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Rapport définitif - Rapport No. 400, Octobre 2022

Cas no 3309 (Colombie) - Date de la plainte: 08-DÉC. -17 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce le refus d’un groupe d’entreprises de négocier un cahier de revendications avec une organisation syndicale du secteur de la sécurité et de la surveillance privée présente dans le groupe et l’absence de sanction de ce refus par le ministère du Travail au motif que l’objet social principal du groupe est extérieur au secteur de la surveillance et de la sécurité

  1. 302. La plainte figure dans une communication de l’Association syndicale nationale des travailleurs de la surveillance et de la sécurité privée et industrie similaire (ANASTRIVISEP) datée du 29 août 2017.
  2. 303. Le gouvernement a envoyé ses observations sur les allégations dans des communications datées du 28 septembre 2018 et du 28 février 2019.
  3. 304. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 305. Dans sa communication du 29 août 2017, l’organisation plaignante allègue que le 3 mars 2014, en tant qu’organisation syndicale minoritaire et conformément aux exigences légales et documentaires, elle a soumis au département de la sécurité du groupe d’entreprises de la société de médicaments prépayés Colsanitas (ci-après le «groupe d’entreprises») un cahier de revendications applicable, selon le critère organisationnel des entreprises, à plusieurs sociétés qui composent ce groupe (Farmasanitas, EPS Sanitas, Servicios industriales de lavado, Clínica Colsanitas, Iberocaribe, Heymocol, Soluciones logísticas Organización Sanitas Internacional, Clínica Campo Organización Sanitas Internacional, Libcom de Colombia, Óptica Colsanitas, Soprinsa, Club deportivo OSI et Fundación universitaria Sanitas). Face au refus de négocier par l’intermédiaire du représentant légal du groupe d’entreprises, l’organisation plaignante a déposé, le 17 mars 2014, une plainte administrative du travail auprès de la direction territoriale de Bogota du ministère du Travail, en soulignant l’existence d’un département de la sécurité et d’un département de la formation à la surveillance et à la sécurité privée au sein des entreprises précitées du groupe d’entreprises. L’organisation plaignante allègue à cet égard que, en juillet 2014, l’inspectrice du travail compétente a procédé à des entretiens individuels séparés qui ont confirmé que les personnes interrogées sont des travailleurs du département de la sécurité dirigé par le groupe d’entreprises, sont affiliées à l’organisation plaignante, reçoivent une formation du département de la formation du groupe d’entreprises comme toute autre entreprise de sécurité et agissent pour le compte du groupe d’entreprises. L’organisation plaignante allègue que, par la résolution n° 001355 du 28 août 2014, la coordination du groupe de résolution des litiges et de conciliation du ministère du Travail (direction territoriale de Bogota) a statué en faveur du groupe d’entreprises en violation de l’article 433 du Code du travail et de la convention no 154. De plus, elle indique avoir fait appel de cette décision mais que celle-ci a été confirmée par la direction territoriale de Bogota, par la résolution no 001715 du 20 octobre 2014, qui a privé les agents de sécurité de leur droit de négociation collective. Enfin, l’organisation plaignante souligne que les sociétés appartenant au groupe qu’elle a approchées séparément le 13 octobre 2015 ont également refusé de procéder à la négociation demandée.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 306. Dans sa communication du 28 septembre 2018, le gouvernement indique que, la direction territoriale de Bogota, en réponse à la demande de l’ANASTRIVISEP de sanctionner le groupe d’entreprises pour avoir refusé de négocier son cahier de revendications, a effectué, par l’intermédiaire de ses inspecteurs du travail, les enquêtes administratives du travail correspondantes, conformément à la réglementation applicable. Elle précise que les inspecteurs du travail ne sont pas habilités, selon l’article 486, paragraphe 1, du Code du travail, «à déclarer des droits individuels ou à trancher des différends, ce qui relève de la compétence des tribunaux». Il ajoute que, dans le cas où les parties intéressées ne sont pas satisfaites de la décision, il existe des mécanismes permettant de statuer sur la légalité ou l’illégalité des actes administratifs émis par les fonctionnaires. À cet égard, le gouvernement indique qu’il n’y a pas de preuve que l’organisation syndicale plaignante ait épuisé les mécanismes judiciaires internes, c’est-à-dire qu’elle ait eu recours à la juridiction contentieuse administrative.
  2. 307. Dans sa communication du 28 février 2019, le gouvernement explique les raisons pour lesquelles l’administration du travail a rejeté à deux reprises les demandes de l’organisation syndicale. Elle indique que les décisions administratives sont fondées sur le fait que le groupe d’entreprises n’exerce pas d’activités de surveillance et de sécurité privée, connexes ou complémentaires au secteur, et qu’il n’était donc pas tenu de négocier le cahier de revendications. Le gouvernement fournit à cet égard la résolution no 001355 du 28 août 2014 émise par la coordination du groupe de résolution des litiges et de conciliation de la direction territoriale de Bogota, ainsi que la résolution no 001715 du 20 octobre 2014 émise par la direction territoriale de Bogota qui a tranché le recours.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 308. Le comité note que le présent cas concerne le refus, de la part d’un groupe d’entreprises, de négocier un cahier de revendications avec une organisation syndicale de branche minoritaire au sein du groupe et le fait que le ministère du Travail n’a pas sanctionné ce refus au motif que le champ d’activité de cette organisation ne correspond pas à l’objet social principal du groupe, à savoir la gestion et la sous-traitance de services de santé, alors que l’organisation plaignante est une organisation du secteur de la surveillance et de la sécurité privée.
  2. 309. Le comité note que l’organisation plaignante allègue à cet égard que: i) le 3 mars 2014, elle a présenté un cahier de revendications au département de la sécurité du groupe d’entreprises, cahier qui s’étendait à plusieurs entreprises qui composent le groupe susmentionné; ii) devant le refus du représentant légal du groupe d’entreprises de négocier le cahier de revendications, l’organisation plaignante a déposé le 17 mars 2014 une plainte administrative du travail auprès de la direction territoriale de Bogota, soulignant l’existence d’un département de la sécurité et d’un département de la formation à la surveillance et à la sécurité privée au sein du groupe d’entreprises; et iii) par la résolution no 001355 du 28 août 2014, la coordination du groupe de résolution des litiges et de conciliation du ministère du Travail (direction territoriale de Bogota) a statué en faveur du groupe d’entreprises, décision confirmée par la direction territoriale de Bogota, à laquelle l’organisation syndicale avait fait appel, par la résolution no 001715 du 20 octobre 2014.
  3. 310. Le comité note que le gouvernement pour sa part se réfère aux deux résolutions susmentionnées, en soulignant que la raison du rejet des revendications de l’organisation syndicale est que le groupe d’entreprises n’exerce pas d’activités de surveillance et de sécurité privée liées, connexes ou complémentaires au secteur, et que le représentant du groupe n’était donc pas tenu de négocier le cahier de revendications. Le comité note également que le gouvernement, après avoir rappelé que l’inspection du travail n’est pas habilitée à trancher les différends, ce qui relève de la compétence des tribunaux, souligne que l’organisation plaignante ne démontre pas qu’elle a eu recours à la justice contentieuse administrative pour contester les décisions administratives susmentionnées. Le comité note à cet égard qu’il ressort des annexes à la plainte et des informations publiquement disponibles que l’ANASTRIVISEP a formé une série de recours en amparo pour violation du droit constitutionnel à la négociation collective, qui n’ont pas été admis par les tribunaux de tutelle au motif que les recours devaient être portés devant la juridiction contentieuse administrative.
  4. 311. Le comité observe qu’il ressort des documents et annexes fournis par les parties, et en particulier, du contenu des deux résolutions de l’administration du travail susmentionnées que: i) le groupe d’entreprises et les entreprises qui le composent ont pour objet social la sous-traitance et la prestation de services de santé et que, pour sa part, l’ANASTRIVISEP, en vertu de ses statuts, regroupe «les travailleurs qui travaillent dans le secteur de la surveillance et de la sécurité privée et dans les industries similaires, conformément à leur nature ou dans des entreprises qui se consacrent à la prestation de ce service: agents de sécurité, vigiles, agents de contre-surveillance, huissiers, portiers, maîtres-chiens, opérateurs de moyens technologiques de transport de valeurs, gardiens, opérateurs radio, accompagnants bilingues, chauffeurs, spécialistes de la sécurité, réceptionnistes»; ii) le groupe d’entreprises dispose d’un service interne de sécurité qui a une licence d’exploitation délivrée par la Surintendance de la surveillance et de la sécurité privée (Résolution no 513 du 4 février 2010); iii) en vertu de cette autorisation, le service interne est habilité à assurer des services de sécurité au sein du groupe d’entreprises, en interdisant la fourniture de services de sécurité à des personnes autres que celles liées à l’entreprise ou au groupe d’entreprises; iv) l’ANASTRIVISEP a indiqué à l’administration du travail qu’elle comptait parmi ses membres 20 travailleurs employés par ledit département interne de la sécurité; et v) selon l’administration du travail, l’existence d’une relation de travail entre les travailleurs syndiqués et le groupe d’entreprises n’a pas été remise en question, mais le litige a plutôt porté sur le pouvoir du syndicat de négocier collectivement avec le groupe susmentionné.
  5. 312. Le comité prend bonne note de ces éléments. Le comité note que, sur la base de ces éléments, l’administration du travail, se référant d’une part à l’article 356 du Code du travail, qui établit une classification de quatre types d’organisations syndicales (d’entreprise, d’industrie ou de branche d’activité économique, de profession et de métiers divers) et, d’autre part, aux statuts de l’ANASTRIVISEP, a considéré que: i) l’existence d’un département interne de la sécurité au sein du groupe d’entreprises n’implique pas que celui-ci fasse partie du secteur de la sécurité et de la surveillance privées; et ii) l’ANASTRIVISEP, qui est constituée en tant que syndicat dans le secteur susmentionné, ne peut prétendre négocier collectivement avec un groupe d’entreprises dont l’activité principale est sans rapport avec elle.
  6. 313. Le comité rappelle que le libre exercice du droit de constituer des syndicats et de s’y affilier implique la libre détermination de la structure et de la composition de ces syndicats et que les travailleurs et les employeurs devraient en pratique pouvoir choisir librement quelles organisations les représentent dans les négociations collectives. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 502 et 1359.] Le comité considère que, dans la mesure où l’administration du travail a constaté que le groupe d’entreprises emploie des salariés en tant qu’agents de sécurité dans son service de sécurité interne, ces travailleurs devraient pouvoir être représentés par un syndicat de leur choix, y compris un syndicat de branche dédié à la protection des activités et tâches spécifiques que ces travailleurs exercent effectivement au sein du groupe.
  7. 314. Notant que, dans le système actuel de négociation collective du pays, le pouvoir de négocier collectivement est étendu aux syndicats minoritaires, le comité prie le gouvernement de veiller à ce que l’ANASTRIVISEP puisse valablement soumettre des cahiers de revendications au nom de ses membres qui sont employés par le groupe d’entreprises en question.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 315. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de veiller à ce que l’ANASTRIVISEP puisse valablement soumettre des cahiers de revendications au nom de ses membres qui sont employés par le groupe d’entreprises en question.
    • b) Le comité considère que ce cas est clos et n’appelle pas un examen plus approfondi.
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