la Cour suprême a décidé de ne pas réexaminer
le cas, ne trouvant aucune injustice flagrante dans son jugement de février 2021. À cet
égard, les organisations plaignantes soulignent qu’il n’y a pas d’autre recours
juridique possible et allèguent que le gouvernement ne prend aucune mesure pour parvenir
à un règlement à l’amiable.
- 547. En ce qui concerne l’hôtel C, les organisations plaignantes
indiquent que, en novembre 2020, la Cour suprême a confirmé la décision de la Haute Cour
qui a considéré que les licenciements de trois syndicalistes étaient justifiés, même
s’ils ont été licenciés pour cause de rassemblement pacifique. Bien qu’aucun recours
juridique ne soit possible, les dirigeants syndicaux licenciés cherchent à obtenir
réparation. Les organisations plaignantes allèguent en outre que les activités
syndicales ont été interdites dans le complexe hôtelier et que le gouvernement n’a pris
aucune mesure pour garantir que les travailleurs jouissent de la liberté syndicale sur
le lieu de travail, y compris du droit de se livrer à des activités syndicales
pacifiques ou à la négociation collective.
- 548. En ce qui concerne les cas susmentionnés, les organisations
plaignantes allèguent qu’ils sont en cours depuis dix ans, qu’il n’y a toujours pas eu
d’enquête indépendante sur l’action de la police et l’arrestation de membres de la TEAM
en décembre 2008, avril 2009 et mai 2013 et que les travailleurs et leurs représentants
sont frustrés par la lenteur des procédures judiciaires.
- 549. Les organisations plaignantes soulèvent également des préoccupations
plus générales en ce qui concerne la situation de la liberté syndicale, alléguant qu’il
y a une peur croissante dans les complexes hôteliers à travers le pays et que, même si
la TEAM a sensibilisé ses membres au droit de s’organiser et de négocier collectivement
en tant que droit fondamental, l’intention et les mesures du gouvernement font que ces
droits ne sont pas accessibles dans la pratique. En outre, aucun progrès n’a été réalisé
pour que la protection des droits syndicaux, en particulier le droit à la liberté de
réunion et la protection contre la discrimination antisyndicale, soit pleinement garanti
tant en droit qu’en pratique, et le gouvernement n’a pris aucune mesure pour adopter la
loi sur les relations professionnelles. De l’avis des organisations plaignantes,
l’adoption de la loi sur les relations professionnelles, sur la base du projet présenté
dans le Mémorandum technique de l’OIT de juin 2013, qui était le résultat d’un processus
de consultation tripartite, permettrait de prendre les mesures législatives nécessaires
à la protection des droits syndicaux, en particulier le droit à la liberté de réunion et
la protection contre la discrimination antisyndicale.
C. Observations du gouvernement
C. Observations du gouvernement- 550. Dans sa communication datée du 23 mai 2022, le gouvernement présente
ses observations sur la situation des hôtels A, B et C, ainsi que sur le cadre
législatif qui, selon lui, garantit les droits syndicaux.
- 551. En ce qui concerne l’hôtel A, le gouvernement informe que sa
communication de janvier 2021 (précédemment examinée par le comité) a déjà traité de
manière exhaustive les allégations formulées et réitère que, sur les neuf travailleurs
licenciés, un a été réintégré conformément à la décision du tribunal du travail, trois
ont conclu des accords à l’amiable et ont retiré toute plainte contre l’employeur et
cinq ne se sont pas présentés au travail après avoir été réintégrés, ce que l’employeur
a considéré comme un rejet de leur réintégration. Le gouvernement estime qu’il n’y a
donc pas de réclamation pendante concernant les travailleurs licenciés de
l’hôtel A.
- 552. En ce qui concerne l’hôtel B, le gouvernement fournit des
informations détaillées sur la procédure judiciaire concernant les 21 travailleurs
licenciés. Il indique que le tribunal du travail a jugé leurs licenciements illégaux et
a ordonné leur réintégration, ainsi que le paiement des salaires et des indemnités, et
que les cas ont ensuite été jugés par la Haute Cour avant d’être traités par la Cour
suprême. Cette dernière a jugé qu’il n’y avait effectivement pas de situation de
réduction des effectifs à l’hôtel, mais que l’indemnité versée par l’employeur en guise
de préavis constituait une juste compensation et que la réintégration aux postes
précédents n’était pas possible en raison d’une rupture de confiance entre les parties
et du temps considérable qui s’est écoulé depuis la date de cessation de service. En ce
qui concerne l’allégation des travailleurs selon laquelle leur licenciement était fondé
sur leur participation à une grève, la Cour suprême a observé que, lors de l’examen des
cas par le tribunal du travail, les organisations plaignantes ont fait valoir qu’elles
ne pouvaient pas affirmer que leur licenciement était principalement dû à leur
engagement dans des activités syndicales, que le tribunal du travail n’a pas trouvé de
preuves suffisantes pour étayer cette allégation et qu’elle ne pouvait donc pas être
prise en compte pour trancher le cas. Selon le gouvernement, les allégations de
discrimination antisyndicale soulevées au cours de la procédure n’étaient donc pas
fondées. Il ajoute toutefois que, dans le cadre des procédures devant la Haute Cour et
la Cour suprême, les travailleurs ont demandé le maintien de la réparation de
l’indemnité supplémentaire ordonnée par le tribunal du travail et ont donc le droit de
réclamer cette indemnité, mais ne l’ont pas encore demandée. En mai 2022, la Cour
suprême a informé qu’elle avait rejeté la demande de révision judiciaire de sa décision,
les organisations plaignantes ayant épuisé les procédures judiciaires nationales
disponibles.
- 553. Concernant l’hôtel C, le gouvernement indique que le tribunal du
travail a considéré que le licenciement de trois travailleurs n’était pas justifié, mais
n’a pas jugé nécessaire de les réintégrer en raison de leur négligence et a ordonné une
indemnisation à la place. En appel, la Haute Cour a annulé la décision du tribunal du
travail, considérant que les licenciements étaient légaux et qu’il n’y avait pas lieu
d’ordonner la réintégration, une décision confirmée par la Cour suprême. Dans un cas
différent touchant quatre autres membres de la TEAM, le tribunal du travail a décidé
que, si l’équité quant au fond des licenciements avait été prouvée par l’employeur,
l’équité de procédure ne l’était pas et a donc ordonné le versement d’une indemnité aux
travailleurs pour licenciement abusif. En appel, la Haute Cour a considéré que l’équité
procédurale avait également été respectée dans les licenciements et que les activités
des travailleurs n’avaient pas été exercées conformément à la loi sur la liberté de
réunion pacifique, et a donc jugé la décision du tribunal du travail invalide. Cette
décision n’a pas fait l’objet d’un appel. Selon le gouvernement, les cas relatifs à
l’hôtel C ont donc été conclus par des décisions définitives des tribunaux, et les
autres droits syndicaux, y compris le droit d’organiser des assemblées, sont garantis
par le cadre juridique existant.
- 554. En ce qui concerne les allégations générales concernant l’absence de
cadre législatif approprié pour garantir les droits syndicaux, le gouvernement informe
que la loi sur les associations, formulée en consultation avec un large éventail de
parties prenantes et ratifiée en mai 2022, fournit un cadre plus complet pour l’exercice
du droit à la liberté syndicale, en particulier sur l’enregistrement, les droits et
obligations généraux, y compris le droit de grève, la responsabilité et la dissolution.
Une étude approfondie a également été menée pour déterminer si l’actuel projet de loi
sur les relations professionnelles aborde les questions de la protection des droits des
travailleurs et des employeurs, de la formation et de la reconnaissance des syndicats,
des droits syndicaux, de la négociation collective, des mécanismes de règlement des
différends et des forums de dialogue tripartite sur le travail. Comme l’administration
actuelle a pour politique d’organiser des consultations publiques sur les projets de loi
avant leur adoption par le Parlement, le projet de loi sur les relations
professionnelles sera bientôt ouvert à la consultation publique. Le gouvernement ajoute
qu’un mécanisme de règlement des différends a été mis en place depuis avril 2011 pour
permettre aux employeurs et aux travailleurs de traiter les différends avant de
s’engager dans une grève, et ce mécanisme garantit que le droit de grève est uniquement
soumis à la sûreté, à la sécurité et aux droits des autres sur le lieu de travail.
- 555. En ce qui concerne l’absence alléguée d’un cadre efficace pour
assurer la protection contre les licenciements abusifs, le gouvernement indique que la
loi sur l’emploi interdit le licenciement illégal sans motif raisonnable et que la
charge de la preuve incombe à l’employeur. Les amendements de 2020 à la loi sur l’emploi
fournissent des lignes directrices supplémentaires sur un certain nombre de questions
juridiques, y compris le licenciement pour motif économique, et le Règlement général sur
l’emploi de 2021 détaille davantage les protections accordées par la loi sur l’emploi.
En outre, la loi sur l’emploi établit un tribunal du travail indépendant habilité à
recevoir les plaintes concernant les violations de ses dispositions.
- 556. Quant à l’absence alléguée de législation garantissant le droit à la
liberté d’expression et de réunion, le gouvernement soutient que ces deux droits sont
garantis par la Constitution et que le droit à la liberté de réunion pacifique est
également assuré par la loi de 2013 sur les réunions pacifiques. Toutefois, comme c’est
le cas dans de nombreux autres pays démocratiques, ces droits ne peuvent être exercés
sans limites.
- 557. Le gouvernement conclut en soulignant que, au fil des ans, il a
travaillé sans relâche pour améliorer et établir un cadre législatif complet qui
garantit les droits des travailleurs conformément aux conventions ratifiées. Le tribunal
du travail est opérationnel et a été actif dans le traitement et le règlement des
plaintes qui lui ont été soumises. Le gouvernement ne s’immisce pas dans l’exercice du
tribunal du travail ou des autres tribunaux. Dans ce cas particulier, ni le gouvernement
ni le tribunal du travail n’ont été en mesure d’établir l’allégation de discrimination
antisyndicale des organisations plaignantes en relation avec la cessation de leur
emploi. Bien que le gouvernement encourage les travailleurs à exercer pleinement les
droits que leur confèrent les lois locales et les conventions ratifiées, il est
important d’épuiser tous les mécanismes locaux lorsqu’ils cherchent à obtenir réparation
et à exercer leurs droits.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 558. Le comité rappelle que le présent cas porte sur des faits survenus à
l’hôtel A entre novembre 2008 et mai 2013 et concerne des allégations d’usage
disproportionné de la force par la police contre des travailleurs en grève,
d’arrestation et détention répétées de dirigeants de la TEAM, de licenciement de ces
derniers et de non-application du jugement ordonnant leur réintégration sans perte de
salaire. Le cas fait également référence à des allégations de discrimination
antisyndicale visant les membres de la TEAM dans deux autres établissements hôteliers –
les hôtels B et C.
- 559. Le comité prend bonne note des informations additionnelles fournies
par les organisations plaignantes et des observations du gouvernement, qui concernent
les développements dans les trois établissements hôteliers, ainsi que des informations
actualisées sur la situation générale de la liberté syndicale dans le pays.
- 560. En ce qui concerne la situation des responsables de la TEAM
licenciés à l’hôtel A (recommandation a)), le comité rappelle que, suite à une première
décision du tribunal du travail ordonnant la réintégration de neuf travailleurs
licenciés, la Cour suprême a confirmé, en février 2021, la décision de la Haute Cour de
novembre 2016, selon laquelle les dirigeants et les membres du syndicat victimes ne
devaient pas forcément être réintégrés sur le même lieu de travail et que les employeurs
avaient toute discrétion pour déterminer le sens et les modalités de la réintégration.
Le comité prend bonne note des informations fournies par les organisations plaignantes
et le gouvernement sur la situation professionnelle en cours des syndicalistes
concernés, mais observe qu’elles sont partiellement contradictoires. Alors que les
organisations plaignantes allèguent que le gouvernement n’a pris aucune mesure pour
engager un dialogue entre les travailleurs et la direction afin de régler le différend
concernant les trois syndicalistes restants, y compris le secrétaire général de la TEAM,
qui n’ont pas été réemployés et réclament leur réintégration, le gouvernement affirme
que toutes les plaintes en instance concernant l’hôtel A ont été traitées – un
travailleur a été réintégré, trois ont conclu des accords à l’amiable et cinq se sont vu
offrir une réintégration, mais ne sont pas venus travailler, ce qui a été compris par
l’employeur comme un refus de l’offre de réintégration.
- 561. Prenant acte du manque de détails et de clarté quant aux
circonstances du retour au travail des travailleurs ou du refus d’y retourner soulevé
par le gouvernement, le comité ne peut que constater que, treize ans après qu’une
première décision de justice a ordonné leur réintégration, certains dirigeants et
membres syndicaux n’ont toujours pas été réemployés et ne disposent d’aucun autre
recours juridique au-delà des modalités pouvant être exercées par l’employeur. Dans ces
conditions et compte tenu du fait qu’au moins trois travailleurs, dont le secrétaire
général de la TEAM, continuent de réclamer leur réintégration, le comité prie instamment
le gouvernement de s’engager activement auprès des parties et d’encourager le dialogue
entre elles en vue de trouver un règlement à l’amiable pour les syndicalistes qui
souhaitent être réintégrés, comme les parties ont pu le faire pour d’autres travailleurs
licenciés. Le comité veut croire que toutes les parties s’engageront de bonne foi dans
ce processus et feront tous les efforts raisonnables pour trouver une solution
acceptable à ce problème de longue date.
- 562. En ce qui concerne les allégations de discrimination antisyndicale à
l’hôtel B (recommandation b)), le comité rappelle que 22 membres de la TEAM auraient été
licenciés abusivement en raison de leur participation à un arrêt de travail pacifique et
que, malgré de longues procédures judiciaires, les travailleurs licenciés n’ont toujours
pas été réintégrés. Bien que la Cour suprême, dans son arrêt de février 2021, ait
confirmé la décision de la Haute Cour concernant le licenciement abusif, elle a annulé
la décision initiale du tribunal du travail ordonnant la réintégration et
l’indemnisation et a considéré que le paiement reçu par ces travailleurs en lieu et
place du préavis constituait une compensation suffisante. Le comité note l’indication
des organisations plaignantes à cet égard selon laquelle la TEAM a soumis une demande de
révision de l’arrêt en juillet 2021. Dans sa demande, la TEAM s’est dite préoccupée par
la longueur excessive de la procédure judiciaire – l’arrêt de la Cour suprême a été
rendu dix ans après le licenciement des syndicalistes –, qui a effectivement pénalisé
les 22 syndicalistes réclamant leur réintégration, et a fait valoir que, contrairement à
ce qu’a déclaré la Cour suprême, les activités syndicales légitimes consistant à
organiser des manifestations n’avaient aucune incidence sur la capacité des
syndicalistes licenciés à reprendre le travail. La TEAM a également fait valoir que,
bien que la Cour suprême ait jugé qu’il y avait eu licenciement abusif, elle n’a ordonné
aucune des mesures prévues par la loi sur l’emploi pour remédier à un licenciement
abusif – réintégration, réemploi ou indemnisation. Le comité note en outre les
observations détaillées du gouvernement sur les procédures judiciaires devant le
tribunal du travail, la Haute Cour et la Cour suprême et observe en particulier
l’affirmation du gouvernement selon laquelle, d’après les tribunaux, aucune preuve n’a
été fournie au cours de la procédure pour étayer l’allégation de discrimination
antisyndicale soulevée par les travailleurs en rapport avec leur licenciement, et que
cette allégation ne pouvait donc pas être prise en considération pour trancher le cas.
Le comité note également que, en août 2021, la Cour suprême a décidé de ne pas
réexaminer le cas et que, selon les organisations plaignantes, le gouvernement ne prend
aucune mesure pour parvenir à un règlement à l’amiable. Pour sa part, le gouvernement
soutient que les travailleurs licenciés ont le droit de réclamer une indemnisation
supplémentaire, conformément à l’ordonnance du tribunal du travail, mais qu’aucune
demande de ce type n’a encore été soumise.
- 563. Le comité croit comprendre de ce qui précède que, plus de onze ans
après que leur licenciement a été jugé injustifié, les 22 dirigeants syndicaux de la
TEAM ont maintenant épuisé toutes les procédures judiciaires disponibles au niveau
national, n’ont pas obtenu leur réintégration et n’ont reçu aucune indemnité, à
l’exception de l’indemnité de licenciement initiale, mais ont droit, selon le
gouvernement, à une indemnité supplémentaire pour licenciement abusif, conformément à
l’ordonnance du tribunal du travail. Rappelant à cet égard que les indemnités perçues
devraient être appropriées compte tenu du préjudice subi et de la nécessité d’éviter
qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir [voir Compilation des décisions du
Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1173], le comité veut
croire que les travailleurs concernés pourront recevoir cette indemnisation sans délai
et que le gouvernement jouera un rôle actif pour faciliter le processus. Le comité prie
le gouvernement de le tenir informé de toute action menée à cet égard. Observant en
outre le caractère prolongé de la procédure, qui, selon les organisations plaignantes, a
pénalisé les 22 syndicalistes réclamant leur réintégration, le comité se voit obligé de
rappeler que l’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice. Le
retard pris pour mener à bien les recours judiciaires qui donnent accès à la réparation
réduit par lui-même l’efficacité de ces recours, étant donné que la situation ayant fait
l’objet d’une plainte, souvent, peut avoir changé de manière irréversible, de sorte
qu’il devient impossible d’ordonner une réparation appropriée ou de revenir à la
situation antérieure. [Voir Compilation, paragr. 170 et 1144.] Dans ces conditions, le
comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les
allégations de discrimination antisyndicale soient examinées dans le cadre d’une
procédure nationale qui doit être prompte afin que les recours nécessaires puissent être
réellement efficaces.
- 564. En ce qui concerne l’hôtel C, le comité rappelle que les allégations
formulées concernent des procédures disciplinaires de masse touchant une centaine de
travailleurs syndiqués et des licenciements (ou non-renouvellement de contrats)
antisyndicaux ciblés de dix membres de la TEAM (recommandation c)). Le comité observe,
d’après les informations fournies par les organisations plaignantes et le gouvernement
que, en novembre 2020, la Cour suprême a confirmé la décision de la Haute Cour qui
considérait les licenciements de trois syndicalistes comme justifiés, annulant ainsi la
décision initiale du tribunal du travail. Le gouvernement informe également d’un cas
supplémentaire, où la Haute Cour a également considéré les licenciements de quatre
autres syndicalistes comme justifiés, car ils n’avaient pas agi conformément à la loi
sur la liberté de réunion pacifique. Tout en prenant dûment note de ce qui précède et de
l’indication du gouvernement selon laquelle les cas relatifs à l’hôtel C ont été conclus
par des décisions judiciaires définitives, le comité observe que le gouvernement ne
fournit pas de détails sur la manière dont le caractère antisyndical allégué des actes a
été pris en considération dans la détermination finale des cas par les tribunaux. Il
tient à souligner à cet égard que, selon les allégations, les licenciements ont eu lieu
lorsque les travailleurs de l’hôtel ont tenté de s’organiser et se sont accompagnés de
procédures disciplinaires massives visant à intimider les membres du syndicat et à
empêcher celui-ci de fonctionner. [Voir 391e rapport, octobre 2019, paragr. 393-394.]
Dans ces conditions, notant que les dirigeants syndicaux licenciés continuent de
demander réparation pour leur licenciement, le comité prie instamment le gouvernement à
réunir les parties à l’hôtel C en vue de trouver une solution à l’amiable pour les
syndicalistes concernés et le prie de le tenir informé des mesures prises à cet
égard.
- 565. Le comité rappelle en outre que les organisations plaignantes ont
également allégué précédemment un certain nombre d’entraves à l’exercice des activités
syndicales à l’hôtel C (recommandation d)) et observe que le gouvernement et les
organisations plaignantes ont des avis différents à cet égard. Alors que le gouvernement
affirme que les droits syndicaux, y compris le droit d’organiser des assemblées, sont
garantis par le cadre juridique existant, les organisations plaignantes allèguent que
les activités syndicales ont été interdites dans le complexe hôtelier et que le
gouvernement n’a pris aucune mesure pour garantir que les travailleurs jouissent de la
liberté syndicale sur le lieu de travail, y compris le droit de se livrer à des
activités syndicales pacifiques ou à des négociations collectives. Compte tenu de ces
préoccupations, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures
nécessaires pour que le syndicat de l’hôtel C puisse exercer librement ses activités
syndicales légitimes, y compris son droit d’organiser des réunions et de déployer des
banderoles syndicales, sans aucune ingérence de la direction, et pour que les cadres
syndicaux licenciés qui continuent de détenir une fonction de représentation au sein du
syndicat aient un accès raisonnable aux membres et aux locaux du syndicat, de sorte
qu’ils puissent remplir leurs fonctions de représentation. À cet effet, le comité
encourage le gouvernement à réunir les parties afin de clarifier et de supprimer tout
obstacle éventuel qui pourrait empêcher le syndicat d’exercer librement ses activités
syndicales légitimes et d’inciter les parties à s’engager de bonne foi dans la
négociation collective afin de créer et de maintenir des relations de travail
harmonieuses et de prévenir les conflits du travail.
- 566. Le comité note en outre avec préoccupation les allégations plus
générales des organisations plaignantes selon lesquelles il y a de plus en plus de peur
dans les complexes hôteliers du pays et de frustration face à la lenteur des procédures
judiciaires et que, malgré l’éducation syndicale, le droit d’organisation et le droit de
négociation collective ne sont pas accessibles dans la pratique en raison des actions et
de l’attitude du gouvernement. Les organisations plaignantes soulignent également que
les incidents liés à l’action de la police et aux arrestations de syndicalistes en
décembre 2008, avril 2009 et mai 2013, qui ont constitué la plainte initiale dans le
présent cas, n’ont toujours pas fait l’objet d’une enquête. Le gouvernement, quant à
lui, fait valoir qu’il a travaillé sans relâche à l’amélioration et à la mise en place
d’un cadre législatif complet garantissant les droits des travailleurs, que le tribunal
du travail est opérationnel et actif dans le traitement et la résolution des plaintes
qui lui sont soumises et que le gouvernement encourage les travailleurs à exercer
pleinement leurs droits accordés par les lois locales et les conventions internationales
ratifiées. Au vu de ces informations contradictoires, le comité doit rappeler qu’un
mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le
respect des droits fondamentaux de l’homme. Il incombe aux pouvoirs publics de préserver
un climat social où le droit prévaut, puisque c’est la seule garantie du respect et de
la protection de l’individu. La responsabilité d’appliquer les principes de la liberté
syndicale incombe en dernier ressort au gouvernement. [Voir Compilation, paragr. 71, 72
et 46.] Le comité tient également à souligner qu’il s’était déjà penché sur les
allégations de violences policières et d’arrestations de syndicalistes résultant des
affrontements entre les travailleurs en grève et les policiers qui sont intervenus et a
rappelé à cet égard que l’exercice de la liberté syndicale est incompatible avec la
violence ou les menaces de toute nature, qu’elles soient dirigées contre les employeurs,
des travailleurs ou d’autres acteurs de la société. [Voir 395e rapport,
paragr. 274-275.] Compte tenu de ce qui précède et des préoccupations persistantes
soulevées par les organisations plaignantes, le comité prie instamment le gouvernement
d’intensifier ses efforts et de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les
travailleurs des complexes hôteliers puissent exercer librement leurs activités
syndicales légitimes, sans crainte ni intimidation d’aucune sorte.
- 567. Enfin, le comité note que les organisations plaignantes soulignent
également l’absence persistante de législation adéquate dans le pays pour garantir le
droit à la liberté syndicale et de réunion et la protection contre la discrimination
antisyndicale (recommandation e)), alléguant en particulier que le gouvernement n’a pris
aucune mesure pour adopter la loi sur les relations professionnelles, alors qu’un projet
avait été formulé à la suite d’un processus de consultation tripartite en juin 2013. Le
comité prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement, tant sur le
cadre législatif existant qui, selon lui, garantit les droits syndicaux, la liberté
d’expression et la liberté de réunion, que sur les modifications législatives en cours
ou prévues. Il prend note, en particulier, de l’adoption de la loi de 2022 sur les
associations, qui, selon le gouvernement, a été formulée en consultation avec un large
éventail de parties prenantes et fournit un cadre plus complet pour l’exercice du droit
à la liberté syndicale. Prenant dûment note de ce qui précède et rappelant que l’aspect
législatif de ce cas a été précédemment renvoyé à la Commission d’experts pour
l’application des conventions et recommandations (commission d’experts), qui a abordé la
question dans son dernier examen de l’application des conventions nos 87 et 98, le
comité s’attend à ce que le gouvernement veille à l’adoption de la législation
supplémentaire nécessaire pour garantir pleinement les droits relatifs à la liberté
syndicale et à la négociation collective. Le comité invite également le gouvernement à
soumettre la loi de 2022 sur les associations à l’examen de la commission
d’experts.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 568. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie
instamment le gouvernement de s’engager activement auprès des parties à l’hôtel A et
d’encourager le dialogue entre elles en vue de trouver un règlement à l’amiable pour
les syndicalistes qui souhaitent être réintégrés, comme les parties ont pu le faire
pour d’autres travailleurs licenciés. Le comité veut croire que toutes les parties
s’engageront de bonne foi dans ce processus et feront tous les efforts raisonnables
pour trouver une solution acceptable à ce problème de longue date.
- b) Compte
tenu de l’affirmation du gouvernement selon laquelle les travailleurs licenciés de
l’hôtel B ont droit à une indemnisation supplémentaire pour leur licenciement, le
comité veut croire que les travailleurs concernés pourront recevoir une
indemnisation adéquate sans délai et que le gouvernement jouera un rôle actif pour
faciliter le processus. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute
mesure prise à cet égard. Le comité prie également instamment le gouvernement de
prendre les mesures nécessaires pour que les allégations de discrimination
antisyndicale soient examinées dans le cadre de procédures nationales qui devraient
être promptes afin que les recours nécessaires puissent être réellement
efficaces.
- c) Le comité prie instamment le gouvernement de réunir les
parties à l’hôtel C en vue de trouver une solution à l’amiable pour les
syndicalistes licenciés qui continuent de demander réparation pour leur
licenciement et prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à
cet égard. Le comité prie en outre instamment le gouvernement de prendre les
mesures nécessaires pour que le syndicat de l’hôtel C puisse exercer librement
ses activités syndicales légitimes, y compris son droit d’organiser des réunions
et de déployer des banderoles syndicales, sans aucune ingérence de la direction,
et pour que les cadres syndicaux licenciés qui continuent de détenir une
fonction de représentation au sein du syndicat aient un accès raisonnable aux
membres et aux locaux du syndicat, de sorte qu’ils puissent remplir leurs
fonctions de représentation. À cet effet, le comité encourage le gouvernement à
réunir les parties afin de clarifier et de supprimer tout obstacle éventuel qui
pourrait empêcher le syndicat d’exercer librement ses activités syndicales
légitimes et d’inciter les parties à s’engager de bonne foi dans la négociation
collective afin de créer et de maintenir des relations de travail harmonieuses
et de prévenir les conflits du travail.
- d) Le comité prie instamment le
gouvernement d’intensifier ses efforts et de prendre toutes les mesures
nécessaires pour que les travailleurs des complexes hôteliers puissent exercer
librement leurs activités syndicales légitimes, sans crainte ni intimidation
d’aucune sorte.
- e) Rappelant que les aspects législatifs de ce
cas ont été précédemment soumis à la Commission d’experts pour l’application des
conventions et recommandations, le comité s’attend à ce que le gouvernement veille à
l’adoption de la législation supplémentaire nécessaire pour assurer pleinement les
droits relatifs à la liberté syndicale et à la négociation collective. Le comité
invite également le gouvernement à soumettre la loi de 2022 sur les associations à
l’examen de la commission d’experts.