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RECLAMATION (article 24) - GRECE - C029, C105 - 1987

1. Association hellénique des pilotes de ligne, #ACRONYME:HALPA

Clos

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Rapport du Comité désigné pour examiner la réclamation présentée par l'Association hellénique des pilotes de ligne (HALPA) en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT et alléguant l'inexécution par la Grèce de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957

Rapport du Comité désigné pour examiner la réclamation présentée par l'Association hellénique des pilotes de ligne (HALPA) en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT et alléguant l'inexécution par la Grèce de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. I. Introduction
  2. 1. Par lettre du 24 octobre 1986, l'Association hellénique des pilotes de ligne (HALPA) a présenté une réclamation au titre de l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, dans laquelle elle allègue la non-observation par le gouvernement de la Grèce de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957.
  3. 2. La convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, a été ratifiée par la Grèce le 13 juin 1952 et est entrée en vigueur, pour ce pays, un an après cette date, soit le 13 juin 1953. La convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, a été ratifiée par la Grèce le 30 mars 1962 et est entrée en vigueur pour ce pays un an plus tard, soit le 30 mars 1963.
  4. 3. Les dispositions de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail concernant la soumission des réclamations sont les suivantes:
  5. Article 24
  6. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  7. Article 25
  8. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publiques la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  9. 4. La procédure à suivre en cas de réclamation est régie par le Règlement tel qu'il a été révisé par le Conseil d'administration à la 212e session (mars 1980).
  10. 5. En vertu de l'article 2, paragraphe 1, du Règlement précité, le Directeur général a transmis la réclamation au bureau du Conseil d'administration.
  11. 6. A sa 235e session (mars 1987), le Conseil d'administration, en se fondant sur le rapport présenté par son bureau, a décidé que la réclamation était recevable et a, pour l'examiner, désigné un comité composé de M. Giovanni Falchi (membre gouvernemental, Italie), président, M. Nejib Saïd (membre employeur) et de M. Heribert Maier (membre travailleur).
  12. 7. Conformément aux dispositions de l'article 4, paragraphe 1, alinéas a) et c) du Règlement, le comité a invité l'HALPA à fournir, avant le 30 avril 1987, les renseignements complémentaires qu'elle souhaiterait porter à la connaissance du comité. Le comité a invité le gouvernement à présenter ses observations au sujet de la réclamation avant le 31 mai 1987.
  13. 8. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 12 juin 1987. Le comité s'est réuni à Genève en novembre 1987 afin d'examiner la réclamation ainsi que la réponse reçue. Dans son examen, le comité disposait également des informations soumises par le gouvernement dans le cadre de la procédure portant sur les mêmes événements qui avait été engagée par l'HALPA et un certain nombre d'autres organisations devant le Comité de la liberté syndicale, ainsi que du rapport de ce dernier sur ce cas. (Note 1) En outre, le texte de la décision (no 2291) du Conseil d'Etat de la Grèce, rendue le 22 mai 1987 et publiée le 28 mai 1987 sur la requête de l'HALPA qui demandait la levée de la mobilisation civile, a été porté à la connaissance du comité par une lettre de l'HALPA, datée du 8 octobre et reçue le 16 octobre 1987, et une communication similaire du gouvernement, datée du 6 octobre et reçue le 6 novembre 1987.
  14. II. Examen de la réclamation
  15. 1. Allégations présentées par l'Association hellénique des pilotes de ligne (HALPA)
  16. 9. L'Association hellénique des pilotes de ligne (HALPA) (Note 2) allègue que le gouvernement de la Grèce n'a pas assuré l'exécution de deux conventions ratifiées, à savoir la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957. L'HALPA estime que le manquement par la Grèce de ses obligations au titre de ces conventions résulte des mesures prises par le gouvernement à la suite d'un conflit du travail dans la compagnie aérienne Olympic Airways.
  17. 10. Selon la réclamation, les faits de la cause sont les suivants: au début de juin 1986, l'Association hellénique des pilotes de lignes (HALPA), après un premier accord préliminaire avec la direction d'Olympic Airways, s'efforçait de parvenir à un accord définitif. Les discussions portaient sur les salaires et les effets des nouvelles lois fiscales. Après l'échec des négociations entre la direction et le syndicat et le refus du gouvernement d'honorer un précédent accord, l'HALPA a convoqué une assemblée générale des pilotes syndiqués les 5 et 6 juin 1986, au cours de laquelle 271 syndiqués ont voté à bulletin secret en faveur de diverses formes d'action directe, y compris de la grève, 39 membres s'étant prononcés contre, sur un total de 360. L'assemblée générale a également autorisé le comité à déclarer la grève qui devait commencer le l4 juin. Le comité a annoncé officiellement la décision de l'assemblée générale à la direction d'Olympic Airways le 7 juin, conformément à la loi.
  18. 11. Parallèlement à cette communication, l'HALPA a fourni à la direction la liste des pilotes et des mécaniciens navigants devant assurer les services essentiels définis dans la loi 1264/1982. L'HALPA, en établissant une liste de cinq équipages (un équipage pour chaque type d'avion), entendait assurer que les exigences légales relatives au maintien des services essentiels étaient remplies. L'HALPA estime que la proclamation de mobilisation civile, destinée à garantir le fonctionnement des services essentiels, n'était pas nécessaire, étant donné que ces services étaient déjà assurés par les membres de l'HALPA, et que cette mobilisation civile constituait une forme de travail obligatoire pour briser la grève.
  19. 12. Le 9 juin, le ministre des Transports a convoqué le comité directeur de l'HALPA et lui a annoncé la décision du gouvernement de proclamer un état d'urgence national et ensuite de déclarer la mobilisation civile des pilotes et des mécaniciens navigants qui avaient entrepris une action similaire, à moins que l'HALPA n'annule toute action prévue et n'annonce officiellement cette annulation avant 22 heures le même jour. Le comité a répondu au gouvernement qu'il n'avait pas compétence pour révoquer la décision de grève étant donné qu'aux termes des statuts du syndicat une telle décision de révocation ne pouvait être prise que par l'assemblée générale. Néanmoins, il était prêt à convoquer immédiatement une nouvelle assemblée générale et à lui faire part de l'ultimatum du gouvernement. Le même jour, le comité directeur de l'HALPA a convoqué une nouvelle assemblée générale pour le 11, ce qui laissait suffisamment de temps pour délibérer, étant donné que le préavis de grève n'avait été déposé que pour le 14.
  20. 13. Néanmoins, le 10 juin 1986, le gouvernement a, par les décrets ministériels nos Y164 et Y165, proclamé la mobilisation civile des pilotes et mécaniciens navigants d'Olympic Airways. A la suite de cette mobilisation, les pilotes et les mécaniciens navigants ont, le même jour, reçu une sommation individuelle leur ordonnant de se présenter devant les agents d'Olympic Airways et d'offrir leurs services et, presque en même temps, un certain nombre d'entre eux ont été arrêtés pour ne pas s'être soumis à la mobilisation civile. L'HALPA signale que les personnes arrêtées comprenaient des pilotes qui étaient en congé de maladie, d'autres qui étaient en congé régulier ainsi que des pilotes en attente sur des aéroports étrangers du fait de l'absence d'appareils d'Olympic Airways et qui ont été arrêtés dès leur retour, que d'autres pilotes ont été avisés simplement de leur licenciement et qu'en même temps des poursuites pénales et administratives ou des actions civiles ont été engagées, des pilotes jetés en prison, des biens mis sous séquestre et des familles intimidées.
  21. 14. Une nouvelle assemblée générale de l'HALPA, qui s'est tenue le 24 juin 1986, a décidé d'arrêter le mouvement de grève en partie sous la pression des poursuites et en partie sous l'effet d'assurances données que "l'intention du gouvernement n'était pas de recourir à des représailles et que des négociations devaient être engagées pour trouver une solution aux problèmes". C'est ainsi que les pilotes et les mécaniciens reprirent le travail le 25 juin.
  22. 15. Néanmoins, selon la communication de l'HALPA du 24 octobre 1986, les poursuites étaient toujours pendantes et 45 pilotes et 15 mécaniciens navigants restaient licenciés. En même temps, les pilotes et les mécaniciens navigants sont maintenus sous le régime de la mobilisation civile et sont donc supposés travailler non pas conformément à leurs obligations d'emploi mais conformément aux tâches qui sont les leurs en vertu des dispositions de la loi sur la mobilisation civile. De plus, quand ils réclament du travail, il ne leur en est pas donné. Plus encore, les pilotes et les mécaniciens navigants licenciés, toujours soumis à la mobilisation civile bien qu'aucun travail ne leur soit confié, se voient dans l'interdiction de rechercher un autre emploi tant qu'ils sont mobilisés. Dans le même temps, Olympic Airways utilise à la place des pilotes licenciés les services de pilotes étrangers qui sont payés en devises étrangères et perçoivent un salaire double ou même plus élevé encore.
  23. 2. Observations du gouvernement
  24. 16. Dans sa communication du 12 juin 1987, le gouvernement, invoquant l'arrêt no 575/1966, rendu par l'Assemblée plénière du Conseil d'Etat, indique que l'ordre de mobilisation civile pour éviter tout trouble grave dans les réseaux urbains du pays permettant le déplacement, lié à des questions d'importance vitale, d'une grande partie de la population ne contrevient ni aux dispositions constitutionnelles sur la liberté, ni à celles de la convention no 105. Le gouvernement ajoute que la jurisprudence n'a pas soutenu de points de vue différents et que l'Association hellénique des pilotes de ligne a attaqué le décret portant mobilisation de ses membres devant le Conseil d'Etat; celui-ci se trouve ainsi saisi de l'examen de l'affaire qui demeure depuis lors en suspens, et le gouvernement signalera toute évolution éventuelle en la matière (Note 3).
  25. 17. Des informations plus détaillées communiquées par le gouvernement le 16 octobre 1986 en réponse aux allégations de violation de la liberté syndicale, expliquent les faits de la manière suivante. Après que l'ordre de mobilisation eut été proclamé, une partie du personnel de la compagnie aérienne a refusé, en l'absence de toute cause justificative, de déférer à l'ordre de mobilisation pour exécuter son travail. Or, en vertu de la législation pertinente, le refus d'un salarié de se présenter sur le lieu de travail pour exécuter ses obligations contractuelles est considéré comme un acte de dénonciation unilatérale du contrat de travail par le salarié, dès lors que cette abstention n'est pas due à un empêchement involontaire, et cela indépendamment de ce qu'ait été ou non proclamé l'ordre de mobilisation. En conséquence, la compagnie d'aviation Olympic Airways a rayé des cadres 48 pilotes et l5 mécaniciens. Toutefois, après avoir réexaminé les cas de trois pilotes et avoir constaté que leur refus d'assurer leurs services était basé sur un empêchement non intentionnel, elle a révoqué la décision de radiation prononcée contre ces trois personnes. En revanche, pour ce qui concerne les autres employés rayés des cadres (45 pilotes et l5 mécaniciens), elle a estimé que les intéressés avaient dénoncé eux-mêmes leurs contrats de travail et que sa décision n'était donc pas susceptible d'être remise en cause.
  26. 18. En outre, selon la même communication du 16 octobre 1986, le ministère public a engagé des poursuites judiciaires contre les intéressés pour infractions à la loi sur la mobilisation civile, mais tous les pilotes arrêtés et détenus à titre préventif pour infraction au décret-loi no 17 de 1974 sur la "mobilisation civile en cas d'urgence" ont été remis en liberté sous caution après une période d'emprisonnement de trois à huit jours, et personne n'est actuellement détenu.
  27. 19. Comme le gouvernement l'a indiqué dans sa lettre du 6 octobre 1987 communiquant la décision du Conseil d'Etat (no 2291), rendue le 22 mai 1987, le Conseil d'Etat a clos la procédure engagée par l'HALPA contre les décisions du gouvernement décrétant la mobilisation civile de ses membres. Le Conseil d'Etat a estimé que l'ordre de mobilisation et, partant, la réquisition civile des intéressés ne devaient pas déployer d'effets au-delà de la période de la grève déclarée et ne sont donc plus en vigueur, et que les sanctions civiles ou pénales, éventuellement encourues pour non-obéissance à la réquisition, ne justifiaient pas d'examiner plus loin la question devant le Conseil d'Etat.
  28. 20. D'autre part, le gouvernement a déclaré qu'à la suite d'un accord conclu récemment entre Olympic Airways et les pilotes et mécaniciens qui avaient été rayés des cadres pour refus de déférer à l'ordre de mobilisation civile les intéressés ont été réintégrés à leur poste. Le gouvernement estime donc que tout effet d'ordre administratif préjudiciable à leur égard, produit par l'application de la mobilisation civile, a disparu.
  29. 3. Conclusions du comité
  30. 21. Dans sa communication du 12 juin 1987, le gouvernement indique que son action ne contrevient pas aux dispositions constitutionnelles du pays et est conforme à la jurisprudence nationale et que l'Association hellénique des pilotes de ligne a attaqué le décret portant mobilisation de ses membres devant le Conseil d'Etat. Le comité rappelle que la question de la conformité de l'action gouvernementale avec la Constitution et les lois nationales reste en dehors de son mandat mais qu'il est appelé à examiner l'exécution des conventions internationales du travail nos 29 et 105, ratifiées par la Grèce. La situation au regard de ces deux conventions est donc examinée ci-après.
  31. i) La situation au regard de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930
  32. 22. Aux fins de la convention no 29, le travail forcé ou obligatoire comprend "tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit invididu ne s'est pas offert de plein gré" (art. 2, paragr. 1). Toutefois, un certain nombre de travaux sont exclus du champ d'application de la convention en vertu de son article 2, paragraphe 2, qui mentionne notamment, sous d) "tout travail ou service exigé dans les cas de force majeure, c'est-à-dire dans les cas de guerre, de sinistres ou menaces de sinistres tels qu'incendies, inondations, famines, tremblements de terre, épidémies et épizooties violentes, invasions d'animaux, d'insectes ou de parasites végétaux nuisibles et, en général, toutes circonstances mettant en danger ou risquant de mettre en danger la vie ou les conditions normales d'existence de l'ensemble ou d'une partie de la population".
  33. 23. Dans le cas présent, les pilotes et mécaniciens navigants d'Olympic Airways avaient à l'origine offert leurs services de plein gré dans le cadre de leur engagement contractuel. Cependant, selon les indications du gouvernement (voir paragr. 18 ci-dessus), le contrat de travail des intéressés avait pris fin au moment du refus de se présenter sur le lieu de travail; en conséquence, ils n'étaient plus liés par un engagement librement conclu, mais uniquement soumis à une réquisition basée sur la mobilisation civile imposée par le gouvernement.
  34. 24. Les décisions ministérielles nos 164 et 165 du 10 juin 1986, concernant la mobilisation civile des pilotes et mécaniciens navigants de la compagnie d'aviation civile Olympic Airways, et la décision ministérielle YPA/PSEA/A/522 de la même date, portant réquisition civile des intéressés, invoquent notamment l'article 2, paragraphe 5, et les articles 13, 19, 20, 22, 23 et 35 du décret-loi no 17/1974 sur la planification civile en cas de nécessité exceptionnelle. Aux termes de l'article 35 de ce dernier décret-loi, une personne réquisitionnée qui refuse ou néglige d'offrir ses services est passible de sanctions pénales.
  35. 25. La situation des personnes réquisitionnées répond ainsi aux deux critères (menace d'une peine et absence d'offre de plein gré) de la définition du travail forcé ou obligatoire donnée à l'article 2, paragraphe 1, de la convention et citée plus haut au paragraphe 23. Il reste à déterminer si ce travail relève de l'exception prévue pour cas de force majeure au sens de la convention (art. 2, paragr. 2 d)).
  36. 26. Comme l'indiquent les exemples énumérés dans la convention, la notion de force majeure implique un événement soudain et imprévu qui appelle une intervention immédiate pour protéger la vie ou des conditions d'existence de l'ensemble ou d'une partie de la population. La décision ministérielle YPA/PSEA/A/522, portant réquisition des pilotes et mécaniciens intéressés, invoque, au point 5, "le fait que les mouvements de grève déclenchés par les personnels précités empêchent la mise en oeuvre du trafic aérien et mettent directement en danger la vie économique et sociale du pays, tout en portant préjudice à l'intérêt national". Comme la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations l'a souligné, entre autres aux paragraphes 63 à 66 de son Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé et dans les commentaires adressés au gouvernement de la Grèce au titre de la convention no 29, des notions telles que la mise en danger de "la vie économique et sociale du pays", le "préjudice à l'intérêt national" débordent le cadre strict des cas de force majeure au sens de la convention, et la réquisition de services considérés comme essentiels ne devrait être possible que lorsque les critères de l'article 2, paragraphe 2 d), sont remplis.
  37. 27. Le comité note que, dans des commentaires adressés depuis un certain nombre d'années au gouvernement, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a attiré l'attention sur l'incompatibilité avec la convention des pouvoirs accordés par le décret-loi no 17 de 1974 sur la planification civile de l'état d'urgence. La commission a notamment rappelé qu'il ne devait être recouru au travail obligatoire en vertu de pouvoirs d'exception que dans la mesure où cela est strictement nécessaire pour faire face à des circonstances mettant en danger l'existence, la sécurité personnelle ou la santé de l'ensemble ou d'une partie de la population.
  38. 28. Dans le cas présent, la mobilisation civile répondait par anticipation à une grève dans les transports civils, régulièrement déclarée une semaine à l'avance. Selon les allégations non réfutées de l'HALPA, les exigences légales relatives au maintien des services considérés comme essentiels avaient été remplies par les grévistes; au surplus, une fois réquisitionnés, les travailleurs ont été maintenus en inactivité. Dans ces conditions, l'ordre de mobilisation civile ne répond pas aux critères de l'exception prévue à l'article 2, paragraphe 2, de la convention pour faire face à des cas de force majeure. En outre, dans la mesure où il était interdit aux personnes réquisitionnées de se livrer à toute autre activité, l'obligation de rester à la disposition de la compagnie aérienne demeurait un service obligatoire, quelle qu'ait été son utilité effective.
  39. 29. Le comité en conclut, d'après les considérations qui précèdent, que la convention no 29 n'a pas été observée au moment de la réquisition civile des pilotes et mécaniciens navigants.
  40. 30. Il ressort de la décision du Conseil d'Etat du 22 mai 1987 que l'ordre de mobilisation et, partant, la réquisition civile des intéressés ne devaient pas déployer d'effets au-delà de la durée de la grève et ne sont donc plus en vigueur. Selon le gouvernement, les pilotes et mécaniciens concernés ont été réintégrés à leur poste sur la base d'un accord conclu par eux avec la compagnie Olympic Airways. Ces questions étant résolues, le gouvernement devrait indiquer, dans son prochain rapport sur l'application de la convention, les mesures prises pour assurer que toute action judiciaire ou administrative pouvant conduire à l'imposition aux intéressés des sanctions prévues par le décret-loi no 17 de 1974 soit abandonnée. Sur un plan plus général, le gouvernement devrait rapidement prendre les mesures nécessaires pour mettre sa législation en la matière en conformité avec la convention, répondant ainsi aux commentaires de la commission d'experts en ce sens. Le comité considère qu'il appartiendra à la commission d'experts de suivre la question dans le cadre de son examen des rapports du gouvernement sur l'application de la convention.
  41. ii) La situation au regard de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957
  42. 31. La convention no 105 interdit le recours au travail forcé ou obligatoire, notamment en tant que mesure de discipline du travail et en tant que punition pour avoir participé à des grèves (art. 1 c) et d)). Ainsi que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations l'a rappelé au paragraphe 110 de son Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, le travail forcé ou obligatoire imposé en tant que mesure de discipline du travail peut être de deux sortes. Il peut consister en mesures destinées à assurer l'exécution, par un travailleur, de son travail sous la contrainte de la loi (sous la forme d'une contrainte physique ou d'une menace de punition) ou en une sanction pour manquement à la discipline du travail, avec des peines comportant une obligation de travail. Dans ce dernier cas, toutefois, la commission a distingué entre les peines infligées pour faire respecter la discipline du travail en tant que telle (et qui tombent donc sous le coup de la convention) et celles qui le sont pour protéger l'intérêt public général, bien qu'elles frappent un acte constituant un manquement à la discipline du travail. Aussi la convention ne protège-t-elle pas les personnes responsables de manquements à la discipline du travail qui compromettent ou risquent de mettre en danger le fonctionnement de services essentiels ou qui sont commis soit dans l'exercice de fonctions essentielles pour la sécurité, soit dans des circonstances où la vie ou la santé sont en danger. Dans de tels cas, cependant, il faut qu'il y ait vraiment danger et non pas simple dérangement. En outre, les travailleurs intéressés doivent rester libres de mettre fin à leur contrat moyennant un préavis raisonnable.
  43. 32. En ce qui concerne les sanctions comportant du travail obligatoire imposées pour la participation à une grève, la commission d'experts a indiqué, aux paragraphes 126 et 127 de son étude d'ensemble de 1979, qu'une suspension du droit de grève, sous peine de sanctions comportant du travail obligatoire en vertu d'une législation ou de pouvoirs d'exception, n'est compatible avec la convention que si elle est nécessaire pour faire face à des cas de force majeure au sens strict du terme - c'est-à-dire lorsque la vie ou le bien-être de l'ensemble ou d'une partie de la population est en danger - et à condition que la durée de l'interdiction soit limitée à la période de l'urgence immédiate. Les mêmes critères sont applicables lorsque des dispositions législatives qui permettent de réquisitionner la main-d'oeuvre sont utilisées pour réquisitionner des travailleurs en grève, sous peine de sanctions comportant du travail obligatoire pour refus de déférer à l'ordre de réquisition.
  44. 33. Dans le cas présent, la réquisition des pilotes et mécaniciens navigants se présente comme une mesure destinée à assurer l'exécution, par les intéressés, de leur travail sous la contrainte de la loi (sous la forme d'une menace de punition); elle correspond donc à la première forme de travail obligatoire imposé en tant que mesure de discipline du travail, à laquelle se réfère la commission d'experts (voir le paragraphe 31 ci-dessus) et est donc contraire à l'article 1 c) de la convention no 105.
  45. 34. En outre, la réquisition des pilotes et mécaniciens navigants, proclamée en application du décret-loi no 17 de 1974, rendait applicable aux intéressés les sanctions pénales prévues par ce décret-loi en cas de refus ou d'omission d'obtempérer à l'ordre de réquisition. Parmi ces sanctions figurent des peines privatives de liberté assorties de l'obligation au travail pénitentiaire, dont l'imposition éventuelle aux intéressés se présenterait soit comme une sanction pour manquement à la discipline de travail, soit comme une punition pour avoir participé à une grève, et serait donc également contraire à la convention no 105 (art. 1 c) ou d)), car les exceptions admises par la commission d'experts, notamment pour les cas de force majeure et les services essentiels, ne sont pas applicables au cas présent, comme on l'a déjà vu au sujet de la convention no 29 (voir les paragraphes 26 à 28 et 31 et 32 ci-dessus). Au titre de la convention no 105 également, le gouvernement devrait donc fournir des assurances que les sanctions en question ne soient pas imposées aux pilotes et mécaniciens en cause.
  46. 35. Le comité considère en conséquence que la réquisition des pilotes et mécaniciens navigants s'est effectuée dans des conditions contraires aussi bien à la convention no 105 qu'à la convention no 29.
  47. 36. Les conclusions formulées plus haut au paragraphe 30 sous la convention no 29 peuvent également l'être au titre de la convention no 105 en ce qui concerne la nécessité de mettre le décret-loi no 17 de 1974 en conformité avec la convention et d'assurer que les personnes qui avaient été réquisitionnées ne fassent pas l'objet de sanctions contraires à la convention.
  48. III. Recommandations du comité
  49. 37. Le comité recommande au Conseil d'administration:
  50. a) d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions formulées aux paragraphes 29 et 35, à savoir que la réquisition civile des pilotes et mécaniciens navigants de la compagnie Olympic Airways s'est effectuée dans des conditions contraires aux dispositions mentionnées de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et de la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957;
  51. b) d'inviter le gouvernement de la Grèce, compte tenu des conclusions formulées aux paragraphes 30 et 36, à prendre les mesures nécessaires pour:
  52. i) assurer que la législation en la matière, et notamment le décret-loi no 17 de 1974, soit mise en conformité avec les conventions sur le travail forcé, comme cela a déjà été demandé par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations;
  53. ii) assurer que toute action judiciaire ou administrative pouvant conduire à l'imposition, aux intéressés, des sanctions prévues par le décret-loi no 17 de 1974 soit abandonnée;
  54. c) d'inviter le gouvernement de la Grèce à inclure dans ses rapports fournis au titre de l'article 22 de la Constitution sur l'application des conventions nos 29 et 105 des informations complètes sur les mesures prises, conformément aux recommandations ci-dessus, pour assurer le respect de ces deux conventions, de manière à permettre à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de suivre la question;
  55. d) de déclarer close la procédure engagée à la suite de la présente réclamation.
  56. Genève, 13 novembre 1987 (signé) G. Falchi, Président,
  57. N. Saïd,
  58. H. Maier.
  59. Note 1
  60. 251e rapport du Comité de la liberté syndicale, cas no 1384 (document GB.236/8/11, paragr. 161 à 190). Le comité a attiré l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel les travailleurs et leurs organisations doivent pouvoir avoir recours à la grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux sans encourir de mesures de représailles antisyndicales, et il a exprimé le ferme espoir qu'à l'avenir ce principe sera pleinement respecté.
  61. Note 2
  62. Voir texte de la réclamation reproduit en annexe au rapport du bureau du Conseil d'administration sur la recevabilité de cette réclamation, document GB.235/17/10.
  63. Note 3
  64. Comme il a déjà été indiqué au paragraphe 8 ci-dessus, la décision du Conseil d'Etat a été rendue le 22 mai 1987 et portée à la connaissance du comité en octobre 1987.
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