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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 401, Mars 2023

Cas no 3414 (Malaisie) - Date de la plainte: 08-OCT. -21 - En suivi

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que la reconnaissance d’un syndicat représentatif dans une entreprise forestière est retardée depuis douze ans, l’employeur faisant un usage abusif de la procédure judiciaire et tirant parti des lacunes de la législation

  1. 549. La plainte figure dans une communication de l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) datée du 8 octobre 2021.
  2. 550. Le gouvernement a fait parvenir ses observations partielles dans des communications datées du 1er et du 30 septembre 2022, et du 3 février 2023.
  3. 551. La Malaisie a ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, mais pas la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 552. Dans sa communication datée du 8 octobre 2021, l’IBB allègue que depuis 2009, l’entreprise forestière malaisienne Sabah Forest Industries (ci-après l’entreprise) refuse systématiquement de reconnaître le Syndicat des employés du bois du Sabah (STIEU), malgré deux votes à bulletin secret, tenus respectivement en 2010 et 2018, selon lesquels la majorité des travailleurs souhaitaient que le STIEU les représentent, et malgré deux décisions du ministre des Ressources humaines (MOHR) accordant la reconnaissance au syndicat. L’organisation plaignante indique que, à force de contester systématiquement le processus de détermination de la représentativité du STIEU et les décisions administratives applicables, l’entreprise entrave depuis douze ans la procédure de reconnaissance juridique du STIEU en tant que représentant de ses employés.
  2. 553. L’organisation plaignante allègue en outre des actes d’ingérence de la part de l’entreprise, notamment en envisageant la reconnaissance d’un syndicat interne n’existant plus, le Syndicat des employés des industries forestières du Sabah (SFIEU) – qu’elle avait antérieurement refusé de reconnaître, dans le but d’éviter d’avoir à reconnaître le STIEU –, et en communiquant des informations erronées à des travailleurs migrants du Népal et d’Indonésie désireux de participer aux activités syndicales, en prétendant que leur permis de séjour ne leur permettait pas d’exercer une activité syndicale.
  3. 554. S’agissant des conséquences de cette situation, l’organisation plaignante allègue que, en l’absence d’un syndicat légalement reconnu, avec lequel elle aurait été obligée de négocier, l’entreprise a procédé unilatéralement à des changements relativement aux conditions d’emploi de ses effectifs, dont une réduction des salaires et des conditions de travail plus difficiles et parfois plus dangereuses. L’organisation plaignante déclare que des travailleurs ont subi des blessures graves et trois sont décédés à cause d’un équipement mal entretenu et de protocoles de sécurité insuffisants. Par ailleurs, en l’absence d’un syndicat légalement reconnu, lorsque l’entreprise a imposé unilatéralement des licenciements massifs à la fin de 2017, les travailleurs n’ont pu négocier collectivement ni engager une action collective.
  4. 555. L’organisation plaignante allègue que, en 1991, les travailleurs ont constitué un syndicat interne, le SFIEU, que l’entreprise n’a jamais reconnu. En 2009, les travailleurs ont dissous le SFIEU et ont décidé de s’affilier au syndicat déjà existant au niveau de l’État du Sabah, le STIEU. Le 24 octobre, le STIEU a présenté une demande de reconnaissance à la direction. Le 30 octobre, l’entreprise a déclaré qu’elle ne reconnaîtrait pas le STIEU, au motif que les travailleurs forestiers ne relevaient pas de la compétence du syndicat.
  5. 556. Du 30 novembre au 1er décembre 2010, le Département des relations professionnelles a organisé un vote à bulletin secret sur la base de la liste d’employés établie – que l’entreprise avait tenté de remplacer – et 85 pour cent des votants étaient favorables au STIEU. Le 26 janvier 2011, le MOHR reconnaissait le STIEU. Le 1er mars, l’entreprise a saisi la Haute Cour, réclamant une révision judiciaire de la décision ministérielle. La Haute Cour a rejeté le recours en révision, et l’entreprise a fait appel de cette décision. La Haute Cour a rendu une ordonnance de sursis à statuer dans l’attente de l’examen du recours. En dernier ressort, le 27 novembre 2012, la cour d’appel s’est prononcée en faveur de l’entreprise et a ordonné au ministre de revoir sa décision concernant la composition des effectifs du STIEU.
  6. 557. En 2013, après avoir demandé un prêt à la Société financière internationale (SFI), qui exigeait des consultations régulières avec les travailleurs et leurs représentants, l’entreprise a constitué une commission consultative paritaire (CCP) – une plateforme interne pour le traitement des griefs des employés. L’organisation plaignante déclare que la reconnaissance du syndicat aurait permis de satisfaire à l’exigence de consultation des représentants des travailleurs et allègue que, tout au long de 2013, les travailleurs ont contesté la création de la CCP, n’y ont pas participé activement et ont plutôt persisté à réclamer la reconnaissance du STIEU par l’entremise du MOHR.
  7. 558. Le 14 février 2014, le Directeur général des relations professionnelles (DGIR) a convoqué une réunion entre l’entreprise et le syndicat, qui a abouti à la décision datée du 10 mars 2014, autorisant le syndicat à présenter une nouvelle demande de reconnaissance. Le 17 mars, le syndicat présentait la nouvelle demande. Toutefois, le 2 avril, l’entreprise a une fois de plus refusé de reconnaître le syndicat, au motif que la demande n’était pas conforme à la loi, car y figuraient des travailleurs qui n’étaient pas admissibles à la syndicalisation.
  8. 559. Selon l’organisation plaignante, en juillet 2014, l’entreprise a été invitée à fournir une liste des employés admissibles à la syndicalisation. La liste a été présentée au DGIR le 22 août. Le 12 septembre, le DGIR a informé l’entreprise par écrit de son intention d’organiser un vote à bulletin secret le 22 septembre. Toutefois, l’entreprise a demandé le report du vote dans l’attente d’une réponse du Département des organisations syndicales concernant la compétence du STIEU en matière de représentation des travailleurs.
  9. 560. Le 26 septembre 2014, une audience a eu lieu concernant la programmation du vote à bulletin secret; lors d’une autre audience tenue le 29 septembre, il a été établi que 116 travailleurs rentraient dans la catégorie contestée et devaient être interrogés avant la tenue d’un vote. Les 3 et 4 novembre, le Département des relations professionnelles a interrogé les travailleurs pour vérifier leur admissibilité. Le 17 novembre, le DGIR a confirmé par écrit à l’entreprise que le STIEU avait effectivement compétence pour représenter les travailleurs de l’entreprise; et le 8 décembre, le Département des relations professionnelles (IRD) a terminé ses enquêtes visant à identifier les travailleurs admissibles au vote à bulletin secret. Dans une lettre datée du 15 avril 2015, l’IRD a communiqué à l’entreprise ses conclusions quant à l’admissibilité des 116 travailleurs faisant l’objet de la contestation et, dans une autre lettre datée du 16 avril, il a fixé au 27 avril la tenue du vote à bulletin secret. L’entreprise a informé par écrit le DGIR qu’elle rejetait cette décision; et le 24 avril a informé le MOHR de son intention d’introduire un recours en révision.
  10. 561. L’organisation plaignante allègue en outre que, le 7 novembre 2014, lors du processus d’établissement de la liste des travailleurs admis à participer au vote, l’entreprise a distribué à tous les employés une circulaire indiquant son intention de soutenir uniquement le SFIEU, un syndicat interne que les travailleurs avaient dissous en 2009 et que l’entreprise avait jusqu’ici refusé de reconnaître.
  11. 562. Le 14 mai 2015, l’entreprise a introduit son troisième recours en révision devant la Cour suprême du Sabah pour contester la liste des employés admissibles au vote à bulletin secret. L’affaire n’a pas été entendue avant 2016 et, le 13 juin 2016, la Cour a rejeté le recours introduit par l’entreprise. Celle-ci a fait appel de cette décision, appel également rejeté en octobre 2017. L’organisation plaignante déclare que la décision rendue en octobre 2017 aurait dû lever le dernier obstacle à la tenue du vote à bulletin secret, mais elle n’a jamais été communiquée par écrit, d’où un nouveau report, jusqu’à l’intervention du nouveau MOHR. Le vote a finalement eu lieu le 29 octobre 2018, bien que l’entreprise ait refusé que l’élection ait lieu sur place et n’ait autorisé les travailleurs à s’absenter que pendant leur pause déjeuner pour aller voter dans une école située à proximité. Le STIEU a été élu comme syndicat représentatif avec plus de 70 pour cent des votes – soit 680 des 933 travailleurs admissibles – et le ministre a accordé la reconnaissance au syndicat par une lettre-formulaire F datée du 21 novembre 2018.
  12. 563. L’organisation plaignante déclare que l’entreprise a fait faillite au début de 2017 et, le 28 juin de cette même année, la firme Grant Thornton Consulting (M) Sdn Bhd (ci-après l’administrateur judiciaire) a été nommée comme son administrateur judiciaire et gérant. L’IBB allègue qu’en novembre 2017, juste après que la Cour d’appel s’est prononcée concernant le dernier recours introduit par l’entreprise pour s’opposer à la reconnaissance du STIEU, l’entreprise a annoncé l’entrée en vigueur le 1er janvier 2018 d’un programme de mises à pied temporaires concernant 1 350 employés. Seulement environ 200 des quelque 1 600 employés de l’entreprise ont conservé leur poste et ont continué de percevoir l’intégralité de leur salaire. Selon l’organisation plaignante, cette annonce a fait l’effet d’un choc parmi les travailleurs, aucune négociation n’ayant eu lieu antérieurement sur cette question.
  13. 564. En avril 2018, Ballarpur Industries Limited (BILT) (ci-après la société mère), dont l’entreprise est une filiale, a confirmé la vente de l’entreprise à la firme Pelangi Prestasi Sdn Bhd (ci-après l’acquéreur). En avril 2018, l’administrateur judiciaire et l’acquéreur ont abouti à un accord sur la vente; toutefois, pour que la vente soit finalisée, plusieurs approbations étaient nécessaires, notamment des approbations réglementaires pour le transfert de permis d’aménagement forestier. Selon l’organisation plaignante, suite aux élections nationales de mai 2018, le nouveau gouvernement de l’État du Sabah a annoncé un examen de tous les détenteurs de concession de bois de construction, y compris des unités d’aménagement forestier. En mars 2019, le gouvernement du Sabah a décidé de renoncer à approuver le transfert de permis d’aménagement forestier à l’acquéreur et a ajouté de nouvelles conditions pour l’octroi de ces permis à l’avenir.
  14. 565. Le 28 février 2019, l’administrateur judiciaire a introduit un recours en révision de la décision du ministre datée du 21 novembre 2018 accordant la reconnaissance au STIEU. L’organisation plaignante allègue que, lors d’une rencontre organisée la première semaine de mars 2019, le directeur de l’administration judiciaire a informé le secrétaire général du STIEU que le recours en révision avait été introduit parce qu’il serait difficile de vendre l’entreprise avec un syndicat dans la place. L’IBB ajoute que, dès 2018, l’entreprise et l’administrateur judiciaire avaient obtenu une ordonnance de sursis à statuer pour se protéger contre toute action en justice et pour faciliter le processus de vente; le syndicat ne pouvait contester en justice ce recours en révision.
  15. 566. L’organisation plaignante ajoute que, le transfert des permis d’aménagement forestier n’ayant pas été accepté, les conditions du contrat de vente et d’achat n’étaient pas respectées et l’accord a été résilié le 1er avril 2019. Ce même mois, l’administrateur judiciaire a émis un avis invitant toutes les parties intéressées à présenter des offres pour l’acquisition des actifs de l’entreprise. En juin 2019, l’acquéreur a déposé une demande d’injonction devant la Haute Cour malaisienne, afin d’empêcher l’application des nouvelles conditions préalables à l’octroi de permis de coupe, que la Haute Cour a accueillie. Au même moment, l’acquéreur a intenté une action au civil contre l’entreprise et l’administrateur judiciaire. En juillet 2019, la Haute Cour a recommandé que les parties envisagent la médiation, compte tenu des nombreux travailleurs touchés par le report de la vente. L’organisation plaignante déclare que, selon le STIEU, le statut des travailleurs était incertain depuis la mise en liquidation judiciaire de l’entreprise en 2017 et que l’on s’attendait à ce qu’une décision de la Haute Cour mette la situation au clair, permettant aux travailleurs d’entamer des discussions avec leurs employeurs.
  16. 567. Le 26 février 2020, la Haute Cour a annulé la décision ministérielle de reconnaître le syndicat. Le MOHR a fait appel de cette décision. Cependant, la procédure a été suspendue à cause de la pandémie de COVID 19. L’organisation plaignante déclare que l’entreprise et l’administrateur judiciaire n’ont pas encore reconnu le syndicat.
  17. 568. L’organisation plaignante allègue que, dans le cas présent, les retards excessifs pris par le gouvernement et l’usage abusif fait de la procédure judiciaire par les employeurs ont empêché la reconnaissance du syndicat; elle ajoute que l’entreprise a pu contourner le système parce que certains aspects du droit malaisien ne sont pas conformes au droit international. À cet égard, l’organisation plaignante se réfère à:
    • l’article 9(1) de la loi sur les relations professionnelles (IRA) qui interdit aux employés exerçant des fonctions d’encadrement, de direction, de confidentialité ou de sécurité d’adhérer à un syndicat non représentatif du personnel de direction et de s’engager dans la négociation collective. L’IBB allègue que, la définition de ces termes étant laissée à leur discrétion, les employeurs font souvent des erreurs délibérées dans le classement des employés pour qu’ils ne puissent créer un syndicat ou y adhérer. L’organisation plaignante ajoute que le gouvernement aurait pu modifier cette disposition dans le cadre de la révision de 2020 de l’IRA, pour empêcher les employeurs de définir ces termes, faisant ainsi échec aux démarches d’obtention de l’enregistrement du syndicat, mais s’est abstenu de le faire;
    • en vertu de l’article 12 de la loi sur les syndicats (TUA), l’enregistrement des syndicats est largement laissé à la discrétion de la Direction générale des syndicats (DGTU), l’article 12(2) de la TUA disposant que la DGTU peut «refuser d’enregistrer un syndicat […] si elle est “convaincue” qu’il existe un syndicat représentant les travailleurs appartenant à cette entreprise, branche, profession ou industrie particulière, et que l’existence d’un autre syndicat n’est pas dans l’intérêt des travailleurs concernés»;
    • l’organisation plaignante déclare que cette disposition porte atteinte au pluralisme syndical dans les cas où la DGTU est «convaincue» qu’un syndicat existe déjà et qu’un autre syndicat ne serait pas dans l’intérêt des travailleurs. Le critère de la conviction laisse à la DGTU une trop grande discrétion, et les travailleurs n’ont pas leur mot à dire sur ce qui est dans leur intérêt. En conclusion, l’organisation plaignante déclare qu’une procédure de douze ans (qui se poursuit) pour l’obtention de la reconnaissance syndicale est excessive et que cela constitue de la part du gouvernement une violation flagrante du droit à la liberté syndicale: outre ses propres lenteurs administratives, il a permis aux employeurs de contourner le système afin de retarder ou d’empêcher l’enregistrement du syndicat, et il a négligé de réviser la loi afin d’éviter que ces problèmes ne se répètent.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 569. Dans sa communication du 1er septembre 2022, le gouvernement souligne qu’il est très déterminé à renforcer les droits et la protection des travailleurs, et indique qu’il a modifié l’IRA de 1967 en 2019 afin d’étendre la protection des travailleurs et des employeurs, et d’améliorer le système de règlement des différends pour qu’il soit plus efficace et efficient. Selon le gouvernement, ces modifications ont été apportées dans le respect des normes internationales du travail.
  2. 570. Concernant les lenteurs de la procédure de reconnaissance, le gouvernement indique que, dans ce cas particulier, elles échappent au contrôle du MOHR, l’entreprise ayant le droit d’exercer toutes les voies de recours prévues par la législation de l’État. Le gouvernement évoque plusieurs actions en justice intentées par l’entreprise et l’administrateur judiciaire qui ont retardé la procédure de reconnaissance: le recours en révision de la décision ministérielle de reconnaître le syndicat, qui a donné lieu à l’ordonnance de la Haute Cour annulant cette décision; l’obtention auprès des Hautes Cours du Sabah et du Sarawak d’une ordonnance de sursis à statuer, qui interdisait toute autre action en justice intentée contre l’entreprise. Le gouvernement indique également qu’au nom de la justice, le MOHR a fait appel du recours en révision. Le cas est en instance devant la cour d’appel et une audience est prévue le 28 septembre 2022.
  3. 571. Le gouvernement ajoute que le MOHR a pris des mesures par l’entremise de la Direction du travail du Sabah (DOL) en vue d’aider les travailleurs mis à pied. Dix plaintes ont été déposées devant le tribunal du travail de Sipitang et la DOL a organisé plusieurs séances de dialogue avec l’administrateur judiciaire et les employés. En août 2021, la DOL a organisé une réunion en ligne pour discuter de la question du versement des salaires des travailleurs mis à pied. Grâce à ces efforts, une partie des salaires réclamés a été payée. Le 17 janvier 2022, la DOL s’est entretenue avec l’administrateur judiciaire concernant la présentation par les employés d’une preuve de dette à la Direction de l’insolvabilité de la Malaisie, en rapport à leur revendication salariale.
  4. 572. Le gouvernement indique en outre que le projet de loi portant modification de la loi sur les syndicats de 1959 est devant le Parlement et que les modifications proposées ont pris en compte les principes fondamentaux de la convention no 87 de l’OIT. Enfin, il affirme qu’il est toujours déterminé à favoriser le dialogue entre les parties dans le respect de la procédure prévue dans la législation nationale.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 573. Le comité note que ce cas concerne des allégations de déni des droits d’organisation syndicale et de négociation collective dans une entreprise forestière, du fait de la lenteur excessive de la procédure de reconnaissance juridique d’un syndicat en tant qu’agent de négociation. Les organisations plaignantes allèguent plus précisément que les lenteurs administratives et judiciaires excessives s’inscrivent dans le contexte de contestations administratives et judiciaires incessantes de la part des employeurs à chaque étape de la procédure de vérification de l’affirmation du syndicat qu’il représente la majorité des travailleurs de l’entreprise. Le comité note par ailleurs que l’organisation plaignante dénonce les lacunes existant dans la législation malaisienne concernant la reconnaissance des syndicats habilités à négocier.
  2. 574. Tout en notant que des modifications à la loi sur les relations professionnelles (IRA) régissant la reconnaissance aux fins de la négociation collective ont été adoptée en 2019 (dont une partie est entrée en vigueur à compter de janvier 2021, et que l’application des autres modifications est subordonnée à l’achèvement de la procédure de modification de la loi sur les syndicats (TUA)), le comité observe que, jusqu’en janvier 2021, les versions antérieures de l’IRA étaient appliquées relativement à la demande de représentation du Syndicat des employés du bois du Sabah (STIEU) dans l’entreprise et examinera donc ce cas dans cette optique.
  3. 575. Le comité note que, conformément à l’article 9 de l’IRA, en l’absence de la reconnaissance volontaire de l’employeur, la procédure de reconnaissance comporte les étapes suivantes: le syndicat devrait rendre compte de la situation au Directeur général des relations professionnelles (DGIR) – sans cette étape, la demande de reconnaissance sera réputée avoir été retirée (article 9(4)). Conformément à l’article 9(4A), le DGIR peut enquêter pour déterminer: a) la «compétence» du syndicat; et b) par vote à bulletin secret, le pourcentage de syndicalistes qui appuient le syndicat cherchant à obtenir la reconnaissance. Ces étapes franchies, le ministre devra rendre sa décision et, au cas où il est décidé que la reconnaissance doit être accordée, «une telle reconnaissance est réputée être accordée par l’employeur ou le syndicat d’employeurs concerné, le cas échéant, à compter de la date que le Directeur général peut spécifier» (article 4(5) de l’IRA). Le comité note en outre les déclarations du gouvernement à la Commission de l’application des normes, en 2016 et 2022, selon lesquelles la décision du ministre en vertu du paragraphe 9(5) est susceptible de recours en révision, et la décision de la cour chargée de se prononcer sur ce recours en révision est également susceptible de recours devant la cour d’appel. Par ailleurs, tant que l’affaire n’est pas définitivement tranchée par les tribunaux, la question de la reconnaissance ne peut être finalisée. Le déclenchement de la procédure de recours en révision implique la suspension de la décision administrative d’accorder la reconnaissance pendant toute la durée de la procédure.
  4. 576. Le comité note en outre que, conformément au paragraphe 9(1A), si un différend survient à tout moment avant ou après l’octroi de la reconnaissance concernant la question de savoir si certains travailleurs que le syndicat affirme représenter exercent des fonctions d’encadrement, de direction, de confidentialité ou de sécurité, le DGIR peut être saisi d’un tel différend et peut prendre des mesures pour le résoudre. Si le différend ne peut être résolu de cette manière, le DGIR rendra une décision sur la question qu’il communiquera par écrit aux parties concernées (article 9(1D)). Le comité note que cette décision du DGIR est également susceptible de recours en révision.
  5. 577. Le comité note que, selon la présentation des faits dans la plainte, qui n’est pas contestée par le gouvernement, le STIEU a déposé une première demande de reconnaissance à l’employeur le 24 octobre 2009, que l’entreprise a rejetée au motif que la compétence du syndicat se limitait aux travailleurs du secteur de la transformation du bois et ne s’étendait pas aux travailleurs forestiers. La Direction des relations professionnelles a organisé un vote à bulletin secret avant la fin de 2010 et, comme 85 pour cent des votes étaient favorables au STIEU, le ministre a décidé d’accorder la reconnaissance au STIEU par une décision datée du 26 janvier 2011. Toutefois, le 1er mars 2011, l’entreprise a introduit un recours en révision de cette décision, que la Haute Cour a rejeté. Mais l’entreprise a fait à nouveau appel de ce jugement et finalement, le 27 novembre 2012, la cour d’appel s’est prononcée en faveur de l’entreprise et a ordonné au ministre de revenir sur sa décision concernant la composition des effectifs du STIEU. Le comité note que cette première partie de la procédure de reconnaissance a pris plus de trois ans, dont quinze mois de démarches administratives et vingt mois de démarches judiciaires.
  6. 578. Le comité note par ailleurs que, avec le concours du DGIR et conformément à une décision datée du 10 mars 2014, le syndicat a été autorisé à soumettre une nouvelle demande de reconnaissance, que l’entreprise a rejetée à nouveau, cette fois au motif que le syndicat voulait représenter des travailleurs qui n’étaient pas légalement admissibles à la syndicalisation. Le comité note qu’il est question en l’occurrence des «travailleurs exerçant des fonctions d’encadrement, de direction, de confidentialité ou de sécurité» mentionnés à la section 9(1) de l’IRA. Il y avait désaccord quant à la question de savoir quels travailleurs étaient admissibles au vote à bulletin secret, question qui permettrait d’établir le pourcentage d’employés favorables au STIEU. L’entreprise avait à nouveau contesté la compétence du STIEU pour ce qui est de représenter ses employés. Le 17 novembre 2014, le DGIR a informé l’entreprise que le syndicat avait la compétence voulue pour représenter les travailleurs. Après de longues enquêtes administratives visant à déterminer quels étaient les travailleurs admissibles au vote, le 15 avril 2015 l’IRD a communiqué ses conclusions sur la question à l’entreprise. Au vu de ces résultats, l’IRD a décidé qu’un vote à bulletin secret serait tenu le 27 avril. Cependant, l’entreprise a immédiatement réagi à cette décision en indiquant qu’elle rejetait la décision d’organiser le vote et qu’elle introduirait un recours en révision. Elle s’est exécutée le 14 mai 2015, devant la Cour suprême du Sabah, pour contester la décision administrative concernant la liste de travailleurs qui étaient admissibles au vote. Le 13 juin 2016, la Cour a rejeté le recours de l’entreprise. Après deux nouveaux recours introduits par l’entreprise, la décision judiciaire définitive concernant ce différend a été émise en octobre 2017 et l’entreprise a été déboutée définitivement. Le comité note que cette phase de la procédure de reconnaissance a duré trois ans et sept mois, dont 14 démarches administratives et vingt-neuf mois de démarches judiciaires.
  7. 579. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, le fait que le jugement rendu en octobre 2017 n’ait jamais été communiqué par écrit a été utilisé pour empêcher le vote à bulletin secret d’avoir lieu, jusqu’à ce que le nouveau MOHR intervienne; le vote a finalement eu lieu le 29 octobre 2018. Le STIEU a été élu en tant que syndicat représentatif avec plus de 70 pour cent des votes et, le 21 novembre, le ministre a accordé la reconnaissance au syndicat. Toutefois, le 28 février 2019, l’administrateur judiciaire a à nouveau introduit un recours en révision de la décision du ministre de reconnaître le syndicat. Le comité note que l’organisation plaignante allègue que le directeur de l’administration judiciaire avait indiqué au secrétaire général du STIEU, lors d’un entretien privé, que le recours en révision avait été introduit parce qu’il serait difficile de vendre l’entreprise avec un syndicat dans la place, tandis que le gouvernement ne fournit pas d’informations concernant les motifs pour lesquels l’administrateur judiciaire a fait appel de la décision ministérielle. Le comité note que, par une ordonnance datée du 26 février 2020, la Haute Cour a annulé la décision ministérielle de reconnaître le syndicat. Cette fois, le MOHR a fait appel. Toutefois, la procédure a été suspendue à cause de la pandémie de COVID 19. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle le cas est en instance devant la cour d’appel et qu’une audience est prévue le 28 septembre 2022. Le comité n’a pas reçu d’informations concernant l’issue de cette audience; il note cependant que cette dernière phase de la procédure de reconnaissance dure depuis octobre 2017, dont treize mois de démarches administratives et une procédure judiciaire en cours depuis le 28 février 2019, qui n’avait toujours pas abouti à la date d’examen de ce cas par le comité, plus de quatre ans plus tard.
  8. 580. Le comité rappelle qu’il a toujours considéré que les travailleurs et les employeurs devraient en pratique pouvoir choisir librement quelles organisations les représentent dans les négociations collectives. Il rappelle en outre que les employeurs, y compris les autorités publiques agissant en tant qu’employeurs, devraient reconnaître, aux fins de la négociation collective, les organisations représentatives des travailleurs qu’ils occupent; que la reconnaissance par un employeur des principaux syndicats représentés dans son entreprise ou du plus représentatif d’entre eux constitue la base même de toute procédure de négociation collective des conditions d’emploi au niveau de l’établissement; que, pour qu’un syndicat d’une branche d’activité puisse négocier une convention collective, il devrait suffire que ledit syndicat démontre être suffisamment représentatif. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1359; 1354, 1355 et 1363.]
  9. 581. S’agissant de la détermination des syndicats habilités à négocier, le comité rappelle que, tant les systèmes de négociation collective accordant des droits exclusifs au syndicat le plus représentatif que les systèmes permettant à plusieurs syndicats d’une entreprise de conclure des conventions collectives différentes sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale. Dans les systèmes qui adoptent la première approche, la détermination des organisations susceptibles de signer seules des conventions collectives devrait se faire sur la base d’un double critère, celui de la représentativité et celui de l’indépendance. Les organisations répondant à ces critères devraient être déterminées par un organisme présentant toutes garanties d’indépendance et d’objectivité; par ailleurs, des critères objectifs, précis et préétablis pour déterminer la représentativité d’une organisation d’employeurs ou de travailleurs doivent exister dans la législation, et cette appréciation ne saurait être laissée à la discrétion des gouvernements. Enfin, lorsque, dans un système de désignation d’agent négociateur exclusif, aucun syndicat ne représente le pourcentage de travailleurs requis pour être déclaré agent négociateur exclusif, les droits de négociation collective devraient être accordés aux syndicats de l’unité, au moins au nom de leurs propres membres. [Voir Compilation, paragr. 1351, 1374, 530 et 1390.]
  10. 582. Le comité note que les objections de l’employeur à la demande de reconnaissance du STIEU sont fondées sur deux critères de fond énoncés à l’article 9 de l’IRA, plus précisément à l’article 9(1) interdisant la représentation des travailleurs exerçant des fonctions d’encadrement, de direction, de confidentialité ou de sécurité aux côtés d’autres groupes de travailleurs; et la règle selon laquelle le syndicat doit être «compétent» pour représenter les travailleurs concernés. S’agissant de la question de la «compétence», le comité note que dans le présent cas, l’employeur a rejeté en 2009 la première demande de reconnaissance du STIEU au motif que le syndicat était seulement compétent pour représenter les travailleurs employés dans la transformation du bois, et non les travailleurs forestiers comme ceux de l’entreprise, même si les organisations plaignantes indiquent que le vote a eu lieu sur la base de la liste d’employés établie. Suite à la présentation par le syndicat d’une seconde demande en 2014, l’entreprise a à nouveau contesté la compétence du syndicat et demandé le report du vote à bulletin secret en attendant une réponse du Département des organisations syndicales du MOHR sur cette question. Le comité note que, à cette occasion, le DGIR a décidé en définitive que le syndicat avait la compétence voulue.
  11. 583. Le comité rappelle que la question de la définition restrictive de la «compétence» des syndicats, qui a également été soulevée dans deux cas antérieurs concernant la Malaisie [cas no 2301, 333e rapport, paragr. 565-599 et cas no 2717, 356e rapport, paragr. 803-846], découle des articles 2(a) et 26(1A) de la TUA, définissant un «syndicat» comme étant «une association ou combinaison de travailleurs ou d’employeurs dans le cadre d’un établissement, d’une branche, d’une profession ou d’une industrie donné, ou de branches, professions ou industries similaires», et disposant que «nul ne s’affiliera à un syndicat, n’en sera membre ou ne sera accepté ou maintenu comme membre par celui-ci s’il n’est pas employé ou actif dans un établissement, une activité, une profession ou un secteur pour lequel le syndicat est enregistré». L’article 9 de l’IRA laisse au DGIR le soin de déterminer si le syndicat demandant la reconnaissance est compétent, au sein de la profession ou de l’industrie concernée ou des professions ou industries similaires. Dans les deux cas précités, le comité a conclu que ces règles portaient atteinte aux droits des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier, et priait instamment le gouvernement de modifier la législation à cet égard. [Voir 333e rapport, paragr. 599(b) et 356e rapport, paragr. 846(c).] Le comité note avec intérêt que, dans la loi portant modification de la TUA qui est actuellement en cours d’adoption, l’article 2(a) et la partie correspondante de l’article 26(1A) sont abrogés et que, dans l’article 9 de l’IRA révisée, le critère de la «compétence» est remplacé par celui de la conformité de la composition des effectifs à «la constitution du syndicat». Le comité note toutefois qu’aucune des modifications introduites n’est encore en vigueur, et exprime le ferme espoir que la procédure de révision législative prendra fin bientôt, pour que les travailleurs puissent effectivement exercer leur droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier, et d’être représentés par elles aux fins de la négociation collective.
  12. 584. S’agissant de l’article 9(1) interdisant la représentation des travailleurs des fonctions d’encadrement, de direction, de confidentialité ou de sécurité, le comité note que, selon l’organisation plaignante, lorsque le STIEU a présenté une première demande pour obtenir la reconnaissance, un vote à bulletin secret a eu lieu «sur la base de la liste d’employés établie». Toutefois, deux ans après la décision ministérielle de reconnaître le syndicat, l’entreprise a réussi à obtenir une injonction ordonnant au ministre de revoir sa décision «concernant la composition des effectifs du STIEU». Lorsque le syndicat a présenté une seconde demande de reconnaissance, l’employé s’y est à nouveau opposé au principal motif que le syndicat cherchait à représenter des travailleurs qui n’étaient pas «admissibles à la syndicalisation». Le DGIR a d’abord informé l’entreprise qu’un vote à bulletin secret serait organisé le 22 septembre 2014, mais ce vote a finalement eu lieu le 29 octobre 2018. Le comité note que le différend en cours concernant la liste des travailleurs admissibles au vote a retardé de quatre ans la tenue du vote à bulletin secret. L’IRD a d’abord établi que 116 travailleurs rentraient dans la catégorie contestée, puis a mené une enquête concernant leur statut. Les conclusions ont été communiquées à l’entreprise et une nouvelle date a été fixée pour le vote, mais l’entreprise a rejeté les conclusions de nature administrative et la décision, et a introduit un nouveau recours en révision. La procédure judiciaire a commencé en mai 2015 et a pris fin en octobre 2017, par un jugement favorable au MOHR cette fois.
  13. 585. Rappelant que la détermination de l’organisation la plus représentative doit se faire d’après des critères objectifs, préétablis et précis, de façon à éviter toute possibilité de partialité ou d’abus [voir Compilation, paragr. 540], le comité observe que le différend au sujet de l’application de l’article 9(1) de l’RA dans ce cas semble concerner différentes interprétations de ce que l’on entend par «travailleurs exerçant des fonctions d’encadrement, de direction, de confidentialité ou de sécurité». En l’espèce, des désaccords concernant la signification de ces termes ont occasionné des procédures administratives et judiciaires excessivement longues nécessitant des expertises judiciaires et administratives complexes et donnant lieu à une situation d’obstruction à de longs retards dans l’établissement de la liste des travailleurs admissibles au vote à bulletin secret. Le comité rappelle en outre à cet égard que, dans un cas antérieur concernant la Malaisie (cas no 3334), un différend prolongé a été soulevé concernant la qualification de certains postes comme postes d’encadrement ou de direction et le caractère légal de leur représentation par le syndicat, et le comité a demandé que les modifications législatives nécessaires visant à garantir que la définition du personnel d’encadrement et de direction ne s’applique qu’aux personnes qui représentent véritablement les intérêts des employeurs, notamment, par exemple, à celles qui ont le pouvoir de nommer ou de licencier, soient élaborées en concertation avec les partenaires sociaux et adoptées sans autre délai. [Voir 391e rapport, paragr. 375 384.]
  14. 586. Par ailleurs, le comité note que les articles 5(2)(b) et 5(2)(c) de l’IRA disposent que l’employeur a le droit d’exiger «à tout moment qu’une personne qui est ou a été nommée ou promue à un poste d’encadrement, de direction ou de sécurité cesse d’être ou ne devienne pas membre ou dirigeant d’un syndicat représentant des travailleurs n’exerçant pas des fonctions d’encadrement, de direction ou de sécurité» et d’exiger «qu’un travailleur occupant un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail cesse d’être ou ne devienne pas membre ou dirigeant d’un syndicat». Le comité rappelle à cet égard que les dispositions légales qui permettent aux employeurs d’affaiblir les organisations de travailleurs en accordant artificiellement des promotions à certains travailleurs constituent une violation des principes de la liberté syndicale. [Voir Compilation, paragr. 386.]
  15. 587. Tout en observant dans le cadre du cas no 3334 la déclaration antérieure du gouvernement selon laquelle, après consultations avec les partenaires sociaux, il avait finalement décidé de maintenir les dispositions actuelles de l’IRA concernant la définition du personnel occupant des postes de direction et d’encadrement, car elle semble suffisante pour déterminer le champ de la représentation des syndicats, le comité a dit vouloir croire que le gouvernement garantirait l’application de la législation concernant la reconnaissance des syndicats, conformément au principe de la liberté syndicale. [Voir 393e rapport, paragr. 26 et 29.]
  16. 588. Compte tenu de ce qui précède, et rappelant que les catégories du personnel de direction et d’encadrement ne devraient pas être définies de manière trop large car cela risque d’affaiblir les organisations des autres travailleurs dans l’entreprise ou le secteur d’activité en leur enlevant une proportion substantielle de leur appartenance actuelle ou potentielle à un syndicat, le comité doit prier à nouveau le gouvernement de revoir la législation en vue de faire en sorte que la définition du personnel de direction et d’encadrement ne s’applique qu’aux personnes qui représentent véritablement les intérêts des employeurs, notamment, par exemple, à celles qui ont le pouvoir de nommer ou de licencier, et que les reclassements artificiels soient corrigés rapidement.
  17. 589. Le comité note que le STIEU a présenté une première demande à l’employeur le 24 octobre 2009 et qu’à la date d’examen de ce cas, la procédure de reconnaissance juridique n’a toujours pas abouti.
  18. 590. Le comité note que la procédure de reconnaissance dans le présent cas peut être divisée en trois phases, chacune correspondant aux démarches administratives et judiciaires qui sont résumées dans le tableau ci-dessous:
    • PhasePériodeDémarches administrativesDémarches judiciaires
      124 oct. 2009-27 nov. 201215 mois (accord sur la liste des votants + scrutin secret + décision du MOHR pour la reconnaissance)20 mois (révision judiciaire + un recours introduit par l’employeur)
      210 mar. 2014-oct. 2017 14 mois (décision de permettre au syndicat de présenter une nouvelle demande de reconnaissance + décision sur la compétence du syndicat + enquêtes et décision sur les votants admissibles + décision sur la tenue d’un scrutin secret)29 mois (révision judiciaire + deux recours introduits par l’employeur)
      3oct. 201713 mois (décision sur la tenue du scrutin secret retardée en raison de la non-communication par écrit de la décision judiciaire définitive, décision sur la tenue d’un scrutin secret + décision d’accorder la reconnaissance au syndicat)Depuis le 28 février 2019 (recours en révision introduit par l’employeur, ordonnance de la Haute Cour datée du 26 février 2020, recours introduit par le MOHR, toujours pendant)
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  19. 591. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle, dans ce cas particulier, le retard pris échappe au contrôle du MOHR, l’entreprise ayant le droit d’exercer toutes les voies de recours prévues par la législation de l’État. Le gouvernement indique en outre qu’au nom de la justice, le MOHR a fait appel du recours en révision. Le comité note que les retards dus aux procédures judiciaires sont les plus longues dans le cas présent, ces procédures qui ont déjà duré plus de huit ans n’ont toujours pas abouti. Néanmoins, les procédures administratives ont duré trois ans et demi en tout à différentes étapes et auraient donc pu être accélérées.
  20. 592. Le comité note que, en juin 2022, le gouvernement a indiqué devant la Commission de l’application des normes que, de 2018 à 2019, la durée de la procédure de reconnaissance dans 54 pour cent des cas était de quatre à neuf mois, et que la commission a prié le gouvernement de veiller à ce que la procédure de reconnaissance des syndicats soit simplifiée et à ce qu’une protection effective contre les ingérences indues soit adoptée.
  21. 593. Le comité note que, du fait des retards excessifs accumulés dans le présent cas, les travailleurs concernés et le STIEU sont privés de la possibilité de négocier collectivement depuis plus de treize ans. Le comité considère que ces retards sont en partie attribuables à des lacunes en droit positif, en particulier au caractère imprécis et vague des critères de reconnaissance qui donnent lieu à des différends entre les parties. D’un autre côté, les améliorations apportées aux règles de procédure peuvent également contribuer à la simplification et à l’accélération du processus de reconnaissance. Rappelant que l’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice [voir Compilation, paragr. 170], le comité considère que, même si toutes les décisions administratives devraient faire l’objet d’une révision judiciaire, les démarches judiciaires devraient aboutir dans un délai raisonnable afin de garantir le respect de la liberté d’association. Par conséquent, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, pour revoir le cadre juridique régissant la procédure de reconnaissance des syndicats aux fins de la négociation collective en vue de simplifier et d’accélérer les procédures administratives et judiciaires s’y rapportant. Le comité invite le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du Bureau à cet égard s’il le souhaite. En outre, le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas. Il veut croire que, compte tenu des modifications législatives apportées récemment et de la nécessité de s’assurer que l’exclusion du personnel de direction et d’encadrement se limite aux personnes qui représentent véritablement les intérêts des employeurs, notamment, par exemple, à celles qui ont le pouvoir de nommer ou de licencier, le syndicat obtiendra sans autre délai la reconnaissance juridique aux fins de la négociation collective.
  22. 594. S’agissant de l’allégation de l’organisation plaignante concernant le large pouvoir discrétionnaire laissé à la DGTU en vertu de l’article 12(2) de la TUA pour ce qui est de refuser l’enregistrement d’un syndicat lorsqu’elle est convaincue qu’il existe déjà un syndicat représentant les travailleurs, le comité note que cette disposition est abrogée dans la loi portant modification de la TUA qui est en cours d’adoption. Le comité s’attend à ce que la procédure de modification arrive bientôt à son terme et que, à compter de l’entrée en vigueur de la TUA dans sa version révisée, le pluralisme syndical soit dûment garanti.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 595. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver ce qui suit:
    • a) Le comité exprime le ferme espoir que la procédure de modification de la loi sur les syndicats en cours arrivera bientôt à son terme, de manière à permettre à tous les travailleurs d’exercer leur droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier, et de se faire représenter par elles aux fins de la négociation collective.
    • b) Le comité prie à nouveau le gouvernement de revoir la législation en vue de faire en sorte que la définition du personnel de direction et d’encadrement ne s’applique qu’aux personnes qui représentent véritablement les intérêts des employeurs, notamment, par exemple, à celles qui ont le pouvoir de nommer ou de licencier, et que les reclassements artificiels soient corrigés rapidement.
    • c) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, pour revoir le cadre juridique régissant la procédure de reconnaissance des syndicats aux fins de la négociation collective en vue de simplifier et d’accélérer les procédures administratives et judiciaires s’y rapportant. Le comité invite le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du Bureau à cet égard s’il le souhaite. En outre, le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
    • d) Le comité veut croire que, compte tenu des modifications législatives apportées récemment et de la nécessité de s’assurer que l’exclusion du personnel de direction et d’encadrement se limite aux personnes qui représentent véritablement les intérêts des employeurs, le syndicat obtiendra sans autre délai la reconnaissance juridique aux fins de la négociation collective.
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