ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Page d'accueil >  > Plaintes Article 24/26

RECLAMATION (article 24) - RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE - C111 - 1979

1. Fédération syndicale mondiale (FSM)

Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

Rapport du comité désigné pour examiner la réclamation présentée par la Fédération syndicale mondiale en vertu de l'article 24 de la Constitution et alléguant l'inexécution par la République fédérale d'Allemagne de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958

Rapport du comité désigné pour examiner la réclamation présentée par la Fédération syndicale mondiale en vertu de l'article 24 de la Constitution et alléguant l'inexécution par la République fédérale d'Allemagne de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958

Decision

Decision
  1. Le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité tripartite. Procédure close.

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. INTRODUCTION
  2. 1. Par lettre du 24 janvier 1978 (Note_1), la Fédération syndicale mondiale a présenté une réclamation au titre de l'article 24 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, dans laquelle elle allègue l'inexécution de la convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, par le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne.
  3. 2. La convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, a été ratifiée par la République fédérale d'Allemagne le 15 juin 1961. Elle est entrée en vigueur, pour ce pays, un an après cette date, soit le 15 juin 1962, conformément à la règle habituelle.
  4. 3. Les dispositions pertinentes de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail concernant la soumission des réclamations sont les suivantes :
  5. Article 24
  6. Toute réclamation adressée au Bureau international du Travail par une organisation professionnelle des travailleurs ou des employeurs, et aux termes de laquelle l'un quelconque des Membres n'aurait pas assuré d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention à laquelle ledit Membre a adhéré, pourra être transmise par le Conseil d'administration au gouvernement mis en cause, et ce gouvernement pourra être invité à faire sur la matière telle déclaration qu'il jugera convenable.
  7. Article 25
  8. Si aucune déclaration n'est reçue du gouvernement mis en cause dans un délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne paraît pas satisfaisante au Conseil d'administration, ce dernier aura le droit de rendre publiques la réclamation reçue et, 1e cas échéant, la réponse faite.
  9. 4. La procédure à suivre en cas de réclamation est régie par le règlement adopté par le Conseil d'administration le 8 avril 1932 et amendé le 5 février 1938 (Note_1).
  10. 5. En vertu de l'article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement précité, le Directeur général a transmis au Conseil d'administration la réclamation et tous les éléments d'information qu'il possédait sur la recevabilité de celle-ci.
  11. 6. Le Conseil d'administration a décidé, à sa 205e session (février-mars 1978), de désigner le comité prévu par l'article 2, paragraphe 3, du règlement, conformément aux recommandations d'un rapport de son bureau qui lui avait été soumis à la même session (Note_2). Ce comité a été composé de M. Hector Griffin (membre gouvernemental), président, de M. G. Polites (membre employeur), et de M. H. Maier (membre travailleur).
  12. 7. Comme dans le cas de précédentes réclamations examinées en 1965, 1970, 1975 et 1978, le Conseil d'administration a décidé d'habiliter le comité à exercer toutes les fonctions conférées par le règlement de 1932 au Conseil jusqu'à ce que le comité soit à même de lui soumettre des propositions sur les mesures à prendre, le cas échéant, au sujet de la réclamation.
  13. 8. Le comité s'est réuni à Genève après sa nomination. Il a tout d'abord examiné la question de la recevabilité de la réclamation et a considéré que celle-ci remplissait les conditions de forme, prévues à l'article 3 du règlement de 1932. Il a ensuite décidé, en vertu de l'article 4, alinéas c) et d), du règlement : a) d'inviter la FSM à communiquer, avant le 7 avril 1978, toute information complémentaire qu'elle souhaiterait porter à la connaissance du comité ; b) d'inviter le gouvernement à soumettre ses observations sur la réclamation avant le 15 mai 1978, étant entendu que les informations supplémentaires qui seraient reçues de la FSM seraient également communiquées au gouvernement.
  14. 9. Par lettre du 14 mars 1978, la FSM a demandé que le mémorandum sur l'application de la convention, qu'elle a adressé par lettre du 25 janvier 1978 pour être porté à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, soit mis à la disposition du comité, avec les annexes jointes, à titre d'information supplémentaire sur les points invoqués à l'appui de sa réclamation.
  15. 10. Au cours d'une deuxième réunion tenue le 29 mai 1978, le comité a pris note d'une communication du 24 mai du gouvernement informant le Directeur général qu'une réponse à la demande du comité serait fournie au cours du mois de juin 1978.
  16. 11. Lors d'une nouvelle réunion, tenue le 8 novembre 1978, le comité a pris connaissance des observations que le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne a fait parvenir au Bureau international du Travail, par lettre du 5 juin 1978. Il a noté, d'après ces informations, que le gouvernement se réservait le droit de communiquer, ultérieurement, des données chiffrées corrigeant celles fournies par la FSM, et qu'en outre il estimait erronée, tendancieuse ou reposant sur des hypothèses fausses l'appréciation des procédures de droit contenue dans des parties essentielles de la réclamation. En conséquence, le comité a décidé de donner au gouvernement l'occasion de fournir, avant le 15 janvier 1979, des informations supplémentaires sur ces questions, ainsi que, plus généralement, sur tout développement qui serait intervenu, ou attendu, en la matière.
  17. 12. Le comité a tenu une nouvelle réunion, le 19 février 1979, au cours de laquelle il a pris connaissance des observations supplémentaires communiquées par le gouvernement par lettre du 30 janvier 1979. Le comité a décidé de poursuivre son examen, en vue de l'adoption de ses conclusions et de son rapport, à une session ultérieure.
  18. 13. Des informations supplémentaires ont aussi été reçues de la FSM, par lettre du 22 mars 1979. A la demande du président du comité, ces informations ont été communiquées au gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, qui a été invité à fournir, pour le début du mois de mai 1979, les commentaires qu'il souhaiterait faire à leur égard. Dans sa réponse, par lettre du 15 mai 1979, le gouvernement a confirmé les observations qu'il avait formulées dans sa lettre du 30 janvier 1979, à laquelle il se réfère.
  19. 14. Le comité s'est encore réuni deux fois, les 30 mai et 4 juin 1979, avant de parvenir à ses conclusions et d'adopter le présent rapport, au cours de sa septième et dernière réunion tenue le 15 juin 1979.
  20. EXAMEN DE LA RÉCLAMATION ET DE LA RÉPONSE REÇUE
  21. Allégations présentées
  22. 15. Selon les allégations présentées dans la réclamation, il serait fait application très large de la pratique dite des "interdictions professionnelles" dans la fonction publique, notamment après l'adoption, le 28 janvier 1972, du "décret antiradical" par les ministres-présidents des Länder et de leur "déclaration commune" avec le chancelier fédéral (annexe I). Les principes politiques de ces décisions, qui visent à empêcher des citoyens d'accéder à un emploi ou d'exercer leur profession dans la fonction publique, ont reçu l'aval juridique du Tribunal constitutionnel fédéral, dans son arrêt du 22 mai 1975 (annexe II). Ces textes constituent, avec les règles de procédures adoptées en 1976 (annexe III) et en 1979 (annexe IV), les dispositions de base des pratiques discriminatoires. Ils posent et définissent le principe de l'obligation de loyauté à la Constitution du fonctionnaire, en conformité avec le droit de la fonction publique.
  23. 16. D'autres décisions prises, à la suite de celle du Tribunal constitutionnel, par les gouvernements et les tribunaux administratifs, aux niveaux fédéral et des Länder, prouvent toutes, selon la FSM, que l'opinion politique peut effectivement empêcher un candidat à la fonction publique d'y accéder, ou motiver le renvoi d'un fonctionnaire. En effet, est-il allégué dans la réclamation, bien que le gouvernement essaie d'utiliser abusivement l'article 4 de la convention pour justifier lesdites pratiques, les personnes écartées des emplois publics ne le sont pas en raison d'activités subversives contre la sécurité de l'Etat, mais simplement parce qu'elles sont membres d'organisations ou de partis légaux (ou participent à des activités légales), dont les objectifs sont déclarés hostiles à la Constitution par les autorités publiques.
  24. 17. Selon la réclamation, cette notion "d'hostilité à la Constitution" est la notion de base de la pratique des "interdictions professionnelles". Elle a été approuvée par le Tribunal constitutionnel fédéral qui est parvenu à ses conclusions par une interprétation trop large de l'article 33, paragraphe 5, de la Constitution (Note_3). Elle n'a aucun fondement juridique. C'est une notion politique, créée par des organes politiques, dans des buts politiques contraires à la Constitution elle-même.
  25. 18. Les dispositions concernant la fidélité à la Constitution, exigée des candidats à la fonction publique et des fonctionnaires, ont été formulées de façon générale. Les critères utilisés sont vagues. Il s'ensuit que la marge d'appréciation laissée aux autorités est large et la discrimination fondée sur l'opinion politique aisément permise. En outre, serait exigée également du fonctionnaire ou du candidat à l'emploi public la fidélité vis-à-vis de l'Etat, ce qui, selon la réclamation, signifie en pratique la fidélité aux orientations politiques des gouvernants et l'interdiction d'une attitude critique vis-à-vis des structures en vigueur.
  26. 19. Les personnes visées par la pratique des "interdictions professionnelles" sont essentiellement les membres du Parti communiste allemand (DKP), parti officiellement reconnu mais déclaré "hostile à la Constitution". Or les partis politiques ont, en République fédérale allemande, un statut particulier, précisé par l'article 21 de la Constitution, et dont ils ne peuvent être privés que par une décision du Tribunal constitutionnel établissant leur hostilité à l'ordre fondamental démocratique et libéral. Auraient également été visés par ces pratiques des membres de syndicats et d'autres organisations démocratiques et progressistes qui auraient exprimé leur opposition aux structures économiques et sociales ou, simplement, à la politique du gouvernement.
  27. 20. La pratique des "interdictions professionnelles" fondée sur la notion d'hostilité à la Constitution serait, d'après la réclamation, en contradiction avec les droits fondamentaux reconnus par la Constitution fédérale, notamment : l'égalité devant la loi et la liberté en matière d'opinion politique (art. 3), le droit de choisir librement son emploi (art. 12), l'égalité d'accès à la fonction publique (art. 33) et, comme indiqué au paragraphe précédent, la protection des partis politiques ou "privilège des partis" (art. 21). Elle constituerait, par conséquent, une tentative de priver certains groupes de personnes, caractérisés par leurs opinions politiques, de droits civils et politiques garantis par la Constitution.
  28. 21. Selon la réclamation, les principes concernant l'obligation de loyauté, tels que définis par le Tribunal constitutionnel fédéral, ont reçu une très large application. Ils régissent aussi bien l'emploi des fonctionnaires proprement dits que celui des employés et ouvriers du service public. Ils sont appliqués également pendant la période de stage probatoire du candidat. Il n'est pas fait de distinction selon les responsabilités du poste, la nature des tâches ou des fonctions exercées dans les différents secteurs d'emplois publics (juristes, enseignants, cheminots, postiers). En outre, selon la réclamation, les personnes évincées de la fonction publique ont été privées du droit d'exercer leur profession dans le secteur privé, et la discrimination fondée sur l'opinion politique serait pratiquée dans les grandes entreprises industrielles, tant à l'égard des employés que des ouvriers.
  29. 22. Sur la base des décisions gouvernementales et judiciaires précitées, et pour leur donner effet, une véritable bureaucratie aurait été mise en place pour contrôler, de façon systématique, l'opinion politique des citoyens. Pratiquement, tout postulant à un emploi public est soumis à ce contrôle, qui est obligatoire dans l'enseignement. Depuis 1972, environ 1,3 million de personnes auraient ainsi dû faire preuve de leur loyauté devant une "police spéciale", estime la réclamation qui fait état de 4 000 cas de mesures discriminatoires prises. La réclamation se réfère, à titre d'exemple, à 11 cas individuels d'interdictions professionnelles, dont 9 ont fait l'objet de décisions judiciaires intervenues entre 1975 et 1977. Dans ces derniers cas, il s'agissait de candidats à la fonction d'enseignants dans l'enseignement primaire ou secondaire, d'enseignants en fonction ou encore d'un candidat à un emploi d'ingénieur dans les chemins de fer. Les activités mentionnées par les tribunaux se résument essentiellement au fait d'être membre actif du Parti communiste allemand (DKP). Les qualifications purement professionnelles ou l'exercice irréprochable d'une activité professionnelle ne sont pas des conditions suffisantes pour accepter la candidature d'un membre d'un parti déclaré hostile à la Constitution ou le maintenir dans un emploi, par exemple d'enseignant. Les tribunaux se sont référés, en fait, à l'opinion du gouvernement pour établir l'hostilité à la Constitution d'un parti ou d'une organisation politiques. En outre, la réclamation allègue que les interrogatoires, effectués selon des procédures inhabituelles, ont eu des conséquences discriminatoires sur les conditions d'emploi des personnes intéressées ; à titre d'exemple, quatre cas individuels sont cités (trois concernent des cheminots, le quatrième un agent des postes).
  30. 23. Sur le plan de la procédure, les principes de vérification de la fidélité à la Constitution, adoptés par le gouvernement fédéral en 1976, en conformité avec la décision du Tribunal constitutionnel fédéral, n'ont pas eu pour effet, car ce n'était pas leur objet, de mettre fin aux pratiques discriminatoires. De plus, dans de nombreux cas, les règles de procédure n'ont pas été respectées. La nouvelle version des principes de vérification de la fidélité à la Constitution, adoptée en 1979, ne modifie pas le fond du problème, mais seulement certaines règles de procédure, affirme la réclamation. L'adhésion à des organisations politiques légales peut toujours constituer un sérieux élément de doute quant à la loyauté à la Constitution exigée du candidat ou du fonctionnaire. Ces nouveaux principes ne sont, en fait, qu'un effort supplémentaire pour légaliser la discrimination pratiquée contre les personnes manifestant certaines opinions politiques.
  31. 24. En outre, il est à noter que le champ d'application des principes de vérification de la fidélité à la Constitution reste limité à l'administration fédérale. De fait, un certain nombre de Länder auraient annoncé, après la révision de 1979, que leur politique en la matière restait inchangée. Les Länder ont fait et continuent de faire une application très différenciée de la procédure et l'ampleur de la pratique de "l'interdiction professionnelle" est très variable, sur le plan régional : dans certains Länder, des enquêtes seraient faites à intervalles réguliers pour contrôler l'appartenance éventuelle à des organisations considérées comme poursuivant des buts hostiles à la Constitution. Dans les Länder, des actions en vue d'aboutir à des "interdictions professionnelles" auraient été récemment introduites, selon la FSM, dans au moins vingt-trois nouveaux cas.
  32. Réponse du gouvernement
  33. 25. En réponse aux allégations contenues dans la réclamation de la FSM, le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne affirme que l'opinion politique en tant que telle ne peut en aucun cas constituer le seul motif de rejet d'un candidat à la fonction publique. Mais la Constitution (art. 33, al. 5) et le droit de la fonction publique imposent une obligation de fidélité à l'Etat et à la Constitution, dont le Tribunal constitutionnel fédéral, dans sa décision du 22 mai 1975, a précisé la nature, l'étendue et la portée.
  34. 26. Il s'agit d'une obligation positive qui va au-delà de la neutralité ou du simple loyalisme, mais qui requiert du candidat à un emploi dans la fonction publique, ou d'un fonctionnaire, "d'adhérer par tout son comportement à l'ordre fondamental, démocratique et libéral, tel qu'il découle de la loi fondamentale, et de prendre fait et cause pour sa sauvegarde". Cette garantie de fidélité active que doit présenter tout candidat est une condition d'aptitude à l'exercice d'une activité professionnelle dans la fonction publique. Poser une telle condition d'admission est en conformité, estime le gouvernement, avec l'article 1, paragraphe 2, de la convention, qui prévoit que "les distinctions, exclusions ou préférences fondées sur les qualifications exigées pour un emploi déterminé ne sont pas considérées comme des discriminations".
  35. 27. Le concept d'ordre étatique et constitutionnel est défini de façon précise. Il est, selon le gouvernement, analogue à celui de sécurité de l'Etat posé à l'article 4 de la convention, et compatible avec les principes de non-discrimination.
  36. 28. Le gouvernement n'accepte pas les allégations selon lesquelles des démocrates, des syndicalistes, des progressistes... seraient frappés d'interdiction professionnelle dans la fonction publique. Seuls ceux qui se livrent à des activités dont le but est de rejeter et de combattre l'ordre constitutionnel ne sont pas admis dans la fonction publique. L'hostilité d'un candidat à la Constitution n'est présumée que sur la base d'un jugement de la personnalité du candidat, comportant un pronostic et fondé sur des éléments divers et variables selon les cas. L'appartenance à un parti dont les buts sont hostiles à la Constitution peut être un élément important d'appréciation, a jugé le Tribunal constitutionnel, mais elle ne constitue pas un motif automatique de rejet de la candidature. Selon le gouvernement, c'est le fait de ne pas remplir l'obligation de fidélité, qui demande un engagement en faveur des principes fondamentaux de l'ordre constitutionnel, et non la simple appartenance à un parti poursuivant des objectifs hostiles à la Constitution, qui entraîne le rejet d'un candidat à la fonction publique. Le gouvernement peut juger un parti hostile à la Constitution, sans avoir besoin de déposer une demande d'interdiction. Le gouvernement fédéral a indiqué clairement le 29 octobre 1975, dans une réponse à une question au parlement, que le Parti communiste allemand (DKP) poursuivait des buts et des activités hostiles à la Constitution.
  37. 29. Le gouvernement conteste aussi les allégations selon lesquelles, la pratique du contrôle de la fidélité porte atteinte aux droits fondamentaux garantis par la loi fondamentale. Ceux-ci, notamment la liberté d'opinion et d'expression, l'égalité devant la loi et la non-discrimination, le libre choix d'un emploi connaissent des limites, prévues par la Constitution elle-même, qui découlent, dans ce cas précis, des particularités de la fonction publique et de la réglementation subordonnant l'admission à une obligation de fidélité active à la Constitution.
  38. 30. Les principes juridiques dérivés de l'article 33, paragraphe 5, de la Constitution s'appliquent à toutes les relations d'emplois publics, quelle que soit leur nature. Les employés des services publics sont également soumis à l'obligation de fidélité. Contrairement à ce qu'allègue la réclamation, les personnes dont l'accès à l'emploi dans la fonction publique a été refusé peuvent librement poursuivre leur carrière dans le secteur privé, où il n'existe pas d'obligation de fidélité et de restrictions motivées par des activités politiques hostiles à la Constitution. Il n'existe pas, selon le gouvernement, de pratiques discriminatoires en fonction des opinions politiques dans les grandes entreprises industrielles.
  39. 31. Le gouvernement proteste contre l'utilisation de l'expression "interdiction professionnelle" pour désigner des cas exceptionnels où des extrémistes politiques n'offrant pas la garantie de prendre fait et cause pour l'ordre démocratique et libéral n'ont pas été admis dans la fonction publique. Les statistiques contenues dans la réclamation de la FSM sont considérablement grossies pour accréditer l'impression qu'il s'agit d'une pratique générale. D'après les statistiques fournies par le gouvernement, entre 1973 (1er janvier) et 1976 (30 juin), il y a eu 393 rejets, pour non-loyauté, de candidatures dans les fonctions publiques fédérales et des Etats (non compris le Bade-Wurtemberg et le Schleswig- Holstein) ; entre 1976-77, on a enregistré 227 rejets (Sarre non comprise). Les chiffres concernant les rejets de candidatures à la seule fonction publique fédérale sont de 8 pour la période 1973-1975, de 5 pour 1976-77, et de 3 pour 1976 (1er juillet)-1978 (30 mai).
  40. 32. En ce qui concerne plus spécifiquement les cas individuels cités dans la réclamation, qui ont fait l'objet de décisions judiciaires, le gouvernement indique que les personnes concernées étaient des membres actifs du Parti communiste allemand (DKP). Dans tous les cas, il a été établi que ces personnes militaient activement et personnellement pour aider à la réalisation des buts, hostiles à la Constitution, de leur parti. Les candidatures à la fonction publique de ces personnes ont été rejetées parce que l'évaluation de leur personnalité à laquelle doivent procéder les autorités, en vertu des règlements, a permis d'établir que la condition de loyauté à la Constitution, et donc l'aptitude à l'emploi public, n'était pas remplie dans de tels cas.
  41. 33. La loyauté des candidats est vérifiée sur le plan fédéral et les Länder d'après des prescriptions de droit uniformes, fondées sur les normes constitutionnelles. L'Etat fédéral et les Länder sont liés par les décisions du Tribunal constitutionnel fédéral du 22 mai 1975. Les détails de la procédure peuvent être réglés de manière différente par les Länder.
  42. 34. Les principes de procédure qui régissent la vérification de la fidélité à la Constitution ont été approuvés le 19 mai 1976 par le Cabinet fédéral (annexe III) ; une nouvelle version en a été donnée le 17 janvier 1979 (annexe IV). En vertu de ces règles, c'est l'autorité chargée du recrutement qui procède à l'examen de la garantie de loyauté, au même titre que pour les autres conditions d'aptitude. L'autorité compétente est tenue d'observer la décision du Tribunal constitutionnel du 22 mai 1975 (annexe II) et la résolution du parlement fédéral du 24 octobre 1975 (annexe V), selon lesquelles la prescription de fidélité à la Constitution doit jouer en faveur du candidat. Ainsi, affirme le gouvernement, personne n'est amené à prouver sa loyauté devant "un corps de police spécial" ; les bureaux de protection de la Constitution n'ont tenu aucune audience dans le cadre du contrôle des nominations. C'est l'autorité chargée du recrutement qui décide si une demande d'informations doit être adressée aux bureaux de protection de la Constitution. La nouvelle version des principes de procédure adoptée en 1979 précise qu'il n'y aura pas d'enquêtes de routine demandées à ces organismes ; lorsqu'une enquête aura été demandée, seuls les faits pouvant être vérifiés par les tribunaux pourront être communiqués ; les faits remontant à la période de jeunesse du candidat ou à plus de deux ans ne pourront, en principe, être communiqués : les autorités fédérales devront s'assurer que les informations communiquées par les autorités de protection de la Constitution sont examinées par un organisme central désigné par les autorités fédérales, pour vérifier leur pertinence.
  43. 35. Les principes adoptés offrent toutes les garanties de procédure, notamment : audition du candidat, assistance d'un conseil juridique, motivation de la décision, communication par écrit des faits et des raisons du rejet de la candidature, notification au candidat de son droit de faire appel de la décision de rejet devant un tribunal indépendant. La condition de garantie procédurale prévue par l'article 4 de la convention est donc, considère le gouvernement, parfaitement remplie.
  44. Evaluation
  45. 36. Le comité constate que, dans le présent cas, la question soulevée par la réclamation concernait les conditions d'accès à la fonction publique tenant à l'exigence du loyalisme à la Constitution ; selon la réclamation, les procédures de vérification de cette exigence seraient appliquées de telle manière qu'elles auraient pour effet d'écarter des candidats en raison de leurs opinions politiques, et cela sur une vaste échelle. Dans ses réponses, le gouvernement a donné des informations détaillées sur l'application de ces procédures, en fournissant des chiffres selon lesquels les cas d'enquête et de rejet n'auraient pas eu l'ampleur alléguée ; il a fait valoir que, dans les cas nommément cités dans la réclamation et qui avaient fait l'objet de décisions de tribunaux, les candidats avaient été rejetés non pas en raison de leur simple affiliation politique, mais en raison d'activités militantes incompatibles avec l'obligation de loyalisme des fonctionnaires publics à la Constitution. Enfin, le gouvernement a fait état de l'adoption, en janvier 1979, de nouvelles règles de vérification du loyalisme à la Constitution pour l'administration fédérale, entrées en, vigueur en avril 1979, qui posent des principes plus stricts en la matière et qui sont destinées, selon leur exposé des motifs (voir annexe IV), à remédier aux risques d'excès impliqués par les règles antérieures, comme il sera indiqué plus loin en détail.
  46. 37. Le comité considère qu'indépendamment des doutes dont la situation antérieure pouvait faire l'objet l'adoption de ces nouvelles règles à l'échelon de l'administration fédérale, pendant l'examen de la réclamation, a créé une situation nouvelle, et qu'il lui incombe maintenant essentiellement d'évaluer la portée de cette situation nouvelle, à la lumière des prescriptions de la convention et des commentaires dont elles ont fait l'objet de la part des organes permanents d'examen de l'application des conventions ratifiées.
  47. 38. Selon l'article 1 de la convention n° 111, le terme "discrimination" comprend notamment "toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur... l'opinion politique... qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession" (paragr. 1 a)). "Les distinctions, exclusions ou préférences fondées sur les qualifications exigées pour un emploi déterminé ne sont pas considérées comme des discriminations" (paragr. 2). Aux termes de l'article 4 de la convention: "Ne sont pas considérées comme des discriminations toutes mesures affectant une personne qui fait individuellement l'objet d'une suspicion légitime de se livrer à une activité préjudiciable à la sécurité de l'Etat, ou dont il est établi qu'elle se livre en fait à cette activité, pour autant que ladite personne ait le droit de recourir à une instance compétente établie suivant la pratique nationale." Quant aux relations entre ces diverses dispositions de la convention, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a observé (dans un autre cas, auquel s'est référé la FSM), "qu'en protégeant les travailleurs contre la discrimination fondée sur l'opinion politique la convention implique que cette protection leur soit reconnue à propos d'activités exprimant ou manifestant une opposition aux principes politiques établis - sous les seules réserves indiquées plus loin...", ces dernières concernant les activités préjudiciables à la sécurité de l'Etat et les exigences particulières à certains emplois. Elle a précisé à ce propos que la définition des activités préjudiciables à la sécurité de l'Etat ne saurait être telle qu'elle permette des mesures en contradiction avec la protection principale prévue par la convention. Elle a rappelé que "des exigences particulières à certains emplois déterminés peuvent concerner la confiance ou la réserve qu'on peut attendre de leurs titulaires en matière politique", pour autant que le champ d'application de ces exigences reste également dans des limites compatibles avec le sens général de la convention (Note_4). En évoquant, dans une étude d'ensemble de 1963, la situation dans la fonction publique, la commission d'experts s'est déclarée consciente du fait que par exemple les opinions politiques peuvent être prises en considération au titre des qualifications nécessaires pour certains postes supérieurs de l'administration impliquant des responsabilités particulières dans la mise en uvre de la politique gouvernementale, mais que, si elle était portée au-delà de certaines limites, cette pratique entrerait en conflit avec les dispositions de la convention (Note_5).
  48. 39. Dans son observation de 1977 concernant le cas de la République fédérale d'Allemagne, la commission d'experts avait noté avec intérêt que les principes de vérification de la fidélité à la Constitution, approuvés par le Cabinet fédéral le 1-9 mai 1976, fixaient certaines garanties de procédure concernant notamment la communication aux intéressés des faits retenus contre eux, leur droit de présenter leurs observations et d'être assistés d'un conseil juridique, et diverses conditions propres à faciliter l'exercice de leur droit de recours devant les tribunaux. Toutefois, la commission d'experts avait indiqué dans la même observation que des informations supplémentaires seraient nécessaires en ce qui concerne d'une part les réglementations appliquées dans les Länder en cette matière, et, d'autre part, la nature des exigences de fidélité à la Constitution qui peuvent être requises en fonction des différentes sortes d'emplois publics en cause.
  49. 40. Sur ce dernier point, la décision du 22 mai 1975 du Tribunal constitutionnel fédéral avait considéré que l'appartenance à un parti politique poursuivant des fins hostiles à la Constitution (que ce parti ait été ou non déclaré inconstitutionnel par le Tribunal constitutionnel) pouvait constituer un élément important d'appréciation de l'aptitude du candidat à exercer un emploi public, mais elle n'avait pas déterminé elle-même la nature des éléments qui peuvent être pris en considération selon les cas et elle avait laissé aux autorités de nomination un large pouvoir discrétionnaire à cet égard. Les nouveaux principes de vérification, adoptés le 17 janvier 1979 en ce qui concerne l'administration fédérale, semblent de nature à limiter ces pouvoirs, en consacrant l'adoption de la présomption de loyauté, l'appréciation des situations cas par cas et en prévoyant l'abandon du caractère systématique des enquêtes ; celles-ci ne peuvent être entreprises qu'à l'initiative des autorités compétentes pour le recrutement des fonctionnaires, sur la base d'éléments de fait ; des limitations sont aussi posées pour la communication d'informations par les autorités de protection de la Constitution. L'exposé des motifs de ces nouveaux principes explique qu'il est apparu nécessaire d'abandonner des règles de procédure qui impliquaient le risque inadmissible que des candidats soient rejetés sur la seule base d'un critère abstrait tel que l'appartenance à une organisation ayant des objectifs considérés comme hostiles à la Constitution. Il semble que cette nouvelle réglementation devrait permettre le respect des garanties voulues et de limiter l'examen aux cas particuliers dans lesquels existent des doutes sérieux et fondés quant à la confiance ou à la réserve qu'on peut attendre de candidats à la fonction publique en relation notamment avec la nature des postes qu'ils auraient à occuper.
  50. 41. Bien entendu, étant donné l'entrée en vigueur récente de ces nouveaux principes, leurs conséquences effectives dépendront de leur application pratique ultérieure. Cette question sera, naturellement, soumise à examen conformément aux procédures établies à l'OIT pour examiner l'effet donné aux conventions ratifiées. Ces possibilités d'examen seront également pleinement applicables en ce qui concerne l'évolution de la situation à l'échelon des Lander, qui ont eu la possibilité, dans le cadre de leur autonomie administrative, d'appliquer des principes plus rigoureux (notamment pour ce qui concerne l'accès à des postes d'enseignants, auxquels se rapportent la plupart des cas cités dans la réclamation) et où, selon les chiffres fournis par le gouvernement, les cas d'enquêtes et de rejets de candidats ont été proportionnellement plus nombreux que dans l'administration fédérale. Le comité note à cet égard que, comme l'a remarqué la commission d'experts (Note_6), la convention tient compte des particularités qui peuvent résulter de la structure fédérative d'un Etat, en prévoyant qu'elle soit appliquée " par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux ", mais que la responsabilité des autorités fédérales à cet égard est de prendre toutes les mesures voulues pour assurer l'application de la convention par des méthodes adaptées à la pratique constitutionnelle existante (par exemple en agissant directement par voie de législation ou autrement dans les domaines qui relèvent de leur compétence et en agissant dans d'autres domaines par des mesures d'incitation, de coordination et toutes autres méthodes d'action appropriées ; il est à noter, dans le cas présent, que la résolution précitée du 24 octobre 1975 du parlement fédéral priait les Länder d'harmoniser leurs procédures de recrutement des candidats à la fonction publique).
  51. CONCLUSION
  52. 42. En définitive, à la lumière de tous les éléments qui lui ont été soumis, et pour les raisons exposées ci-dessus, le comité est convenu de recommander au Conseil d'administration :
  53. a) de prendre note du présent rapport ;
  54. b) de déclarer close la présente procédure engagée devant le Conseil d'administration à la suite de la réclamation de la Fédération syndicale mondiale au sujet de l'application de la convention n° 111 concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, par la République fédérale d'Allemagne ;
  55. c) de charger le Directeur général d'informer le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, ainsi que l'organisation réclamante, des décisions prises.
  56. Genève, 15 juin 1979.
  57. (Signé) H. Griffin, président.
  58. G. Polites.
  59. H. Maier
  60. Note 1
  61. Voir doc. GB.205/21/11, annexe II.
  62. Note 2
  63. Voir doc. GB.205/21/11, annexe I
  64. Note 3
  65. Cet article stipule que " le droit du service public doit être réglé en tenant compte des principes traditionnels de la fonction publique professionnelle ". Mais, note la réclamation, ces principes, qui étaient ceux d'une conception dépassée, ne devraient pas être contraies à d'autres principes, en particulier ceux énoncés dans la Constitution. Note 4
  66. BIT : Rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 57e session, 1972, rapport III (partie 4 A), p. 214.
  67. Note 5
  68. Ibid., 47e session, 1963, rapport III (partie IV), troisième partie: La discrimination en matière d'emploi et de profession, paragr. 42.
  69. Note 6
  70. BIT : Rapport de la Commission d'experts sur l'application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 47e session, 1963, rapport 111 (partie IV), troisième partie : La discrimination en matière d'emploi et de profession, paragr. 63 et 109.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer