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RECLAMATION (article 24) - HONGRIE - C111, C122 - 1999

Fédération nationale des conseils de travailleurs, #ACRONYME:(NFWC)

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Rapport du Comité chargé d examiner la réclamation alléguant l'inexécution par la Hongrie de la convention (n° 122) sur la politique de l'emploi, 1964, et de la convention (n° 111) concernant la discimination (emploi et profession), 1958, présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par la Fédération nationale des conseils de travailleurs (NFWC)

Rapport du Comité chargé d examiner la réclamation alléguant l'inexécution par la Hongrie de la convention (n° 122) sur la politique de l'emploi, 1964, et de la convention (n° 111) concernant la discimination (emploi et profession), 1958, présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par la Fédération nationale des conseils de travailleurs (NFWC)

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. I. Introduction
  2. 1. Par lettres datées du 13 mai 1997 et du 17 juin 1997, la Fédération nationale des conseils de travailleurs (NFWC), invoquant l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, a adressé au Bureau international du Travail une réclamation alléguant l'inexécution par le gouvernement de la Hongrie de la convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964, et de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958.
  3. 2. Les conventions nos 111 et 122 ont été ratifiées par la Hongrie et sont en vigueur pour ce pays.
  4. 3. Les dispositions de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail relatives à la présentation des réclamations sont les suivantes:
  5. Article 24
  6. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré de manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause, et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  7. Article 25
  8. Si aucune réclamation n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite.
  9. 4. L'examen des réclamations au titre des articles 24 et 25 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail est régi par le Règlement relatif à la procédure à suivre en la matière, tel qu'il a été révisé par le Conseil d'administration à sa 212e session (mars 1980). Conformément aux articles 1 et 2, paragraphe 1, de ce Règlement, le Directeur général a accusé réception de la réclamation, l'a communiquée au gouvernement de la Hongrie par lettre datée du 8 juillet 1997 et l'a transmise au bureau du Conseil d'administration.
  10. 5. A sa 270e session (novembre 1997), le Conseil d'administration, sur recommandation de son bureau, a déclaré la réclamation recevable et désigné le comité chargé de l'examiner, composé de Mme Renata Lemieszewska (membre gouvernemental, Pologne); Mme Lucia Sasso Mazzufferi (membre employeur, Italie); et M. Antonio Lettieri (membre travailleur, Italie). A sa 274e session (mars 1999), le Conseil d'administration a désigné M. Richard Falbr (membre travailleur, République tchèque) en remplacement de M. Lettieri qui avait cessé d'être membre du Conseil d'administration.
  11. 6. Le comité a invité le gouvernement à soumettre ses observations sur la réclamation avant le 16 février 1998, ce qu'il a fait par lettre du 11 février 1998.
  12. 7. Conformément à l'article 4, paragraphe 1, alinéas a) et c), du Règlement, le comité a demandé à l'organisation plaignante de fournir toutes informations complémentaires qu'elle souhaiterait communiquer avant le 30 janvier 1998, ce qu'elle a fait à cette date. Ces informations ont été communiquées au gouvernement par lettre datée du 18 février 1998.
  13. 8. Le gouvernement a été invité à présenter ses observations sur ces informations complémentaires avant le 16 mars 1998, ce qu'il a fait à cette date.
  14. 9. Le comité s'est réuni en novembre 1998, puis de nouveau en mars 1999, afin d'examiner les informations fournies et d'adopter son rapport.
  15. II.Examen de la réclamation
  16. A.Allégations de l'organisation plaignante
  17. 10. Dans sa réclamation, la NFWC allègue que la loi de finances complémentaire de 1995 (loi no LXXII de 1995), promulguée par le gouvernement de la Hongrie, va à l'encontre de l'intention et des objectifs de la Déclaration de Philadelphie, tant dans son esprit que par ses conséquences concrètes, et viole la convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964, ainsi que la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958.
  18. 11. La NFWC fait valoir que la loi de finances complémentaire de 1995 (ci-après «Loi de finances complémentaire») a entraîné une diminution de 12 à 18 pour cent des crédits budgétaires affectés aux dépenses de personnel et de sécurité sociale dans les établissements d'enseignement supérieur. Selon la NFWC, cette mesure s'ajoute à d'autres mesures d'austérité jugées nécessaires à la stabilité économique du pays.
  19. 12. La NFWC expose qu'avant de promulguer la loi de finances complémentaire le gouvernement avait fixé, par le décret no 1023/1995 (II.22), la proportion étudiants/enseignants et l'ampleur des réductions d'effectifs dans les établissements d'enseignement supérieur, afin de donner effet aux mesures d'austérité devant favoriser la stabilité économique. Toutefois, la Cour constitutionnelle, par sa décision no 40/1995 (VI.15), avait prononcé la nullité de ce décret. Elle a jugé en effet que celui-ci était inconstitutionnel car il violait l'autonomie conférée par la loi aux établissements d'enseignement supérieur en matière de recrutement de leur corps enseignant, ainsi que leur droit d'exercer leur prérogative en ce qui concerne l'utilisation des avoirs et des ressources financières qui leur sont alloués.
  20. 13. La NFWC ajoute que la loi sur la fonction publique a été modifiée, entre autres, pour faciliter la mise en application de la loi de finances complémentaire. En effet, un amendement a été apporté à la loi sur la fonction publique (art. 30 1) b)), qui ajoute la diminution des crédits budgétaires comme motif admissible de licenciement des fonctionnaires. La NFWC fait état d'un autre amendement apporté le 1er septembre 1995 à l'article 34, paragraphe 2, de cette loi qui dispose que, en cas de licenciement illégal, le tribunal n'a désormais plus le droit d'ordonner la réintégration du fonctionnaire licencié si l'employeur s'y oppose et s'engage à verser à l'intéressé une indemnité de licenciement double. La NFWC fait observer qu'avant cette modification seul le fonctionnaire avait le droit de renoncer à sa réintégration.
  21. 14. Selon la NFWC, en 1995, à la suite de l'application de la loi de finances complémentaire, il a été mis fin aux fonctions de 10 399 fonctionnaires, dont 2 703 enseignants et chercheurs. Un nouveau cadre juridique a été instauré en 1995 pour 4 827 fonctionnaires, dont 1 021 enseignants-chercheurs. La NFWC ne fait pas clairement ressortir si, parmi les 4 827 fonctionnaires engagés en 1995, figuraient certains des 10 399 précédemment licenciés.
  22. 15. La NFWC précise que, bien que la loi de finances complémentaire ait réduit les crédits affectés aux dépenses de personnel des établissements d'enseignement supérieur, suite à la décision de la Cour constitutionnelle annulant le décret no 1023/1095, aucune disposition légale ne demande explicitement des réductions de personnel. Or, d'après la NFWC, les établissements d'enseignement supérieur qui ont décidé de procéder à des licenciements soit ont invoqué la diminution des dépenses de personnel prévue par la loi de finances complémentaire, soit ont choisi les fonctionnaires qu'ils ont licenciés parmi ceux pouvant faire valoir leur droit à la retraite. La NFWC souligne que les motifs de licenciement invoqués ne précisaient pas concrètement en quoi la loi de finances complémentaire affectait le statut de fonctionnaire public des salariés licenciés.
  23. 16. Dans sa lettre du 13 mai 1997 adressée au Directeur général du BIT, la NFWC estime que les licenciements effectués en 1995 étaient illégaux et que l'objectif déclaré de la loi de finances complémentaire va à l'encontre des principes et objectifs fondamentaux de la Déclaration de Philadelphie. La NFWC soutient également que ces licenciements constituent une violation des principes de non-discrimination dans la profession et l'emploi, de l'égalité des sexes et du respect de la dignité humaine dans l'emploi.
  24. 17. En ce qui concerne la convention no 122, la NFWC déclare que les modifications à la loi de finances complémentaire et à la loi sur la fonction publique portent atteinte au droit des femmes à l'emploi et constituent donc une violation de l'esprit et de la lettre de l'article 1, paragraphe 2, de la convention. La NFWC ajoute que le licenciement d'enseignants et de chercheurs était illégal et portait atteinte à leur dignité, car il n'a pas été justifié par des motifs individuels ou des circonstances valables. La NFWC fait valoir que cette opinion est partagée par le Commissaire aux droits des citoyens du Parlement (Ombudsman).
  25. 18. Pour la NFWC, ces licenciements ont été facilités par l'interprétation extensive donnée à l'article 30 b) de la loi sur la fonction publique et les amendements apportés à cette loi le 1er septembre 1995. En outre, selon la NFWC, le fait que l'obligation de définir et de prouver le caractère clair, réel et raisonnable du motif de licenciement laisse une grande latitude d'interprétation qui fragilise les relations de travail traditionnellement stables dans la fonction publique. La NFWC fait observer que, dans les cas de licenciements survenus après le 1er septembre 1995, le droit des fonctionnaires à la sécurité de l'emploi et à la sécurité économique n'a pas été garanti même dans les cas de licenciements déclarés illégaux, étant donné que l'employeur n'était pas tenu de réintégrer les fonctionnaires licenciés pour autant qu'il leur verse une indemnité de licenciement d'un montant double de celui de leur salaire mensuel moyen.
  26. 19. La NFWC allègue que la loi de finances complémentaire est contraire à l'article 1, paragraphe 2 c), de la convention no 122 en ce que les enseignants et chercheurs âgés licenciés en application de cette loi n'ont plus la possibilité de trouver un nouvel emploi dans leur profession. Par conséquent, ils sont privés de la possibilité de travailler, en particulier dans la profession où ils ont acquis qualifications et expérience.
  27. 20. Dans sa lettre du 13 mai 1997, la NFWC soutient que les voies de recours en justice ouvertes aux particuliers n'ont pas apporté de protection aux salariés affectés, en partie parce qu'un grand nombre des fonctionnaires licenciés, notamment ceux qui ont été licenciés au motif qu'ils étaient «proches de l'âge de la retraite», ne se sont pas prévalus de ces voies de recours dans les délais prescrits par la loi. Dans sa lettre suivante, datée du 30 janvier 1998, la NFWC signale également que certaines des procédures judiciaires engagées suite aux licenciements sont encore en cours. Etant donné que les fonctionnaires licenciés doivent faire l'avance des frais de procédures, la NFWC souligne que, faute d'avoir les ressources nécessaires, un certain nombre des fonctionnaires licenciés n'ont pas été en mesure de porter leur requête devant les tribunaux.
  28. 21. D'après les lettres de la NFWC datées du 13 mai 1997 et du 30 janvier 1998, un grand nombre des fonctionnaires licenciés espéraient, semble-t-il, que le ministère de la Culture et de l'Enseignement réglerait d'office cette question du fait que dans ses rapports le commissaire du Parlement (Ombudsman) avait souligné le caractère illégal de ces licenciements et demandé aux ministères compétents de prendre les dispositions nécessaires pour y remédier; or tel n'a pas été le cas. La NFWC ajoute que l'Ombudsman a diligenté une enquête parlementaire concernant les enseignantes et chercheuses licenciées qui n'est pas encore terminée.
  29. 22. En ce qui concerne la convention no 111, la NFWC considère que le gouvernement a violé l'article 1, paragraphe 1 a), de cette convention, en ce que la loi sur le budget complémentaire a porté un préjudice beaucoup plus grand aux enseignants et chercheurs féminins que masculins. La NFWC affirme que le motif invoqué par les universités pour licencier ces femmes était qu'elles avaient atteint l'âge de la retraite alors qu'en réalité elles l'ont été en raison des restrictions budgétaires affectant les universités. L'organisation plaignante fait observer qu'à l'époque où les licenciements en question ont été prononcés l'âge de la retraite pour les femmes était inférieur de cinq ans à celui des hommes. (Note 1)
  30. 23. La NFWC allègue que les conséquences négatives pour les enseignantes et les chercheuses des mesures législatives contestées ont été aggravées par le fait que les «conseils» de l'université habilités à prononcer les licenciements étaient constitués exclusivement d'hommes. Il est fréquemment arrivé que ces «conseils» licencient du personnel féminin alors même qu'une grande partie des effectifs se composait d'hommes qui avaient atteint l'âge de la retraite (et étaient donc logiquement plus âgés). La NFWC rappelle que cette pratique discriminatoire a été dénoncée dans les rapports du commissaire du Parlement (Ombudsman) joints à sa lettre du 17 juin 1997. L'Ombudsman relève par exemple que, parmi le groupe de fonctionnaires sur lequel portait son enquête, les différences entre les âges de départ à la retraite des hommes et des femmes avaient porté tort à ces dernières (en partie parce que cela signifie que, alors que les hommes et les femmes travaillant dans l'enseignement supérieur terminent leurs études environ au même âge, les professeurs femmes occupant des postes élevés ont considérablement moins de temps pour enseigner et mener leurs recherches que leurs homologues masculins). L'Ombudsman relève par ailleurs que la loi sur l'enseignement supérieur fixe à 70 ans, et sans distinction entre les sexes, l'âge de la retraite des professeurs d'université, mais qu'il peut être mis un terme à leurs fonctions de manière anticipée en application de la loi sur la fonction publique, ce qui laisse toujours ouverte la possibilité d'une discrimination à l'encontre des professeurs femmes.
  31. 24. D'après la NFWC, les restrictions budgétaires effectuées dans les universités violent également le principe de l'égalité en ce qui concerne l'accès aux emplois et aux professions, car les qualifications des enseignants et des chercheurs ne sont pas aussi facilement transférables à d'autres domaines que celles d'autres fonctionnaires. Par conséquent, la NFWC estime que, en privant les enseignantes et les chercheuses de leur poste de professeur ou de leur chaire ainsi que de la possibilité d'effectuer des recherches, leur licenciement les a placées dans une situation particulièrement préjudiciable.
  32. B.Réponse du gouvernement
  33. 25. Par lettre datée du 11 février 1998, le gouvernement précise que la réclamation formulée par la NFWC porte sur la partie de la loi de finances complémentaire qui demande que les crédits budgétaires affectés aux dépenses de personnel et de sécurité sociale prélevés sur le budget et s'ajoutant aux salaires versés dans les établissements d'enseignement supérieur doivent être réduits de 12 à 18 pour cent.
  34. 26. Le gouvernement expose que, dans un décret précédent, il avait spécifié les mesures destinées à rapprocher la proportion étudiants/enseignants de celle indiquée par les statistiques européennes habituelles et que cette diminution avait été ordonnée en tenant compte de ce fait. Le gouvernement rappelle que cette partie du décret no 1023/1995 (III.22) a été jugée inconstitutionnelle et annulée par la Cour constitutionnelle hongroise dans sa décision no 40/1995 (VI.15)AB. Dans ses attendus, la Cour constitutionnelle a fait valoir que le décret no 1023/1995 (III.22) et les mesures prises en conséquence par le gouvernement étaient contraires aux principes d'autonomie des établissements d'enseignement supérieur consacrés par la loi LXXX de 1993 sur l'enseignement supérieur et, partant, à l'article 35 de la Constitution hongroise, qui dispose que le gouvernement définit les responsabilités de l'Etat en matière de promotion des sciences et de la culture et instaure les conditions nécessaires à cet effet. Par conséquent, le gouvernement fait valoir que la première partie de la réclamation de la NFWC porte sur des dispositions et des mesures annulées par la Cour constitutionnelle.
  35. 27. Le gouvernement expose que l'article 30 1) b) de la loi sur la fonction publique permet de mettre un terme au contrat d'un fonctionnaire par une procédure de résiliation (absolution) si, par suite d'une décision du gouvernement, du Parlement, d'un ministre ou de l'organe autonome de gestion ayant une incidence sur l'employeur, son engagement ne peut plus être maintenu. Invoquant l'article 30 1) b) de la loi sur la fonction publique et le décret no 1023/1995 (III.22), annulé ultérieurement par décision de la Cour constitutionnelle, certains employeurs ont indiqué dans leurs observations sur les résiliations de contrats que les licenciements des fonctionnaires n'étaient motivés que par les restrictions budgétaires résultant des dispositions de l'article 30 1) b) de la loi sur la fonction publique. Le gouvernement fait observer que ces résiliations étaient dénuées de fondement car l'employeur aurait dû indiquer la raison précise prouvant qu'il n'était plus possible de maintenir le fonctionnaire concerné dans ses fonctions.
  36. 28. Le gouvernement fait valoir qu'afin d'éviter des procédures judiciaires inutiles le texte de l'article 30 1) b) de la loi sur la fonction publique a été modifié en sorte que «l'employeur peut résilier le contrat du fonctionnaire sous réserve des dispositions des paragraphes 3)-4) - si ... b) suite à une décision du gouvernement, du Parlement, d'un ministre, ou de l'organe autonome de gestion ayant une incidence sur l'employeur - en particulier des décisions de restructuration imposées par une modification des tâches à accomplir ou par une diminution des ressources budgétaires - il n'est plus possible de maintenir le fonctionnaire dans son emploi». Le gouvernement fait observer que cette modification a principalement pour objet d'aider les employeurs et que le ministère du Travail a appelé leur attention sur le fait que, lorsque la résiliation d'un contrat s'impose en raison d'une décision prise par un organe extérieur à l'organisation de l'employeur, celui-ci est néanmoins tenu de respecter la procédure requise pour que sa décision soit valable, sinon la résiliation du contrat serait sans fondement et par conséquent illégale. D'après le gouvernement, un certain nombre de salariés ont fait reconnaître leurs droits devant les tribunaux du travail en invoquant les arguments précités.
  37. 29. Dans sa lettre du 11 février 1998, le gouvernement considère que l'argument de la NFWC selon lequel l'amendement de l'article 34 2) de la loi sur la fonction publique, qui énonce les conséquences juridiques d'une résiliation illégale d'un contrat de fonctionnaire, serait une modification législative préjudiciable pour le fonctionnaire n'est pas fondé. De l'avis du gouvernement, le texte amendé sert en fait les intérêts du fonctionnaire, en particulier si l'on tient compte de l'article 34 3) qui, lu conjointement avec le Code du travail, énonce les divers cas dans lesquels l'employeur est tenu de maintenir le contrat de travail du fonctionnaire.
  38. 30. En ce qui concerne la convention no 111, le gouvernement rappelle qu'en vertu de la loi sur l'enseignement supérieur les règles d'organisation et de procédure du Conseil d'établissement sont librement fixées par le règlement intérieur de l'établissement d'enseignement supérieur, conformément au principe d'autonomie de ces établissements.
  39. 31. Le gouvernement se réfère aux allégations de la NFWC selon lesquelles les dispositions de la loi de finances complémentaire porteraient préjudice aux enseignantes et aux chercheuses du fait que l'âge de la retraite des femmes est de cinq ans inférieur à celui des hommes. Il est allégué que les employeurs auraient invoqué le fait que les femmes licenciées avaient atteint l'âge de la retraite alors qu'en réalité leur licenciement aurait été dû aux restrictions budgétaires. Le gouvernement fait observer que les règles applicables à l'âge de la retraite des hommes et des femmes ont été modifiées mais que «la résiliation du contrat d'un fonctionnaire demeure légitime lorsqu'elle est fondée sur une disposition légale spécifique».
  40. 32. Au vu de ce qui précède, le gouvernement considère dans sa lettre du 11 février 1998 que la réclamation de la NFWC n'est pas fondée et qu'il n'a pas violé les conventions nos 111 et 122.
  41. 33. Dans sa lettre du 16 mars 1998, en réponse aux informations complémentaires présentés par la NFWC, le gouvernement reconnaît que certaines questions relatives au travail prennent effectivement beaucoup de temps à traiter en dépit «des modifications importantes effectuées au cours de ces dernières années en vue d'accélérer les procédures». En ce qui concerne l'argument de la NFWC selon lequel de nombreux salariés n'auraient pas été en mesure d'introduire leur requête faute de ressources, le gouvernement rappelle que les salariés peuvent s'informer auprès des permanences des tribunaux et que, très souvent, il n'est pas indispensable de faire l'avance des frais de procédure, en particulier lorsque les faits sont relativement simples et clairs. Le gouvernement estime que les procédures et les règles régissant, en Hongrie, la représentation des parties en matière de travail sont conformes aux normes européennes et aux traités internationaux applicables.
  42. III.Conclusions du comité
  43. 35. Le comité note que l'organisation plaignante allègue en premier lieu que la loi de finances complémentaire de 1995 et les amendements apportés à la loi sur la fonction publique sont contraires à la convention no 122. Elle estime que les salariés licenciés en conséquence de l'adoption de ces dispositions législatives n'ont pas de possibilité de trouver un nouvel emploi correspondant à leurs qualifications et à leur expérience et se voient donc privés de toute possibilité d'exercer leur profession. De l'avis de la NFWC, une telle situation est contraire à l'article 1, paragraphe 2 c), de la convention no 122 qui dispose que la politique de l'emploi doit, entre autres objectifs, tendre à garantir «qu'il y aura libre choix de l'emploi et que chaque travailleur aura toutes possibilités d'acquérir les qualifications nécessaires pour occuper un emploi qui lui convienne et d'utiliser, dans cet emploi, ses qualifications ainsi que ses dons, quels que soient sa race, sa couleur, son sexe, sa religion, son opinion politique, son ascendance nationale ou son origine sociale».
  44. 36. Le comité rappelle que la convention impose à l'Etat partie l'obligation de formuler et d'appliquer, comme un objectif essentiel, une politique active visant à promouvoir le plein emploi, productif et librement choisi (art. 1), ainsi que de déterminer et revoir régulièrement, dans le cadre d'une politique économique et sociale coordonnée, les mesures à adopter à cet effet (art. 2).
  45. 37. Le comité relève que les dispositions de la loi de finances complémentaire de 1995 prévoient une diminution des dépenses de personnel dans les établissements d'enseignement supérieur, mais n'exigent pas expressément que cet objectif soit atteint par des compressions de personnel. Il note en outre que le décret ordonnant des diminutions de personnel dans l'enseignement supérieur a été annulé par la Cour constitutionnelle.
  46. 38. Le comité relève toutefois que, selon l'organisation plaignante, les restrictions des dépenses de personnel imposées aux établissements d'enseignement supérieur par la loi de finances complémentaire se sont traduites par le licenciement de salariés au seul motif qu'ils étaient proches de l'âge de la retraite. Le comité observe que la convention no 122 énonce en termes généraux les objectifs et méthodes d'application de la politique de l'emploi, mais ne comporte pas de dispositions relatives au licenciement, question qui fait l'objet d'autres normes internationales du travail. (Note 2) Le comité est toutefois d'avis qu'une pratique systématique de mise à la retraite anticipée serait susceptible, si elle était avérée, d'entrer en contradiction avec l'objectif du plein emploi, productif et librement choisi, de la convention. Il constate qu'en l'espèce la NFWC n'allègue pas que le gouvernement aurait enjoint aux établissements d'enseignement supérieur de procéder à des réductions de personnel de cette manière. Le comité estime cependant qu'il ne dispose pas d'éléments suffisants pour se prononcer sur la manière dont la situation décrite pourrait affecter la formulation et l'application par le gouvernement d'une politique de l'emploi conforme à la convention no 122. Le comité considère donc que le gouvernement devrait être invité à fournir, dans son prochain rapport sur l'application de la convention au titre de l'article 22 de la Constitution, des informations précises sur les conséquences des mesures de restrictions budgétaires pour l'emploi des personnels de l'enseignement supérieur et les mesures prises ou envisagées à cet égard.
  47. 39. Le comité note que l'organisation plaignante allègue en outre que le fait que les licenciements aient affecté de manière disproportionnée les enseignantes et les chercheuses constitue une discrimination à leur encontre non seulement contraire à l'article 1, paragraphe 2 c), de la convention no 122, mais également à la convention no 111. Il relève en outre l'allégation selon laquelle, confrontés à la nécessité d'opérer des restrictions budgétaires, des «conseils» d'universités formés exclusivement d'hommes ont fréquemment choisi de licencier des femmes en justifiant leur décision par le fait que les femmes licenciées pouvaient faire valoir leur droit à la retraite. Le comité note que, à l'époque de ces licenciements, les femmes pouvaient faire valoir leur droit à une pension complète à 55 ans alors que les hommes devaient attendre l'âge de 60 ans. (Note 3) De surcroît, le comité note que la NFWC allègue que des conseils constitués exclusivement d'hommes ont licencié des femmes ayant atteint l'âge de la retraite aux termes de la loi no 2 de 1975 tout en maintenant en emploi des hommes pourtant plus âgés qui pouvaient eux aussi faire valoir leur droit à la retraite en vertu de cette même loi. Les allégations visent donc non seulement l'adoption d'un critère discriminatoire, mais également son application d'une manière discriminatoire et préjudiciable à l'emploi des enseignantes et chercheuses.
  48. 40. La convention no 111 définit la discrimination comme «toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur ... le sexe ... qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession» (art. 1, paragr. 1 a)). Aux fins de la convention, les mots «emploi» et «profession» recouvrent «... l'accès à l'emploi et aux différentes professions, ainsi que les conditions d'emploi» (art. 1, paragr. 3). Le comité rappelle que tout Membre ayant ratifié la convention no 111 «s'engage à formuler et à appliquer une politique nationale visant à promouvoir, par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux, l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession, afin d'éliminer toute discrimination en cette matière» (art. 2). L'article 3 dispose que tout Membre doit abroger toute disposition législative et modifier toute disposition ou pratique administratives qui sont incompatibles avec cette politique.
  49. 41. Dans sa lettre du 11 février 1998, le gouvernement rappelle que l'annulation par la Cour constitutionnelle de Hongrie du décret gouvernemental no 1023/1995 a rétabli l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur et qu'aux termes de la loi sur l'enseignement supérieur les règlements d'organisation et de procédure des conseils des établissements relèvent entièrement du règlement intérieur de ces établissements. Les informations fournies par la NFWC indiquent que les établissements d'enseignement ont décidé eux-mêmes de réduire leurs effectifs et que, suite à la décision de la Cour constitutionnelle, rien dans les mesures législatives contestées n'ordonnait en fait que des licenciements soient effectués. Ainsi, le comité note que le gouvernement a promulgué une législation limitant les budgets des établissements d'enseignement supérieur et que ceux-ci auraient réduit leurs dépenses de personnel en résiliant le contrat de certains fonctionnaires en conséquence de cette législation. Il est allégué qu'à la suite des restrictions budgétaires des conseils d'universités exclusivement masculins ont licencié un nombre disproportionné de femmes, au prétexte de la différence d'âge de la retraite entre hommes et femmes. Le gouvernement n'aborde pas la question de la manière dont la différence d'âge de départ à la retraite a été utilisée, sinon pour préciser que la loi a été modifiée afin d'assurer un même âge de départ à la retraite pour hommes et femmes et pour indiquer que «la résiliation du contrat d'un fonctionnaire demeure légitime lorsqu'elle est fondée sur une disposition légale spécifique».
  50. 42. Le comité relève que le gouvernement invoque l'autonomie dont jouissent les universités pour adopter leurs procédures internes. Il souhaite toutefois souligner qu'aux termes de la convention no 111 le gouvernement est tenu de veiller à ce qu'il ne se produise aucune discrimination entre les hommes et les femmes dans l'emploi. Au demeurant, le fait que les conseils soient composés de fonctionnaires rend leurs décisions d'autant plus dépendantes des politiques et réglementations gouvernementales.
  51. 43. Le comité considère que le fait d'imposer un âge de départ en retraite différent pour les femmes, en particulier si cette différence est utilisée pour contraindre les femmes à partir en retraite plus tôt que l'âge normalement requis dans leur profession, constituerait, si une telle pratique était avérée, une conduite discriminatoire ayant un impact négatif sur l'accès des femmes à l'emploi et les privant de l'égalité de chances et de traitement dans l'emploi et la profession. Le comité note que ni l'organisation plaignante ni le gouvernement n'ont fourni de données pertinentes telles que des statistiques, des rapports ou autres informations indiquant le nombre et l'âge des hommes et des femmes enseignants et chercheurs licenciés, les postes qu'ils occupaient, les dates auxquelles ils ont été licenciés ou des informations analogues sur les enseignants et chercheurs maintenus dans leurs fonctions. Le comité n'est donc pas en mesure d'effectuer des comparaisons quant au sexe et à l'âge entre les fonctionnaires licenciés en 1995 et au cours des années suivantes et ceux des fonctionnaires maintenus dans leurs fonctions pendant cette même période. Il ne lui est pas non plus possible de déterminer si, systématiquement ou non, un nombre disproportionné d'enseignantes et de chercheuses ont été licenciées alors que des hommes dans des situations analogues étaient maintenus en fonction.
  52. 44. Le comité est donc amené à constater qu'il ne dispose pas de suffisamment d'informations pour conclure sur le point de savoir s'il y a eu ou non violation des conventions. Le comité rappelle aux parties que, pour lui permettre d'analyser en détail les allégations formulées avant de se prononcer sur leur bien-fondé, l'organisation plaignante comme le gouvernement doivent lui fournir des informations complètes et détaillées sur les questions soulevées dans la réclamation.
  53. IV.Recommandations du comité
  54. 45. Le comité recommande au Conseil d'administration:
  55. a) d'approuver le présent rapport, et en particulier les conclusions figurant aux paragraphes 34 à 44, compte tenu des éléments d'information présentés au comité;
  56. b) d'inviter le gouvernement de Hongrie à fournir dans ses prochains rapports sur l'application des conventions nos 111 et 122, en vertu de l'article 22 de la Constitution de l'OIT, des informations détaillées sur les points suivants:
  57. i) la politique de l'emploi à l'égard des fonctionnaires travaillant dans les établissements d'enseignement supérieur;
  58. ii) l'incidence précise des restrictions budgétaires sur l'emploi des fonctionnaires masculins et féminins employés dans les établissements d'enseignement supérieur;
  59. iii) toutes mesures prises pour veiller à ce que les fonctionnaires des établissements d'enseignement supérieur licenciés au motif qu'ils pouvaient faire valoir leur droit à la retraite puissent bénéficier d'un recours judiciaire, en précisant l'état d'avancement des recours introduits et leur résultat; et
  60. iv) les conclusions de l'enquête parlementaire diligentée par l'Ombudsman sur le licenciement des enseignantes et chercheuses, afin que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations puisse poursuivre l'examen de cette question;
  61. c) de déclarer close la procédure engagée à la suite de la réclamation de la NFWC alléguant l'inexécution de la convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964, et de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958.
  62. Note 1
  63. L'article 39 1) de la loi no 2 de 1975 fixe l'âge de la retraite des femmes et des hommes respectivement à 55 et 60 ans. La loi no 8 de 1993 porte modification de l'âge de la retraite qui est désormais le même pour les hommes et pour les femmes. L'article 11 de cette loi dispose qu'à compter du 1er janvier 1995 l'âge de la retraite augmentera d'une année tous les deux ans jusqu'au mois de janvier 2003, date à laquelle l'âge de la retraite des femmes sera de 60 ans.
  64. Note 2
  65. Convention (no 158) sur le licenciement, 1982, qui n'a pas été ratifiée par la Hongrie, et recommandation no 166.
  66. Note 3
  67. L'âge de la retraite des femmes a depuis été modifié, suite à la promulgation de la loi no 8 de l993. Voir no 1 ci-dessus.
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