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Rapport définitif - Rapport No. 401, Mars 2023

Cas no 3225 (Argentine) - Date de la plainte: 11-AVR. -16 - Clos

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Allégations: Les organisations plaignantes affirment que, dans le cadre d’un conflit collectif, des travailleurs coopérateurs ont été lésés dans leurs droits constitutionnels et que Mme Milagro Sala, responsable de l’Association civile, sociale, culturelle et sportive Túpac Amaru, a été illégitimement privée de liberté

  1. 98. La plainte figure dans des communications de l’Association civile, sociale, culturelle et sportive Túpac Amaru, de l’Association des travailleurs de l’État (ATE) et de la Centrale des travailleurs de l’Argentine (CTA des travailleurs), datées des 11 avril, 16 août et 10 novembre 2016.
  2. 99. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications datées du 8 mars et du 23 octobre 2017, ainsi que du 22 mars 2018.
  3. 100. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 101. Dans leurs communications des 11 avril, 16 août et 10 novembre 2016, les organisations plaignantes allèguent que, dans le cadre d’une grève et d’un conflit collectif menés dans la province de Jujuy en décembre 2015, des travailleurs coopérateurs ont été lésés dans leurs droits constitutionnels et que Mme Milagro Sala, responsable de l’Association civile, sociale, culturelle et sportive Túpac Amaru (ci-après la Túpac Amaru), une association civile affiliée à la CTA des travailleurs, a été illégitimement privée de liberté.
  2. 102. Selon la documentation jointe à la plainte, la Túpac Amaru est un groupement politique d’origine populaire et autochtone fondé à la fin des années quatre-vingt-dix dans la province de Jujuy; elle vise à redynamiser les milieux les plus défavorisés de la province en gérant des programmes de logement, de santé, d’emploi et d’éducation par le biais de coopératives locales organisées par les habitants. La documentation indique également que Mme Sala est une militante sociale indigéniste, fortement engagée en faveur des droits humains, des peuples autochtones, des laissés-pour-compte et des exclus, et qu’elle a contribué à reconstruire la société civile dans la province en promouvant le travail décent et en organisant des services d’éducation et de santé gratuits et de qualité, créant ainsi un nouveau tissu social.
  3. 103. Les organisations plaignantes indiquent qu’après avoir pris ses fonctions de gouverneur de la province le 10 décembre 2015, M. Gerardo Morales a suspendu les paiements octroyés aux coopératives, en violation des accords et des engagements de travaux publics signés par l’État provincial et que, confrontés à cette situation, les coopérateurs ont décidé de procéder à un rassemblement pacifique à partir du 14 décembre sous la forme d’un campement sur la place Belgrano, cherchant un moyen de négocier avec le pouvoir exécutif au niveau provincial. Elles ajoutent que la Túpac Amaru a adressé trois demandes d’audience au gouverneur, mais n’a reçu aucune réponse. Elles affirment par ailleurs que si officiellement le gouverneur a gardé le silence, il a fait savoir dans les médias qu’il ne rencontrerait pas l’organisation, et il s’est contenté d’agresser et de stigmatiser Mme Sala, l’accusant sans fondement de délits inexistants.
  4. 104. Les organisations plaignantes soulignent que, le 13 janvier 2016, le pouvoir exécutif provincial a publié le décret no 403/G-2016 en vertu duquel les coopératives ont fait l’objet d’une soi disant régularisation, dite «Plan de régularisation et de transparence des coopératives et des prestations sociales», prévoyant le recensement des personnes et des organisations sociales et des mesures de contrainte. Elles citent différents articles du décret aux termes desquels, outre l’établissement d’un plan de régularisation des coopératives et des prestations sociales et la réinscription des bénéficiaires, instruction était donnée au bureau du procureur d’entamer la procédure visant à retirer la personnalité juridique aux associations civiles pour des délits commis lors du rassemblement sur la place, et il était prévu que les personnes et les organisations qui continueraient à participer au rassemblement ne bénéficieraient plus des plans, prestations ou programmes de logements sociaux. Les organisations plaignantes allèguent qu’en vertu des dispositions de ce décret Mme Sala a été privée de liberté le 16 janvier 2016 au motif présumé «d’incitation à commettre des délits et appel à l’ émeute» dans le cadre de ce qui était un conflit collectif du travail avec les coopératives de l’organisation qu’elle représentait et un campement pacifique organisé sur la place. Elles indiquent que Mme Sala a été détenue au commissariat de police jusqu’au 21 janvier et qu’elle a ensuite été transférée à la prison pour femmes.
  5. 105. Les organisations plaignantes considèrent que le décret susmentionné est inconstitutionnel, car il porte atteinte à la défense des coopératives et témoigne de l’extorsion exercée par le pouvoir exécutif à l’encontre des personnes et associations civiles qui usent de leur droit de protestation et de grève. Elles considèrent que les mesures ordonnées par le pouvoir judiciaire de la province de Jujuy ainsi que les communications publiques du gouverneur de la province (information journalistique jointe) constituent une persécution idéologique et politique, ce qui fait de la détention de Mme Sala un acte de privation illégitime de liberté d’un dirigeant syndical dans le cadre d’un conflit du travail. Les organisations plaignantes considèrent que les mesures prises ont porté atteinte au droit de manifestation pacifique des travailleurs coopérateurs et que l’intervention des autorités policières sur le lieu de la manifestation a eu pour effet de restreindre une forme de protestation, en violation de la convention no 87. Elles ajoutent que, dans un avis adopté en 2016, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a déclaré que la privation de liberté de Mme Milagro Sala était arbitraire et a demandé au gouvernement de la libérer immédiatement.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 106. Dans ses communications du 8 mars et du 23 octobre 2017, ainsi que du 22 mars 2018, le gouvernement indique que la Túpac Amaru n’est pas une organisation syndicale mais une association civile, créée à des fins sociales, culturelles et sportives, qu’elle n’est pas inscrite au registre des syndicats et ne remplit pas les conditions pour être considérée comme un syndicat; elle ne relève donc pas de la compétence du système de contrôle de l’OIT. Il souligne qu’il s’agit d’une organisation de quartier, d’une organisation politique de base populaire dont l’objectif n’est pas la défense des travailleurs. Il rappelle également que le fait que la Túpac Amaru soit membre de la CTA des travailleurs – laquelle a bien une vocation syndicale et accepte l’affiliation d’entités sociales – ne signifie pas que l’on puisse modifier l’objet que les intéressés eux-mêmes se sont fixé lorsqu’ils l’ont constituée.
  2. 107. Le gouvernement ajoute que Mme Milagro Sala n’est pas une dirigeante syndicale, qu’elle n’a été ni élue ni désignée à cette fin par une organisation syndicale et que, selon les informations qui lui ont été fournies, elle n’est plus membre de la Túpac Amaru depuis avril 2015, comme il ressort du dossier de l’organisme qui s’occupe de la question à la direction des entités juridiques du ministère public de la province de Jujuy. Le gouvernement indique en outre que la plainte ne mentionne pas l’étendue de l’action de Mme Sala dans l’organisation ou la défense des droits des travailleurs et coopérateurs qui se seraient trouvés sur la place Belgrano et que l’on ne sait pas non plus si elle a participé à la représentation d’une organisation syndicale concrètement. Il considère que la plainte comporte une faiblesse initiale, à savoir l’absence d’un syndicat dont on pourrait considérer que Mme Sala est la représentante ou la dirigeante.
  3. 108. Le gouvernement souligne également qu’on ne peut déduire de la plainte qu’il y a eu un conflit collectif du travail en lien avec une négociation proprement dite entre travailleurs et employeurs et qu’on ne saurait parler d’un conflit collectif, phénomène naturel dans le monde du travail qui renvoie à un mécanisme de règlement réunissant l’employeur et les travailleurs, dans lequel ces derniers sont représentés par les délégués ou les autorités du syndicat représentatif ayant un champ d’application personnel et territorial déterminé. Le gouvernement estime qu’aucun de ces aspects ne se retrouve dans les faits exposés dans la plainte.
  4. 109. Le gouvernement indique que: i) qualifier le rassemblement pacifique de grève menée par des travailleurs et relevant du droit d’organisation protégé par les conventions nos 87 et 98 est manifestement inapproprié, car la situation exposée dans la plainte ne témoigne pas d’une négociation ou d’un conflit collectif du travail au sens de ces conventions; ii) le rassemblement a eu lieu quatre jours après la prise de fonctions du gouverneur et le décret no 403/G-2016 visait à régulariser les organisations et les coopératives sociales, de sorte que l’action déployée lors du rassemblement est de nature politique; et iii) il n’y a pas eu de conflit collectif ni de dirigeant syndical identifié qui aurait été lésé dans ses droits, y compris le droit à la liberté syndicale. Le décret susmentionné indique que le mode d’assistance et d’aide de l’État qui était en vigueur jusqu’au 10 décembre 2015 a échoué, faute de contrôle de l’État de quelque type que ce soit et du fait que certaines organisations exerçaient un contrôle discrétionnaire et paragouvernemental de ces fonds publics. Il s’agissait dès lors d’enregistrer et de régulariser les coopératives et les personnes bénéficiant de programmes de logement, de dispositifs d’aide sociale, de prestations alimentaires et autres, sans recourir à des modes de protestation violents tels que rassemblements, barrages routiers, destruction de biens publics et privés et, entre autres actes de violence, les mesures mises en œuvre par les organisations sociales dirigées par Mme Milagro Sala.
  5. 110. Le gouvernement souligne que le gouverneur n’a eu d’autre choix que de faire évacuer la place où se déroulait le rassemblement, vu le déploiement colossal de tentes et de chapiteaux qui s’étendaient non seulement sur l’esplanade de la place, mais aussi sur les principales artères de la ville. Cela signifie qu’il ne s’agissait pas seulement d’occuper un espace vert, mais d’interrompre immédiatement la circulation et de nuire ainsi au transport public de passagers en particulier, et donc aussi directement aux commerces environnants, autrement dit d’assiéger la ville. Le gouvernement ajoute que le «campement» a commencé à se déployer dès le deuxième jour ouvrable après l’entrée en fonctions du gouverneur, de manière à intimider de toute évidence le gouvernement démocratiquement élu, avant qu’il n’ait pu émettre le moindre acte administratif.
  6. 111. Le gouvernement indique ce qui suit: i) le 11 janvier 2016, Mme Sala a été convoquée à une audience pour l’informer des accusations portées contre elle. Elle s’est engagée à s’identifier auprès du Service des casiers judiciaires, obligation qu’elle n’a pas respectée, et à s’abstenir de tout acte susceptible d’entraver la manifestation de la vérité et l’application de la loi pénale, ce qu’elle n’a pas fait non plus; et ii) le 16 janvier, sur la base de son comportement pendant la procédure et de la position personnelle qui a été la sienne après l’audience, le juge a ordonné sa détention, qui s’est prolongée jusqu’au 28 janvier, date à laquelle il y a été mis fin, en contrepartie d’une caution pécuniaire; cependant, Mme Sala est restée en détention provisoire, sur décision de justice, au motif qu’elle aurait commis les délits d’association illicite, de fraude à l’encontre de l’administration publique et d’extorsion.
  7. 112. Le gouvernement fournit des informations sur l’état d’avancement des diverses affaires dans lesquelles des charges pèsent sur Mme Sala et pour lesquelles elle a été privée de liberté, à savoir:
    • Dossiers nos 129.652/16, 131.072/16 et autres pour association illicite, fraude à l’encontre de l’administration publique et extorsion. Le recours contre la décision de détention provisoire de Mme Sala est en cours devant la Cour suprême de justice de la Nation, après que la Chambre d’appel et la Haute Cour de justice de Jujuy ont rejeté les arguments de la défense, confirmant la décision du juge du contrôle.
    • Dossier no 140.750/2016 pour abus d’autorité et fraude à l’encontre de l’administration publique. Dans cette affaire qui en est au stade de l’enquête, Mme Sala n’est pas privée de liberté.
    • Dossier no 2990/12 pour dissimulation de tentative d’homicide simple. La Chambre d’appel et de contrôle a confirmé l’acte d’accusation, a placé l’accusée en détention provisoire et l’a renvoyée en jugement.
    • Dossier no 18487/16 pour lésions graves qualifiées. La Chambre d’appel et de contrôle a confirmé l’inculpation et la détention provisoire de Mme Sala.
    • Dossier no 86.175/14 pour menaces. Bien que l’affaire soit portée en jugement, Mme Sala n’est pas privée de liberté dans ce cas.
    • Dossier no 127785/2015 pour incitation à commettre des crimes et appel à l’émeute. Bien que l’affaire soit en appel devant la Haute Cour de justice, Mme Sala n’est pas privée de liberté dans ce cas.
    • Dossier no 137.181/16 pour fraude à l’encontre de l’administration publique. L’affaire en est au stade de l’enquête et Mme Sala est détenue avec possibilité de communiquer.
    • Dossier no 129.652/16 pour menaces. Le procureur a demandé le renvoi de l’affaire en jugement, ce qui a été confirmé par le juge du contrôle, et la défense a fait appel de cette décision.
    • Dossier no 169.638/17 pour menaces répétées. L’enquête pénale préliminaire progresse avec collecte de preuves.
  8. 113. Le gouvernement souligne qu’il n’a en aucune manière été porté atteinte à la liberté individuelle de Mme Sala pour des motifs syndicaux et il indique que sa détention relève de l’action ordinaire du pouvoir judiciaire, toutes les garanties de procédure régulière étant respectées. Il joint une copie d’un arrêt de 2017 de la Cour suprême de justice de la Nation (CSJ/2017/CS1), rendu dans l’affaire «Sala; Milagro Amalia Angela et autres s/p.s.a. association illicite, fraude à l’encontre de l’administration publique et extorsion», ordonnant qu’il soit donné suite à la demande formulée le 23 novembre 2017 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme, à savoir que les mesures de protection nécessaires et effectives soient prises immédiatement afin de garantir la vie, l’intégrité physique et la santé de Mme Milagro Sala, et notamment que sa détention provisoire soit remplacée par une assignation à résidence et que lui soient dispensés les soins médicaux et psychologiques dont elle aurait besoin et qu’elle accepterait.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 114. Le comité observe que le présent cas porte sur des allégations de privation illégitime de liberté de Mme Milagro Sala, responsable de l’Association civile, sociale, culturelle et sportive Túpac Amaru (ci après la Túpac Amaru), qui serait détenue depuis le début de 2016, ainsi que d’atteinte aux droits constitutionnels de travailleurs coopérateurs. Il note que, comme il ressort de la plainte et des documents qui y sont joints, la Túpac Amaru est un groupement politique d’origine populaire et autochtone fondé à la fin des années quatre-vingt-dix dans la province de Jujuy, qui vise à redynamiser les milieux les plus défavorisés en gérant des programmes de logement, de santé, d’emploi et d’éducation par le biais de coopératives.
  2. 115. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent ce qui suit: i) quatre jours après son entrée en fonctions, le gouverneur de la province de Jujuy a suspendu les paiements octroyés aux coopératives et les coopérateurs ont décidé de procéder à un rassemblement pacifique sur une place publique, cherchant un moyen de négocier avec l’exécutif provincial; ii) le gouverneur non seulement ne les a pas reçus, mais il a agressé et stigmatisé Mme Sala, l’accusant sans fondement de délits inexistants; iii) un mois plus tard a été publié le décret no 403/G-2016 établissant une soi-disant régularisation des coopératives et des prestations sociales, donnant au bureau du procureur instruction d’entamer la procédure visant à retirer la personnalité juridique aux associations civiles pour des délits commis lors du rassemblement sur la place et disposant que les personnes qui poursuivraient le rassemblement ne bénéficieraient plus des plans et programmes sociaux (les organisations plaignantes considèrent que le décret porte atteinte à la défense des coopératives et témoigne de l’extorsion exercée par le pouvoir exécutif à l’encontre des personnes et des associations civiles qui usent de leur droit de protestation et de grève); et iv) trois jours après la publication du décret, Mme Sala a été privée de liberté pour «incitation à commettre des crimes et appel à l’émeute», preuve de la persécution idéologique et politique dont elle fait l’objet. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu en 2016 que la privation de liberté de Mme Sala était arbitraire et a demandé sa libération immédiate.
  3. 116. Le comité note que, à ce sujet, le gouvernement indique ce qui suit: i) la Túpac Amaru n’est pas une organisation syndicale mais une association civile, Mme Sala n’est pas une dirigeante syndicale, il n’y a pas eu de conflit collectif du travail en lien avec une négociation proprement dite entre travailleurs et employeurs, et qualifier le rassemblement pacifique de grève est inapproprié; ii) comme indiqué dans le décret no 403/G-2016, certaines organisations exerçaient un contrôle discrétionnaire et paragouvernemental des fonds publics et il était nécessaire d’enregistrer et de régulariser les coopératives, sans recourir à des modes de protestation violents tels que rassemblements, barrages routiers, destruction de biens publics et privés; iii) Mme Sala est détenue sur décision de justice, au motif qu’elle serait l’auteure de délits dont elle est accusée dans différentes affaires, à savoir association illicite, fraude à l’encontre de l’administration publique et extorsion, une affaire qui est devant la Cour suprême de justice de la Nation; et iv) en 2017, cette cour a ordonné qu’il soit donné suite à la demande de la Cour interaméricaine des droits de l’homme de prendre des mesures de protection pour garantir la vie, l’intégrité physique et la santé de Mme Sala, notamment en remplaçant la détention provisoire par une assignation à résidence.
  4. 117. Le comité note que, d’après la documentation soumise par les organisations plaignantes et par le gouvernement, il apparaît que le rassemblement, auquel ont participé principalement des organisations sociales et des coopérateurs, a été organisé pour protester contre les mesures prises par le nouveau gouverneur visant à suspendre les paiements octroyés aux coopératives. Le comité note que la Résolution concernant l’économie sociale et solidaire, adoptée par la Conférence internationale du Travail lors de sa 110e session, qui inclut les coopératives, établit que les États Membres devraient considérer «la nécessité de faire en sorte que les entités et les travailleurs de l’économie sociale et solidaire jouissent de la liberté syndicale et d’une reconnaissance effective du droit de négociation collective». Le comité rappelle également qu’il a déjà eu l’occasion de considérer la situation particulière dans laquelle se trouvent les travailleurs de l’entité coopérative en ce qui concerne tout particulièrement la protection de leurs intérêts de travailleurs et estime que ceux-ci devraient jouir du droit d’association ou de constitution des syndicats afin de défendre lesdits intérêts. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 399.] Le comité observe que, dans ce cas particulier, il ne ressort pas des informations et documents fournis que l’action de protestation des membres des coopératives émanait d’un conflit du travail ou que les mesures prises par le gouvernement régional de Jujuy aient eu une incidence sur l’exercice des droits syndicaux. Sur la base de ce qui précède, le comité ne procédera pas à l’examen des allégations concernant la violation des droits constitutionnels des travailleurs coopérateurs.
  5. 118. En ce qui concerne la situation de Mme Sala, le comité note que, selon des informations publiques, elle serait toujours assignée à résidence. Il note également que, dans un jugement rendu le 15 décembre 2022, la Cour suprême de justice de la Nation a confirmé la décision du tribunal de Jujuy, qui l’avait condamnée en 2019 à treize ans de prison pour association illicite, fraude à l’encontre de l’administration publique et extorsion. Dans ce jugement, la Cour suprême de justice considère que la décision avait déjà été révisée par la Haute Cour de Jujuy et que la défense n’avait pas été en mesure de démontrer qu’il y avait eu atteinte à un droit fédéral ou qu’il s’agissait d’une décision arbitraire, ce qui permettrait l’intervention de la Cour suprême fédérale.
  6. 119. Le comité note qu’il ne ressort pas de la documentation fournie que les affaires judiciaires pour lesquelles Mme Milagro Sala a été condamnée à une peine d’emprisonnement étaient liées à l’exercice d’activités syndicales ou d’activités d’une autre nature qui auraient pu nuire à l’exercice des droits syndicaux, dans la mesure où Mme Sala a été condamnée pour les délits d’association illicite en tant que dirigeante, de fraude à l’encontre de l’administration publique et d’extorsion. Selon cette documentation, lesdits actes auraient eu lieu dans le cadre d’une organisation caractérisée par un degré élevé de coordination, un mode d’action recourant à l’intimidation et une gestion verticale par l’accusée d’une structure politico-sociale montée pour percevoir des fonds publics destinés à des programmes sociaux et les détourner au profit de l’association illicite faisant l’objet de l’enquête. Le comité rappelle qu’il a estimé que, lorsqu’il ressort des informations qui lui ont été fournies que les intéressés avaient été jugés par les autorités judiciaires compétentes, qu’ils avaient bénéficié des garanties d’une procédure judiciaire régulière et qu’ils avaient été condamnés pour des actes qui n’avaient aucun rapport avec les activités syndicales ou qui débordaient le cadre des activités syndicales normales, le cas n’appelait pas un examen plus approfondi. [Voir Compilation, paragr. 183.] En conséquence, le comité considère que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 120. Au vu des conclusions qui précèdent, et compte tenu du fait que les questions analysées dans le présent cas ne concernent pas l’affectation des droits syndicaux, le comité invite le Conseil d’administration à décider que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi.
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