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Rapport définitif - Rapport No. 400, Octobre 2022

Cas no 3281 (Colombie) - Date de la plainte: 17-AVR. -17 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante fait état de violations des droits à la liberté syndicale et à la négociation collective, notamment du non respect de conventions collectives dans le secteur public et allègue que la municipalité de Bucaramanga a restreint la négociation collective

  1. 222. L’Association colombienne d’agents de la fonction publique et des services publics a fait connaître ses allégations dans des communications des 17 avril, 2 août et 2 octobre 2017, et des 12 février et 18 septembre 2018.
  2. 223. Le gouvernement a fait part de ses observations dans des communications des 24 mai et 12 décembre 2018, des 3 mai et 17 septembre 2019, et du 30 septembre 2022.
  3. 224. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

Allégations de l’organisation plaignante

Allégations de l’organisation plaignante
  1. 225. L’organisation plaignante allègue que la municipalité de Bucaramanga a porté atteinte aux droits à la liberté syndicale et à la négociation collective, pour les raisons suivantes: non respect de la convention collective en vigueur en 2014-2016, restrictions à la négociation collective en 2017 et 2018, et actes de persécution et menaces de mort à l’encontre de la présidente de l’ASTDEMP.
  2. 226. L’organisation plaignante indique que l’ASTDEMP est le syndicat majoritaire, comptant parmi ses membres 70 pour cent des travailleurs de la municipalité de Bucaramanga.
  3. 227. L’organisation plaignante affirme que la convention collective couvrant la période 2014-2016 (décret municipal no 0068 de 2015), n’a pas été appliquée de bonne foi par la municipalité de Bucaramanga, dans différents domaines: i) le maire et ses adjoints prennent des décisions unilatérales, sans tenir compte de l’organisation plaignante représentante des travailleurs; ii) il n’a pas été créé de comité bipartite composé de cinq représentants de chacune des parties, devant servir de mécanisme direct et préventif chargé de contrôler l’application des conventions collectives; iii) certains agents permanents affiliés n’ont pas bénéficié de la stabilité prévue car ils ont été licenciés ou mutés sans que soient respectées les garanties minimales; et iv) des congés syndicaux ont été refusés, y compris à la présidente du syndicat.
  4. 228. L’organisation plaignante indique qu’elle a déposé des plaintes administratives auprès du ministère du Travail: i) plainte no 000858 du 27 janvier 2016 dénonçant les violations de la convention collective en vigueur en 2014-2016, du droit de négociation collective et de la liberté syndicale, le refus d’accorder des congés syndicaux, l’obligation faite par la municipalité de Bucaramanga à l’ASTDEMP de fournir des informations détaillées sur les tâches syndicales à effectuer, la mutation de travailleurs bénéficiant de privilèges syndicaux, des actes de persécution et de harcèlement au travail; cette plainte a fait l’objet d’une décision le 21 février 2018, décision contre laquelle l’organisation plaignante a interjeté un recours en révision et un recours en appel; ii) plainte no 004951 du 29 avril 2016, pour violation des conventions collectives, à savoir mutation de personnel atteint de maladies professionnelles, ou bénéficiant de privilèges syndicaux, harcèlement au travail et licenciement de travailleurs affiliés à l’ASTDEMP; et iii) plainte no 010792 du 13 septembre 2016, signalant des refus d’octroi de congé syndical à la présidente de l’ASTDEMP et à d’autres responsables syndicaux pour exercer des activités syndicales et la violation du droit de réunion, éléments négociés dans les conventions collectives et repris dans les arrêtés municipaux no 203 de 2002, no 166 de 2009 et no 0068 de 2015. L’organisation plaignante allègue des retards excessifs dans le traitement de ces plaintes administratives.
  5. 229. L’organisation plaignante a par ailleurs déposé trois plaintes auprès du bureau du Procureur général de la nation pour non-respect des conventions collectives et actes de harcèlement par le maire de Bucaramanga. Le 9 mars 2017, elle a déposé la plainte no 1758/17 auprès du même bureau pour violation des droits de réunion et d’association, plainte qui a été classée. L’organisation plaignante a sollicité l’ouverture des enquêtes nos 6461 et 6696 des 14 et 31 mars 2017 auprès du contrôleur municipal de Bucaramanga, concernant l’utilisation en 2016 de ressources qui devaient être allouées à la formation et au bien-être des fonctionnaires et le non-respect de la convention collective. L’organisation plaignante a également déposé les plaintes suivantes auprès des autorités municipales de Bucaramanga: i) plainte no 6915 du 12 août 2016, demandant que soit réexaminée la délocalisation des postes d’inspecteurs de police membres de l’ASTDEMP et couverts par la convention collective de 2014-2016, qui travaillent dans l’administration centrale de Bucaramanga; ii) plainte no 2513 du 3 novembre 2016, renvoyant les plaintes déposées contre la municipalité de Bucaramanga; et iii) plainte no 1878 du 14 mars 2017, demandant l’ouverture d’une enquête contre la municipalité de Bucaramanga, pour non-respect de la convention collective 2014-2016 en vigueur, consacrée par le décret municipal no 0068 du 14 mai 2015. L’organisation plaignante indique qu’aucune sanction n’a été appliquée contre la municipalité. En outre, elle allègue que le 29 juin 2017, celle-ci n’a pas reconnu la convention collective en vigueur entre elle et l’ASTDEMP.
  6. 230. L’organisation plaignante déplore aussi que la municipalité de Bucaramanga ait restreint le droit à la négociation collective en édictant, alors qu’elle n’avait pas participé à la négociation collective, la résolution no 0293 du 15 août 2017, qui «fixe les conditions applicables aux agents de la fonction publique pour l’année 2017». C’est pour cela que l’organisation plaignante a engagé les actions suivantes: i) recours en protection présenté le 30 août 2017 devant le quatrième Tribunal pénal municipal pour adolescents chargé du contrôle des garanties de Bucaramanga, procédure en appel dans laquelle l’ASTDEMP indique que, au nom de son autonomie syndicale, elle s’est séparée des autres syndicats de fonctionnaires de la municipalité et a décidé de ne pas présenter de revendications pour la convention collective de 2017, car son intérêt était de faire appliquer ce qui était convenu dans le décret municipal no 0068 de 2015, et ii) dépôt de plainte administrative devant le ministère du Travail, direction territoriale de Santander, no 008745 (30 août 2017).
  7. 231. Dans sa communication du 12 février 2018, l’organisation plaignante fait aussi part d’actes de persécution par la municipalité de Bucaramanga et de menaces de mort à l’encontre de Mme Martha Cecilia Díaz Suárez, présidente de l’ASTDEMP, indiquant que: i) cette dernière a fait l’objet de menaces de mort à plusieurs reprises, notamment le 29 septembre 2017; ii) une procédure de levée de son privilège syndical a été engagée à son encontre, mais elle a été rejetée par les tribunaux de première et deuxième instance; iii) une caméra de surveillance qui était censée servir à assurer la protection de Mme Díaz Suárez a en réalité été utilisée pour surveiller les agissements de la présidente de l’ASTDEMP; et iv) ces actes de persécution et ces menaces ont gravement affecté la santé mentale de la présidente de l’ASTDEMP. Dans une communication du 18 septembre 2018, l’organisation plaignante ajoute que Mme Díaz Suárez a fait l’objet d’accusations ou de harcèlement de la part: i) d’un conseiller externe de la municipalité de Bucaramanga, ce qui est préoccupant, étant donné qu’elle a déjà été dénoncée pour rébellion, même si l’affaire a été classée sans suite faute de preuves; et ii) d’un représentant de la municipalité qui a semblé présumer qu’elle avait participé à une grève armée, alors qu’elle n’avait pu se rendre à son travail en raison d’une grève armée menée par des groupes illégaux.
  8. 232. L’organisation plaignante, dans une communication du 18 septembre 2018, apporte des informations complémentaires au sujet des violations alléguées du droit de négociation collective pendant le processus de négociation de 2018, indiquant que: i) à l’issue des vingt premiers jours de négociation collective, la municipalité de Bucaramanga a mis fin aux négociations; ii) elle a refusé d’accéder à la demande des organisations syndicales de recourir à un médiateur, comme le prévoit le décret no 160 de 2014; et iii) le 15 août 2018, la municipalité a édicté unilatéralement la résolution no 198 qui «fixe les conditions applicables aux agents de la fonction publique pour l’année 2018».
  9. 233. L’organisation plaignante rapporte enfin que le 12 décembre 2017, elle a été convoquée par la Commission spéciale de traitement des conflits déférés à l’OIT (CETCOIT) avec le maire de Bucaramanga, mais qu’aucun accord n’a été trouvé, les représentants de la municipalité n’ayant cherché qu’à imposer leur point de vue. Dans ces conditions, l’organisation plaignante a refusé de signer le procès-verbal de la réunion.

Réponse du gouvernement

Réponse du gouvernement
  1. 234. Dans sa communication du 24 mai 2018, le gouvernement fournit les informations présentées par la municipalité de Bucaramanga et indique que: i) le ministère du Travail est l’autorité compétente pour connaître de la violation présumée d’une convention collective ou d’un accord collectif; et que ii) dans le cadre de leurs compétences, les inspecteurs du travail confrontés à une violation du droit à la liberté syndicale peuvent engager une procédure de sanction administrative pour établir l’existence de la violation et, par conséquent, déterminer la sanction. En ce qui concerne les allégations de non-respect des conventions collectives et les procédures engagées par l’organisation plaignante, la municipalité de Bucaramanga indique qu’elle n’a été informée d’aucune procédure officielle menée auprès du ministère du Travail à ce sujet.
  2. 235. Dans sa communication du 12 décembre 2018, le gouvernement transmet les informations que lui a communiquées la municipalité de Bucaramanga au sujet du refus présumé d’accorder des congés syndicaux et des allégations d’actes de persécution à l’encontre de la présidente de l’ASTDEMP, à savoir que: i) Mme Díaz Suárez n’avait pas demandé de congé syndical permanent depuis 2016 mais des congés ponctuels, qui lui ont été accordés conformément à la loi; et ii) la caméra de surveillance a été installée pour répondre aux besoins de sécurité de Mme Díaz Suárez et retirée face aux allégations selon lesquelles elle servait à persécuter cette dernière, après qu’une procédure a été engagée auprès des autorités municipales de Bucaramanga.
  3. 236. Le gouvernement a communiqué des informations sur les plaintes administratives déposées par l’ASTDEMP auprès du ministère du Travail. Premièrement, un dossier regroupant les plaintes nos 00858 et 010792 a été ouvert le 12 février 2016, donnant lieu à des investigations qui ont abouti à la décision no 000258 du 28 février 2017 ordonnant le classement de l’enquête préliminaire, aux motifs que: i) sur la base des éléments de preuve recueillis, le ministère du Travail a noté qu’il n’était pas compétent pour se prononcer sur des litiges nécessitant un jugement fondé sur des critères juridiques, comme dans le présent cas en ce qui concerne les allégations de violations de la convention en vigueur pour la période 2014-2016; ii) ayant examiné plusieurs décisions faisant jurisprudence en lien avec l’allégation de refus d’octroi de congés syndicaux, le ministère du Travail a fait savoir qu’il avait publié, en collaboration avec le Département administratif de la fonction publique, la circulaire no 0098 en date du 26 décembre 2007, qui dispose que «le droit d’association et l’exercice de la fonction publique revêtent tous deux une importance constitutionnelle […] et que l’octroi d’un congé syndical doit par conséquent être le fruit d’une décision concertée et raisonnée, de sorte que l’organisation syndicale dispose du temps nécessaire pour mener à bien ses activités, sans que cela nuise à la fourniture du service public»; iii) les agents de la fonction publique désignés par les organisations syndicales ont droit à un congé syndical à titre temporaire – et non permanent –, ce qui ne les dispense pas de fournir le service qu’ils sont tenus d’assurer. Compte tenu de ce qui précède, le ministère du Travail a jugé opportun de clore l’enquête préliminaire, qui ne justifiait pas l’ouverture d’une procédure disciplinaire administrative, sans préjudice du droit de l’ASTDEMP de saisir la juridiction compétente pour faire valoir ses droits. Deuxièmement, s’agissant de la plainte administrative no 004951 du 29 avril 2016 concernant des allégations de violations de conventions collectives liées à la mutation de travailleurs souffrant de maladie professionnelle ou bénéficiant de l’immunité syndicale, à des faits de harcèlement au travail et au licenciement de travailleurs affiliés à l’ASTDEMP, le ministère du Travail: i) a ouvert, le 30 juin 2016, un dossier et une enquête qui a abouti à la décision no 001230 du 26 août 2016, par laquelle il a mis fin à l’enquête préliminaire, après examen de la jurisprudence, au motif que les faits allégués et les éléments de preuve recueillis lors de celle-ci ne relevaient pas de la persécution antisyndicale au regard de la réglementation en vigueur; ii) a noté, au sujet des allégations de licenciements, l’existence d’un différend juridique qui ne relevait pas de sa compétence, indiquant que l’ASTDEMP pouvait saisir la juridiction compétente pour faire valoir ses droits; et iii) a fait savoir que l’ASTDEMP avait intenté un recours en révision qui a été rejeté faute d’avoir été formé dans les délais (décision no 001802 du 30 novembre 2016).
  4. 237. Dans sa communication du 3 mai 2019, le gouvernement réaffirme que la municipalité de Bucaramanga a fait savoir que le ministère du Travail avait ordonné le classement de la plainte administrative no 00858, dans la résolution no 000194 du 21 février 2018. Le gouvernement indique à cet égard que: i) l’enquête qui a donné lieu à la résolution no 000194 du ministère du Travail a été menée conformément aux dispositions légales et la décision a été prise sur la base des éléments du dossier et conformément à la loi; ii) l’organisation plaignante en a été notifiée et a interjeté un recours en révision et un recours en appel, qui ont été traités par les fonctionnaires compétents; iii) pour le cas où il y aurait contestation, le législateur a établi des mécanismes permettant d’établir la légalité ou l’illégalité des actes administratifs, ce qui relève de la juridiction contentieuse administrative; et iv) il n’y a aucune preuve que l’organisation plaignante ait épuisé les mécanismes judiciaires internes. En ce qui concerne le classement de la plainte déposée auprès du procureur général, le gouvernement précise que celui-ci a répondu à l’ASTDEMP en indiquant la marche à suivre pour la réouverture de la procédure.
  5. 238. Le gouvernement transmet des informations émanant du bureau médiateur municipal, auprès duquel l’organisation plaignante a déposé plusieurs plaintes, et il indique ce qui suit: i) plaintes nos 1878 et 2513, où l’ASTDEMP demandait l’ouverture d’une enquête contre la municipalité de Bucaramanga pour non-respect de la convention collective 2014-2016 en vigueur, consacrée par le décret municipal no 0068 du 14 mai 2015: le bureau du médiateur, par l’intermédiaire du délégué pour le contrôle administratif a engagé une procédure disciplinaire qui en est au stade de l’enquête; et ii) plainte no 6915 de 2016, où l’ASTDEMP demandait qu’on revienne sur la délocalisation des postes d’inspecteurs de police travaillant dans l’administration centrale de Bucaramanga: le délégué aux droits de l’homme a réuni un groupe de travail composé de responsables des services de l’intérieur, administratif et juridique de la mairie de Bucaramanga, lesquels ont examiné les raisons et dispositions juridiques prises en compte par l’administration pour muter ces inspecteurs de police et ces éléments ont été communiqués à l’ASTDEMP.
  6. 239. En ce qui concerne les violations alléguées de la liberté syndicale et de la négociation collective du fait de la publication de la résolution no 0293 du 15 août 2017, qui «fixe les conditions applicables aux agents de la fonction publique pour l’année 2017», la municipalité de Bucaramanga et le gouvernement indiquent ce qui suit: i) l’organisation plaignante a présenté un recours en protection devant le quatrième Tribunal pénal municipal pour adolescents chargé du contrôle des garanties de Bucaramanga (no 2017-00108); ii) elle a déclaré que de fait elle bénéficiait des conventions collectives en vigueur du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016; iii) la négociation collective pour 2017 a été menée avec d’autres organisations syndicales; iv) au vu de ce qui précède, étant donné que l’ASTDEMP a indiqué que, contrairement à d’autres organisations syndicales, elle s’abstenait de participer à la constitution de listes communes de revendications, et que la municipalité devait respecter le contenu de la convention collective en vigueur de 2014 à 2016, à laquelle elle avait participé, cette convention devait donc être prorogée indéfiniment et la résolution no 0293 devait être déclarée nulle et non avenue; et v) le quatrième Tribunal pénal municipal pour adolescents chargé du contrôle des garanties de Bucaramanga (no 2017-00108) a reconnu dans son jugement que l’ASTDEMP n’a pas présenté de cahier de revendications et n’a pas participé à la négociation; aussi a-t-il considéré que la municipalité n’avait pas porté atteinte à la négociation collective, que c’était l’ASTDEMP qui s’était retirée du processus et qu’elle n’avait pas été exclue par la municipalité. Plus précisément, le gouvernement déclare que ce jugement établit ce qui suit: i) l’ASTDEMP a demandé que la municipalité «modifie, révoque ou annule la résolution fixant les nouvelles conditions de travail pour l’année en cours, puisque, selon elle, cet acte supprime les garanties syndicales et professionnelles acquises et porte atteinte aux conquêtes obtenues dans ces domaines»; et ii) en édictant cet acte administratif «de nature particulière et concrète, l’autorité publique a cherché à maintenir cet atout que représentent des conditions de travail dignes, fruit de conquêtes sociales concertées avec les autres collectifs de travail qui y ont participé, l’organisation syndicale demanderesse en l’espèce s’étant désengagée du processus, s’abstenant d’accompagner les autres organisations de travailleurs au stade où elles pouvaient se réunir pour aplanir les divergences avec leur employeur [...]». De même, la municipalité de Bucaramanga précise que la convention collective en vigueur en 2014-2016 contenait 58 points qui ont été exécutés au cours de la période concernée et souligne qu’elle respecte les 14 organisations représentées sur son territoire. À cet égard, la municipalité de Bucaramanga indique qu’elle a saisi la CETCOIT avec l’organisation plaignante mais qu’aucun accord n’a pu être trouvé.
  7. 240. En ce qui concerne la violation alléguée du droit de négociation collective par la publication unilatérale de la résolution no 198 qui «fixe les conditions applicables aux agents de la fonction publique pour l’année 2018», la municipalité de Bucaramanga indique ce qui suit: i) les conditions de la négociation collective dans le secteur public sont réglementées par le décret no 160 de 2014, qui prévoit que la période initiale de vingt jours peut être prolongée d’un commun accord et que, si à l’expiration du délai, aucun accord n’est trouvé, les parties peuvent convenir de recourir à un médiateur; ii) tant la prolongation que la nomination d’un médiateur sont facultatives et soumises à un accord mutuel; iii) la mairie a respecté la durée minimale requise par la loi dans les négociations et a décidé de ne pas recourir à un médiateur; iv) elle a donc satisfait aux conditions obligatoires et il n’y a pas eu violation de la procédure de négociation collective. Le gouvernement indique que, si elle n’était pas satisfaite de l’acte en question, l’organisation plaignante aurait pu saisir la juridiction contentieuse administrative, ce qui ne ressort pas de la documentation fournie.
  8. 241. Dans sa communication du 3 mai 2019, le gouvernement transmet les informations fournies par la municipalité de Bucaramanga, au sujet des allégations de persécution syndicale à l’égard de Mme Díaz Suárez, présidente de l’ASTDEMP – notamment, signalement ou harcèlement, et procédure de levée de son privilège syndical, indiquant ce qui suit: i) la municipalité a déclenché la procédure de levée de ses privilèges syndicaux, pour défendre ses intérêts, dans l’exercice de ses pouvoirs, et cela ne peut être considéré comme portant atteinte aux droits syndicaux; ii) la cinquième chambre du Tribunal du travail de la circonscription de Bucaramanga a rejeté la demande en première instance, ce qui a été confirmé en deuxième instance; iii) la mairie de Bucaramanga s’est conformée à la décision; iv) d’après les déclarations du conseiller externe, il n’y a aucune indication d’un quelconque type de signalement à l’encontre de cette personne, et v) pour ce qui est de la prétendue déclaration d’un représentant de la municipalité de Bucaramanga concernant l’absence au travail de Mme Díaz Suárez, on ne peut pas déduire du texte de la lettre officielle correspondante qu’il y a eu un signalement à l’encontre cette personne, puisque la lettre se borne à indiquer que «compte tenu du contexte de grève armée du 13 février, motif invoqué pour justifier l’absence au travail, il semblerait que ce soit là un juste motif [...] même si l’on peut s’étonner qu’une personne bénéficiant d’une mesure de protection puisse effectuer un déplacement de ce type vu la situation».
  9. 242. En ce qui concerne les menaces de mort proférées à l’encontre de Mme Díaz Suárez, présidente de l’ASTDEMP, le gouvernement, dans sa communication du 17 septembre 2019, indique ce qui suit: i) il a effectué une enquête auprès de l’Unité nationale de protection, qui a signalé qu’elle prenait en compte ces menaces en procédant à une réévaluation des risques; ii) depuis le 10 octobre 2018, diverses mesures de protection étendues à la famille proche ont été appliquées notamment: mise à disposition d’un véhicule blindé et de deux gardes du corps, d’un moyen de communication et d’un gilet blindé, mise en œuvre de mesures préventives; et iii) ces mesures ont été maintenues.
  10. 243. Par la suite, dans une communication du 30 septembre 2022, le gouvernement a transmis des informations supplémentaires, fournies par la municipalité de Bucaramanga, concernant l’allégation de violation du droit de négociation collective, selon lesquelles: i) le quatrième Tribunal de la famille a rendu en première instance un jugement ordonnant à la mairie de Bucaramanga d’organiser sous quinzaine des négociations collectives avec les organisations syndicales (jugement du 26 juin 2019); ii) le maire de Bucaramanga a nommé, par deux actes administratifs, les personnes chargées de représenter la municipalité lors des négociations sur les conditions de travail avec les syndicats des agents de la fonction publique (décisions nos 228 et 338 du 16 juillet et du 2 octobre 2019, respectivement); iii) la concertation entre la municipalité et les organisations syndicales, dont l’ASTDEMP, a débuté le 23 septembre 2019 et donné lieu à des réunions visant à faire avancer les négociations sur l’ensemble des revendications (voir ci joint les procès-verbaux des réunions des 3, 7, 10, 15, 17, 21, 24, 28 et 31 octobre 2019); iv) le 1er novembre 2019, au terme des négociations et des discussions sur l’ensemble des revendications, la municipalité de Bucaramanga et la plupart des organisations syndicales, dont l’ASTDEMP, ont signé l’acte d’accord final (ci joint); v) l’accord final issu de la négociation collective a été consacré par un acte administratif «fixant les conditions de travail des agents publics pour 2019 et 2020» (décision no 406 du 25 novembre 2019); et vi) en 2021, la municipalité de Bucaramanga et les membres de la commission chargée de mener les négociations pour les organisations syndicales, y compris l’ASTDEMP, ont organisé des négociations qui se sont tenues entre avril et mai et ont abouti à l’édiction de l’acte administratif «fixant les conditions de travail des agents publics pour la période 2021-2023» (décision no 786 du 8 juillet 2021). La municipalité affirme également s’être réunie à plusieurs reprises avec les organisations syndicales en 2022 afin de suivre l’application de la convention collective pour 2021-2023, et avoir tenu des consultations visant à répondre aux besoins des fonctionnaires et à leur redonner l’assurance qu’ils pouvaient solliciter la mairie sur toute question et que celle-ci apporterait des réponses efficaces.
  11. 244. Dans la même communication, le gouvernement transmet des informations supplémentaires fournies par les autorités municipales de Bucaramanga, selon lesquelles: i) la plainte no 1878, qui a entraîné l’ouverture d’une procédure disciplinaire (no 066 17) par le délégué au contrôle administratif et aux affaires disciplinaires pour non-respect de la convention collective en vigueur pour 2014 2016, a été définitivement classée par décision en date du 21 janvier 2019; il a été considéré que les éléments de preuve recueillis dans le cadre de la procédure ont montré que la municipalité de Bucaramanga avait en grande partie respecté la convention collective pour 2014-2016; ii) la décision du 21 janvier 2019 a été notifiée à Mme Díaz Suárez, présidente de l’ASTDEMP, le 25 janvier 2019, lui indiquant que le recours était recevable si elle estimait nécessaire de l’introduire; et iii) le 7 février 2019, la décision rendue par le délégué au contrôle administratif et aux affaires disciplinaires est devenue définitive et exécutoire, le délai de recours ayant expiré sans qu’aucun recours en appel n’ait été formé.
  12. 245. Le gouvernement réaffirme également que les plaintes administratives susmentionnées qui ont été traitées par la Direction territoriale du ministère du Travail de Bucaramanga ont déjà été réglées.

Conclusions du comité

Conclusions du comité
  1. 246. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue que la municipalité de Bucaramanga a porté atteinte aux droits à la liberté syndicale et à la négociation collective, pour les raisons suivantes: non-respect de la convention collective en vigueur en 2014-2016, restrictions à la négociation collective en 2017 et 2018, actes de persécution et menaces de mort à l’encontre de la présidente de l’ASTDEMP. Le comité note que, pour sa part, le gouvernement indique qu’une convention collective a été négociée en 2019 pour la période 2019 20 et qu’une nouvelle convention est actuellement en vigueur pour 2021-2023, qui comptent toutes deux l’ASTDEMP parmi leurs signataires, que les plaintes administratives relatives au non-respect présumé de la convention collective pour 2014-2016 ont été réglées, et que des mesures de protection concernant la présidente de l’ASTDEMP ont été adoptées.
  2. 247. Le comité prend note des allégations de l’organisation plaignante concernant le non-respect de la convention collective en vigueur de 2014 à 2016 selon lesquelles: i) le maire et ses adjoints prennent des décisions unilatérales, sans tenir compte de l’organisation plaignante représentante des travailleurs; ii) il n’a pas été créé de comité bipartite composé de cinq représentants de chacune des parties, devant servir de mécanisme direct et préventif chargé de contrôler l’application des conventions collectives; iii) certains agents permanents affiliés n’ont pas bénéficié de la stabilité prévue car ils ont été licenciés ou mutés sans que soient respectées les garanties minimales; et iv) des congés syndicaux ont été refusés, y compris à la présidente du syndicat.
  3. 248. Le comité prend note des informations fournies par l’organisation plaignante selon lesquelles elle a déposé auprès du ministère du Travail plusieurs plaintes administratives au sujet des faits allégués dans le cas présent, et de ses affirmations concernant les retards dans le traitement desdites plaintes.
  4. 249. Le comité note que la municipalité de Bucaramanga et le gouvernement déclarent que: i) la convention collective de 2014-2016 contenait 58 points qui ont été exécutés par la municipalité de Bucaramanga dans la période de validité de 2014 à 2016; ii) la plainte administrative no 00858, a donné lieu à une enquête menée conformément aux dispositions légales puis elle a été classée, suite à quoi l’ASTDEMP a interjeté un recours en révision et un recours en appel, qui ont été traités par les fonctionnaires compétents, et iii) les plaintes nos 1878 et 2513 ont été déposées auprès du médiateur municipal de Bucaramanga, et une procédure disciplinaire a été engagée par le délégué du médiateur pour le contrôle administratif, procédure qui en est au stade de l’enquête disciplinaire; et iv) en ce qui concerne la plainte no 6915 de 2016, le délégué aux droits de l’homme a réuni un groupe de travail composé de responsables des services de l’intérieur, administratif et juridique de la mairie de Bucaramanga, lesquels ont examiné les raisons et dispositions juridiques prises en compte par l’administration pour muter ces inspecteurs de police affiliés à l’ASTDEMP et couverts par la convention collective de 2014-2016, qui travaillent dans l’administration centrale de la municipalité de Bucaramanga.
  5. 250. Le comité prend note des informations supplémentaires fournies par la municipalité de Bucaramanga et transmises par le gouvernement le 30 septembre 2022, selon lesquelles: i) la plainte no 1878 déposée auprès des autorités municipales Bucaramanga a été définitivement classée par décision en date du 21 janvier 2019, les autorités ayant considéré que la municipalité avait prouvé qu’elle avait en grande partie respecté la convention collective en vigueur pour 2014-2016; et ii) le 7 février 2019, la décision susmentionnée est devenue définitive et exécutoire, le délai de recours ayant expiré sans qu’aucun recours en appel n’ait été formé.
  6. 251. Le comité prend bonne note de la déclaration du gouvernement selon laquelle toutes les plaintes administratives déposées auprès du ministère du Travail ont été réglées, l’ASTDEMP conservant la possibilité de saisir la juridiction compétente pour faire valoir ses droits en ce qui concerne les allégations dont le ministère du Travail a jugé qu’elles ne relevaient pas de sa compétence. D’autre part, il observe que le gouvernement n’a fourni aucune information sur les trois plaintes et les deux demandes d’enquête déposées respectivement auprès du bureau du Procureur général de la nation et du contrôleur municipal de Bucaramanga par l’organisation plaignante pour harcèlement présumé de la part de la municipalité de Bucaramanga et non-respect des conventions collectives. Il rappelle que les accords doivent être obligatoires pour les parties, et que le respect mutuel des engagements pris dans les accords collectifs est un élément important du droit de négociation collective et doit être sauvegardé pour fonder les relations professionnelles sur des bases solides et stables. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1334 et 1336.] Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour accélérer le règlement des procédures pendantes en lien avec les faits sur lesquels porte le présent cas.
  7. 252. Le comité prend note des allégations de l’organisation plaignante concernant les restrictions apportées à la négociation collective en 2017 et 2018 par la municipalité de Bucaramanga, à savoir: i) l’ASTDEMP est le syndicat majoritaire, comptant parmi ses membres 70 pour cent des travailleurs de la municipalité de Bucaramanga; ii) en 2017, la municipalité de Bucaramanga a édicté la résolution no 0293 du 15 août 2017, qui fixe «les conditions applicables aux agents de la fonction publique pour l’année 2017», sans que l’ASTDEMP ait participé à la négociation collective; iii) en 2018, faute de parvenir à des accords dans le cadre de la négociation, la municipalité a refusé d’accéder à la demande des organisations syndicales de recourir à un médiateur pour résoudre le conflit; iv) la médiation est régie par le décret no 160 de 2014; et v) le 15 août 2018, la municipalité a unilatéralement édicté la résolution no 198, qui fixe «les conditions applicables aux agents de la fonction publique pour l’année 2018». Le comité note, d’après les informations fournies par l’organisation plaignante, que l’ASTDEMP s’est retirée du processus de négociation collective en 2017, car son intention était de maintenir en vigueur la convention collective négociée pour la période 2014-2016.
  8. 253. En ce qui concerne cette allégation, le comité prend note des informations fournies par le gouvernement, à savoir que: i) l’ASTDEMP s’est abstenue de participer à la négociation pour 2017 car, contrairement aux autres organisations syndicales présentes dans la commune, elle n’a pas présenté de cahier de revendications; ii) le quatrième Tribunal pénal municipal pour adolescents chargé du contrôle des garanties de Bucaramanga a confirmé dans son jugement le refus de l’ASTDEMP de participer au processus, et n’a donc pas considéré que la municipalité de Bucaramanga avait porté atteinte à la négociation collective, et iii) lors de la négociation collective de 2018, la municipalité de Bucaramanga, a respecté la durée minimale de vingt jours requise par la loi et prolongeable d’un commun accord, et a décidé de ne pas prolonger la durée de la négociation et de ne pas recourir à un médiateur.
  9. 254. Par ailleurs, le comité prend bonne note des informations supplémentaires fournies par la municipalité de Bucaramanga et transmises par le gouvernement dans une communication du 30 septembre 2022, à savoir que: i) le quatrième Tribunal de la famille a rendu en première instance un jugement ordonnant à la mairie de Bucaramanga d’organiser sous quinzaine des négociations collectives avec les organisations syndicales (jugement du 26 juin 2019); ii) le maire de Bucaramanga a nommé, par deux actes administratifs, les personnes chargées de représenter la municipalité lors des négociations sur les conditions de travail avec les syndicats des agents de la fonction publique (décisions nos 228 et 338 du 16 juillet et du 2 octobre 2019, respectivement); iii) la concertation entre la municipalité et les organisations syndicales, dont l’ASTDEMP, a débuté le 23 septembre 2019 et donné lieu à des réunions visant à faire avancer les négociations sur l’ensemble des revendications (voir ci joint les procès-verbaux des réunions des 3, 7, 10, 15, 17, 21, 24, 28 et 31 octobre 2019); iv) le 1er novembre 2019, au terme des négociations et des discussions sur l’ensemble des revendications, la municipalité de Bucaramanga et la plupart des organisations syndicales, dont l’ASTDEMP, ont signé l’acte d’accord final (ci joint); v) l’accord final issu de la négociation collective a été consacré par un acte administratif «fixant les conditions de travail des agents publics pour 2019 et 2020» (décision no 406 du 25 novembre 2019); et vi) en 2021, la municipalité de Bucaramanga et les membres de la commission chargée de mener les négociations pour les organisations syndicales, y compris l’ASTDEMP, ont organisé des négociations qui se sont tenues entre avril et mai et ont abouti à l’édiction de l’acte administratif «fixant les conditions de travail des agents publics pour la période 2021-2023» (décision no 786 du 8 juillet 2021). Il prend bonne note également des déclarations de la municipalité selon lesquelles celle ci s’est réunie à plusieurs reprises avec les organisations syndicales en 2022 afin de suivre l’application de la convention collective pour 2021-2023, et a tenu des consultations visant à répondre aux besoins des fonctionnaires.
  10. 255. Le comité observe en outre qu’une convention collective a été négociée en 2019 pour la période 2019 20 et qu’une autre convention collective est actuellement en vigueur pour la période 2021 2023, toutes deux signées par l’organisation plaignante. Il constate, au vu de ce qui précède, que les problèmes de négociation collective allégués dans le présent cas ont été réglés et, partant, ne poursuivra pas l’examen des allégations en question.
  11. 256. En ce qui concerne l’allégation d’actes de persécution à l’encontre de la présidente de l’ASTDEMP, en particulier la levée de ses privilèges syndicaux par la municipalité de Bucaramanga, le comité note que cette dernière indique que, tant en première qu’en deuxième instance, les tribunaux lui ont refusé l’autorisation de procéder à cette levée et qu’elle s’est conformée à cette décision et l’a respectée. Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.
  12. 257. Le comité note enfin avec inquiétude l’allégation de menaces de mort proférées à l’encontre de Mme Martha Cecilia Díaz Suárez, présidente de l’ASTDEMP. Il prend note de l’indication donnée par le gouvernement des mesures de protection prises, qui s’étendent à la famille proche et qui sont toujours en vigueur. Rappelant que l’exercice des droits syndicaux est incompatible avec tout type de violence ou de menace et qu’il appartient aux autorités de diligenter une enquête dans les plus brefs délais et, le cas échéant, de sanctionner tout acte de cette nature [voir Compilation, paragr. 88], le comité demande au gouvernement de mener une enquête en vue d’établir les faits et de punir les auteurs des menaces de mort proférées à l’encontre de Mme Díaz Suárez, présidente de l’ASTDEMP, et de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer sa protection.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 258. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour accélérer le règlement des procédures toujours pendantes en lien avec les faits sur lesquels porte le présent cas.
    • b) Le comité prie le gouvernement d’enquêter pour faire la lumière sur les faits survenus et de punir les auteurs des menaces de mort proférées à l’encontre de Mme Díaz Suárez, présidente de l’ASTDEMP, et de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer sa protection.
    • c) Le comité considère que ce cas est clos et son examen ne nécessite pas d’être davantage approfondi.
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