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Rapport définitif - Rapport No. 401, Mars 2023

Cas no 3322 (Pérou) - Date de la plainte: 10-MARS -18 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante fait état de pratiques antisyndicales auxquelles se serait livrée une entreprise industrielle, notamment le licenciement de membres d’un syndicat et de dirigeants syndicaux

  1. 611. La plainte figure dans des communications en date du 10 mars et du 23 juillet 2018 envoyées par la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP).
  2. 612. Le gouvernement du Pérou a fait part de ses observations sur les allégations dans des communications datées des 16 et 23 août, 9 octobre et 21 et 30 novembre 2018, 22 janvier, 8 mars et 6 mai 2019, ainsi que du 10 août 2022.
  3. 613. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 614. Dans sa communication du 10 mars 2018, l’organisation plaignante fait état de pratiques antisyndicales, notamment le licenciement de dirigeants du Syndicat des travailleurs de VSI Industrial SAC, auxquelles se serait livrée l’entreprise VSI Industrial SAC (ci-après «l’entreprise»), qui est spécialisée dans les équipements sanitaires et de robinetterie dans le pays et qui fait partie du groupe d’entreprises Vainsa SA (ci après «le groupe d’entreprises»).
  2. 615. L’organisation plaignante affirme qu’après la constitution du syndicat en 2010 le groupe d’entreprises a procédé à une restructuration dans le but de se dégager de ses engagements sociaux envers les travailleurs, à la suite de quoi le syndicat a commencé à mener des activités destinées à protéger les droits de ses membres, ce qui a permis de conclure sept conventions collectives au fil des années.
  3. 616. L’organisation plaignante indique que, le 27 mai 2011, à la suite d’une grève de quarante jours ayant conduit à la conclusion d’une convention collective, l’entreprise a licencié le secrétaire général du syndicat, M. Daniel Salazar Ayala, ainsi que son secrétaire à la défense, M. Walter Legia Onton, et son secrétaire de l’organisation, M. Robert Chauca Prado, dans le but de réduire l’action syndicale. Elle soutient que l’entreprise a convoqué ces dirigeants pour négocier leur licenciement et qu’elle est parvenue à un accord avec MM. Salazar Ayala et Legia Onton, qui ont présenté leur démission en échange de compensations financières.
  4. 617. L’organisation plaignante indique que M. Chauca Prado, pour sa part, a refusé les propositions de l’entreprise et déposé une requête auprès du 27e tribunal du travail. Celui-ci s’est prononcé en sa faveur et a annulé son licenciement par une décision datée du 18 mai 2012, qui a été confirmée le 1er août 2013 en deuxième instance par la troisième Chambre du travail de Lima. Elle indique également que l’entreprise a formé un pourvoi en cassation, qui a été invalidé par la Chambre du droit constitutionnel de la Cour suprême le 12 janvier 2015.
  5. 618. L’organisation plaignante soutient que l’entreprise n’a pas tenu compte de la décision de justice et qu’elle a transféré M. Chauca Prado dans une autre section, dont le processus de production ne cadrait pas avec son domaine de spécialisation. Elle indique qu’il a dû apprendre de nouvelles tâches et que son salaire, en plus d’avoir été réduit, était gelé alors que d’autres travailleurs de la même catégorie que la sienne bénéficiaient d’augmentations. Elle affirme que M. Chauca Prado a envoyé une lettre à la direction de l’entreprise pour lui demander de respecter la décision judiciaire, requête que l’entreprise a rejetée en soutenant que les travailleurs devaient se conformer au mandat de leur employeur, et que s’y soustraire serait considéré comme une faute grave.
  6. 619. L’organisation plaignante indique qu’en 2016 le syndicat a nommé M. Chauca Prado secrétaire général et M. Valerio Torvisco Rojas, secrétaire à la défense. Conformément au plan de travail approuvé, ils ont tous deux signalé plusieurs infractions – actes de discrimination antisyndicale et violations du droit de négociation collective, notamment – à la Direction générale nationale de l’inspection du travail (SUNAFIL) et lui ont demandé de procéder à des inspections dans l’entreprise.
  7. 620. L’organisation plaignante soutient qu’à la suite de cette initiative, l’entreprise a menacé les dirigeants du syndicat de renvoi et a commencé à accorder des augmentations de salaire à ses travailleurs non syndiqués et à leur octroyer les avantages obtenus par le syndicat. Elle indique que les dirigeants syndicaux ont adressé une lettre au directeur général de l’entreprise pour dénoncer ces mesures d’incitation financière, qui avaient pour but d’inciter les membres à quitter le syndicat, et demander que des mesures correctives soient prises.
  8. 621. Selon l’organisation plaignante, l’entreprise a continué de se livrer à des pratiques antisyndicales en créant un comité sur l’environnement de travail pour garantir que les travailleurs non syndiqués adressent l’ensemble de leurs réclamations et requêtes à cette entité, dont l’objectif était de réduire l’action syndicale. Elle indique que chaque section ou secteur d’activité devait élire un représentant au comité et que les membres du syndicat ne pouvaient pas se présenter.
  9. 622. L’organisation plaignante affirme que le 19 janvier 2017, MM. Chauca Prado et Torvisco Rojas ont demandé qu’une inspection soit réalisée en raison des violations des droits fondamentaux associées à la création de cette organisation parallèle, et que le 31 janvier 2017, l’entreprise les a licenciés pour propos injurieux tenus envers un supérieur hiérarchique et pour communication de fausses informations. Elle indique que MM. Chauca Prado et Torvisco Rojas ont déposé une demande en nullité de licenciement auprès du premier tribunal spécialisé permanent en matière de travail de Lima Sud et qu’en raison de ces licenciements, le syndicat s’est retrouvé morcelé et inactif.
  10. 623. Dans sa communication du 23 juillet 2018, l’organisation plaignante allègue que l’entreprise a également procédé au licenciement pour motifs antisyndicaux de trois autres membres du syndicat. Elle indique que: i) M. Jorge Silva Nuñez a été licencié le 16 mars 2018 pour faute grave sous forme écrite et pour avoir communiqué de fausses informations à l’entreprise à la suite d’un différend avec celle-ci au sujet des résultats d’un examen médical qu’il avait subi après un accident du travail; ii) M. Willians Sallago Izquierdo a été licencié le 22 juin 2018 pour injure et faute sous forme verbale après avoir engagé avec un collègue une discussion sur des disparités salariales qui existaient au sein de l’entreprise; et iii) M. Lucio Rey Salazar a été licencié le 5 juillet 2018 pour avoir abandonné son travail durant six jours alors qu’il était blessé et ne disposait pas encore de certificat d’incapacité.
  11. 624. L’organisation plaignante indique que M. Silva Nuñez et Sallago Izquierdo ont saisi le pouvoir judiciaire pour demander leur réintégration, mais déplore la lenteur des procédures judiciaires dans le pays. Elle affirme que les licenciements avaient pour seul but de briser le syndicat et que les travailleurs non syndiqués – qui bénéficient de tout le soutien de la direction de l’entreprise – n’ont pas subi le même sort.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 625. Par ses communications du 16 août et du 9 octobre 2018, le gouvernement a présenté les observations de l’entreprise concernant les allégations exposées dans le présent cas. L’entreprise indique qu’elle a procédé en 2013 à une restructuration à la suite d’une décision des propriétaires. Elle soutient que cette restructuration a été menée dans le respect rigoureux des procédures prévues par la législation péruvienne et qu’elle ne cherchait pas à se dégager des engagements qu’elle avait pris en matière de travail.
  2. 626. S’agissant des licenciements survenus en 2011, l’entreprise soutient que les trois dirigeants syndicaux ont commis des fautes graves en utilisant illégalement le logo, les marques et les signes distinctifs de l’entreprise, ce qui est sans lien aucun avec les activités syndicales, qui se déroulent sans heurts au sein de l’entreprise, comme en attestent les conventions collectives conclues entre 2010 et 2018. Elle affirme avoir respecté le mandat de réintégration de M. Chauca Prado à la suite des décisions judiciaires émises en sa faveur, puisqu’elle a respecté sa catégorie, lui a octroyé la même rémunération et lui a versé les salaires qui lui étaient dus. S’agissant de MM. Salazar Ayala et Legia Onton, elle soutient qu’il n’existait aucune controverse, puisque la relation de travail avait cessé d’un commun accord.
  3. 627. S’agissant de la création du comité sur l’environnement de travail, l’entreprise soutient que tout travailleur a été autorisé à présenter sa candidature aux élections organisées pour élire les représentants dudit comité, qui se sont déroulées de manière ouverte. Elle indique que, dans le cadre de l’inspection du comité que le syndicat a demandé à la SUNAFIL de réaliser, aucune infraction n’a été constatée.
  4. 628. S’agissant des licenciements survenus en 2017, l’entreprise affirme que MM. Chauca Prado et Torvisco Rojas ont commis des fautes graves (injure et agressions verbales envers l’employeur et des fonctionnaires) qui étaient sans rapport avec leur activité syndicale.
  5. 629. S’agissant du licenciement des trois membres du syndicat en 2018, l’entreprise affirme qu’ils résultaient également de fautes graves qui étaient sans rapport avec l’exercice de la liberté syndicale. Elle nie avoir eu pour intention de déstabiliser le syndicat et affirme en outre que M. Rey Salazar n’a jamais compté parmi les membres du syndicat.
  6. 630. Dans sa communication du 23 août 2018, le gouvernement fournit des informations sur les inspections du travail menées par la SUNAFIL au sein de l’entreprise. Il indique qu’entre le 1er janvier 2014 et le 26 juillet 2018, 69 ordres d’inspection ont été émis, dont 12 ont abouti à des constats d’infraction. Il précise que trois de ces infractions avaient trait aux relations collectives de travail, deux à des actes de harcèlement et d’hostilité, et deux à des actes de discrimination au travail.
  7. 631. Dans ses communications du 21 novembre 2018, du 22 janvier, du 8 mars et du 6 mai 2019, et du 10 août 2022, le gouvernement rend compte de l’issue des procédures judiciaires engagées dans le cadre du présent cas. S’agissant du recours déposé par MM. Chauca Prado et Torvisco Rojas à la suite de leur licenciement en 2017, le gouvernement indique que le premier tribunal spécialisé permanent en matière de travail de Lima Sud a ordonné le 7 juin 2018 la réintégration provisoire des deux travailleurs. Il indique également que l’entreprise a réintégré M. Chauca Prado le 27 juin 2022.
  8. 632. S’agissant des recours déposés pour les licenciements de 2018, le gouvernement indique que: i) le deuxième tribunal spécialisé en matière de travail de Lima Sud a ordonné la réintégration de MM. Silva Nuñez et Sallago Izquierdo par des décisions datées du 7 mai 2019 et du 18 octobre 2019, respectivement; et ii) après que le pourvoi en cassation formé par l’entreprise contre le jugement du 18 octobre 2019 a été déclaré irrecevable, M. Sallago Izquierdo a pu être réintégré.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 633. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue qu’une entreprise spécialisée dans les équipements sanitaires et de robinetterie a commis des actes antisyndicaux contre un syndicat constitué en 2010, notamment le licenciement de trois de ses dirigeants le 27 mai 2011, le licenciement de deux de ses dirigeants le 31 janvier 2017 et le licenciement de trois de ses membres en 2018. Il note également que l’entreprise affirme que les licenciements sont intervenus pour fautes graves et que le gouvernement, pour sa part, informe de l’issue des inspections du travail menées au sein de l’entreprise et des procédures judiciaires engagées à la suite desdits licenciements.
  2. 634. S’agissant des licenciements, le comité note que l’organisation plaignante soutient que: i) le 27 mai 2011, l’entreprise a licencié M. Daniel Salazar Ayala, qui était alors le secrétaire général du syndicat, ainsi que deux autres dirigeants du syndicat, MM. Walter Legia Onton et Robert Chauca Prado, pour réduire l’action syndicale à l’issue d’une grève de quarante jours; ii) l’entreprise est parvenue à un accord avec MM. Salazar Ayala et Legia Onton pour qu’ils présentent leur démission en échange de compensations financières; iii) M. Chauca Prado a contesté son licenciement et, à l’issue des décisions judiciaires rendues en sa faveur, l’entreprise l’a réintégré au sein d’une autre section et lui a versé un salaire plus bas; iv) le 31 janvier 2017, l’entreprise a licencié M. Chauca Prado, qui avait été nommé secrétaire général du syndicat, ainsi que M. Valerio Torvisco Rojas, un autre dirigeant, après qu’ils avaient demandé à la SUNAFIL de procéder à des inspections en lien avec des violations du droit du travail; v) MM. Chauca Prado et Torvisco Rojas ont contesté leur licenciement devant le premier tribunal spécialisé permanent en matière de travail de Lima Sud; vi) en 2018, l’entreprise a procédé au licenciement pour motifs antisyndicaux de trois membres du syndicat, MM. Jorge Silva Nuñez, Willians Sallago Izquierdo et Lucio Rey Salazar; et vii) MM. Silva Nuñez et Sallago Izquierdo ont intenté des actions en justice pour obtenir leur réintégration.
  3. 635. Le comité note que l’entreprise, dans ses observations communiquées par le gouvernement, affirme que: i) elle a licencié les dirigeants et les membres du syndicat pour fautes graves et non pas en raison de leur action ou de leur affiliation syndicales; ii) elle s’est conformée aux décisions judiciaires ayant invalidé le premier renvoi de M. Chauca Prado, puisqu’il a été réintégré au sein de la même catégorie d’emploi, qu’il a reçu la même rémunération et que les salaires qui lui étaient dus lui ont été versés; iii) elle n’a jamais eu pour intention de déstabiliser le syndicat; et iv) M. Rey Salazar n’a jamais été membre dudit syndicat.
  4. 636. Le comité note par ailleurs que le gouvernement indique que: i) entre janvier 2014 et juillet 2018, la SUNAFIL a procédé à 69 inspections au sein de l’entreprise et a émis 12 constats d’infraction; ii) dans une décision du 7 juin 2018, le premier tribunal spécialisé permanent en matière de travail de Lima Sud a ordonné la réintégration provisoire de MM. Chauca Prado et Torvisco Rojas; iii) le 27 juin 2022, l’entreprise a réintégré une seconde fois M. Chauca Prado; iv) dans des décisions datées du 7 mai et du 18 octobre 2019, le deuxième tribunal spécialisé en matière de travail de Lima Sud a respectivement ordonné la réintégration de MM. Silva Nuñez et Sallago Izquierdo; et v) l’entreprise a formé un pourvoi en cassation contre la décision du 18 octobre 2019, qui a été rejeté le 3 septembre 2020, raison pour laquelle M. Sallago Izquierdo a été réintégré. Compte tenu des constats d’infraction qui ont été établis par la SUNAFIL, des décisions judiciaires relatives aux licenciements qui ont été rendues et des informations communiquées par le gouvernement au sujet de la réintégration de MM. Chauca Prado et Sallago Izquierdo, le comité s’attend à ce que MM. Torvisco Rojas et Silva Nuñez aient également été réintégrés et que les autorités compétentes continuent de veiller au plein respect de la liberté syndicale au sein de l’entreprise. En outre, compte tenu du fait que plusieurs années se sont écoulées entre la décision ordonnant la réintégration de M. Chauca Prado et sa réintégration effective, le comité s’attend à ce que les ordonnances de réintégration soient respectées en temps utile afin d’assurer une protection efficace contre les actes de discrimination antisyndicale.
  5. 637. En outre, le comité note que l’organisation plaignante allègue que: i) l’entreprise a créé un comité sur l’environnement de travail chargé de centraliser l’ensemble des réclamations et des requêtes des travailleurs non syndiqués; et ii) les membres du syndicat ne pouvaient pas faire partie de ce comité, dont la finalité était de réduire l’action syndicale. Le comité note que l’entreprise affirme ce qui suit: i) tous les travailleurs pouvaient être élus au sein dudit comité; et ii) la SUNAFIL n’a constaté aucune infraction commise par l’entreprise lorsqu’elle a procédé à une inspection à ce sujet. Compte tenu des positions divergentes de l’organisation plaignante et de l’entreprise, le comité rappelle l’importance de garantir que, lorsqu’une entreprise compte des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées sont prises pour assurer que la présence de représentants élus ne peut servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés. Le comité veut croire que la SUNAFIL a tenu compte de ces critères au cours des inspections qu’elle a réalisées dans l’entreprise. Compte tenu de ce qui précède, le comité considère que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 638. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité s’attend à ce que MM. Torvisco Rojas et Silva Nuñez aient été réintégrés et que les autorités compétences continuent de veiller au plein respect de la liberté syndicale au sein de l’entreprise. Il s’attend en outre à ce que les ordonnances de réintégration soient respectées en temps utile afin d’assurer une protection efficace contre les actes de discrimination antisyndicale.
    • b) Le comité veut croire que lors des inspections qu’elle a réalisées dans l’entreprise, la SUNAFIL s’est assurée que la présence des représentants élus par les travailleurs n’a pas servi à affaiblir la situation du syndicat intéressé.
    • c) Le comité considère que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos.
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