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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 408, Octobre 2024

Cas no 3438 (Pérou) - Date de la plainte: 05-OCT. -22 - En suivi

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent des obstacles à l’octroi de congés syndicaux, l’ouverture injustifiée de procédures disciplinaires contre les dirigeants syndicaux, ainsi que la violation des droits de représentation et de négociation collective de l’organisation syndicale majoritaire dans le secteur de l’éducation

  1. 569. La plainte figure dans des communications du 23 septembre et du 5 octobre 2022, respectivement présentées par le Syndicat unitaire des travailleurs de l’éducation du Pérou (SUTEP) et l’Internationale de l’Éducation (IE). La Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 16 mai 2024.
  2. 570. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications du 19 janvier et du 3 février 2023.
  3. 571. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 572. Dans leurs différentes communications, les organisations plaignantes invoquent diverses pratiques que le ministère de l’Éducation (ci-après le MINEDU) aurait mises en œuvre au détriment du SUTEP, à savoir l’organisation syndicale majoritaire dans le secteur de l’éducation. Ces pratiques comprendraient des obstacles à l’octroi de congés syndicaux aux membres du comité exécutif du SUTEP, l’ouverture injustifiée de procédures disciplinaires contre trois de ses dirigeants syndicaux, ainsi que la violation de leurs droits de représentation et de négociation collective en raison de l’inexécution des étapes et des délais légalement établis pour la tenue des négociations collectives, et la méconnaissance du statut de syndicat majoritaire du SUTEP.
  2. 573. Les organisations plaignantes allèguent que le MINEDU aurait répondu hors délai et de manière partielle à la demande d’octroi, pour 2022-23, de congés syndicaux aux huit membres du comité exécutif du SUTEP. Selon ces organisations: i) ladite demande a été déposée par écrit le 30 novembre 2021, et le MINEDU aurait dû y répondre au plus tard lors de la première semaine de février 2022, conformément aux dispositions à cet égard de l’article 5.16.3 de la résolution vice-ministérielle (RVM) no 123 2021 MINEDU, qui réglemente, entre autres, la procédure d’octroi des congés de représentation syndicale au sein des professions de l’enseignement; ii) le MINEDU n’a répondu à cette demande de congés syndicaux que le 9 août 2022, par le biais de la résolution du secrétariat général (RSG) no 132 2022-MINEDU, soit près de neuf mois après le dépôt de ladite demande; iii) en publiant ladite résolution, le MINEDU a ignoré le fait que le principe administratif du «silence vaut accord» (prévu dans la loi de procédure administrative générale) s’appliquait automatiquement à cette demande d’octroi de congés syndicaux et que, en vertu dudit principe, la demande en question devait être considérée comme approuvée au vu de l’expiration du délai légal susmentionné sans que le MINEDU ait rendu de décision à cet égard; iv) par ailleurs, la RSG susmentionnée n’accordait que des congés syndicaux partiels, à savoir uniquement du 9 août 2022 au 8 août 2023, sans y inclure les congés qui avaient été demandés du 27 mars au 8 août 2022, empêchant ainsi les personnes concernées de participer aux activités syndicales menées au cours de cette période; et v) le recours introduit contre la RSG no 132-2022-MINEDU n’a pas encore été examiné, étant donné que le MINEDU refuse de le transmettre au Tribunal de la fonction publique. Les organisations plaignantes susmentionnées indiquent que, jusqu’au changement de gouvernement de juillet 2021, le SUTEP n’avait jamais eu à faire face à la limitation de l’exercice par ses dirigeants de leurs congés syndicaux, mais que, depuis lors, le MINEDU a accordé une importance accrue à une organisation syndicale minoritaire, la Fédération nationale des travailleurs de l’éducation du Pérou (ci-après l’organisation syndicale minoritaire), qui aurait été reconnue illégalement peu avant la prise de fonction du gouvernement en question.
  3. 574. En outre, les organisations plaignantes allèguent que le MINEDU aurait engagé une procédure disciplinaire administrative à l’encontre du secrétaire général, de la secrétaire générale adjointe et de la secrétaire à l’équité et au genre du SUTEP, au motif d’un prétendu abandon de poste entre le 27 mars et le 8 août 2022, période pour laquelle la RSG no 132 2022 MINEDU ne leur avait pas accordé de congé syndical. Selon les organisations susmentionnées, ladite procédure fait abstraction du fait que, pendant cette période, les dirigeants en question étaient toujours couverts par leur congé pour exercer leurs fonctions syndicales, et ce, en vertu de l’application à la demande y afférente du SUTEP du principe susmentionné selon lequel «silence vaut accord».
  4. 575. Les organisations plaignantes allèguent également que le MINEDU a illégalement exclu le SUTEP et une autre organisation syndicale du secteur de l’éducation du conseil d’administration du Fonds de prévoyance des enseignants (Derrama Magisterial), un organisme de droit privé qui administre depuis plusieurs décennies les fonds de prévoyance des enseignants et leur octroie des prêts. Les organisations susmentionnées indiquent que: i) outrepassant ses compétences, le MINEDU a publié le décret suprême no 009 2022 MINEDU et la résolution ministérielle no 356 2022 MINEDU, dans le but respectif de modifier les statuts du Fonds de prévoyance des enseignants et d’initier un processus d’élection des membres de son conseil d’administration, entre autres organes concernés; et ii) la mise en place du processus électoral susmentionné n’a pas fait l’objet de consultations auprès du SUTEP, ignore le droit de cette organisation à nommer ses propres représentants audit fonds (ce qui était le cas depuis plus de quarante ans) et fait finalement abstraction du fait que ces fonds ne font pas partie de l’administration publique. Les organisations plaignantes considèrent que les mesures normatives susmentionnées ont été prises en vue de favoriser l’organisation syndicale minoritaire.
  5. 576. Les organisations plaignantes allèguent par ailleurs que le droit du SUTEP à la négociation collective n’a pas été respecté. Elles affirment que le MINEDU a retardé de façon injustifiée et considérable les négociations collectives de 2022, 2023 et 2024. Lesdites organisations indiquent que la loi no 31188 de 2021 a établi une procédure annuelle de négociation collective et déterminé des étapes et des délais stricts pour sa mise en œuvre. Selon leurs explications, cette loi établit que: les travailleurs doivent en premier lieu présenter leurs cahiers de revendications entre le 30 novembre de l’année 1 et la fin janvier de l’année 2; l’organisme gouvernemental concerné doit ensuite mettre en place la commission de négociation, également avant la fin janvier de l’année 2; l’étape de négociation proprement dite doit quant à elle commencer en février de l’année 2; et la procédure de négociation collective doit se terminer le 30 juin de l’année 2, de sorte que la convention collective (ou la sentence arbitrale) puisse entrer en vigueur au 1er janvier de l’année 3 (si les négociations ne sont pas conclues avant la date limite susmentionnée, elle n’entrera en vigueur qu’en année 4).
  6. 577. Les organisations plaignantes affirment que: i) le SUTEP s’est bien conformé à la présentation de ses projets de conventions collectives pour 2022, 2023 et 2024 dans les délais légaux exposés dans le paragraphe précédent, tandis que le MINEDU a pour sa part constitué les commissions de négociation hors délai pendant toutes ces années (le 16 juin 2022, le 30 mai 2023, et il ne l’avait pas encore fait au 15 mars 2024); ii) la désignation des commissions de négociation – par le MINEDU – à des dates très proches de l’échéance légale à laquelle les négociations collectives doivent être achevées (le 30 juin de chaque année) n’a laissé aucune marge de manœuvre au SUTEP pour mettre en place ses stratégies de négociation et l’a finalement amené à accepter rapidement les propositions économiques du MINEDU pour les années 2022 et 2023 (l’IE et le SUTEP affirment même que le SUTEP n’a pu que négocier une prime exceptionnelle en 2022); iii) plutôt que de se contenter d’examiner les aspects formels des cahiers de revendications présentés par le SUTEP, le MINEDU a publié diverses résolutions sans aucune explication ni justification et n’a pas non plus répondu aux communications adressées par le SUTEP pour exiger qu’il procède en temps voulu à la constitution des commissions de négociation pour les années susmentionnées; et iv) le non-respect des délais légaux régissant les négociations collectives dans le secteur public constitue une stratégie du MINEDU pour éviter de négocier collectivement avec le SUTEP, ce qui vide de sa substance son droit à la négociation collective et l’empêche de représenter et de défendre les intérêts de ses membres.
  7. 578. Les organisations plaignantes allèguent également que le MINEDU, ignorant le statut de syndicat majoritaire du secteur de l’éducation dont jouit le SUTEP, a créé en 2022, par l’entremise de la RSG no 112 2022 MINEDU, une table de négociation permanente avec l’organisation syndicale minoritaire, tandis le SUTEP n’a eu droit qu’à une table de négociation temporaire d’à peine vingt jours en raison du retard pris dans le respect des étapes et des délais légalement établis pour la mise en œuvre de la négociation collective de l’année concernée, comme cela a été détaillé précédemment.
  8. 579. Enfin, la CGTP allègue que le MINEDU enfreint systématiquement 43 articles de la convention collective 2023-2024 signée avec le SUTEP alors que, conformément à la législation actuelle, l’ensemble de ces articles devaient entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2024. Ces articles concernent entre autres les engagements du MINEDU afférents à la titularisation progressive de certains postes d’enseignants vacataires, à l’évaluation de la législation pour l’accréditation d’un représentant de l’organisation syndicale majoritaire auprès de la commission des procédures disciplinaires, à l’inclusion dans le budget 2024 du paiement d’une prime d’affectation aux enseignants vacataires et à la demande d’inclusion dans le budget 2024 d’une augmentation de la rémunération mensuelle des enseignants et des assistants d’éducation vacataires et titulaires.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 580. Dans ses différentes communications, le gouvernement renvoie aux observations du MINEDU concernant les allégations du cas en question.
  2. 581. Concernant les prétendus obstacles à l’octroi des congés syndicaux, le MINEDU a fourni des informations selon lesquelles: i) en application de l’article 5.16.3 de la RVM no 123 2021 MINEDU et en raison de l’existence de deux organisations syndicales nationales dans le secteur de l’éducation, les congés syndicaux doivent être fixés proportionnellement au nombre d’enseignants affiliés à chaque organisation, ce pour quoi, entre autres actions, le MINEDU doit vérifier le bien-fondé des données relatives aux membres figurant dans les registres numériques et physiques présentés par les organisations syndicales concernées; ii) le retard dans le traitement de la demande de congés syndicaux déposée en 2021 par le SUTEP était dû à des difficultés opérationnelles causées par le manque de cohérence entre les registres physiques et numériques des membres présentés par ce syndicat, et par l’illisibilité de certains des documents d’identité présents dans les registres physiques; iii) en mars 2022, à l’occasion d’une réunion virtuelle, le MINEDU a informé le SUTEP de l’avancement du traitement de sa demande et des problèmes rencontrés, qui ont d’ailleurs persisté en dépit du fait qu’à l’issue de ladite réunion, le SUTEP ait effectivement apporté des compléments d’information (sous la forme de registres physiques et numériques supplémentaires); et iv) en avril 2022, une communication officielle a été envoyée au SUTEP pour lui préciser que l’application du principe de «silence vaut accord» à sa demande de congés syndicaux n’était pas recevable, étant donné qu’en vertu de la loi de procédure administrative générale, ce principe ne s’applique qu’aux procédures administratives soumises à ladite loi, dont ne fait pas partie l’octroi des congés syndicaux, qui suit ses propres exigences et délais.
  3. 582. Le MINEDU signale également que, compte tenu des problèmes rencontrés dans le traitement des congés syndicaux demandés par le SUTEP (ainsi que par d’autres syndicats), il a été décidé de publier la RVM no 074 2022 MINEDU, du 17 juin 2022, afin de modifier la RVM no 123 2021 MINEDU et d’y incorporer la disposition transitoire 10.4 portant annulation à titre exceptionnel, pour l’année 2022, des délais fixés dans cette dernière résolution pour la procédure d’octroi des congés syndicaux. Le MINEDU précise qu’il a informé le SUTEP, par le biais d’une communication officielle en date du 22 juin 2022, du calendrier actualisé des délais à prendre en compte pour l’année en question, et que le 30 juin 2022 s’est tenue une réunion avec un représentant officiel de ce syndicat afin de lui faire part de l’avancement de l’analyse des registres de membres et de lui expliquer la persistance des difficultés opérationnelles qui retardaient l’achèvement de ladite analyse. Lors de cette réunion, le représentant du SUTEP a recommandé qu’il soit d’abord donné suite à la demande de congés syndicaux en cours de traitement (en fixant une date de référence à cet effet) avant de poursuivre l’analyse des registres. Comme l’a indiqué le MINEDU, après avoir pris en compte, entre autres éléments, la recommandation du dirigeant du SUTEP, la RSG no 132 2022 MINEDU a finalement été publiée pour octroyer des congés syndicaux à sept membres du comité exécutif du SUTEP du 9 août 2022 au 8 août 2023. La huitième membre du comité exécutif, à savoir la secrétaire générale adjointe, n’y a pas été incluse en ce qu’elle disposait déjà d’un congé en vigueur entre mars et décembre 2022. Selon le MINEDU, en août 2022, le SUTEP a introduit un recours conservatoire contre la RSG no 132 2022 MINEDU (enregistré sous le numéro MPD2022 EXT 0163140), qui a été remis au Tribunal de la fonction publique le même mois et se trouve actuellement en cours d’instruction.
  4. 583. Selon les informations fournies par le ministère lui-même, le MINEDU a décidé de ne pas donner suite à la demande de congé syndical rétroactive (pour la période précédant le 9 août 2022) présentée par le SUTEP le 8 août 2022, étant donné qu’elle ne précisait pas jusqu’à quelle date les effets de ce congé devaient être rétroactifs, et qu’en vertu de la loi de procédure administrative générale, les actes administratifs ne sauraient avoir un effet rétroactif en cas de violation des droits fondamentaux de tiers, en l’occurrence le droit fondamental à l’éducation dont jouissent les étudiants.
  5. 584. Par ailleurs, concernant les allégations relatives à l’engagement injustifié de procédures disciplinaires contre trois dirigeants syndicaux du SUTEP, le MINEDU précise que: i) le secrétaire général du syndicat a été mis hors de cause en décembre 2022 dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée contre lui pour l’abandon supposé de son poste de travail, étant entendu que même si la RSG no 132 2022 MINEDU ne lui avait accordé son congé syndical qu’à compter du 9 août 2022, son statut de secrétaire général légitimait son absence au travail lors de la période antérieure afin de participer à la négociation du cahier de revendications avancé pour 2022; ii) en septembre 2022, il a été décidé d’engager une procédure disciplinaire contre la secrétaire à l’équité et au genre du syndicat, dans le cadre de laquelle cette dernière devra réfuter, preuves et/ou documents à l’appui, l’abandon supposé de son poste de travail avant le 9 août 2022; et iii) aucune procédure disciplinaire n’a été engagée contre la secrétaire générale adjointe du syndicat.
  6. 585. En ce qui concerne l’atteinte présumée au droit de représentation du SUTEP au sein du Fonds de prévoyance des enseignants (Derrama Magisterial), le MINEDU indique que: i) le décret suprême no 009 2022 MINEDU et la résolution ministérielle no 356 2022 MINEDU ont respectivement modifié les statuts du Fonds de prévoyance des enseignants et convoqué des élections pour son conseil d’administration, entre autres organes concernés; ii) ces textes législatifs ont été adoptés dans le cadre de ses compétences, conformément à l’article 3 du décret suprême no 021 88 ED afférent aux statuts du Fonds de prévoyance des enseignants, qui l’autorise à procéder à des modifications des statuts et à prendre les mesures complémentaires nécessaires à leur respect effectif (ces pouvoirs ont été ratifiés en 2006 par la Cour constitutionnelle); iii) en 2022, le Fonds de prévoyance des enseignants a engagé une procédure constitutionnelle visant à remettre en question les textes législatifs susmentionnés (traitée sous le numéro de dossier 05338 2022 0 1801 JR DC 11); iv) dans le cadre de ladite procédure, le onzième tribunal constitutionnel de la Cour supérieure de justice de Lima a concédé, par le biais de la résolution no 2 du 14 novembre 2022, une mesure conservatoire suspendant les effets desdits textes législatifs; et v) au titre de cette mesure conservatoire, l’élection des nouveaux membres du conseil d’administration du Fonds de prévoyance des enseignants n’a pas encore pu se tenir (elle aurait dû avoir lieu le 16 avril 2023).
  7. 586. Concernant le supposé retard pris par les négociations collectives de 2022, le MINEDU déclare que: i) cette négociation a été menée dans le cadre de la nouvelle loi de 2021 concernant la négociation collective dans le secteur public, et que sa mise en œuvre correcte a nécessité que soient pris des décrets d’application et autres mesures complémentaires; ii) ainsi, entre le 20 janvier et le 3 juin 2022, diverses mesures réglementaires et administratives se sont avérées nécessaires pour mener à bien la négociation du cahier de revendications présenté par le SUTEP pour 2022 et établir au sein du MINEDU un organe compétent pour évaluer et amender le contenu de ce cahier de revendications et déterminer la représentativité nécessaire au SUTEP pour intervenir légitimement dans la négociation; iii) une fois prises les mesures susmentionnées, la RSG no 100 2022 MINEDU a été publiée en juin 2022 pour mandater les représentants du MINEDU chargés de négocier le cahier de revendications de 2022; et iv) après la tenue des négociations y afférentes, le MINEDU et le SUTEP ont conclu le 15 juillet 2022 la convention collective 2022 23, qui n’a été ni remise en cause ni sujette à observations de la part du SUTEP, qui l’a d’ailleurs signée pour valider son accord.
  8. 587. Pour finir, le MINEDU indique également que dans le cadre de sa politique de gestion des conflits au sein des espaces de dialogue, il a été décidé, par le biais de la RSG no 112 2022 MINEDU, de mettre exceptionnellement et temporairement en place (jusqu’en décembre 2022) une «table de suivi des accords et des réunions de travail» avec l’organisation syndicale minoritaire afin de coordonner et de prendre en compte ses revendications et demandes, de donner suite aux accords signés avec elle et de mettre à exécution les actions programmées lors des réunions de travail.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 588. Le comité note que ce cas fait référence à une série d’allégations concernant des infractions au droit à la liberté syndicale et à la négociation collective commises par le MINEDU au détriment du SUTEP.
  2. 589. Le comité prend note de ce que les plaignants allèguent principalement: i) l’octroi hors délai et partiel par le MINEDU des congés syndicaux de huit dirigeants du SUTEP entre 2022 et 2023, au mépris des délais convenus et du principe selon lequel «silence vaut accord»; ii) l’ouverture de procédures disciplinaires contre trois dirigeants syndicaux pour avoir abandonné leur poste sans mandat syndical; iii) l’exclusion des représentants du SUTEP de l’organisme national qui administre les fonds de prévoyance des enseignants péruviens (Derrama Magisterial) en fonction d’une modification indue de ses statuts et du processus d’élection du conseil d’administration; iv) la violation du droit du SUTEP à la négociation collective en raison du retard pris dans les négociations de 2022, 2023 et 2024, au mépris des délais et étapes légalement fixés; v) l’établissement par le MINEDU d’une table de négociation permanente avec la Fédération nationale des travailleurs de l’éducation du Pérou (organisation syndicale minoritaire), mais seulement d’une table de négociation temporaire avec le SUTEP, et ce, au mépris de son statut de syndicat majoritaire; et vi) le non-respect systématique par le MINEDU de 43 articles de la convention collective 2023-2024 signée avec le SUTEP et actuellement en vigueur.
  3. 590. Le comité note également que le gouvernement indique pour sa part que: i) le retard pris dans le processus d’approbation des congés syndicaux était dû à la nécessité de vérifier le nombre de membres de chaque organisation syndicale du secteur afin d’accorder les congés au prorata, et qu’une résolution du 17 juin 2022 a exceptionnellement modifié les délais d’approbation desdits congés pour l’année 2022; ii) concernant les deux procédures disciplinaires engagées, l’une s’est terminée par la mise hors de cause de la personne concernée et l’autre est toujours en cours d’instruction; iii) les modifications apportées aux statuts du Fonds de prévoyance des enseignants l’ont été au titre de l’article 3 du décret suprême no 021 88 ED, qui octroie cette compétence au MINEDU; iv) le retard pris dans le processus de négociation collective était dû à la nécessité d’adopter des mesures réglementaires destinées à se conformer à la nouvelle loi de 2021 concernant la négociation collective dans le secteur public; et v) la table de dialogue avec l’organisation syndicale minoritaire a été établi de manière exceptionnelle et temporaire (jusqu’au 31 décembre 2022).
  4. 591. En ce qui concerne les allégations d’obstacles et de retards dans l’octroi des congés syndicaux, le comité note que l’organisation plaignante a déclaré que le gouvernement avait accordé les congés syndicaux au SUTEP le 9 août 2022, soit neuf mois après la demande présentée par l’organisation et avec six mois de retard par rapport aux délais légalement fixés, sans que l’octroi tardif desdites délégations n’ait eu d’effet rétroactif, laissant ainsi en suspens la période comprise entre le 27 mars et le 8 août 2022. Le comité note que, pour sa part, le gouvernement a déclaré qu’il était nécessaire de vérifier le nombre de membres de chacun des deux syndicats existants dans le secteur afin d’octroyer au prorata les congés en question, et que des difficultés avaient surgi dans le cadre de ce décompte.
  5. 592. Le comité constate que des congés ont été octroyés à sept dirigeants du SUTEP du 9 août 2022 au 8 août 2023, mais sans que cette décision ait effectivement un effet rétroactif. Le comité note que le SUTEP a introduit un recours conservatoire contre la résolution approuvant lesdits congés, qui est toujours en cours d’instruction près le Tribunal de la fonction publique. Le comité rappelle que si les caractéristiques du système de relations professionnelles d’un pays doivent être prises en compte et si l’octroi des facilités en procédant ne doit pas entraver le bon fonctionnement de l’entreprise, le paragraphe 10 (1) de la recommandation (no 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, stipule néanmoins que ces représentants doivent bénéficier, sans perte de salaire ni de prestations et avantages sociaux, du temps libre nécessaire pour pouvoir remplir leurs fonctions de représentation dans l’entreprise, et que si l’on peut exiger du représentant des travailleurs l’obtention d’une autorisation de ses supérieurs avant de s’absenter à ce titre, ladite autorisation ne doit pas être refusée de façon déraisonnable. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1603.] Tout en prenant acte des explications du gouvernement concernant les raisons du retard pris dans l’octroi des congés syndicaux aux dirigeants du SUTEP pour la période 2022-2023, le comité souligne l’importance de veiller à ce que les représentants des principaux syndicats du secteur de l’enseignement public aient accès, sans délai et dans le respect des garanties de sécurité juridique, aux congés syndicaux leur permettant d’exercer leurs fonctions représentatives. La commission prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire appliquer lesdits critères et de fournir des informations actualisées sur le recours introduit devant le Tribunal de la fonction publique contre la résolution ayant approuvé, sans rétroactivité, les congés susmentionnés.
  6. 593. En ce qui concerne l’ouverture d’une procédure disciplinaire pour abandon de poste entre le 27 mars et le 8 août 2022 à l’encontre du secrétaire général, de la secrétaire générale adjointe et de la secrétaire à l’équité et au genre du SUTEP, le comité note que le gouvernement a indiqué que seules deux procédures avaient été engagées, que la procédure contre le secrétaire général s’était déjà achevée par sa mise hors de cause et que, dans le cadre de la procédure à l’encontre de la secrétaire à l’équité et au genre, il incombait à celle-ci de réfuter, preuves à l’appui, l’abandon présumé de son poste. Le comité constate que le gouvernement ne nie pas le fait que les deux procédures disciplinaires engagées portaient sur la période non couverte par le décret octroyant tardivement les congés syndicaux aux dirigeants du SUTEP pour la période 2022-2023. Rappelant qu’il a attiré l’attention sur le risque que l’ouverture de procédures administratives à l’encontre de fonctionnaires dirigeants syndicaux fondées sur des bases insuffisantes n’ait un effet d’intimidation sur les dirigeants syndicaux [voir Compilation, paragr. 1102], le comité regrette, au vu des circonstances, que des procédures disciplinaires aient été engagées à l’encontre des dirigeants du SUTEP et prie le gouvernement de veiller à ce que les critères énoncés au paragraphe précédent soient pleinement pris en compte dans le cadre du règlement de la procédure disciplinaire encore en cours. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations à ce sujet.
  7. 594. En ce qui concerne les allégations relatives aux modifications apportées en 2022, 2023 et 2024 aux délais légaux du processus de négociation collective entre le MINEDU et le SUTEP, que les organisations plaignantes considèrent comme une stratégie visant à limiter le pouvoir de négociation du SUTEP, le comité prend note de la réponse du gouvernement afférente au processus de négociation de 2022. Le comité note que le gouvernement a déclaré que les retards susmentionnés, qu’il reconnaît par ailleurs, étaient dus à la nécessité d’adopter, entre janvier et juin 2022, des mesures réglementaires et administratives destinées à la mise en application de la nouvelle loi no 31188 concernant la négociation collective dans le secteur public, en vigueur depuis le 3 mai 2021. Ce n’est donc qu’à partir de juin 2022 qu’ont pu se tenir avec le SUTEP les réunions de négociation ayant mené à la signature, en date du 15 juillet 2022, de la convention collective 2022 23, qui n’a d’ailleurs été ni remise en cause ni sujette à observations de la part du SUTEP. Tout en prenant bonne note de ces indications relatives au cycle de négociation de 2022, le comité regrette de ne pas avoir reçu les observations du gouvernement concernant les retards allégués dans les cycles de négociation de 2023 et 2024. À cet égard, le comité rappelle que le principe selon lequel les employeurs et les syndicats doivent négocier de bonne foi et s’efforcer de parvenir à un accord implique d’éviter tout retard injustifié dans la conduite des négociations. [Voir Compilation, paragr. 1330.] Compte tenu de ce qui précède, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures efficaces pour que les institutions publiques participant aux négociations collectives dans l’enseignement public respectent dorénavant et de manière effective les délais légaux y afférents.
  8. 595. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle, en 2022, le MINEDU aurait favorisé l’organisation syndicale minoritaire en établissant avec elle une table de négociation, le comité note que les organisations plaignantes ont affirmé que la table susmentionnée jouissait d’un caractère permanent, tandis que les négociations annuelles de 2022 avec le SUTEP n’auraient duré qu’une vingtaine de jours, comme on l’a vu plus haut. Le comité prend note de la réponse du gouvernement selon laquelle la «table de suivi des accords et des réunions de travail» établie avec l’organisation syndicale minoritaire était temporaire, ce que corrobore l’article 3 de la résolution du secrétariat général no 112 2022 MINEDU, qui fixe au 31 décembre 2022 la date limite de ladite table de suivi. Le comité prend dûment note de ces divers éléments. Le comité observe que: i) la position dominante du SUTEP au sein de l’enseignement public ne fait l’objet d’aucune controverse, ce qui, en vertu de la législation en vigueur, lui octroie automatiquement le droit exclusif de négociation collective dans ledit secteur; ii) le comité ne dispose pas d’informations spécifiques quant à la teneur exacte des négociations entre le MINEDU et l’organisation syndicale minoritaire et ne sait pas non plus dans quelle mesure les discussions tenues dans ce cadre pourraient ou non interférer avec le droit exclusif de négociation collective du SUTEP ou minimiser son rôle d’interlocuteur au sein du secteur. Le comité rappelle qu’il a estimé que l’octroi de droits exclusifs à l’organisation la plus représentative ne devait pas signifier que l’existence d’autres syndicats auxquels certains travailleurs concernés souhaiteraient s’affilier soit interdite. Les organisations minoritaires devraient être autorisées à exercer leurs activités et à avoir au moins le droit de se faire les porte-parole de leurs membres et de les représenter. [Voir Compilation, paragr. 1388.] Compte tenu de ce qui précède, le comité invite le gouvernement à veiller à ce que: i) le dialogue avec les diverses organisations syndicales éventuellement présentes dans le secteur de l’enseignement public soit mené sur des bases claires et compatibles avec les règles de représentativité syndicale établies par la législation afférente aux négociations collectives; et ii) la reconnaissance des organisations syndicales minoritaires et le dialogue en procédant ne se fassent pas au détriment des organisations syndicales les plus représentatives du secteur.
  9. 596. Le comité prend également note des allégations concernant les mesures prises par le gouvernement (décret suprême no 009 2022 MINEDU et résolution ministérielle no 356 2022 MINEDU) pour modifier les statuts du Fonds de prévoyance des enseignants, et en particulier les dispositions relatives à la composition et à l’élection de son conseil d’administration, et convoquer les élections y afférentes. Le comité note que: i) le Fonds de prévoyance des enseignants est un organisme de droit privé d’origine syndicale dont les objectifs consistent à fournir des services de prévoyance (décès, invalidité et retraite), de prêt et d’activités sociales et culturelles aux enseignants de la fonction publique; ii) ses statuts, adoptés en 1988, stipulent que son conseil d’administration doit être composé de quatre membres du SUTEP, de deux membres du Syndicat des enseignants de l’enseignement supérieur du Pérou (SIDESP) et d’un représentant du MINEDU; iii) le décret suprême no 009 2022 MINEDU établit que les membres du conseil d’administration seront élus parmi l’ensemble des personnes affiliées audit fonds. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent que les modifications en question n’ont pas fait l’objet de consultations auprès du SUTEP et qu’elles font abstraction du droit du SUTEP à désigner ses représentants au Fonds de prévoyance des enseignants (ce qui était le cas depuis plus de quarante ans) et du fait que cet organisme de droit privé ne fait pas partie de l’administration publique. Le comité prend note du fait que le gouvernement a pour sa part déclaré dans ses communications de janvier et de février 2023 que: i) les mesures en question ont été prises dans le cadre des pouvoirs accordés au gouvernement par l’article 3 du décret suprême no 021-88-ED, qui approuve les statuts du Fonds de prévoyance des enseignants et octroie au gouvernement le pouvoir de procéder à des modifications de ses statuts; et ii) le Fonds de prévoyance des enseignants a engagé une procédure constitutionnelle visant à remettre en question les mesures susmentionnées (traitée sous le numéro de dossier 05338 2022 0 1801 JR DC 11) et que, dans le cadre de cette procédure, le onzième tribunal constitutionnel de la Cour supérieure de justice de Lima a concédé une mesure conservatoire suspendant les effets des mesures susmentionnées.
  10. 597. Tout en constatant qu’il n’a pas reçu d’informations actualisées du gouvernement sur cette question, le comité note que le décret suprême no 009 2022 MINEDU a été abrogé par le décret suprême no 008 2023 MINEDU du 27 avril 2023, restituant ainsi leur pleine validité aux statuts du Fonds de prévoyance des enseignants de 1988. Le comité observe que le décret suprême no 008 2023 mentionne la nécessité de garantir le respect du droit d’association reconnu par l’article 13 de la Constitution politique du Pérou. Au vu de l’abrogation du décret suprême no 009 2022 MINEDU contesté par les organisations plaignantes, le comité considère que cette allégation ne requiert pas d’examen plus approfondi.
  11. 598. Pour finir, le comité regrette de ne pas avoir reçu de réponse du gouvernement quant aux allégations des organisations plaignantes concernant le non-respect de la convention collective 2023 2024 signée entre le MINEDU et le SUTEP. Le comité rappelle que les conventions doivent être contraignantes pour les parties [voir Compilation, paragr. 1334], et que le paragraphe 3 (1) de la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, stipule que «toute convention collective devrait lier ses signataires ainsi que les personnes au nom desquelles la convention est conclue». Sur la base de ce qui précède, le comité demande au gouvernement de lui faire part sans délai de ses observations relatives au respect de la convention collective susmentionnée.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 599. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à adopter les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les représentants des principaux syndicats du secteur de l’enseignement public aient accès sans délai ni obstacle juridique aux congés syndicaux leur permettant d’exercer leurs fonctions représentatives.
    • b) Le comité demande au gouvernement de lui fournir des informations actualisées sur le recours introduit devant le Tribunal de la fonction publique contre la résolution du secrétariat général no 132 2022 MINEDU, qui a octroyé sans rétroactivité les congés syndicaux 2022-23 aux dirigeants du SUTEP.
    • c) Le comité demande au gouvernement de veiller à ce que les critères fixés pour l’octroi des congés syndicaux soient pleinement pris en compte dans l’instruction de la procédure disciplinaire engagée contre le secrétaire à l’équité et au genre du SUTEP. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations à ce sujet.
    • d) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures efficaces pour garantir le respect effectif des délais légaux de la part des institutions participant aux négociations collectives dans le secteur de l’enseignement public.
    • e) Le comité demande au gouvernement de veiller à ce que: i) le dialogue avec les diverses organisations syndicales éventuellement présentes dans le secteur de l’enseignement public soit mené sur des bases claires et compatibles avec les règles de représentativité syndicale établies par la législation afférente aux négociations collectives; et ii) la reconnaissance des organisations syndicales minoritaires et le dialogue en procédant ne se fassent pas au détriment des organisations syndicales les plus représentatives du secteur.
    • f) Le comité demande au gouvernement de présenter ses observations quant aux allégations des organisations plaignantes concernant le non-respect supposé de la convention collective 2023-24.
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