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Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent la violation des droits
syndicaux et des droits de négociation collective du syndicat Awami Labour Union et de ses
membres à la centrale hydroélectrique de Karot
- 312. La plainte figure dans une communication en date du 17 août 2022 de
l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB), de la Fédération des
travailleurs pakistanais (PWF) et de la Fédération des travailleurs du bâtiment et du
bois du Pakistan (PFBWW). La PFBWW a envoyé un complément d’information dans une
communication en date du 12 avril 2024.
- 313. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications
en date du 16 janvier et du 22 avril 2024.
- 314. Le Pakistan a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 315. Dans une communication en date du 17 août 2022, l’IBB, la PWF et la
PFBWW indiquent que les travailleurs employés à la centrale hydroélectrique de Karot,
dans le district de Rawalpindi (province du Pendjab) luttent depuis cinq ans pour
pouvoir exercer leurs droits syndicaux. La centrale hydroélectrique de Karot est un
projet financé par la Société financière internationale (SFI), le Fonds de la Route de
la soie, l’Export Import Bank of China et la China Development Bank. La construction a
été achevée en 2022 et la centrale a commencé à produire de l’électricité. Selon les
organisations plaignantes, les travailleurs ont créé l’Awami Labour Union (ALU) en mai
2017 en réaction aux nombreuses violations du droit du travail commises pendant la
construction, notamment l’absence de contrats de travail valides, le non paiement des
heures supplémentaires et des violations des règles concernant la sécurité et la santé
au travail. Toutefois, le bureau d’enregistrement du ministère du Travail n’a enregistré
l’ALU qu’un an plus tard, après y avoir été contraint en mai 2018 par le tribunal du
travail de Rawalpindi. Les organisations plaignantes allèguent que malgré les multiples
tentatives de l’ALU d’engager le dialogue avec la direction de l’entreprise à propos des
violations du droit du travail, il a fallu que la SFI intervienne pour que des réunions
soient organisées. Les choses ont évolué positivement concernant certaines des plaintes
du syndicat, mais les droits syndicaux ont continué d’être violés. Par exemple, les
dirigeants syndicaux avaient du mal à accéder au chantier, ce qui empêchait le syndicat
d’être présent sur le lieu de travail et de communiquer avec ses membres, 200 membres du
syndicat ont été licenciés sans motif (lorsque la direction du projet hydroélectrique de
Karot a licencié plus de 2 400 travailleurs, en décembre 2021, pendant la pandémie de
COVID 19, prétextant «licencier les travailleurs non essentiels», sans payer ni les
indemnités de licenciement ni les congés payés dus, en violation flagrante du droit du
travail du Pendjab) et l’employeur a interféré dans les activités syndicales en
soutenant la création d’un syndicat parallèle, dominé par la direction.
- 316. En ce qui concerne l’enregistrement de l’ALU, les organisations
plaignantes précisent que, dans sa décision du 29 mai 2018, le tribunal du travail de
Rawalpindi a estimé que le bureau d’enregistrement du ministère du Travail violait le
droit du travail en refusant d’enregistrer le syndicat. Le tribunal a jugé que les
motifs du bureau d’enregistrement – à savoir que l’ALU ne pouvait pas être enregistré à
Rawalpindi parce que le projet hydroélectrique de Karot et les membres du syndicat
relevaient de plusieurs districts – étaient contraires à la loi du Pendjab sur les
relations professionnelles (PIRA). Il a en outre estimé que l’ALU satisfaisait à toutes
les conditions d’enregistrement et que rien dans la PIRA n’interdisait au bureau
d’enregistrement du ministère du Travail d’enregistrer le syndicat pour une simple
question de compétence. Le tribunal a ainsi indiqué que la loi n’exigeait pas que l’on
s’intéresse au lieu de résidence permanente des membres du syndicat lors de
l’enregistrement de celui ci et que cet élément n’était pas du tout pertinent dans ce
contexte. Il a aussi indiqué que la création d’un syndicat constituait un droit
fondamental des travailleurs qui devait leur permettre de défendre leurs droits
légitimes et dont ils ne pouvaient pas être privés pour une question de compétence; les
requérants ne pouvaient pas se voir refuser l’enregistrement de leur syndicat, droit
fondamental garanti par la Constitution de la République islamique du Pakistan. Comme
suite au jugement, le 9 juin 2018, le bureau d’enregistrement a officiellement
enregistré l’ALU comme syndicat au sein de la China Three Gorges Corporation Karot Power
Company Private Limited (KPCL) (ci après «l’entreprise»). L’ALU s’est affilié à la
PFBWW.
- 317. Selon les organisations plaignantes, après l’enregistrement,
l’entreprise a violé à plusieurs reprises la législation du travail et les normes
internationales du travail. Les membres et les dirigeants de l’ALU ont été pris pour
cible et harcelés; ils ont été menacés de licenciement et des dossiers ont été fabriqués
contre eux aux fins d’actions en justice. Six mois après l’enregistrement, les
travailleurs n’étaient toujours pas autorisés à mener des activités syndicales sur le
chantier, ni même dans les zones résidentielles. Ni les secrétaires généraux ni les
présidents de l’ALU et de la PFBWW n’étaient autorisés à se rendre sur le chantier pour
rencontrer les membres du syndicat, mener des activités syndicales légitimes ou
rencontrer la direction pour discuter des doléances.
- 318. La PFBWW, par l’intermédiaire de l’IBB, a prié la SFI d’intervenir
pour contraindre l’entreprise de s’entretenir avec l’ALU des violations du droit du
travail. Après la médiation de la SFI, l’entreprise, l’ALU et la PWF ont tenu plusieurs
réunions. À l’une d’elles, en mars 2019, l’entreprise a ignoré le cahier de
revendications et a exigé de l’ALU qu’il présente la liste approuvée de ses responsables
et une liste complète de ses membres. Les représentants de l’ALU ont répondu que tous
les noms et documents avaient été fournis au ministère du Travail et que le bureau
d’enregistrement des syndicats avait déjà informé officiellement l’entreprise, en lui
transmettant le certificat d’enregistrement légal et la liste des responsables
syndicaux. L’ALU a aussi répondu qu’il ne fournirait aucune information supplémentaire
puisque l’entreprise avait menacé certains de ses membres pour les pousser à se
désaffilier, ce que la loi considère comme une pratique déloyale en matière de travail.
Selon les organisations plaignantes, l’entreprise a affirmé qu’elle ne négocierait pas à
propos des revendications des travailleurs tant que ces listes ne lui seraient pas
fournies et a mis un terme à la réunion sans conclusion. Les organisations plaignantes
dénoncent le fait que l’entreprise ait eu l’intention d’utiliser le syndicat pour
obtenir des informations qui lui auraient permis d’identifier les travailleurs syndiqués
et de les prendre pour cible.
- 319. Les organisations plaignantes signalent que d’autres réunions entre
les représentants de l’entreprise, de l’ALU et de la PWF ont amené progressivement des
changements, mais que des droits syndicaux fondamentaux ont continué d’être violés. En
particulier, elles allèguent que les représentants de l’ALU et de la PFBWW ne pouvaient
entrer librement sur le chantier et que la forte présence militaire y créait un climat
d’intimidation. Si une réunion était organisée, il fallait des heures avant qu’elle
puisse commencer en raison de la longueur et de la lourdeur des protocoles de sécurité.
Cette difficulté d’accès aux membres du syndicat et aux travailleurs persistait deux ans
plus tard, puisque le président de l’ALU devait toujours demander une autorisation deux
jours au préalable avant même de pouvoir pénétrer sur le chantier. Ce refus d’accès au
lieu de travail de l’entreprise pour les dirigeants et les organisateurs syndicaux, tout
comme les lourdes mesures de sécurité et les obligations de notification préalable
constituent de graves violations de la liberté syndicale. Dans sa communication la plus
récente, d’avril 2024, la PFBWW dit s’efforcer d’entretenir, par l’intermédiaire de
l’ALU, des contacts réguliers avec les travailleurs de la centrale hydroélectrique de
Karot, le président de l’ALU et d’autres responsables syndicaux travaillant toujours sur
le site.
- 320. En outre, les organisations plaignantes allèguent de graves
ingérences de la part de l’entreprise. Deux ans après sa création et plus d’un an après
son enregistrement officiel, lorsqu’il a réaffirmé qu’il avait besoin de poursuivre la
négociation collective avec l’entreprise, l’ALU a été informé de la création d’un
nouveau syndicat, le Social Hydro Labour Union (SHLU), qui avait été enregistré
seulement une semaine après l’envoi de ses documents au bureau d’enregistrement des
syndicats. L’ALU affirme qu’aucun travailleur du chantier ne connaissait cet autre
syndicat. La rapidité de l’enregistrement du SHLU et de sa reconnaissance par
l’entreprise a conduit l’ALU à douter sérieusement de l’indépendance et de la légitimité
de ce syndicat. En conséquence, l’ALU a envoyé en décembre 2019 une lettre au bureau
d’enregistrement des syndicats dans laquelle il remettait en question la légitimité du
SHLU et demandait sa radiation. Les organisations plaignantes affirment en outre que
l’entreprise a organisé directement des réunions entre des responsables de la SFI et du
SHLU lors d’une enquête menée par la SFI au Pakistan en avril 2022, notamment concernant
l’utilisation de ressources de l’entreprise au profit du SHLU. Elles déplorent que
l’entreprise n’ait rien fait de tel pour le syndicat en place (l’ALU, affilié à la
PFBWW). Selon elles, le fait que l’entreprise ait facilité l’accès du SHLU et les
échanges entre celui ci, le personnel et les enquêteurs de la SFI, sans inviter l’ALU,
est un bel exemple de favoritisme.
- 321. Les organisations plaignantes dénoncent également la violation par
le gouvernement du droit de négociation collective. Elles rappellent que l’ALU a soumis
aux autorités les documents nécessaires pour prouver qu’il satisfaisait au seuil requis
pour être l’agent de négociation des travailleurs de l’entreprise: il avait prouvé qu’il
comptait 1 272 membres, un chiffre largement supérieur au seuil imposé par la loi pour
être considéré comme l’agent de négociation collective, à savoir un tiers du nombre
total des travailleurs. Dès lors, les autorités devraient obtenir de l’entreprise
qu’elle reconnaisse l’ALU aux fins de la négociation collective. Toutefois, l’entreprise
a refusé de reconnaître l’ALU en qualité d’agent de négociation collective et de seul
syndicat présent sur le chantier à l’époque. Dans sa dernière communication, la PFBWW
indique que, puisque la construction est achevée depuis 2022 et que le travail sur le
site est terminé, il n’est plus nécessaire ni d’obtenir la reconnaissance en qualité
d’agent de négociation collective ni d’organiser le référendum.
- 322. Les organisations plaignantes jugent très préoccupantes l’ingérence
persistante de l’entreprise et l’absence de réaction du gouvernement s’agissant de faire
respecter les droits syndicaux fondamentaux des travailleurs. Ces derniers essaient
depuis cinq ans de faire respecter les droits et les protections au travail garantis par
la législation du travail et par les obligations que les normes internationales du
travail mettent à la charge du Pakistan. Ils ont emprunté plusieurs voies de recours,
notamment les tribunaux locaux et la procédure de réclamation de la SFI, en vain. Les
organisations plaignantes demandent au gouvernement de revoir et de faire appliquer sa
législation du travail, de faire annuler tous les licenciements qui se révéleraient être
une violation de la liberté syndicale en l’espèce et de veiller à ce que l’entreprise
reconnaisse l’ALU et négocie de bonne foi avec lui. En outre, le gouvernement devrait
veiller à ce que plus aucun acte d’intimidation, de harcèlement ou d’ingérence ne soit
commis sur le site de l’entreprise.
- 323. Les organisations plaignantes estiment que, même si la phase de
construction du projet hydroélectrique de Karot est achevée depuis juin 2022 et que la
phase d’exploitation commerciale a commencé, les problèmes décrits persisteront puisque
d’autres projets approuvés par la SFI dans la région réunissent le même employeur et les
mêmes bailleurs de fonds, et que les droits syndicaux risquent donc d’être de nouveau
violés. Par conséquent, le comité devrait intervenir de toute urgence en l’espèce afin
d’offrir aux travailleurs un recours et d’empêcher la répétition de violations
similaires sur des projets que les mêmes acteurs mèneraient à l’avenir.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 324. Dans ses communications des 16 janvier et 22 avril 2024, le
gouvernement a fourni les informations ci après. Le projet de centrale hydroélectrique
de Karot relève de la compétence de la direction générale de la protection des
travailleurs, qui dépend du ministère du Travail et des Ressources humaines du
gouvernement du Pendjab. Le bureau d’enregistrement des syndicats, qui relève de ladite
direction, a fait savoir que les syndicats (l’ALU et le SHLU) n’avaient déposé au bureau
de Rawalpindi aucune plainte concernant de l’ingérence, du harcèlement, l’accès au lieu
de travail ou des violations de la législation nationale par la direction.
- 325. En ce qui concerne les allégations qui ont trait à la négociation
collective, le gouvernement transmet les informations communiquées par le bureau
d’enregistrement des syndicats, selon lesquelles l’ALU a été enregistré officiellement
le 9 juin 2018 après avoir rempli toutes les conditions imposées par la PIRA. Les
responsables de l’ALU ont demandé un certificat d’agent de négociation collective le
16 octobre 2018. Cependant, le bureau a reçu au même moment une demande d’enregistrement
d’un autre syndicat, le SHLU, au sein de la même entreprise. Le SHLU a été enregistré le
30 août 2019, enregistrement qui a rendu inopérante la demande d’obtention d’un
certificat d’agent de négociation collective de l’ALU. Le SHLU a demandé en 2019
l’organisation d’un scrutin secret pour déterminer quel syndicat devait être l’agent de
négociation au sein de l’entreprise. La procédure de référendum s’est ouverte le
20 décembre 2019 et s’est poursuivie jusqu’au 1er août 2022. Les deux syndicats ont
participé aux réunions y afférentes. Le bureau d’enregistrement avait initialement prévu
que le référendum se tiendrait le 9 août 2022, mais l’entreprise a demandé qu’il soit
reporté au 18 août 2022, invoquant la nécessité de préparer les documents à transmettre
concernant les frais engendrés par le vote. Le report a été accepté, mais l’entreprise
n’a pas communiqué les informations requises et le référendum n’a donc pas été organisé.
Le bureau d’enregistrement a demandé à trois reprises aux responsables des deux
syndicats et à la direction de l’entreprise, par des lettres en date du 18 août, du
1er septembre et du 31 octobre 2023, de participer aux réunions pour l’organisation du
référendum et la désignation de l’agent de négociation. Cependant, ni les syndicats ni
l’entreprise n’ont assisté aux réunions planifiées. Compte tenu de ce qui précède, le
gouvernement estime que ni les responsables des syndicats ni la direction de
l’entreprise ne tiennent à organiser un référendum à bulletin secret pour désigner
l’agent de négociation collective.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 326. Le comité note que, dans le présent cas, les organisations
plaignantes – à savoir l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB),
la Fédération des travailleurs pakistanais (PWF) et la Fédération des travailleurs du
bâtiment et du bois du Pakistan (PFBWW) – dénoncent allèguent des violations graves des
droits syndicaux d’une organisation affiliée, l’Awami Labour Union (ALU), notamment les
difficultés que ce syndicat a rencontrées pour se faire enregistrer avant d’obtenir un
jugement à cette fin, la lourdeur des mesures de sécurité et les obligations de
notification préalable qui empêchent, dans les faits, les représentants syndicaux
d’accéder au lieu de travail et de communiquer avec les membres du syndicat, le
harcèlement de dirigeants et de membres du syndicat, le licenciement de 200 membres du
syndicat lors d’un licenciement collectif de masse sans motif et des actes d’ingérence
de la part de l’employeur.
- 327. Dans leurs communications en date du 17 août 2022 et du 12 avril
2024, l’IBB, la PWF et la PFBWW indiquent allèguent que les travailleurs employés à la
centrale hydroélectrique de Karot, dans le district de Rawalpindi (province du Pendjab)
luttent ont lutté depuis 2017 pour pouvoir exercer leurs droits syndicaux. Le comité
note l’allégation selon laquelle les travailleurs ont formé l’ALU en mai 2017, pendant
la construction, en réaction à de nombreuses violations du droit du travail, notamment
l’absence de contrats de travail valides, le non paiement des heures supplémentaires et
des violations des règles concernant la sécurité et la santé au travail. Toutefois, le
bureau d’enregistrement du ministère du Travail n’a enregistré l’ALU qu’un an plus tard,
après y avoir été contraint en mai 2018 par le tribunal du travail de Rawalpindi. Le
comité note l’indication selon laquelle, dans sa décision, le tribunal du travail de
Rawalpindi a estimé que le bureau d’enregistrement des syndicats violait la loi du
Pendjab sur les relations professionnelles (PIRA) en refusant d’enregistrer l’ALU. Il
note aussi que, comme suite au jugement, le bureau d’enregistrement a officiellement
enregistré l’ALU le 9 juin 2018. Tout en croyant comprendre que la procédure
d’enregistrement de l’ALU a été conforme aux dispositions de la PIRA (article 9)
concernant le recours aux tribunaux du travail après le refus d’enregistrement d’un
syndicat par l’administration, le recours ayant finalement abouti à l’enregistrement en
bonne et due forme du syndicat, le comité regrette qu’il ait fallu aussi longtemps pour
enregistrer le syndicat, ce qui a probablement eu comme conséquence que les
représentants ont eu plus de mal, pendant un an, à mener leurs activités pour défendre
les intérêts de leurs membres.
- 328. Le comité note les allégations selon lesquelles, après
l’enregistrement, l’entreprise a violé à plusieurs reprises la législation du travail et
les normes internationales du travail concernant l’exercice des droits syndicaux. En
particulier, il note avec préoccupation l’allégation selon laquelle les membres et les
dirigeants de l’ALU ont été pris pour cible et harcelés; ils auraient été menacés de
licenciement et des dossiers auraient été fabriqués contre eux aux fins d’actions en
justice. Il note que l’IBB et la PFBWW ont déposé une plainte auprès du Bureau du
conseiller médiateur pour la conformité de la Société financière internationale (SFI)
concernant l’application par l’entreprise de la norme de performance 2 de la SFI sur la
main d’œuvre et les conditions de travail (jointe à la présente plainte), dans laquelle
elles dénonçaient le licenciement collectif massif de 2 410 travailleurs, dont
200 membres du syndicat, en décembre 2021, sans motif. Le comité note les allégations
selon lesquelles ces 2 410 travailleurs auraient été contraints de quitter le chantier
et d’emporter tous leurs effets personnels, sans recevoir aucune information sur
l’avenir du projet. Ce licenciement a eu lieu pendant la pandémie de COVID 19,
prétendument sous le prétexte du licenciement des travailleurs non essentiels. La
plupart des travailleurs concernés travaillaient déjà depuis deux ou trois ans pour
l’entreprise et n’ont reçu ni leurs indemnités de licenciement ni les autres sommes qui
leur étaient dues, en violation flagrante du droit du travail du Pendjab. Le comité
rappelle qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur des allégations relatives aux
plans de restructuration, même lorsque ceux ci engendrent des licenciements collectifs,
à moins qu’ils n’aient donné lieu à des actes de discrimination ou d’ingérence
antisyndicale. Toutefois, il rappelle également que l’application des programmes de
réduction de personnel ne doit pas être utilisée pour procéder à des actes de
discrimination antisyndicale. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté
syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1112 et 1114.] Le comité observe que les
informations fournies par les organisations plaignantes ne font pas ressortir
d’allégation spécifique de discrimination antisyndicale lors du licenciement collectif
de masse qui a touché plus de 2 400 travailleurs du projet en décembre 2021. Il n’a pas
non plus été informé de recours qui auraient été formés devant les tribunaux concernant
des licenciements antisyndicaux. Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas
l’examen de cet aspect du cas.
- 329. Toutefois, le comité note avec préoccupation l’allégation selon
laquelle six mois après l’enregistrement, les travailleurs n’étaient toujours pas
autorisés à mener des activités syndicales sur le chantier, ni même dans les zones
résidentielles. En particulier, les représentants de l’ALU et de la PFBWW allèguent
qu’ils ne pouvaient entrer librement sur le chantier et que la forte présence militaire
y créait un climat d’intimidation. Si une réunion était organisée, il fallait
prétendument des heures avant qu’elle puisse commencer en raison de la longueur et de la
lourdeur des protocoles de sécurité. Le comité note également l’indication selon
laquelle, après le lancement de la phase d’exploitation commerciale de la centrale en
juin 2022, la PFBWW et l’ALU s’efforçaient toujours d’entretenir des contacts réguliers
avec les travailleurs de la centrale hydroélectrique de Karot, le président de l’ALU et
d’autres responsables syndicaux travaillant toujours sur le site. Dans le même temps, le
comité observe que l’ALU ne cherche plus à obtenir le statut d’agent de négociation
collective dans l’entreprise, étant donné que les travaux de construction ont pris fin
en 2022.
- 330. À cet égard, leLe comité rappelle que les représentants des
travailleurs devraient avoir accès à tous les lieux de travail dans l’entreprise lorsque
leur accès à ces lieux est nécessaire pour leur permettre de remplir leurs fonctions de
représentation. En outre, les représentants syndicaux qui ne sont pas employés eux mêmes
dans une entreprise, mais dont le syndicat compte des membres dans le personnel de celle
ci, devraient avoir accès à celle ci. L’octroi de telles facilités ne devrait pas
entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise intéressée. Le cas échéant, les
organisations syndicales et l’employeur pourraient conclure des accords de manière à ce
que l’accès au lieu de travail durant les heures de travail ou en dehors de celles ci
soit reconnu aux organisations sans porter préjudice au fonctionnement de
l’établissement ou du service. [Voir Compilation, paragr. 1591, 1593 et 1599.] Dès lors,
le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en
sorte que l’accès des représentants de l’ALU et de la PFBWW au site soit facilité, en
tenant compte des protocoles de sécurité qui peuvent se révéler nécessaires en raison du
caractère stratégique des installations et de la nécessité de préserver leur bon
fonctionnement. À l'avenir, Lele comité prie s’attend à ce que le gouvernement
d’encourager le dialogue entre la direction et les syndicats concernés de sorte qu’ils
conviennent des modalités d’accès au lieu de travail, durant les heures de travail et en
dehors de celles ci afin de faciliter l’accès des représentants en tenant compte des
protocoles de sécurité qui peuvent se révéler nécessaires en raison du caractère
stratégique des installations et de la nécessité de préserver leur bon
fonctionnement.
- 331. Le comité note l’allégation selon laquelle, malgré de multiples
tentatives après son enregistrement, l’ALU n’a pas pu engager le dialogue avec la
direction de l’entreprise à propos de ses revendications. La PFBWW, par l’intermédiaire
de l’IBB, a prié la SFI d’intervenir pour contraindre l’entreprise de s’entretenir avec
l’ALU des violations du droit du travail; après la médiation de la SFI, l’entreprise,
l’ALU et la PWF ont tenu plusieurs réunions. L’entreprise aurait refusé d’aborder la
moindre question avant que l’ALU lui présente la liste de ses responsables et une liste
complète de ses membres. Cependant, les représentants de l’ALU ont refusé de fournir des
informations sur les membres du syndicat et ont dénoncé le fait que l’entreprise avait
apparemment l’intention, par cette demande, d’identifier les travailleurs syndiqués et
de les prendre pour cible. À cet égard, le comité rappelle que les noms des affiliés,
fournis afin d’enregistrer un syndicat, devraient avoir un caractère confidentiel afin
d’éviter de possibles actes de discrimination antisyndicale. [Voir Compilation,
paragr. 434.]
- 332. En outre, le comité note que les organisations plaignantes allèguent
d’autres actes d’ingérence graves de la part de l’entreprise. Deux ans après sa création
et plus d’un an après son enregistrement officiel, l’ALU a été informé de la création
d’un nouveau syndicat, le Social Hydro Labour Union (SHLU), qui avait été enregistré
seulement une semaine après l’envoi de ses documents au bureau d’enregistrement des
syndicats. L’ALU affirme qu’aucun travailleur du chantier ne connaissait cet autre
syndicat. La rapidité de l’enregistrement du SHLU et de sa reconnaissance par
l’entreprise a conduit l’ALU à douter sérieusement de l’indépendance et de la légitimité
de ce syndicat. L’ALU a envoyé en décembre 2019 une lettre au bureau d’enregistrement
dans laquelle il remettait en question la légitimité du SHLU et demandait sa radiation.
Les organisations plaignantes affirment en outre que l’entreprise a organisé directement
des réunions entre des responsables de la SFI et du SHLU lors d’une enquête menée par la
SFI au Pakistan en avril 2022 et rappellent qu’elle n’a rien fait de tel pour le
syndicat en place (l’ALU, affilié à la PFBWW). Selon elles, le fait que l’entreprise ait
facilité l’accès du SHLU et les échanges entre celui ci, le personnel et les enquêteurs
de la SFI, sans inviter l’ALU, est un bel exemple de favoritisme. Le comité rappelle que
le fait d’étendre l’invitation de participer aux réunions avec la direction de
l’entreprise à une organisation et pas à l’autre peut être un moyen officieux de
manifester du favoritisme à l’égard d’une organisation et d’influencer ainsi l’adhésion
des travailleurs au syndicat. [Voir Compilation, paragr. 1204.]
- 333. Le comité note également les allégations selon lesquelles l’ALU a
soumis en 2018 aux autorités les documents nécessaires pour prouver qu’il satisfaisait
au seuil requis pour être l’agent de négociation des travailleurs de l’entreprise: il
avait prouvé qu’il comptait 1 272 membres (sur 3 000 travailleurs), un chiffre largement
supérieur au seuil imposé par la loi, à savoir un tiers du nombre total des
travailleurs. Les organisations plaignantes dénoncent l’incapacité des autorités à
obtenir de l’entreprise qu’elle reconnaisse l’ALU aux fins de la négociation collective
malgré ces chiffres à l’époque où celui ci était le seul syndicat du site.
- 334. Le comité note que le gouvernement indique que les responsables de
l’ALU ont demandé un certificat d’agent de négociation collective le 16 octobre 2018.
Cependant, le bureau d’enregistrement des syndicats a reçu au même moment une demande
d’enregistrement du SHLU au sein de l’entreprise. L’enregistrement du SHLU, le 30 août
2019, a rendu inopérante la demande d’obtention d’un certificat d’agent de négociation
collective de l’ALU. En outre, la demande du SHLU d’organiser un scrutin secret pour
désigner l’agent de négociation collective a donné lieu à une procédure de référendum
qui s’est ouverte le 20 décembre 2019 et s’est poursuivie jusqu’au 1er août 2022; les
deux syndicats ont participé aux réunions y afférentes. Selon le gouvernement, le bureau
d’enregistrement avait initialement prévu que le référendum se tiendrait le 9 août 2022,
mais l’entreprise a demandé qu’il soit reporté au 18 août 2022, invoquant la nécessité
de préparer les documents à transmettre concernant les frais engendrés par le vote. Le
report a été accepté, mais l’entreprise n’a pas communiqué les informations requises et
le référendum n’a donc pas été organisé. Le comité observe que pendant ce long
processus, selon les informations fournies par les organisations plaignantes et non
contestées par le gouvernement, l’entreprise a procédé à un licenciement collectif de
masse de plus de deux tiers des 3 000 travailleurs du projet (en décembre 2021), avant
de lancer la phase d’exploitation commerciale du site (en juin 2022) avec une main
d’œuvre fortement réduite.
- 335. Selon le gouvernement, le bureau d’enregistrement des syndicats a
demandé à trois reprises aux responsables des deux syndicats et à la direction de
l’entreprise, par des lettres en date du 18 août, du 1er septembre et du 31 octobre
2023, de participer à des réunions pour l’organisation du référendum et la désignation
de l’agent de négociation collective; cependant, ni les syndicats ni l’entreprise n’ont
assisté aux réunions planifiées. Le gouvernement affirme que, compte tenu de ce qui
précède, ni les responsables des syndicats ni la direction de l’entreprise ne tiennent à
organiser un référendum à bulletin secret pour désigner l’agent de négociation
collective. Dans sa communication d’avril 2024, la PFBWW explique que, puisque la
construction est achevée depuis 2022, il n’est plus nécessaire ni d’obtenir la
reconnaissance en qualité d’agent de négociation collective ni d’organiser le
référendum.
- 336. Le comité doit noter avec regret que la procédure de désignation de
l’agent de négociation collective a été anormalement longue en l’espèce et est
finalement devenue sans objet sans jamais avoir abouti. Il note également avec regret
que cela a empêché les membres du syndicat et les travailleurs du chantier de bénéficier
de négociations collectives sur leurs conditions d’emploi et de travail. Le comité
observe en outre que l’ALU ne cherche plus à obtenir le statut d’agent de négociation
collective au sein de l’entreprise étant donné que la construction est achevée depuis
2022. Dans ces circonstances, rappelant les délais prévus par la PIRA pour la
désignation d’un agent de négociation collective par scrutin secret (l’article 24,
paragr. 2 et 3, dispose que, à la demande d’un syndicat, le bureau d’enregistrement doit
organiser le scrutin secret dans les quinze jours, ou dans les trente jours en ce qui
concerne les grands établissements), le comité attend du gouvernement qu’il veille au
plein respect de ces délais à l’avenir pour les demandes de désignation de l’agent de
négociation collective dans toute entreprise.
- 337. Le comité prend bonne note de l’argument des organisations
plaignantes selon lequel les droits syndicaux pourraient de nouveau être violés dans
d’autres projets qui seront menés dans la région avec le même employeur et les mêmes
bailleurs de fonds, à moins que le comité n’intervienne en l’espèce afin d’offrir aux
travailleurs un recours et d’empêcher la répétition de violations similaires sur des
projets que les mêmes acteurs mèneraient à l’avenir. Compte tenu des considérations ci
dessus, le comité attire l’attention du gouvernement sur la nécessité de veiller à ce
que les droits syndicaux soient pleinement respectés dans toute entreprise similaire à
l’avenir.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 338. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le
gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que
l’accès des représentants de l’Awami Labour Union (ALU) et de la Fédération des
travailleurs du bâtiment et du bois du Pakistan (PFBWW) au site soit facilité, en
tenant compte des protocoles de sécurité qui peuvent se révéler nécessaires en
raison du caractère stratégique des installations et de la nécessité de préserver
leur bon fonctionnement. Le comité prie le gouvernement d’encourager le dialogue
entre la direction et les syndicats concernés de sorte qu’ils conviennent des
modalités d’accès au lieu de travail durant les heures de travail et en dehors de
celles ci.
- b) Rappelant les délais prévus par la loi du Pendjab sur les
relations professionnelles pour la désignation d’un agent de négociation collective
par scrutin secret, le comité attend du gouvernement qu’il veille au plein respect
de ces délais à l’avenir pour l’enregistrement d’un syndicat et les demandes de
désignation de l’agent de négociation collective dans toute entreprise.
- c)
Compte tenu des conclusions ci dessus, le comité attire l’attention du gouvernement
sur la nécessité de veiller à ce que les droits syndicaux soient pleinement
respectés dans toute entreprise similaire à l’avenir.
- d) Le comité considère
que ce cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos.