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RECLAMATION (article 24) - REPUBLIQUE TCHEQUE - C111 - 1995

1. Association de Bohême, Moravie et Silésie (OS/CMS)

Clos

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Rapport du Comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution, par la République tchèque, de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, présentée par l'Association de Bohême, Moravie et Silésie (OS/CMS), en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT

Rapport du Comité chargé d'examiner la réclamation alléguant l'inexécution, par la République tchèque, de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, présentée par l'Association de Bohême, Moravie et Silésie (OS/CMS), en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. I. Introduction
  2. 1. Par une lettre en date du 13 avril 1994, l'Association syndicale de Bohême, Moravie et Silésie (OS-CMS), invoquant l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, a présenté une réclamation alléguant l'inexécution par le gouvernement de la République tchèque de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958.
  3. 2. La convention no 111 a été ratifiée par la République tchèque le 1er janvier 1993 et est en vigueur pour ce pays.
  4. 3. Les dispositions de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail concernant la soumission des réclamations sont les suivantes:
  5. Article 24
  6. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs et des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  7. Article 25
  8. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  9. 4. La procédure à suivre pour l'examen des réclamations est régie par le Règlement révisé adopté par le Conseil d'administration à sa 212e session (mars 1980).
  10. 5. Conformément aux articles 1 et 2, paragraphe 1, de ce Règlement, le Directeur général a accusé réception de la réclamation, et en a informé le gouvernement de la République tchèque et l'a transmise au bureau du Conseil d'administration.
  11. 6. A sa 260e session (juin 1994), le Conseil d'administration, sur recommandation de son bureau, a décidé que la réclamation était recevable et a désigné un comité chargé de son examen, composé de M. D. Willers (membre gouvernemental, Allemagne, président), Mlle C. Hak (membre employeur, Pays-Bas), et M. R. Briesch (membre travailleur, France).
  12. 7. En vertu de l'article 4, paragraphe 1 a) et c), du Règlement, le comité a décidé a) d'inviter l'organisation plaignante à fournir, avant le 15 septembre 1994, tous renseignements complémentaires qu'elle souhaiterait porter à la connaissance du comité; et b) d'inviter le gouvernement à présenter ses observations au sujet de la réclamation avant le 15 septembre 1994, étant entendu que les renseignements complémentaires qu'aurait fournis l'organisation plaignante seraient également communiqués au gouvernement.
  13. 8. L'organisation plaignante a fourni des renseignements complémentaires par lettre du 9 septembre 1994. Copie de cette lettre et ses annexes ont été transmises au gouvernement. Le comité a décidé de prolonger jusqu'au 17 octobre 1994 le délai fixé au gouvernement pour présenter ses observations.
  14. 9. Par une communication en date du 1er novembre 1994, le gouvernement a présenté ses observations au sujet de la réclamation.
  15. 10. Le comité s'est réuni une première fois en novembre 1994 et une deuxième fois en mars 1995. A cette deuxième réunion, il a décidé de demander au gouvernement et à l'organisation plaignante des informations supplémentaires pour qu'il ait tous les éléments à sa disposition. Il a demandé que ces informations soient reçues le 2 mai 1995. Des informations supplémentaires ont été reçues de l'organisation plaignante le 2 mai et le 4 octobre 1995. Un rappel a été adressé au gouvernement le 10 mai 1995 en même temps que les informations supplémentaires reçues le 2 mai 1995 de l'organisation plaignante. En l'absence d'une réponse du gouvernement le comité s'est réuni une troisième fois en juin 1995. Il a décidé à ce moment de prolonger le délai jusqu'au 15 août 1995. Le gouvernement a communiqué sa réponse le 15 septembre 1995.
  16. II. Examen de la réclamation
  17. 1. Remarques préliminaires
  18. 11. Compte tenu des importants changements politiques et institutionnels qui ont eu lieu en République fédérative tchèque et slovaque (RFTS) avant sa dissolution, et de ceux intervenus récemment en République tchèque suite à la dissolution de la RFTS, et de leur incidence sur l'examen de la réclamation, le comité juge utile, pour faciliter la compréhension du problème, de faire les observations suivantes à titre de remarques préliminaires avant d'examiner en détail la réclamation et les observations du gouvernement.
  19. 12. La présente réclamation fait suite à deux précédentes réclamations portant essentiellement sur le même objet, présentées conjointement en octobre 1991 par l'Association syndicale de Bohême, Moravie et Slovaquie (OS-CMS), et en novembre 1991 par la Confédération tchèque et slovaque des syndicats (CS-KOS), les deux en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, alléguant l'inobservation de la convention no 111 par la République fédérative tchèque et slovaque. En novembre 1991, le Conseil d'administration du BIT avait institué un comité tripartite chargé d'examiner ces réclamations. Le rapport de ce comité, en particulier les conclusions et recommandations qui y figuraient, a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 252e session (février 1992). Le comité estime utile de donner un bref résumé du rapport de ce comité auquel il se référera dans les paragraphes qui suivent, compte tenu que la présente réclamation a en fait la même base que la précédente.
  20. 13. Le comité, institué en 1991 en vertu de l'article 24 de la Constitution, a examiné la compatibilité avec la convention de la loi no 451/1991 du 4 octobre 1991, connue sous le nom de loi de filtrage (voir en annexe), en ce qui concerne l'exclusion de catégories déterminées de personnes d'un large éventail de fonctions et de professions, principalement dans des institutions publiques, mais également dans le secteur privé. Etaient notamment visées par ces exclusions les personnes qui, par le passé, avaient exercé certaines fonctions ou avaient été affiliées ou associées à certains groupes ou organes de l'ancien régime politique, au cours d'une période de plus de quarante ans s'étendant du 25 février 1948 au 12 novembre 1989.
  21. 14. Le comité avait été d'avis que les exclusions établies par la loi no 451/1991 ne pouvaient être considérées comme justifiées par les qualifications exigées pour des emplois déterminés, et par conséquent comme admissibles au titre de l'article 1, paragraphe 2, de la convention, que dans un certain nombre de cas. Il a également estimé que ces exclusions ne peuvent pas être considérées comme des mesures motivées par des activités préjudiciables à la sécurité de l'Etat, au sens de l'article 4 de la convention. Il s'était donc vu obligé de conclure que, dans la mesure indiquée, les exclusions prévues par la loi no 451/1991 constituaient une discrimination fondée sur l'opinion politique aux termes de la convention. Il avait conclu également que les procédures de recours au titre de la loi no 451/1991 ne satisfaisaient pas pleinement aux dispositions de la convention.
  22. 15. Le comité s'était déclaré convaincu qu'une solution satisfaisante finirait par être trouvée dans la mesure où les éléments nécessaires pour aboutir à une telle solution existaient déjà. Il avait recommandé au Conseil d'administration d'inviter le gouvernement:
  23. -- à saisir dès que possible la Cour constitutionnelle de la RFTS afin qu'elle statue sur la loi no 451/1991, compte dûment tenu des dispositions de la convention no 111;
  24. -- à prendre les mesures nécessaires en consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs pour abroger ou modifier la loi no 451/1991, conformément aux dispositions de la convention;
  25. -- à prendre les mesures nécessaires pour permettre à toute personne injustement frappée par cette loi d'obtenir réparation;
  26. -- à effectuer les consultations appropriées avec le Bureau international du Travail et à solliciter sa collaboration, le cas échéant, pour l'application de ces recommandations.
  27. 16. Le comité avait également recommandé que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations poursuive l'examen de cette question. C'est ainsi que la commission d'experts, dans le cadre du suivi du rapport du comité, avait adressé au gouvernement, en 1992, une observation lui demandant d'indiquer les mesures prises pour mettre en oeuvre les recommandations du Conseil d'administration afin de donner plein effet à la convention. La même année, la RFTS a été dissoute, et la commission d'experts n'a pas été en mesure d'examiner la façon dont ces recommandations ont été mises en oeuvre.
  28. 17. En rapport avec la création d'un Etat indépendant tchèque, le Parlement intérimaire a adopté, le 16 décembre 1992, la nouvelle Constitution de la République tchèque (loi constitutionnelle no 1/1993), qui est entrée en vigueur à partir du 1er janvier 1993. En vertu de l'article 3 de cette loi, la Charte des libertés et droits fondamentaux, adoptée en 1991 par l'ancienne Assemblée fédérale de la RFTS, est devenue partie intégrante de la nouvelle Constitution et, en vertu de l'article 10 de la même loi, les dispositions des conventions internationales concernant les droits de l'homme et libertés fondamentales ratifiées par la République tchèque sont directement applicables et ont préséance sur la législation nationale. Selon le comité, il s'agit notamment de la convention no 111 ratifiée par la RFTS. La République tchèque, en devenant Membre de l'OIT en février 1993, a décidé d'accepter formellement les obligations qui en découlent.
  29. 18. Le comité note que, en vertu de la loi constitutionnelle no 4/1993 concernant les mesures à prendre en rapport avec la fin de la RFTS, la loi no 451/1991, à laquelle se réfère l'arrêt du 26 novembre 1992 de la Cour constitutionnelle de la RFTS, est restée en vigueur sur le territoire de la République tchèque après la dissolution de la RFTS.
  30. 2. Allégations formulées par l'organisation plaignante
  31. 19. Dans sa lettre en date du 13 avril 1994, l'organisation plaignante se réfère aux conclusions et recommandations du comité du Conseil d'administration du BIT chargé d'examiner les réclamations présentées par elle-même, en octobre 1991, et par la Confédération tchèque et slovaque des syndicats, en novembre 1991, alléguant l'inexécution de la convention no 111 par le gouvernement de la République fédérative tchèque et slovaque. L'OS-CMS rappelle que le comité avait abouti à la conclusion que les exclusions prévues par la loi no 451/1991 du 4 octobre 1991 (loi de filtrage) constituent une discrimination fondée sur l'opinion politique aux termes de la convention no 111, et qu'en mars 1992 le Conseil d'administration du BIT, compte tenu des conclusions et recommandations de son comité, avait invité le gouvernement de la RFTS à prendre les mesures indiquées au paragraphe 15 ci-dessus. L'OS-CMS déclare que le gouvernement de la RFTS n'a pas appliqué ces recommandations.
  32. 20. L'OS-CMS signale qu'en mars 1992 un groupe de 99 députés de l'Assemblée fédérale de la RFTS a adressé à la Cour constitutionnelle une requête demandant l'annulation de la loi no 451/1991 pour non-conformité avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et, en particulier, la convention no 111, ainsi qu'avec la Constitution. La Cour, par son arrêt du 26 novembre 1992, a prononcé l'inconstitutionnalité des dispositions de la loi de filtrage qui sont, selon l'OS-CMS, de moindre importance, mais n'a pas touché aux dispositions essentielles de cette loi, et qui resteraient une source constante de discrimination fondée sur l'opinion politique et idéologique à l'encontre d'un grand nombre de personnes.
  33. 21. L'organisation plaignante se réfère à la loi constitutionnelle no 4/1993 relative aux mesures à prendre en rapport avec la dissolution de la RFTS, et relève que le gouvernement de la République tchèque a accepté les droits et obligations découlant du droit international, notamment les obligations découlant de la Constitution de l'OIT, dont elle est devenue Membre à partir du 5 février 1993. L'OS-CMS déclare que c'est également en vertu de la loi no 4/1993 susmentionnée que la loi no 451/1991, telle que modifiée par la décision de la Cour constitutionnelle, est restée en vigueur sur le territoire de la République tchèque, et que le gouvernement n'a pris aucune mesure pour mettre fin aux conséquences discriminatoires de cette loi, mais qu'au contraire il continue à enfreindre et limiter les droits protégés par les conventions de l'OIT, notamment la convention no 111.
  34. 22. L'OS-CMS attire également l'attention du comité sur la loi no 216/1993, adoptée le 10 juillet 1993 par le Parlement tchèque, qui amende et complète la loi no 172/1990 sur les écoles supérieures, sur la base de laquelle les contrats de travail à durée indéterminée conclus avec le personnel enseignant et les chercheurs scientifiques de ces établissements supérieurs ont été suspendus et puis transformés en contrats à durée déterminée qui ont expiré le 30 septembre 1994. Cette loi concernerait 11 400 travailleurs des établissements d'enseignement supérieur. Elle signale également l'adoption par le Parlement de la République tchèque, le 23 mars 1994, d'une loi abrogeant les dispositions du Code du travail relatives aux droits acquis, au droit au travail et au travail de nuit des femmes, et aux contrats à durée indéterminée, et qu'une manifestation rassemblant environ 50 000 personnes a été organisée à la même date pour réclamer le maintien de ces droits acquis et protester contre des normes juridiques qui aggravent la situation des travailleurs.
  35. 23. L'organisation plaignante signale enfin que la loi de filtrage est largement appliquée non seulement dans les cas énumérés par son article 1 (liste des fonctions soumises à des conditions supplémentaires à remplir pour les occuper), mais aussi dans d'autres cas; par exemple, dans plusieurs communes, les candidats aux élections municipales sont obligés de fournir un certificat attestant leur "pureté" en vertu de la loi de filtrage. Elle ajoute que, selon la presse, le ministère de l'Intérieur serait en train de préparer une directive concernant la filtration arbitraire des candidats aux élections communales.
  36. 24. L'OS-CMS demande que le Conseil d'administration du BIT examine si la République tchèque assure d'une manière satisfaisante l'exécution de la convention no 111, et si elle a donné suite à ses recommandations concernant la loi no 451/1991.
  37. 25. Dans sa lettre du 9 septembre 1994, l'organisation plaignante a fourni des informations complémentaires et un certain nombre de documents à l'appui de sa réclamation. L'OS-CMS se réfère à la décision de la Cour constitutionnelle du 26 novembre 1992 susvisée, en particulier à la partie de la décision où la Cour déclare que les dispositions de la loi de filtrage sont en accord avec l'article 4 de la convention no 111, et fait remarquer que, selon elle, cette loi ne contient aucune disposition se rapportant aux personnes suspectes ou convaincues d'une activité actuelle et non prescrite dirigée contre l'Etat. L'OS-CMS souligne que la même loi est publiquement et impunément utilisée pour discréditer politiquement les personnes qui ne lui sont pas assujetties, par exemple le président de la Chambre tchéco-morave des unions syndicales, M. Richard Falber.
  38. 26. L'OS-CMS indique enfin que la Cour constitutionnelle de la République tchèque, par son arrêt du 17 mai 1994, a rejeté la proposition, faite par un groupe de parlementaires, d'amender les dispositions de la loi no 172/1990 sur les écoles supérieures, telles qu'amendées et complétées par la loi no 216/1993. De l'avis de la Cour, cette loi n'est pas en contradiction avec la convention no 111.
  39. 3. Documentation présentée par l'OS-CMS
  40. 27. L'OS-CMS a présenté à l'appui de sa réclamation les documents importants suivants qui sont résumés dans les paragraphes ci-après:
  41. i) la requête déposée le 10 mars 1992 par un groupe de 99 députés de l'Assemblée fédérale de la RFTS auprès de la Cour constitutionnelle concernant l'abrogation de la loi no 451/1991;
  42. ii) le jugement rendu le 26 novembre 1992 par la Cour constitutionnelle à la suite de cette requête;
  43. iii) la requête concernant l'annulation des dispositions de la loi no 172/1990 sur les écoles supérieures, telles qu'amendées et complétées par la loi no 216/1993 du 10 juillet 1993, présentée le 3 novembre 1993 à la Cour constitutionnelle par un groupe de 43 députés du Parlement de la République tchèque.
  44. i) Requête présentée par un groupe de 99 députés à la Cour constitutionnelle de la RFTS concernant la loi no 451/1991
  45. 28. La requête soumise à la Cour par un groupe de 99 députés en 1992 visait l'abrogation de la loi no 451/1991 qui fixait des conditions supplémentaires pour occuper certaines fonctions dans les organisations et organes d'Etat. Pour les auteurs de la requête, cette loi n'était pas en harmonie avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, et en particulier avec la convention no 111, ni avec la Constitution de la RFTS et la loi constitutionnelle no 23/1991 promulguant la Charte des libertés et droits fondamentaux. Dans leur argumentation, les parlementaires avaient d'abord observé que la loi constitutionnelle no 23/1991 promulguant la Charte prescrit, en son article 1, paragraphe 6, que tous les règlements et lois doivent être mis en harmonie avec celle-ci, au plus tard le 31 décembre 1991. Ils avaient aussi estimé que les conditions et limitations prévues par la loi no 451/1991 à l'exercice de certaines fonctions dans les organes de l'Etat et les organes de presse, y compris les éditeurs privés et les exploitants et employés des médias, dépassaient de loin les limitations autorisées par la Charte des libertés et droits fondamentaux, en son article 26, paragraphe 2, ainsi que les limitations générales prévues par la loi avant l'adoption de la loi no 451/1991. La requête effectuait un relevé d'une série d'articles de ladite loi qui, de l'avis de ces parlementaires, était en contradiction avec certaines dispositions des instruments internationaux susmentionnés, de la Constitution et de la Charte des libertés et droits fondamentaux, par exemple l'article 21, paragraphe 1, de la loi no 451/1991 était, selon eux, en contradiction avec l'article 17 de la Charte des libertés et droits fondamentaux concernant la liberté d'expression et le droit à l'information.
  46. 29. S'agissant plus particulièrement de la non conformité de la loi avec la convention no 111, les parlementaires s'étaient référés à l'article 4 de cette convention et avaient observé que l'on ne pourrait pas parler de discrimination à l'égard d'une personne frappée par l'interdiction d'exercer une profession, en vertu de cette loi, si celle-ci était réellement soupçonnée de se livrer à une activité préjudiciable à la sécurité de l'Etat, et qu'on lui ait démontré qu'elle a réalisé cette activité. Ils avaient également fait référence à l'Etude d'ensemble de 1988 de la commission d'experts de l'OIT concernant la convention no 111 et avaient fait remarquer que la propagation des doctrines visant à apporter des changements fondamentaux aux institutions de l'Etat ne constituait pas une raison suffisante pour considérer qu'elle échappe à la protection de la convention en l'absence de recours à la violence. Les parlementaires estimaient en outre que les modifications apportées indirectement par cette loi à des dispositions contenues dans d'autres lois, par exemple certaines dispositions du Code du travail, du Code pénal et de la loi no 172/1990 sur les écoles supérieures, n'étaient pas valables en vertu de l'article 37 de la Charte des libertés et droits fondamentaux. Les parlementaires dénonçaient le caractère discriminatoire de la loi à l'égard d'un nombre très important de citoyens, notamment les dispositions de cette loi relatives aux déclarations sur l'honneur (art. 5), aux commissions indépendantes (art. 11 à 13), aux autorisations administratives des exceptions (art. 3, paragr. 2).
  47. 30. En conclusion, les parlementaires rappelaient les engagements pris par la RFTS dans le cadre des divers instruments internationaux et régionaux ratifiés ainsi que l'obligation de respecter et d'appliquer la Charte des libertés et droits fondamentaux et la Constitution de la RFTS, et proposaient que la Cour décide que la loi no 451/1991 avait cessé d'être en vigueur rétroactivement au 31 décembre 1991.
  48. ii) Jugement de la Cour constitutionnelle de la RFTS du 26 novembre 1991 concernant la loi no 451/1991
  49. 31. Dans son arrêt du 26 novembre 1992, la Cour a décidé que les dispositions de l'article 2, paragraphes 1 c), 2 et 3, de l'article 3, paragraphe 2, de l'article 4, paragraphes 2 et 4, des articles 11, 12, 13, 18, paragraphe 1, et 20 de la loi no 451/1991 n'étaient pas en harmonie avec certaines dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de la Constitution de la RFTS et de la loi no 326/1991 promulguant la Charte des libertés et droits fondamentaux de la République tchèque. La Cour a estimé qu'en dehors des dispositions des articles et paragraphes susmentionnés de la loi no 451/1991, toutes les autres dispositions étaient en harmonie avec la Constitution et les conventions internationales ratifiées, y compris la convention no 111. En conséquence, la Cour a rejeté la requête présentée le 10 mars 1992 par un groupe de parlementaires de l'Assemblée fédérale de la RFTS tendant à faire annuler cette loi.
  50. 32. Dans l'exposé des motifs de l'arrêt, la Cour a fait longuement état de la situation qui a prévalu dans le pays au cours de la période de 1948 à 1989, qualifiée par la loi no 480/1991 de période sans liberté pendant laquelle le pouvoir totalitaire, dominé par le Parti communiste tchécoslovaque, a violé les droits de l'homme et ses propres lois et a privé des centaines de milliers de gens non seulement de leur liberté, mais aussi de leur vie ainsi que de leur emploi. Ce régime, selon la Cour, s'appuyait sur un appareil de répression, dont l'essentiel se composait de la sûreté d'Etat et d'un réseau d'agents et de collaborateurs secrets.
  51. 33. La Cour a estimé que l'Etat avait non seulement le droit, mais aussi l'obligation d'appliquer et de respecter les principes sur la base desquels il s'est édifié, et qu'il ne devait pas rester inactif lorsque des postes de responsabilités à tous les niveaux du pouvoir de l'Etat, de la direction économique, etc., sont occupés selon des critères fixés par un système totalitaire inacceptable. L'Etat démocratique est également tenu, disait la Cour, de mettre fin aux privilèges octroyés dans le passé d'une manière illégale et discriminatoire sur la base de l'appartenance à un parti politique totalitaire. Les critères de civisme et de loyauté envers les principes démocratiques doivent être respectés par les agents de l'Etat, en particulier de la sûreté de l'Etat. La Cour était convaincue que l'on ne peut refuser à un Etat le droit de définir les conditions requises pour occuper de hautes fonctions et d'autres d'importance capitale, dans l'intérêt de sa propre sécurité et de celle des citoyens et du développement de la démocratie. A cet égard, la Cour s'est référée aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels concernant la nature et les modalités de fixation des conditions spéciales à remplir pour exercer certaines fonctions.
  52. 34. La Cour a estimé que la loi no 451/1991 ne devait pas être comprise comme étant en contradiction avec la convention no 111, en particulier avec son article 1, paragraphe 2, qui stipule que "les distinctions, exclusions ou préférences fondées sur les qualifications exigées pour un emploi déterminé ne sont pas considérées comme des discriminations".
  53. 35. La Cour a fait observer que, selon les statistiques fournies par le ministère du Travail et des Affaires sociales, à la date du 7 septembre 1992, 168 928 certificats avaient été délivrés à la demande soit d'organisations ou d'individus, dont 152 504 négatifs et 15 424 positifs, y compris 4 061 certificats positifs délivrés sur la base de l'article 2, paragraphe 1 c), de la loi no 451/1991, concernant les collaborateurs délibérés de la sécurité d'Etat. La Cour a souligné les difficultés énormes à prouver la collaboration délibérée avec la sécurité d'Etat souvent éloignée de la délivrance du certificat, difficultés liées au décès de témoins, à la destruction délibérée des dossiers personnels (90 pour cent des dossiers détruits), au non-respect des délais fixés pour la prise de décision par la commission indépendante prévue par l'article 13, paragraphe 2), de la loi de filtrage, voire, dans certains cas, à l'impossibilité de prendre une décision objective (sur 2 650 requêtes de citoyens déposées devant la commission, 300 ont été traitées et 13 personnes ont été reconnues coupables). Cette situation avait créé un climat d'insécurité juridique dans les rapports de travail et les rapports entre les citoyens et avait porté préjudice aux catégories de citoyens énumérés à l'article 1 de la loi, en particulier les candidats à des emplois ou à des élections.
  54. 36. Compte tenu de ces circonstances, la Cour est arrivée à la conclusion que l'article 2, paragraphe 1 c), et quelques autres dispositions de la loi, notamment celles relatives à la commission indépendante susmentionnée, n'étaient pas conformes à la Charte internationale des droits de l'homme, et que par conséquent cette commission perdait sa raison d'être. La Cour a également approuvé l'objection contre la loi formulée dans la requête du groupe de 99 députés selon laquelle certaines dispositions du Code pénal ne pouvaient pas être appliquées par la commission indépendante, étant donné que l'article 20 de la loi (faux témoignages et les sanctions y relatives) aurait dû contenir des renvois au Code pénal (art. 175), conformément à l'article 39 de la Charte des libertés et droits fondamentaux, qui stipule qu'un acte ne peut être qualifié de crime que par une loi, de même que les peines qui le sanctionnent. La Cour a, par conséquent, estimé que l'article 20 de la loi no 451/1991 était également contraire à la loi constitutionnelle.
  55. iii) Requête présentée par un groupe de députés de la République tchèque concernant l'annulation des dispositions de la loi no 172/1990 sur les écoles supérieures, telles qu'amendées et complétées par la loi no 216/1993
  56. 37. En vertu des dispositions de l'article 1, alinéa 8, et de l'article 2 de la loi no 216/1993, les contrats du personnel enseignant et des chercheurs scientifiques des écoles supérieures conclus pour une durée indéterminée ont été suspendus et transformés en contrats à durée déterminée, qui ont expiré le 30 septembre 1994. Ces contrats peuvent être négociés pour une durée de deux à cinq ans. Dans leur requête, les parlementaires ont souligné que la mise en place de contrats à durée déterminée à l'endroit d'une catégorie relativement importante du personnel des écoles supérieures (environ 11 400 enseignants et chercheurs) était comprise comme la mise en situation défavorable de cette catégorie qui lui faisait perdre la sécurité de l'emploi et pouvait conduire à des troubles dans ces établissements.
  57. 38. Les auteurs de la requête ont rappelé que les conditions de travail de cette catégorie de travailleurs étaient régies sur le plan international, notamment par des recommandations de l'UNESCO et par la convention no 111, et que, sur le plan interne, ils bénéficiaient, comme les autres travailleurs, de la même protection de la Constitution et du Code du travail, sauf dans les domaines spécifiés par une loi particulière, par exemple en ce qui concerne l'âge de la retraite et la nomination des professeurs par décret présidentiel. Les autres aspects de leurs conditions de travail sont déterminés par les dispositions générales du Code du travail, en particulier la durée de leur contrat, qui est en principe négocié pour une durée indéterminée (art. 30 (1) du Code) et, d'une manière facultative, pour une durée déterminée de trois ans au maximum (art. 30 (2)) avec la possibilité de prolongation au-delà de trois ans (art. 30 (3)) dans les conditions fixées par l'arrêté no 223/1988. La transformation unilatérale d'un contrat de travail à durée indéterminée en un contrat à durée déterminée est contraire au principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi, garanti par la Constitution, la Charte des libertés et droits fondamentaux, les divers instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, et est contraire au principe de non-discrimination dans l'emploi et la profession prescrit par la convention no 111. Pour tous ces motifs, les auteurs de la requête ont proposé à la Cour constitutionnelle d'annuler les dispositions des deux lois susmentionnées à compter du 20 septembre 1993. Par son arrêt du 17 mai 1994, la Cour constitutionnelle a rejeté la requête au motif que les lois susvisées ne violaient pas la convention no 111.
  58. 4. Observations du gouvernement
  59. 39. Par une lettre du ministre du Travail et des Affaires sociales en date du 1er novembre 1994, le gouvernement de la République tchèque a présenté ses observations sur la réclamation. On trouvera ci-après un résumé de celle-ci.
  60. 40. Le gouvernement fait au préalable remarquer que ses observations concernent uniquement les faits relatifs à la loi no 451/1991 et ne tiennent pas compte des allégations sans rapport avec l'application de la convention no 111.
  61. 41. Le gouvernement déclare que les allégations de l'OS-CMS selon lesquelles le gouvernement de la RFTS ne se serait pas conformé aux recommandations du Conseil d'administration du BIT sont fausses. Ce gouvernement a examiné en profondeur le rapport du comité du Conseil d'administration chargé d'examiner la réclamation, et a saisi la Cour constitutionnelle, en mai 1992, afin qu'elle statue sur la conformité de la loi no 451/1991 avec la Charte des libertés et droits fondamentaux et les conventions internationales ratifiées, y compris la convention no 111. Dans le même temps, le gouvernement a soumis le rapport du comité aux organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs représentées au sein du Conseil tripartite de l'accord économique et social de la RFTS. Ces organisations ont estimé qu'il ne fallait pas présenter des observations avant la fin de la procédure d'examen de la loi par la Cour constitutionnelle.
  62. 42. Dans son arrêt du 26 novembre 1992, la Cour a déclaré nulles et non avenues un certain nombre de dispositions de la loi no 451/1991. Le texte de la décision de la Cour a été communiqué par le gouvernement à l'appui de ses observations. Le gouvernement fait remarquer que, contrairement aux allégations de l'OS-CMS selon lesquelles la Cour n'a annulé que les dispositions secondaires de la loi, tout en conservant les plus importantes qui restent une source de discrimination sur la base de l'opinion politique, près d'un tiers des dispositions de la loi n'est plus en vigueur (soit sept articles sur 23 à l'origine), et que les dispositions de la loi jugées par le Conseil d'administration non conformes à la convention no 111 ne sont plus en vigueur, notamment les articles 11 à 13 et les paragraphes 2 et 3 de l'article 2. Le gouvernement de la République tchèque souligne qu'il respecte la décision de la Cour constitutionnelle de la RFTS en matière d'adoption et de validité de cette loi.
  63. 43. Le gouvernement estime qu'en principe la loi no 451/1991 ne visait en aucun cas à encourager la discrimination à l'égard de quelque personne que ce fût, et qu'elle ne s'appliquait qu'aux cadres supérieurs de l'administration de l'Etat et organisations étatiques exerçant les fonctions liées à la mise en oeuvre de la politique gouvernementale, y compris les fonctions exercées dans la police et l'armée. Selon le gouvernement, le rapport du comité du Conseil d'administration reconnaît dans la plupart des cas le bien-fondé de la politique prévue par l'article 1 de la loi.
  64. 44. En ce qui concerne l'obligation d'obtenir un certificat de filtrage négatif pour exercer certaines fonctions mentionnées précédemment, le gouvernement déclare qu'un certain nombre de partis politiques, de mouvements et d'associations, y compris des organisations syndicales, exigent un certificat délivré par le ministère de l'Intérieur sur la base des articles 2 et 21, paragraphe 2, de la loi. En outre, les candidats aux élections peuvent être filtrés à leur propre demande. Le gouvernement déclare que, contrairement aux allégations de l'OS-CMS, aucune disposition prévoyant le filtrage obligatoire des candidats aux élections municipales n'a été prévue par le ministère de l'Intérieur.
  65. 45. Le gouvernement fournit des statistiques (plus récentes que les statistiques mentionnées au paragraphe 35 ci-dessus) portant sur la répartition des certificats de filtrage: au 31 juillet 1994, 225 084 certificats ont été délivrés en République tchèque, dont 211 235 négatifs et 13 849 positifs. Ces certificats positifs ont été délivrés sur la base de l'article 2, paragraphe 1 a) à c), de la loi, selon la répartition suivante: 4 089 sur la base de l'article 2, paragraphe 1 a) (membres du corps de la sécurité nationale); 4 741 sur la base de l'article 2, paragraphe 1 b) (personnes figurant sur les fichiers de la sécurité d'Etat); 4 828 sur la base de l'article 2, paragraphe 1 c) (collaborateurs de la sécurité nationale); 26 sur la base à la fois de l'article 2, paragraphe 1 a) et b); 27 sur la base à la fois de l'article 2, paragraphe 1 a) et c); et 138 sur la base à la fois de l'article 2, paragraphe 1 b) et c).
  66. 46. Concernant le droit de recours, le gouvernement déclare que les personnes licenciées suite à la délivrance d'un certificat positif peuvent, conformément à l'article 18, paragraphe 2, introduire un recours auprès du tribunal de district du lieu de sa résidence. En outre, quoique l'article 13, paragraphe 2 (qui n'est plus en vigueur), interdisait tout recours pour les catégories de personnes spécifiées à l'article 2, paragraphe 1 a) et b), le gouvernement signale qu'une juridiction supérieure de Prague a décidé, le 11 février 1993, que ce recours était possible en vertu de l'article 36, paragraphe 2, de la Charte des libertés et droits fondamentaux. A cet égard, le gouvernement déclare que, bien qu'il ne dispose pas de statistiques précises sur les décisions des tribunaux en relation avec la loi no 451/1991, il estime que 500 cas seulement ont été traités sur la base de recours introduits par des citoyens. Aucun de ces cas ne constituait une discrimination dans l'emploi qui aurait conduit à un licenciement en rapport avec la délivrance d'un certificat de filtrage. Il s'agissait d'actions diffamatoires. Dans environ 130 cas, les tribunaux ont statué en faveur des citoyens concernés.
  67. 5. Conclusions du comité
  68. 47. Le comité avait à sa disposition pour l'examen de la réclamation, outre les observations de l'organisation plaignante et du gouvernement, l'arrêt de la Cour constitutionnelle de la RFTS du 26 novembre 1992 et le rapport du comité chargé d'examiner les réclamations susmentionnées approuvé par le Conseil d'administration en mars 1992.
  69. 48. Le comité estime utile de faire un rappel succinct des thèses en présence pour situer les problèmes avant de procéder à leur examen en détail.
  70. Les allégations formulées par l'OS-CMS sont résumées ci-après:
  71. a) Selon l'OS-CMS, le gouvernement de la République tchèque n'a pas pris les mesures recommandées au gouvernement de la RFTS par le Conseil d'administration du BIT en mars 1992, destinées à mettre la loi no 451/1991 en conformité avec la convention no 111 et à réparer le préjudice causé aux personnes auxquelles cette loi a été injustement appliquée.
  72. b) L'OS-CMS estime que la Cour constitutionnelle de la RFTS, dans son arrêt du 26 novembre 1992, en statuant sur la conformité de la loi no 451/1991 avec les divers instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, en particulier la convention no 111 ainsi qu'avec la Constitution de la RFTS, n'a abrogé que les dispositions de moindre importance et n'a pas modifié les dispositions essentielles qui restent une source constante de discrimination fondée sur l'opinion politique et idéologique.
  73. c) L'OS-CMS déclare que le gouvernement de la République tchèque, Membre de l'OIT depuis février 1993, n'assure pas d'une manière satisfaisante l'application de la convention no 111. Elle estime que le gouvernement a adopté des lois qui ne seraient pas en harmonie avec cette convention, notamment la loi no 216/1993 du 10 juillet 1993, en vertu de laquelle les contrats conclus sous le régime de la RFTS avec le personnel enseignant et les chercheurs scientifiques des écoles supérieures pour une durée indéterminée ont été suspendus et puis transformés en contrats à durée déterminée expirant le 30 septembre 1994.
  74. d) Le Parlement tchèque a également adopté le 23 mars 1994 des amendements au Code du travail qui, selon l'OS-CMS, porteraient atteinte aux droits acquis et à la protection des femmes en matière du travail de nuit. L'OS-CMS n'a toutefois pas fourni des détails permettant d'examiner cet aspect de la réclamation en rapport avec les lois et les amendements susmentionnés. En outre, le gouvernement n'a fait aucun commentaire à ce sujet dans ses observations.
  75. 49. Le gouvernement, de son côté, a basé ses observations sur les arguments suivants:
  76. a) Le gouvernement déclare que ses observations porteront uniquement sur les faits en rapport avec la loi no 451/1991 et la convention no 111. A cet égard, le gouvernement n'a formulé aucune observation au sujet des allégations de l'OS-CMS concernant les lois mentionnées dans les paragraphes précédents relatives aux contrats du personnel enseignant et chercheurs des écoles supérieures ainsi que les amendements susvisés au Code du travail adoptés en mars 1994.
  77. b) Le gouvernement souligne que, conformément aux recommandations du Conseil d'administration du BIT, le gouvernement de la RFTS a saisi la Cour constitutionnelle de la RFTS dans des délais très courts et, dans le même temps, a procédé à une consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs représentées au sein du Conseil tripartite de l'accord économique et social de la RFTS.
  78. c) Le gouvernement considère, en se référant à l'arrêt de la Cour constitutionnelle de la RFTS du 26 novembre 1992, que, contrairement aux allégations de l'OS-CMS, les dispositions de la loi no 451/1991 déclarées nulles ne sont pas secondaires et que les dispositions jugées incompatibles avec la convention no 111 par le Conseil d'administration ne sont plus en vigueur.
  79. d) Le gouvernement souligne que la loi n'encourageait pas la discrimination et ne s'appliquait qu'aux cadres supérieurs chargés de la mise en oeuvre de la politique gouvernementale, et que, dans tous les cas, il doit respecter la décision de la Cour constitutionnelle de la RFTS en ce qui concerne la validité de la loi no 451/1991.
  80. e) Le gouvernement se réfère aux dispositions de la loi no 451/1991 et déclare que le droit de recours auprès des tribunaux est garanti aux personnes licenciées suite à la délivrance de certificats positifs.
  81. Portée de la loi no 451/1991 sur l'application de la convention no 111 et obligations imposées par celle-ci en matière de protection contre la discrimination fondée sur l'opinion politique
  82. 50. Le comité renvoie à cet égard aux paragraphes 52 à 59 du rapport du comité susmentionné, approuvé par le Conseil d'administration en mars 1992, où sont indiquées les dispositions de la convention no 111 et les conclusions des organes compétents de contrôle de l'OIT en rapport avec la loi no 451/1991.
  83. Evaluation de la loi no 451/1991 en fonction des prescriptions de la convention no 111
  84. 51. Le comité note que la réclamation pose la question de savoir si le gouvernement de la RFTS, avant sa dissolution en 1992, et par la suite le gouvernement de la République tchèque, après sa création en 1993, ont mis en oeuvre d'une manière satisfaisante les diverses recommandations du Conseil d'administration de mars 1992 en rapport avec la loi no 451/1991.
  85. 52. Le comité sera guidé, dans son examen de la question, par les conclusions du rapport du comité chargé d'examiner les réclamations présentées en 1991 par l'OS-CMS et la CS-KOS alléguant l'inexécution de la convention no 111 par la RFTS, et dont la présente réclamation constitue un prolongement dans un contexte politique et juridique différent.
  86. 53. Le comité note avec satisfaction que, faisant suite aux recommandations du comité, le gouvernement de la RFTS a saisi, en date du 22 mai 1992, la Cour constitutionnelle de la RFTS pour qu'elle statue sur la loi no 451/1991, compte tenu des dispositions de la convention no 111. Elle note que, faisant suite à cette requête, par son arrêt du 26 novembre 1992, la Cour a déclaré nulles un certain nombre de dispositions de cette loi (sept articles sur 23) compte tenu du fait que, selon elle, elles n'étaient pas conformes aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme (y compris la convention no 111), à la Constitution et à la Charte des libertés et droits fondamentaux de la RFTS.
  87. 54. Le comité note que les dispositions de la loi déclarées nulles par la Cour sont les suivantes:
  88. -- dispositions concernant l'exclusion des collaborateurs délibérés de la sécurité d'Etat de certaines fonctions (art. 2, paragr. 1 c) et 2);
  89. -- dispositions accordant au gouvernement et aux autorités administratives le pouvoir discrétionnaire d'autoriser des dérogations dans certaines circonstances (art. 2, paragr. 3, et art. 3, paragr. 2);
  90. -- dispositions relatives à la création d'une commission indépendante chargée de vérifier les motifs d'exclusion (art. 11) et à la procédure à suivre par cette commission (art. 12 et 13, paragr. 1, 2, 4 et 5);
  91. -- dispositions accordant aux personnes contestant les constats établis par la commission le droit de saisir le tribunal de district du lieu de leur résidence principale (art. 18, paragr. 1);
  92. -- dispositions relatives aux sanctions contre les auteurs de fausses déclarations au sujet de faits essentiels à l'établissement de constats (art. 20).
  93. 55. Le comité rappelle que les dispositions de la loi déclarées nulles et non avenues par la Cour n'étaient pas conformes aux prescriptions de la convention no 111 et que leur annulation donne effet à quelques-unes des recommandations du Conseil d'administration relatives à l'harmonisation de la loi no 451/1991 avec la convention no 111.
  94. 56. Le comité note cependant que la Cour constitutionnelle n'a pas tenu compte, dans sa décision, des multiples autres considérations et avis faits par le comité susvisé et adoptés par le Conseil d'administration en mars 1992 concernant l'incompatibilité d'autres dispositions de la loi no 451/1991 avec la convention no 111. Les considérations dont la Cour n'a pas, de l'avis du comité, tenu dûment compte dans sa décision concernent les exclusions prévues par la loi sur la base des qualifications exigées pour un emploi déterminé (article 1, paragraphe 2, de la convention no 111) et les mesures qui peuvent être prises au titre de l'article 4 de la convention no 111 (activités préjudiciables à la sécurité de l'Etat), ainsi que, dans une certaine mesure, en matière de procédures de recours, quoique, à ce propos, des améliorations aient été apportées à la loi par l'arrêt de novembre 1992 susvisé de la Cour constitutionnelle. Le comité attire, par conséquent, l'attention du gouvernement tchèque sur les avis et considérations approuvés par le Conseil d'administration sur proposition de son comité en 1992 et rappelés sous le paragraphe 57 ci-après, et sur la nécessité de procéder à la révision de la loi no 451/1991, en tenant dûment compte de ces avis et considérations basés sur les prescriptions de la convention no 111 et les conclusions des organes de contrôle de l'OIT. Le comité est, par conséquent, obligé de répéter ci-après les conclusions du comité de 1992 qui n'ont pas été prises en considération et qui, selon les informations disponibles, restent apparemment pertinentes dans le contexte actuel.
  95. Qualifications exigées pour un emploi déterminé
  96. 57. Le comité de 1992 susmentionné a considéré (paragr. 67 à 81 de son rapport) que:
  97. 67. En ce qui concerne les exclusions qui sembleraient être conformes aux critères tirés des conclusions des organes de contrôle de l'OIT (rappelés au paragraphe 66 de son rapport), parmi les fonctions visées à l'article 1 de la loi no 451/1991, celles qui comportent des exigences particulièrement strictes en matière de sécurité de l'Etat et de confidentialité peuvent raisonnablement faire l'objet d'exclusions fondées sur l'opinion politique. Il n'empêche que ces exclusions doivent être proportionnées aux qualifications exigées pour les postes en question.
  98. 68. En conséquence, les exclusions prévues par la loi no 451/1991 peuvent être jugées globalement justifiées en ce qui concerne les colonels et généraux en poste dans l'armée et au ministère de la Défense, ainsi que les attachés militaires, le Service fédéral de renseignements et de la sécurité, le Corps de police du Château et la plupart des fonctions exercées au ministère fédéral de l'Intérieur (article 1, paragraphe 1 b) et c), et paragraphe 2, et article 3 de la loi). Ces exclusions peuvent aussi être jugées acceptables en ce qui concerne le Corps de police fédéral, quoique leur application devrait être proportionnée et limitée à des fonctions particulières comme dans le cas des fonctions militaires mentionnées plus haut, et non pas s'étendre à l'ensemble de ce service.
  99. 69. En ce qui concerne les fonctions dans les chancelleries du Président de la République fédérative ainsi que des assemblées fédérales et nationales et dans les bureaux des Cours constitutionnelles et suprêmes, visées à l'article 1, paragraphe 1 d), de la loi, "il faudrait examiner chaque motif d'exclusion afin de s'assurer qu'il est proportionné aux exigences de sécurité et de confidentialité inhérentes à chaque emploi dans les catégories de fonctions concernées."
  100. 70. Pour ce qui est des fonctions exercées au Présidium des académies des sciences, le principe de la proportionnalité devrait être strictement observé dans l'application de toute exclusion prévue par la loi par rapport aux qualifications exigées pour ces fonctions, qui semblent être dans la plupart des cas d'une nature différente de celles exigées pour les autres catégories de fonctions traitées plus haut.
  101. 71. En ce qui concerne les fonctions visées à l'article 1, paragraphe 1 f), et paragraphe 3, de la loi, la prise en compte des opinions politiques semblerait se justifier dans le cas des dirigeants et des cadres supérieurs des entreprises et organismes d'Etat opérant dans les secteurs industriel, commercial et financier lorsque leurs fonctions impliquent la mise en oeuvre des politiques dans des domaines importants et sensibles, compte tenu notamment de la situation actuelle du pays.
  102. 72. Le comité n'est pas certain de la nature et des qualifications des fonctions de responsables académiques élus ou des fonctions soumises à l'approbation du Sénat académique dans les écoles supérieures, ni des domaines d'études visés. Le comité estime, en règle générale, que toute considération d'opinions politiques ne sera justifiée que si les opinions sont en conflit avec les obligations normalement liées aux devoirs d'enseignants (par exemple objectivité et respect de la vérité) ou sont contraires ou portent atteinte aux buts et principes professés par les établissements concernés (par exemple cas d'une institution d'études religieuses).
  103. 73. En ce qui concerne les fonctions exercées dans d'autres "organisations d'Etat" qui pourraient être visées par les mêmes dispositions de l'article 1, paragraphe 1 f), de la loi, les exclusions devraient strictement respecter les critères définis par les organes de contrôle de l'OIT, conformément aux prescriptions de la convention no 111.
  104. 74. Pour ce qui touche aux fonctions exercées dans l'administration d'Etat en général (article 1, paragraphe 1 a), de la loi), les exclusions sont trop étendues pour qu'on puisse les considérer comme des qualifications exigées pour des emplois déterminés. De telles exclusions devraient se limiter aux postes supérieurs ou sensibles engageant l'application des politiques gouvernementales ou comportant des exigences en matière de confidentialité.
  105. 75. La même approche restrictive devrait être adoptée en ce qui concerne toute exclusion pour des raisons politiques de l'exercice de fonctions dans les organes d'information d'Etat (article 1, paragraphe 1 e), de la loi).
  106. 76. En ce qui concerne les professions judiciaires et juridiques (article 1, paragraphe 4, de la loi), des exclusions ne devraient être admissibles dans le cadre de la loi que dans les cas où le passé politique des intéressés risque de ou s'avère effectivement rejaillir sur leur intégrité et leur réputation ou de compromettre la confidentialité et l'impartialité des procédures et des jugements et, peut-être, la fiabilité juridique des notaires publics.
  107. 77. Enfin, en ce qui concerne les conditions de fiabilité requises pour l'exercice de certaines professions placées sous le régime de la concession (annexe 3 de la loi no 455/1991 à laquelle se réfère l'article 1, paragraphe 5, de la loi), les exclusions prévues par l'article 2 de la loi ne devraient s'appliquer qu'aux professions énumérées dans la loi no 455/1991 (par exemple, professions ayant un rapport avec les armes, munitions ou explosifs, avec les sources de radiation ou avec le matériel médical) pour lesquelles on peut considérer que le passé politique des intéressés représente un danger pour la sécurité publique et non aux professions également énumérées dans la loi no 455/1991 pour lesquelles ce n'est pas le cas (par exemple, commissaires-priseurs ou antiquaires).
  108. Mesures concernant des activités préjudiciables à la sécurité de l'Etat
  109. 78. Conformément aux conditions de fond définies par les organes de contrôle de l'OIT (voir paragraphe 59 ci-dessus), les mesures qui peuvent être prises, en vertu de l'article 4 de la convention, à l'encontre de personnes convaincues ou légitimement soupçonnées d'activités préjudiciables à la sécurité de l'Etat doivent être motivées par des activités individuelles déterminées et non par l'appartenance des intéressés à un groupe ou à une collectivité donnés, ni par le fait qu'ils ont exprimé ou manifesté des opinions opposées aux principes et institutions politiques établis, sans utiliser ni prôner la violence pour amener des changements. Ces mesures devraient être bien définies et délimitées et devraient être fonction des effets que les activités en question peuvent avoir sur la manière dont les intéressés exercent leur emploi ou profession.
  110. 79. En examinant les exclusions prévues par la loi no 451/1991 à la lumière des critères ci-dessus, le comité est arrivé à la conclusion que lesdites exclusions, qui portent sur un éventail très large de fonctions et qui se fondent sur les antécédents, pour répréhensibles qu'ils soient, des personnes en raison de leur association ou collaboration avec l'ancien régime politique, ne sauraient être considérées ipso facto comme des mesures visées à l'article 4 de la convention. De telles mesures ne devraient s'appliquer qu'à des personnes convaincues ou légitimement soupçonnées d'activités préjudiciables à la sécurité de l'Etat, dont la définition doit concorder avec les critères mentionnés ci-dessus (par exemple, collaboration avec des services de renseignements ou d'espionnage étrangers, comme il est indiqué à l'article 4, paragraphe 4, de la loi).
  111. Durée des mesures d'exclusion
  112. 80. Le comité prend dûment note du fait que les exclusions prévues par la loi no 451/1991 cesseront de s'appliquer le 31 décembre 1996, date d'expiration de cette loi. De l'avis du comité, la durée de ces exclusions n'a pas d'effet décisif sur le préjudice porté aux personnes concernées en matière d'emploi et de profession. L'effet des exclusions -- qu'elles soient ou non justifiées aux termes de la convention no 111 -- risque de durer bien après leur application, peut-être même de façon permanente. La durée des exclusions ne constitue donc pas un élément d'importance dans l'évaluation de leur conformité avec la convention no 111.
  113. Conclusions générales concernant les exclusions
  114. 81. Il ressort de ce qui précède que les exclusions prévues par la loi no 451/1991 ne peuvent être considérées comme justifiées par les qualifications exigées pour des emplois déterminés, au sens de l'article 1, paragraphe 2, de la convention, que dans un certain nombre de cas mentionnés aux paragraphes 67 à 77 ci-dessus. Ces exclusions ne peuvent pas être considérées en soi comme des mesures motivées par des activités préjudiciables à la sécurité de l'Etat, au sens de l'article 4 de la convention. Le comité se voit donc obligé de conclure que, dans la mesure indiquée, les exclusions prévues par la loi no 451/1991 constituent une discrimination fondée sur l'opinion publique aux termes de la convention no 111.
  115. Procédures de recours
  116. 58. Le comité note avec satisfaction que, faisant suite aux conclusions du comité de 1992 concernant les procédures de recours, la Cour constitutionnelle de la RFTS a déclaré nulles un certain nombre de dispositions de la loi no 451/1991 (art. 11, 12, 13, paragr. 1, 2, 4 et 5, art. 18 et 20) relatives à la composition, le fonctionnement et les procédures de recours devant la commission indépendante, créée sous les auspices du ministère fédéral de l'Intérieur pour vérifier les faits mentionnés par l'article 2, paragraphe 1 c) à h), de cette loi comme des motifs d'exclusion.
  117. 59. Le comité note cependant que d'autres dispositions de la loi concernant les procédures de recours incompatibles avec la convention no 111 restent en vigueur. Il se voit donc obligé de rappeler ci-après les observations pertinentes du comité de 1992 (paragr. 87 à 91):
  118. 87. Le comité note en outre que, en vertu de l'article 13 de la loi, alors que les attestations sur l'honneur fournies par les personnes intéressées, en ce qui concerne leur propre situation, peuvent être contestées devant la commission par d'autres personnes ou organismes, les certificats délivrés par le ministère fédéral de l'Intérieur ne peuvent être contestés par les intéressés que dans le cas indiqué à l'article 2, paragraphe 1 c), de la loi (collaborateurs délibérés de la sécurité d'Etat). Il s'ensuit qu'il n'existe aucun moyen de recours pour les certificats concernant les cas indiqués à l'article 2, paragraphe 1 a) et b), de la loi (membres du Corps de sécurité nationale et service dans la sécurité d'Etat) et peut-être aussi, même si le texte n'est pas clair, le cas spécifié à l'article 2, paragraphe 1 e) (fonctionnaires du Parti communiste à la direction politique du Corps de sécurité nationale).
  119. 88. Le comité considère que l'absence de droit de recours dans les cas mentionnés ci-dessus contrevient aux prescriptions de la convention. Il rappelle que les organisations plaignantes ont souligné le caractère arbitraire de ces certificats qui s'appuient sur les archives de la sécurité d'Etat, considérées comme des preuves irréfutables, sans qu'il soit tenu compte des circonstances particulières entourant chaque cas, et notamment du cas des personnes soumises à des pressions et à des menaces. Le Président Vaclav Havel lui-même a suggéré à ce propos qu'une loi révisée accorde aux personnes intéressées le droit de saisir la justice si elles contestent les certificats qui leur sont délivrés.
  120. 89. Enfin, le comité rappelle que, comme l'ont souligné les organes de contrôle de l'OIT, le droit de recours ne peut être considéré comme une garantie que si certaines conditions de fond sont satisfaites. En conséquence, des procédures appropriées de recours ne peuvent contribuer au respect de la convention que dans la mesure ou les dispositions relatives à la protection contre la discrimination sont elles-mêmes appropriées ou dans la mesure où l'instance de recours, par exemple une Cour constitutionnelle, a la faculté de déclarer nulles les dispositions qui vont à l'encontre de cette protection.
  121. 90. Le comité note que, en vertu de l'article 13, paragraphe 3, de la loi, une personne susceptible d'être exclue pour les motifs indiqués à l'article 2, paragraphe 1 d) à h) (membres et responsables des organes de l'appareil politique et idéologique de l'ancien régime), qui apporte la preuve que, après avoir cessé d'être dans la situation motivant l'exclusion, elle a été poursuivie pour des actes visés par la loi no 119/1990 relative à la réhabilitation judiciaire et qu'elle a été réhabilitée en vertu de cette loi, peut obtenir un constat de la commission de révision mentionnée plus haut indiquant que l'exclusion est levée.
  122. 91. Le comité note que les actes pour lesquels des personnes qui ont été poursuivies peuvent être réhabilitées en vertu de la loi no 119/1990 consistent essentiellement en délits d'opinion ou autres manifestations d'opposition à l'Etat et aux principes politiques et idéologiques établis. Il considère que cette procédure d'annulation des exclusions est conforme aux prescriptions de la convention concernant la protection contre la discrimination fondée sur l'opinion politique, sans rien enlever pour autant à la nécessité d'assurer aussi la conformité des exclusions prévues par la loi no 451/1991 avec ces mêmes prescriptions.
  123. 60. En rappelant les considérations et conclusions ci-dessus approuvées par le Conseil d'administration en 1992 sur proposition de son comité et communiquées au gouvernement de l'ancienne RFTS, le comité veut croire que le gouvernement de la République tchèque prendra les dispositions nécessaires pour que, dans le cadre de la révision des textes pris avant la dissolution de la RFTS et maintenus provisoirement en vigueur sur le territoire tchèque, la loi no 451/1991 soit harmonisée avec la nouvelle Constitution nationale, la Charte des libertés et droits fondamentaux, et la convention no 111.
  124. 61. Le comité note à cet égard que, dans une lettre du 4 octobre 1995, l'organisation plaignante a informé le Bureau de l'adoption par le Parlement, en date du 27 septembre 1995, d'une loi prolongeant la validité de la loi no 451/1991 jusqu'au 31 décembre 2000, laquelle devait initialement expirer le 31 décembre 1996.
  125. 62. Au cours de sa réunion de mars 1995, le comité a noté que, selon les statistiques fournies par le gouvernement, au 31 juillet 1994, 13 849 certificats positifs ont été délivrés en République tchèque sur la base de la loi no 451/1991. Il a également noté que les personnes démises de leurs fonctions à la suite de la délivrance de tels certificats pouvaient, conformément à l'article 18, paragraphe 2, de la loi, introduire des recours auprès des tribunaux de district du lieu de leurs résidences. Le comité a demandé au gouvernement, dans une lettre datée du 13 avril 1995, de fournir des informations détaillées sur les critères juridiques sur la base desquels ces tribunaux ont examiné les recours introduits par les travailleurs licenciés suite à la délivrance de tels certificats. Il a également demandé des informations sur les mesures prises pour rétablir dans leurs postes de travail, ou accorder une réparation adéquate, les travailleurs qui ont été victimes de licenciements injustifiés.
  126. 63. Dans sa réponse, transmise par lettre du 15 septembre 1995, le gouvernement a indiqué que la grande majorité des personnes qui ont introduit un recours auprès des tribunaux de district l'ont fait sur la base de l'article 18, paragraphe 1, de la loi no 451/1991, uniquement pour protéger leur honneur et leur vie privée. En outre, d'après le gouvernement, les actions judiciaires intentées sur la base de cette disposition sont traitées comme des actions en matière de protection de la vie privée, conformément aux articles 11 et 13 du Code civil et de l'article 9, paragraphe 2, a) du Code de procédure civile. Par ailleurs, les personnes qui ont reçu des certificats de filtrage sur la base de fausses informations contenues dans les registres de l'ancienne Sécurité d'Etat peuvent, en plus de la procédure susvisée, introduire une action tendant à déterminer que, conformément à l'article 80 c) du Code de procédure civile, l'inscription non justifiée dans les dossiers de l'ancienne Sécurité d'Etat constituait une ingérence dans leur vie privée. Sur la base de telles actions, les intéressés peuvent réclamer une compensation financière pour le préjudice moral subi. Dans l'hypothèse où des travailleurs ont été licenciés, suite à la délivrance d'un certificat de filtrage, et qu'ils obtiennent un jugement prouvant que leur inscription dans les registres de l'ancienne Sécurité d'Etat n'était pas fondée, l'acte de licenciement devient nul et l'employeur a l'obligation de les rétablir dans leurs postes et de compenser financièrement la perte de leur salaire, conformément à l'article 61, paragraphe 1, et l'article 242, paragraphe 1 a) du Code du travail.
  127. 64. En réponse à la demande d'information sur les mesures prises pour rétablir dans leurs postes de travail ou accorder une compensation adéquate aux travailleurs victimes de licenciements injustifiés, le gouvernement indique que les investigations menées en cette matière ont révélé que, jusqu'à ce jour, quatre tribunaux de district de la République tchèque ont traité neuf cas seulement concernant l'annulation de licenciements opérés sur la base de l'article 18, paragraphe 2, de la loi no 451/1991. Dans cinq de ces cas, les cours ont décidé en faveur des citoyens; quatre autres cas ont été classés sans suite pour des raisons de procédure. Un certain nombre de décisions de tribunaux de district ont fait l'objet de recours auprès de tribunaux supérieurs.
  128. Autres aspects de la réclamation
  129. Personnel enseignant et scientifique des écoles supérieures
  130. 65. Le comité a aussi noté que, selon les informations fournies par l'OS-CMS, en vertu de la loi no 216/1993 qui amende et complète la loi no 172/1990 sur les écoles supérieures, les contrats de travail d'environ 11 400 enseignants et chercheurs de ces établissements, qui avaient été conclus pour une durée indéterminée, ont été suspendus et transformés en contrats à durée déterminée qui ont expiré le 30 septembre 1994. Le comité a noté, selon la réponse du gouvernement (lettre du 1er novembre 1994) aux allégations faite par l'OS-CMS, qu'il avait décidé de ne pas fournir des informations à cet égard. Par sa lettre du 13 avril 1995, le comité a néanmoins demandé au gouvernement de fournir des informations sur la situation de ces enseignants et chercheurs après le 30 septembre 1994, date d'expiration de leurs contrats. Il a également demandé des informations détaillées sur les critères de sélection des travailleurs dont les contrats sont transformés ainsi que des indications sur la situation habituelle en ce qui concerne les contrats de travail des enseignants et des chercheurs dans les écoles supérieures. Ces informations ont été demandées pour le 2 mai 1995, délai fixé par le comité pour permettre au Conseil d'administration d'examiner la réclamation au cours de sa session de juin 1995.
  131. 66. Dans sa réponse datée du 15 septembre 1995, le gouvernement déclare qu'il continue de croire que les allégations de l'OS-CMS en rapport avec la loi no 216/1993 relatives aux enseignants et chercheurs des écoles supérieures ne concernent pas l'application de la convention no 111. En outre, d'après le gouvernement, ces allégations ne répondent pas aux conditions de forme requises en matière de réclamations, en particulier par l'article 2, paragraphe 2 f), du Règlement relatif à la procédure à suivre pour l'examen des réclamations au titre des articles 24 et 25 de la Constitution de l'OIT. Toutefois, le gouvernement indique que les informations demandées seront communiquées cette année dans le cadre du rapport périodique au titre de l'article 22 de la Constitution pour examen par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
  132. 67. Le comité a, par ailleurs, demandé à l'organisation plaignante, dans une lettre du 13 avril 1995, de fournir dans les mêmes délais des informations détaillées lui permettant de procéder à l'évaluation de la loi no 172/1990 sur les écoles supérieures, telle qu'amendée et complétée par la loi no 216/1993, en fonction des prescriptions de la convention no 111, en particulier des indications lui permettant de conclure si les enseignants affectés par ces lois ont été choisis sur la base des critères déterminés par l'article 1 de la convention no 111. Il a aussi demandé des informations sur la situation actuelle de ces enseignants après le 30 septembre 1994, date d'expiration de leurs contrats. Par sa lettre du 2 mai 1995, l'organisation plaignante a indiqué qu'elle n'avait pas accès aux données officielles sur les enseignants et les chercheurs dans les écoles supérieures dont les droits ont été violés par la loi no 216 du 15 juillet 1993. Elle a, de nouveau, attiré l'attention du comité sur la requête des 43 députés du Parlement tchèque, demandant l'annulation de cette loi à laquelle elle s'était déjà référée dans ses observations antérieures, et sur l'arrêt de la Cour constitutionnelle du 17 mai 1994 qui rejette cette requête. La Cour a estimé que la loi no 216/1993 n'est pas en contradiction avec la Constitution et la Charte des libertés et droits fondamentaux de la République tchèque ni avec les instruments internationaux pertinents, en particulier les conventions de l'OIT no 122 sur la politique de l'emploi et no 111 sur la discrimination en matière d'emploi et de profession.
  133. 68. Le comité considère qu'il ne dispose pas d'informations suffisantes pour procéder à l'évaluation de ces lois en fonction des prescriptions de la convention no 111. Il note, en particulier, que ni la requête soumise à la Cour par 43 députés demandant l'annulation de cette loi ni les informations complémentaires fournies par l'OS-CMS, en date du 2 mai 1995, ne contiennent aucune indication selon laquelle les enseignants affectés par les lois en question ont été choisis sur la base des critères déterminés par l'article 1 de la convention. En même temps, il rappelle que la réclamation de 1991 concernait le personnel enseignant, entre autres, couvert par la loi no 451/1991, et suggère que des informations plus détaillées soient communiquées à la commission d'experts pour un examen plus complet de la situation.
  134. 69. Le comité considère que, pour les raisons indiquées aux paragraphes précédents, les recommandations faites par le Conseil d'administration du BIT en 1992, compte tenu des conclusions de son comité chargé d'examiner les réclamations des organisations plaignantes, n'ont pas été toutes mises en oeuvre d'une manière satisfaisante par le gouvernement de la République tchèque qui, en vertu de la loi no 4/1993, a rendu applicable à la République tchèque la loi no 451/1991, après la dissolution de la RFTS.
  135. 70. Au moment de clore son examen de la réclamation, le comité est fermement convaincu que les quelques progrès déjà réalisés vers l'application des recommandations du Conseil d'administration doivent être renforcés et étendus pour que les exclusions injustifiées prévues par cette loi cessent de s'appliquer, et que des réparations soient accordées aux victimes innocentes des conséquences discriminatoires de cette loi. Il regrette profondément que la validité de cette loi ait été prolongée jusqu'au 31 décembre 2000, sans tenir compte des commentaires du Conseil d'administration qui a examiné la précédente réclamation.
  136. 71. Le comité tire cette conviction de l'évolution de la situation politique de la République tchèque, caractérisée par l'adoption en décembre 1992 d'une nouvelle Constitution qui garantit le respect des droits et libertés de chaque citoyen consacrés par la Charte des libertés et droits fondamentaux et par les normes internationales ratifiées qui font partie intégrante de cette Constitution.
  137. 72. Le comité veut donc croire que, dans le cadre de la mise en place définitive des institutions démocratiques de la nouvelle République tchèque et des lois qui les régissent, le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour abroger ou modifier toute disposition légale et toute pratique administrative incompatible avec les prescriptions de la convention no 111, en particulier les dispositions de la loi no 451/1991 concernant des exclusions fondées sur l'opinion politique. Le comité espère également que le gouvernement ne manquera pas d'accorder une réparation adéquate aux travailleurs qui auront été victimes de traitements discriminatoires au sens de la convention.
  138. 73. C'est avec cet espoir que le comité est amené à formuler les recommandations qui suivent.
  139. III. Recommandations du comité
  140. 74. Le comité recommande au Conseil d'administration:
  141. a) d'approuver le présent rapport, et en particulier les conclusions et recommandations qui y sont formulées;
  142. b) d'inviter le gouvernement de la République tchèque à:
  143. i) abroger ou modifier toutes les dispositions légales qui sont incompatibles avec celles de la convention no 111, en particulier certaines dispositions toujours en vigueur de la loi no 451/1991;
  144. ii) prendre toutes les mesures nécessaires, y compris par des voies de recours appropriées, pour une réparation adéquate aux travailleurs qui ont été l'objet de traitements discriminatoires au sens de la convention no 111, notamment la réinstallation dans leur emploi dans les cas appropriés, quels que soient leurs secteurs d'activité;
  145. iii) s'efforcer d'obtenir la coopération des organisations d'employeurs et de travailleurs et d'autres organismes appropriés, selon l'article 3 a) de la convention no 111, pour l'adoption et la mise en oeuvre des mesures recommandées ci-dessus et, au plan général, pour favoriser l'acceptation et l'application d'une politique nationale en vue d'éliminer toute discrimination au sens de la convention;
  146. iv) effectuer les consultations appropriées avec le Bureau international du Travail et solliciter sa collaboration, le cas échéant, pour l'application des recommandations ci-dessus;
  147. v) fournir, dans les rapports qui doivent être présentés en vertu de l'article 22 de la Constitution de l'OIT, des informations complètes sur les mesures prises pour donner suite aux recommandations ci-dessus, afin de permettre à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de poursuivre l'examen de la situation.
  148. c) de déclarer close la procédure engagée à la suite de la réclamation présentée par l'OS-CMS.
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