Allégations: Les organisations plaignantes font état d’une détérioration de la
situation des droits du travail dans le pays, caractérisée par de nombreux cas d’exécutions
extrajudiciaires de dirigeants et de membres syndicaux, de tentatives d’assassinat,
d’arrestations et de détentions illégales, d’inscription sur liste rouge, de harcèlement,
d’intimidation et de menaces à l’encontre de syndicalistes, ainsi que de répression et
d’ingérence dans les affaires syndicales. Les organisations plaignantes dénoncent
l’incapacité du gouvernement à enquêter de manière appropriée sur ces cas et à traduire les
auteurs en justice, ce qui renforce le climat d’impunité, de violence et d’insécurité et
nuit par conséquent à l’exercice des droits syndicaux
- 639. Le comité a examiné ce cas (soumis en février 2016) pour la dernière
fois à sa réunion de novembre 2021, et à cette occasion, il a présenté un rapport
intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 396e rapport, paragr. 508-528 approuvé
par le Conseil d’administration à sa 343e session .]
- 640. Dans une communication datée du 1er septembre 2021, le Kilusang Mayo
Uno (KMU) s’est joint au cas et a fourni des informations supplémentaires.
- 641. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication en
date du 30 septembre 2022.
- 642. Les Philippines ont ratifié la convention (nº 87) sur la liberté
syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le
droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 643. Lors de sa réunion de novembre 2021, le comité a formulé les
recommandations suivantes [voir 396e rapport, paragr. 528]:
- a) Rappelant que les
assassinats d’Antonio «Dodong» Petalcorin, d’Emilio Rivera et de Kagi Alimudin
Lucman ont eu lieu en 2013 et que le gouvernement a indiqué qu’ils étaient en cours
d’instruction conformément à la procédure ordinaire d’enquête et de poursuite
pénale, le comité exprime une nouvelle fois le ferme espoir que les auteurs seront
traduits en justice et condamnés sans délai. Le comité veut croire que le
gouvernement continuera de faire tout son possible à cet égard et le prie instamment
de le tenir informé de tout progrès en la matière.
- b) Le comité prie
instamment le gouvernement de fournir une réponse détaillée aux graves allégations
de l’ITF, de l’UMA et de la NFSW FGT faisant état d’exécutions extrajudiciaires,
d’arrestations illégales, de mises en détention, de menaces, d’intimidation, de
harcèlement et d’inscription sur liste rouge concernant des syndicalistes et
s’attend à ce que le gouvernement veille à ce que toutes les allégations
susmentionnées fassent rapidement l’objet d’une enquête et que les auteurs de
violences contre des syndicalistes soient identifiés et traduits en justice, qu’il
s’agisse de particuliers ou d’agents de l’État, afin de lutter contre l’impunité et
d’empêcher la répétition de tels actes. Le comité veut croire que le gouvernement
donnera la priorité aux enquêtes sur ces cas graves et le prie de le tenir informé
des progrès accomplis à cet égard, y compris de l’état d’avancement de toute
poursuite qui aurait été engagée.
- c) Le comité prie instamment le
gouvernement de garantir la libération immédiate de tout syndicaliste détenu si son
arrestation ou sa détention est liée à l’exercice légitime de ses droits
syndicaux.
- d) Enfin, soulignant la responsabilité du gouvernement en ce qui
concerne les enquêtes sur les allégations de violence contre des travailleurs qui
s’organisent ou défendent de toute autre manière les intérêts des travailleurs, le
comité s’attend à ce que le gouvernement fasse tout ce qui est en son pouvoir pour
que toute allégation passée ou future d’assassinat lié à l’activité syndicale et
d’autre forme de violence contre des syndicalistes fasse rapidement l’objet d’une
enquête en bonne et due forme afin d’en clarifier les circonstances, y compris
l’existence de toute relation directe ou indirecte avec l’activité syndicale, de
déterminer les responsabilités et de punir les auteurs en vue de prévenir la
répétition de tels actes. Le comité prie également instamment le gouvernement
d’intensifier la lutte contre les violences faites aux syndicalistes en concevant et
en mettant en œuvre toutes les mesures nécessaires à cet effet, y compris des
orientations et des instructions claires à l’intention de tous les agents de l’État
et de rendre opérationnels les mécanismes nationaux de surveillance et d’enquête, de
manière à prévenir la répétition d’actes violents contre des syndicalistes et des
dirigeants syndicaux et à faire en sorte que ceux-ci ne soient pas systématiquement
soupçonnés d’appartenir à des groupes insurrectionnels ou autres groupes
paramilitaires, compte tenu de l’effet stigmatisant que cela peut avoir sur
l’exercice d’activités syndicales légitimes.
- e) Le comité attire
spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère grave et
urgent des questions traitées dans le présent cas.
B. Allégations des organisations plaignantes
B. Allégations des organisations plaignantes- 644. Le 1er septembre 2021, le KMU a soumis des informations
supplémentaires alléguant que le gouvernement a ouvertement déclaré les syndicats
affiliés au KMU, ainsi que d’autres organisations - la Confédération pour l’unité, la
reconnaissance et l’avancement des fonctionnaires (COURAGE) et l’Alliance des
enseignants concernés (ACT) – comme organisations terroristes communistes, ce qui a
conduit à des violations flagrantes des droits des travailleurs en toute impunité. Les
organisations plaignantes soulignent une augmentation drastique des cas de répression
syndicale et de privation du droit des travailleurs de s’organiser depuis la déclaration
et l’application de la loi martiale dans la région de Mindanao en 2017, ainsi qu’une
détérioration de la situation des droits du travail dans la région du Southern Tagalog.
Elles allèguent en particulier de nombreux cas d’exécutions extrajudiciaires, de
tentatives d’assassinat, d’arrestations illégales, de détentions, de menaces, de
harcèlement et d’intimidation de dirigeants syndicaux, ainsi que diverses formes de
répression et d’ingérence dans les affaires syndicales entre 2017 et 2021. Elles
dénoncent également le fait que le gouvernement n’a pas conduit d’enquête en bonne et
due forme sur ces affaires ni traduit les auteurs en justice, ce qui renforce le climat
d’impunité, de violence et d’insécurité et nuit par conséquent à l’exercice des droits
syndicaux.
- 645. Les organisations plaignantes allèguent que, parallèlement à la
«guerre contre la drogue», des syndicalistes et des travailleurs sont également pris
pour cibles et tués lors de raids des forces de l’État, qui visent à empêcher les
syndicalistes d’exercer leur rôle et à mettre fin au syndicalisme tout court. Elles
allèguent que le climat d’impunité permet l’assassinat de dirigeants syndicaux et
dénoncent les cas concrets de meurtres et de tentative de meurtres suivants:
- Le
31 octobre 2018, Danny Boy Bautista, membre actif du syndicat agricole Nagkahiusang
Mamumuo sa Suyapa (NAMASUFA NAFLU KMU) a été abattu sur le marché public de
Compostela. La police n’a pas encore communiqué le nom du suspect mais a indiqué que
sa mort était fortement liée à son engagement syndical.
- En novembre 2018,
Jerry Alicante, un autre syndicaliste actif du NAMASUFA a été abattu mais a survécu
à la tentative d’assassinat, de même qu’un autre syndicaliste, Victor Ageas, en
septembre 2018.
- En novembre 2018, des individus non identifiés ont mis le
feu à la maison familiale du président du NAMASUFA, Paul John Dizon, mais l’incendie
a été circonscrit; le lendemain, ils sont revenus et ont tiré huit coups de feu
avant de prendre la fuite. En décembre 2018, les incendiaires ont brûlé la maison du
président du NAMASUFA, ainsi que le bureau du syndicat adjacent à la maison du
président et la maison de l’ancien président Vicente Barrios.
- En novembre
2019, Reynaldo Malaborbor, l’un des pionniers du Pagkakaisa ng Manggagawa sa Timog
Katagalugan (PAMANTIK KMU), ancien membre du Syndicat des Philippines - Mouvement du
Six Février et dirigeant de la Fédération des syndicats des Philippines et des
services connexes (TUPAS), a été abattu de quatre balles par un assaillant inconnu,
alors qu’il revenait de la mairie de Cabuyao où il négociait la libération de
grévistes détenus. Il a été tué sur le coup avant que l’assaillant ne prenne la
fuite avec un autre complice. Plus tard dans la journée, des habitants ont indiqué
que des hommes inconnus avaient rôdé autour de la résidence de
Malaborbor.
- Le 7 mars 2021, neuf militants ont été tués et six arrêtés lors
des «tueries sanglantes», ou «dimanche sanglant», des raids de la police et de
l’armée. Emmanuel «Manny» Asuncion, coordinateur provincial du Bagong Alyansang
Makabayan dans la province de Cavite et dirigeant ouvrier de plusieurs
organisations, a été brutalement assassiné au Centre d’assistance aux travailleurs
(WAC) de Dasmamas, Cavite, par des éléments de la police. Les unités sont entrées de
force dans les locaux où M. Asuncion, sa femme et un autre bénévole dormaient. Sous
la menace d’une arme, ils ont forcé le bénévole à se coucher par terre et l’ont
ensuite amené, ainsi que la femme de M. Asuncion, à l’extérieur pour leur dire
qu’ils allaient procéder à une fouille, mais qu’ils ne pouvaient pas présenter le
mandat de perquisition. Ils ont alors entendu des cris et plusieurs coups de feu
provenant de l’immeuble et ont vu le corps de M. Asuncion chargé dans un véhicule de
police; il avait subi six blessures par balle. La police a procédé à une fouille de
l’immeuble et un enquêteur a dit plus tard à la femme de M. Asuncion qu’ils
n’avaient pas trouvé d’armes à feu ou d’explosifs. Le même jour, Melvin Dasigao et
Mark Lee «MakMak» Bacasno, membres de la San Isidro Kasiglahan Fraternity and
Cooperation for Livelihood, Justice and Peace, ont été assassinés. Des hommes non
identifiés se sont présentés à la résidence de M. Dasigao dans le village de
Kasiglahan, à Rodriguez, Rizal, ont crié sur les habitants et ont fait sortir sa
femme et ses deux enfants lorsqu’ils ont entendu trois coups de feu et ont vu le
corps de M. Dasigao amené à l’extérieur. Dans le même village, des hommes armés ont
pénétré de force dans la résidence de M. Bacasno. On a entendu la police crier
qu’elle avait trouvé des armes et de la drogue à l’intérieur et les voisins ont
entendu un coup de feu et une explosion. Le lendemain, les familles des deux hommes
se sont vu refuser l’accès à leurs corps au funérarium d’Antipolo où la police les a
amenés, ainsi que les corps de quatre autres personnes qui auraient été tuées par la
police. Les organisations plaignantes affirment que les auteurs de ces crimes
étaient les unités du Groupe des enquêtes pénales et de lutte contre la criminalité
(CIDG) de la police, la Force d’action spéciale et une brigade de
l’armée.
- Le 28 mars 2021, Dandy Miguel, dirigeant syndical national et
vice-président du PAMANTIK KMU (une section régionale du KMU), membre du conseil
national du KMU et président du Power of United Workers of Fuji Electric
Philippines, a été assassiné alors qu’il rentrait chez lui en moto après une
consultation avec des dirigeants syndicaux à Calambra, Laguna. M. Miguel a été
acculé par deux motocyclettes, a reçu plusieurs balles et a subi huit blessures par
balle qui ont entraîné sa mort. Au moment de sa mort, M. Miguel travaillait sur les
affaires du «dimanche sanglant», aidant les familles à déposer des plaintes devant
la Commission des droits de l’homme (CDH) et les dirigeants syndicaux à déposer des
plaintes pour menaces, harcèlement et intimidation.
- Les organisations
plaignantes soulignent également que, selon les rapports du Centre pour les droits
syndicaux et de la personne (CTUHR), en août 2021, il y eu 56 cas d’exécutions
extrajudiciaires parmi les travailleurs dans le pays sous l’administration Duterte,
dont 17 provenaient de syndicats agricoles et ont été précédemment soumis au comité
dans ce cas par la Fédération des travailleurs agricoles des Philippines (UMA) et la
Fédération nationale des travailleurs du sucre - alimentation et commerce général
(NFSW-FGT).
- 646. Les organisations plaignantes affirment en outre que le gouvernement
utilise la loi comme arme pour emprisonner les syndicalistes - ils sont ciblés,
surveillés, menacés et soumis à des arrestations et détentions arbitraires fondées sur
de fausses accusations criminelles, de fausses preuves et des mandats de perquisition et
d’arrêt non fondés ou fabriqués. Selon les organisations plaignantes, les syndicalistes
sont poursuivis au pénal pour leurs activités syndicales, ce qui conduit à des années de
détention sur de simples allégations d’actes criminels qu’ils n’ont pas commis, un coup
dur pour le mouvement syndical dans le pays. Souvent, ils sont soumis à des heures
d’interrogatoire, ainsi qu’à des abus physiques, verbaux et psychologiques et à la
torture. Les organisations plaignantes signalent les cas concrets suivants d’arrestation
et de détention arbitraires de syndicalistes sur la base de fausses
accusations:
- En février 2018, Marklen Maojo Maga, un militant syndical
impliqué dans l’organisation d’une grève des conducteurs de jeepney assurant des
services d’utilité publique et organisateur de syndicats au sein du KMU dans la
région métropolitaine de Manille et les provinces voisines, a été arrêté pour
possession illégale d’une arme à feu. Sa compagne, Eleanor de Guzman, une dirigeante
du KMU, et leur fils ont été contraints de quitter leur domicile pour des raisons de
sécurité. M. Maga a été condamné en juin 2019 et son cas est en appel.
- Entre
juin et octobre 2018, de fausses accusations criminelles ont conduit à l’arrestation
et à la détention illégales de Juan Alexander Reyes, Rowena et Oliver Rosales et
Ireneo Atadero, tous membres d’organisations de travailleurs (KMU, Association des
travailleurs de Quezon City et COURAGE). Les arrestations ont été menées
conjointement par le CIDG de la région de la capitale nationale de la Police
nationale des Philippines (CIDG NCR) et le Service de renseignements des forces
armées des Philippines (ISAFP). Une arme de poing et un engin explosif ont été
dissimulés chez des syndicalistes qui ont été accusés soit de meurtre, soit
d’incendie criminel commis à Agusan del Norte, une province où ils ne se sont jamais
rendus. Ils n’ont pas droit à une procédure régulière, de faux témoignages sont
utilisés dans les accusations portées contre eux et ils sont empêchés d’exercer leur
rôle d’organisateurs syndicaux durant leur détention.
- En mars 2019, Eugene
Garcia, président du syndicat des travailleurs de Pioneer Float Glass Manufacturing
Inc, a été arrêté pour possession d’une arme à feu sur la base d’éléments de preuve
fabriqués après la mise en œuvre d’un mandat de perquisition dans sa résidence.
L’arrestation illégale de Garcia a eu lieu au moment où le syndicat faisait valoir
sa convention collective par une série de dialogues avec la nouvelle direction, qui
a refusé de reconnaître la convention et le syndicat. L’intéressé n’a pas encore été
jugé devant le tribunal régional.
- En mars 2019, une cinquantaine de membres
de la police à bord de dix véhicules sont arrivés à la résidence de Ricky Chavez,
membre du conseil exécutif de l’Association des travailleurs de Toyota Motors
Philippines Corporation, pour signifier un mandat de perquisition, mais ils ne l’ont
pas trouvé. Avant la perquisition, M. Chavez avait rejoint une manifestation que le
syndicat avait organisée pour commémorer les 18 ans du licenciement de
233 syndicalistes en 2001.
- En octobre 2019, à la suite de descentes de
police simultanées dans les bureaux d’organisations populaires à Bacolod City,
Negros Occidental, 55 personnes ont été arrêtées, dont 21 chauffeurs de bus et le
secrétaire général du KMU Negros Island, Noli Rosales, qui a été détenu sur de
fausses accusations de possession illégale d’armes à feu et d’explosifs, mais un
non-lieu a été prononcé en 2021. Anne Krueger, journaliste et organisatrice
communautaire, a également été arrêtée par le CIDG lors d’un raid dans le bureau de
GABRIELA (A National Alliance of Women) à Bacolod City et bien qu’elle ait été
libérée sous caution par la suite, elle fait toujours face à de fausses accusations
de possession illégale d’armes à feu et de munitions.
- Le 7 septembre 2020,
Ramon Rescovilla, vice-président de PISTON, une fédération nationale de conducteurs
de jeepney affiliée au KMU, a été arrêté à Daraga City, Albay, par 20 policiers et
menotté; un sac contenant une grenade et une arme de poing lui a été remis, puis il
a été conduit au poste de police de Daraga où il a été interrogé et frappé à cinq
reprises par des hommes qu’il soupçonne être des agents des services de
renseignement de l’État. On lui a refusé des soins médicaux et il fait maintenant
face à de fausses accusations de possession illégale d’armes à feu, d’explosifs et
de meurtre.
- Le 4 décembre 2020, Jose A. Bernardino, un organisateur syndical
de travailleurs du transport opérant dans les enclaves industrielles et dans la
province de Pampanga, a été arrêté de force par des agents de l’État et menotté
alors qu’il se rendait à Angeles City, Pampanga. M. Bernardino est accusé de
rébellion et de possession illégale d’armes à feu, de munitions et d’explosifs,
alors qu’il ne portait rien de tout cela lors de son arrestation par la
police.
- Le 10 décembre 2020, des hommes armés ont effectué une perquisition
dans l’appartement de Romina Astudillo à Quezon City, où elle, Mark Ryan Cruz et
Jaymie Gregorio se trouvaient. Ils ont trouvé un sac à dos contenant une grenade et
ont amené les trois syndicalistes au CIDG NCR de Camp Crame où ils ont été
interrogés sans avocat. Tous trois sont membres du KMU – Mme Astudillo a été élue au
poste de secrétaire générale adjointe et M. Cruz au poste de conseiller général,
tandis que M. Gregorio était chargé de l’organisation des travailleurs des zones
portuaires et des communautés voisines de Smokey Mountain à Manille.
- Le
10 décembre 2020, 40 fonctionnaires du CIDG NCR ont effectué une perquisition mise
en scène dans l’appartement de la fille de Joel Demate et ont trouvé une grenade, un
fusil, un pistolet et des munitions. M. Demate, qui est un organisateur syndical
travaillant au sein de l’organisation Solidarity of Labor for Rights and Welfare, a
été conduit au poste de police et fait l’objet de multiples poursuites pour
possession illégale d’armes à feu et d’explosifs.
- Le 10 décembre 2020, une
trentaine de membres armés du groupe d’intervention (SWAT) du district de police de
Quezon City et du CIDG de Quezon City, certains portant des uniformes et d’autres en
civil, ont fait irruption dans la résidence de Dennise Velasco, organisateur de
Defend Jobs Philippines, de sa femme et du frère de celle-ci. Les fonctionnaires en
uniforme noir ont demandé aux hommes de s’allonger, les mains attachées dans le dos,
tandis que la police et les fonctionnaires du barangay (conseil de village)
procédaient à une fouille, au cours de laquelle ils auraient trouvé des armes à feu,
des munitions et une grenade.
- Le 4 mars 2021, la police a emmené Arnedo
«Nedo» Lagunias, ancien secrétaire du Syndicat des travailleurs de Honda
Cars-OLALIA-KMU à Biñan City, Laguna, et d’autres résidents de sa maison, a effectué
une fouille et a prétendument trouvé une arme de poing et une grenade, ce que
M. Lagunias a nié avec véhémence; il est maintenant accusé de possession illégale
d’armes à feu et d’explosifs.
- Le 4 mars 2021, une cinquantaine d’agents du
CIDG ont encerclé et enfoncé la porte de la maison de Ramir Corcolon à San Pablo
City, Laguna, et ont procédé à une perquisition qui aurait abouti à la découverte
d’une arme à feu, d’une grenade et d’un engin explosif improvisé. M. Corcolon est le
président de l’organisme City Water District Employees’ Association de San Pablo
City et le secrétaire général de l’organisme Water System Employees’
Response.
- Le 7 mars 2021 (arrestations du «dimanche sanglant»), Steve
Mendoza, vice-président exécutif de la fédération syndicale OLALIA-KMU et ancien
président du syndicat des travailleurs de Philsteel-OLALIA-KMU, et sa compagne
Rafaela Barquilla ont été réveillés par des hommes armés en tenue de camouflage qui
ont détruit leur portail en acier. Bien que M. Mendoza ait insisté pour voir le
mandat de perquisition et ait demandé aux hommes de s’identifier, ceux-ci ont fait
irruption dans la maison, ont forcé M. Mendoza à se coucher au sol sous la menace
d’une arme, ont envoyé sa femme et son fils à l’extérieur, puis ont mis la maison à
sac. Ils ont ensuite déclaré avoir trouvé une arme de poing à l’intérieur et
M. Mendoza a été accusé de possession illégale d’armes à feu, de munitions et
d’explosifs.
- Le 7 mars 2021 (arrestations du «dimanche sanglant»), au moins
20 hommes armés en tenue de camouflage sont entrés de force dans le bureau de
l’organisation Defend Yulo Farmers à Cabuyao, Laguna, où se trouvaient Elizabeth
«Mags» Camoral et quatre autres personnes, ont pointé une arme sur son compagnon,
ont crié et ont mis le bureau à sac. Ils ont trouvé une arme de poing appartenant
supposément à Mme Camoral, qui a été libérée sous caution mais qui fait toujours
l’objet d’accusations mensongères de possession illégale d’armes à feu. Mme Camoral
est l’ancienne présidente du Syndicat des travailleurs de F Tech et la coordinatrice
provinciale de BAYAN Laguna.
- Le 7 mars 2021 (arrestations du «dimanche
sanglant»), des hommes armés ont pénétré de force au domicile d’Eugene Eugenio,
membre du Syndicat des travailleurs de F Tech au niveau de la province et président
de l’organisation Advancement of Rights and Responsibilities of Organized Workers.
Les hommes ont indiqué qu’ils étaient à la recherche d’un pistolet, qu’ils auraient
trouvé.
- Le 30 mars 2021, une quarantaine de membres du CIDG ont encerclé la
résidence de Florentino «Pol» Viuya, président de l’Alliance des travailleurs de la
région III et du Bagong Alyansang Makabayan dans la région centrale de Luzon.
M. Viuya a insisté pour que ses collègues et les fonctionnaires du barangay soient
présents lors de la fouille, mais les fonctionnaires du CIDG ont fait le tour de la
maison et ont trouvé une fenêtre ouverte à l’arrière. Après la fouille, la police a
trouvé une grenade à main en évidence sur le rebord de la fenêtre ouverte et a
arrêté M. Viuya. Le même jour, Joseph Canlas, dirigeant syndical paysan de l’AMGL
Alliance of Peasants dans la région centrale de Luzon, a été arrêté et détenu sur la
base des mêmes accusations mensongères, une grenade étant utilisée comme fausse
preuve. M. Canlas s’est vu refuser les recours préalables au procès alors qu’il
était malade, a contracté le COVID 19 en détention et est mort à
l’hôpital.
- 647. En outre, les organisations plaignantes signalent plusieurs cas de
dispersion violente de grèves de travailleurs:
- En juin 2017, une centaine
d’éléments combinés pleinement armés des forces armées et de la police, ainsi que
des briseurs de grève de l’entreprise fruitière, ont violemment dispersé des
travailleurs en grève du Syndicat des travailleurs de Shin Sun (SSWU), affilié au
Syndicat du travail de la Fédération nationale (NAFLU KMU), les ont battus et ont
utilisé du formol pour empêcher les travailleurs de défendre le piquet de grève.
Après la dispersion de la grève, 12 travailleurs et leurs sympathisants ont été
arrêtés: Vicente «Boy» Barrios; Eric Noble; Pio Salar; Elisar Lague; Angelito
Atamosa; Crispo Atamosa; Gerry Atamosa; Ernesto Calinawan; Carmin Atamosa; Francisco
Milallos; Ritiza Milallos et Lanie Rose Millalos.
- En avril 2018, suite à la
création par les travailleurs de l’organisation United Workers of Nutriasia,
l’entreprise de production de condiments de Marilao, Bulacan a tenté de bloquer son
enregistrement et a licencié les dirigeants syndicaux, dont Jessie Gemola, le
président du syndicat. À la suite d’actes de discrimination antisyndicale, de
licenciements illégaux et d’autres formes de pratiques de travail déloyales, le
syndicat a mené une grève en juin 2018, au cours de laquelle des policiers armés ont
tenté de pénétrer dans le voisinage des travailleurs en grève. Après que les
tribunaux ordinaires ont ordonné aux grévistes de s’abstenir d’entraver l’entrée de
l’entreprise, la police provinciale de Bulacan et le service de sécurité privée de
l’entreprise ont violemment dispersé les travailleurs protestataires et arrêté
23 d’entre eux et leurs sympathisants pour agression physique: Mercy Macatabas
Taborada; Elena Francisco Latoza; Mylene Arellano Baysa; Princess Punzalan Pineda;
Ronello Hingpit Espejon; Jaymark M. Bautista; Jhon Paul L. Gonzales; Lloyd M.
Salonga; Carmina R. Ileto; Romnick P. Agarpao; Ulysis Uy; Dinnis Datuin; Fernando
Miguel B. Collantes; Christian S. Maniquiz; Rudy S. Magalang; Dinalyn V. Beringuel;
Emerson C. Batarina; Reychelle Sta. Rosa; Jovilou Angcon; Lueuile Bangcat; Ronald
Gillego; Francis Estrella et Jessie Villacastin. Fin juillet 2018, des violences se
sont à nouveau produites lorsque le service de sécurité privée de l’entreprise et la
police ont dispersé le piquet de grève des travailleurs, situé à plus de 100 mètres
de la porte principale de l’entreprise, à l’aide de cannes, de matraques et de
pierres, entraînant des blessures pour plus de 40 travailleurs et leurs
sympathisants et l’arrestation de 19 travailleurs, dont 8 grévistes: Daisy Jane
Heda; Robert Sequino; Sedney Villamor; Jerald Verano; Mark Ponce; Dannyboy Conel;
Marylle Jons Peligro et Jeovelyn Bornales.
- En juillet 2018, une grève des
bras croisés de travailleurs de Unified Power of Workers de Middleby Philippines
Inc, une association de travailleurs contractuels dans une usine de Biñan City, à
Laguna, a été violemment dispersée, causant des blessures à cinq travailleurs et
sept travailleurs ont été amenés au poste de police.
- En octobre 2018, la
police, l’armée et l’unité gouvernementale locale ont fait intervenir des briseurs
de grève et des travailleurs non-grévistes pour disperser la grève des travailleurs
affiliés au NAMASUFA chez Sumifru, une entreprise d’exportation de bananes à
Compostela. Quelques jours plus tard, sept membres du NAMASUFA ont été interpellés
par des hommes non identifiés, supposés être des hommes de main de l’entreprise, et
battus. Plus tard, des briseurs de grève (des hommes de main et des travailleurs
non-grévistes), escortés par des représentants des forces armées et de la police,
ont attaqué les camps de grève, arrachant les accessoires et agressant les
grévistes, ce qui a entraîné des blessures pour 27 travailleurs et des dommages aux
biens syndicaux.
- En juin 2019, des centaines d’hommes vêtus de noir ont
attaqué les 200 travailleurs du syndicat des travailleurs de Pepmaco qui dormaient
lors de leur piquet de grève, blessant grièvement plusieurs d’entre eux et
détruisant le piquet de grève. En août 2019, après que les travailleurs en grève ont
organisé une manifestation à l’entrée du parc industriel, la police a arrêté
arbitrairement 25 travailleurs, les a forcés à monter dans un véhicule de police et
a placé 18 d’entre eux en détention. Les travailleurs ont été libérés le lendemain
après qu’une ordonnance du tribunal a transmis au ministère de la Justice des notes
circulaires enjoignant aux procureurs d’obtenir d’abord l’autorisation du ministère
du Travail et de l’Emploi (DOLE) avant de prendre connaissance des plaintes et
d’entamer une procédure découlant d’un conflit du travail ou liée à
celui-ci.
- En juillet 2019, la police et des agents de sécurité privée d’une
entreprise de production de condiments à Cabuyao, Laguna, ont jeté des pierres sur
les 400 travailleurs en grève, les intimidant avec des armes à feu à canon long, et
ont utilisé des barres métalliques et des matraques pour les attaquer. Au total,
19 travailleurs ont été gravement blessés et 17 ont été arrêtés, dont trois
dirigeants syndicaux, et accusés de dégradation volontaire, de coercition aggravée
et d’agression directe. Ils se sont vu refuser des recours, ce qui a conduit à leur
détention prolongée, et n’ont été libérés qu’en décembre 2019 après avoir payé une
caution, tandis que les poursuites à leur encontre sont maintenues.
- 648. Enfin, les organisations plaignantes soutiennent que
l’administration peut, par le biais du conseil antiterroriste et sur la base de la loi
antiterroriste, exclure arbitrairement des individus et des organisations en tant
qu’éléments terroristes, ou simplement utiliser la loi comme mesure d’ensemble pour
qualifier de terroristes des organisations légitimes et leurs dirigeants. L’étiquetage
du KMU comme organisation terroriste est, selon les organisations plaignantes, une
déclaration de politique générale et un ordre visant à éradiquer les syndicats et à
empêcher les travailleurs de s’organiser. Des documents affichés dans des lieux publics
et publiés sur les médias sociaux (données officielles de la police ou faux comptes
financés par l’État) qualifient la KMU et ses dirigeants de partisans de la Nouvelle
armée populaire (NPA) ou de sa branche légale, de «terroristes» ou de membres d’
«organisations communistes-terroristes», dans le but d’amener les travailleurs à se
désaffilier ou de les dissuader de se syndiquer. Les organisations plaignantes affirment
que cette campagne de diffamation à l’encontre des syndicalistes vise à créer un
prétexte pour de nouveaux abus et violations des droits de l’homme et s’inscrit dans le
cadre de l’approche de la sécurité nationale axée sur «l’ensemble de la nation», dans
laquelle chaque segment du gouvernement est chargé d’aider à identifier les insurgés et
les opposants probables au régime, ce qui conduit les instances gouvernementales à
recenser les membres des organisations progressistes et à soumettre ces informations à
l’armée pour soutenir les efforts de contre-insurrection. Dans la pratique, cela se
traduit par de graves menaces à l’encontre des dirigeants et des membres des syndicats,
des campagnes de diffamation, une propagande antisyndicale menée par l’armée, de fausses
redditions, une intervention directe de l’armée dans les affaires syndicales, y compris
les élections syndicales et la désaffiliation forcée des syndicats et des
fédérations.
- 649. Les organisations plaignantes allèguent à cet égard que les auteurs
de certains de ces incidents dans la région de Tagalog Sud sont des unités des forces
armées de Luzon Sud, dirigées par le lieutenant général Antonio Parlade Jr, aujourd’hui
à la retraite, entre 2019 et mi 2021, et que tant le Groupe de travail national pour
mettre fin au conflit armé communiste local (NTF ELCAC) que le Bureau de coordination
conjoint pour la paix sociale (désormais appelé le Bureau de l’alliance pour le
programme en faveur de la paix sociale (AIPPO)) se sont livrés à une propagande et à un
harcèlement et des menaces persistants contre les dirigeants syndicaux. Des agents de
l’État se sont souvent rendus à domicile par vagues successives pour menacer les
dirigeants syndicaux de se rendre en tant que rebelles de la NPA ou de se désaffilier de
leur syndicat en échange du retrait de toute menace d’arrestation ou d’enlèvement. Ils
se sont également ingérés dans les affaires syndicales, ont délogé des responsables
syndicaux et démantelé des organisations de travailleurs. Les organisations plaignantes
soulignent les cas spécifiques suivants:
- Depuis février 2018, les militaires ont
mené des campagnes et des assemblées de porte à porte chez les travailleurs du
NAMASUFA et leurs proches dans la ville de Compostela, dans le but de convaincre les
membres du KMU de se livrer aux militaires pour effacer leurs noms de la liste des
partisans et sympathisants de la NPA ou de se désaffilier des syndicats du KMU. Le
gouvernement local de la ville de Compostela a même déclaré le KMU persona non
grata.
- En février 2019, trois dirigeants syndicaux du Musahamat Workers’
Labour Union (MWLU), un organisme local affilié à la NAFLU KMU à Pantukan, dans la
vallée de Compostela, à savoir Esperidion Cabaltera, président du syndicat, Richard
Genabe, vice-président, et Ronald Rosales, secrétaire, ont été enlevés à leur
domicile, emmenés dans un camp militaire, détenus toute la nuit sans raison,
interrogés et contraints d’admettre qu’ils étaient membres de la NPA, de
démissionner du KMU et de demander aux autres de faire de même. Les trois
syndicalistes ont nié les allégations mais ont signé les documents et bien qu’ils
aient été libérés le lendemain, les soldats les surveillent de près. Après leur
libération, 153 syndicalistes ont été contraints de signer un formulaire indiquant
qu’ils démissionneraient du KMU pour que leur nom soit blanchi. Avant leur
enlèvement en février 2019, MM. Cabaltera et Genabe avaient déjà été harcelés par
des hommes armés non identifiés soupçonnés d’être des membres des forces armées. Les
organisations plaignantes indiquent que les incidents concernant MM. Cabaltera et
Genabe avaient déjà été signalés au comité dans le cas no 3119 concernant les
Philippines, où le comité a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires
pour assurer l’instruction et le règlement complets et rapides des actes allégués de
harcèlement de dirigeants et membres de syndicats affiliés au KMU, y compris les
membres et militants du syndicat Musahamat. [Voir cas no 3119, 387e rapport, octobre
2018, paragr. 626.]
- En juillet 2019, le président du Syndicat des
travailleurs des plantations d’huile de palme des Philippines a soumis à la
direction de la NAFLU KMU une lettre déclarant sa désaffiliation de la fédération,
citant l’inscription sur liste rouge et le harcèlement de ses membres par les
militaires comme principale raison de sa désaffiliation.
- En septembre 2019,
pendant la période des élections syndicales, des membres de l’United Workers of
Mindanao Agriculture Inc. ont repéré des affiches et des prospectus autour de la
plantation vilipendant le syndicat et sa fédération affiliée, la NAFLU, en utilisant
le logo de la NPA.
- Entre février et mai 2020, la PAMANTIK KMU a recensé au
moins 10 membres du syndicat des employés de l’usine Coca-Cola à Santa Rosa qui ont
été victimes de harcèlement, d’intimidation et de menaces de la part d’agents du NTF
ELCAC, ce qui a également conduit à l’enlèvement de certains membres du syndicat en
avril 2020 qui ont ensuite été présentés comme des rebelles se rendant.
- En
février 2020, la police a commencé à intimider des membres du syndicat Nagkakaisang
Manggagawa ng Supreme (NMS NAFLU KMU), un syndicat d’une entreprise de production
d’acier à Bulacan, par des visites répétées de l’usine, des inscriptions sur liste
rouge et des actes d’ingérence dans les activités syndicales (réunions et élections
locales), ce qui a abouti à l’élection d’un syndicat de la direction lors des
dernières élections.
- Depuis avril 2020, le président d’OLALIA KMU
Hermenigildo «Hermie» Marasigan se cache en raison des menaces pesant sur sa
sécurité. En juillet 2021, sa femme a indiqué qu’environ cinq hommes en uniforme se
sont rendus chez eux pour aider M. Marasigan à blanchir son nom et ont averti que
l’unité de renseignement finirait par le retrouver. En août 2021, quatre militaires
se sont à nouveau rendus à leur domicile avec le même objectif.
- Entre mai et
novembre 2020, des policiers se présentant comme faisant partie de l’AIPPO sont
venus s’ingérer dans les activités syndicales du syndicat Alcophil Workers’
Union-Alliance of Genuine Labor Organizations KMU. Le président du syndicat, Eliseo
Taping, a été vilipendé et inscrit sur liste rouge avec une prolifération d’affiches
placées à proximité de l’usine de l’entreprise à Valenzuela à Manille.
- Entre
décembre 2020 et mars 2021, au moins deux responsables syndicaux du Syndicat des
travailleurs d’Optodev NAFLU KMU ont fait l’objet de surveillance, de menaces et de
harcèlement dans leurs résidences à Laguna.
- Entre novembre 2020 et septembre
2021, le NXP Workers’ Union-NAFLU KMU a recensé 35 responsables et membres syndicaux
qui ont reçu au moins une fois la visite d’agents de l’État se présentant comme des
membres du NTF ELCAC à l’usine ou à leurs résidences de Cabuyao et de Canlubang, à
Laguna, et qui ont été interrogés sur leurs fonctions, leurs activités syndicales et
leurs cotisations syndicales.
- Entre février et août 2021, au moins
15 dirigeants et membres du Wyeth Philippines Progressive Workers’ Union Drug and
Food Alliance KMU ont au moins reçu une fois des visites d’agents de l’État se
présentant comme des membres du NTF ELCAC. Le responsable syndical Rico Dimaano et
le président du syndicat ont été menacés pour qu’ils signent une résolution du
conseil exécutif déclarant la désaffiliation du syndicat du KMU.
- En mars
2021, un ancien membre du KMU (nom non communiqué) travaillant à la rénovation de la
maison d’Eleanor de Guzman, directrice des droits de l’homme du KMU, a été interrogé
par deux hommes du CIDG qui ont indiqué que l’unité surveillait régulièrement la
résidence de Mme de Guzman et qu’elle allait déployer une équipe pour enlever Mme de
Guzman et d’autres personnes.
- En juin 2021, des affiches qualifiant de
terroristes le KMU et son président Elmer Labog ont été vues à proximité du siège du
KMU à Barangay Claro, à Quezon City, Laguna et Davao City. Les pages des médias
sociaux du gouvernement et les faux comptes financés par l’État qualifient également
le KMU et ses dirigeants de terroristes. En outre, les bureaux des centres syndicaux
sont surveillés et les biens sont souvent détruits, notamment en ce qui concerne le
siège du KMU à Barangay Claro à Quezon City, le bureau de Defend Jobs à Quezon City
et le bureau d’OLALIA KMU à Laguna.
- Les organisations plaignantes font
également état du dénigrement de Leon Porquia, un bénévole du KMU, accusé de
recruter des rebelles, ainsi que, plus largement, d’actes d’intimidation à
l’encontre de dirigeants et de membres des syndicats de travailleurs de TMA Group
Phils, F Tech, PIGLAS Middleby Phils Corp LIGA, Daiwa Seiko Phils, Sun logistics
Corp, Aichi Forge Phils et de travailleurs d’OLALIA KMU.
- 650. En relation avec les allégations ci-dessus, les organisations
plaignantes indiquent qu’elles ont signalé les récents cas de meurtre et d’autres
violations des droits de l’homme parmi les syndicats affiliés au KMU à la CDH, au DOLE
et au pouvoir judiciaire, mais que la progression des procédures est très lente afin
d’évaluer de manière juste l’apparent plan commandité par l’État visant à réduire au
silence les formations organisées qui critiquent les politiques anti-travailleurs de
l’administration. À l’heure de la soumission de ces allégations, les organisations
plaignantes indiquent qu’aucun membre des forces militaires ou de police n’a été
sanctionné ni pénalisé pour des violations des droits de l’homme; au contraire, beaucoup
ont été promus ou ont pris leur retraite. Le KMU, PAMANTIK et les familles des victimes
ont également fait appel au mécanisme de l’ordonnance administrative no 35 du ministère
de la Justice pour demander une enquête sur les incidents du «dimanche sanglant» et
l’assassinat de Dandy Miguel. Ils font valoir que ces assassinats ne devraient pas être
écartés sur la seule base de la présomption de régularité de l’action de la police ou
des arguments selon lesquels les personnes arrêtées se sont défendues ou que les
assassinats n’étaient pas liés au travail. Ils demandent au contraire une enquête
équitable et approfondie sur toutes les actions de la police et la mise en cause de
leurs auteurs. Les organisations plaignantes affirment que, pour les syndicalistes
arrêtés et détenus, leur défense juridique est un défi, que des juristes spécialisés
dans les droits de l’homme sont tués, que la loi est militarisée et que le système
judiciaire est compromis avec des juges soumis à la coercition militaire et menacés
d’être tués pour leur indépendance. Le KMU a fait part de ces préoccupations à
l’administrateur de la Cour suprême et a recommandé des réformes concernant les règles
des tribunaux et les directives relatives à l’émission de mandats d’arrêt et de
perquisition. La Cour suprême a publié la circulaire administrative no 13 en juillet
2021, qui exige l’utilisation de caméras corporelles lors des arrestations et des
perquisitions et limite le pouvoir des juges du Grand Manille de délivrer des mandats de
perquisition dans des lieux situés en dehors de leur juridiction. Le KMU a également
déposé une pétition remettant en cause la constitutionnalité de la loi antiterroriste de
2020 et une plainte auprès du Bureau national des enquêtes pour qu’il examine les
publications de l’État qui qualifient les dirigeants du KMU de terroristes.
- 651. Sur la base de ce qui précède, les organisations plaignantes
allèguent que les forces de sécurité de l’État continuent de porter atteinte aux droits
à la liberté syndicale et de violer de manière flagrante la loi, les procédures
régulières, les droits civils et les droits humains fondamentaux des travailleurs
philippins, notamment en assimilant les activités syndicales légitimes à des combats.
Même si le DOLE a fait valoir que les meurtres de travailleurs ne sont pas liés au
travail et que des recours sont disponibles pour les groupes de travailleurs en cas de
violations (tels que le mécanisme de l’ordonnance administrative no 35, les directives
sur la conduite des fonctionnaires), le problème réside dans l’absence d’état de droit,
la mise en œuvre des directives et la question de savoir si les mécanismes disponibles
s’avéreraient impartiaux lorsque les agences impliquées dans les enquêtes appartiennent
au NTF ELCAC. Les organisations plaignantes affirment que, alors que la Constitution,
les lois, les tribunaux et les directives sont en place, les forces de sécurité de
l’État ne respectent manifestement pas ces institutions et que le NTF ELCAC, lourdement
financé, est devenu le principal instrument des violations des droits de l’homme dans le
pays, ne persécutant pas les communistes armés mais les civils non armés et les
organisations légitimes. Les organisations plaignantes affirment donc que le
gouvernement n’a pas garanti, défendu et protégé les droits fondamentaux des
travailleurs à la vie, à la liberté, aux autres droits de l’homme fondamentaux et à la
liberté syndicale. Le fait que les meurtres et autres violations des droits de l’homme
aient persisté et se soient aggravés depuis la Conférence internationale du Travail de
2019 signifie que le gouvernement n’a pas pris de mesures significatives pour endiguer
ces abus; au contraire, il met en œuvre des politiques et des organes qui ouvrent la
voie aux violations des droits syndicaux et des droits humains. Les organisations
plaignantes appellent le gouvernement à mettre fin à la répression et aux violations des
droits humains à l’encontre des syndicalistes et de leurs familles.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement- 652. Dans sa communication datée du 30 septembre 2022, le gouvernement
indique que, à la suite des élections présidentielles de mai 2022, les départements et
organismes gouvernementaux chargés d’étudier les recommandations du comité ont été
profondément restructurés. Le gouvernement affirme respecter pleinement les normes du
travail de l’OIT. Il reconnaît les problèmes de longue date qui ont été portés à la
connaissance des mécanismes de contrôle de l’Organisation et rappelle qu’il a
l’intention de traiter ces problèmes avec objectivité. Il ajoute qu’il a récemment
adopté une politique visant à instaurer un dialogue ouvert avec diverses organisations
syndicales, notamment celles qui sont affiliées aux organisations plaignantes impliquées
dans le présent cas, afin d’obtenir des informations plus précises au sujet des
nombreuses plaintes dénonçant des actes de harcèlement, des inscriptions sur liste rouge
et des violences dirigés contre des syndicalistes. Par la voie de la communication et du
dialogue, le gouvernement se propose de collaborer avec les organisations syndicales
afin de créer des conditions plus propices à l’exercice des droits syndicaux. Ces
démarches viennent compléter des modifications introduites au sein du système
judiciaire, la Cour suprême ayant notamment émis une ordonnance administrative qui
circonscrit expressément la validité des mandats judiciaires à l’intérieur de la
juridiction territoriale du juge émetteur du mandat, l’objectif étant de remédier à la
pratique, vivement critiquée, des juges de Manille et de Quezon City consistant à
émettre des mandats susceptibles d’être exécutés dans des zones ne relevant pas de leur
juridiction.
- 653. En ce qui concerne les cas relatifs aux assassinats d’Antonio
Petalcorin, d’Emilio Rivera et de Kagi Alimudin qui sont à l’origine du présent cas, le
gouvernement indique que le système de mandats électroniques récemment mis en place aide
à surveiller étroitement les suspects qui n’ont pas encore été appréhendés et que la
police met désormais en œuvre simultanément diverses mesures d’application de la loi sur
la répression de la criminalité, loi qui prévoit l’exécution, tous les deux mois, des
mandats qui n’ont pas encore été appliqués. En conséquence, le commissariat de police de
Palomo à Davao City, qui est compétent pour les cas concernant Petalcorin et Rivera,
coordonne en permanence son action avec celle d’autres unités chargées de faire
respecter la loi afin de localiser et d’appréhender les suspects. Le cas concernant
Alimudin, bien qu’il ne soit pas classé comme un cas d’exécution extrajudiciaire sur la
base des directives opérationnelles de l’ordonnance administrative no 35, continue de
faire l’objet d’une enquête, conformément aux procédures classiques d’enquêtes pénales,
enquête qui reste toutefois entravée par l’absence de témoins directs.
- 654. En ce qui concerne les allégations supplémentaires soumises par les
organisations plaignantes en mars et juin 2021, le gouvernement affirme qu’elles
renvoient à des incidents distincts de ceux initialement soumis au titre du présent cas
et ne devraient pas être examinées dans le cadre de ce dernier. Il affirme également que
nombre des incidents allégués passent actuellement par les diverses étapes des
procédures d’enquête, des procédures de poursuite et des procédures judiciaires mises en
œuvre par des institutions nationales pleinement opérationnelles. Il indique en
particulier que des allégations faisant état d’exécutions extrajudiciaires ont été
soulevées par le Centre pour les syndicats et les droits de l’homme et sont examinées
par des organes de surveillance tripartites régionaux. Cinq des cas en question font
l’objet d’une enquête de police – ceux concernant Leonardo Escala, Alexander Ceballos,
Flora Gemola, Ronald Manlanat et Felipe Dacal-Dacal –, trois sont en instance devant les
tribunaux ou en cours de jugement – les cas signalés des meurtres d’Ariel Diaz, de
Julius Broce Barellano et des neuf agriculteurs dits «les 9 de Sagay». S’agissant du cas
d’Ariel Diaz, le gouvernement, se fondant sur un rapport du bureau de police de la
province d’Isabela établi en août 2021, indique que des poursuites pénales pour meurtre
ont été engagées devant le tribunal à l’encontre d’un suspect dûment identifié et de
plusieurs autres encore non identifiés. Selon la police, le motif du crime était un
litige foncier; les accusés, contre lesquels un mandat d’arrêt a été lancé, sont
actuellement recherchés. En ce qui concerne le cas de Julius Broce Barellano, un acte
d’accusation pour meurtre dirigé contre les suspects – lesquels ont été arrêtés et
placés en détention – a été déposé devant le tribunal local de San Carlos City (Negros
Occidental). En ce qui concerne les agriculteurs de Sagay, une procédure pénale pour
meurtres multiples (actuellement en instance devant la section 73 du tribunal régional
de Sagay City (Negros Occidental)) a été lancée contre deux personnes identifiées et
plusieurs autres non identifiées.
- 655. En ce qui concerne les autres cas présumés d’exécutions
extrajudiciaires, de détention illégale et d’inscriptions sur liste rouge mentionnés par
les organisations plaignantes en mars et juin 2021, le gouvernement déclare qu’il
s’engage à suivre attentivement ces cas mais que, en raison du grand nombre d’incidents
allégués et du temps écoulé depuis leur survenue, il devra disposer d’un délai
raisonnable pour obtenir des informations précises et fiables à leur sujet.
- 656. En ce qui concerne les allégations supplémentaires formulées par les
organisations plaignantes en septembre 2021, le gouvernement indique qu’elles renvoient
à deux autres cas de meurtres, à savoir celui de Dandy Miguel et ceux commis lors des
raids effectués dans le sud de Luzon pendant la journée connue sous le nom de «dimanche
sanglant». Le gouvernement fait savoir que Dandy Miguel a été abattu le 28 mars 2021 et
que son cas a été soumis au Comité interinstitutions (IAC) du ministère de la Justice en
vertu de l’ordonnance administrative no 35 immédiatement après les faits, à la suite de
quoi le secrétaire du ministère a ordonné la création immédiate d’une équipe d’enquête
spéciale, afin de faciliter l’enquête et la constitution du dossier. En avril 2022,
l’IAC a organisé des conférences ad hoc au cours desquelles le cas de Dandy Miguel a été
longuement examiné. Dans des rapports publiés en avril et septembre 2022, le procureur
général adjoint et chef du secrétariat de l’IAC a indiqué que l’enquête sur ce cas était
en cours.
- 657. En ce qui concerne les faits survenus lors du «dimanche sanglant»,
le gouvernement indique qu’ils se sont produits dans le cadre des raids effectués
simultanément par la police et les forces armées dans le sud de Luzon. Selon le
porte-parole de la police de la région IVA, ces raids ont été menés aux fins de
l’exécution de mandats de perquisition devant permettre la saisie d’armes à feu et
d’explosifs détenus de manière illégale. L’opération a entraîné la mort de neuf
personnes: Emmanuel «Manny» Asuncion, Chai Evangelista, Ariel Evangelista, Melvin
Dasigao, Mark Bacasno, Abner Esto, Edward Esto, Dumagat Puroy et Randy «Pulong» Dela
Cruz. Le secrétariat de l’IAC a indiqué en septembre 2022 que le cas faisait l’objet
d’un suivi permanent. Le gouvernement indique notamment les éléments suivants:
- En
janvier 2022, le ministère de la Justice a publié un communiqué de presse indiquant
que le Bureau national des enquêtes a déposé une plainte pour meurtre contre
17 fonctionnaires et membres du personnel associés à la Police nationale des
Philippines - Groupe d’enquête et de détection criminelle (PNP-CIDG) dans la
région IVA et ayant participé à l’exécution des mandats de perquisition à Nasugbu,
Bantangas, qui ont entraîné la mort d’Ariel et de Chai Evangelista.
- En ce
qui concerne la mort d’Emmanuel «Manny» Asuncion, l’équipe d’enquête spéciale a
recommandé le dépôt d’un acte d’accusation de meurtre contre certains agents des
forces de l’ordre impliqués dans l’incident. Une plainte contre 17 policiers
identifiés a par la suite été déposée auprès du procureur de Dasmariñas City, la
requérante étant en l’instance l’épouse d’Asuncion.
- En septembre 2022, le
ministère de la Justice a confirmé que 30 policiers au minimum seront inculpés pour
les meurtres des dirigeants syndicaux Emmanuel «Manny» Asuncion et Ariel et Chai
Evangelista. Quant aux autres victimes, l’équipe d’enquête spéciale poursuit ses
investigations.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 658. Le comité rappelle que le présent cas concerne des allégations de
détérioration de la situation des droits du travail dans le pays, caractérisée par de
nombreux cas d’exécutions extrajudiciaires de dirigeants et de membres syndicaux, de
tentatives d’assassinat, d’arrestations et de détentions illégales, d’inscription sur
liste rouge, de harcèlement, d’intimidation et de menaces à l’encontre de syndicalistes,
ainsi que des allégations de répression syndicale et d’ingérence dans les affaires
syndicales, et l’incapacité du gouvernement à enquêter de manière appropriée sur ces cas
et à traduire les auteurs en justice, ce qui renforce le climat d’impunité, de violence
et d’insécurité et nuit par conséquent à l’exercice des droits syndicaux.
- 659. Le comité note qu’une mission tripartite de haut niveau a eu lieu
dans le pays entre le 23 et le 26 janvier 2023, tel que demandé par la Commission de
d’application des normes de la Conférence dans ses recommandations de juin 2019
concernant l’application de la convention nº 87.
- 660. En ce qui concerne les allégations initiales et l’état d’avancement
des cas concernant les assassinats d’Antonio «Dodong» Petalcorin, d’Emilio Rivera et de
Kagi Alimudin Lucman (recommandation a)), le comité rappelle que les meurtres ont eu
lieu en 2013 et que le gouvernement a indiqué à plusieurs reprises qu’ils faisaient, ou
continuaient de faire, l’objet d’une enquête conformément à la procédure ordinaire
d’enquête et de poursuite pénale. Tout en prenant bonne note de l’indication du
gouvernement selon laquelle les trois cas font toujours l’objet d’une enquête et qu’un
certain nombre de mesures ont été mises en place pour faciliter la recherche des
suspects qui n’ont pas encore été appréhendés, notamment l’instauration d’une
coordination entre les services de répression compétents, le comité constate avec regret
que, pour les trois cas, aucune avancée réelle ne semble avoir été accomplie qui
permette de traduire les coupables en justice. Tout en reconnaissant une fois encore la
difficulté qu’il y a à poursuivre des enquêtes et à soumettre à la justice des
agissements criminels perpétrés il y a presque dix ans et dont les auteurs n’ont pas
encore été appréhendés, le comité doit exprimer une nouvelle fois le ferme espoir que
les coupables seront traduits en justice et condamnés sans délai, afin d’éviter que des
crimes aussi graves ne restent impunis. Le comité prie instamment le gouvernement de
continuer de faire tout son possible à cet égard et de le tenir informé de tout progrès
accompli.
- 661. En ce qui concerne les allégations supplémentaires communiquées par
l’ITF, l’UMA et la NFSW FGT en mars et juin 2021 (recommandations b) et c)), le comité
rappelle qu’elles font référence à une politique de répression et de criminalisation des
syndicats qui s’est traduite dans la pratique par de graves violations des droits
humains et syndicaux, dont 18 cas d’exécution extrajudiciaire de syndicalistes et de
dirigeants syndicaux depuis 2016, des arrestations illégales, des mises en détention et
de fausses accusations criminelles concernant plus de 100 travailleurs, militants des
droits de l’homme et syndicalistes, ainsi que de nombreux cas d’intimidation, de
harcèlement, d’inscription sur liste rouge et de menaces contre des syndicalistes et des
dirigeants syndicaux, dont la plupart se caractérisent par un certain degré
d’implication d’agents de l’État, en particulier des membres de la police, des forces
armées ou d’autres organisations sous leur contrôle. Le comité prend note de
l’indication du gouvernement selon laquelle un grand nombre des incidents allégués
passent actuellement par les diverses étapes des multiples procédures (conduite des
enquêtes, engagement des poursuites et processus judiciaires) mises en œuvre par des
institutions nationales pleinement opérationnelles, notamment les organes régionaux
tripartites de contrôle. Le gouvernement signale en particulier que cinq cas présumés de
meurtre font l’objet d’une enquête de police – ceux de Leonardo Escala, d’Alexander
Ceballos, de Flora Gemola, de Ronald Manlanat et de Felipe Dacal-Dacal – et que trois
sont en instance devant les tribunaux ou en cours de jugement – ceux d’Ariel Diaz, de
Julius Broce Barellano et des neuf agriculteurs de Sagay. Le comité relève que le
gouvernement ne fournit aucune information concrète sur les autres allégations formulées
par les organisations plaignantes, en particulier sur deux autres cas d’exécutions
extrajudiciaires et de nombreux cas de détention illégale et d’inscriptions sur liste
rouge [voir 396e rapport, octobre 2021, paragr. 515-517], mais indique qu’il a la ferme
intention de suivre ces cas, tout en soulignant les difficultés auxquelles il est
confronté à cet égard (notamment le nombre élevé d’incidents, et la longue période de
temps écoulée depuis leur survenue).
- 662. Prenant dûment note des développements susmentionnés rapportés par
le gouvernement, le comité rappelle qu’il a déjà exprimé sa profonde préoccupation face
à la gravité des allégations formulées, ainsi qu’à leur caractère répété et prolongé,
qui crée un climat de violence et d’impunité extrêmement préjudiciable à l’exercice
légitime des droits syndicaux dans le pays. Dans ce contexte, et rappelant en outre que
la simple absence de conflit du travail ou de campagne syndicale ne signifie pas
nécessairement qu’il n’existe aucun lien entre le crime et l’exercice d’activités, une
affiliation ou des responsabilités syndicales [voir Compilation des décisions du Comité
de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 92], le comité s’attend
fermement à ce que les enquêtes et les procédures judiciaires en cours prennent
pleinement en considération tout lien direct ou indirect susceptible d’être établi entre
ces agissements violents et les activités syndicales des victimes. Le comité s’attend
fermement à ce que le gouvernement donne la priorité aux enquêtes menées sur tous les
graves incidents susmentionnés et que les auteurs de violences contre des syndicalistes
soient identifiés et traduits en justice, qu’il s’agisse de personnes privées ou
d’agents de l’État, afin de lutter contre l’impunité et de prévenir la répétition de
tels agissements. Le comité prie instamment le gouvernement de lui communiquer des
informations à jour sur tout progrès accompli, notamment en ce qui concerne l’allégation
faisant état de l’exécution extrajudiciaire de Jose Jerry Catalogo et d’Antonio «Cano»
Arellano, au sujet de laquelle le gouvernement n’a encore fourni aucune information
précise. Le comité prie également instamment le gouvernement d’assurer immédiatement la
libération de tous les syndicalistes placés en détention s’il devait s’avérer que leur
arrestation ou leur détention était liée à l’exercice légitime de leurs droits
syndicaux.
- 663. S’agissant des informations supplémentaires fournies par les
organisations plaignantes en septembre 2021, le comité observe qu’elles concernent des
allégations relatives à une augmentation de la répression syndicale et de la privation
du droit d’organisation des travailleurs depuis 2017, avec un impact sérieux sur le
mouvement syndical dans le pays. En particulier, le comité observe que les organisations
plaignantes dénoncent l’assassinat de six syndicalistes – Danny Boy Bautista, Reynaldo
Malaborbor, Emmanuel «Manny» Asuncion, Melvin Dasigao, Mark Lee Bacasno et Dandy Miguel
– et de six autres militants, ainsi que la tentative d’assassinat de quatre autres
dirigeants et membres syndicaux, lors de raids menés par l’armée et la police entre
octobre 2018 et mars 2021, qui, selon les organisations plaignantes, font partie d’une
politique d’État visant à empêcher les travailleurs de s’organiser et à entraver le
véritable syndicalisme dans le pays. Pour sa part, le gouvernement n’examine pas les
allégations plus générales faisant état d’une politique étatique de répression syndicale
mais fournit des informations actualisées au sujet des allégations de meurtres de
syndicalistes et de militants. À cet égard, le comité note l’indication du gouvernement
selon laquelle l’instruction du meurtre de Dandy Miguel, commis le 28 mars 2021, a été
confiée au Comité interinstitutions du ministère de la Justice en application de
l’ordonnance administrative no 35 immédiatement après les faits, qu’une équipe d’enquête
spéciale a été créée pour faciliter l’enquête et que la constitution du dossier et
l’enquête sont en cours. Le comité note en outre que le gouvernement fournit des
précisions sur les faits survenus lors du «dimanche sanglant», à savoir les raids
effectués simultanément par la police et les forces armées dans le sud de Luzon, raids
qui, selon la police, ont été menés aux fins de l’exécution de mandats de perquisition
devant permettre la saisie d’armes à feu et d’explosifs détenus de manière illégale et
au cours desquels neuf personnes – Emmanuel «Manny» Asuncion, Chai Evangelista, Ariel
Evangelista, Melvin Dasigao, Mark Bacasno, Abner Esto, Edward Esto, Dumagat Puroy et
Randy «Pulong» Dela Cruz – ont trouvé la mort. À cet égard, le comité relève
l’indication du gouvernement selon laquelle, suite à une plainte émanant du Bureau
national des enquêtes, 30 policiers au moins seront inculpés pour les meurtres des
dirigeants syndicaux Emmanuel «Manny» Asuncion et Ariel et Chai Evangelista, et que les
autres incidents sont soumis aux investigations de l’équipe d’enquête spéciale.
- 664. À la lumière des dernières allégations, le comité doit une fois de
plus exprimer sa profonde préoccupation face aux allégations répétées et graves
d’assassinats ou de tentatives d’assassinats de syndicalistes et rappeler que le droit à
la vie est une condition indispensable à l’exercice des droits consacrés dans la
convention no 87. [Voir Compilation, paragr. 81.] Tout en prenant bonne note des
enquêtes en cours et des poursuites qui doivent être engagées contre plusieurs
fonctionnaires, le comité relève également les préoccupations des organisations
plaignantes, lesquelles estiment que, bien qu’elles aient notifié les incidents
susmentionnés à la CDH, au DOLE et à l’appareil judiciaire, le traitement de ces
allégations ne progresse que très lentement. Dans ces circonstances, le comité rappelle
que l’assassinat, la disparition ou des blessures graves de dirigeants syndicaux et de
syndicalistes nécessitent l’ouverture d’enquêtes judiciaires indépendantes afin de faire
toute la lumière, dans les meilleurs délais, sur les faits et les circonstances dans
lesquelles ces actes se sont produits pour déterminer, dans la mesure du possible, les
responsabilités, punir les coupables et empêcher la répétition de tels événements. [Voir
Compilation, paragr. 94.] En outre, la simple ouverture d’une enquête ne met pas fin à
la mission du gouvernement; celui-ci est tenu de donner tous les moyens nécessaires aux
instances chargées de ces enquêtes pour que celles-ci aboutissent à l’identification et
à la condamnation des auteurs. Compte tenu de ce qui précède, le comité prie instamment
le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que tous les cas présumés de
meurtres et de tentatives de meurtre signalés par les organisations plaignantes en
septembre 2021 fassent l’objet d’une enquête approfondie par un mécanisme indépendant,
afin d’identifier et de punir les auteurs, et de rendre compte des progrès accomplis à
cet égard. Constatant qu’aucune information n’a été fournie au sujet des faits relatifs
à l’assassinat de Danny Boy Bautista et de Reynaldo Malaborbor, le comité prie
instamment le gouvernement de lui fournir des précisions sur toute mesure prise pour
traiter ces cas et effectuer les enquêtes requises.
- 665. À la lumière des informations supplémentaires qui lui ont été
communiquées, le comité observe que les organisations plaignantes allèguent également
une criminalisation institutionnelle des activités syndicales, traduite dans la pratique
par une surveillance, des menaces et des arrestations et détentions arbitraires de
syndicalistes sur la base de fausses accusations criminelles et de fausses preuves, et
dénoncent une politique continue de dénigrement et une propagande antisyndicale menée
par l’armée, ainsi que l’inscription sur liste rouge du KMU et d’autres syndicats comme
organisations terroristes, ce qui se traduit par des menaces généralisées et un
harcèlement persistant, des perquisitions de domiciles et de bureaux, de fausses
redditions en tant que sympathisants de la NPA, des désaffiliations forcées et d’autres
formes d’ingérence dans les affaires syndicales, qui empêchent les travailleurs
d’exercer pleinement leur droit d’organisation. À cet égard, les organisations
plaignantes fournissent des détails sur les circonstances qui ont conduit à
l’arrestation et à la détention, sur la base de poursuites pénales abusives, d’environ
76 syndicalistes entre février 2018 et mars 2021, dont certains ont ensuite été libérés
sous caution mais continuent de faire l’objet de poursuites devant les tribunaux, et
donnent des précisions sur au moins 14 autres situations dans lesquelles de nombreux
syndicalistes de diverses organisations affiliées au KMU actives dans plusieurs
entreprises ont été soumis à différentes formes de harcèlement, d’ingérence dans les
affaires syndicales et de désaffiliation forcée à la suite d’accusations d’être associés
à une organisation terroriste ou de la soutenir. Enfin, le comité note que les
organisations plaignantes dénoncent la répression violente des grèves des travailleurs
et font état de plusieurs cas, entre 2017 et 2019, dans lesquels les forces armées, la
police et le personnel de sécurité privée ont eu recours à l’usage de la force
(agressions, passages à tabac avec des cannes, des barres métalliques et des matraques,
jets de pierres et utilisation de formol) pour disperser les travailleurs en grève dans
différents secteurs, ce qui a entraîné des blessures pour de nombreux travailleurs et
l’arrestation et la détention de plus de 100 travailleurs et membres de syndicats, dont
certains ont toujours des poursuites à leur encontre.
- 666. Observant que le gouvernement n’a communiqué aucune information à ce
sujet, le comité se doit d’exprimer sa profonde préoccupation tant devant la gravité des
allégations supplémentaires formulées que devant leur caractère répété et prolongé, qui
semblent avoir des effets extrêmement préjudiciables à l’exercice légitime des droits
syndicaux dans le pays, tels que décrits en détail par les organisations plaignantes. Le
comité observe également avec une profonde préoccupation que, selon les organisations
plaignantes, les auteurs directs de la plupart des cas susmentionnés sont des agents de
l’État, souvent en collaboration avec le personnel de sécurité privée des entreprises
concernées, et que la violence et le ciblage délibéré des syndicalistes seraient menés
dans le cadre d’un plan commandité par l’État visant à réduire au silence les
organisations légitimes, y compris les syndicats. Dans ces circonstances et compte tenu
de la multitude d’allégations graves formulées, le comité doit rappeler que le climat de
peur qui résulte des menaces de mort proférées contre des syndicalistes ne peut manquer
d’avoir une incidence défavorable sur l’exercice des activités syndicales, et celui-ci
n’est possible que dans le cadre du respect des droits fondamentaux de l’homme et dans
un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces en tout genre. [Voir
Compilation, paragr. 116.] Concernant les préoccupations des organisations plaignantes
quant à la criminalisation alléguée des activités syndicales et à l’assimilation de
syndicats légitimes à des organisations terroristes, le comité rappelle que le fait
d’assimiler purement et simplement les syndicats à un mouvement d’insurrection a pour
effet de les stigmatiser et de mettre souvent les dirigeants syndicaux et les
syndicalistes dans une situation d’extrême insécurité. Des allégations de comportement
criminel ne doivent pas être utilisées pour harceler des syndicalistes à cause de leur
affiliation ou de leurs activités syndicales. Il n’y a aucune chance qu’un système de
relations professionnelles stables fonctionne harmonieusement dans un pays tant que des
syndicalistes y seront soumis à des mesures d’arrestation et de détention. Le fait
d’intenter des poursuites pénales et de condamner à l’emprisonnement des dirigeants
syndicaux en raison de leurs activités syndicales n’est pas propice à l’établissement
d’un climat de relations professionnelles harmonieux et stable. [Voir Compilation,
paragr. 93, 80, 127 et 155.] En outre, le respect des principes de la liberté syndicale
suppose que les autorités publiques fassent preuve d’une grande retenue en ce qui
concerne toute intervention dans les affaires internes des syndicats et toute pression
ayant pour but que des travailleurs ou des dirigeants syndicaux renoncent à leur
affiliation syndicale serait contraire à ces principes. Enfin, en ce qui concerne les
allégations de dispersion violente des grèves, le comité souhaite rappeler que si les
travailleurs et leurs organisations ont l’obligation de respecter les lois du pays,
l’intervention des forces de sécurité dans une grève doit se borner strictement au
maintien de l’ordre public. L’emploi de la police pour briser une grève constitue une
atteinte aux droits syndicaux. [Voir Compilation, paragr. 933 et 931.]
- 667. Compte tenu de ce qui précède, le comité prie instamment le
gouvernement de fournir des observations détaillées et concrètes sur les graves
allégations supplémentaires de répression syndicale et de criminalisation des activités
syndicales signalées par le KMU en septembre 2021. Le comité prie instamment le
gouvernement de veiller à ce que tous les cas présumés de violence physique,
d’arrestations, de détention, de menaces et d’intimidation fassent l’objet d’enquêtes
rapides et approfondies et que les auteurs de violences contre des syndicalistes soient
identifiés et traduits en justice, y compris lorsqu’il s’agit d’agents de l’État, afin
de lutter contre l’impunité et de prévenir la répétition de tels actes. Le comité prie
instamment le gouvernement de veiller à ce que toute poursuite pénale en instance soit
abandonnée et que tout syndicaliste détenu soit immédiatement libéré, si son arrestation
ou sa détention est liée à l’exercice légitime de ses droits syndicaux. Le comité prie
également instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour répondre
aux allégations de coercition exercée sur des syndicalistes pour qu’ils renoncent à leur
affiliation syndicale, afin d’empêcher la répétition de tels cas, et de veiller à ce que
les grèves des travailleurs, tant qu’elles restent pacifiques, ne donnent pas lieu à un
usage disproportionné de la force par la police ou l’armée.
- 668. Enfin, en ce qui concerne le climat de violence et d’insécurité
précédemment allégué dans ce cas (recommandation d)) et encore dénoncé dans les
dernières informations des organisations plaignantes, le comité note que le gouvernement
reconnaît les problèmes dont le comité a été saisi depuis très longtemps et affirme son
attention de traiter les problèmes en question avec objectivité. Le comité relève en
particulier que le gouvernement a signalé avoir adopté une politique visant à engager le
dialogue avec les organisations syndicales, notamment avec celles qui sont affiliées aux
organisations plaignantes impliquées dans le présent cas, dans le but d’obtenir des
informations plus précises sur les nombreuses plaintes faisant état d’actes de
harcèlement, d’inscriptions sur liste rouge et de violences dirigées contre des
syndicalistes; selon le gouvernement, l’adoption de cette politique a pour but
d’améliorer le cadre de l’exercice des droits syndicaux dans le pays. Le gouvernement
indique également que, pour remédier à la pratique vivement critiquée de certains juges
consistant à émettre des mandats susceptibles d’être exécutés en dehors de leur
juridiction, la Cour suprême a émis une ordonnance administrative qui circonscrit
expressément la validité des mandats judiciaires à l’intérieur de la juridiction
territoriale du juge émetteur du mandat. Le comité relève également les informations
communiquées par le gouvernement à la Commission d’experts pour l’application des
conventions et recommandations, indiquant que, dans son arrêt de décembre 2021, la Cour
suprême a déclaré que la loi antiterroriste n’était pas inconstitutionnelle dans sa
totalité, mais a toutefois invalidé deux de ses dispositions, dont l’une qui autorisait
une interprétation trop imprécise des éléments constitutifs du terrorisme, afin qu’elle
cesse de viser indistinctement le militantisme, les expressions de désaccord et de
dissensions, les arrêts du travail, les actions revendicatives ou collectives, et autres
modalités de l’exercice des droits civils et politiques.
- 669. Prenant bonne note de ces diverses mesures et initiatives, le comité
souhaite rappeler qu’un mouvement syndical libre et indépendant ne peut se développer
que dans un climat exempt de violence, de menaces et de pressions et qu’il incombe au
gouvernement de garantir que les droits syndicaux peuvent se développer normalement.
[Voir Compilation, paragr. 87.] Compte tenu de ce qui précède, le comité prie instamment
le gouvernement de faire tout ce qui est en son pouvoir, en instaurant notamment une
collaboration directe, franche et constructive avec les organisations de travailleurs,
pour traiter de manière adéquate et remédier aux allégations extrêmement graves selon
lesquelles la violence et la répression à l’encontre des syndicats sont menées dans le
cadre d’un programme commandité par l’État visant à réduire au silence les syndicats
légitimes, allégations qui, si elles étaient avérées, entraveraient sérieusement le
développement d’un véritable mouvement syndical dans le pays. À cet égard, le comité
prie instamment le gouvernement d’intensifier la lutte contre les violences faites aux
syndicalistes en concevant et en mettant en œuvre toutes les mesures nécessaires à cet
effet, y compris des orientations et des instructions claires à l’intention de tous les
agents de l’État et de rendre opérationnels les mécanismes nationaux de surveillance et
d’enquête, de manière à prévenir la répétition d’actes violents contre des syndicalistes
et des dirigeants syndicaux et à faire en sorte que ceux-ci ne soient pas
systématiquement soupçonnés d’appartenir à des groupes insurrectionnels ou autres
groupes paramilitaires, compte tenu de l’effet stigmatisant que cela peut avoir sur
l’exercice d’activités syndicales légitimes.
- 670. Le comité attire spécialement l’attention du Conseil
d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 671. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite
le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Rappelant
que les assassinats d’Antonio «Dodong» Petalcorin, d’Emilio Rivera et de Kagi
Alimudin Lucman ont eu lieu en 2013 et que le gouvernement a indiqué qu’ils étaient,
ou continuent d’être, en cours d’instruction conformément à la procédure ordinaire
d’enquête et de poursuite pénale, le comité doit exprimer une nouvelle fois le ferme
espoir que les auteurs seront traduits en justice et condamnés sans délai, afin
d’éviter que ces crimes restent impunis. Le comité prie instamment le gouvernement
de faire tout son possible à cet égard et de le tenir informé de tout progrès en la
matière.
- b) S’agissant des allégations formulées par l’ITF, l’UMA et la
NFSW-FGT en mars et juin 2021 (allégations faisant état d’exécutions
extrajudiciaires, d’arrestations illégales, de mises en détention, d’accusations
mensongères, d’intimidations, de harcèlement, d’inscriptions sur liste rouge et de
menaces visant des membres et dirigeants syndicaux), le comité s’attend fermement à
ce que les enquêtes et les procédures judiciaires en cours prennent pleinement en
considération tout lien direct ou indirect susceptible d’être établi entre ces
agissements violents et les activités syndicales des victimes. Le comité s’attend
fermement à ce que le gouvernement donne la priorité aux enquêtes effectuées pour
faire la lumière sur ces graves incidents et que les auteurs des violences contre
les syndicalistes soient identifiés et traduits en justice, qu’il s’agisse de
particuliers ou d’agents de l’État, afin de lutter contre l’impunité et d’empêcher
la répétition de tels agissements. Le comité prie instamment le gouvernement de lui
communiquer des informations à jour sur les progrès accomplis, s’agissant notamment
de l’allégation dénonçant l’exécution extrajudiciaire de Jose Jerry Catalogo et
d’Antonio «Cano» Arellano, au sujet de laquelle le gouvernement n’a encore fourni
aucune information précise.
- c) Le comité prie instamment le gouvernement de
prendre les mesures nécessaires pour que toutes les allégations faisant état
d’assassinats et de tentatives d’assassinat formulées par les organisations
plaignantes en septembre 2021 fassent l’objet d’une enquête approfondie, menée par
un mécanisme indépendant, afin d’identifier et de punir les coupables, et de rendre
compte des avancées réalisées à cet égard. Constatant qu’aucune information n’a été
communiquée au sujet des incidents ayant trait à l’assassinat de Danny Boy Bautista
et de Reynaldo Malaborbor, le comité prie instamment le gouvernement de lui fournir
des précisions sur les démarches entreprises et les enquêtes effectuées pour faire
la lumière sur ces affaires.
- d) Le comité prie instamment le gouvernement de
lui communiquer des observations détaillées et concrètes au sujet des graves
allégations supplémentaires formulées par le KMU en septembre 2021, dénonçant une
répression antisyndicale et une criminalisation des activités syndicales. Le comité
prie instamment le gouvernement de veiller à ce que tous les cas présumés de
violences physiques, d’arrestations, de détentions, de menaces et d’intimidations
fassent rapidement l’objet d’enquêtes approfondies et que les auteurs de violences
contre des syndicalistes soient identifiés et traduits en justice, y compris
lorsqu’il s’agit d’agents de l’État, afin de lutter contre l’impunité et de prévenir
la répétition de tels agissements.
- e) Le comité prie instamment le gouvernement
de veiller à ce que toutes les poursuites pénales en instance soient abandonnées et
que tous les syndicalistes placés en détention soient immédiatement libérés, s’il
devait s’avérer que leur arrestation ou leur détention était liée à l’exercice
légitime de leurs droits syndicaux.
- f) Le comité prie également instamment le
gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour répondre aux allégations
dénonçant des pressions exercées sur des syndicalistes pour les contraindre à
renoncer à leur affiliation syndicale, afin d’empêcher la répétition de tels
incidents, et de veiller à ce que les grèves menées par les travailleurs, pour
autant qu’elles restent pacifiques, ne donnent pas lieu à un usage disproportionné
de la force par la police ou l’armée.
- g) Enfin, soulignant la responsabilité du
gouvernement en ce qui concerne les enquêtes sur les allégations dénonçant des
violences commises contre des travailleurs ayant entrepris de s’organiser ou de
défendre par tout autre moyen leurs intérêts, le comité prie instamment le
gouvernement de faire tout ce qui est en son pouvoir, notamment dans le cadre d’une
collaboration directe, franche et constructive avec les organisations de
travailleurs, pour traiter de manière satisfaisante les allégations extrêmement
graves selon lesquelles la violence et la répression à l’encontre des syndicats sont
menées dans le cadre d’un programme commandité par l’État visant à réduire au
silence des syndicats légitimes, allégations qui, si elles se révélaient fondées,
entraveraient sérieusement le développement d’un véritable mouvement syndical dans
le pays. À cet égard, le comité prie instamment le gouvernement d’intensifier la
lutte contre les violences faites aux syndicalistes en concevant et en mettant en
œuvre toutes les mesures nécessaires à cet effet, y compris des orientations et des
instructions claires à l’intention de tous les agents de l’État et de rendre
opérationnels les mécanismes nationaux de surveillance et d’enquête, de manière à
prévenir la répétition d’actes violents contre des syndicalistes et des dirigeants
syndicaux et à faire en sorte que ceux-ci ne soient pas systématiquement soupçonnés
d’appartenir à des groupes insurrectionnels ou autres groupes paramilitaires, compte
tenu de l’effet stigmatisant que cela peut avoir sur l’exercice d’activités
syndicales légitimes.
- h) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil
d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent
cas.