Allégations: L’organisation plaignante dénonce la radiation de 62 syndicats de la
fonction publique, d’organismes parapublics et d’organisations non gouvernementales, dans la
province du Balouchistan en application d’une décision de la Haute Cour
provinciale
- 429. La plainte figure dans des communications de la Fédération des
travailleurs du Pakistan (PWF) en date du 1er octobre 2019 et du 2 septembre 2021.
- 430. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications
en date du 11 et du 18 octobre 2021, du 17 mai 2022 et du 12 septembre 2023.
- 431. Le Pakistan a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 432. Dans sa communication en date du 1er octobre 2019, la PWF se dit
vivement préoccupée par la radiation de 62 syndicats dans la province du Balouchistan au
Pakistan, en application d’une décision de la Haute Cour provinciale datée du 24 juin
2019, selon laquelle le secrétaire général ainsi que les secrétaires de tous les
ministères ont reçu instruction de faire le nécessaire en vue de la radiation des
syndicats dans toutes les administrations publiques. Selon l’organisation plaignante,
cette décision est très préoccupante pour l’avenir du mouvement syndical au Pakistan et
partout ailleurs, car elle est contraire aux dispositions des conventions nos 87 et 98
ratifiées par le Pakistan et incompatible avec les dispositions de la loi provinciale
sur les relations professionnelles et de la loi fédérale (interprovinciale) de 2012 sur
les relations professionnelles. Cette décision viole également le droit tel qu’établi et
interprété par la Cour suprême, selon lequel les fonctions exercées par les organismes
du secteur public ne relèvent pas de l’administration de l’État et sont donc non
régaliennes.
- 433. En estimant que les employés des organismes du secteur public
peuvent former des associations en vertu de la loi de 1860 sur l’enregistrement des
sociétés, la Haute Cour du Balouchistan les a véritablement privés de leur liberté
syndicale et de leur droit à la négociation collective, et les a contraints à se
constituer en organisations non gouvernementales. Cette décision s’est heurtée à une
forte résistance de la part des travailleurs concernés et a perturbé la paix sociale
dans le pays. L’organisation plaignante prie instamment le comité d’intervenir et de
demander au gouvernement fédéral et au gouvernement du Balouchistan d’annuler l’arrêté
no 45/R&R/DGL W/QTA/1385-1433 daté du 12 juillet 2019 émanant de la Direction
générale chargée de la protection sociale des travailleurs du Balouchistan, par lequel
l’enregistrement de «tous les syndicats constitués par les employés d’administrations
publiques, d’organismes parapublics et d’entités autonomes» a été annulé.
- 434. L’organisation plaignante affirme que la radiation de 62 syndicats
au Balouchistan a été très mal accueillie par le mouvement syndical mondial. Elle fait
allusion en particulier à une résolution adoptée par la Confédération syndicale
internationale pour l’Asie-Pacifique (CSI Asie-Pacifique) – qui représente 60 millions
de membres dans la région Asie-Pacifique – qui dénonce la radiation de syndicats par le
ministère du Travail du Balouchistan, non seulement dans la fonction publique en
application de la décision de la Haute Cour, mais également dans les organismes
parapublics et les organisations non gouvernementales, outrepassant ainsi les limites
établies et le mandat conféré par la Haute Cour dans cette décision. La CSI
Asie-Pacifique a décidé: i) de prier tous ses affiliés d’envoyer des lettres de
protestation au gouvernement du Balouchistan au Pakistan; ii) d’invoquer le mécanisme de
contrôle de l’OIT à l’encontre du gouvernement du Pakistan pour exiger l’interdiction de
l’assistance technique du Bureau dans la province du Balouchistan; iii) de porter
plainte contre le gouvernement du Pakistan devant le Fonds monétaire international, la
Banque mondiale, la Banque asiatique de développement et l’Union européenne, au nom du
système de préférences généralisées Plus (SPG+) dont bénéficie le Pakistan.
- 435. L’organisation plaignante rappelle que la Constitution de la
République islamique du Pakistan confère à ses citoyens la liberté d’association en
disposant que «chaque citoyen a le droit de constituer une association ou un syndicat,
sous réserve de certaines conditions raisonnables imposées par la loi destinées à
protéger la souveraineté ou l’intégrité du Pakistan, l’ordre public ou la moralité»
(article 17) et en stipulant que «pour décider du bien-fondé de ses droits et devoirs
civiques ou de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, une personne a
droit à des garanties procédurales et à un procès équitable» (article 10-A).
L’organisation plaignante rappelle en outre que le gouvernement a ratifié les
conventions nos87 et 98 de l’OIT sur la liberté syndicale et le droit à la négociation
collective, qui stipulent expressément ce qui suit: «Les travailleurs et les employeurs,
sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de
constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces
organisations» et «[l]es autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de
nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal». De plus, «[l]es
organisations de travailleurs et d’employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à
suspension par voie administrative.»
- 436. L’organisation plaignante rappelle en outre que, suite au
dix-huitième amendement de la Constitution, les quatre provinces du Pendjab, du Sind, du
Khyber Pakhtunkhwa et du Balouchistan ont promulgué leur propre loi sur les relations
professionnelles aux fins de la création de syndicats. La loi sur les relations
professionnelles du Balouchistan (ci-après BIRA) établit les conditions de son
application en prévoyant qu’elle vaut pour toutes les personnes employées dans un
établissement ou un secteur d’activité du Balouchistan, à l’exception de toutes les
personnes employées: i) dans la police, dans l’un ou l’autre des services de défense du
Pakistan ou des services ou installations liés exclusivement ou accessoirement aux
forces armées du Pakistan, y compris les Armements administrés par le gouvernement
fédéral, à l’exclusion de ceux qui sont à vocation commerciale; ii) dans
l’administration de l’État, à l’exclusion des ouvriers employés dans les chemins de fer
et par la poste du Pakistan; iii) comme membres du personnel de sécurité de la Pakistan
International Airlines Corporation (PIAC) ou celles dont le salaire relève d’une
catégorie non inférieure au groupe V au sein de la PIAC, comme le gouvernement fédéral
peut en décider, au nom de l’intérêt public et de la sécurité des compagnies aériennes,
par publication au Journal officiel; iv) par la Pakistan Security Printing Corporation
ou par Security Papers Limited; v) par un établissement ou une institution se consacrant
au traitement ou aux soins des malades, des infirmes, des personnes démunies ou
mentalement perturbées, à l’exclusion des établissements à vocation commerciale;
vi) comme membres du personnel de surveillance, de sécurité ou de lutte contre les
incendies d’une raffinerie de pétrole, d’un aéroport ou d’un port; vii) comme membres du
personnel de sécurité ou de lutte contre l’incendie d’un établissement assurant la
production, l’expédition ou la distribution de gaz naturel ou de gaz de pétrole liquéfié
(article 1).
- 437. Nonobstant les obligations nationales et internationales claires
précitées, la Haute Cour du Balouchistan a interdit l’action syndicale dans la fonction
publique de cette province (dans les cas CP no 669 de 2013 et CP no 400 de 2015). La
décision de la Cour est motivée par certaines anomalies de la législation du travail
selon lesquelles la fonction publique et ses administrations connexes ont été privées de
leurs droits d’organisation et de négociation collective. L’organisation plaignante
déplore le fait que le ministère du Travail du Balouchistan ait outrepassé les limites
établies et le mandat conféré par la Haute Cour en radiant les syndicats (dont certains
existaient depuis deux à trois décennies), non seulement de la fonction publique, mais
également d’organismes parapublics et d’institutions non gouvernementales, réduisant
ainsi le mouvement syndical dans cette province aux mines et au secteur des entreprises
privées.
- 438. L’organisation plaignante indique que les syndicats ont contesté
cette décision devant la Cour suprême du Pakistan au motif que la Haute Cour du
Balouchistan n’a pas pris en considération la proposition juridique présentée en
l’espèce et s’est prononcée sans prendre connaissance de la loi ni des faits en cause.
La Haute Cour a pris ses distances par rapport aux plaidoiries présentées par les
parties au litige qui ne s’étaient pas penchées sur la question de l’enregistrement de
syndicats dans un établissement d’un organisme du secteur public pour en déterminer la
conformité. Par ailleurs, selon l’organisation plaignante, les employés travaillant dans
des organismes du secteur public n’exercent aucune des fonctions régaliennes incombant à
l’État. On ne peut affirmer qu’ils sont commis à l’administration de l’État.
L’expression «administration de l’État» a été définie par les tribunaux dans plusieurs
décisions et devrait avoir un sens étroit et limité. Un coup d’œil à la liste des
fonctions exercées par les organismes du secteur public suffit à montrer que les
syndicats en cause relevant de la loi sur les relations professionnelles n’exercent
aucune de ces fonctions.
- 439. Selon l’organisation plaignante, la Cour suprême a jugé dans une
décision (SCMR no 666 de 1997) que la Haute Cour n’est pas habilitée à annuler
l’enregistrement d’un syndicat dans l’exercice de sa compétence constitutionnelle. Seule
l’instance compétente prévue par la loi sur les relations professionnelles – soit la
BIRA de 2010 – peut se prononcer en la matière. L’article 12 de la BIRA établit une
procédure complète pour la radiation d’un syndicat enregistré, sous réserve que
l’enregistrement dudit syndicat ne soit pas conforme à la loi. Le pouvoir d’engager en
pareil cas une procédure contre un syndicat particulier incombe au tribunal du travail
et ne peut être exercé que sur réception d’une plainte écrite du Bureau d’enregistrement
des syndicats. En conséquence, la Haute Cour, en rendant le jugement contesté, a empiété
sur la compétence d’une instance prescrite par la loi et, ce faisant, a enfreint le
droit tel qu’établi par la Cour suprême.
- 440. L’organisation plaignante affirme que non seulement le greffier de
la Haute Cour, mais également le gouvernement provincial du Balouchistan ont communiqué
le jugement contesté à tous les organismes gouvernementaux du Balouchistan et,
immédiatement après réception dudit jugement, la Direction générale chargée de la
protection sociale des travailleurs du Balouchistan a annulé l’enregistrement des
syndicats, même si tous n’étaient pas partie à la procédure intentée devant la Haute
Cour. La Direction générale chargée de la protection sociale des travailleurs,
contrevenant à l’esprit de l’article 17 de la Constitution de la République islamique du
Pakistan, a annulé l’enregistrement de syndicats dans des organismes parapublics et des
entités autonomes alors que, de toute évidence, les employés de ces organismes
parapublics et autonomes n’avaient rien à voir avec l’administration de l’État ou de la
province. Il est de notoriété publique que, dans toutes les autres provinces, les
syndicats sont présents dans des organismes gouvernementaux dont les activités n’ont
rien à voir avec les fonctions régaliennes de l’État.
- 441. En outre, l’organisation plaignante soutient que la Haute Cour non
seulement n’a pas pris en considération la proposition présentée en l’espèce, mais a
également donné instruction au gouvernement du Balouchistan et à tous les organismes
gouvernementaux d’annuler l’enregistrement de tous les syndicats qui y étaient présents.
La Haute Cour, au lieu de s’en tenir au litige en cause, a donné de son propre chef
certaines directives (sans que les parties ne l’y aient incitée officiellement) pour
lesquelles la loi établie par la Cour suprême ne lui conférait aucun pouvoir. Ces
directives ont été émises à l’encontre de ceux qui n’étaient même pas partie à la
procédure judiciaire en question. Ce faisant, la Haute Cour a agi en violation de
l’article 10-A de la Constitution de la République islamique du Pakistan et du principe
du contradictoire (droit de chaque partie de se faire entendre), rendant son jugement
juridiquement indéfendable.
- 442. L’organisation plaignante note également que, en rendant son
jugement, la Haute Cour n’a pas pris en considération les conventions de l’OIT ratifiées
par le Pakistan. Ces conventions imposent des obligations à l’État du Pakistan, qui doit
s’efforcer d’en respecter la lettre et l’esprit dans le pays. Aucune mesure législative
contraire à ces conventions ne peut être prise dans le pays. Même si le domaine du
travail a été dévolu aux provinces après l’adoption du dix huitième amendement
constitutionnel, le respect des obligations prescrites dans les conventions et traités
internationaux incombe au gouvernement fédéral. Il appartient à la fédération
d’intervenir pour éclaircir la moindre ambiguïté dans une loi provinciale. Par
conséquent, le gouvernement du Balouchistan doit modifier ses lois du travail pour les
mettre en conformité avec les conventions nos 87 et 98. En outre, le jugement contesté,
qui a littéralement imposé une interdiction totale des activités syndicales dans la
province du Balouchistan, doit être annulé, l’accès à l’aide concessionnelle des
institutions financières internationales étant liée au respect des conventions
fondamentales de l’OIT.
- 443. S’agissant des responsabilités du gouvernement fédéral et du
gouvernement du Balouchistan suite à la décision de la Haute Cour, l’organisation
plaignante reconnaît l’assistance technique fournie par le Bureau au gouvernement
fédéral pour l’organisation d’une réunion tripartite dans la capitale avec la
participation de représentants du gouvernement provincial, étant donné la gravité de la
question. L’organisation plaignante regrette que, lors de cette réunion, le gouvernement
du Balouchistan a indiqué que la décision de la Haute Cour n’aurait aucun effet, les
syndicats radiés pouvant s’enregistrer en associations en vertu de la loi sur les
sociétés de 1860.
- 444. L’organisation plaignante note que les seules lois adoptées aux
niveaux fédéral et provincial, depuis 1926 et après l’indépendance en 1947, sont les
lois sur les relations professionnelles qui régissent la constitution de syndicats et la
négociation collective. La loi de 1860 sur les sociétés est une loi générale applicable
aux sociétés ou aux organisations non gouvernementales telles que les associations
d’employeurs ou autres – associations de médecins, de commerçants, etc. La loi sur les
sociétés ne prévoit aucune voie de recours en cas de licenciement de responsables ou de
membres d’une association. Les associations ainsi enregistrées ne peuvent entreprendre
aucune négociation collective concernant l’emploi, le non-emploi, les conditions
d’emploi et de travail. La loi sur les sociétés ne prévoit aucune voie de recours en cas
de griefs individuels ni de système de délégués syndicaux. Le droit de participation des
travailleurs à la gestion et aux conseils de gestion conjointe n’y figure pas. Aucun
mécanisme juridique n’est prévu pour une action collective, un processus de négociation
collective ou l’exercice du droit de grève. La loi sur les sociétés ne prévoit pas de
procédure d’arbitrage pour la résolution de conflits. Elle ne prévoit pas non plus de
mécanismes de redressement des griefs, les tribunaux du travail n’ayant pas compétence
pour examiner des plaintes. La loi sur les sociétés ne prescrit pas de système de
déduction des cotisations à la source pour les associations enregistrées. En
conséquence, les associations enregistrées en vertu de la loi sur les sociétés ne sont
pas habilitées à entreprendre des négociations collectives et ne peuvent en aucun cas
être traitées en tant que syndicats aux termes des conventions nos 87 et 98. Elles
pourraient agir seulement comme groupes de pression en qualité d’organisations non
gouvernementales.
- 445. Dans sa dernière communication de septembre 2021, l’organisation
plaignante regrette que, même si les syndicats ont contesté en droit la décision de la
Haute Cour du Balouchistan auprès de la Cour suprême du Pakistan, une date d’audience
n’était toujours pas fixée plus d’un an après. C’est pourquoi le gouvernement fédéral et
le gouvernement du Balouchistan devraient être priés instamment de modifier les
définitions suivantes dans leurs lois respectives en matière de travail pour que les
anomalies, les lacunes et les déficiences relevées dans la décision de la Haute Cour du
Balouchistan soient éliminées et que les 62 syndicats soient rétablis dans leurs
fonctions: i) au niveau fédéral, l’article 1(3) de la loi fédérale sur les relations
professionnelles devrait être modifié pour se lire comme suit: «Elle s’applique à toutes
les personnes qui sont employeurs et à toutes les personnes qui sont employées ou
engagées dans le domaine de la prestation de services de toute nature contre
rémunération sous toutes ses formes et sur quelque base que ce soit dans toutes les
occupations, professions et industries, dans tous les lieux de travail à vocation
publique ou privée, à la seule exception des personnes employées dans la police et les
forces armées de la République islamique du Pakistan»; ii) l’article 1(4) de la loi sur
les relations professionnelles du Balouchistan devraient être modifiée en conséquence
pour se lire comme suit: «Elle s’applique à toutes les personnes qui sont employeurs et
à toutes les personnes qui sont employées ou engagées dans le domaine de la prestation
de services de toute nature contre rémunération sous toutes ses formes et sur quelque
base que ce soit dans toutes les occupations, professions et industries, dans tous les
lieux de travail à vocation publique ou privée, à la seule exception des personnes
employées dans la police et les forces armées de la République islamique du Pakistan»;
iii) l’article 2(b)(iii) de la loi sur les fonctionnaires du Balouchistan devrait être
modifiée pour se lire comme suit: (l’appellation fonctionnaire civil désigne […]) «une
personne qui travaille ou des travailleurs tels que définis dans la loi sur les
relations professionnelles du Balouchistan (BIRA)»; iv) l’article 2(i) de la loi sur les
usines du Balouchistan devrait être modifié pour se lire comme suit: «Le terme
travailleur désigne une personne qui a été définie comme travailleur dans la loi sur les
relations professionnelles du Balouchistan»; v) l’article 30(b) du Règlement relatif aux
fonctionnaires du gouvernement du Balouchistan (Conduite) devrait être modifié pour se
lire comme suit: (Aucun fonctionnaire du gouvernement ne peut être membre, représentant
ou dirigeant de toute association […] à moins qu’une telle association ne remplisse les
conditions suivantes:) «Sous réserve que le/les travailleur(s) défini(s) dans la BIRA
soit/soient exempté(s) de la restriction énoncée ci-dessus».
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 446. Le gouvernement a fait régulièrement le point sur les mesures prises
pour répondre aux questions soulevées dans la plainte dans ses communications en date du
11 et 18 octobre 2021, du 17 mai 2022 et du 12 septembre 2023.
- 447. Le gouvernement rappelle que la Haute Cour du Balouchistan a jugé
dans différentes affaires (CP no 669/2013 et CP no 400/2015) que les employés
travaillant dans les administrations publiques, les organismes parapublics et les
entités autonomes sont régis par le Règlement relatif aux fonctionnaires du gouvernement
du Balouchistan (Conduite) de 1979 et sont des personnes employées dans l’administration
de l’État. La BIRA, 2010, comme il est stipulé dans son article 1(4), ne s’applique donc
pas à ces personnes employées dans l’administration de l’État. À la lumière de ce qui
précède, la Haute Cour du Balouchistan a déclaré que ces personnes qui sont régies par
le Règlement relatif aux fonctionnaires du gouvernement du Balouchistan (Conduite) ne
peuvent constituer des syndicats. En conséquence, tous les syndicats dont les membres
sont employés dans l’administration de l’État ont été déclarés illégaux et l’annulation
de leur enregistrement a été ordonnée, à l’exception des syndicats dont les membres sont
des travailleurs qui sont régis par la BIRA.
- 448. Le gouvernement soutient que la radiation des 62 syndicats n’était
ni une action administrative ciblée du gouvernement du Balouchistan ni une décision
prise de son propre chef par une cour de justice. Elle découlait d’un litige entre
dirigeants syndicaux dont ils ont eux-mêmes saisi la Haute Cour. Au cours de la
procédure, il s’est avéré que les parties étaient des employeurs du secteur public et
des travailleurs employés dans l’administration de l’État, dont la nomination au sein du
gouvernement et les conditions d’emploi sont régies exclusivement par la loi de 1974 sur
les fonctionnaires du Balouchistan, et ne sont pas régies par l’article 1(4) de la BIRA.
Par conséquent, la décision de la Haute Cour visait, non pas à violer le droit à la
liberté syndicale de ces employés du gouvernement/personnes employées dans
l’administration de l’État, mais plutôt à souligner que les syndicats étaient
enregistrés à tort auprès du Bureau d’enregistrement des syndicats en vertu de la BIRA,
au lieu d’être régis par les dispositions du Règlement relatif aux fonctionnaires du
gouvernement du Balouchistan (Conduite) de 1979 qui leur sont applicables. Selon le
gouvernement, les fonctionnaires dont les syndicats ont été radiés conservent tous leurs
droits de constituer leurs propres associations de fonctionnaires en vertu de la
règle 30 du Règlement relatif aux fonctionnaires du gouvernement du Balouchistan
(Conduite) de 1979, selon laquelle la formation d’associations par les employés du
secteur public est assortie de certaines conditions.
- 449. Tout en indiquant que les parties lésées dont les syndicats ont été
radiés ont contesté ledit jugement de la Haute Cour du Balouchistan devant l’instance
judiciaire supérieure, soit la Cour suprême du Pakistan, le gouvernement ajoute que le
ministère des Pakistanais à l’étranger et de la Valorisation des ressources humaines
(MOPHRD) attache une importance prioritaire à cette affaire et a mené des discussions
tripartites approfondies avec toutes les parties prenantes, y compris les représentants
des organisations de travailleurs qui sont touchées par la décision de la Haute Cour et
des organisations d’employeurs. Le gouvernement indique que, par la suite, il a été
conclu que la résolution de cette affaire et la marche à suivre dépendraient du verdict
de la Cour suprême du Pakistan.
- 450. En conséquence, le MOPHRD – via une lettre en date du 29 septembre
2021 – a prié la Division de la loi et de la justice de demander au greffe de la Cour
suprême que lesdites requêtes en réexamen au civil soient entendues rapidement. Par
ailleurs, le secrétaire du MOPHRD s’est rendu dans la province du Balouchistan en
septembre 2021 pour s’entretenir sur la question à l’occasion d’importantes réunions de
haut niveau à Quetta avec le secrétaire général et le secrétaire du ministère des
Relations professionnelles et de la Main-d’œuvre (LMD) du Balouchistan, ainsi qu’avec
toutes les autres parties prenantes.
- 451. Le gouvernement indique que le droit d’association des personnes
employées dans l’administration de l’État, dont les syndicats ont été radiés, n’a en
aucun cas été enfreint, et que ces personnes ne sont pas non plus privées de l’accès aux
mécanismes de réparation des griefs. Un système parallèle plutôt plus efficace de
règlement des griefs est déjà à la disposition des personnes employées dans
l’administration de l’État sous la forme des tribunaux administratifs du Balouchistan,
en vertu de la loi de 1974 sur les tribunaux administratifs du Balouchistan. Dans
l’éventualité où elles sont lésées par la décision d’un tribunal administratif, elles
peuvent saisir la Haute Cour, puis la Cour suprême du Pakistan. En outre, diverses lois
et règles – telles que la réglementation des recours, la réglementation des congés, la
réglementation des nominations etc. – donnent suffisamment de latitude aux
fonctionnaires pour la protection de leurs droits.
- 452. Le gouvernement se déclare fermement déterminé à respecter les
principes et les dispositions des conventions nos 87 et 98 que le Pakistan a ratifiées.
Lorsque la Cour suprême du Pakistan se sera prononcée sur cette affaire, le gouvernement
fédéral, en collaboration avec le gouvernement du Balouchistan, prendra les mesures
nécessaires en conformité avec les conventions de l’OIT. Dans l’intervalle, le
gouvernement indique que le MOPHRD s’est porté partie civile dans les procédures
judiciaires en cours entre deux syndicats devant la Cour suprême du Pakistan afin de
présenter la situation sous l’angle des obligations internationales en cause.
- 453. Dans sa dernière communication en date du 12 septembre 2023, au
sujet du verdict possible de la Cour suprême du Pakistan concernant l’appel de la
décision de la Haute Cour du Balouchistan datée du 24 juin 2019 sur les droits
d’association des fonctionnaires (CP no 3230/2019), le gouvernement fait le point
suivant: trois audiences distinctes ont été programmées (le 11 janvier 2023, le 1er mars
2023 et le 7 avril 2023). Cependant, l’affaire a été ajournée par la Cour suprême à
chaque audience. Lors de la dernière audience tenue le 7 avril 2023, la Cour suprême a
reconnu l’importance de l’enjeu concernant les droits des fonctionnaires de constituer
des syndicats. En conséquence, la Cour a ordonné au Procureur général du Pakistan, ainsi
qu’aux avocats généraux du Pendjab, du Sind, du territoire de la capitale fédérale
Islamabad et du Khyber Pakhtunkhwa de présenter un exposé succinct de leur situation
respective dans les quatre semaines. À ce jour, la Cour suprême n’a pas fixé de nouvelle
date pour la prochaine audience.
- 454. Concernant les efforts déployés par les gouvernements fédéral et
provinciaux pour aligner leur législation sur les conventions pertinentes de l’OIT, le
gouvernement attire l’attention sur le fait que la BIRA de 2022 a été révisée et mise en
application – un pas important dans la bonne direction. Les exceptions ont été retirées
pour les catégories relevant de la loi pour aligner celle-ci plus étroitement sur les
conventions pertinentes de l’OIT. En particulier, le gouvernement souligne que, aux
termes de l’article 4 de la BIRA, la loi s’applique désormais à tous les travailleurs et
employeurs dans tous les lieux d’exploitation ou de direction d’entreprises commerciales
au Balouchistan. Cet amendement démontre les efforts déployés pour mettre la législation
en conformité avec les normes internationales du travail, tel que recommandé par
l’OIT.
- 455. Quant aux mesures possibles à l’avenir, le gouvernement étudie la
possibilité de bénéficier de l’assistance technique d’un juriste de l’OIT intervenant en
l’espèce devant la Cour en qualité d’amicus curiae. Cette assistance vise à mieux faire
comprendre à la Cour les obligations internationales résultant de la ratification des
conventions nos 87 et 98.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 456. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante,
la Fédération des travailleurs du Pakistan (PWF), dénonce la radiation de syndicats de
la fonction publique, d’organismes parapublics et d’institutions non gouvernementales
dans la province du Balouchistan en application d’une décision de la Haute Cour
provinciale prononcée en 2019.
- 457. Le comité note que la PWF se dit vivement préoccupée par la
radiation de 62 syndicats dans la province du Balouchistan au Pakistan, en application
d’une décision de la Haute Cour provinciale datée du 24 juin 2019 selon laquelle le
secrétaire général ainsi que les secrétaires de tous les ministères ont reçu instruction
de faire le nécessaire en vue de la radiation de syndicats dans toutes les
administrations publiques. Le comité constate que, suite à la décision de la Haute Cour,
la Direction générale chargée de la protection sociale des travailleurs du Balouchistan
a émis l’arrêté no 45/R&R/DGL W/QTA/1385-1433 daté du 12 juillet 2019, par lequel
l’enregistrement de «tous les syndicats constitués par les employés d’administrations
publiques, d’organismes parapublics et d’entités autonomes» était annulé. Selon la PWF,
en estimant que les employés des organismes du secteur public peuvent former des
associations en vertu de la loi de 1860 sur l’enregistrement des sociétés, la Haute Cour
du Balouchistan les a véritablement privés de leur liberté syndicale et de leur droit à
la négociation collective, et les a contraints à se constituer en organisations non
gouvernementales.
- 458. L’organisation plaignante affirme que la décision de la Haute Cour
s’est heurtée à une forte résistance de la part des travailleurs concernés et a perturbé
la paix sociale dans le pays. De même, la radiation des syndicats a été très mal
accueillie par le mouvement syndical mondial. L’organisation plaignante fait allusion en
particulier à une résolution adoptée en août 2019 par la Confédération syndicale
internationale pour l’Asie-Pacifique (CSI Asie-Pacifique) priant tous ses affiliés
d’envoyer des lettres de protestation au gouvernement du Balouchistan, d’exiger
l’interdiction de l’assistance technique du BIT dans la province du Balouchistan, et de
porter plainte contre le gouvernement du Pakistan devant le Fonds monétaire
international, la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement et l’Union
européenne, au nom du système de préférences généralisées Plus (SPG+) dont bénéficie le
Pakistan.
- 459. Le comité note l’affirmation du gouvernement selon laquelle la
radiation des 62 syndicats n’était pas une action administrative ciblée du gouvernement
du Balouchistan. Elle découlait d’un litige entre dirigeants syndicaux dont ils ont
eux-mêmes saisi la Haute Cour. Au cours de la procédure, il s’est avéré que les parties
étaient des employeurs du secteur public et des travailleurs employés dans
l’administration de l’État, dont la nomination au sein du gouvernement et les conditions
d’emploi sont régies exclusivement par la loi de 1974 sur les fonctionnaires du
Balouchistan, et ne sont pas régies par l’article 1(4) de la loi sur les relations
professionnelles du Balouchistan (BIRA). Par conséquent, la décision de la Haute Cour
visait, non pas à violer le droit à la liberté syndicale de ces employés du
gouvernement/personnes employées dans l’administration de l’État, mais plutôt à
souligner que les syndicats étaient enregistrés à tort auprès du Bureau d’enregistrement
des syndicats en vertu de la BIRA, au lieu d’être régis par les dispositions du
Règlement relatif aux fonctionnaires du gouvernement du Balouchistan (Conduite) de 1979
qui leur sont applicables.
- 460. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle la Haute
Cour du Balouchistan a jugé dans différentes affaires (CP no 669/2013 et CP no 400/2015)
que les employés travaillant dans les administrations publiques, les organismes
parapublics et les entités autonomes sont régis par le Règlement relatif aux
fonctionnaires du gouvernement du Balouchistan (Conduite) de 1979 et sont des personnes
employées dans l’administration de l’État. La BIRA, 2010, comme il est stipulé dans son
article 1(4), ne s’applique donc pas à ces personnes employées dans l’administration de
l’État. À la lumière de ce qui précède, la Haute Cour du Balouchistan a déclaré que ces
personnes qui sont régies par le Règlement relatif aux fonctionnaires du gouvernement du
Balouchistan (Conduite) de 1979 ne peuvent constituer des syndicats. Le gouvernement
ajoute que les fonctionnaires dont les syndicats ont été radiés sur ordre de la
Direction générale chargée de la protection sociale des travailleurs du Balouchistan
conservent tous leurs droits de constituer leurs propres associations de fonctionnaires
en vertu de la règle 30 du Règlement respectif relatif aux fonctionnaires du
gouvernement du Balouchistan (Conduite) de 1979, selon laquelle la formation
d’associations par les employés du secteur public est assortie de certaines
conditions.
- 461. Selon le gouvernement, le droit d’association des personnes
employées dans l’administration de l’État, dont les syndicats ont été radiés, n’a en
aucun cas été enfreint, et ces personnes ne sont pas non plus privées de l’accès aux
mécanismes de réparation des griefs. Un système parallèle plutôt plus efficace de
règlement des griefs est déjà à la disposition des personnes employées dans
l’administration de l’État sous la forme des tribunaux administratifs du Balouchistan,
en vertu de la loi de 1974 sur les tribunaux administratifs du Balouchistan. Dans
l’éventualité où elles sont lésées par la décision d’un tribunal administratif, elles
peuvent saisir la Haute Cour, puis la Cour suprême du Pakistan. En outre, diverses lois
et règles – telles que la réglementation des recours, la réglementation des congés, la
réglementation des nominations etc. – donnent suffisamment de latitude aux
fonctionnaires pour la protection de leurs droits.
- 462. Le comité note que la PWF dénonce le fait que la Haute Cour du
Balouchistan a interdit l’action syndicale dans la fonction publique de cette province.
La décision de la Cour serait motivée par certaines anomalies de la législation du
travail selon lesquelles la fonction publique et ses administrations connexes ont été
privées de leurs droits d’association et de négociation collective. L’organisation
plaignante déplore le fait que le ministère du Travail du Balouchistan ait outrepassé
les limites établies et le mandat conféré par la Haute Cour en radiant les syndicats
(dont certains existaient depuis deux à trois décennies), non seulement de la fonction
publique, mais également des organismes parapublics et des organisations non
gouvernementales, réduisant ainsi le mouvement syndical dans cette province aux mines et
au secteur des entreprises privées. Le comité note également que l’organisation
plaignante se réfère à la Constitution de la République islamique du Pakistan, qui
confère à ses citoyens la liberté d’association en disposant que «chaque citoyen a le
droit de constituer une association ou un syndicat, sous réserve de certaines conditions
raisonnables imposées par la loi destinées à protéger la souveraineté ou l’intégrité du
Pakistan, l’ordre public ou la moralité» (article 17) et en stipulant que «pour décider
du bien-fondé de ses droits et devoirs civiques ou de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle, une personne a droit à des garanties procédurales et à un procès
équitable» (article 10-A). Le comité note également que, selon l’organisation
plaignante, la Haute Cour n’a pas pris en considération dans son jugement la convention
(no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la
convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, qui
stipulent clairement que «[l]es travailleurs et les employeurs, sans distinction
d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des
organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, à la
seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières. Les autorités publiques
doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver
l’exercice légal. Les organisations de travailleurs et d’employeurs ne sont pas sujettes
à dissolution ou à suspension par voie administrative.»
- 463. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, les seules lois
régissant la constitution de syndicats et la négociation collective adoptées aux niveaux
fédéral et provincial, depuis 1926 et après l’indépendance en 1947, sont les lois sur
les relations professionnelles. En comparaison, la loi de 1860 sur les sociétés est une
loi générale applicable aux sociétés ou aux organisations non gouvernementales telles
que les associations d’employeurs ou autres – associations de médecins, de commerçants,
etc. La loi sur les sociétés ne prévoit aucune voie de recours en cas de licenciement de
responsables ou de membres d’une association. Les associations ainsi enregistrées ne
peuvent entreprendre aucune négociation collective concernant l’emploi, le non-emploi,
les conditions d’emploi et de travail. La loi sur les sociétés ne prévoit aucune voie de
recours en cas de griefs individuels ni de système de délégués syndicaux. Le droit de
participation des travailleurs à la gestion et aux conseils de gestion conjointe n’y
figure pas. Aucun mécanisme juridique n’est prévu pour une action collective, un
processus de négociation collective ou l’exercice du droit de grève. La loi sur les
sociétés ne prévoit pas de procédure d’arbitrage pour la résolution de conflits. Elle ne
prévoit pas non plus de mécanismes de règlement des différends, les tribunaux du travail
n’ayant pas compétence pour examiner des plaintes. La loi sur les sociétés ne prescrit
pas de système de déduction des cotisations à la source pour les associations
enregistrées. En conséquence, selon la PWF, les associations enregistrées en vertu de la
loi sur les sociétés ne sont pas habilitées à entreprendre des négociations collectives
et ne peuvent en aucun cas être traitées en tant que syndicats aux termes des
conventions nos 87 et 98. Elles pourraient agir seulement comme groupes de pression en
qualité d’organisations non gouvernementales.
- 464. Le comité rappelle que les fonctionnaires publics doivent
bénéficier, comme tous les autres travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, du
droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier, sans
autorisation préalable, afin de promouvoir et de défendre leurs intérêts professionnels.
[Voir Compilation des décisions du Comité de liberté syndicale, sixième édition, 2018,
paragr. 336,.] Le refus de reconnaître aux travailleurs du secteur public le droit
qu’ont les travailleurs du secteur privé de constituer des syndicats, ce qui a pour
résultat de priver leurs «associations» des avantages et privilèges attachés aux
«syndicats» proprement dits, implique, dans le cas des travailleurs employés par le
gouvernement et de leurs organisations, une discrimination par rapport aux travailleurs
du secteur privé et à leurs organisations. Une telle situation pose la question de la
compatibilité de ces distinctions avec l’article 2 de la convention no 87 en vertu de
laquelle les travailleurs, «sans distinction d’aucune sorte», ont le droit, sans
autorisation préalable, de constituer les organisations de leur choix et celui de s’y
affilier, de même qu’avec les articles 3 et 8, paragraphe 2, de la convention. [Voir
Compilation, paragr. 339.] L’existence d’un système de règlement des conflits ne saurait
justifier le déni du droit d’organisation des employés publics. [Voir Compilation,
paragr. 341.] Compte tenu des points soulevés en l’espèce, tant par l’organisation
plaignante que par le gouvernement, le comité constate que l’impossibilité aux termes de
la loi applicable aux fonctionnaires de la province du Balouchistan de constituer une
organisation ou de s’y affilier au sens de l’article 2 de la convention no 87 est
incompatible avec le principe de la liberté syndicale. À cet égard, le comité souscrit
aux observations formulées depuis de nombreuses années par la Commission d’experts pour
l’application des conventions et recommandations (CEAR) priant instamment le
gouvernement de veiller à ce que les gouvernements fédéral et provinciaux prennent les
mesures nécessaires pour réviser leurs lois respectives afin que toutes les catégories
de travailleurs puissent jouir des droits que leur confère la convention, la seule
exception admissible – qui doit être interprétée de manière restrictive – étant la
police et les forces armées. Le comité prie donc instamment le gouvernement de faire en
sorte que le gouvernement du Balouchistan prenne toutes les mesures nécessaires pour que
les fonctionnaires puissent constituer les organisations de leur choix et s’y affilier
librement, et mener des activités visant à promouvoir et à défendre les intérêts de
leurs membres. En outre, le comité prie instamment le gouvernement de garantir sans
délai que les associations de fonctionnaires actuellement exclus peuvent représenter les
intérêts de leurs membres auprès de l’employeur et des autorités. Le comité prie le
gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- 465. Le comité note que l’organisation plaignante prie instamment le
gouvernement fédéral et le gouvernement du Balouchistan de modifier un certain nombre de
définitions dans leurs lois respectives en matière de travail pour que les anomalies,
les lacunes et les déficiences relevées dans la décision de la Haute Cour du
Balouchistan soient éliminées et que les 62 syndicats soient rétablis dans leurs
fonctions. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement concernant
les efforts déployés par les gouvernements fédéral et provinciaux pour aligner leur
législation sur les conventions pertinentes de l’OIT, et du fait que la révision de la
BIRA, en 2022, est un pas important dans la bonne direction grâce au retrait des
exceptions pour les catégories relevant de la loi qui permet d’aligner celle-ci plus
étroitement sur les conventions pertinentes de l’OIT. Le gouvernement souligne que, aux
termes de l’article 4 de la BIRA, la loi s’applique désormais à tous les travailleurs et
employeurs dans tous les lieux d’exploitation ou de direction d’entreprises commerciales
au Balouchistan.
- 466. Tout en reconnaissant les efforts déployés pour étendre le champ
d’application de la législation sur les relations professionnelles aux catégories de
travailleurs antérieurement exclues au Balouchistan, le comité attire l’attention du
gouvernement sur les observations formulées par la CEACR en 2022, selon lesquelles les
exclusions retenues dans la nouvelle loi demeurent plus nombreuses que celles autorisées
par la convention. Le comité rappelle que les normes contenues dans la convention no 87
s’appliquent à tous les travailleurs «sans distinction d’aucune sorte», et couvrent donc
le personnel de l’État. Il a semblé en effet inéquitable d’établir une discrimination
dans le domaine syndical entre les travailleurs du secteur privé et les agents de la
fonction publique qui doivent, les uns comme les autres, être en mesure de s’organiser
pour la défense de leurs intérêts. [Voir Compilation, paragr. 334.] Le comité encourage
le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre la BIRA et la
législation pertinente du Balouchistan en conformité avec le principe de la liberté
syndicale à cet égard. Le comité attire l’attention de la CEACR sur cet aspect
législatif du cas.
- 467. Le comité prend note de l’indication de la PWF selon laquelle les
syndicats ont contesté la décision devant la Cour suprême du Pakistan (requêtes en
réexamen au civil nos 3230/2019 et 3221/2019) aux motifs suivants: i) la Haute Cour du
Balouchistan n’a pas pris en considération la proposition juridique présentée en
l’espèce et s’est prononcée sans prendre connaissance de la loi ni des faits en cause.
La Haute Cour a pris ses distances par rapport aux plaidoiries présentées par les
parties au litige qui ne s’étaient pas penchées sur la question de l’enregistrement de
syndicats dans un établissement d’un organisme du secteur public pour en déterminer la
conformité; ii) la Haute Cour, au lieu de s’en tenir au litige en cause, a donné de son
propre chef certaines directives (sans que les parties ne l’y aient incitée
officiellement) pour lesquelles la loi établie par la Cour suprême ne lui conférait
aucun pouvoir; iii) ces directives ont été émises à l’encontre de ceux qui n’étaient
même pas partie à la procédure judiciaire en question. Ce faisant, la Haute Cour a agi
en violation de l’article 10-A de la Constitution de la République islamique du Pakistan
et du principe du contradictoire (droit de chaque partie de se faire entendre), rendant
son jugement juridiquement indéfendable; iv) les employés travaillant dans des
organisations du secteur public, des organismes parapublics et des entités autonomes
dont les syndicats ont été radiés n’exercent aucune des fonctions régaliennes incombant
à l’État. En conséquence, on ne peut affirmer qu’ils sont commis à l’administration de
l’État – expression qui a été définie par les tribunaux dans plusieurs décisions et qui
devrait avoir un sens étroit et limité. En particulier, selon la Cour suprême, les
fonctions exercées par les organismes du secteur public ne relèvent pas de
l’administration de l’État et ne sont donc pas régaliennes; v) la Cour suprême a jugé
dans une décision (SCMR no 666 de 1997) que la Haute Cour n’est pas habilitée à annuler
l’enregistrement d’un syndicat dans l’exercice de sa compétence constitutionnelle, mais
que seule l’instance compétente prévue par la loi sur les relations professionnelles –
soit la BIRA de 2010 – peut se prononcer en la matière. En l’espèce, l’article 12 de la
BIRA établit une procédure complète pour la radiation d’un syndicat enregistré, sous
réserve que l’enregistrement dudit syndicat ne soit pas conforme à la loi. Le pouvoir
d’engager en pareil cas une procédure contre un syndicat particulier incombe au tribunal
du travail et ne peut être exercé que sur réception d’une plainte écrite du Bureau
d’enregistrement des syndicats.
- 468. Le comité observe que, dans sa dernière communication de septembre
2021, l’organisation plaignante regrettait qu’une date d’audience n’ait toujours pas été
fixée plus d’un an après.
- 469. Le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon
laquelle lorsque la Cour suprême du Pakistan se sera prononcée sur cette affaire, le
gouvernement fédéral, en collaboration avec le gouvernement du Balouchistan, prendra les
mesures nécessaires en conformité avec les conventions de l’OIT. Le comité note
toutefois avec préoccupation que trois audiences distinctes ont été programmées pour le
cas no 3220/2019 (le 11 janvier 2023, le 1er mars 2023 et le 7 avril 2023). Cependant,
l’affaire a été ajournée par la Cour suprême à chaque audience. Le comité note que, lors
de la dernière audience tenue le 7 avril 2023, la Cour suprême, reconnaissant
l’importance de l’enjeu concernant les droits des fonctionnaires de constituer des
syndicats, a ordonné au Procureur général du Pakistan, ainsi qu’aux avocats généraux du
Pendjab, du Sind, du territoire de la capitale fédérale Islamabad et du Khyber
Pakhtunkhwa de présenter un exposé succinct de leur situation respective dans les quatre
semaines. Le comité note également avec préoccupation qu’il n’a reçu aucune information
concernant une nouvelle date pour la prochaine audience.
- 470. S’agissant des allégations selon lesquelles les procédures légales
sont excessivement longues, le comité rappelle l’importance qu’il attache à ce que de
telles procédures soient menées rapidement étant donné que les lenteurs de la justice
risquent de constituer un déni de justice. [Voir Compilation, paragr. 169.] Le comité
tient à exprimer sa profonde préoccupation concernant le laps de temps qui s’est écoulé
sans que la Cour suprême puisse examiner les recours introduits contre la décision de la
Haute Cour du Balouchistan. Ce retard empêche la conduite d’activités syndicales dans le
secteur public et entrave l’exercice de la liberté syndicale dans cette province. En
conséquence, le comité s’attend à ce que la Cour suprême examine sans plus tarder les
cas nos 3220/2019 et 3221/2019 dont elle a été saisie et à ce que le gouvernement le
tienne informé des résultats de cet examen et de toute suite donnée à cet égard aux
niveaux fédéral et provincial.
- 471. Le comité reconnaît les efforts déployés par le gouvernement, suite
à la décision de la Haute Cour, pour solliciter l’assistance technique du Bureau, étant
donné la gravité de la question. Le comité note en outre qu’il fait savoir que: i) le
ministère des Pakistanais à l’étranger et de la Valorisation des ressources humaines
(MOPHRD) a mené des discussions tripartites approfondies avec toutes les parties
prenantes, y compris les représentants des organisations de travailleurs qui sont
touchées par la décision de la Haute Cour et des organisations d’employeurs; ii) le
MOPHRD, – via une lettre en date du 29 septembre 2021 – a prié la Division de la loi et
de la justice de demander au greffe de la Cour suprême que lesdites requêtes en réexamen
au civil soient entendues rapidement; iii) le secrétaire du MOPHRD s’est rendu dans la
province du Balouchistan en septembre 2021 pour s’entretenir sur la question à
l’occasion d’importantes réunions de haut niveau à Quetta avec le secrétaire général et
le secrétaire du ministère des Relations professionnelles et de la Main-d’œuvre (LMD) du
Balouchistan, ainsi qu’avec toutes les autres parties prenantes; iv) le gouvernement
indique par ailleurs que le MOPHRD s’est porté partie civile dans les procédures
judiciaires en cours entre deux syndicats devant la Cour suprême du Pakistan afin de
présenter la situation sous l’angle des obligations internationales en cause; et v) le
gouvernement étudie la possibilité de bénéficier des conseils techniques de l’OIT en vue
de mieux faire comprendre à la Cour les obligations internationales résultant de la
ratification des conventions nos 87 et 98.
- 472. Le comité encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts en vue
de trouver des solutions aux questions en suspens. Compte tenu du temps écoulé depuis le
dépôt de la plainte en 2019, le comité veut croire que le gouvernement recevra
l’assistance technique du Bureau requise pour prendre rapidement les mesures nécessaires
concernant les questions en suspens dans le présent cas.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 473. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations qui suivent:
- a) Le comité prie
instamment le gouvernement de veiller à ce que le gouvernement du Balouchistan
prenne toutes les mesures nécessaires pour garantir que les fonctionnaires puissent
constituer les organisations de leur choix et s’y affilier librement, et mener des
activités visant à défendre les intérêts de leurs membres. En outre, le comité prie
instamment le gouvernement de garantir sans délai que les associations de
fonctionnaires actuellement exclus peuvent représenter les intérêts de leurs membres
auprès de l’employeur et des autorités. Le comité prie le gouvernement de le tenir
informé des mesures prises à cet égard.
- b) Rappelant qu’il considère comme
inéquitable d’établir une discrimination dans le domaine syndical entre les
travailleurs du secteur privé et les agents de la fonction publique qui doivent, les
uns comme les autres, être en mesure de s’organiser pour la défense de leurs
intérêts, le comité encourage le gouvernement à prendre toutes les mesures
nécessaires pour mettre la loi sur les relations professionnelles du Balouchistan
(BIRA) et la législation pertinente du Balouchistan en conformité avec le principe
de la liberté d’association à cet égard. Le comité attire l’attention de la
Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR)
sur cet aspect législatif du cas.
- c) Le comité s’attend à ce que la Cour
suprême examine sans plus tarder les cas nos 3220/2019 et 3221/2019 dont elle a été
saisie et à ce que le gouvernement le tienne informé des résultats de cet examen et
de toute suite donnée à cet égard aux niveaux fédéral et provincial.
- d) Le
comité encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts en vue de trouver des
solutions aux questions en suspens. Compte tenu du temps écoulé depuis le dépôt de
la plainte en 2019, le comité veut croire que le gouvernement recevra l’assistance
technique du Bureau requise pour prendre rapidement les mesures nécessaires
concernant les questions en suspens dans le présent cas.