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PLAINTE (article 26) - 1968 - GRECE - C087, C098

M. H. Beermann, délégué travailleur (République fédérale d'Allemagne), M. J. Morris, délégué travailleur (Canada), M. S. B. Vognbjerg, délégué travailleur (Danemark), M. Sunde, délégué travailleur (Norvège)

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RAPPORT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner les plaintes au sujet de l'observation par la Grèce de la Convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la Convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949

RAPPORT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner les plaintes au sujet de l'observation par la Grèce de la Convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la Convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949
  1. Rapport de la Commision d'enquête en PDF (Bulletin Officiel, Vol. LIV, No.2, 1971)

La procédure de plainte

La procédure de plainte
  1. CHAPITRE PREMIER
  2. DEPOT DES PLAINTES ET INSTITUTION DE LA COMMISSION
  3. Dépôt des plaintes
  4. 1. Le Directeur général du Bureau international du Travail a reçu, le 25 juin 1968, au cours de la 52ème session de la Conférence, de MM. H. Beermann, J. Morris, S. B. Vognbjerg et O. Sunde, respectivement délégués travailleurs de la République fédérale d'Allemagne, du Canada, du Danemark et de la Norvège à la 52ème session de la Conférence internationale du Travail, une communication conjointe déposant, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, une plainte selon laquelle, à leur avis, le gouvernement de la Grèce n'assurerait pas d'une manière satisfaisante l'exécution de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
  5. 2. Le Directeur général du Bureau international du Travail a également reçu, le 25 juin 1968, au cours de la 52ème session de la Conférence, de M. Joseph Hlavicka, délégué travailleur de la Tchécoslovaquie à la 52ème session de la Conférence internationale du Travail, une plainte selon laquelle, à son avis, le gouvernement de la Grèce n'assurerait pas d'une manière satisfaisante l'exécution de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. M. Hlavicka a adressé en outre au Directeur général, par lettre du 26 juin 1968, une note contenant des informations plus détaillées à l'appui de sa plainte.
  6. Disposition de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949
  7. 3. La convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ont été ratifiées par la Grèce le 30 mars 1962 et sont entrées en vigueur pour ce pays le 30 mars 1963. Les dispositions substantielles de ces instruments sont les suivantes.
  8. CONVENTION (No 87) SUR LA LIBERTE SYNDICALE ET LA PROTECTION DU DROIT SYNDICAL, 1948
  9. ........
  10. Article 2
  11. Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.
  12. Article 3
  13. 1. Les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action.
  14. 2. Les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.
  15. Article 4
  16. Les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative.
  17. Article 5
  18. Les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit de constituer des fédérations et des confédérations ainsi que celui de s'y affilier, et toute organisation, fédération ou confédération a le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs et d'employeurs.
  19. Article 6
  20. Les dispositions des articles 2, 3 et 4 ci-dessus s'appliquent aux fédérations et aux confédérations des organisations de travailleurs et d'employeurs.
  21. Article 7
  22. L'acquisition de la personnalité juridique par les organisations de travailleurs et d'employeurs, leurs fédérations et confédérations, ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l'application des dispositions des articles 2, 3 et 4 ci-dessus.
  23. Article 8
  24. 1. Dans l'exercice des droits qui leurs sont reconnus par la présente convention, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus, à l'instar des autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité.
  25. 2. La législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention.
  26. Article 9
  27. 1. La mesure dans laquelle les garanties prévues par la présente convention s'appliqueront aux forces armées et à la police sera déterminée par la législation nationale.
  28. 2. Conformément aux principes établis par le paragraphe 8 de l'article 19 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, la ratification de cette convention par un Membre ne devra pas être considérée comme affectant toute loi, toute sentence, toute coutume ou tout accord déjà existants qui accordent aux membres des forces armées et de la police des garanties prévues par la présente convention.
  29. Article 10
  30. Dans la présente convention, le terme " organisation " signifie toute organisation de travailleurs ou d'employeurs ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs ou des employeurs.
  31. Article 11
  32. Tout Membre de l'Organisation internationale du Travail pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à prendre toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d'assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical.
  33. ........
  34. CONVENTION (No 98) SUR LE DROIT D'ORGANISATION ET DE NEGOCIATION COLLECTIVE, 1949
  35. Article 1
  36. 1. Les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi.
  37. 2. Une telle protection doit notamment s'appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de:
  38. a) subordonner l'emploi d'un travailleur à la condition qu'il ne s'affilie pas à un syndicat ou cesse de faire partie d'un syndicat;
  39. b) congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l'employeur, durant les heures de travail.
  40. Article 2
  41. 1. Les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes d'ingérence des unes à l'égard des autres, soit directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration.
  42. 2. Sont notamment assimilées à des actes d'ingérence au sens du présent article des mesures tendant à provoquer la création d'organisations de travailleurs dominées par un employeur ou une organisation d'employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d'un employeur ou d'une organisation d'employeurs.
  43. Article 3
  44. Des organismes appropriés aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être institués pour assurer le respect du droit d'organisation défini par les articles précédents.
  45. Article 4
  46. Des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs d'une part, et les organisations de travailleurs d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi.
  47. Article 5
  48. 1. La mesure dans laquelle les garanties prévues par la présente convention s'appliqueront aux forces armées ou à la police sera déterminée par la législation nationale.
  49. 2. Conformément aux principes établis par le paragraphe 8 de l'article 19 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, la ratification de cette convention par un Membre ne devra pas être considérée comme affectant toute loi, toute sentence, toute coutume ou tout accord déjà existants qui accordent aux membres des forces armées et de la police des garanties prévues par la présente convention.
  50. Article 6
  51. La présente convention ne traite pas de la situation des fonctionnaires publics et ne pourra, en aucune manière, être interprétée comme portant préjudice à leurs droits ou à leur statut.
  52. .......
  53. Dispositions de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail en ce qui concerne les plaintes au sujet de l'observation des conventions ratifiées
  54. 4. Les dispositions suivantes de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail régissent le dépôt des plaintes concernant l'exécution des conventions ratifiées, ainsi que la procédure y ayant trait:
  55. ........
  56. Article 26
  57. 1. Chacun des Membres pourra déposer une plainte au Bureau international du Travail contre un autre Membre qui, à son avis, n'assurerait pas d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention que l'un et l'autre auraient ratifiée en vertu des articles précédents.
  58. 2. Le Conseil d'administration peut, s'il le juge à propos, et avant de saisir une Commission d'enquête selon la procédure indiquée ci-après, se mettre en rapport avec le gouvernement mis en cause de la manière indiquée à l'article 24.
  59. 3. Si le Conseil d'administration ne juge pas nécessaire de communiquer la plainte au gouvernement mis en cause, ou si, cette communication ayant été faite, aucune réponse ayant satisfait le Conseil d'administration n'a été reçue dans un délai raisonnable, le Conseil pourra former une Commission d'enquête qui aura pour mission d'étudier la question soulevée et de déposer un rapport à ce sujet.
  60. 4. La même procédure pourra être engagée par le Conseil soit d'office, soit sur la plainte d'un délégué à la Conférence.
  61. 5. Lorsqu'une question soulevée par l'application des articles 25 ou 26 viendra devant le Conseil d'administration, le gouvernement mis en cause, s'il n'a pas déjà un représentant au sein du Conseil d'administration, aura le droit de désigner un délégué pour prendre part aux délibérations du Conseil relatives à cette affaire. La date à laquelle ces discussions doivent avoir lieu sera notifiée en temps utile au gouvernement mis en cause.
  62. Article 27
  63. Dans le cas où une plainte serait renvoyée, en vertu de l'article 26, devant une Commission d'enquête, chacun des Membres, qu'il soit ou non directement intéressé à la plainte, s'engage à mettre à la disposition de la commission toute information qui se trouverait en sa possession relativement à l'objet de la plainte.
  64. Article 28
  65. La Commission d'enquête, après un examen approfondi de la plainte, rédigera un rapport dans lequel elle consignera ses constatations sur tous les points de fait permettant de préciser la portée de la contestation, ainsi que les recommandations qu'elle croira devoir formuler quant aux mesures à prendre pour donner satisfaction au gouvernement plaignant et quant aux délais dans lesquels ces mesures devraient être prises.
  66. Article 29
  67. 1. Le Directeur général du Bureau international du Travail communiquera le rapport de la Commission d'enquête au Conseil d'administration et à chacun des gouvernements intéressés dans le différend, et en assurera la publication.
  68. 2. Chacun des gouvernements intéressés devra signifier au Directeur général du Bureau international du Travail, dans le délai de trois mois, s'il accepte ou non les recommandations contenues dans le rapport de la commission et, au cas où il ne les accepte pas, s'il désire soumettre le différend à la Cour internationale de Justice.
  69. .......
  70. Article 31
  71. La décision de la Cour internationale de Justice concernant une plainte ou une question qui lui aurait été soumise conformément à l'article 29 ne sera pas susceptible d'appel.
  72. Article 32
  73. Les conclusions ou recommandations éventuelles de la Commission d'enquête pourront être confirmées, amendées ou annulées par la Cour internationale de Justice.
  74. Article 33
  75. Si un Membre quelconque ne se conforme pas dans le délai prescrit aux recommandations éventuellement contenues soit dans le rapport de la Commission d'enquête, soit dans la décision de la Cour internationale de Justice, selon le cas, le Conseil d'administration pourra recommander à la Conférence telle mesure qui lui paraîtra opportune pour assurer l'exécution de ces recommandations.
  76. Article 34
  77. Le gouvernement en faute peut, à tout moment, informer le Conseil d'administration qu'il a pris les mesures nécessaires pour se conformer soit aux recommandations de la Commission d'enquête, soit à celles contenues dans la décision de la Cour internationale de Justice, et peut lui demander de bien vouloir faire constituer une Commission d'enquête chargée de vérifier ses dires. Dans ce cas, les stipulations des articles 27, 28, 29, 31 et 32 s'appliqueront, et si le rapport de la Commission d'enquête ou la décision de la Cour internationale de Justice sont favorables au gouvernement qui était en faute, le Conseil d'administration devra aussitôt recommander que les mesures prises conformément à l'article 33 soient rapportées.
  78. ......
  79. Résumé des mesures prises par le Conseil d'administration d la suite du dépôt des plaintes
  80. 5. A sa 173ème session, le 13 novembre 1968, le Conseil d'administration a adopté un rapport de son bureau où il lui était recommandé de prendre les décisions suivantes:
  81. a) Le gouvernement de la Grèce, en tant que gouvernement contre lequel les plaintes ont été déposées, devrait être invité par le Directeur général à lui communiquer ses observations pour le 15 janvier 1969 au plus tard.
  82. b) Conformément aux dispositions du paragraphe 5 de l'article 26 de la Constitution, le Conseil d'administration devrait inviter le gouvernement de la Grèce à désigner un délégué pour prendre part aux délibérations du Conseil relatives à cette affaire lors de sessions ultérieures; en adressant cette invitation au gouvernement de la Grèce, le Directeur général devrait lui faire savoir que le Conseil d'administration envisage de procéder à ces discussions à sa 174ème session, qui se tiendra à Genève en février-mars 1969.
  83. c) A sa 174ème session, le Conseil d'administration devrait déterminer si les deux plaintes doivent être renvoyées devant une commission d'enquête, en se fondant sur les plaintes reçues et sur les informations qui auraient été fournies par le gouvernement de la Grèce.
  84. 6. Les observations qui ont été demandées au gouvernement hellénique par lettre du 14 novembre 1968 ont été reçues par le Directeur général le 16 janvier 1969, par une communication du 14 janvier 1969, dont le texte intégral figure à l'annexe III du présent rapport.
  85. 7. A sa 174ème session (mars 1969), le Conseil d'administration a adopté un rapport de son bureau où il était dit notamment:
  86. Le bureau du Conseil recommande... au Conseil d'administration de traiter de l'affaire à ce stade exactement de la manière dont le Conseil d'administration a traité les deux plaintes précédentes, relatives au Portugal et au Libéria, en renvoyant sans autre discussion l'ensemble de la question à une commission nommée conformément à l'article 26 de la Constitution de l'Organisation...
  87. Composition de la commission
  88. 8. Le 6 mars 1969, à sa 174ème session, le Conseil d'administration a adopté une proposition du Directeur général quant à la composition de la commission comme suit:
  89. Président:
  90. Lord DEVLIN, PC (Royaume-Uni), conseiller de Sa Majesté en son conseil privé, juge de la Cour du Banc de la Reine (1948-1960), lord-juge à la Cour d'appel (1960-1961), lord d'appel en service ordinaire, Cour du lord-chancelier de la Chambre des lords, et Comité judiciaire du conseil privé (1961) (Royaume-Uni). Membre du Tribunal administratif de l'OIT.
  91. Membres:
  92. M. Jacques Ducoux (France), conseiller d'Etat, membre de la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale qui avait examiné en 1966 la situation syndicale en Grèce.
  93. M. M. K. VELLODI (Inde), ancien Premier ministre de l'Etat d'Hyderabad, ancien secrétaire d'Etat et secrétaire du ministère de la Défense de l'Inde, et ancien ambassadeur de l'Inde en Suisse.
  94. Le Directeur général du BIT (à l'époque M. David A. Morse) a chargé M. Wilfred Jenks, alors Principal Directeur général adjoint du BIT, de le représenter auprès de la commission. A la suite de sa désignation comme Directeur général du BIT, M. Wilfred Jenks a chargé M. Francis Wolf, conseiller juridique du BIT, de le représenter auprès de la commission.
  95. CHAPITRE 2
  96. PLAINTES ET REPONSES DU GOUVERNEMENT
  97. 9. La commission a procédé à l'examen des allégations contenues dans les deux plaintes enregistrées, lesquelles, avec les réponses que le gouvernement y a faites, peuvent être résumées sous les rubriques suivantes:
  98. Dissolution de syndicats et confiscation de leurs biens
  99. 10. Les plaignants ont allégué qu'un grand nombre de syndicats ont été dissous par l'autorité militaire immédiatement après le 21 avril 1967. Les chiffres fournis en l'occurrence variaient de 146 à 280. Il était allégué que les biens des organisations ainsi dissoutes avaient été confisqués par les autorités et, en application de la législation promulguée ultérieurement, seraient dévolus aux organisations appelées à leur succéder, organisations qui, en aucune façon, ne pouvaient être considérées comme étant indépendantes vis-à-vis de l'autorité militaire.
  100. 11. Dans sa réponse, le gouvernement a déclaré que la loi sur l'état de siège était entrée en vigueur le 21 avril 1967 et qu'il s'était révélé nécessaire de dissoudre les syndicats qui, depuis un certain temps, s'étaient écartés de leurs véritables buts et étaient passés aux mains de communistes au service d'un objectif politique consistant à renverser le gouvernement. Celui-ci a ajouté qu'aucune organisation professionnelle visant des buts légitimes n'avait été touchée par ces mesures. Les biens des syndicats dissous seraient remis, en vertu de décisions des tribunaux ordinaires, aux organisations appelées à leur succéder ayant des objectifs analogues.
  101. Déportation et emprisonnement de syndicalistes
  102. 12. Il a été allégué dans les plaintes que, la nuit du coup d'Etat, plus de mille cinq cents membres des syndicats avaient été déportés sans qu'aucun acte d'accusation ait été dressé contre eux.
  103. 13. Les plaintes faisaient également mention de l'arrestation et du maintien en prison d'un grand nombre de syndicalistes; sur ce point, une déclaration faite par le représentant du gouvernement de la Grèce était citée: celui-ci y déclarait que cent vingt-deux syndicalistes étaient détenus en raison " de délits sans rapport avec leur activité syndicale, certains de ces délits étant de caractère politique ".
  104. 14. Le gouvernement a affirmé que personne n'avait été déporté du fait de son activité syndicale ou de la position qu'il occupait en tant que syndicaliste. Il a fait remarquer que le nombre de personnes déportées pour des raisons ayant trait à la sûreté de l'Etat avait déjà décru et continuait de le faire. L'effectif des déportés était de beaucoup inférieur à ce qu'il avait été sous les gouvernements parlementaires précédents, en application de la même procédure.
  105. 15. Sur la question des emprisonnements, le gouvernement a fait savoir que quiconque avait été arrêté et incarcéré s'était livré à des activités communistes et non syndicales, ou avait enfreint les lois relatives à la sûreté de l'Etat. Les emprisonnements étaient effectués en observant les dispositions légales relatives à l'état de siège et sous les garanties des tribunaux militaires présidés par des juges ordinaires et appliquant la procédure du Code pénal militaire.
  106. Arrestations et interrogatoires de syndicalistes
  107. 16. Les plaignants ont allégué que le gouvernement militaire pouvait arrêter n'importe qui sans formalités, prolonger indéfiniment la durée de l'arrestation, interdire la mise en liberté provisoire et soustraire les personnes arrêtées à la juridiction des tribunaux ordinaires.
  108. 17. Le gouvernement a soutenu qu'il était parfaitement inexact que des personnes fussent arrêtées sans jouir d'une protection formelle et des garanties régissant le fonctionnement des tribunaux militaires.
  109. Destitution de cadres syndicaux par les autorités
  110. 18. Les plaignants ont allégué que de nombreux dirigeants syndicaux avaient été destitués de leurs fonctions syndicales par les autorités.
  111. 19. Le gouvernement a affirmé dans sa réponse à cette plainte que des dirigeants syndicaux avaient été désignés par les tribunaux, chaque fois que cela avait été nécessaire, et avaient reçu des instructions en vue de l'organisation d'élections dans un délai de quelques mois.
  112. Ingérence des autorités dans le fonctionnement des syndicats
  113. 20. Les plaignants ont soutenu que les autorités étaient intervenues dans le fonctionnement des syndicats. En ce qui concerne notamment les organisations demeurées en activité, il a été allégué que la police et les dirigeants de la Confédération générale du Travail de Grèce (CGTG) avaient essayé de contraindre les dirigeants légalement élus à démissionner. En outre, les conseils administratifs des syndicats étaient obligés d'informer à l'avance la police des réunions projetées, en vue d'obtenir des autorités l'autorisation préalable nécessaire à cet effet. Les noms des membres du conseil, de même que les points inscrits à l'ordre du jour de ces réunions, devaient également être communiqués à la police à l'avance. Les plaignants ajoutaient que celle-ci assistait aux réunions syndicales et que le texte des documents qui y étaient adoptés était censuré. Les plaignants ont enfin allégué que les statuts des nouvelles organisations " nationalistes " devaient être rédigés par le conseiller juridique de la CGTG.
  114. 21. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle des dirigeants syndicaux avaient été contraints de donner leur démission, le gouvernement s'est référé à sa déclaration indiquant que des dirigeants syndicaux avaient été désignés par les tribunaux chaque fois que cela avait été nécessaire, et avaient reçu des instructions en vue d'organiser des élections dans un délai de quelques mois. Pour ce qui est des réunions syndicales, il a affirmé que, depuis la remise en vigueur des articles 10 et 11 de la Constitution de 1952, le 30 mai 1968, les organisations professionnelles n'étaient plus obligées d'informer la police des questions ayant trait à leurs réunions. Aux termes de l'article 18 de la Constitution de 1968, la police ne pouvait assister qu'aux réunions publiques. Le gouvernement a déclaré que le conseiller juridique de la CGTG avait fourni une aide pour rédiger les statuts de certaines des organisations affiliées à la CGTG.
  115. Création de nouveaux syndicats
  116. 22. Il a été allégué que la suspension partielle de la Constitution de 1952, en avril 1967, avait abouti à l'interdiction de créer des organisations ayant des objectifs syndicaux.
  117. 23. En démentant cette allégation, le gouvernement a indiqué que, depuis le 21 avril 1967, cent soixante et une organisations professionnelles avaient été créées.
  118. Le droit de grève
  119. 24. Les plaignants ont allégué que le droit de grève était absolument prohibé depuis qu'avaient été suspendus, en avril 1967, plusieurs articles de la Constitution de 1952.
  120. 25. Le gouvernement a soutenu que le droit de grève n'avait jamais été aboli dans la pratique et qu'il avait été formellement rétabli par l'article 19 de la Constitution de 1968. Les grèves n'étaient interdites que dans le cas des employés des autorités administratives locales ou d'autres services publics.
  121. Déclarations de loyalisme
  122. 26. Il a été en outre allégué par les plaignants qu'en vertu de la loi no 516/1948 concernant les déclarations de loyalisme, le gouvernement avait congédié des employés de banque et des employés des services publics en raison de leur activité syndicale, de même que tous ceux qui n'étaient pas considérés comme des sympathisants du régime dictatorial.
  123. 27. En réponse à cette allégation, le gouvernement a déclaré que ces congédiements n'avaient touché que des employés de banque et des employés de l'Etat qui étaient communistes ou " extrêmement dépravés ". Ces personnes avaient le droit de faire appel devant des commissions spéciales, lesquelles avaient fonctionné régulièrement, et de nombreux employés avaient été réintégrés dans leurs fonctions.
  124. 28. Les plaintes, on l'a vu, ont été déposées le 25 juin 1968. Près d'un an plus tard, en 1969, deux décrets-lois nos 185 et 186 ont été promulgués qui ont introduit dans la législation syndicale hellénique un certain nombre de nouvelles dispositions. Au cours des auditions, la nouvelle législation a été critiquée comme étant, à plusieurs égards, propre à restreindre la liberté syndicale de manière à porter atteinte aux conventions nos 87 et 98. Une des critiques formulées avait trait à la disposition résumée au paragraphe 30 ci-dessous et dont la conséquence a été d'écarter des fonctions syndicales tous ceux qui n'avaient pas effectivement exercé leur profession au cours des six années antérieures. Il a été prétendu que le but visé par l'effet rétroactif donné à la disposition visée (le terme " rétroactif " n'est pas absolument exact mais il est utilisé par commodité) était d'éliminer de leurs fonctions syndicales un grand nombre de ceux qui les occupaient pour les remplacer par des personnes favorables au gouvernement.
  125. 29. Mis à part cet aspect, les dispositions des deux décrets-lois, envisagées comme une partie de la structure permanente de la législation syndicale, ont été attaquées au cours des auditions et elles ont été défendues par le gouvernement comme constituant une amélioration de la législation. Concluant, donc, que les deux parties désiraient que la commission exprime son avis sur ces décrets - bien qu'ils aient été promulgués après le dépôt des plaintes -, la commission, dans les paragraphes qui suivent, résumera les critiques formulées et la réponse du gouvernement à leur endroit.
  126. Décret-loi no 185/1969
  127. a) Conditions requises pour occuper des postes syndicaux.
  128. 30. Il a été fait mention de l'article 9 de ce décret, qui prévoit que, pour être élu à des fonctions syndicales, le candidat doit avoir travaillé pendant six cents jours au cours des six années précédant l'élection, avec un minimum de cinquante jours de travail par année. Il a été allégué que cette règle constituait une intervention arbitraire en ce qui concerne le droit qu'ont les travailleurs d'élire librement leurs représentants syndicaux. De plus, par suite de l'effet immédiat de cette disposition, tous les représentants élus ne remplissant pas les conditions ainsi posées ont été démis de leurs fonctions syndicales.
  129. 31. Le gouvernement a déclaré dans sa réponse que cette disposition garantissait qu'à l'avenir tous les syndicats seraient administrés par les travailleurs eux-mêmes au lieu de l'être par des personnes qui, du fait qu'elles ne répondaient pas à cette exigence, ne se trouvaient pas suffisamment en contact avec les travailleurs qu'elles représentaient ni avec les problèmes de ceux-ci.
  130. b) Rémunération des cadres, du personnel et des conseillers juridiques des syndicats.
  131. 32. Il a été allégué à ce sujet que l'article 10 de ce décret, qui limite la rémunération que les syndicats peuvent payer aux membres de leurs comités exécutifs, à leur personnel et à leurs conseillers juridiques, entravait le recrutement par les syndicats d'un personnel adéquat. Il a été également allégué que cette disposition n'était pas applicable dans le cas des organisations d'employeurs.
  132. 33. Le gouvernement a affirmé que le but de cette disposition était de mettre les syndicats en mesure de faire face à leurs dépenses à l'aide de leurs propres ressources et qu'il n'estimait pas que la restriction impliquée par ledit article constituait une atteinte à la convention no 87.
  133. c) Destitution de cadres syndicaux et dissolution de syndicats.
  134. 34. Une autre critique a été formulée au sujet de l'article 6 de ce décret, qui prévoit que les dirigeants et les représentants des syndicats seront destitués de leurs fonctions par décision d'un tribunal s'ils se trouvent impliqués dans des activités dirigées contre l'intégrité ou la sûreté de l'Etat, ou contre son régime politique ou social; cet article dispose également que les syndicats seront dissous par ordre du tribunal si leurs objectifs ou leurs activités sont contraires à l'intégrité ou à la sûreté de l'Etat, ou à l'ordre politique ou social, ou aux libertés civiques des citoyens. De telles dispositions, a-t-il été allégué, permettaient aux autorités de considérer toute activité syndicale comme rentrant dans le champ ainsi défini et de dissoudre un syndicat ou de révoquer ses cadres dirigeants pour un motif quelconque.
  135. 35. Le gouvernement a estimé que l'article 6 rendait possible la révocation d'un membre de l'organe exécutif d'un syndicat, ou la dissolution d'une telle organisation pour toute activité anticonstitutionnelle. Il s'agissait là d'une règle favorable au développement de toute organisation syndicale.
  136. d) Le droit de grève.
  137. 36. Il a été allégué que d'importantes limitations de ce droit ont été imposées par les articles 3, 4 et 5 du décret-loi no 185, si bien que ce droit se trouvait virtuellement supprimé en réalité. Ces dispositions prévoyaient notamment qu'une grève d'une durée supérieure à trois jours devait obligatoirement faire l'objet d'une décision de l'assemblée générale du syndicat intéressé et que, même pendant une grève, les syndicats étaient obligés d'assurer le fonctionnement des installations de l'entreprise revêtant une importance essentielle.
  138. 37. En réponse à cette allégation, le gouvernement a soutenu que cette nouvelle disposition prévenait des abus dans l'exercice du droit de grève lorsque le déclenchement d'une grève n'a pas été décidé par un organe compétent.
  139. Décret-loi no 186/1969
  140. a) Négociation collective.
  141. 38. Il a été allégué que les dispositions de ce décret limitaient notamment le nombre des syndicats habilités à conclure des conventions collectives aux seules organisations qui, du fait qu'elles remplissaient certaines conditions, seraient considérées comme étant représentatives. En outre, le droit de la CGTG de conclure des conventions collectives fixant les salaires minima se trouvait aboli et l'article 16 de ce décret prévoyait que, désormais, les salaires et les traitements minima seraient fixés par une décision adoptée conjointement par le Premier ministre et les ministres de la Coordination, de l'Industrie et du Travail.
  142. 39. Le gouvernement a déclaré à ce sujet qu'en vue de remédier à la faible capacité de représentation des syndicats la législation ne reconnaissait, aux fins de négociation collective, que ceux qui avaient un effectif d'une certaine importance. En ce qui concerne les salaires minima, le gouvernement a estimé qu'il était responsable en matière de fixation de ceux-ci. Auparavant, la fixation du salaire minimum par la CGTG par voie de négociation collective avec les associations d'employeurs les plus représentatives a entraîné des difficultés économiques. La nouvelle législation facilitait la négociation des salaires par branche professionnelle.
  143. b) Financement des syndicats.
  144. 40. Il a été allégué qu'en dépit de la nouvelle législation les syndicats étaient financés par l'intermédiaire du Foyer ouvrier, organisme placé sous le contrôle de l'Etat, ce qui aboutissait à mettre les organisations ouvrières dans une situation où elles se trouvaient soumises au contrôle financier du gouvernement.
  145. 41. En réponse à cette allégation, celui-ci a affirmé qu'aux termes du décret-loi no 186, les membres des fédérations qui concluaient avec les employeurs des conventions collectives relatives à la retenue des cotisations syndicales seraient à l'avenir dispensés de verser des contributions au Foyer ouvrier. Jusqu'à la conclusion de telles conventions collectives, cet organisme était tenu d'accorder une aide financière proportionnelle au nombre de membres de chaque organisation qui avaient voté alors que, précédemment, l'octroi d'une telle assistance était laissé à sa discrétion.
  146. CHAPITRE 3
  147. PROCEDURE SUIVIE PAR LA COMMISSION
  148. 42. La commission a tenu quatre sessions: la première, qui s'est déroulée à Genève les 8 et 9 juillet 1969, avait pour objet de permettre à la commission de prendre connaissance de l'affaire, d'organiser ses travaux et d'arrêter sa procédure, la deuxième et la troisième session de la commission, tenues à Genève respectivement du 1er au 13 octobre 1969 et du 6 au 16 avril 1970, ont été essentiellement consacrées à l'audition de témoins; à sa quatrième session, enfin, tenue à Genève du 5 au 14 octobre 1970, la commission a procédé à l'élaboration de son rapport.
  149. 43. Au cours de la première session de la commission, les membres de cette dernière ont tout d'abord fait une déclaration solennelle, en présence du Directeur général du Bureau international du Travail, déclaration qui correspond par ses termes à celle que font les juges de la Cour internationale de Justice et par laquelle ils se sont engagés à exercer leurs devoirs et attributions en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et en toute conscience.
  150. 44. La commission a ensuite mis au point la procédure qu'il lui paraissait approprié de suivre pour l'examen des plaintes et a envisagé les arrangements nécessaires pour lui permettre de disposer d'informations complètes et objectives sur les questions portées devant elle.
  151. 45. A cette fin, elle a donné toute possibilité aux plaignants et au gouvernement de la Grèce, ainsi - en se fondant sur l'article 27 de la Constitution de l'OIT - qu'aux gouvernements des pays limitrophes de la Grèce Membres de l'OIT et des douze pays entretenant avec la Grèce les relations économiques les plus importantes de fournir des informations sur les questions à elle soumises. La commission a également donné la possibilité de produire des informations aux organisations non gouvernementales suivantes: Confédération internationale des syndicats libres, Confédération mondiale du travail, Fédération syndicale mondiale, Organisation internationale des employeurs, Confédération générale du travail de Grèce et Fédération des industriels grecs. Les plaignants, de même que les organisations invitées à adresser des communications à la commission, ont été informés que, la compétence de la commission s'étendant uniquement à l'examen de l'exécution par la Grèce des obligations découlant pour elle de la ratification des conventions relatives à la liberté syndicale, il s'ensuivait que les questions politiques sortaient du champ de sa compétence, que toute documentation ultérieure qui pourrait lui être soumise devrait se rapporter à l'affaire dont la commission est saisie et que celle-ci n'examinerait aucune question ne relevant pas de son mandat.
  152. 46. Par ailleurs, la commission a décidé de procéder à l'audition de témoins, ce qu'elle a fait à ses deuxième et troisième sessions. A cet effet, elle s'est déclarée disposée à examiner des requêtes des plaignants et du gouvernement tendant à l'audition de toute personne susceptible de porter un témoignage important au sujet des questions évoquées dans l'affaire. Elle a, en outre, exprimé le désir de voir le gouvernement assurer la présence d'un certain nombre de personnes qu'elle souhaitait entendre, à savoir le ministre du Travail, le ministre de la Justice ou son représentant et le ministre de l'Intérieur ou son représentant. Elle a aussi estimé qu'il lui serait utile d'entendre M. Campanellis, secrétaire général en fonction de la CGTG à l'époque de sa première session, M. Makris, secrétaire général de la CGTG au moment du dépôt des plaintes, MM. Papageorgiou, Dimitrakopoulos et Galatis, anciens secrétaires généraux provisoires de la CGTG, MM. Bacatselos, Stambélos et Stamatis, ministres du Travail en fonction au cours des deux années ayant précédé le mois d'avril 1967. Après sa deuxième session, la commission a invité à comparaître le secrétaire général de la CGTG qui serait élu à l'occasion du congrès de cette organisation prévu pour le printemps de 1970.
  153. 47. Ainsi, les éléments de preuve à la disposition de la commission ont été essentiellement de deux sortes: informations écrites et témoignages oraux.
  154. 48. Dans la première catégorie, la commission a tout d'abord considéré, d'une part, les constatations de la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale qui avait examiné, en 1966, certains aspects de la situation syndicale en Grèce; d'autre part, les constatations du Comité de la liberté syndicale, de la Commission d'experts et de la Commission de la Conférence pour l'application des conventions et recommandations au sujet de questions relatives à la situation en Grèce depuis cette date. Les informations de base contenues dans les rapports de ces organes ont été d'une grande utilité à la commission.
  155. 49. Parmi les gouvernements auxquels la commission s'était adressée en vertu de l'article 27 de la Constitution de l'OIT, les gouvernements des pays suivants ont répondu: Belgique, Chypre, Etats-Unis, Royaume-Uni, Suède et Suisse. A l'exception du gouvernement de la Suède, ces gouvernements ont fait savoir qu'ils n'avaient pas d'informations particulières à fournir à la commission. Le gouvernement de la Suède a présenté un mémorandum contenant les informations dont ledit gouvernement disposait au sujet des questions portées devant la commission et traitant essentiellement des incidences de l'état de siège sur l'exercice des droits syndicaux.
  156. 50. Parmi les organisations internationales non gouvernementales auxquelles la possibilité de fournir des informations avait été offerte, les trois organisations suivantes ont adressé des communications à la commission: Organisation internationale des employeurs, Fédération syndicale mondiale et Confédération internationale des syndicats libres.
  157. 51. Dans la communication qu'elle a adressée à la commission, l'Organisation internationale des employeurs a fait savoir qu'elle n'avait pas d'informations de fait à fournir à la commission; elle a indiqué, toutefois, que ses relations avec son affiliée en Grèce, la Fédération des industriels grecs, continuaient à être normales et qu'aucune limitation à la liberté d'action de cette dernière ne lui avait été signalée par elle.
  158. 52. Dans les communications adressées à la commission par la Fédération syndicale mondiale, cette organisation a fait état des conséquences sur l'action syndicale de l'abolition des garanties constitutionnelles, de l'arrestation, de la détention et de la déportation sans procès de dirigeants syndicaux, de la dissolution de syndicats et de la confiscation de leurs biens, de la déposition de dirigeants élus et de leur remplacement par des personnes imposées par le pouvoir, du licenciement de dirigeants, des déclarations de loyauté exigées par les autorités, de l'exclusion de syndicats de la CGTG, des restrictions apportées au droit de réunion et à la liberté de la presse syndicale, des incidences sur l'exercice de la liberté syndicale, enfin, de la législation introduite en 1969 en la matière (décrets-lois nos 185 et 186).
  159. 53. Dans les informations qu'elle a fournies à la commission, la Confédération internationale des syndicats libres, de son côté, mentionne les conséquences de l'état de siège sur l'exercice des droits syndicaux, l'arrestation de dirigeants, la condamnation de certains d'entre eux, la dissolution d'organisations professionnelles, la déposition de dirigeants ou les pressions exercées sur eux pour qu'ils abandonnent leurs fonctions, l'imposition de nouveaux dirigeants, le contrôle des réunions et de la presse syndicale, finalement, les conséquences des décrets-lois nos 185 et 186 de 1969 sur l'exercice de la liberté syndicale et sur les négociations collectives.
  160. 54. En ce qui concerne les organisations professionnelles helléniques auxquelles la possibilité avait été donnée de fournir des informations, la Fédération des industriels grecs a présenté un mémoire sous forme d'un avis juridique du conseiller juridique de cette organisation portant sur la législation en vigueur en matière syndicale et sur la conformité de cette législation avec les conventions nos 87 et 98.
  161. 55. La CGTG en tant que telle n'a pas envoyé de communication. Toutefois, M. Makris, son ancien secrétaire général, a fourni des informations sur les incidences des décrets-lois no, 185 et 186 de 1969 sur l'exercice de la liberté syndicale.
  162. 56. La seconde source d'information à la disposition de la commission a consisté en auditions des parties et de témoins, qui ont été entendus lors des deuxième et troisième sessions de la commission.
  163. 57. Aux fins de ces auditions, la commission a établi les règles de procédure suivantes
  164. 1. La commission entendra tous les témoins à huis clos; les informations et les éléments de preuve fournis à cette occasion à la commission seront traités comme absolument confidentiels par toute personne dont la commission autorisera la présence.
  165. 2. Le gouvernement et les plaignants seront invités à désigner des représentants agissant en leur nom devant la commission. Ces représentants devront être présents pendant toute la durée des auditions et seront responsables de la présentation générale de leurs dossiers et de leurs témoins.
  166. 3. Les témoins ne pourront être présents que lors de leur témoignage.
  167. 4. La commission se réserve le droit de consulter les représentants au cours des auditions ou après ces dernières, au sujet de toutes questions pour lesquelles elle estimera que leur collaboration spéciale est nécessaire.
  168. 5. La fonction de la commission est d'établir des faits. La politique est en dehors de son domaine et la possibilité offerte aux intéressés de fournir des informations et de faire des déclarations vise uniquement à l'obtention des données de fait portant sur les points que la commission est chargée d'examiner. La commission donnera aux témoins toute latitude raisonnable pour leur permettre de fournir de semblables informations de fait; toutefois, elle n'acceptera aucune communication ou déclaration de caractère politique ou sortant par ailleurs du cadre de son mandat.
  169. 6. La commission demandera à chaque témoin de faire une déclaration solennelle identique à celle prévue par le Règlement de la Cour internationale de Justice. Cette déclaration est ainsi conçue: " Je déclare solennellement, en tout honneur et en toute conscience, que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. "
  170. 7. Chaque témoin aura la possibilité de faire une déclaration avant d'être interrogé. Si un témoin lit sa déclaration, la commission souhaiterait qu'il lui en soit remis six exemplaires en anglais et en français.
  171. 8. La commission ou tout membre de celle-ci pourra à tout moment poser des questions aux témoins.
  172. 9. Les représentants assistant aux audiences conformément aux règles établies au paragraphe 2 ci-dessus seront autorisés à poser des questions aux témoins dans un ordre qui sera déterminé par la commission.
  173. 10. Tout interrogatoire de témoin sera soumis au contrôle de la commission. Le président ne permettra pas qu'il soit posé de questions politiques sortant du champ de la compétence de la commission ou qu'il y soit répondu.
  174. 11. La commission prendra acte de toute défaillance à répondre de manière satisfaisante de la part d'un témoin.
  175. 12. La commission se réserve le droit de rappeler des témoins si elle le juge nécessaire.
  176. 58. A la deuxième session de la commission, les parties ont été représentées de la manière suivante: pour le gouvernement de la Grèce, agent: M. A. Tziras; conseils: MM. A. Tomaras, Sp. Barras, Ef. Kyriakis, Pan. Panaretos et Pan. Paxinos. En ce qui concerne les plaignants, M. Beermann, accompagné de M. H. Maier, a participé aux séances en son nom propre et en tant que représentant de MM. Morris et Sunde; M. Vognbjerg a participé aux séances en son nom propre et en tant que représentant de M. Sunde; M. Hlavicka s'est fait représenter par M. Boglietti z. A la troisième session de la commission, les parties ont été représentées de la manière suivante: pour le gouvernement de la Grèce, agent: M. A. Tziras; conseils: MM. Tomaras et Paxinos. En ce qui concerne les plaignants, MM. Morris, Sunde et Vognbjerg se sont fait représenter par M. Beermann, lui-même représenté par M. Maier lorsqu'il n'a pu personnellement assister aux séances; M. Hlavicka s'est fait représenter par M. Boglietti.
  177. 59. A sa deuxième session, outre les représentants des parties, la commission a entendu M. Buiter, secrétaire général de la Confédération internationale des syndicats libres, proposé par MM. Morris, Sunde et Vognbjerg; M. Mavridis, ancien conseiller juridique de divers syndicats grecs ayant quitté la Grèce en octobre 1967, et M. Hadjiandreou, fonctionnaire de liaison avec les travailleurs grecs en Allemagne au sein du Conseil exécutif du Syndicat des travailleurs de la métallurgie de la Confédération des syndicats de la République fédérale d'Allemagne, ayant quitté définitivement la Grèce en 1965, tous deux proposés par M. Beermann; M lannopoulos, destitué de ses fonctions de vice-président du Syndicat des travailleurs de la Compagnie des trolleybus d'Athènes et du Pirée, et de membre exécutif de la Fédération des travailleurs des services d'utilité publique après avril 1967, ayant quitté la Grèce en juillet 1968, proposé par M. Hlavicka. Les représentants du gouvernement ont décidé de ne pas assister à l'audition des témoins grecs ne résidant plus en Grèce (MM. Mavridis, Hadjiandreou et lannopoulos). Néanmoins, pour maintenir l'égalité entre les parties, la commission a communiqué aux représentants du gouvernement le compte rendu sténographique des séances où l'audition de ces personnes a eu lieu.
  178. 60. Parmi les ministres du Travail en fonction au cours des deux années ayant précédé le mois d'avril 1967, témoins cités par la commission, celle-ci, à sa deuxième session, a entendu M. Bacatselos.
  179. 61. Parmi les personnes qui ont rempli les fonctions de secrétaire général de la CGTG et qui étaient citées par la commission, M. Campanellis, secrétaire général au moment de la session, et MM. Dimitrakopoulos et Galatis, anciens secrétaires généraux provisoires, ont témoigné devant la commission lors de sa deuxième session.
  180. 62. A la deuxième session de la commission, le gouvernement n'a pas proposé de témoins, se réservant de le faire au cours d'une éventuelle visite de la commission en Grèce. Toutefois, M. Tomaras a été entendu par la commission en tant que représentant des ministres du Travail et de la Justice.
  181. 63. A l'occasion de l'audition de toutes ces personnes, les questions suivantes ont été évoquées: dissolution de syndicats, confiscation de leurs biens, destitution de dirigeants syndicaux, déclarations de loyauté (MM. Bacatselos, Buiter, Campanellis, Dimitrakopoulos, Galatis, Hadjiandreou, Mavridis, Tomaras, Tziras, lannopoulos); arrestation, détention et déportation de dirigeants syndicaux (MM. Bacatselos, Beermann, Buiter, Campanellis, Galatis, Hadjiandreou, Mavridis, Tomaras, Tziras, Iannopoulos); pouvoir judiciaire, cours martiales et procédure (MM. Buiter, Mavridis, Tomaras); droit d'association et fonctionnement des syndicats (MM. Bacatselos, Buiter, Campanellis, Dimitrakopoulos, Galatis, Handjiandreou, Mavridis, Tomaras, Iannopoulos); financement des syndicats (MM. Bacatselos, Buiter, Dimitrakopoulos, Galatis, Hadjiandreou, Tomaras); conditions exigées dans la législation de 1969 pour l'élection des dirigeants syndicaux et dispositions concernant leur destitution et la dissolution de syndicats (MM. Bacatselos, Buiter, Campanellis, Dimitrakopoulos, Hadjiandreou, Mavridis, Tomaras, Iannopoulos); négociations collectives (MM. Bacatselos, Buiter, Campanellis, Dimitrakopoulos, Hadjiandreou, Mavridis, Tomaras, Tziras); droit de grève (MM. Bacatselos, Buiter, Campanellis, Dimitrakopoulos, Hadjiandreou, Mavridis, Tomaras).
  182. 64. En réponse à une demande écrite qui leur avait été faite en prévision de la troisième session de la commission, les plaignants ont originairement fait savoir qu'ils n'avaient pas de nouveaux témoins à présenter devant la commission à sa troisième session.
  183. 65. En réponse à une demande écrite analogue, le gouvernement, de son côté, a fourni la liste suivante comme celle de ses témoins: M. Denis Barbatis, ancien vice-président du Conseil juridique de l'Etat et président du Foyer ouvrier, M. Constantin Ploumidakis, secrétaire général du Centre ouvrier de la Canée, secrétaire général de la Fédération des travailleurs des métaux et secrétaire général adjoint provisoire de la CGTG, enfin, M. Théodore Prigouris, président de l'Association des employés des télécommunications.
  184. 66. A l'ouverture de la première séance de la troisième session de la commission, séance tenue le 7 avril 1970, le président a demandé aux parties si, outre ceux qui avaient déjà été annoncés, elles avaient d'autres témoins qu'elles souhaiteraient que la commission entende.
  185. 67. Le représentant du gouvernement hellénique a fait valoir que l'un des témoins proposés par le gouvernement, M. Ploumidakis, était secrétaire général adjoint provisoire de la CGTG et qu'en cette qualité il se trouvait dans l'obligation de suivre les travaux du congrès de cette organisation fixé aux 8, 9 et 10 avril 1970. Le représentant du gouvernement a donc demandé à la commission s'il ne serait pas possible que ce témoin soit entendu à une date postérieure à celles qui avaient été fixées (7-11 avril 1970). Le représentant du gouvernement a précisé qu'il en allait de même du secrétaire général qui serait élu au cours du congrès et que la commission avait exprimé le désir d'entendre. La commission a accepté que les deux témoins dont il vient d'être question soient entendus le lundi 13 avril 1970.
  186. 68. M. Boglietti, représentant de M. Hlavicka, a déclaré qu'il souhaiterait que fût entendue Mme Maria Karra, membre de la direction de la Fédération des comptables de Grèce. M. Boglietti a précisé que Mme Karra venait de quitter la Grèce où elle avait vécu dans la clandestinité depuis le mois d'avril 1967. La commission a accepté d'entendre ce témoin.
  187. 69. La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Makris. Celui-ci s'est borné à faire une brève déclaration sur les effets des décrets-lois nos 185 et 186 de 1969 et à remettre un dossier à la commission en ajoutant qu'il n'entendait répondre à aucune question. A la suite d'une demande du président au témoin le priant d'indiquer si cela signifiait qu'il refusait de répondre aux questions que la commission estimait pertinentes pour le déroulement de ses travaux, M. Makris s'est simplement référé au dossier qu'il avait déposé et a confirmé qu'il n'entendait répondre à aucune question. Dans ces conditions, vu l'attitude du témoin, la commission a estimé qu'il ne saurait être attaché de poids à une telle déposition.
  188. 70. A la séance du lendemain, le 8 avril 1970 au matin, le représentant du gouvernement hellénique, qui n'avait pas auparavant soulevé d'objections à l'audition de Mme Karra, a demandé à la commission de reconsidérer sa position compte tenu de certaines objections qu'il avait reçu instruction de son gouvernement de formuler; la commission a accepté de reconsidérer la question. Le représentant du gouvernement hellénique a avancé que, conformément à la procédure établie par la commission elle-même, aucun témoin ne saurait être entendu dont les noms et qualités n'auraient pas été notifiés à la commission et aux parties avant l'ouverture de la session. Le président ayant demandé au représentant du gouvernement hellénique s'il avait des raisons particulières pour s'opposer à l'audition du témoin proposé, le représentant du gouvernement a indiqué que les objections de ce dernier étaient uniquement des objections de principe, sans que le nom ou la qualité du témoin entrent en ligne de compte. Le représentant de M. Hlavicka a expliqué qu'il n'avait pas été en mesure de présenter son témoin plus tôt, ne sachant pas, jusqu'à tout récemment, qu'il avait pu quitter la Grèce; il a ajouté que le témoignage de Mme Karra aurait de la valeur puisqu'elle se trouvait encore récemment en Grèce et qu'elle serait en mesure de fournir à la commission des informations sur la situation actuelle du mouvement syndical dans le pays. M. Maier, représentant de M. Beermann, s'est déclaré partisan que la commission entende Mme Karra.
  189. 71. Après en avoir délibéré en séance privée, la commission a fait connaître sa décision dans les termes suivants à sa séance de l'après-midi du 8 avril 1970:
  190. A des fins pratiques, la commission avait demandé que les noms et qualités des témoins lui soient communiqués avant l'ouverture de la session. Les règles de procédure, toutefois, ne contiennent aucune exigence à cet égard. La pratique suivie n'a qu'un but de commodité et n'altère en rien le droit de la commission, en tant qu'organe quasi judiciaire, de décider à n'importe quel stade de sa procédure des témoins qu'elle désire entendre. Il n'a pas été avancé que l'audition de ce témoin précis place le gouvernement hellénique dans une situation particulièrement désavantageuse dans l'examen de l'affaire. L'objection présentée ne l'est que sur le terrain des principes; et, sur le terrain des principes, la commission la rejette.
  191. Il appartient maintenant à la commission de savoir si, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, elle estime devoir entendre le témoin. L'objectif de la commission, tout au long de ses travaux, a été d'obtenir toutes les informations possibles de manière à traiter aussi équitablement que possible des questions sur lesquelles elle a été priée de faire rapport. Avec cet objectif en vue, elle s'est toujours efforcée de faire de sa procédure un instrument aussi souple que possible. En dépit du fait qu'elle avait précédemment déclaré que la session serait consacrée à l'audition de témoins du 7 au 11 avril et en dépit du fait qu'aucun des représentants des plaignants n'était en mesure d'être présent à Genève après le 11 avril, la commission a accédé hier à la demande du représentant du gouvernement hellénique visant à ce qu'elle siège le 13 avril pour entendre le témoignage d'un témoin important proposé par le gouvernement et qui ne pouvait pas se trouver à Genève avant cette date. La commission se plaît à relever qu'aucun des représentants des plaignants n'a soulevé d'objection à cette façon de procéder bien qu'elle impliquât nécessairement que le témoin serait entendu en l'absence de ces représentants.
  192. En conséquence, donc, dans son désir d'obtenir toutes les informations susceptibles de l'aider à formuler ses conclusions, la commission décide d'entendre le témoignage du témoin proposé par M. Boglietti.
  193. 72. A la suite de l'annonce de cette décision, le représentant du gouvernement grec a déclaré que son gouvernement renonçait à présenter ses témoins et mettait un terme à sa coopération avec la commission.
  194. 73. Le 9 avril 1970, la commission a procédé, en l'absence des représentants du gouvernement, à l'audition de Mme Karra, témoin proposé par le représentant de M. Hlavicka qui, dans sa déposition, a évoqué les arrestations, détentions et déportations de syndicalistes, le droit de grève et son activité syndicale clandestine depuis le mois d'avril 1967. Le compte rendu sténographique de l'audition de ce témoin a été communiqué aux représentants du gouvernement.
  195. 74. Le 13 avril 1970, la commission a entendu M. Kourmouzis, secrétaire général nouvellement élu de la CGTG qui, dans sa déposition, a abordé les questions suivantes: dissolution de syndicats et confiscation de leurs biens, arrestation, détention et déportation de syndicalistes, fonctionnement des syndicats et déclarations de loyauté, financement des syndicats, élections syndicales (congrès de Delphes).
  196. 75. Dans le souci qui a toujours été le sien de recueillir toutes les informations susceptibles de l'aider dans ses efforts pour établir la vérité, la commission, ayant été informée que les témoins originairement proposés par le gouvernement se trouvaient à Genève, s'est déclarée disposée à entendre ces personnes en tant que témoins cités par la commission.
  197. 76. Cette proposition ayant été acceptée par les intéressés, la commission a procédé, le 13 avril 1970, à l'audition de MM. Barbatis, Ploumidakis et Prigouris.
  198. 77. Le témoignage de M. Barbatis a porté pour l'essentiel sur le rôle et le fonctionnement du Foyer ouvrier ainsi que sur le système de financement des syndicats. M. Ploumidakis, dans sa déposition, a abordé la question de l'arrestation et de la déportation de syndicalistes, celle de la dissolution des syndicats et de la confiscation de leurs biens, celle des négociations collectives et celle du financement des syndicats; de son côté, M. Prigouris a évoqué la dissolution des syndicats et la confiscation de leurs biens, l'arrestation de syndicalistes, le fonctionnement des syndicats, l'exercice du droit de grève et les déclarations de loyauté.
  199. 78. La commission a terminé, avec ces personnes, l'audition des témoins. Le compte rendu sténographique des séances a été déposé entre les mains du Directeur général du Bureau international du Travail, qui a accepté la suggestion de la commission de déposer des exemplaires de celui-ci à la bibliothèque du Bureau international du Travail.
  200. 79. Le 13 avril 1970, la commission a pris connaissance d'une lettre en date du 11 avril 1970 adressée à son président par le ministre du Travail de Grèce. Dans cette communication, le ministre a réitéré et complété les objections qui avaient été élevées oralement en séance par le représentant du gouvernement hellénique en ce qui concerne l'audition de mine Karra.
  201. 80. La commission a estimé qu'ayant déjà statué sur les objections présentées en séance par le représentant du gouvernement hellénique il n'y avait pas lieu pour elle de revenir sur la question.
  202. 81. La commission a également pris connaissance d'une lettre en date du 30 mai 1970 adressée à son président par le ministre du Travail de Grèce où celui-ci explicite la position de son gouvernement quant à la procédure suivie.
  203. 82. Etant donné la décision du gouvernement de retirer sa collaboration à la commission, celle-ci a décidé de ne pas poursuivre l'examen de la question d'une éventuelle visite en Grèce, qui avait été originairement envisagée.
  204. 83. La commission a consacré sa quatrième session, tenue à Genève du 5 au 14 octobre 1970, à l'élaboration, à l'approbation et à la signature de son rapport final.
  205. CHAPITRE 4
  206. Aperçu de la législation et de la situation syndicale en Grèce au début de l'année 1967
  207. 84. A la veille des événements du mois d'avril 1967, la plus grande partie du mouvement syndical hellénique était groupée au sein de la Confédération générale du travail de Grèce et avait la structure décrite brièvement ci-dessous. Cette structure est d'ailleurs restée pratiquement inchangée depuis lors.
  208. 85. Les syndicats, en Grèce, se répartissaient en deux catégories: les syndicats du premier degré et les syndicats du deuxième degré. En règle générale, les syndicats du premier degré étaient organisés sur une base professionnelle et locale à la fois, les travailleurs d'une même localité et exerçant la même profession se groupant en un seul syndicat. Les syndicats d'entreprise ou les syndicats groupant les travailleurs de professions différentes dans un lieu donné, bien qu'il en existât, étaient plus rares. Sur le plan national, les syndicats du premier degré étaient groupés en fédérations réunissant les syndicats d'une même branche professionnelle. Par ailleurs, les syndicats du premier degré de la même zone géographique étaient, indépendamment de la profession qu'ils représentaient, groupés pour former des centres ouvriers. Tant les fédérations que les centres ouvriers constituaient les syndicats du second degré. Enfin, fédérations professionnelles et centres ouvriers étaient groupés au sein de la Confédération générale du travail de Grèce.
  209. 86. Selon des informations recueillies au cours de la procédure, il existait en Grèce, en juin 1967, 510 000 travailleurs syndiqués; à la même époque, il existait 2 767 syndicats dont 2 637 étaient affiliés à la Confédération générale du travail de Grèce; ces 2 637 syndicats représentaient 480 000 travailleurs; il existait également 130 syndicats non affiliés à la CGTG et groupant 30 000 travailleurs. Le recensement général de la population de mars 1961 indique qu'il y avait à cette époque 1200 000 employés et ouvriers en Grèce, dont 160 000 dans l'agriculture.
  210. 87. Au début de l'année 1967, la situation syndicale en Grèce était caractérisée par une certaine confusion aussi bien en droit qu'en fait.
  211. 88. Les principales lois internes de base qui régissaient l'organisation syndicale étaient à cette époque la Constitution de 1952, la loi no 281 de 1914 sur les associations, la loi no 2151 de 1920 sur les syndicats professionnels et le Code civil. La coordination entre ces textes était d'autant moins facile à réaliser que des textes récents, notamment le décret-loi no 4361 de 1964 et la loi no 4504 de 1966 avaient modifié sur des points importants l'état de droit antérieur. La multiplicité des documents juridiques n'avait pas empêché que, sur le terrain du droit positif, on en était encore à rechercher les solutions qui permettraient aux syndicats de fonctionner normalement en conformité avec les stipulations de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiées par la Grèce.
  212. 89. Sans entrer dans le détail de la législation, il est cependant utile d'en signaler les caractéristiques essentielles.
  213. 90. Le droit d'organisation était garanti par l'article 11 de la Constitution nationale de 1952 qui posait le principe que " Les Hellènes ont le droit de s'associer en observant les lois de l'Etat qui ne peuvent toutefois, en aucun cas, faire dépendre ce droit d'une autorisation préalable du gouvernement. "
  214. 91. Indépendamment de cette proclamation solennelle, de nombreuses lois avaient réglementé de manière détaillée le droit d'organisation syndicale. C'est ainsi que la loi fixait avec précision les règles auxquelles les statuts des syndicats devaient être soumis, sous peine de nullité. Il en était de même pour l'élection des bureaux des syndicats - la disposition la plus remarquable consistait dans la présence, lors de toute élection, d'un représentant judiciaire qui devait veiller au respect des statuts et de la loi.
  215. 92. Des règles précises fixaient également les procédés de gestion et d'administration syndicale. A ce sujet, il convient de signaler particulièrement l'article 69 du Code civil qui prévoit le droit pour le président du tribunal civil de nommer une administration provisoire " si les personnes nécessaires à l'administration de la personne juridique font défaut ou si leurs intérêts sont en conflit avec ceux de la personne juridique ". Cette disposition a reçu de nombreuses applications en ce qui concerne les organisations syndicales.
  216. 93. Quant à la dissolution des syndicats, en dehors de la dissolution volontaire par l'assemblée générale, elle pouvait être prononcée d'office par jugement du tribunal civil, dans plusieurs hypothèses, notamment dans le cas où l'association poursuivait un but différent de celui fixé par les statuts ou bien si le but ou le fonctionnement du syndicat était devenu illicite, ou immoral, ou contraire à l'ordre public.
  217. 94. Une des tâches essentielles des syndicats était la négociation et la signature des conventions collectives. Sur ce point, la législation était assez compliquée. On opérait une distinction entre les conventions générales collectives qui étaient négociées et signées par les organisations d'employeurs les plus représentatives et la Confédération générale du travail de Grèce, laquelle disposait ainsi d'un monopole, les conventions particulières nationales et les conventions particulières locales, négociées et signées par les organisations d'employeurs et de salariés les plus représentatives, et enfin les conventions spéciales négociées et signées par des organisations professionnelles qui n'avaient pas nécessairement le caractère le plus représentatif. Il pouvait être fait appel, en cas de difficulté, à un médiateur désigné par le ministre du Travail. Au cas où une convention collective (ou une sentence arbitrale) était jugée contraire à la politique générale du gouvernement dans les domaines économique ou social ou s'opposant à sa politique sur des points particuliers, les ministres de la Coordination et du Travail pouvaient, après avoir consulté le Conseil consultatif national de politique sociale, modifier tout ou partie de cette convention (ou sentence) ou refuser leur agrément.
  218. 95. En cas de conflits collectifs du travail, la loi prévoyait un arbitrage obligatoire qui comprenait deux instances successives. Une fois engagées les procédures d'arbitrage, toute tentative des parties de provoquer un règlement du différend en leur faveur par un arrêt du travail était interdite pendant une période de quarante-cinq jours ou de soixante si un appel avait été interjeté.
  219. 96. Dans un autre ordre d'idées, la loi prévoyait une protection des cadres syndicaux dont la plus importante était fixée par la loi no 1803 de 1951, complétée par le décret-loi no 4361 de 1964 et la loi no 4504 de 1966. En vertu de ces dispositions, la destitution de certaines catégories de cadres syndicaux ne pouvait intervenir que suivant la procédure prévue par la loi et pour l'un des motifs limitativement mentionnés dans la loi.
  220. 97. Une des questions les plus difficiles, et qui, d'ailleurs, n'avait pas été résolue d'une manière satisfaisante, était posée par le financement des syndicats. Plusieurs textes, y compris des conventions collectives, se sont succédé, dont certains n'ont pas été appliqués alors que d'autres ont été annulés par le Conseil d'Etat. Quoi qu'il en soit, le système en vigueur en 1967 consistait dans le versement par le travailleur de cotisations obligatoires perçues par l'employeur. Celui-ci opérait à la fin de chaque année une retenue égale au salaire journalier minimum d'un travailleur non qualifié et versait les sommes ainsi perçues à un organisme public dénommé le Foyer ouvrier. Les organisations syndicales recevaient de cet organisme des subventions mensuelles et autres dont le montant était fixé par l'administration du Foyer ouvrier après approbation du ministre du Travail. Dans son rapport signé le 14 juillet 1966, la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale concernant la situation syndicale en Grèce estimait " qu'un tel système est susceptible de permettre des abus en ce qu'il donne aux autorités publiques des moyens de pression risquant d'affecter l'autonomie et l'indépendance des organisations de travailleurs ".
  221. 98. D'une manière plus générale, ce même rapport insistait " sur l'importance qu'il y aurait, à l'occasion d'une éventuelle réforme législative - qui permettrait aussi, ce qui serait très souhaitable, de codifier les différents textes traitant des droits syndicaux -, à veiller à ce que les dispositions qui pourraient être promulguées soient en pleine harmonie avec celles des conventions internationales du travail ratifiées par la Grèce en la matière ".
  222. 99. Cette situation de droit a été aggravée par les circonstances de fait qui ont interdit à la Confédération générale du travail de Grèce de remplir son rôle.
  223. 100. L'effet du décret-loi no 4361 de 1964 - ainsi qu'il est expliqué en détail dans le rapport de la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale concernant la situation syndicale en Grèce 8-a été de laisser, à partir du 23 novembre 1964, la CGTG sans administration. Il a donc été nécessaire de faire désigner par l'autorité judiciaire une administration dont la tâche essentielle était de convoquer un congrès panhellénique chargé d'élire une nouvelle administration. Mais, par suite de plusieurs procès sur la désignation des administrations provisoires, qui ont provoqué des changements d'administrateurs, de difficultés matérielles et aussi d'autres raisons, cette situation, à laquelle il aurait dû être mis fin rapidement, s'est prolongée jusqu'à l'été 1966. Ce n'est que le 24 juillet 1966 que le congrès de la CGTG a élu enfin sa nouvelle direction. Ce congrès, d'ailleurs, ne s'est pas passé sans des difficultés sérieuses dont la commission a perçu les échos au cours de l'audition de certains témoins. Les difficultés se sont poursuivies après le congrès puisque la nouvelle administration a prononcé l'exclusion d'un nombre non négligeable de syndicats.
  224. 101. Ce climat troublé explique que, jusqu'au mois d'avril 1967, il n'avait pas été possible, quel qu'ait été le désir de certaines personnalités responsables à ce sujet, de tenir compte des observations de la Commission d'investigation et de conciliation et de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, afin de trouver aux problèmes syndicaux en Grèce des solutions satisfaisantes tenant compte des normes contenues dans les conventions internationales du travail en matière de liberté syndicale.
  225. CHAPITRE 5
  226. OBLIGATIONS INTERNATIONALES ET ETAT D'EXCEPTION
  227. 102. La commission se propose maintenant de passer en revue les divers éléments d'information à sa disposition et sur la base desquels elle entend déterminer dans quelle mesure il y a eu, comme l'allèguent les plaignants, des violations de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiées par la Grèce.
  228. 103. A cette fin, il est apparu, à la lumière de ses travaux, que l'exposé des événements pourrait commodément s'articuler autour de trois grandes périodes: la période allant du 21 avril 1967, date de la révolution, au mois de mai 1968, moment auquel ont été remis en vigueur les articles 10 et 11 de la Constitution de 1952 relatifs aux droits de réunion et d'association qui avaient été suspendus au lendemain du changement de régime; la période allant du mois de mai 1968 à la fin de cette même année, marquée par l'adoption de la nouvelle Constitution de 1968 et par la mise en vigueur, pour les membres des organisations professionnelles reconnues, des articles 18 et 19 également relatifs aux droits de réunion et d'association; enfin, la période actuelle caractérisée notamment par l'existence d'une nouvelle législation en matière syndicale revêtant un caractère permanent. Certes, les périodes mentionnées ci-dessus ne sauraient être considérées comme strictement cloisonnées; certains des faits qui ont caractérisé une période donnée se sont parfois reproduits dans d'autres, certaines mesures prises dans la période initiale ont continué à avoir des effets durables dans les autres, certains points communs, enfin, se retrouvent dans les trois périodes.
  229. 104. Avant de procéder à la description des événements, la commission estime qu'il serait approprié d'examiner l'importante question de droit international implicitement soulevée dans l'argumentation présentée par le gouvernement de la Grèce. On se rendra compte, au vu de l'argumentation présentée par le gouvernement telle qu'elle est décrite au chapitre 2 du présent rapport, que les arguments avancés revêtent un double caractère. En premier lieu, il est nié que les mesures contre lesquelles les plaignants se sont érigés aient été prises ou, si elles l'ont été, qu'elles aient constitué des violations des conventions. Cet aspect sera plus commodément examiné après la description des événements. En second lieu, le gouvernement prétend qu'il était dispensé de l'obligation de respecter les conventions du fait de l'état d'exception qui a conduit à la proclamation de la loi sur l'état de siège en avril 1967. Cette position soulève une question de droit international que la commission se propose d'examiner maintenant.
  230. 105. Le représentant du gouvernement a présenté son argumentation de la manière suivante: bien qu'elle eût ratifié la convention no 87 le 30 mars 1962 et, " notamment ait assumé l'obligation stipulée à l'article 8 de la convention no 87, de veiller à ce que sa législation ne porte pas atteinte aux garanties prévues par la convention, la Grèce ne s'était pas engagée à rapporter l'article 91 de la Constitution de 1952 relatif à l'état d'exception. Les conventions n'exigent pas - et ne peuvent pas exiger - l'abrogation de ces dispositions, qui sont communes à toutes les constitutions nationales. L'état d'exception est, en droit public, une notion aussi fermement établie que l'est, en droit privé, le cas de force majeure... Si l'on admet que la Constitution prévaut sur la loi et que le gouvernement est seul juge des circonstances qui ont rendu nécessaire la proclamation de l'état d'exception, il est évident que les garanties prévues par les conventions n'étaient pas intangibles et que leur suspension, aussi regrettable qu'elle fût, n'avait pourtant rien d'arbitraire. "
  231. 106. L'argument rapporté dans le paragraphe précédent se base sur les deux points qui y sont avancés: le premier étant que " la loi " (que la commission présume être la loi sur l'état de siège) doit se conformer à la Constitution; le second étant que, s'il existe une telle conformité, le gouvernement est " le seul juge de la nécessité de proclamer l'état d'exception ". Ces deux affirmations sont distinctes.
  232. 107. En ce qui concerne la première, le gouvernement n'a pas prétendu que la proclamation de la loi sur l'état de siège était strictement conforme au texte de la Constitution. Il a admis que deux exigences constitutionnelles, conditions à la validité de la proclamation de l'état de siège, n'avaient pas été respectées. " Ce sont deux omissions, a déclaré à la commission le représentant des ministres du Travail et de la Justice, qui, sur le plan juridique, révèlent l'établissement d'une nouvelle autorité qui a institué un régime révolutionnaire et créé une nouvelle situation juridique dépassant le cadre constitutionnel normal. "
  233. 108. La commission, toutefois, n'estime pas nécessaire d'examiner la validité constitutionnelle des actes du gouvernement. Elle comprend parfaitement l'argument selon lequel la conformité avec la Constitution rendrait, au regard de la loi grecque, le gouvernement seul juge de la nécessité de proclamer l'état d'exception. Il n'en va pas de même en droit international. La commission est d'avis qu'un principe établi du droit international veut qu'un Etat ne puisse invoquer la teneur de sa législation nationale, ni s'appuyer d'une autre manière sur le concept de souveraineté nationale, aux fins de justifier le non-accomplissement d'une obligation internationale. Tout doute relatif à l'étendue d'une telle obligation doit être résolu en se référant exclusivement aux principes pertinents du droit international, que les parties à un traité en soient expressément convenues, ou que cette obligation découle d'une autre source du droit international, en particulier la coutume internationale et les principes généraux du droit.
  234. 109. Les dispositions du droit international applicables au présent cas sont contenues dans les conventions nos 87 et 98, l'une et l'autre ratifiées par la Grèce. Aucune de ces conventions ne renferme une disposition offrant la possibilité d'invoquer l'excuse d'un état d'exception pour motiver une dérogation aux obligations découlant des conventions aux termes de celles-ci.
  235. 110. La place qui revient, dans la coutume internationale, aux excuses fondées sur l'état d'exception ou la nécessité peut être considérée comme correspondant pour l'essentiel, dans le cadre particulier de la communauté internationale, à celle qui est assignée dans les systèmes de droit nationaux aux excuses de force majeure et de légitime défense. L'excuse fondée sur la force majeure exige en général la manifestation d'une force irrésistible engendrée par les circonstances. Quant à l'excuse de légitime défense, elle suppose à la fois l'existence d'un danger imminent et celle d'un rapport entre celui-ci et les mesures adoptées pour s'en défendre, lesquelles doivent être proportionnées à celui-ci. Le principe général de droit découlant de la pratique nationale comme de la coutume internationale est fondé sur la présomption que le non-accomplissement d'une obligation juridique ne peut être justifié que là où il y a impossibilité de procéder par toute autre méthode que celle qui est contraire à la loi. Il convient également de souligner que l'action dont la justification est recherchée en invoquant l'excuse est limitée, à la fois dans son étendue et dans sa durée, à ce qui est nécessaire dans l'immédiat.
  236. 111. Il y a lieu d'examiner un autre aspect de la question: tous les principaux systèmes juridiques acceptent d'une manière ou d'une autre le principe selon lequel les excuses tendant à obtenir une justification en invoquant des motifs tels que la légitime défense sont soumises à un examen juridique. Si une excuse fondée sur l'état d'exception doit être traitée en droit international comme un concept juridique, il doit y avoir de même appréciation de la part d'une autorité impartiale au niveau international. C'est pour cette raison que les tribunaux internationaux et les organes de contrôle, lorsqu'ils ont été saisis d'une telle excuse, se sont invariablement prononcés en toute indépendance sur le point de savoir si les circonstances justifiaient la demande et se sont refusés à laisser l'Etat intéressé être seul juge en la matière.
  237. 112. En ce qui concerne l'ensemble de la question des circonstances qui sont censées constituer un état d'exception, la commission a reçu des renseignements insuffisants du gouvernement de la Grèce, qui a adopté le point de vue selon lequel il s'agissait là d'un problème devant être résolu uniquement par lui et non par un tribunal quel qu'il soit. L'examen par la commission des dépositions et des informations relatives aux événements de 1967 n'a fait ressortir aucun élément de nature à permettre à celle-ci de conclure qu'il existait en Grèce, en avril 1967, un état d'exception ou des conditions exceptionnelles telles qu'elles puissent justifier une non observation temporaire des conventions. La commission rejette en conséquence l'excuse du gouvernement selon laquelle celui-ci était fondé à des dérogations à l'observation des conventions dans les circonstances prévalant en Grèce en avril 1967.
  238. CHAPITRE 6
  239. PREMIERE PERIODE (21 avril 1967 à mai 1968)
  240. 113. En ce qui concerne la première période, la commission a procédé, sous les cinq premières rubriques groupant les motifs de plaintes, à un examen d'ensemble des mesures adoptées par le gouvernement révolutionnaire ayant affecté le syndicalisme. On se rappellera que ces rubriques sont les suivantes:
  241. 1. Dissolution de syndicats et confiscation de leurs biens. 2. Déportation et emprisonnement de syndicalistes. 3. Arrestations et interrogatoires de syndicalistes par les autorités. 4. Destitution de cadres syndicaux par les autorités. 5. Intervention des autorités dans les affaires syndicales.
  242. 114. Bien que la commission n'ait pas à se préoccuper de la validité, d'après les lois grecques, des mesures prises, il est nécessaire, afin de décrire la nature desdites mesures, de se référer aux lois en question qui sont, d'une part, la loi ordinaire, d'autre part, la loi sur l'état de siège. Il est possible, en vertu de la loi ordinaire, de déporter par décision d'un comité administratif les personnes soupçonnées d'actes constituant une menace à l'ordre et à la sécurité publics. Cette possibilité, dans sa forme actuelle, a existé de façon permanente depuis 1931 et a été fréquemment utilisée en particulier à l'encontre de communistes présumés, le Parti communiste de Grèce ayant été mis hors la loi en 1947. En outre, en vertu de la loi d'urgence no 509/1947, les tribunaux militaires étaient habilités à prononcer des sentences d'emprisonnement ou de déportation pour des délits en rapport avec la sécurité de l'Etat.
  243. 115. En ce qui concerne les première et troisième rubriques, la loi de 1912 sur l'état de siège, en vertu de son article 9, prévoyait, en particulier, l'interdiction ou la dissolution par l'autorité militaire de toute réunion ou de toute association et l'arrestation sans respecter les formalités prévues par la Constitution. En ce qui concerne la quatrième rubrique, bien qu'il n'existe pas d'habilitation expresse de destituer ou de nommer des dirigeants d'associations, il n'existait, en vertu de l'article 9 de la loi sur l'état de siège - selon le gouvernement grec -, aucune limite légale à ce que pouvait faire l'autorité militaire en période d'état de siège, cet article n'étant qu'une illustration des pouvoirs à elle conférés. Le gouvernement pouvait donc également invoquer cet article pour justifier ses activités sous la cinquième rubrique, à savoir l'obtention de démissions de dirigeants syndicaux, les ingérences dans les élections syndicales et, d'une manière générale, les interventions des autorités dans les questions syndicales.
  244. 116. Durant la période considérée, la commission s'est également livrée à l'examen de témoignages ayant trait à deux autres motifs de plaintes, à savoir la création de nouveaux syndicats et le droit de grève. Ces plaintes sont passées en revue dans le présent chapitre à la suite des cinq autres rubriques mentionnées ci-dessus.
  245. Dissolution de syndicats et confiscation de leurs biens
  246. 117. En 1968, le délégué du gouvernement de la Grèce a informé la Commission de vérification des pouvoirs de la 52ème session de la Conférence internationale du Travail de la dissolution par décret administratif, au mois de juin 1967, de deux cent quatre-vingts organisations de différentes catégories, dont quelque cent quarante-six syndicats. Quatre proclamations principales publiées en 1967 ordonnaient la dissolution de syndicats nommément désignés. Ces proclamations signées par des commandants militaires et publiées, était-il affirmé, en application de la loi de 1912 sur l'état de siège prescrivaient la dissolution d'un certain nombre d'organisations - dont divers syndicats - figurant sur une liste, ainsi que la confiscation de leurs avoirs et de leurs dépôts en banque. Sur la base des renseignements et des témoignages qu'elle a recueillis, la commission a acquis la conviction que le nombre total de syndicats dissous était de l'ordre de deux cent cinquante. Le nombre exact n'est pas d'une importance majeure étant donné que, quel que fût le chiffre retenu, celui-ci devait être comparé au nombre total des syndicats qui, à l'époque, était en Grèce de plus de deux mille cinq cents.
  247. 118. Il convient de ne pas perdre de vue, d'autre part, que bon nombre de syndicats de ce pays comptaient des effectifs extrêmement réduits; la commission, toutefois, n'est pas en mesure d'apprécier l'importance numérique moyenne des syndicats dissous; elle ne peut que constater qu'on relevait sur les listes des syndicats dissous le nom d'au moins trois organisations importantes, à savoir la Fédération des comptables, l'Association des employés de commerce d'Athènes et le Syndicat des travailleurs de la Compagnie d'électricité d'Athènes et du Pirée.
  248. 119. Les seules informations fournies par les proclamations mentionnées ci-dessus portaient sur les noms des organisations dissoutes et les termes de l'arrêté, tels qu'ils ont été résumés sommairement plus haut. Pour adopter un arrêté de ce genre, il n'était pas nécessaire de procéder au préalable à une enquête ou à l'audition de témoins. La décision était laissée complètement à la discrétion des commandants militaires. On ne disposait d'aucun document mentionnant les éléments sur lesquels ceux-ci s'étaient fondés pour prendre leur décision ou les raisons qui l'avaient motivée. Le représentant des ministres du Travail et de la Justice a émis l'hypothèse (bien qu'il n'ait pas prétendu en savoir davantage que quiconque) que les organisations qui, de l'avis de l'autorité militaire, se vouaient entièrement à des activités orientées vers des buts non syndicaux seraient dissoutes; en ce qui concerne celles dont un petit nombre, voire la totalité, des dirigeants étaient fautifs, les mesures se seraient limitées à destituer ceux-ci de leurs fonctions.
  249. 120. Se fondant sur les dépositions qu'elle a recueillies, la commission a estimé probable que, dans la plupart des syndicats dissous, les membres dirigeants se livraient à une activité politique et étaient dans une certaine mesure communistes. C'est ainsi que le président de la Fédération des comptables était un homme qui, selon le gouvernement, avait été déporté comme communiste en 1947, puis de nouveau en 1949; toujours selon le gouvernement, le secrétaire (de cette même organisation) avait été, déporté ou emprisonné pour activités communistes en 1948, 1953 et 1960 et détenait, disait-on, un poste au sein du Parti communiste de Grèce (KKE); Mme Karra, entendue comme témoin, était membre du bureau exécutif de cette fédération et, après avoir entendu et pesé son témoignage, la commission a acquis la conviction que le témoin avait tout au moins des sympathies communistes; M. Bacatselos, ancien ministre du Travail, citait ce syndicat comme exemple de ce que l'on pourrait appeler un syndicat communiste. Néanmoins, en l'absence de renseignements détaillés fournis par le gouvernement, la commission ne s'est pas montrée disposée à conclure que tous les syndicats dissous avaient une position aussi à gauche que celui-ci; elle a considéré qu'il était probable que l'autorité militaire n'opérait pas toujours des distinctions entre les nuances d'opinions de gauche. Un témoin syndicaliste, qui a déclaré à la commission que certains syndicats tenaient des réunions poursuivant des buts autres que des buts professionnels, a donné comme exemple des sujets abordés la désapprobation de la politique étrangère de la Grèce et d'autres nations, l'utilisation de l'action syndicale pour protester contre cette politique et pour protester contre les changements intervenus dans le gouvernement national.
  250. 121. A ce stade, la commission tient à marquer qu'elle n'entend se prononcer en aucune façon sur le caractère, approprié ou non, d'une activité politique dans les syndicats. Elle s'est bornée à enregistrer les preuves nécessaires pour évaluer l'affirmation du gouvernement selon laquelle celui-ci avait affaire à des organisations communistes. La commission rappelle que le Parti communiste grec a été dissous en 1947 et que les sympathisants ont rejoint diverses organisations, dont l'EDA était la plus notable.
  251. 122. Il a également été pris note du fait qu'avant 1967 la CGTG ainsi qu'un certain nombre de centres ouvriers qui y étaient affiliés avaient exclu un certain nombre de syndicats pour activités étrangères à leurs statuts. La commission a estimé probable que ces activités étaient principalement des activités politiques rentrant dans la catégorie déjà évoquée. Un certain nombre de syndicats exclus s'étaient regroupés au sein d'autres fédérations telles que le Mouvement syndical démocratique, dont le siège au Pirée avait été saisi par l'autorité militaire en avril 1967 et, dit-on, détruit. La CGTG avait néanmoins continué à représenter la grande masse des syndicats grecs. Il est à noter que le comité exécutif de la CGTG a exprimé publiquement son appui au gouvernement révolutionnaire.
  252. 123. On aura noté que les proclamations mentionnées ci-dessus prévoyaient la saisie du patrimoine des associations dissoutes. Il ne fait aucun doute que les avoirs en capitaux des syndicats dissous ont passé aux mains du gouvernement et que, dans le cas de certains syndicats, ces avoirs avaient une valeur appréciable. Leur affectation ultérieure a prêté toutefois à controverse. Les plaignants ont allégué que le gouvernement les avait confisqués pour les utiliser à ses fins propres, alors que celui-ci a déclaré qu'ils seraient dévolus à de nouvelles organisations ayant remplacé les anciennes ou, en tout cas, destinés de manière générale à une utilisation syndicale. En vertu de l'article 106 du Code civil grec (loi no 2250/1940), les biens d'une organisation dissoute ne peuvent être répartis entre les membres de celle-ci. En cas de dissolution, volontaire ou forcée, le successeur entrant en possession des avoirs de l'organisation dissoute - qu'il s'agisse d'une autre organisation ou de l'Etat - se trouverait dans l'obligation légale (art. 77 du Code civil) de viser les mêmes objectifs que l'organisation dissoute. C'est seulement dans le cas où ces objectifs présentent un caractère politique ou communiste que l'Etat a le droit d'affecter les biens en question à un autre usage. Le représentant des ministres du Travail et de la Justice a informé la commission que le procureur général de la Cour suprême avait indiqué en 1968 qu'il n'existait aucune disposition légale relative à la dévolution des avoirs des syndicats dissous en application de la législation d'exception.
  253. 124. De toute façon, la commission n'a recueilli aucune preuve d'une dévolution des avoirs confisqués au cours de la période considérée. La commission a, d'autre part, examiné la législation promulguée ultérieurement ainsi que de nouveaux témoignages portant sur la répartition des biens confisqués provenant de syndicats dissous, sujet qui sera abordé à l'occasion de l'examen des deuxième et troisième périodes (chap. 7 et 8 du présent rapport).
  254. Déportation et emprisonnement de syndicalistes
  255. 125. Les plaignants ont allégué que mille cinq cents syndicalistes avaient été déportés par le gouvernement révolutionnaire et, au cours des auditions, il a été fourni des informations à la commission selon lesquelles deux cent vingt à deux cent cinquante personnes, dont la plupart étaient des syndicalistes militants, se trouvaient toujours en exil. Le gouvernement a admis que cent vingt-deux syndicalistes se trouvaient en détention en indiquant toutefois que nul n'avait été déporté ou emprisonné en raison de son activité syndicale.
  256. 126. La commission a considéré qu'il était difficile de déterminer le nombre exact des syndicalistes déportés ou emprisonnés; il lui a paru cependant que, de toute manière, ce nombre représentait une faible proportion de l'effectif syndical de l'ensemble du pays. Il est difficile également d'établir dans quelle mesure les personnes en question s'acquittaient de fonctions de responsabilité dans le mouvement syndical et jusqu'à quel point elles étaient simultanément engagées dans des activités politiques ou autres de nature à les exposer à des poursuites en vertu de la législation ordinaire. Le manque d'informations en provenance du gouvernement à cet égard n'avait d'égal que l'absence de renseignements détaillés fournis par les plaignants. La commission n'a en effet pris connaissance d'aucun fait précis indiquant qu'un syndicaliste eût été désigné pour être déporté ou emprisonné, simplement en raison de son activité syndicale, ou confirmant l'allégation selon laquelle le but du gouvernement révolutionnaire aurait été de supprimer l'activité syndicale indépendante en tant que telle. Ainsi, un certain nombre de grèves importantes avaient eu lieu en Grèce au cours de la décennie précédant l'année 1967 et aucune preuve n'a été apportée quant à la présence parmi les déportés de personnes ayant pris la tête de tels mouvements. En fait, la commission a recueilli certaines dépositions tendant à prouver le contraire. L'un des témoins, M. Dimitrakopoulos, ancien secrétaire général de la Fédération des cheminots, a déclaré devant la commission qu'il avait, en cette qualité, organisé des grèves sur l'ensemble du territoire en septembre 1963, janvier 1965 et juillet 1966. Dans les deux derniers cas, ces grèves avaient duré longtemps et le trafic ferroviaire avait été assuré par l'armée. Il a affirmé qu'il n'avait été inquiété en aucune façon après la révolution du fait de ces activités.
  257. 127. En réponse à une invitation faite aux plaignants par la commission de fournir - à l'appui de l'affirmation selon laquelle des syndicalistes étaient détenus uniquement en raison de leurs activités syndicales - tous détails concernant les personnes détenues, la commission a reçu communication d'une liste de vingt-huit noms, avec indication des postes syndicaux occupés par chacune des personnes y figurant. La commission ayant alors invité le gouvernement à présenter ses observations au sujet de cette liste, celui-ci lui a immédiatement fourni des extraits des archives des services grecs de la sûreté relatifs à treize de ces personnes: A. Arkas, S. Aronis, H. Galanopoulos, A. Dimakos, S. Diavolakis, A. Kalafatis, I. Kalomenidis, A. Karamberis, L. Maragoudakis, E. Bantourakis, S. Papaioannou, P. Tzametatos et Th. Ipsilantis. Toutes ces personnes, sauf M. Diavolakis, avaient été condamnées à la prison ou déportées, sous des régimes antérieurs, certaines à plusieurs reprises, en raison de leurs activités communistes. En ce qui concerne M. Diavolakis, les fiches de police indiquent qu'il ne serait devenu communiste qu'en 1957, qu'il aurait depuis déployé des activités communistes et, sous couvert de fonctions syndicales, aurait incité les travailleurs à déployer des activités subversives. Le gouvernement a fait parvenir ultérieurement des informations à la commission concernant sept autres personnes: P. Galatis, D. Kremidas, D. Karmiris, I. Panagiotopoulos, D. Venetsanopoulos, S. Zamanos et E. Katsouridou. Ces sept personnes auraient déployé des activités visant à renverser le régime par la force en utilisant à cette fin leur situation syndicale et se seraient livrées à de la propagande communiste ou subversive; Mme Venetsanopoulos aurait également été précédemment condamnée à la prison, sous l'accusation d'avoir, avec son mari, assassiné un ancien ministre. En ce qui concerne les huit autres syndicalistes, le gouvernement a affirmé que l'un d'entre eux (Triantafilos Karageorghiou) avait été arrêté en vertu de la loi no 509/1947 pour activités subversives et maintenu par ordre en détention préventive. Quatre autres (M. Dimogerontakis, G. Alevizakis, A. Papayannakis et S. Kypriotou) avaient été arrêtés en raison de prétendues activités subversives, traduits devant un juge du tribunal militaire et ont fait par la suite l'objet d'un non-lieu. Quant aux trois dernières personnes (A. Mastoras, N. Panayiotopoulos et V. Zografou), elles avaient été " simplement soumises à un interrogatoire de police pour avoir participé à des activités antinationales et ultérieurement remises en liberté ".
  258. 128. La commission a également entendu de nombreux témoignages au sujet de Mme Katsouridou, laquelle se trouvait au nombre des personnes déportées accusées d'être impliquées dans des activités communistes. L'intéressée était présidente de l'Association des téléphonistes, qui était l'un des quelque dix syndicats d'employés du réseau national de télécommunications. Le syndicat de Mme Katsouridou n'était pas au nombre des organisations dissoutes. La commission a estimé que s'il était possible que ses sympathies fussent allées à la gauche, le seul témoignage relatif à ses activités qu'elle ait recueilli indiquait qu'elle était favorable à l'organisation de grèves en vue d'exercer une pression sur le gouvernement et qu'elle avait en fait entraîné son syndicat dans une grève à titre de manifestation contre la chute du gouvernement de M. Papandreou.
  259. 129. La déportation de M. Alevras a constitué l'un des autres cas particuliers au sujet duquel la commission a entendu des témoins. M. Alevras ne figurait pas sur la liste mentionnée ci-dessus. L'intéressé avait été président du Syndicat des employés de banque et membre du Parti de l'Union du centre. Au dire de M. Bacatselos, ancien ministre du Travail, et de M. Mavridis, les opinions politiques de cette personne étaient loin d'être extrémistes. Malheureusement, par suite du retrait de la collaboration à laquelle le gouvernement de la Grèce s'était prêté à l'origine, la commission n'a pas été à même d'inviter celui-ci à présenter ses observations sur ce cas.
  260. Arrestations et interrogatoires de syndicalistes
  261. 130. On affirme, sans que cette assertion soit sérieusement démentie par le gouvernement de la Grèce, qu'à la suite du coup d'état d'avril 1967 un grand nombre de personnes ont été arrêtées et questionnées par la police et plusieurs détenues pendant un certain temps avant d'être relâchées, parmi lesquelles on comptait des syndicalistes. Nous avons déjà cité plus haut le cas de militants syndicaux remis en liberté après un simple interrogatoire. Un autre cas d'espèce est celui de M lannopoulos, lequel a affirmé dans sa déposition avoir été conduit au siège de la police à Athènes et soumis à des pressions par des policiers afin de l'amener à signer une déclaration selon laquelle il s'engageait à renoncer à participer désormais à des activités syndicales.
  262. 131. Il ne semble pas que, dans ce cas comme dans ceux au sujet desquels la commission a recueilli des témoignages, les interrogatoires de personnes aient visé à établir le degré d'activité syndicale de celles-ci; ils avaient plutôt tendu à évaluer les possibilités d'opposition politique effective impliquées par le maintien en liberté des personnes interrogées.
  263. Destitution de cadres syndicaux par les autorités
  264. 132. Au cours de ses travaux, la commission a recueilli des dépositions ayant trait à la destitution de dirigeants syndicaux effectuée par l'autorité militaire durant la période considérée. Sur ce point, M. Buiter, secrétaire général de la CISL, M. Hadjiandreou, M lannopoulos et M. Mavridis ont cité à titre d'exemples un certain nombre de cas d'espèce. D'autre part, M. Mavridis a également remis à la commission la copie de plusieurs des arrêtés pris par l'autorité militaire. Des copies d'arrêtés du même genre ont été également communiquées à celle-ci par M. Bacatselos, ancien ministre du Travail, comme exemples du type de mesures auxquelles recouraient les autorités pour chasser les dirigeants syndicaux de leurs postes et pour y nommer parfois leurs successeurs. On en trouvera ci-après un résumé sommaire:
  265. a) arrêté en date du 21 avril 1967, signé par le commandant militaire d'Evros, concernant la destitution, pour raisons graves ayant trait à la sauvegarde de l'ordre public et de l'intérêt public, d'un membre des services administratifs du Centre ouvrier d'Evros;
  266. b) arrêté en date du 21 juillet 1967, signé par le commandant militaire, concernant la dissolution du comité exécutif du Centre ouvrier d'Imathias et la nomination d'un comité exécutif provisoire;
  267. c) arrêté en date du 27 juillet 1967, adressé par le commandement militaire d'Athènes au siège de la police du Pirée, révoquant les membres du comité exécutif de la Fédération panhellénique des équipages de remorqueurs et de bateaux de sauvetage;
  268. d) arrêté en date du 27 octobre 1967, notifié par le commandement militaire d'Athènes au président du tribunal de première instance du Pirée, approuvant la nomination de personnes expressément désignées au comité exécutif de la Fédération panhellénique du personnel des compagnies pétrolières et des raffineries de pétrole, à la suite de la destitution de l'ancien comité exécutif;
  269. e) arrêté en date du 2 novembre 1967, notifié par le commandement militaire d'Athènes au président du tribunal de première instance du Pirée, approuvant la nomination de personnes expressément désignées au comité exécutif de la Fédération panhellénique des cheminots, à la suite de la destitution de l'ancien comité exécutif;
  270. f) arrêté en date du 23 janvier 1968, signé par le commandement militaire d'Athènes, révoquant les membres du comité exécutif de la Fédération des travailleurs de la presse et de l'industrie du papier.
  271. Ces arrêtés indiquaient en général que la mesure à intervenir était prise en vertu de la loi de 1912 sur l'état de siège. M. Bacatselos a en outre informé la commission qu'il avait connu personnellement un bon nombre des syndicalistes touchés par ces mesures et qu'à son avis il ne s'agissait pas de communistes.
  272. Intervention des autorités dans les affaires syndicales
  273. 133. Tant les plaintes que les dépositions examinées par la commission ont fait état d'actes d'ingérence des autorités dans les affaires syndicales. Ces actes consistaient en pressions exercées sur des cadres syndicaux pour les amener à renoncer à leurs fonctions et en intervention dans l'organisation de réunions syndicales et dans la discussion des points inscrits à l'ordre du jour de celles-ci; cette immixtion s'étendait à la rédaction des statuts ainsi qu'à l'élection des cadres syndicaux.
  274. 134. Plusieurs témoins ont cité des exemples précis de personnes contraintes sous la menace à démissionner de leurs fonctions syndicales. Parmi elles figuraient des personnalités du mouvement syndical aussi marquantes que le président de la Fédé ration des ouvriers boulangers, le président de la Fédération des travailleurs des minoteries et de l'industrie des pâtes alimentaires, le président de la Fédération des acteurs, le président du Syndicat des employés du gaz et le secrétaire général de la Fédération des travailleurs des industries céramiques, lequel, était-il précisé, avait également été membre du bureau exécutif de la Confédération générale du travail de Grèce. Les témoignages formulés à ce sujet n'ont pas été réfutés par le gouvernement de la Grèce.
  275. 135. Pour ce qui est des interventions dans des réunions syndicales, des témoins ont indiqué à la commission que la police devait être informée à l'avance de l'organisation de toute réunion syndicale en vue de l'octroi de l'autorisation nécessaire. Sur ce point, la commission a également recueilli un témoignage selon lequel un département de la police de sûreté, dirigé par un commissaire du nom d'Angelopoulos, surveillait étroitement l'activité des syndicats, cet officier de police assistant en personne à des réunions et exerçant une influence sur les décisions qui y étaient adoptées. Le même témoin signalait la présence aux réunions tenues au siège des syndicats d'Athènes d'un autre policier du nom de Bougalis, si bien qu'aucune décision ne pouvait y être prise librement. D'autre part, d'autres témoins ont déclaré à la commission que la notification exigée par la police préalablement à la convocation d'une réunion - pratique qui en fait était observée de longue date -avait pour but de permettre de faire face à des désordres éventuels. Ces témoins ont affirmé que la police demeurait à l'extérieur de l'immeuble abritant la réunion et n'intervenait en aucune manière dans le déroulement de celle-ci. Aucun changement, ont-ils précisé, n'était intervenu dans cette façon de faire, même depuis la révolution.
  276. 136. Un autre témoin, M. Galatis, ex-secrétaire général provisoire de la Confédération générale du travail de Grèce, a exposé comment il avait, en juillet 1967, convoqué des délégués de toutes les régions du pays à un congrès de la Fédération panhellénique des ouvriers métallurgistes et a fait remarquer que les travaux de ce congrès avaient été exempts de toute difficulté ou ingérence. Il avait notifié au préalable la convocation de celui-ci à la police et avait été informé qu'il n'y avait pas d'objection à ce qu'il se réunît. A ce sujet, le représentant des ministres du Travail et de la Justice a déclaré que la suspension des articles 10 et 11 de la Constitution de 1952 ne voulait pas dire que les syndicats ne pouvaient pas continuer à tenir des réunions: elle signifiait simplement que l'autorité militaire avait le pouvoir d'intervenir dans les affaires syndicales à tel ou tel moment si elle le jugeait nécessaire.
  277. 137. La commission a pris note du fait que la plainte selon laquelle les statuts des nouveaux syndicats devaient obligatoirement être rédigés par le conseiller juridique de la Confédération générale du travail de Grèce n'avait été corroborée par aucune preuve.
  278. 138. En ce qui concerne d'autre part l'ingérence des autorités dans l'élection de cadres syndicaux - allégation formulée au cours des dépositions -, la commission a recueilli des témoignages indiquant qu'aucune élection ne pouvait avoir lieu à moins que les autorités n'eussent au préalable vérifié et approuvé les noms des candidats. Cette allégation a été corroborée par M. Bacatselos, ex-ministre du Travail, lequel a déclaré que les listes de candidats à des fonctions syndicales étaient toutes soumises à un examen en vue de s'assurer qu'aucune personne y figurant n'était hostile au gouvernement. Le nom de toute personne pouvant ne pas être favorable à celui-ci était rayé. A ce sujet, M. Mavridis, entendu comme témoin, a fourni une liste de syndicats dont les représentants avaient été convoqués par la police et invités à supprimer le nom de certains candidats avant le scrutin. D'autre part, M. Bacatselos, à l'appui de ses affirmations, a également remis à la commission la copie d'un arrêté du 11 décembre 1967 notifié par la police de Magnesia au Centre ouvrier de Volos, invitant celui-ci à organiser des élections en vue de désigner le comité exécutif du Syndicat des travailleurs de la fabrique de ciment Olympos. Ce document indiquait également les noms des personnes à élire aux différents postes et demandait que les résultats du scrutin fussent communiqués à l'autorité militaire. M. Campanellis, secrétaire général par intérim de la CGTG, a déclaré à ce sujet que le Centre ouvrier de Volos avait fait appel à sa propre organisation, la Fédération des travailleurs des sociétés d'énergie électrique, en lui demandant de l'aider à faire cesser une telle ingérence. Le représentant des ministres du Travail et de la Justice a soutenu que, selon des renseignements qui lui étaient parvenus, les membres des syndicats en question n'avaient pas été en l'occurrence à la dévotion des autorités et avaient en fait donné leurs voix à des personnes autres que celles dont le nom figurait sur la liste que leur avait remise la police.
  279. Création de nouveaux syndicats
  280. 139. La commission n'a recueilli aucun témoignage venant corroborer la plainte selon laquelle la création de nouvelles organisations syndicales était interdite depuis le 21 avril 1967.
  281. 140. Le gouvernement a déclaré dans une communication en date du 14 janvier 1969 que cinq organisations professionnelles du second degré et cent cinquante-six autres du premier degré avaient été créées. Le témoin Campanellis, secrétaire général par intérim de la CGTG, a remis à la commission une liste dont il ressortait que quatre-vingt-onze organisations syndicales avaient été reconstituées ou nouvellement fondées entre le 21 avril 1967 et le 23 septembre 1969. La liste en question avait été dressée d'après les syndicats affiliés à la CGTG. Dans une communication adressée ultérieurement à la commission en date du 25 septembre 1969, le gouvernement a indiqué que, depuis le 21 avril 1967, neuf fédérations, trois centres ouvriers et soixante-dix organisations du premier degré avaient été créés dans le district d'Athènes et quatorze organisations du premier degré dans celui du Pirée. Dans une autre communication transmise à la commission le 18 février 1970, le gouvernement a déclaré que deux mille neuf cent soixante-six organisations syndicales fonctionnaient librement en Grèce, chiffre qui, a fait remarquer le représentant du gouvernement de la Grèce, devait être comparé aux deux mille sept cent soixante-sept organisations syndicales en existence à la date du 21 avril 1967.
  282. 141. La commission a eu à examiner si ces nouvelles organisations professionnelles avaient été créées à la suite d'une initiative spontanée de la base, sans ingérence du gouvernement. Le gouvernement a soutenu qu'il n'y avait eu aucune intervention de la police dans ce domaine. Néanmoins, la commission a reçu un élément de preuve sous la forme d'une copie d'un arrêté du commandant militaire d'Athènes adressé au président du tribunal de première instance de cette ville accordant l'autorisation de créer un syndicat appelé Centre ouvrier d'Eleusis et approuvant les noms des personnes qui en formeraient le comité exécutif provisoire.
  283. Le droit de grève
  284. 142. Les plaignants avaient allégué que le droit de grève était absolument prohibé depuis la suspension, intervenue le 21 avril 1967, de plusieurs articles de la Constitution de 1952. Le gouvernement a répliqué que ce droit n'avait jamais été aboli dans la pratique, alors même qu'il avait été formellement rétabli avec l'entrée en vigueur de l'article 19 de la Constitution de 1968. Le représentant des ministres du Travail et de la Justice a indiqué à la commission que, si aucune disposition constitutionnelle ne reconnaissait expressément le droit de grève, celui-ci avait été implicitement admis par la législation et que les tribunaux en avaient depuis bien des années assuré le maintien. Dans son témoignage, le secrétaire général par intérim de la CGTG a expliqué qu'il était impossible de faire grève alors que les droits garantis par la Constitution étaient suspendus. La commission a noté qu'en pratique il n'y a è eu aucune grève pendant cette période.
  285. CHAPITRE 7
  286. DEUXIEME PERIODE (mai 1968-décembre 1968)
  287. 143. Cette période correspond aux événements qui se sont produits entre le rétablissement des articles 10 et 11 de la Constitution de 1952 relatifs à la liberté de réunion et au droit d'association, et la mise en vigueur, à la fin de 1968, de certains articles de la nouvelle Constitution - les articles 18 et 19 notamment - lesquels, en ce qui concerne les membres d'organisations syndicales reconnues, sont venus remplacer les articles 10 et 11 de la Constitution précédente. Les articles 10 et 11 ont été rétablis en vertu du décret royal no 369, promulgué le 29 mai 1968. L'article 10 a été rétabli dans la mesure où il visait l'exercice du droit de réunion par les membres d'organisations professionnelles en vue de la réalisation de leurs objectifs. L'article 11 a été de même remis en vigueur, pour autant que le droit de réunion fût exercé pour atteindre des buts professionnels. Le gouvernement de la Grèce soutient que depuis le rétablissement de ces garanties constitutionnelles les syndicats avaient de nouveau la possibilité de fonctionner en toute liberté.
  288. 144. Le 21 septembre 1968, le gouvernement a promulgué le décret royal no 667 codifiant la législation sur les syndicats précédemment en vigueur sans introduire de modifications majeures dans les dispositions législatives telles qu'elles existaient à la date du 21 avril 1967.
  289. 145. La nouvelle Constitution a été approuvée par référendum le 29 septembre 1968 et les articles 18 et 19 mis en vigueur, en ce qui concerne les syndicats reconnus, le 16 novembre de la même année. Ces articles seront étudiés plus en détail au chapitre suivant.
  290. 146. En abordant l'examen de cette période, la commission a remarqué que les témoignages ou les renseignements à sa disposition offraient en général un caractère moins précis ou n'avaient trait qu'à certains aspects des plaintes. Elle a néanmoins recueilli des dépositions et des informations tendant à démontrer qu'une ingérence de la part des autorités continuait à s'exercer à certains égards dans le mouvement syndical.
  291. 147. La commission a tout d'abord examiné les renseignements et les témoignages qu'elle a recueillis au sujet de la dissolution de syndicats et de la confiscation de leurs biens. Elle s'est ensuite occupée des plaintes relatives à l'arrestation, l'emprisonnement et la déportation de syndicalistes. Enfin, elle a évalué l'ampleur de l'intervention des pouvoirs publics qui s'était manifestée sur un plan plus général dans les affaires syndicales, particulièrement en ce qui concerne la destitution de cadres syndicaux, la désignation de leurs successeurs et le fonctionnement des syndicats.
  292. Dissolution de syndicats et confiscation de leurs biens
  293. 148. Le représentant des ministres du Travail et de la Justice a déclaré que depuis mai 1968 aucune dissolution de syndicats n'avait eu lieu et aucune preuve précise de cas de dissolution de ce genre survenus au cours de cette période n'a en fait été apportée à la commission.
  294. 149. Pour ce qui est de la confiscation des biens des syndicats précédemment dissous, la commission a été appelée à examiner divers textes législatifs adoptés au cours de la période considérée. Il y a lieu de rappeler que les différentes proclamations dissolvant les syndicats après la révolution prévoyaient la confiscation par l'Etat des biens de ceux-ci. Le 30 mai 1968, la question de leur dévolution était réglée par la loi no 434, laquelle prescrivait qu'ils seraient attribués: a) au syndicat du même district ayant des objectifs identiques ou analogues à ceux du syndicat dissous; b) en l'absence d'un tel syndicat, à l'organisation la plus proche du degré le plus élevé de la localité ou de la profession (c'est-à-dire la fédération ou le centre ouvrier) à laquelle le syndicat dissous appartenait, ou, c) s'il n'était affilié à aucune organisation de ce genre, à la Confédération générale du travail de Grèce. Cette loi prévoyait en outre que le tribunal de première instance compétent déciderait si l'organisation appelée à succéder remplissait les conditions légales voulues avant que le transfert des avoirs ne fût effectué en sa faveur.
  295. 150. Plusieurs décisions judiciaires adoptées en vertu de ce texte ont été fournies à la commission. L'une d'elles, prise par le tribunal de première instance de Volos en date du 25 septembre 1968, indiquait que le syndicat candidat à la succession remplissait en l'occurrence les conditions requises par la loi, étant donné qu'il existait à l'époque de la dissolution du syndicat précédent, veillait aux intérêts du même groupe professionnel et visait les mêmes objectifs que le syndicat en question, tout en étant, au demeurant, la seule organisation de ce genre du district. Dans un autre cas, le tribunal de première instance du Pirée a décidé, le 24 juin 1968, que l'organisation candidate à la succession s'occupait des mêmes ouvriers et employés d'un certain organisme de droit public dont le syndicat avait été dissous et qu'elle était la seule à laquelle les membres de l'organisation dissoute pouvaient s'affilier.
  296. 151. D'autre part, la promulgation du décret royal no 667 du 21 septembre 1968 devait s'accompagner de l'insertion dans la loi de dispositions prévoyant que le patrimoine d'un syndicat dissous deviendrait propriété de l'Etat, à moins que les statuts du syndicat, et aussi l'autorité compétente, n'en décident autrement. Dans le cas toutefois où les avoirs en question seraient dévolus à l'Etat, celui-ci serait obligé d'affecter leur remploi à la réalisation des objectifs du syndicat dissous. Ultérieurement, l'acte constitutionnel no 32, promulgué le 24 septembre 1968, devait venir ratifier toutes les mesures prises par le gouvernement révolutionnaire depuis le 21 avril 1967 en matière de dissolution de coopératives, d'associations ou de partis politiques et d'entreprises en général, dont les biens ont été considérés comme étant confisqués au profit de l'Etat.
  297. 152. Le 27 septembre 1968 fut promulguée la loi d'exception no 575, modifiant la loi de 1912 sur l'état de siège par l'addition d'une disposition prévoyant que les avoirs des organismes, associations ou partis politiques dissous seraient automatiquement dévolus à l'Etat.
  298. 153. Au sujet de cette question des biens confisqués, si certains témoins ont affirmé que ces biens étaient remis aux organisations appelées à succéder aux syndicats dissous, d'autres ont déclaré à la commission qu'il n'en allait pas toujours ainsi et que l'Etat se trouvait toujours en possession du patrimoine de certains de ceux-ci.
  299. 154. La commission constate que ni la situation de droit ni la situation de fait ne sont suffisamment claires pour lui permettre de déterminer si la totalité des avoirs des syndicats dissous a été attribuée à des organisations candidates à leur succession ayant des buts similaires. Il est évident qu'à l'époque de la promulgation de la loi no 434 le gouvernement avait décidé que les avoirs des syndicats dissous devaient être dévolus aux organisations appelées à leur succéder. Peu après, cependant, la situation semble être revenue dans une large mesure à ce qu'elle était dans les mois suivant immédiatement la révolution. Une nouvelle législation en la matière adoptée en 1969 sera étudiée dans le cadre de l'examen de la troisième période (chap. 8).
  300. Arrestation, déportation et emprisonnement de syndicalistes
  301. 155. La commission n'a été saisie d'aucun élément de preuve caractérisé relatif à la déportation ou à la condamnation à la prison de syndicalistes au cours de cette période. Elle n'a, d'autre part, pas davantage recueilli la preuve que des syndicalistes déportés pendant la première période eussent été libérés ou traduits en justice.
  302. 156. En ce qui concerne les arrestations et les interrogatoires de syndicalistes, la commission considère, sur la base des renseignements qui lui sont parvenus, que bien que des faits de ce genre de la part de l'autorité militaire et de la police n'aient pas eu lieu pendant la période considérée à une échelle aussi vaste que cela avait été le cas durant la première période, ils n'avaient cependant pas cessé. Sur ce point, elle a pris note en particulier des informations fournies par M. Papageorgiou, ancien secrétaire général de la CGTG, qu'elle avait invité à déposer devant elle. Dans la lettre par laquelle il l'informait qu'il n'était pas en mesure, pour des raisons d'ordre personnel, de comparaître devant elle, il lui indiquait qu'arrêté en juillet 1968 par la police de sûreté il avait été détenu quatre jours durant et interrogé sur ses relations avec des militants syndicaux et des personnalités politiques.
  303. Intervention générale des autorités dans les affaires syndicales
  304. 157. Les plaignants ont allégué que, en dépit du décret royal no 369 du 29 mai 1968, en vertu duquel les articles 10 et 11 de la Constitution de 1952 ont été rétablis, aucune des restrictions légales ou administratives en vigueur n'a été abrogée. Le gouvernement a soutenu que, depuis la promulgation de ce décret, les organisations professionnelles pouvaient fonctionner librement et qu'aucune autorisation n'était requise pour tenir des réunions. Qui plus est, depuis cette date, il n'était plus obligatoire d'informer la police des réunions des organes exécutifs des syndicats, ni de lui indiquer le nom de ceux qui en faisaient partie ou les questions inscrites à l'ordre du jour, pas plus que de la date ni le lieu auxquels elles devaient se tenir.
  305. 158. A l'appui de l'affirmation du gouvernement, le représentant des ministres du Travail et de la Justice a déclaré que depuis mai 1968 aucun syndicaliste n'avait été révoqué de ses fonctions, des conventions collectives étaient conclues, de nouvelles organisations formées, tandis que les anciens dirigeants syndicaux destitués par le commandement militaire durant une brève période étaient réélus au moyen d'élections régulières à des sièges au sein d'organes exécutifs syndicaux. Les syndicats, qu'ils fussent ou non de création récente, fonctionnaient avec une entière liberté en vertu des dispositions législatives ordinaires. M. Campanellis, secrétaire général par intérim de la CGTG, a déclaré dans sa déposition que, depuis le mois de mai 1968, la désignation d'organes exécutifs temporaires était, comme par le passé, faite par les tribunaux suivant la procédure fixée à l'article 69 du Code civil.
  306. 159. La commission a entendu des dépositions en sens contraire. C'est ainsi qu'elle a recueilli un témoignage selon lequel, en juin 1968, une demande avait été adressée au tribunal en application de l'article 69 du Code civil, en vue de la désignation d'un organe exécutif provisoire de la Fédération des employés de banque. Lors de la soumission de la liste des candidats, le juge avait refusé de confirmer la nomination des personnes figurant sur celle-ci, parce qu'elle n'avait pas fait l'objet d'un contrôle et d'une approbation préalables de la part de l'autorité militaire compétente.
  307. 160. Il est ressorti d'autres dépositions qu'il était impossible de tenir des assemblées syndicales en l'absence d'une notification préalable à la police, à qui l'ordre du jour devrait être communiqué. De plus, aucune élection de cadres syndicaux ne pouvait avoir lieu à moins que la police ne fût d'abord à même de vérifier le nom des candidats et d'accorder son autorisation à cet effet.
  308. 161. La commission a également recueilli des témoignages selon lesquels des cadres syndicaux avaient été contraints de démissionner de leur poste au cours de cette période. Tel était le cas du président de la Fédération des acteurs qui, durant l'été 1968, avait été forcé de donner sa démission quelques jours après que se fût produit un différend du travail.
  309. 162. La commission a noté en particulier la teneur des instructions de l'état-major général aux gouverneurs militaires locaux, faisant l'objet d'une circulaire du 10 décembre 1968 traitant des activités de l'autorité militaire et de la police en matière d'affaires syndicales à la lumière des nouvelles dispositions constitutionnelles. Ce document spécifiait que, à l'avenir, des organisations professionnelles pourraient être fondées, en vertu de l'article 19 de la nouvelle Constitution, sans approbation ni autre intervention de la part des gouverneurs militaires locaux. De même, il était précisé que ceux-ci n'auraient pas autorité pour intervenir désormais dans les activités des syndicats constitués en vertu de l'article 19. La dissolution de syndicats, la destitution de cadres syndicaux ou la restriction de leurs activités syndicales étaient citées en particulier comme exemples des interventions interdites. Il était de plus indiqué que les réunions d'organisations de ce genre se dérouleraient désormais conformément à l'article 18 de la Constitution. La tenue de réunions publiques exigeait un préavis de quarante-huit heures à la police, laquelle pouvait assister à ces assemblées, toute réunion en plein air pouvait être interdite si elle était de nature à mettre en danger l'ordre et la sécurité publics; toute réunion organisée par des syndicats en vue de la réalisation d'objectifs étrangers aux intérêts professionnels ou économiques de leurs membres serait d'autre part prohibée. Une autre disposition de cette circulaire prévoyait que, étant donné que l'article 18 de la nouvelle Constitution réglementait seulement le droit de réunion des organisations professionnelles reconnues en vue de la réalisation de leurs objectifs professionnels, l'interprétation de cette disposition constitutionnelle devrait nécessairement revêtir un caractère restrictif.
  310. 163. Les gouverneurs militaires avaient pour instructions d'exercer une surveillance vigilante et discrète sur l'activité des organisations professionnelles et d'entamer une procédure en vue de la dissolution ou de la suspension temporaire par les tribunaux de toute organisation de ce genre se livrant à une activité contraire à la Constitution. Enfin, la circulaire déclarait que toute intervention de la police ou de l'autorité militaire dans un mouvement de grève légitime déclenchée par les syndicats était dorénavant interdite.
  311. 164. L'authenticité comme la teneur de ce document n'ont pas été contestées par le gouvernement. Le représentant des ministres du Travail et de la Justice a informé la commission que cette circulaire avait été publiée, non en raison d'une intervention particulière, mais parce que les gouverneurs militaires locaux étaient dans l'incertitude quant à l'attitude qu'ils devaient adopter vis-à-vis des syndicats à la suite de l'entrée en vigueur des articles 18 et 19 de la Constitution.
  312. CHAPITRE 8
  313. TROISIEME PERIODE (à partir de décembre 1968)
  314. Partie 1: La situation constitutionnelle et l'état de siège
  315. 165. En examinant cette période, la commission s'est occupée de la situation en Grèce à la suite de l'introduction par l'Acte constitutionnel " A " du 16 novembre 1968 des articles 18 et 19 de la nouvelle Constitution, qui traitent du droit de réunion et d'association. Nous avons déjà fait remarquer que cet acte constitutionnel a eu pour effet de mettre ces articles en vigueur seulement en ce qui concerne les associations professionnelles reconnues; il a fallu attendre en effet la promulgation de l'Acte constitutionnel " B ", le 9 avril 1969, pour que ces articles entrent également en vigueur pour toutes les autres associations et organisations.
  316. 166. En comparant ces dispositions à celles qui figuraient aux articles 10 et 11 de la Constitution de 1952, la commission a constaté les modifications suivantes. L'article 18 de la nouvelle Constitution introduit l'obligation d'annoncer les réunions publiques à la police quarante-huit heures à l'avance. D'après une nouvelle disposition (paragr. 2) insérée dans l'article 19, toute union de personnes " dont le but ou l'activité sont dirigés contre l'intégrité territoriale du pays ou contre les principes régissant la forme de l'Etat ou le régime social ou la sécurité de l'Etat ou les libertés politiques et individuelles des citoyens " est interdite et sera dissoute par décision judiciaire. En vertu d'une autre disposition (paragr. 3), si une procédure tendant à la dissolution permanente d'une association ou d'une union a été déclenchée parce que ces groupements violaient la loi ou leurs propres statuts, le président du tribunal de première instance fait ordonner la suspension provisoire desdits groupements. Au paragraphe 4 du même article, toutes les restrictions imposées par la loi au droit d'association des fonctionnaires publics ont été étendues aux employés d'autorités locales ou d'autres personnes morales de droit public ainsi qu'à ceux des entreprises publiques et des entreprises d'utilité publique. Le paragraphe 5 de l'article 19 constitue également une adjonction; il interdit tout recours à la grève " pour des buts politiques ou autres, étrangers aux intérêts matériels et moraux des travailleurs ". Enfin, le paragraphe 6 du même article étend " au personnel de tout ordre des services publics, des autorités administratives locales ou d'autres personnes morales de droit public " l'interdiction de faire la grève formulée à l'égard des fonctionnaires.
  317. 167. A l'occasion de l'examen des nouvelles dispositions constitutionnelles auquel s'est livrée la commission, celle-ci a également pris note de l'article 136, dont le paragraphe 1 prévoit que " toutes les lois et tous les décrets, pour autant qu'ils sont en conflit avec la Constitution, sont abrogés ". Toutefois, le paragraphe 2 de cet article dispose que les actes constitutionnels promulgués postérieurement au 21 avril 1967 qui sont en conflit avec la Constitution demeureront en vigueur jusqu'à ce qu'ils soient formellement abrogés, sans qu'ils puissent cependant en aucun cas avoir force de loi après la mise en vigueur intégrale de la Constitution. L'un de ces actes constitutionnels, qui confirmait le décret royal no 280/1967, lequel mettait en vigueur la loi sur l'état de siège, aurait dû cesser d'être en vigueur dès la publication de la nouvelle Constitution. Toutefois, cette disposition spécifique de l'acte constitutionnel a ultérieurement été formellement abrogée, maintenant en vigueur la loi sur l'état de siège même après la publication de la nouvelle Constitution. La commission a également noté que le décret no 280/1967 n'avait pas été formellement abrogé. Le représentant des ministres du Travail et de la Justice a qualifié la période suivant l'adoption de la nouvelle Constitution de " période révolutionnaire limitée ". Il a ensuite affirmé que la " phase ultime " serait celle de la mise en vigueur intégrale de la Constitution, lorsque le pays serait acheminé vers une situation constitutionnelle entièrement régulière.
  318. Partie 2: Le mouvement syndical pendant la période considérée
  319. Arrestation, déportation et emprisonnement de syndicalistes.
  320. 168. Il n'a été avancé aucune preuve précise indiquant que des syndicalistes aient été déportés au cours de la période considérée. Selon les informations fournies par le gouvernement, M. A. Arkas, qui avait été déporté après le 21 avril 1967, a été condamné le 6 novembre 1969 à vingt ans d'emprisonnement, M. T. Karageorghiou, qui était gardé à vue, a été condamné le même jour à dix-sept ans d'emprisonnement, et MM. Alevizakis et Kypriotou, qui avaient été arrêtés et ultérieurement relâchés, ont été condamnés également le même jour respectivement à trois ans et trois mois et à cinq ans d'emprisonnement (avec trois et cinq ans de remise de peine).
  321. 169. La commission a reçu communication du texte du décret-loi no 188 du 17 mai 1969 prévoyant la création d'un comité composé de trois membres de la magistrature, chargé d'examiner les cas individuels de déportation en vue de recommander l'annulation totale ou partielle de l'arrêté de déportation correspondant. La commission n'a reçu toutefois aucune information relative à la mise en pratique de ce texte. Elle n'a pas recueilli davantage de témoignages ou de renseignements ayant trait à l'application effective du décret-loi no 183 du 10 mai 1969, prévoyant la révision des condamnations prononcées par les tribunaux militaires spéciaux.
  322. 170. En ce qui concerne l'arrestation et les interrogatoires de syndicalistes, la commission a reçu des informations de caractère général, selon lesquelles la pratique des interrogatoires de syndicalistes par la police était toujours en vigueur, l'une des communications faites à la commission déclarant même que les faits de ce genre avaient connu un regain de fréquence. Cette allégation ne s'appuie pas cependant sur des preuves précises. La commission a par ailleurs noté la déclaration du gouvernement concernant la mise en vigueur, le 10 avril 1970, de l'article 10 de la nouvelle Constitution; cet article prévoit que nul ne peut être arrêté sans un mandat judiciaire et institue d'autres garanties visant à protéger les personnes privées contre les arrestations et les détentions arbitraires.
  323. Intervention générale des pouvoirs publics dans les affaires syndicales.
  324. 171. La commission n'a pas recueilli d'élément de preuve en ce qui concerne l'intervention de caractère général de l'autorité dans des questions telles que l'organisation de réunions et l'élection des membres des bureaux exécutifs par les syndicats. La commission a reçu des témoignages selon lesquels les dirigeants syndicaux jouissaient d'un certain degré d'indépendance et de liberté quant à l'expression publique de leurs critiques de la politique du gouvernement dans le domaine social et des activités déployées au sein de la Confédération générale du travail de Grèce. C'est ainsi que la commission a reçu copie de communications adressées à ses adhérents par le comité du Syndicat des techniciens en radio du réseau d'Etat des télécommunications (OTE), dans lesquelles étaient critiqués le nouveau règlement du personnel et les propositions du gouvernement en vue de modifier la législation en matière d'assurances sociales. La commission a pris note de déclarations faites par divers dirigeants syndicaux ayant paru dans la presse grecque (To Vima du 30 avril 1970) dans lesquelles ceux-ci critiquaient les travaux et les élections qui s'étaient déroulés à l'occasion du 16e Congrès panhellénique de la CGTG, réuni à Delphes en avril 1970. Selon ces déclarations, ces élections avaient été falsifiées et leurs résultats ne reflétaient pas la véritable opinion de la classe ouvrière de la Grèce. Pour cette raison, était-il affirmé dans les comptes rendus (de la presse), plusieurs des membres de la nouvelle administration de la CGTG avaient démissionné.
  325. Confiscation des biens des syndicats dissous.
  326. 172. La commission a examiné de nouveau la question de la confiscation des biens des syndicats dissous compte tenu de certains nouveaux éléments qui lui sont parvenus au sujet de la période considérée. De nouvelles dispositions relatives aux biens confisqués des organisations dissoutes ont été insérées dans le décret-loi no 185/1969 dont l'article 6 prévoyait que le tribunal peut ordonner le transfert des biens des syndicats dissous à un autre syndicat ayant des objectifs identiques ou analogues, à la condition que le syndicat candidat à cette dévolution garantisse que ces objectifs seraient réalisés. Il disposait également que les décisions des tribunaux prises en vertu de la loi no 434 de 1968 demeureraient valides. Cette disposition a reçu son application dans un cas sur lequel l'attention de la commission a été attirée. Le cas en question avait trait à une demande de l'Etat grec, représenté par le ministère des Finances, tendant à obtenir l'annulation d'une décision précédente du tribunal, par laquelle le patrimoine d'une organisation dissoute, le Syndicat du personnel des transports électriques (DEE), avait été dévolu à l'Association du personnel du DEE, en tant qu'organisation appelée à succéder, qui remplissait les conditions fixées par la loi no 434, et à l'adoption d'une nouvelle décision attribuant les avoirs en question à l'Etat. Le tribunal s'est livré à cette occasion à un examen des divers textes législatifs ayant trait à la confiscation des avoirs des syndicats dissous, y compris la loi d'exception no 575 du 27 septembre 1968, et a décidé, le 27 juillet 1969, que la décision précédente du tribunal de transférer les avoirs à l'organisation appelée à succéder avait été prononcée légalement, en application de la loi no 434, et que cette décision demeurait valide, conformément aux nouvelles dispositions contenues dans le décret-loi no 185/1969. En conséquence, la demande de l'Etat a été rejetée. D'autre part, la commission a été informée que d'autres organisations appelées à succéder, auxquelles le tribunal avait attribué les biens de syndicats dissous, avaient adressé au ministère des Finances une demande en vue de leur transfert, mais que celui-ci n'avait pas encore donné son approbation à de tels transferts.
  327. 173. La commission a noté que le gouvernement, en promulguant le décret-loi no 185/1969, semble être de nouveau en faveur du transfert des avoirs confisqués aux organisations appelées à succéder aux syndicats dissous, comme c'était le cas en vertu de la loi no 434/1968. Quoi qu'il en soit, en ce qui concerne le transfert effectif de ces avoirs à de telles organisations appelées à succéder, la situation n'est pas claire et la commission, du fait du retrait de sa collaboration par le gouvernement, n'a pas été en mesure de poursuivre son enquête sur l'ampleur réelle qu'ont revêtue ces transferts.
  328. Déclarations de loyalisme.
  329. 174. Selon l'allégation formulée par les plaignants, le gouvernement, en application de la loi d'exception no 516/1948 concernant la déclaration de loyalisme, avait congédié des employés de banque et des employés des services publics en raison de leurs activités syndicales. La législation en question prévoit que les personnes employées dans ces secteurs, auxquelles, à tout moment, les dispositions en question sont applicables, sont tenues de produire un certificat de loyalisme et, au cas où elles ne seraient pas en mesure de le faire, se voient refuser un emploi dans ces industries ou sont renvoyées de celui qu'elles y occupent. D'après les témoignages recueillis, il est apparu que ces certificats étaient délivrés par la police. En réponse à l'allégation relative aux employés de banque et des services publics, le gouvernement avait affirmé que les employés en question étaient soit communistes, soit " extrêmement dépravés ". Les intéressés pouvaient, au demeurant, interjeter appel devant une commission spéciale, et beaucoup d'entre eux l'ayant fait avaient été réintégrés dans leurs fonctions.
  330. 175. La commission, au cours de ses travaux, a entendu des dépositions et reçu des informations indiquant que le champ d'application de ces dispositions avait été étendu à un large secteur de l'industrie privée et qu'elles étaient utilisées comme moyen de discrimination dans le domaine syndical. La commission a, d'autre part, examiné les dispositions de la loi d'exception no 516/1948, qui visaient principalement les fonctionnaires publics et dont, à partir de 1952, le législateur avait élargi la portée de manière à englober les entreprises d'utilité publique de tout genre et celles qui travaillaient à la production d'articles nécessaires à la défense nationale. Des décrets publiés de temps à autre en vertu de la législation en vigueur déterminaient le nombre et le type des industries auxquelles ces dispositions s'appliquaient. Selon des renseignements fournis par le représentant des ministres du Travail et de la Justice, en novembre 1969, le nombre des secteurs qu'elles touchaient était de soixante-neuf, y compris des entreprises appartenant aux branches suivantes: acier, caoutchouc, produits chimiques, métaux, pétrole, équipement de radio, ciment et transports aériens. A la suite d'une modification de la législation, en juillet 1967, n'est pas considéré comme étant loyal quiconque professe des opinions politiques communistes ou antinationales, ou se livre à la propagande en faveur de celles-ci, ou contribue à les répandre par d'autres moyens, ou se déclare hostile au régime politique en vigueur ou aux principes fondamentaux de celui-ci, ou donne son approbation à des ordres revêtant un caractère antinational ou communiste, ou participe à une sédition ou à des réunions publiques non autorisées au cours desquelles sont émis des mots d'ordre antinationaux ou communistes, ou participe à des réunions publiques visant à troubler la paix, etc.
  331. 176. Au cours de témoignages, la commission a été saisie d'allégations générales selon lesquelles l'activité syndicale était gravement entravée par le fait que d'importantes industries exigeaient des certificats de loyalisme de la part de leurs employés et renvoyaient ceux-ci lorsqu'ils n'étaient pas à même de les produire. Elle n'a cependant recueilli aucune preuve précise selon laquelle la procédure relative à la délivrance de certificats de loyalisme est utilisée par l'autorité ou par les employeurs comme moyen de discrimination à l'encontre des travailleurs en raison de leurs activités syndicales.
  332. Partie 3: Décrets-lois nos 185/1969 et 186/1969
  333. Décret-loi no 185/1969.
  334. 177. Le 10 mai 1969 ont été promulgués les décrets-lois nos 185 et 186 qui, l'un et l'autre, avaient revêtu une importance capitale pour les syndicats et leur activité. Le décret-loi no 185 traite du droit d'organisation en général, du droit de grève, de la dissolution des syndicats et de la destitution des cadres syndicaux, des conditions requises pour occuper un poste syndical, de la rémunération des cadres et du personnel des syndicats, des dispositions propres à faciliter l'exercice des fonctions syndicales, de la création et de l'enregistrement des syndicats, des fédérations, des confédérations et des centres ouvriers. Quant au décret-loi no 186, il vise les négociations collectives et les conventions collectives, le règlement des conflits du travail et le financement des syndicats. Ces deux textes ont suscité diverses plaintes alléguant qu'ils n'étaient pas conformes aux dispositions des conventions nos 87 et 98, plaintes qui seront analysées ci-après sous des rubriques distinctes.
  335. a) Conditions requises pour occuper des postes syndicaux.
  336. 178. En vertu de l'article 9 du décret-loi no 185/1969, personne ne pourra être éligible à des fonctions syndicales s'il n'a travaillé, au cours des six années précédant la date des élections, pendant au moins cent jours par an, ou durant un total de six cents jours dont cinquante au moins chaque année pouvant être prouvés par les registres de la caisse d'assurance principale couvrant l'intéressé. Celui-ci devra, d'autre part, avoir la qualité de membre régulier du syndicat.
  337. 179. Il a été allégué que cette disposition constituait une ingérence arbitraire dans le droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants et une limitation de l'exercice des droits syndicaux. Dorénavant, les dirigeants syndicaux seraient soumis au pouvoir discrétionnaire des employeurs qui, en recourant à la mise à pied de ceux-ci, pouvaient faire échec à leur élection. Les syndicats n'étaient plus à même de tirer parti de l'expérience de dirigeants syndicaux retraités de leur emploi; les cadres syndicaux à plein temps ne pouvaient être réélus dans l'immédiat à des postes syndicaux, puisqu'il ne leur était pas possible d'avoir satisfait aux conditions de service requises. On a également allégué que cette disposition ne concernait que les seules organisations de travailleurs, alors qu'elle ne touchait en rien les organisations d'employeurs.
  338. 180. La commission s'est efforcée d'évaluer comment, en pratique, l'article 9 était susceptible d'empêcher les syndicats d'élire les personnes qu'ils jugeaient appropriées; toutefois, les dispositions de l'article 9 ne sont pas en vigueur depuis suffisamment de temps pour permettre une telle appréciation.
  339. 181. Le paragraphe 4 de cet article donne à cette disposition un effet rétroactif et prévoit que le mandat des membres des organes exécutifs des syndicats qui ne remplissent pas les conditions mentionnées ci-dessus prendra fin, les organes exécutifs demeurant légalement constitués par les autres membres jusqu'à l'expiration du mandat de ceux-ci, à la condition que le nombre total de ceux qui sont en fonction ne soit pas inférieur à la moitié du nombre total des membres de l'organe exécutif en question. Dans le cas contraire, un nouvel organe exécutif sera nommé par le tribunal en application de l'article 69 du Code civil.
  340. 182. Cette disposition a eu pour conséquence l'élimination de vingt-cinq des membres du comité exécutif de la CGTG sur les trente-cinq qu'il comptait. Etant donné que cette conséquence affectait plus de 50 pour cent des membres du comité, celui-ci, en vertu de la loi, a cessé d'exister jusqu à ce qu'un autre comité ait été désigné par le tribunal. Parmi les membres touchés figurait le secrétaire général, M. Makris, qui a critiqué publiquement et librement la nouvelle législation. Le gouvernement s'est trouvé de cette manière en conflit avec une bien plus large proportion du mouvement syndical que ce n'était le cas jusqu'alors. Le nombre des personnes écartées de leurs fonctions syndicales en vertu de cette disposition a été, selon les estimations, de cent cinquante à six cents. Le gouvernement a fait valoir qu'il s'agissait là d'une très faible proportion du nombre total des dirigeants syndicaux, lequel se montait à trente-sept mille cinq cents personnes; il a ajouté que les dispositions incriminées tendaient à se débarrasser des pratiques de corruption qui existaient et de l'exploitation des fonctions syndicales, lesquelles faussaient la liberté syndicale.
  341. b) Rémunération des cadres, du personnel et des conseillers juridiques des syndicats.
  342. 183. L'allégation formulée sur ce point avait trait à l'article 10 du décret-loi no 185/1969, qui limite les montants que peuvent gagner les fonctionnaires exécutifs des syndicats de travailleurs ou quiconque est employé par ceux-ci. A l'avenir, de telles personnes ne gagneront pas plus que le salaire mensuel que peuvent recevoir, sur la base d'une convention collective ou d'une sentence arbitrale, les employés des sociétés anonymes exerçant des fonctions analogues. Les émoluments des conseillers juridiques des syndicats du premier degré sont fixés sur la base qui sert au calcul de ceux que touchent les avocats exerçant auprès du tribunal de première instance et, dans le cas de conseillers juridiques des fédérations, sur la base qui sert au calcul de ceux que touchent les avocats exerçant auprès de la cour d'appel. Il a été affirmé que cette disposition gênerait le recrutement par les syndicats de cadres, de personnel et de conseillers juridiques compétents et qu'au surplus cette restriction ne s'appliquait pas aux organisations d'employeurs. En vertu de l'article 11, ces personnes doivent soit accepter ces montants limités, soit démissionner, auquel cas elles auront droit à une indemnité versée par le Foyer ouvrier. Lorsqu'une telle indemnisation a lieu, il est interdit au bénéficiaire d'accepter pendant cinq ans un traitement ou tout autre paiement de la part d'un syndicat.
  343. 184. Le gouvernement a déclaré que ces dispositions avaient été adoptées afin de permettre aux syndicats de faire face à leurs dépenses en ne comptant que sur leurs propres ressources et qu'elles ne constituaient en aucune façon une violation de la convention no 87.
  344. 185. La commission a recueilli des dépositions à l'appui de l'allégation selon laquelle, par suite de cette limitation, les syndicats ne pourraient élire ni recruter, en qualité de représentants ou d'employés, un personnel compétent ou largement rémunéré, qui renoncerait désormais à assumer des fonctions représentatives ou des emplois dans les syndicats. Il a été affirmé au cours de dépositions que le salaire minimum des employés des sociétés anonymes était maintenant devenu le maximum pour les fonctionnaires syndicaux. La limitation imposée aboutirait dans certains cas à une réduction de 50 pour cent du traitement des personnes employées par les organisations syndicales et les grands syndicats eux-mêmes seraient atteints de la même manière par cette mesure.
  345. 186. En sens inverse, la commission a entendu d'autre part des arguments selon lesquels, avant l'adoption de la nouvelle législation, les fonctionnaires syndicaux touchaient des traitements sensiblement supérieurs à la moyenne, étant donné qu'aucune règle ne régissait leur rémunération, et que cela avait inévitablement conduit à des abus. Les comités exécutifs des organisations ou des centres ouvriers fixaient eux-mêmes la rémunération mensuelle de leurs propres membres et, en conséquence, les traitements variaient selon les décisions qu'ils adoptaient.
  346. c) Destitution de cadres syndicaux et dissolution de syndicats.
  347. 187. L'article 6 du décret-loi no 185/1969 a fait également l'objet de plaintes dans la mesure où il prévoit que tout syndicat dont les objectifs ou activités sont contraires à l'intégrité territoriale ou à la sécurité de l'Etat ou au régime politique ou social, ou aux libertés civiles et individuelles, sera dissous par une décision des tribunaux, à la demande de l'un de leurs membres ou du ministère public. L'article prévoit en outre que les membres du comité exécutif ou les représentants d'un syndicat se livrant individuellement à des activités dirigées contre l'intégrité territoriale ou la sécurité de l'Etat, ou le régime politique ou social, seront congédiés en application de la même procédure.
  348. 188. Il a été allégué que ces dispositions permettaient à l'autorité de considérer toute activité syndicale comme rentrant dans leur champ d'application et de dissoudre un syndicat ou d'écarter les membres de son bureau exécutif pour n'importe quel motif.
  349. 189. Le gouvernement a répliqué que l'article 6 était une règle favorable au développement de toute organisation syndicale. Cela ne voulait pas dire que les travailleurs se voyaient dénier en aucune façon les droits prévus par la convention no 87 ou que l'exercice de tels droits était entravé de manière sérieuse. La dissolution de syndicats ou la destitution de dirigeants s'adonnant à une activité illégale, prononcée par l'autorité compétente, était parfaitement en harmonie avec cette convention.
  350. 190. Des témoins ont affirmé que cette disposition, fondée comme elle l'était sur de vagues notions telles que celle du régime social et politique en vigueur, avait enlevé toute signification aux dispositions principales de la convention no 87, si bien que toute activité syndicale pouvait être traitée d'illégale. Dans le court délai qui s'est écoulé depuis l'introduction du décret, il n'y a eu ni dissolution ni révocation. Dans une note d'information remise à la commission par le représentant des ministres de la Justice et du Travail, il a été précisé que le terme " régime social " n'avait jamais fait l'objet d'une définition précise par les tribunaux. Toutefois, il ressort de la jurisprudence relative à des cas mettant en jeu l'application de la loi no 4229/1929 sur la sûreté de l'Etat, laquelle contient également l'expression " régime social ", que le type d'activité visé à l'article 6 du décret-loi no 185 consiste en tout acte ou toute propagande considéré comme ayant pour objet de renverser par la violence le système social établi.
  351. d) Le droit de grève.
  352. 191. Ainsi qu'on l'a vu au paragraphe 142, le droit de grève était reconnu en droit avant la promulgation du décret-loi no 185/1969. Des données statistiques sur les grèves qu'un témoin a dit avoir été compilées par les autorités ont été fournies à la commission. Selon ces données, il y aurait eu dans les années 1963, 1964, 1965 et 1966 respectivement quatre cent cinq, trois cent dix, trois cent onze et deux cent quatre-vingt-treize grèves; en 1967, il y aurait eu cinquante-huit grèves, toutes déclenchées avant la révolution. En ce qui concerne la situation après la révolution, la commission a recueilli le témoignage du secrétaire général par intérim de la CGTG et celui d'un ancien secrétaire général provisoire de la CGTG, M. Dimitrakopoulos. Le premier a déclaré que les syndicats pouvaient maintenant montrer que, pour peu qu'ils eussent la possibilité de dialoguer avec franchise et que leurs revendications soient favorablement accueillies, le recours à la grève n'était plus nécessaire. Le second a indiqué qu'en ce qui concerne les cheminots aucune grève ne s'était révélée nécessaire étant donné que toutes les revendications de ceux-ci avaient été satisfaites.
  353. 192. Il a été allégué que les articles 3, 4 et 5 du décret-loi no 185/1969 apportaient d'importantes restrictions au droit de grève. Le gouvernement, pour sa part, a soutenu que ces nouvelles dispositions prévenaient des abus dans les arrêts du travail dans les cas où le déclenchement d'une grève n'était pas décidé par un organe syndical compétent.
  354. 193. L'article 3 de ce décret définit une grève comme étant l'arrêt du travail, continu ou périodique, de plus de cinq salariés à la suite d'un différend ayant trait à l'observation des conditions d'emploi ou visant à l'amélioration ou au maintien des conditions de travail. Le paragraphe 2 de cet article prévoit que le déclenchement d'une grève ne sera permis qu'après décision prise par l'organe exécutif compétent d'un syndicat, à la majorité des voix des membres ayant le droit de voter. Une telle grève ne pourra durer plus de trois jours, toute grève d'une durée supérieure ne pouvant avoir lieu qu'à la suite d'un vote émis à la majorité des voix par les membres du syndicat ayant le droit de voter réunis en assemblée générale. Pendant toute grève, l'organe exécutif veillera à ce que le personnel nécessaire soit disponible pour surveiller les installations du lieu de travail et également à ce que l'association des employeurs compétente pour négocier une convention collective ainsi que le ministère du Travail soient informés de la décision de faire grève, quarante-huit heures avant le commencement de celle-ci. L'article 4 interdit la grève pendant la période où se déroulera un arbitrage et l'article 5 prévoit que quiconque participera à une grève en violation du décret sera considéré comme ayant rompu son contrat d'emploi.
  355. 194. Il y a lieu de noter que le droit de grève n'est pas reconnu, en vertu de l'article 19 de la Constitution de 1968, aux fonctionnaires publics et au personnel employé par les autorités publiques et les autorités administratives locales ou d'autres personnes morales de droit public.
  356. 195. Selon des témoignages recueillis par la commission, ces nouvelles dispositions rendraient la convocation d'une grève sinon impossible, du moins extrêmement difficile et réduiraient de ce fait à néant l'efficacité de la grève comme moyen d'action. Le droit de grève n'était pas complètement interdit dans les entreprises employant moins de cinq personnes, dans la fonction publique, dans les services des administrations locales et dans ceux qui relèvent de personnes morales de droit public. Dans les cas où ce droit existait, il était soumis à des restrictions si nombreuses qu'il s'en trouvait virtuellement inopérant.
  357. 196. En sens contraire, on a avancé que, sur un point au moins, les nouvelles dispositions reconnaissant le droit de grève rendaient la grève plus facile. Il avait été précédemment décidé par les tribunaux qu'une décision de l'assemblée générale était requise dans le cas de toute grève, alors qu'à présent cela n'était nécessaire que dans le cas d'une grève d'une durée supérieure à trois jours. Cette disposition avait été adoptée comme constituant une amélioration, en dépit de l'opposition des employeurs. En ce qui concerne d'autres critiques, le gouvernement a fait valoir que l'exigence que les installations essentielles au fonctionnement de l'entreprise fussent sauvegardées ne pouvait être considérée comme étant dirigée contre les travailleurs et il était d'autre part naturel que les grèves ne pussent avoir lieu durant la période de négociation en vue du règlement pacifique d'un conflit.
  358. Décret-loi no 186/1969.
  359. a) Négociation collective.
  360. 197. Sur cette question, deux griefs ont été formulés: le premier était que la législation limitait la négociation collective uniquement à certaines catégories de syndicats, le second était que la CGTG n'était plus habilitée à négocier collectivement en vue de fixer les salaires minima. La commission traitera successivement de ces deux points.
  361. 198. Le décret-loi no 186/1969 dispose que, à partir de la date de sa promulgation, seuls les syndicats qui sont " représentatifs " auront le droit de négocier et de conclure une convention collective.
  362. 199. L'article 1 de ce décret prévoit que, dans le cas de syndicats du premier degré, seront représentatifs ceux dont au moins cent membres auront pris part aux dernières élections de leurs organes exécutifs et, dans le cas de fédérations, celles dont au moins cinq mille membres auront voté; les fédérations dont le nombre total de membres assurés auprès de la caisse d'assurances sociales correspondante ne dépasse pas dix mille ne seront reconnues comme représentatives que si les deux cinquièmes au moins de leur effectif total ont pris part à leurs élections les plus récentes. Le président d'un tribunal d'arbitrage de première instance sera appelé à trancher les cas où le statut représentatif d'un syndicat serait contesté. En formulant sa décision, il tiendra compte de l'effectif du syndicat et de son attitude d'indépendance absolue à l'égard de toute influence étrangère aux objectifs syndicaux et aux activités qu'il poursuit dans le cadre de ces objectifs, de l'acceptation par le syndicat de la procédure de négociation collective et de l'existence de garanties pour l'application des lois, des accords et de sentences arbitrales relativement à la saine activité syndicale déployée par l'organisation (art. 2).
  363. 200. L'article 3 prévoit que, dans le cas où deux syndicats seraient reconnus comme étant représentatifs, une décision adoptée sur la base des critères définis à l'article 2 précisera lequel des deux est le plus représentatif. Les confédérations et les centres ouvriers ne seront considérés comme étant représentatifs que s'ils groupent la majorité des syndicats appartenant à des fédérations de la même branche ou de branches connexes. Les syndicats du premier degré seront également considérés comme étant représentatifs à la condition qu'ils soient affiliés à une fédération représentative de syndicats de la même branche ou de branches connexes.
  364. 201. En vertu de l'article 4 du décret-loi no 186/1969, les conventions collectives ne s'appliqueront qu'aux seuls membres des syndicats qui y auront été parties, à cette réserve près que, lorsqu'un syndicat ayant été reconnu comme étant le plus représentatif aura effectivement négocié une convention, le syndicat considéré comme étant simplement représentatif sera également couvert par celle-ci, à moins qu'ayant été invité par le syndicat le plus représentatif à prendre part à la négociation il se soit abstenu de le faire ou, ayant participé, à moins qu'il ne soit pas d'accord avec les conditions ayant fait l'objet de la négociation et notifié immédiatement son désaccord aux organisations contractantes ainsi qu'au ministère du Travail.
  365. 202. Les articles 5 à 8 de ce décret-loi fixent la procédure à suivre pour la médiation et l'arbitrage et également en cas d'appel au ministre du Travail contre une sentence arbitrale. L'article 8 dispose d'autre part qu'il ne peut être mis fin à une convention collective d'une durée indéterminée, à moins que douze mois au minimum ne se soient écoulés depuis son entrée en vigueur.
  366. 203. M. Bacatselos, ancien ministre du Travail, a déclaré dans sa déposition que le droit de négocier collectivement avait été aboli dans une large mesure par les dispositions ci-dessus. Alors que, par le passé, des centaines de conventions collectives étaient conclues chaque année, très peu nombreuses seraient celles qui seraient signées à l'avenir. Un nombre insignifiant de syndicats et de fédérations seulement seraient à même de remplir les conditions auxquelles les articles 1 et 3 du décret subordonnent le caractère représentatif. Il a ajouté qu'il ne connaissait pas plus de trois fédérations remplissant la condition consistant à réunir cinq mille membres votants. Selon lui, ce texte conduirait à la disparition du système de négociation collective pour les raisons suivantes: a) seuls les membres d'organisations contractantes étaient liés par la convention et les organisations ne possédant pas le caractère représentatif étaient exclues de la négociation et de la conclusion de telles conventions, et b) pour qu'un syndicat du premier degré fût reconnu comme étant représentatif, il ne suffisait pas qu'il eût cent membres votants: il devait en outre être affilié à une fédération possédant, elle aussi, un caractère représentatif. Même des organisations très importantes telles que le Syndicat des travailleurs des industries chimiques de Grèce, bien que comptant des milliers d'adhérents, ne seraient pas à même de conclure des conventions puisqu'elles n'appartenaient pas à une fédération et beaucoup de syndicats de moindre importance, comme les syndicats des employés des municipalités, des organismes de droit public, etc., qui comptaient moins de cent membres se trouveraient exclus. La condition à laquelle était subordonné le caractère représentatif des fédérations de moins de dix mille membres était inapplicable dans la pratique, étant donné que le nombre total des travailleurs assurés dans une branche donnée ne pouvait faire l'objet d'une estimation correcte. M. Bacatselos a remis à la commission une liste importante énumérant des catégories de travailleurs qui, bien qu'appartenant à une fédération, ne seraient pas habilitées à conclure des conventions collectives à l'avenir. Il a ajouté que les petits employeurs s'efforceraient de recruter des employés non organisés (non couverts par des conventions collectives) de manière à payer à ceux-ci un salaire plus bas, ce que voyant les gros employeurs se retireraient des organisations patronales de manière à se soustraire aux obligations découlant des conventions collectives.
  367. 204. Ces arguments ont été largement confirmés par d'autres dépositions et informations recueillies par la commission. Les travailleurs non organisés ne pouvaient plus se prévaloir des conditions fixées par convention collective. L'article 2 du décret, prévoyant que, pour être représentatif, un syndicat doit avoir une attitude d'indépendance absolue à l'égard de toute influence étrangère aux objectifs syndicaux qu'il vise et aux activités qu'il poursuit dans le cadre de ceux-ci, serait interprété d'une manière si large que toute organisation formulant des revendications en faveur de ses membres serait considérée comme exerçant une activité sans rapport avec les objectifs qu'elle vise et, quel que soit le nombre de ses membres, le caractère représentatif lui serait refusé.
  368. 205. Dans un document communiqué à la commission, il a été affirmé que, sur les quarante-neuf fédérations affiliées à la CGTG, onze seulement (groupant le nombre d'adhérents le plus important) rempliraient les conditions spécifiées dans le décret pour être considérées comme étant représentatives; sur soixante-quinze centres ouvriers affiliés à la CGTG, douze seulement satisferaient à ces conditions. En ce qui concerne le nombre total des organisations habilitées à conclure des conventions collectives, la commission a entendu d'autres témoignages selon lesquels celui-ci était actuellement réduit de moitié, tous les syndicats et un ou deux des grands centres ouvriers s'en trouvant exclus. Le nombre des conventions collectives conclues en 1966 (105) et celui des sentences arbitrales rendues la même année (114) étaient sensiblement supérieurs aux chiffres correspondants de l'année suivante.
  369. 206. En ce qui concerne la législation en général, la commission a également entendu des témoignages selon lesquels celle-ci incitait les syndicats et les fédérations à accroître leurs effectifs et à fusionner en vue de parvenir à la capacité de représentation requise aux fins de négociation collective. La non-application des conventions collectives et des sentences arbitrales à la totalité des travailleurs d'une branche professionnelle donnée exercerait un effet stimulant sur un plus grand nombre de travailleurs de la même branche en les poussant à s'affilier au syndicat de leur choix et à bénéficier de la sorte des conditions offertes par les conventions collectives. Le représentant des ministres du Travail et de la Justice a déclaré que le Conseil d'Etat avait, alors que la législation précédente était en vigueur, décidé que, là où existaient plusieurs organisations au sein de la même branche professionnelle, le caractère représentatif de même que le droit de négocier et de conclure des conventions collectives ne pourraient être reconnus qu'à une seule d'entre elles. Il a affirmé que la nouvelle législation avait étendu ce droit à deux organisations, lesquelles pourraient agir de concert. Cela, a-t-il dit, était plus en harmonie avec la convention internationale du travail n, 98 que ne l'était l'ancien système. L'extension à toutes les organisations de la même branche professionnelle du droit de conclure les conventions collectives ne serait pas, a-t-il indiqué, favorable au développement des négociations collectives. Pour ce qui est de l'expiration des conventions collectives, il a précisé qu'il y avait lieu de noter que, bien qu'une année dût s'écouler avant qu'il fût possible d'y mettre fin, des négociations collectives et la conclusion de nouvelles conventions collectives n'étaient pas exclues durant cette période.
  370. 207. Le secrétaire général par intérim de la CGTG a informé la commission que, depuis la révolution, deux cent quatre-vingt-neuf sentences arbitrales avaient été rendues et cent vingt-sept conventions collectives conclues.
  371. 208. En ce qui concerne le salaire minimum, l'article 16 du décret-loi no 186/1969 prévoit la fixation d'un tel salaire pour les manœuvres et les apprentis par décision du Premier ministre et des ministres de la Coordination, de l'Industrie et du Travail, après consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs les plus représentatives. Il devra être tenu compte du développement économique national, du revenu national, de la productivité et du coût de la vie. Il ressort clairement des indications fournies par le gouvernement que cette disposition a pour effet d'empêcher la CGTG d'établir un salaire minimum au niveau national par voie de négociation collective.
  372. 209. Il a été allégué devant la commission que puisque, en vertu de la législation en vigueur, seuls ceux qui étaient membres d'un syndicat pouvaient bénéficier d'une convention collective, la plupart des travailleurs n'étaient plus désormais couverts. Antérieurement, les conventions collectives conclues par la CGTG et la Confédération des employeurs fixant le salaire minimum, bien que n'étant pas toujours satisfaisantes, fournissaient des modèles et permettaient de formuler des revendications sociales de grande portée.
  373. 210. Le secrétaire général par intérim de la CGTG a déclaré que les travailleurs avaient reçu du gouvernement l'assurance que le salaire minimum serait augmenté proportionnellement à l'accroissement du revenu national et qu'ils s'étaient assurés, depuis la révolution, des gains économiques substantiels. Dans le passé, a déclaré le représentant des ministres du Travail et de la Justice, de graves conséquences économiques avaient résulté de la fixation des salaires minima par voie de conventions collectives et le gouvernement avait toujours dû intervenir. Cette fixation avait, d'autre part, entraîné une égalisation totale des salaires dans toutes les branches professionnelles, alors que le nouveau système encourageait la négociation collective par branche professionnelle.
  374. b) Financement des syndicats.
  375. 211. Le système de financement des syndicats fonctionnant en 1967 a déjà été décrit au paragraphe 97, où il a été noté que la Commission d'investigation et de conciliation avait estimé que ce système était susceptible de donner lieu à des abus. A certains égards, le système a été modifié par le décret-loi no 186/1969. La question que la commission se propose d'examiner est si, par comparaison, les changements introduits par le décret-loi équivalent à des améliorations par rapport au système antérieur.
  376. 212. Le paragraphe 1 de l'article 10 du décret-loi no 186/1969 prévoit que les fédérations nationales possédant un caractère représentatif, qui groupent des syndicats de la même branche professionnelle ou de branches connexes, auront le droit de négocier une clause d'une convention collective ou de déclencher un conflit collectif en vue d'obtenir qu'un montant correspondant au salaire d'une journée d'un manoeuvre ou d'un apprenti soit déduit par l'employeur des étrennes des membres d'un syndicat et remis au Foyer ouvrier. Les fonds ainsi recueillis seront versés à un compte de la Banque de Grèce au nom de l'association qui aura obtenu une telle clause de retenue. La répartition de ces fonds par le Foyer ouvrier est effectuée en observant les pourcentages suivants (art. 10, paragr. 3)
  377. i) 10 pour cent à la confédération à laquelle la fédération représentative ayant obtenu la clause de retenue est affiliée;
  378. ii) 25 pour cent aux syndicats du premier degré affiliés à la fédération la plus représentative qui a obtenu la clause de retenue mentionnée ci-dessus (la répartition entre ceux-ci devant s'effectuer proportionnellement au nombre de membres de chacun d'eux dont les cotisations sont à jour);
  379. iii) 10 pour cent aux associations locales de syndicats (centres ouvriers), à la condition que leur siège se trouve dans une localité comptant plus de cent quatre-vingt mille habitants (la répartition se faisant proportionnellement au nombre des membres dont la cotisation est à jour que comptent les syndicats affiliés aux associations locales adhérant elles-mêmes à l'association de la même branche professionnelle ou de branches analogues ayant obtenu la clause de retenue);
  380. iv) 30 pour cent aux associations locales de syndicats décrites au paragraphe précédent, dont le siège est situé dans une localité de moins de cent quatre-vingt mille habitants, la répartition devant s'effectuer de la même manière;
  381. v) 25 pour cent aux fédérations nationales de syndicats de la même branche et des branches connexes, dont chacune gérera son propre compte et procédera à la répartition en observant des proportions semblables.
  382. 213. Une fédération de syndicats possédant un caractère simplement représentatif, ayant participé aux négociations sans manifester de désaccord à leur sujet, aura droit à un montant distinct proportionnel au nombre de membres dont la cotisation est à jour que comptent les syndicats qui y sont affiliés, et les organisations suivantes auront droit à une part du montant dont elle bénéficie, la répartition s'effectuant sur la base du nombre des membres dont la cotisation est à jour, à savoir (paragr. 4)
  383. i) la confédération à laquelle la fédération est affiliée;
  384. ii) les associations locales de syndicats;
  385. iii) les syndicats eux-mêmes.
  386. 214. Tout litige survenant au sujet de la répartition des fonds sera tranché par le tribunal de première instance du siège des syndicats parties à la convention.
  387. 215. Aux termes de l'article 11, les membres des syndicats ayant satisfait aux obligations prescrites à l'article 10 sont exemptés, en vertu de la législation en vigueur, du versement au Foyer ouvrier du montant d'une journée de salaire prélevé sur leurs étrennes.
  388. 216. L'article 12 prévoit que, en application de la législation en vigueur, les syndicats représentatifs auront le droit de recevoir des montants mensuels jusqu'à ce qu'ils négocient les conventions collectives nécessaires. Ces montants seront calculés sur la base du nombre de membres ayant pris part aux dernières élections de l'organe exécutif de leur syndicat. En vertu du paragraphe 2 de cet article, les syndicats qui n'ont pas encore été reconnus comme étant représentatifs pourront recevoir également un montant mensuel, calculé sur la même base, dans la mesure où ils ne perçoivent pas des cotisations d'adhérents en recourant au système des retenues, et cela durant deux années à partir de la date d'entrée en vigueur du décret-loi (art. 12, paragr. 2). Les organisations mentionnées dans cet article seront désignées par le Foyer ouvrier et approuvées par le ministre du Travail.
  389. 217. Aux termes de l'article 13, les syndicats à qui ne peut être reconnue la capacité représentative, parce qu'ils ne remplissent pas les conditions prévues à l'article 1 en matière d'effectifs, peuvent également recevoir une aide financière, aux mêmes conditions que celles qui existaient avant l'adoption de ce décret-loi, pendant une période de deux années à compter de la date de la promulgation de celui-ci.
  390. 218. Les syndicats qui, à l'époque de la promulgation du décret-loi, avaient nommé des conseils exécutifs en application de l'article 69 du Code civil auront droit à une aide de six mois à partir de la date de la promulgation; quant à ceux dont les conseils exécutifs ont été désignés par décision judiciaire à la suite de cette promulgation, ils auront droit à une assistance d'une durée de trois mois (art. 14). Dans chaque cas, cette aide financière sera renouvelée après l'élection du conseil exécutif.
  391. 219. L'article 15 prévoit qu'une assistance financière spéciale peut être accordée en vue d'aider des syndicats à acquitter les loyers des locaux qu'ils occupent ainsi que d'autres dépenses entraînées par l'organisation de leurs congrès ou l'établissement de contacts avec des organisations syndicales internationales.
  392. 220. Une aide peut également être octroyée à des associations de retraités en vue d'activités récréatives organisées en faveur de leurs membres dont la cotisation est à jour (art. 15, paragr. 2).
  393. 221. Les syndicats de travailleurs bénéficiant d'une assistance financière auront l'obligation de régler leurs comptes avec le Foyer ouvrier dans des délais qui seront fixés par le conseil d'administration de celui-ci.
  394. 222. Des témoins ont déclaré que si les nouvelles dispositions constituaient une tentative d'amélioration de l'ancien système, tout acheminement des cotisations syndicales par l'intermédiaire du Foyer ouvrier pourrait conduire à des lenteurs administratives dans les paiements à faire à un syndicat, ce qui aboutirait à placer celui-ci dans une situation financière difficile. D'autre part, ce système constituait aussi une menace à l'égard de l'indépendance des syndicats. M. Bacatselos, ancien ministre du Travail, a déclaré que le système introduit par le nouveau décret était compliqué, inapplicable et impossible à mettre en vigueur et que, dans la pratique, le système qui existait avant l'adoption de la nouvelle législation continuait d'être appliqué.
  395. 223. D'autre part, deux anciens secrétaire généraux de la CGTG ont indiqué à la commission que la législation la plus récente fournissait à tous les syndicats l'occasion de percevoir les cotisations de leurs membres et de développer leurs organisations. Les nouvelles dispositions signifiaient que les syndicats ne dépendaient plus en matière financière du gouvernement, mais du nombre de leurs membres. Ce système fournissait aux organisations l'occasion de développer et de renforcer leurs effectifs. Il a également été affirmé qu'à partir de l'adoption de ce décret, le Foyer ouvrier ne retiendrait que les cotisations des travailleurs qui n'appartenaient à aucun syndicat, alors que les cotisations des membres des syndicats seraient attribuées à leurs organisations. Les fonds provenant de travailleurs non organisés et retenus par le Foyer ouvrier seraient utilisés à des fins de construction, d'éducation et de récréation. Le représentant des ministres du Travail et de la Justice a informé la commission que l'utilisation faite par les syndicats des cotisations reçues directement de leurs membres, ou par l'intermédiaire du Foyer ouvrier, n'était soumise à aucun contrôle d'aucune sorte.
  396. 224. M. Barbatis, président actuel du Foyer ouvrier, a fourni à la commission des explications détaillées sur le fonctionnement du Foyer ouvrier et a signalé les différences existant entre le nouveau système, en vertu du décret-loi no 186/1969, et le système qui existait avant mai 1969. La commission a pris spécialement note de son témoignage relatif à la méthode de perception et de répartition des cotisations par le Foyer ouvrier en application de la nouvelle législation. Le témoin a affirmé que, durant la période de transition, c'est-à-dire jusqu'à ce que des conventions collectives aient été conclues par les organisations douées de capacité représentative, les montants alloués seraient calculés sur la base du nombre de membres ayant pris part aux dernières élections des conseils exécutifs des organisations intéressées. Il s'agissait là d'un système fonctionnant automatiquement, ne donnant lieu à aucune discrimination entre syndicats ni à aucune pression quant à l'usage fait des montants ainsi attribués. Depuis la promulgation du nouveau texte, des subsides étaient maintenant versés à cinquante fédérations, quatre-vingt-deux centres ouvriers et deux mille deux cent trente-deux syndicats du premier degré. Le témoin ne pouvait fournir à la commission aucune donnée ayant trait à des conventions collectives conclues par des organisations syndicales depuis la promulgation du décret-loi n, 186. La loi prévoyait, a-t-il ajouté, la possibilité d'accorder, après approbation du ministre du Travail, des subventions spéciales à certaines fins administratives; c'est ainsi que le 16e Congrès panhellénique de la CGTG, réuni récemment à Delphes, avait été financé grâce à une telle subvention en avril 1970. Le conseil d'administration du Foyer ouvrier était maintenant moins nombreux que par le passé et consistait en un président, un représentant des travailleurs, un représentant des employeurs et cinq membres spécialisés dans les questions financières ou techniques.
  397. 225. Sur la base des dépositions et des informations qu'elle a recueillies, la commission croit comprendre que suivant le système en vigueur avant l'adoption de la nouvelle législation, tous les travailleurs étaient tenus de payer des cotisations au Foyer ouvrier qui, à son tour, répartissait les fonds ainsi recueillis entre les fédérations, les centres ouvriers et la confédération; c'était seulement dans des cas exceptionnels que des montants étaient versés par le Foyer ouvrier à des syndicats du premier degré, lesquels étaient normalement financés par les syndicats du second degré auxquels ils étaient affiliés. Ces versements étaient fixés par le Foyer ouvrier et approuvés par le ministre du Travail.
  398. 226. La nouvelle législation a introduit un système selon lequel les fédérations représentatives peuvent conclure des conventions collectives prévoyant que les cotisations syndicales des membres seront déduites par les employeurs (check-off system), les membres sans appartenance syndicale restant tenus de verser leur contribution au Foyer ouvrier de la même manière que par le passé. Les cotisations des membres des syndicats sont ensuite transmises par le Foyer ouvrier aux organisations auxquelles les travailleurs appartiennent. Celles qui proviennent de membres non syndiqués sont affectées par le Foyer ouvrier principalement au bien-être et à l'éducation. Lorsqu'il n'existe pas de conventions collectives, les membres des syndicats, comme les travailleurs non syndiqués, sont tenus de cotiser au Foyer ouvrier comme c'était le cas avec l'ancien système. Il ressort des témoignages qu'elle a recueillis que de telles conventions n'ont pas encore été conclues. La commission est donc obligée d'en conclure qu'en ce qui concerne le système de perception des cotisations par le Foyer ouvrier il n'y a pas de changement par rapport au passé. D'autre part, pour ce qui est de la méthode de répartition des fonds, lorsqu'il y a des organisations syndicales représentatives, celles-ci auront le droit de recevoir des montants mensuels calculés sur la base du nombre de leurs membres ayant pris part aux dernières élections de leurs organes exécutifs. Quant aux organisations syndicales à qui n'a pas encore été reconnue la capacité représentative, ou qui ne sont pas en mesure de l'acquérir, elles pourront recevoir respectivement des montants mensuels ou une aide financière pendant une période de deux années à compter de la date de la promulgation du décret (10 mai 1969). En outre, la commission note qu'en vertu du système actuel, et contrairement au système précédent, ce ne sont pas seulement des syndicats du second degré, mais aussi des syndicats du premier degré qui ont effectivement reçu des subsides du Foyer ouvrier. De plus, la nouvelle législation prévoit l'octroi d'une assistance financière spéciale destinée à faire face à certaines dépenses d'ordre administratif et elle prend acte du fait qu'une telle subvention a été accordée à l'occasion de la réunion du 16e Congrès de la CGTG à Delphes, en avril 1970.
  399. CHAPITRE 9
  400. Conclusions
  401. 227. La commission est maintenant en mesure de formuler ses conclusions. La commission avait pour tâche de déterminer dans quelle mesure il y avait eu, ainsi que l'alléguaient les plaignants, des violations de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiées par la Grèce. Ces allégations relatives à des violations de la part du gouvernement de la Grèce rentrent dans deux catégories principales. La première concerne les mesures prises par le gouvernement à la suite du coup d'Etat qui a eu lieu en Grèce le 21 avril 1967, celles-ci étant pour la plupart des mesures d'exception que le gouvernement affirme avoir été justifiées par l'existence d'un état d'exception et dont l'application était par conséquent destinée à être temporaire. La seconde catégorie concerne en particulier les décrets-lois nos 185 et 186 promulgués en mai 1969, qui doivent faire partie à titre permanent de la législation grecque en matière syndicale. La commission aborde séparément l'examen de ces deux catégories de mesures.
  402. PARTIE 1
  403. 228. Les objectifs politiques poursuivis par ceux qui ont pris le pouvoir le 21 avril 1967 ne constituent pas un sujet sur lequel la commission est appelée à se pencher. Qu'il suffise de dire qu'il ne s'agissait pas d'objectifs qui ont conduit le nouveau gouvernement à entrer immédiatement en conflit avec la majorité des syndicats - en fait, la CGTG telle qu'elle existait à l'époque a favorablement accueilli d'une manière publique le changement de régime -, mais qu'il s'agissait d'objectifs contre lesquels la gauche s'érigerait probablement. En conséquence, aux premiers stades, les mesures prises par le nouveau gouvernement, dans la mesure où elles affectaient le mouvement syndical, n'ont affecté qu'une minorité des syndicats, principalement, sinon totalement, non affiliés à la CGTG, et que le gouvernement considérait comme étant sous l'influence du communisme. Ce n'est que plus tard que le gouvernement a élargi les objectifs visés par lui pour y inclure un certain contrôle sur le mouvement syndical dans son ensemble.
  404. 229. De l'avis de la commission, le gouvernement s'est efforcé d'atteindre son but en ce qui concerne le syndicalisme par trois moyens principaux. En premier lieu, il a dissous ceux des syndicats où l'influence communiste ou de gauche était suffisamment importante pour rendre, à son avis, opportune la reconstitution complète des syndicats sous une direction nouvelle. En deuxième lieu, lorsque l'ensemble d'un syndicat n'était pas, aux yeux du gouvernement, sous l'influence d'éléments de gauche, ce dernier a procédé à l'élimination de ceux des dirigeants qu'il avait des raisons de croire opposés au nouveau régime. Dans le cas des personnes dont l'opposition risquait d'être active et peut-être dangereuse, cette élimination a pris la forme de déportation suivie d'emprisonnement ou de détention. Lorsque les dirigeants intéressés pouvaient sans crainte être laissés en liberté, leur élimination des fonctions syndicales a été effectuée soit par révocation directe, soit par démission forcée. La troisième phase a été d'éliminer des fonctions syndicales ceux des dirigeants qui, sans être activement en opposition avec le gouvernement, ne collaboreraient pas activement à la poursuite des objectifs visés par celui-ci. Ce but a été atteint par des révocations ou des démissions forcées, assorties de désignations imposées, méthode qui a été décrite en détail ci-dessus et dont l'utilisation s'est poursuivie au moins jusqu'à la fin de 1968. De plus, la commission a acquis la conviction que l'un - sinon le principal - des buts visés par l'effet rétroactif de l'article 9 du décret-loi no 185 était de se débarrasser des dirigeants hostiles au régime pour permettre leur remplacement par d'autres dirigeants.
  405. 230. Ainsi, il n'a jamais été dans les vues du gouvernement de détruire entièrement le mouvement syndical. Il ne fait pas de doute que son premier objectif était de se prémunir contre ses adversaires politiques. Néanmoins, la commission est convaincue que l'objectif final du nouveau gouvernement était, entre autres, de s'assurer que les dirigeants du mouvement syndical hellénique seraient, tous ou pour la plupart, des sympathisants du nouveau régime ou des personnes n'étant pas susceptibles de s'opposer directement à celui-ci. La commission est convaincue que chacune des mesures mentionnées au paragraphe précédent constituait une étape vers la réalisation de cet objectif. A son avis, ces mesures, prises dans leur ensemble, constituent une violation manifeste de l'esprit et de la lettre de la convention no 87, d'abord parce qu'elles sont incompatibles avec le principe de la liberté syndicale et, en particulier, parce qu'elles constituent une violation de l'article 3 de la convention qui octroie aux organisations de travailleurs et d'employeurs " le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action ", les autorités publiques devant " s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal ". De plus, ainsi qu'on l'a vu au chapitre 5, la commission considère qu'une telle violation ne saurait être justifiée en tant que mesure d'exception.
  406. 231. Ayant abouti à cette conclusion générale, la commission examinera maintenant individuellement les mesures prises afin de déterminer dans quelle mesure chacune d'entre elles a constitué une violation de la convention.
  407. Dissolution de syndicats et confiscation de leurs biens
  408. 232. La dissolution d'organisations syndicales par voie administrative constitue de prime abord une violation de l'article 4 de la convention no 87 qui prévoit que " les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative ". Quant à la confiscation des biens des syndicats dissous, elle est, de l'avis de la commission, une question subsidiaire se rattachant à la question principale de la dissolution par voie administrative.
  409. 233. Il a été établi par des témoignages qu'un certain nombre d'organisations de travailleurs, probablement de l'ordre de deux cent cinquante, ont été dissoutes par les autorités administratives dans les mois qui ont suivi le coup d'Etat d'avril 1967 pour la plupart. Le gouvernement a affirmé que les organisations dissoutes étaient sous contrôle communiste et n'avaient pas pour objectif des activités syndicales. Si tel était le cas, ces organisations ne seraient pas des organisations de travailleurs ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs, selon la définition même de l'article 10 de la convention no 87 et, par suite, ne seraient pas habilitées à bénéficier de la protection accordée par l'article 4 de la convention.
  410. 234. A cet égard, le gouvernement n'a produit aucune preuve quant à la base sur laquelle les autorités administratives se sont fondées pour publier des proclamations décrétant les organisations dissoutes. De même, les proclamations elles mêmes ne contiennent aucune déclaration relative aux raisons venant à l'appui de la mesure adoptée. Aucune information n'a été soumise à la commission en ce qui concerne le degré d'activité communiste ou politique existant dans les organisations dissoutes. Le gouvernement grec a fondé son argumentation sur les indications disponibles selon lesquelles l'influence communiste serait forte dans certains syndicats. La commission ne peut pas considérer, sur la base de ces indications, qu'aucune des organisations dissoutes n'avait laissé ses objectifs se détériorer au point de ne plus pouvoir être considérée comme une organisation " ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs " au sens de l'article 10 de la convention no 87. Le simple fait qu'une organisation ait été radiée de la CGTG ne suffit pas par lui-même à la priver de la protection de la convention.
  411. 235. La commission est donc obligée de conclure que le gouvernement a agi en violation de l'article 4 de la convention no 87 en dissolvant des syndicats par voie administrative.
  412. Arrestation, détention, interrogatoire et destitution de dirigeants syndicaux
  413. 236. Pour apprécier les faits concernant la détention, l'arrestation ou les interrogatoires des dirigeants syndicaux, il convient de partir des règles fondamentales inscrites à l'article 3 de la convention no 87. Cet article, après avoir mentionné que les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action, stipule que " les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal ".
  414. 237. Cette règle implique nécessairement que les pouvoirs publics ne peuvent priver de liberté les dirigeants syndicaux dans le but de mettre fin à leur activité syndicale. Une telle action constituerait même la violation la plus importante de la convention sus-rappelée, car elle aurait pour résultat non seulement de priver un syndicat de ses chefs naturels, mais également, par les répercussions qu'entraîneraient les mesures coercitives, d'empêcher le remplacement des dirigeants privés de l'exercice effectif de leur mandat par d'autres personnes efficaces et compétentes. Le climat de crainte ainsi créé ne permettrait pas à un syndicat de fonctionner normalement.
  415. 238. Mais la convention no 87 n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire à un gouvernement d'utiliser ses pouvoirs légitimes en matière d'ordre public lorsque les dirigeants des syndicats commettent des crimes ou des délits définis par la loi nationale. La convention ne crée aucune immunité au profit de cette catégorie sociale et prévoit même que les travailleurs et leurs organisations sont tenus, à l'instar des autres personnes, de respecter la légalité, la législation nationale ne devant de son côté porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la convention.
  416. 239. Ainsi, l'arrestation d'un dirigeant syndical ne constitue pas elle-même une violation de la convention. Il appartient à la commission de rechercher l'intention de l'auteur de la décision. Une telle analyse est nécessairement délicate et l'instruction d'affaires de ce genre nécessiterait, dans la plupart des cas, des possibilités d'investigation que les organisations internationales ne possèdent pas toujours.
  417. 240. La commission s'est heurtée à ces difficultés. Elle a la preuve que cent vingt-deux dirigeants syndicalistes sont internés depuis plus de trois ans. En présence de ce fait reconnu par tous, elle s'est efforcée de rechercher les motifs de ces arrestations.
  418. 241. Les plaignants n'ont apporté aucun commencement de preuve à l'appui de leurs allégations selon lesquelles ces personnes auraient été déportées en raison de leur position ou activité syndicale. Ils n'ont même indiqué, sur la demande de la commission, qu'une liste de vingt-huit noms.
  419. 242. Le gouvernement, lui, a fourni à la commission, à propos des vingt-huit noms indiqués par les plaignants, des extraits des archives de la police. Ces documents, en raison de leur nature même, ne présentent pas les garanties nécessaires d'objectivité. On peut noter aussi que certains sont bien imprécis. En outre, bien qu'ayant reconnu que cent vingt-deux dirigeants syndicalistes avaient été déportés, le gouvernement n'a jamais donné la liste de ces personnes et à plus forte raison les motifs exacts de l'internement, à l'exception des vingt-huit noms indiqués par les plaignants.
  420. 243. Le gouvernement a fait état d'autre part de quelques condamnations prononcées par des tribunaux militaires pour infractions aux lois sur la sûreté de l'Etat.
  421. 244. Les motifs des incarcérations ne ressortent donc pas clairement des documents et des témoignages produits devant la commission. Celle-ci, cependant, a pensé qu'elle avait le droit, puisqu'il s'agit d'apprécier les motifs d'une action, d'examiner si des faits postérieurs à la décision d'incarcération pourraient apporter, dans un sens ou dans un autre, la preuve qui lui faisait défaut. Elle a constaté que l'emprisonnement ou la déportation se prolongeait depuis plus de trois ans sans que, dans la plupart des cas, une instruction judiciaire ait été ouverte. Un tel fait pourrait constituer une présomption de non-culpabilité des intéressés qui n'ont pas la possibilité de faire valoir leurs moyens de défense. La commission n'a pas cru pouvoir, dans l'état du dossier, franchir le pas qui aurait consisté à faire de cette présomption une preuve de la violation par le gouvernement de l'article 3 de la convention no 87.
  422. 245. Au demeurant, les preuves de l'ingérence gouvernementale dans le fonctionnement des syndicats sont si nombreuses dans d'autres domaines que la commission a estimé inutile de retenir un point douteux qui ne pourrait, en tout état de cause, modifier les conclusions générales du présent rapport. En revanche, des preuves concluantes portant sur la révocation directe de cadres syndicaux et leur remplacement par les autorités ont été soumises à la commission. La commission était saisie de copies d'arrêtés militaires portant sur des révocations. Le gouvernement n'a pas nié que ces arrêtés aient été pris. La commission a estimé que l'on ne pouvait attendre des plaignants qu'ils fissent plus que de produire - comme cela avait été le cas - un certain nombre d'arrêtés de ce genre, à titre d'exemples. Cela suffit pour que le fardeau de la preuve soit à la charge du gouvernement en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles ces arrêtés ont été pris, et c'est à lui qu'il appartient de montrer, si tel est bien le cas, que ces arrêtés revêtaient un caractère isolé. En l'absence de toute preuve de ce genre, la commission s'est estimée fondée à inférer que la révocation de dirigeants syndicaux par les autorités et la désignation de leurs successeurs constituaient une pratique répandue; de même, en l'absence de toute explication probante, la commission a de la peine à croire que les révocations en question n'étaient prononcées qu'à l'encontre de communistes ou de militants syndicaux se livrant activement à des activités politiques.
  423. 246. Sur ces points, la commission conclut que le fait d'écarter des cadres syndicaux de leurs fonctions par des procédés de ce genre constitue de la part des autorités une violation de (article 3 de la convention no 87.
  424. Intervention générale des autorités dans les affaires syndicales
  425. 247. La commission considère que des preuves suffisantes ont été fournies, établissant qu'entre avril 1967 et la fin de 1968 l'ingérence de la police dans certaines réunions syndicales, du fait de sa présence à de telles réunions, suffisait à limiter ou à entraver la libre discussion par ces syndicats de questions syndicales de caractère légitime. La commission a également acquis la conviction qu'il y a eu intervention en ce sens que l'on a contraint des dirigeants syndicaux, que les autorités ne désiraient plus voir conserver leurs fonctions, à démissionner, et que l'on a contrôlé les listes de candidats dans le but d'approuver ou de biffer les noms y figurant. La commission conclut que de telles interventions constituent une violation de l'article 3 de la convention.
  426. Création de nouveaux syndicats
  427. 248. La commission a observé que, si la création de nouveaux syndicats ne semble avoir été à aucun moment interdite, il n'en reste pas moins qu'un nouveau syndicat, en particulier lorsqu'il s'agissait d'une organisation destinée à remplacer un syndicat dissous, ne pouvait être créé, du moins dans les mois qui ont suivi la révolution, sans l'autorisation ni le contrôle préalables de l'autorité militaire. Or un tel contrôle exercé à propos de la création d'une nouvelle organisation syndicale constitue une ingérence qui est contraire à la garantie prévue à l'article 3 de la convention. De plus, ce genre d'intervention enfreint aussi l'article 2 de la convention, lequel dispose que " les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières ".
  428. PARTIE 2
  429. Décrets-lois nos 185/1969 et 186/1969
  430. 249. Il est normal de trouver dans toute législation portant sur les questions syndicales des dispositions visant à protéger l'intérêt public de même que les intérêts des syndicalistes eux-mêmes contre les abus d'autorité ou l'usage arbitraire de l'autorité par les dirigeants syndicaux. Dans son étude des décrets-lois nos 185 et 186, la commission a examiné dans quelle mesure les dispositions de cette législation répondaient bien au souci d'assurer la protection mentionnée plus haut ou si elles n'allaient pas au-delà de ce qui était légitime.
  431. 250. D'une manière générale, la législation en matière syndicale en vigueur avant la révolution ne satisfaisait pas pleinement aux exigences des conventions sur la liberté syndicale ratifiées par la Grèce, et une réforme de cette législation devait être particulièrement bien accueillie si elle aboutissait à l'adoption de nouvelles dispositions visant à assurer une conformité totale avec les clauses des conventions. La commission estime néanmoins que plusieurs des dispositions de la nouvelle législation ne sont pas en harmonie avec les normes internationales en la matière.
  432. 251. Les conclusions de la commission sur les dispositions législatives ayant donné naissance à des allégations sont exposées ci-après.
  433. Décret-loi no 185/1969.
  434. Conditions requises pour occuper des postes syndicaux.
  435. 252. L'article 9 de ce décret-loi prévoit que, pour être élu à un poste syndical, le candidat doit avoir travaillé, au cours des six années précédant la date du scrutin, pendant un minimum de cent jours par an, soit au total six cents jours, avec un minimum de cinquante jours par année.
  436. 253. Cette disposition, dont l'effet immédiat a été la destitution du personnel dirigeant de la CGTG encore en fonction lors de la publication du décret, a également des conséquences permanentes importantes. Elle interdit aux travailleurs à la retraite et aux jeunes gens n'ayant pas six années d'activité d'être élus à un poste aux différents échelons de l'organisation syndicale. Elle nuit au bon fonctionnement des syndicats, car les activités et les responsabilités des dirigeants, au moins à partir d'un certain échelon, sont telles à l'heure actuelle que ces personnes n'ont plus la possibilité matérielle d'exercer un emploi dans une entreprise. Enfin, le risque existe qu'un employeur, en licenciant un employé, puisse par là le rendre inapte à occuper une fonction syndicale.
  437. 254. C'est pour toutes ces raisons que la commission estime que cette disposition impose des exigences allant à l'encontre de l'article 3 de la convention no 87, lequel dispose que les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants.
  438. Rémunération des cadres, du personnel et des conseillers juridiques des syndicats.
  439. 255. L'article 10 de ce décret-loi limite la rémunération que les syndicats peuvent payer aux membres de leurs comités exécutifs, à leur personnel et à leurs conseillers juridiques.
  440. 256. La commission n'a recueilli aucune preuve indiquant qu'il y ait eu des abus généralisés dans le paiement des traitements des personnes appartenant à ces catégories dans le mouvement syndical grec, de nature à justifier l'adoption d'une disposition conçue à cet effet. La commission a également admis l'argument invoqué selon lequel l'article 10 aurait pour conséquence d'empêcher les organisations syndicales d'engager librement du personnel et des conseillers juridiques, ou de continuer à s'assurer les services de cadres syndicaux, dont le concours pourrait exiger une rémunération plus élevée que celle qui est autorisée par la loi. Cela encore serait préjudiciable au fonctionnement efficace des organisations intéressées.
  441. 257. La commission estime qu'une disposition de cette nature constitue une infraction à l'article 3 de la convention no 87, lequel prévoit que " les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit... d'organiser leur gestion " et que " les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal ".
  442. Destitution de cadres syndicaux et dissolution de syndicats.
  443. 258. L'article 6 du même décret-loi dispose que les dirigeants et les représentants syndicaux seront révoqués de leurs fonctions par décision judiciaire s'ils se trouvent impliqués dans des activités dirigées contre l'intégrité de l'Etat, ou sa sûreté, ou son régime politique ou social. Il prévoit également que les syndicats seront dissous par ordre du tribunal lorsque leurs objectifs ou leur activité seront contraires à l'intégrité de l'Etat, ou à sa sûreté, ou à l'ordre politique ou social ou aux libertés civiles.
  444. 259. Le libellé de cette disposition est très large et beaucoup dépend de la manière dont elle est interprétée et appliquée. Jusqu'ici, aucune mesure n'a été prise en application de cette disposition et la commission estime qu'il serait prématuré de déclarer qu'il y a eu violation de la convention no 87.
  445. Le droit de grève.
  446. 260. Les dispositions figurant à l'article 3 du décret-loi no 185 limitent la durée d'une grève à trois jours, à moins qu'un vote émis à la majorité des membres d'un syndicat réunis en assemblée générale n'en autorise la prolongation. Toute décision de faire grève doit être notifiée à l'association des employeurs qui est compétente pour négocier une convention collective, ainsi qu'au ministère du Travail. De plus, pendant toute grève, l'organe exécutif d'un syndicat veillera à ce que le personnel nécessaire à la surveillance des installations du lieu de travail soit disponible. Les grèves sont interdites à titre temporaire pendant une médiation, conformément à l'article 4 du décret-loi no 185.
  447. 261. La commission a constaté que la convention no 87 ne contient aucune garantie spécifique concernant le droit de grève. La commission est toutefois d'avis qu'une interdiction absolue de la grève constituerait une limitation sérieuse du droit des organisations de promouvoir et de défendre les intérêts de leurs membres (art. 10 de la convention) et pourrait aller à l'encontre de l'article 8, paragraphe 2, de la convention en vertu duquel " la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues (par la convention) ", garanties qui comportent le droit pour les syndicats d'organiser librement leur activité (art. 3). La commission n'a recueilli aucun élément de preuve indiquant que les dispositions du décret-loi no 185 étaient telles qu'elles rendent en pratique les grèves impossibles ou les limitent au point de restreindre les droits garantis par la convention. Par ailleurs, le décret-loi en question n'est pas en vigueur depuis suffisamment longtemps pour permettre de déterminer pleinement ses effets pratiques. La commission estime que l'absence de grèves en Grèce est plus le résultat de la situation qui prévaut encore dans le pays en raison du climat politique que la conséquence de la législation en vigueur. Dans ces conditions, la commission n'est pas disposée à admettre que la législation constituerait une violation de la convention.
  448. Décret-loi no 186/1969.
  449. Négociation collective.
  450. 262. Comme on l'a vu plus haut, le décret-loi no 186/1969 énonce des conditions précises qui doivent être remplies avant qu'une organisation syndicale puisse être reconnue comme étant représentative et, par conséquent, juridiquement capable d'entamer des négociations en vue de l'établissement d'une convention collective. L'observation de ces exigences dépend principalement d'un nombre déterminé de membres ayant voté lors des élections les plus récentes de l'organisation intéressée. En outre, la législation enlève à la Confédération générale du travail de Grèce le droit de conclure des conventions collectives fixant le salaire minimum national et donne au gouvernement le pouvoir d'arrêter celui-ci à l'avenir.
  451. 263. La commission note que l'article 4 de la convention no 98 prévoit que " des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi ".
  452. 264. Pour ce qui est des conditions mises à l'acquisition de la capacité de représentation, la commission rappelle cependant que le Comité de la liberté syndicale et la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations ont été d'avis que, si plus d'une organisation syndicale existe au sein d'une catégorie particulière de travailleurs, il ne serait pas incompatible avec les conventions sur la liberté syndicale d'accorder au syndicat le plus représentatif, déterminé d'après des critères objectifs, le droit de conclure en priorité ou à titre exclusif des conventions collectives. L'octroi d'un tel droit de représentation à des fins de négociation collective ne peut être considéré en aucune façon comme constituant une pratique discriminatoire. La commission accepte ce point de vue.
  453. 265. Dans le cas présent, le décret-loi no 186 renferme certaines dispositions à cet effet. Toutefois, lorsqu'il s'agit de déterminer quel est le syndicat le plus représentatif, d'autres critères doivent entrer en ligne de compte, tels que l'attitude d'absolue indépendance vis-à-vis de toute influence sans rapport avec les objectifs syndicaux poursuivis par le syndicat et les activités déployées dans le cadre de ces objectifs. En outre, une organisation - indépendamment de l'existence d'autres organisations au sein de la même catégorie de travailleurs - doit, pour être reconnue comme représentative à des fins de négociation collective, satisfaire au critère de l'effectif de base ainsi qu'aux autres critères énoncés dans le décret-loi. La commission a constaté que la condition posée en matière d'effectifs a eu pour résultat pratique de réduire fortement le nombre des organisations habilitées à conclure des conventions collectives. En outre, elle est d'avis que l'exigence supplémentaire posée en matière d'indépendance absolue est vague et ne fournit aucun critère précis propre à en assurer l'application objective.
  454. 266. La commission estime que, sur la base des dispositions contenues à l'article 3 de la convention no 87 lues en conjonction avec celles de l'article 4 de la convention no 98, les syndicats, en règle générale, devraient avoir le droit d'entamer des négociations collectives. Elle conclut que les dispositions du décret-loi no 186 non seulement apportent des restrictions au droit des syndicats d'organiser leur activité, mais aussi exercent un effet contraire à l'encouragement de la négociation collective volontaire.
  455. 267. En ce qui concerne la question des salaires minima, la commission estime que la décision du gouvernement de substituer à la procédure de négociation collective destinée à fixer le salaire minimum national un nouveau système laissant au gouvernement la décision dans ce domaine ne peut être considérée comme une violation des normes sur la liberté syndicale et la négociation collective telles qu'elles sont établies par les conventions nos 87 et 98.
  456. Financement des syndicats.
  457. 268. Les dispositions du décret-loi no 186/1969 relatives au système de financement des syndicats ont été examinées au chapitre 8 du présent rapport. Au vu de ces dispositions, la commission conclut que le nouveau système introduit par cette législation continue à avoir un caractère restrictif par rapport aux normes établies par les conventions sur la liberté syndicale, à la fois en ce qui concerne la capacité des organisations de conclure des conventions collectives et le degré de dépendance des syndicats vis-à-vis du Foyer ouvrier. Elle estime que toute forme de contrôle exercé par l'Etat, soit par l'intermédiaire du Foyer ouvrier, soit d'une autre manière impliquant une intervention directe ou indirecte, doit être abolie afin de permettre au mouvement syndical de parvenir à l'indépendance financière qui constitue une condition nécessaire à la jouissance des garanties fixées par la convention no 87.
  458. Certificats de loyalisme
  459. 269. Il n'appartient pas à la commission de se prononcer sur les mérites du système qui veut que ceux qui briguent un emploi dans certaines catégories d'activités fournissent un certificat de loyalisme. La commission ne serait appelée à connaître de ce système que s'il était démontré qu'il était utilisé afin d'empêcher les activités syndicales ou de porter préjudice à ceux qui les exercent. La commission n'ayant pas reçu de preuve qu'il en fût ainsi, il s'ensuit qu'elle n'a pas constaté à cet égard de violation de la convention.
  460. CHAPITRE 10
  461. Recommandations
  462. 270. La commission, après avoir consigné ses constatations sur toutes les questions de fait relatives au différend existant entre les parties, est maintenant appelée, en vertu de l'article 28 de la Constitution de l'OIT, à faire les recommandations qu'elle croit devoir formuler tant en ce qui concerne les mesures à prendre pour donner satisfaction aux plaignants que les délais dans lesquels ces mesures devraient être prises.
  463. 271. La commission a conclu qu'un certain nombre des mesures prises par le gouvernement le 21 avril 1967 et après cette date pour assurer et raffermir sa position avaient eu pour effet de porter atteinte à la liberté syndicale et constituaient des violations de la convention no 87. Il serait vain de se borner à recommander que toutes ces mesures soient rapportées et que l'on revienne à la situation prévalant avant le 21 avril 1967; de même, le rétablissement de la situation antérieure ne signifierait pas que le syndicalisme en Grèce se trouverait dans une situation satisfaisante. C'est pourquoi la commission, qui ne terminera certes pas son rapport sans faire certaines observations de caractère général sur l'état des droits syndicaux en Grèce, tel qu'il se présente à l'heure actuelle et tel qu'on peut espérer qu'il évoluera dans l'avenir, estime que ses recommandations détaillées doivent, pour avoir une utilité, présenter des propositions visant à améliorer celles des dispositions contenues dans les décrets-lois nos 185 et 186 qui font maintenant partie intégrante de la structure permanente de la législation hellénique en matière syndicale. Dans ces conclusions, la commission a estimé qu'un certain nombre de dispositions des décrets-lois nos 185 et 186 de 1969 étaient contraires tant à l'esprit qu'à la lettre des conventions nos 87 et 98.
  464. 272. Mises à part les dispositions de l'article 6 du décret-loi no 185 de 1969 concernant la révocation des dirigeants syndicaux et la dissolution des syndicats qui pose un problème particulier, une distinction peut être faite parmi ces dispositions entre celles qui doivent être purement et simplement abrogées et celles qui peuvent subsister sous réserve d'amendement.
  465. 273. Dans la première catégorie figurent les conditions exigées pour l'élection des cadres syndicaux prévue à l'article 9 du décret-loi no 185 et la rémunération des cadres, du personnel et des conseillers juridiques des syndicats prévue à l'article 10 du même texte. La commission recommande que ces dispositions, à l'exception du paragraphe 8 de l'article 9, soient abrogées. Le paragraphe 8 prescrit que pendant les heures de travail les dirigeants syndicaux peuvent bénéficier d'un certain nombre d'heures de congé par mois dans le but de faciliter l'activité syndicale de ces personnes. La commission considère que cette disposition peut, en principe, avoir un effet bénéfique dès lors que l'obligation de travail salarié sera supprimée.
  466. 274. Dans la seconde catégorie figurent la réglementation du droit de grève, les conditions dans lesquelles peuvent se dérouler les négociations collectives et le financement des syndicats.
  467. 275. La commission a signalé ci-dessus qu'elle ne considérait pas que la législation actuelle en matière de grève constituait une violation de la convention. Mais elle pense que les dispositions, qu'elle ne condamne pas, constituent un cadre trop rigide et qu'il convient, avec l'appui, si le gouvernement grec le désire, d'experts du BIT, de revoir la législation afin de la rendre plus souple.
  468. 276. Pour les négociations collectives, la refonte nécessaire doit être très large. Le but à atteindre, conformément aux stipulations de l'article 4 de la convention no 98, est d'encourager et de promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociations collectives. Il convient à cet effet de revoir la définition de syndicats autorisés à négocier des conventions collectives. Il n'est pas admissible, par exemple, qu'un syndicat d'une entreprise dont les effectifs de personnes qui votent sont inférieurs à cent unités ne puisse pas négocier des conventions sur les conditions de travail, l'hygiène, la sécurité, etc. Dans le même esprit, il convient également de revoir les procédures qui sont trop lourdes pour être efficaces. Là encore, le gouvernement grec pourrait faire appel à des experts du BIT.
  469. 277. Le problème du financement revêt toujours une importance considérable du point de vue du libre exercice des droits syndicaux. Toute réforme du système qui conduirait à laisser subsister un financement par le truchement du Foyer ouvrier ne peut pas conduire à des résultats satisfaisants. Depuis de nombreuses années, les gouvernements et les syndicats de la Grèce et, à l'échelon international, le Comité de la liberté syndicale ainsi que la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale, dans son rapport du 14 juillet 1966, concernant la situation syndicale en Grèce ont été unanimes à condamner le système. La commission d'investigation et de conciliation a envisagé plusieurs solutions entre lesquelles on peut choisir. La commission se réfère à ces conclusions. Elle prend également à son compte la conclusion de la précédente commission qui indiquait: " Quelle que soit cette solution, et même si elle devait être précédée d'une phase de transition, il conviendrait que les promoteurs du nouveau système veillent à ce qu'il ne puisse porter atteinte, même indirectement, aux droits consacrés par la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Grèce, droits qui supposent l'indépendance financière et impliquent que les organisations de travailleurs ne soient pas financées d'une manière qui les place à la discrétion des pouvoirs publics ou qui compromette le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et d'y adhérer. "
  470. 278. Il reste la question du pouvoir conféré aux tribunaux grecs par l'article 6 du décret-loi no 185 de dissoudre tout syndicat dont les objectifs et les activités sont dirigés contre (entre autres) " le régime politique et social " et de révoquer de ses fonctions tout syndicaliste qui se livre individuellement à des activités d'une telle nature. La commission a noté qu'une disposition semblable, applicable à toutes les associations, est contenue dans l'article 19, paragraphe 2, de la Constitution de 1968. Si la commission a conclu qu'il serait prématuré de déclarer que de tels textes constituent une violation de la convention no 87 avant de savoir comment ils seraient interprétés par les tribunaux, elle aurait sans aucun doute été extrêmement préoccupée si elle avait constaté qu'il était fait usage de ce pouvoir pour dissoudre des syndicats ou révoquer de leurs fonctions des syndicalistes uniquement du fait que leurs objectifs politiques ou sociaux les opposaient au gouvernement du moment. La commission recommande donc que le gouvernement de la Grèce soit invité à fournir, dans les rapports visés au paragraphe suivant, des informations détaillées au sujet de toute décision judiciaire qui interpréterait ou porterait application de ces textes.
  471. 279. En conclusion, et compte tenu de ce qui précède, la commission recommande à la Grèce, dans ses rapports présentés au titre de l'article 22 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail sur les mesures prises pour donner effet aux dispositions des conventions nos 81 et 98, d'indiquer régulièrement les dispositions qui auront été prises au cours de chaque période considérée pour donner suite aux recommandations contenues dans le présent rapport. La commission a examiné s'il y avait lieu d'indiquer une période de temps pendant laquelle de telles informations devraient continuer à être fournies, mais comme la durée pour laquelle une telle procédure demeurera souhaitable dépend du rythme des progrès qui auront été faits, elle a estimé préférable de laisser à l'appréciation de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations le moment où il y aura lieu d'indiquer qu'il n'est plus nécessaire de communiquer des informations particulières sur l'ensemble de ces points ou sur certains d'entre eux.
  472. 280. La commission considère que la mise en oeuvre de ces recommandations ne suffirait pas à elle seule à rendre l'exercice du syndicalisme en Grèce pleinement conforme à la lettre et à l'esprit de la convention no 87. On peut dire que ce but ne sera pas acquis avant que les libertés civiles aient été pleinement rétablies. La commission a pris note de la conclusion énoncée par la Conférence internationale du Travail dans la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles adoptée à sa 54e session (1970). La Conférence a conclu que les droits conférés aux organisations de travailleurs et d'employeurs doivent se fonder sur le respect des libertés civiles qui ont été énoncées notamment dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et que l'absence de ces libertés civiles enlève toute signification au concept des droits syndicaux. La commission ne doute pas que cette résolution exprime tout ce qui est souhaitable en la matière. La commission elle-même, toutefois - en tant qu'organe semi-judiciaire désigné dans le but limité d'enquêter sur des violations alléguées des conventions nos 87 et 98 -, est appelée à se préoccuper des règles positives de droit plutôt que des objectifs auxquels elles tendent. En d'autres termes elle doit se pencher sur les conditions que les Etats qui ont ratifié ces conventions se sont solennellement engagés à réaliser plutôt que sur les buts à atteindre.
  473. 281. Il n'y a pas de doute que ces règles positives de droit doivent comprendre des libertés fondamentales telles que la protection contre les arrestations arbitraires et la liberté d'opinion et de parole dans la mesure où celles-ci sont nécessaires pour permettre aux organisations de travailleurs et d'employeurs de promouvoir et de défendre les intérêts de leurs membres. La commission a noté dans son rapport les diverses mesures qui ont été prises par le gouvernement de la Grèce pour rétablir la protection de la loi à l'égard de ces libertés fondamentales. La commission a également constaté qu'elle n'avait pas recueilli de preuves qu'il ait été commis depuis la fin de 1968 des actes spécifiques qui correspondent à des interventions directes dans la liberté syndicale. Néanmoins, la commission estime qu'il est probable que les sérieuses violations de la convention qu'elle a relevées au cours des premières périodes ont laissé derrière elles un sentiment de contrainte qui entrave le plein exercice des libertés et des droits syndicaux. Alors que, par exemple, un usage excessif du droit de grève indiquerait un état malsain des relations professionnelles, la commission ne peut croire que l'absence de toute grève depuis avril 1967 doit être attribuée à ce que tout le monde est satisfait dans le domaine professionnel. Elle considère la passivité totale à cet égard comme un des divers signes indiquant que les dirigeants syndicaux répugnent à prendre toute mesure qui ne soit pas pleinement approuvée par le gouvernement.
  474. 282. Ce sentiment de contrainte continuera, de l'avis de la commission, à exister jusqu'à ce que les dispositions de la nouvelle Constitution soient pleinement mises en application et que la loi sur l'état de siège cesse complètement d'être en vigueur. Même alors ce sentiment de contrainte subsistera jusqu'à ce que l'effet des mesures d'exception soit effacé et notamment jusqu'à ce que le gouvernement soit en mesure de déclarer que tous les membres de syndicats (la commission ne se réfère qu'à eux parce qu'ils sont les seuls à relever de sa compétence), qui ont été déportés depuis avril 1967 et détenus depuis sans que l'on sache rien de plus à leur propos que les modestes informations signalées dans le présent rapport, ont été soit relâchés soit jugés publiquement. Lorsqu'il y a eu une interruption de la liberté syndicale dans les proportions indiquées dans ce rapport, il faut plus qu'une restauration formelle de l'état de choses antérieur pour rectifier la situation; il faut aussi rétablir une atmosphère dans laquelle on ne sente pas de restriction. Si la commission avait été en mesure de visiter la Grèce, elle aurait cherché à établir dans quelle mesure les dirigeants syndicaux qui sont maintenant en fonction ont été librement élus et s'estiment libres de parler et d'agir dans l'intérêt de leurs membres, indépendamment de l'approbation ou non du gouvernement. La commission désire, et c'est la dernière de ses propositions, recommander que, dès que le gouvernement de la Grèce estimera que la liberté d'association est pleinement rétablie dans l'esprit comme dans la lettre, il invite l'OIT à envoyer en Grèce une commission d'investigation ou un organe analogue qui soit en mesure de compléter la tâche que la commission a dû laisser inachevée.
  475. Genève, le 14 octobre 1970.
  476. (Signé) DEVLIN, président. Jacques DUCOUX. M.K. VELLODI.
  477. Post-scriptum
  478. Ayant signé le présent rapport, les membres de la commission désirent exprimer au Directeur général du Bureau international du Travail et à ses collaborateurs leurs vifs remerciements pour tout l'appui qu'ils ont trouvé dans toutes les phases de la procédure.
  479. D. J. D. M. K. V.
  480. Annexes
  481. Annexe I
  482. Plainte déposée par MM. Beermann, Morris, Vognbjerg et Sunde
  483. La plainte signée de MM. Beermann, Morris, Vognbjerg et Sunde est ainsi conçue: (Traduction)
  484. Plainte concernant la non-observation de la convention no 87 par le gouvernement de la Grèce, déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail par MM. Beermann, Morris, Vognbjerg et Sunde
  485. Les délégués travailleurs suivants, à la 52ème session (1968) de la Conférence internationale du Travail, déposent par la présente, auprès du Bureau international du Travail, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, une plainte concernant la non observation de la convention no 87 par le gouvernement de la Grèce:
  486. H. BEERMANN (République fédérale d'Allemagne); J. MORRIS (Canada); S. B. VOGNBJERG (Danemark); O. SUNDE (Norvège).
  487. La plainte est basée sur les faits suivants:
  488. 1. La dictature militaire qui a usurpé le pouvoir le 21 avril 1967, en renversant le gouvernement démocratiquement constitué de la Grèce, a suspendu un certain nombre de dispositions importantes de la Constitution grecque qui garantissaient les libertés démocratiques fondamentales et les droits fondamentaux de l'homme.
  489. 2. Comme conséquence, ainsi que cela a été officiellement confirmé par l'ambassadeur Tziras, délégué gouvernemental de la Grèce à la 52ème session de la Conférence internationale du Travail, devant la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence (cinquième rapport de la Commission de vérification des pouvoirs), "en juin 1967, deux cent quatre-vingts Organisations de diverses sortes avaient été dissoutes par décision administrative; cent quarante-six de ces Organisations étaient des syndicats. Les fonds syndicaux des organisations dissoutes sont d'une valeur minime et les propriétés consistent essentiellement en mobilier et en matériel de bureau. Ces biens Ont été séquestrés par l'autorité administrative et la question de leur attribution doit être tranchée conformément à la procédure prévue par le décret no 434 du 29 mai 1968; cent vingt-deux syndicalistes sont encore détenus sous " l'accusation d'avoir commis des délits sans rapport avec leur activité syndicale, certains de ces délits étant de caractère politique ". Les syndicats s'étaient vu refuser le droit de se réunir librement en vertu de l'article 91 de la Constitution grecque de 1952, article traitant de l'état de siège. Les articles 5, 6, 8, 12, 14, 95 et 97 de la Constitution de 1952 sont encore suspendus. La suspension de l'article 10 relatif à la liberté de réunion et de l'article 11 relatif à la liberté d'association a été rapportée aux termes du décret no 369 du 29 mai 1968. "
  490. 3. Etant donné que des articles importants de la Constitution grecque garantissant les droits de l'homme fondamentaux et démocratiques restent suspendus, il est évident que les principes contenus dans la convention no 87 ne peuvent être réellement respectés. L'article 4 de la convention no 87 prévoit que les organisations de travailleurs ne sont pas sujettes à dissolution par voie administrative. Les Organisations précitées ont donc été dissoutes en violation de la convention no 87. Le gouvernement grec n'a pas indiqué si ces organisations pouvaient librement se reconstituer et si elles pouvaient récupérer leurs biens qui ont été saisis. Leur dissolution a été plutôt confirmée par le gouvernement qui, tout en remettant en vigueur les articles 10 et 11 de la Constitution, prend en même temps un décret prévoyant que les biens des organisations dissoutes par l'autorité militaire seraient, par décision des tribunaux, dévolus à une autre organisation " poursuivant des objectifs similaires ". Les biens confisqués des syndicats qui ont été dissous parce qu'ils ne se soumettaient pas au contrôle du gouvernement seront, en conséquence, remis à des syndicats qui ne peuvent en aucune façon être considérés comme indépendants de la dictature militaire.
  491. 4. Un grand nombre de syndicalistes continuent à être gardés en prison ou ont été forcés d'abandonner leurs activités syndicales, en violation flagrante de la convention no 87.
  492. 5. La 52ème session de la Conférence internationale du Travail, sur recommandation de sa Commission de l'application des conventions et recommandations, a décidé de placer la Grèce sur la liste spéciale, critère F. La Grèce a donc été incluse dans une catégorie qui énumère les pays dans lesquels la commission de la Conférence a constaté qu'il existe de graves divergences dans l'application d'une ou de plusieurs conventions.
  493. Recommandations.
  494. 6. Compte tenu des éléments qui précèdent et qui ont été à la disposition tant de la Commission de vérification des pouvoirs que de la Commission de l'application des conventions et recommandations de la 52ème session de la Conférence internationale du Travail, les délégués à la 52ème session de la Conférence internationale du Travail, soussignés, déposent, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, une plainte auprès de la Conférence internationale du Travail parce qu'ils ne sont pas convaincus que l'actuel gouvernement de la Grèce assure l'observation effective de la convention qu'il a ratifiée.
  495. 7. Etant donné les informations fournies par les représentants de la Grèce à la 52ème session de la Conférence internationale du Travail, les soussignés lancent un appel urgent au Conseil d'administration pour qu'il saisisse immédiatement la commission d'enquête de cette plainte sans invoquer au préalable la procédure prévue au sous-paragraphe 5 de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, selon lequel une plainte peut d'abord être communiquée au gouvernement mis en cause.
  496. Genève, le 24 juin 1968.
  497. (Signé) H. BEERMANN, J. MORRIS, S. B. VOGNBJERG, O. SUNDE.
  498. Annexe II
  499. Plainte déposée par M. Hlavicka
  500. La plainte de M. Hlavicka et les informations complémentaires venues l'appuyer sont ainsi conçues
  501. Plainte concernant la non-observation de la convention no 87 et de la convention no 98 par le gouvernement de la Grèce, déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail par M. Hlavicka
  502. Monsieur le Secrétaire général,
  503. Je soussigné, Joseph Hlavicka, délégué travailleur de la Tchécoslovaquie à la 52ème session de la Conférence internationale du Travail, dépose, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, une plainte contre le gouvernement de la Grèce pour violation grave, permanente et systématique des obligations découlant des conventions de l'OIT (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, ratifiées par ce gouvernement.
  504. J'ai l'honneur de vous proposer, sur la base de l'article 26, alinéa 2, de la Constitution de l'OIT, que le Conseil d'administration du BIT constitue une commission d'enquête qui aura à connaître des violations ci-dessus.
  505. Veuillez agréer, etc.
  506. (Signé) Joseph HLAVICKA, délégué des travailleurs de la Tchécoslovaquie à la 52ème Conférence internationale du Travail.
  507. Information sur la situation syndicale en Grèce et sur les infractions par le gouvernement grec aux dispositions des conventions nos 87 et 98 de l'OIT, ratifiées par lui
  508. Le gouvernement de la Grèce a ratifié, entre autres, les conventions de l'OIT (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et (ne 98) sur l'application des principes du droit d'organisation et de négociation collective.
  509. Les dispositions de ces deux conventions ont été et sont toujours violées, d'une manière grossière et permanente.
  510. Suite au coup d'Etat militaire du 21 avril 1967, toutes les garanties individuelles assurées par la Constitution ainsi que toutes les libertés démocratiques et les droits syndicaux ont été supprimés.
  511. En effet, la suppression des articles 5, 6, 8, 12, 14, 95 et 97 de la Constitution, ainsi que la publication du décret royal no 280 du 21 avril 1967, du communiqué de l'Etat-major général du 25 avril 1967 et la décision du même organe du 4 mai 1967 ont autorisé le gouvernement militaire à prendre les mesures suivantes: procéder à l'arrestation et à l'incarcération de tout individu sans aucune formalité; prolonger pour un temps indéfini la détention préventive des personnes arrêtées et interdire la mise en liberté sous caution; soustraire les personnes arrêtées à leur juge naturel et déférer les civils devant les tribunaux d'exception (cours martiales); interdire toute assemblée ou réunion dans les locaux ou en des lieux publics avec la possibilité de les dissoudre par la force armée; effectuer toute perquisition aux domiciles au cours de la journée ou de la nuit, interdire la communication et la publication d'informations, censurer la correspondance, etc.
  512. Pour ce qui est particulièrement des organisations syndicales, la suppression des articles 11 et 12 de la Constitution et les autres dispositions décrétées par le gouvernement ont comme conséquence: la dissolution de deux cent quatre-vingts associations et organisations parmi lesquelles quelque cent cinquante centres ouvriers ou organisations syndicales du premier et du second degré, et la possibilité de saisir leurs biens, archives et consignation, de s'emparer de leurs fonds; l'interdiction de créer toute corporation à des fins syndicales; l'interdiction absolue de grève; l'obligation de demander une autorisation préalable pour les réunions syndicales, la présence de la police à de telles réunions et la censure des documents adoptés.
  513. Ces événements ont provoqué une vague d'actions et de protestations de la part des organisations syndicales et démocratiques en Grèce et dans le monde entier.
  514. Pour des raisons bien compréhensibles, le gouvernement grec a annoncé, le 29 mai 1968, la promulgation d'un décret royal, cela donc justement à la veille de la 52ème Conférence internationale du Travail, qui s'est ouverte à Genève le 5 juin 1968. En vertu de ce décret, les articles 10 et 11 de la Constitution concernant la protection du droit de libre rassemblement et le droit d'association ont été, formellement, remis en vigueur.
  515. Toutefois, la promulgation de ce décret n'abroge aucune des mesures législatives et administratives restrictives actuellement en vigueur et contraires aux droits des travailleurs grecs, à la liberté d'association et aux autres droits fondamentaux de l'homme.
  516. Cette mesure isolée et dont l'application pratique reste plus que douteuse n'a aucune signification du point de vue des obligations des conventions nos 87 et 98. En effet, restent toujours valables les abrogations d'autres articles de la Constitution de la Grèce, surtout les articles 5, 6, 8, 12, 14, 95 et 98.
  517. Nous ne pouvons que conclure que le rétablissement des articles 10 et 11 ne constitue qu'une manoeuvre du gouvernement grec pour tromper l'opinion publique dans le pays et à l'étranger et pour préparer un terrain plus favorable, d'après l'opinion du gouvernement, à la récente 52ème Conférence internationale du Travail.
  518. Dans cet ordre d'idée, je me réfère au cinquième rapport de la Commission de vérification des pouvoirs, où la commission a dû constater, entre autres:
  519. " Les membres de la commission demeurent vivement préoccupés par la situation existant en Grèce, et notamment par les faits suivants:
  520. a) des syndicats ont été dissous ou suspendus par l'autorité administrative; b) les fonds et les propriétés de syndicats ont été séquestrés; c) les syndicats se sont vu refuser le droit de se réunir librement. "
  521. En conséquence, la commission est parvenue à la conclusion suivante: " La commission a de sérieux doutes quant à la question de savoir si le gouvernement hellénique s'est pleinement conformé à l'esprit de la Constitution de l'OIT, car elle considère qu'il n'est pas suffisant qu'un gouvernement se borne à remplir simplement les formalités prévues pour la désignation de la délégation des travailleurs de son pays. "
  522. Par ailleurs, je signale que le rapport de la Commission de l'application des conventions et recommandations souligne que la Grèce se trouve parmi les pays où il existe de graves divergences dans l'application de la convention no 87.
  523. Je tiens à évoquer également les conclusions du Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration du BIT, cas no 526, où il est dit:
  524. " 503. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
  525. a) d'attirer expressément l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il convient d'attacher au principe de l'indépendance du mouvement syndical et, en particulier:
  526. i) au principe selon lequel les syndicats ne sauraient être dissous ou suspendus par voie administrative, principe qui est consacré par l'article 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Grèce;
  527. ii) au principe selon lequel les biens syndicaux devraient jouir d'une protection adéquate;
  528. iii) au principe selon lequel la liberté d'expression, notamment par la voie de la presse, est un aspect essentiel de la liberté syndicale;
  529. b) d'attirer sur les conclusions qui précèdent l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations;
  530. c) de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer si les dispositions découlant du décret royal no 280 du 21 avril 1967 sont ou non toujours en vigueur et de bien vouloir exposer avec précision les règles qui, en droit et en pratique, gouvernent la procédure suivie devant les tribunaux militaires, le droit pour les travailleurs de créer les organisations de leur choix et le droit de grève;
  531. d) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il convient d'attacher au principe selon lequel, lorsque des syndicalistes sont détenus pour des motifs que le gouvernement déclare être étrangers à leurs activités syndicales, ces syndicalistes, à l'instar de toutes autres personnes, devraient être jugés promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante, selon une procédure assortie de toutes les garanties d'une procédure judiciaire régulière;
  532. e) de prier le gouvernement de bien vouloir présenter ses observations d'urgence au sujet des allégations mentionnées au paragraphe 502 ci-dessus et dont il est question aux paragraphes 481 à 485;
  533. f) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité fera de nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires dont la nature est précisée aux alinéas c) et e) ci-dessus."
  534. A noter que ces recommandations ont été faites à la suite de plusieurs plaintes déposées par la FSM, la CISL et la CISC.
  535. Les graves violations des droits syndicaux en Grèce ont amené, à la 52ème Conférence internationale du Travail, la présentation d'un projet de résolution sur la liberté syndicale des travailleurs grecs et leur droit d'organisation. Malheureusement, faute de temps, cette résolution n'a pas pu être discutée à la Conférence. Or il est affirmé dans ce projet de résolution notamment:
  536. "Considérant que le gouvernement de la Grèce n'a pas pris de mesures conformes aux observations de la Commission de l'application des conventions et recommandations et du Comité de la liberté syndicale, mais qu'au contraire les articles de la Constitution grecque garantissant les droits démocratiques et syndicaux sont toujours suspendus; qu'un grand nombre de syndicalistes sont toujours arbitrairement détenus; qu'un grand nombre de syndicats ont été dissous par ordre des autorités publiques; que des responsables syndicaux ont été révoqués sur injonction des autorités militaires et que la composition des organes directeurs de plusieurs syndicats a été modifiée de la même façon; que des travailleurs ont perdu leur emploi parce qu'ils restaient fidèles au principe du syndicalisme libre; que la liberté de la presse, y compris de la presse syndicale, a été abolie;
  537. Considérant que, dans ces circonstances, l'indépendance des syndicats et le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier, de même que le droit de grève, sont inexistants en Grèce:
  538. 1. Insiste pour que le gouvernement de la Grèce respecte toutes ses obligations d'Etat Membre de l'Organisation internationale du Travail, et plus particulièrement celles relatives à la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, que la Grèce a ratifiée;
  539. 2. Demande instamment au gouvernement de la Grèce de prendre des mesures immédiates:
  540. a) pour une application effective des principes fondamentaux de la liberté syndicale et du droit d'organisation, garantissant aux travailleurs le droit de constituer des organisations de leur choix, libres et indépendantes du contrôle et de l'ingérence du gouvernement, et de s'y affilier;
  541. b) pour l'abrogation de toutes les mesures qui violent ces droits et d'autres libertés fondamentales de l'homme;
  542. c) pour la libération immédiate de toutes les personnes emprisonnées pour leurs activités en faveur de la liberté syndicale, du droit d'organisation et d'autres droits fondamentaux de l'homme."
  543. Ci-dessous, je soumets des informations complémentaires sur les faits concrets et événements qui confirment pleinement les affirmations:
  544. La nuit même du coup d'Etat, le siège du Mouvement démocratique syndical et ceux d'autres organisations syndicales, au Pirée et ailleurs, ont été complètement détruits. Plus de mille cinq cents syndicalistes ont été déportés aux camps de concentration du Yura sans qu'aucun acte d'accusation ait été rédigé contre eux.
  545. Le 4 mai 1967, sur la base d'une ordonnance du chef de l'Etat-major, la dissolution de deux cent soixante-dix-neuf organisations syndicales et la saisie de leurs biens et archives ont été décrétées. D'après une autre ordonnance de la police du 30 mai 1967, les scellés ont été posés sur les sièges de quarante-cinq organisations. Au cours de l'été 1967, quarante autres organisations syndicales ont été dissoutes.
  546. Les biens saisis des organisations syndicales se montent à la somme de quelques dizaines de millions de drachmes.
  547. Au cours des mois suivants, d'autres mesures ont été prises, empêchant le fonctionnement démocratique des syndicats, notamment l'obligation des conseils administratifs des syndicats d'informer au préalable la police des réunions envisagées, tout en indiquant les noms des membres du conseil, les questions à l'ordre du jour, ainsi que l'heure et le lieu de la réunion.
  548. Par ailleurs, dans des centaines de lieux de travail, où les organisations syndicales ont été dissoutes, la police " sollicite " la création de nouvelles organisations " nationalistes ", dont les statuts doivent être rédigés par M. Fotiadis, conseiller juridique de la Confédération générale du travail de Grèce.
  549. De nombreux dirigeants syndicaux ont été destitués de leurs fonctions, parmi eux le secrétaire général et cinq membres de la direction de la Fédération des employés des banques, le secrétaire général de la Fédération des ouvriers du ciment, trois membres de la direction de la Fédération du bâtiment, y compris son secrétaire général. Ont été relevés également de leurs fonctions les présidents et les secrétaires des fédérations panhelléniques de mécaniciens, de marins, de stewards, d'électriciens et d'autres.
  550. La constitution de nouvelles organisations syndicales et le paiement des cotisations, interdits depuis le premier jour du coup d'Etat, persistent toujours.
  551. En ce qui concerne les organisations qui fonctionnent encore, la police et la direction de la CGT grecque tentent d'obliger les directions légalement élues à démissionner.
  552. Pour le recrutement dans ces " organisations ", l'approbation préalable de la police ou des autorités militaires est nécessaire. Pourtant les travailleurs refusent d'adhérer à de telles organisations.
  553. Dès le mois de juin 1967, la police procède à des arrestations massives des cadres syndicaux pour leur participation active à la lutte contre le régime dictatorial et la direction actuelle de la CGT grecque.
  554. Des dizaines de milliers de travailleurs de diverses usines du pays ont été licenciés avec la complicité du gouvernement et de la direction actuelle de la CGT grecque. Afin de faciliter aux employeurs les licenciements, le gouvernement a aboli la loi no 2112 qui prévoyait depuis 1920 une indemnité aux licenciés.
  555. En vertu de la loi no 516, le gouvernement a procédé au licenciement des employés des banques et des services publics " coupables " de mener une activité syndicale et de tous ceux qui ne sont pas considérés comme sympathisants avec le régime dictatorial.
  556. Pour paralyser davantage les activités syndicales, le gouvernement a pris possession des caisses d'assurances des employés des banques, ceux de l'électricité et des télécommunications.
  557. Dans ces conditions, les travailleurs grecs ont créé le " Front ouvrier contre la dictature " dans les rangs duquel s'unissent tous les ouvriers et employés progressistes qui s'opposent à la politique de répression.
  558. L'opposition contre le gouvernement se manifeste également parmi les travailleurs grecs qui, pour diverses raisons, se trouvent hors du pays. C'est ainsi que, le 3 avril 1968, la " Fondation du mouvement syndical grec uni contre la dictature " a été créée à Rome. Cet événement confirme une fois de plus que les " organisations syndicales " existantes en Grèce ne sont pas considérées comme représentantes authentiques des travailleurs grecs.
  559. J'attire l'attention du BIT sur l'organisation à Genève, les 29 et 30 juin, d'une conférence de solidarité avec les travailleurs grecs, et j'essaierai de soumettre ultérieurement au BIT les documents et décisions qui auront été adoptés par cette conférence.
  560. Je me réserve également le droit de présenter toute autre information nécessaires en temps voulu.
  561. Conclusions et propositions.
  562. Considérant que les droits fondamentaux de l'homme, les libertés démocratiques et les droits syndicaux ont été abolis en Grèce à la suite du coup d'Etat du 21 avril 1967, cela en violation flagrante des obligations de la Grèce comme Etat Membre de l'OIT;
  563. Constatant que la Grèce a ratifié les conventions nos 87 et 98;
  564. Affirmant que les dispositions de ces deux conventions sont violées d'une manière grossière, permanente et systématique en Grèce,
  565. Je propose, en vertu de l'article 26, alinéa 4, de la Constitution de l'OIT, que le Conseil d'administration du BIT procède à la constitution d'une commission d'enquête pour examiner la situation syndicale en Grèce et présente aux organismes compétents de l'OIT, y compris à la prochaine 53ème Conférence internationale du Travail en 1969, un rapport avec ses recommandations.
  566. Genève, le 26 juin 1968.
  567. (Signé) Joseph HLAVICKA.
  568. Annexe III
  569. Observations présentées par le gouvernement de la Grèce
  570. Les observations écrites fournies par le gouvernement dans une lettre no 3914/44 en date du 14 janvier 1969 ont la teneur suivante:
  571. Monsieur le Directeur général,
  572. En réponse à votre lettre du 14 novembre 1968 et ensuite à nos lettres nos 139573/1089 du 7 janvier 1969 et 150408/1197 du 8 janvier 1969, nous avons l'honneur de vous faire savoir ce qui suit, eu égard aux plaintes formulées contre le gouvernement hellénique par MM. H. Beermann, J. Morris, S. B. Vognbjerg, O. Sunde, d'une part, et M. J. Hlavicka, d'autre part.
  573. A. En ce qui concerne la plainte déposée de la part de MM. H. Beermann (République fédérale d'Allemagne), J. Morris (Canada), S. B. Vognbjerg (Danemark), O. Sunde (Norvège), délégués travailleurs de leur pays à la 52ème session de la Conférence internationale du Travail, nous vous faisons savoir, respectivement, à chaque point de la plainte, ce qui suit:
  574. 1. Le gouvernement national révolutionnaire a pris entre ses mains, le 21 avril 1967, le sort du pays dans le but de neutraliser le danger communiste qui menaçait le pays, la liberté et la démocratie. Il est vrai que certaines dispositions de la Constitution de 1952 ont été suspendues, pour les raisons susmentionnées, comme il a été démontré à plusieurs reprises. Maintenant est mise en vigueur, dès le 15 novembre 1968, la nouvelle Constitution nationale, approuvée par le peuple grec a la suite du référendum du 29 septembre 1968. La nouvelle Constitution assure la protection des libertés fondamentales démocratiques et des droits fondamentaux de l'homme.
  575. 2. A la suite de la révolution du 21 avril 1967 a été mise en vigueur la loi sur l'état de siège. Il a été ainsi jugé nécessaire la dissolution des syndicats qui depuis longtemps avaient dévié de leur but et étaient dirigés par des communistes qui, en règle générale, s'étaient emparés de l'administration par des moyens illicites et non pas dans l'intérêt de leurs membres, mais dans un but politique visant au renversement du régime et s'opposant aux principes de la liberté, de la démocratie et aux idéaux syndicaux.
  576. Aucune organisation professionnelle poursuivant des buts professionnels n'a été gênée.
  577. Les articles 18 et 19 de la nouvelle Constitution concernant les droits de se réunir et de s'associer sont pleinement en vigueur.
  578. 3. L'autorité judiciaire compétente devant laquelle ont été soumis, en vertu de la loi obligatoire no 434 de 1968, les cas des associations dissoutes a reconnu comme successeurs et ayants droit à leurs biens les organisations suivantes:
  579. Organisations dissoutes
  580. a) Fédération du personnel des autobus de Grèce b) Union du personnel de la Société électrique des transports (HEN) c) Syndicat des acteurs grecs d) Association des employés de commerce d'Athènes e) Union du personnel des chemins de fer électriques de Grèce f) Syndicat des travailleurs relieurs d'Athènes et du Pirée g) Ligue nationale des concierges des immeubles et des grands bâtiments
  581. Organisations successeurs
  582. a) Fédération panhellénique du personnel des autobus b) Ligue des employés des automobiles électriques de la Société électrique des transports (HEM) c) Syndicat national des acteurs grecs d) Association des employés des établissements commerciaux d'Athènes et des alentours e) Syndicat des travailleurs et employés des chemins de fer électriques f) Union des travailleurs et des techniciens relieurs d'Athènes et du Pirée g) Association des concierges d'Attique
  583. 4. Aucun nom de syndicaliste détenu n'est mentionné dans la plainte. Les noms de M. N. Papageorgiou, employé d'une société de ciment, et de M. K. Papaioannou, employé de banque, ont été mentionnés; cependant, il a été démontré que la plainte relative n'était pas vraie (paragr. 285 du 108e rapport du Comité de la liberté syndicale) r.
  584. Il a été ensuite mentionné le nom de M. Valasselis et nous avons démontré que celui-ci était détenu en vertu d'une décision du tribunal pour l'attentat contre le Premier ministre de la Grèce. La personne dont il s'agit a été condamnée par la Cour martiale à une peine d'emprisonnement.
  585. Il a été aussi mentionné le nom de M. Vittoris, conseiller juridique du Syndicat de l'aviation civile, et nous avons démontré que celui-ci n'a jamais été détenu.
  586. Si, parmi les détenus, il y en a certains qui revêtent la qualité de syndicaliste, nous l'ignorons, mais, en tout cas, les personnes arrêtées et déjà détenues avaient déployé une activité communiste et pas syndicale.
  587. 5. Les articles 10 et 11 de la Constitution de 1952 concernant le droit de se réunir et de s'associer ont été de nouveau mis en vigueur le 30 mai 1968 en vertu du décret royal no 369 de 1968. Dès la promulgation de la nouvelle Constitution en date du 15 novembre 1968, sont mis en vigueur les articles 18 et 19 de la Constitution (acte A du gouvernement national). Voir annexe ne I Les articles 10, 12, 13, paragraphe 1, 14, paragraphes 1-3, 25, paragraphes 2-3, 58, paragraphes 1-2, 60, 111, 112 et 121, paragraphe 2, ont été suspendus en vertu de l'article 138 de la nouvelle Constitution, approuvée par le peuple grec à la suite du référendum du 29 septembre 1968.
  588. 6. Le fait mentionné que la Conférence internationale du Travail avait décidé, lors de sa 52ème session, d'inclure la Grèce dans la liste spéciale est dépourvu de toute importance, en tant qu'argument de fondement de la plainte, étant donné que les conditions sous lesquelles ladite décision a été rendue, sans tenir compte de leur évaluation fondée ou non, n'existent plus ou ont été changées comme il résulte de notre réponse sur les autres points de ladite plainte en combinaison avec nos observations exposées ci-dessous concernant la plainte de M. Hlavicka.
  589. B. En ce qui concerne la plainte de M. Joseph Hlavicka, délégué travailleur de la Tchécoslovaquie, nous notons que la plainte même pourrait nous dispenser de donner une réponse détaillée, étant donné qu'elle se compose:
  590. a) de reproches indéterminés;
  591. b) d'une mention et citation d'extraits de rapports ou des recommandations d'autres organes, formulées dans des conditions juridiques et réelles, sans qu'il soit tenu compte de leur évaluation fondée, qui n'existent plus;
  592. c) d'informations soi-disant complémentaires qui se réfèrent à certains événements du mois de mai 1967.
  593. Néanmoins, animés du désir de présenter l'image véritable de la situation en Grèce, qui pourrait être conçue facilement par tout juge de bonne foi, nous tenons à vous faire savoir ce qui suit:
  594. 1. A eu lieu une suspension intérimaire de certains articles de la Constitution de 1952, devenue nécessaire en vue de la neutralisation du danger communiste qui menaçait le pays. Toutefois, les libertés syndicales ont été conservées vu que des mesures n'ont été prises, à la suite de la suspension de certaines dispositions de la Constitution, que dans des cas très rares.
  595. 2. Il n'est pas vrai qu'on procède à l'arrestation et à l'incarcération de tout individu sans aucune formalité. L'incarcération a lieu conformément aux dispositions de la loi sur l'état de siège et sous les garanties de tribunaux militaires qui fonctionnent sous la présidence des juges ordinaires et suivant la procédure déterminée par les articles 269-427 du Code pénal militaire, en vigueur depuis longtemps. 3. La détention préventive, dont il a été fait usage très rarement, a eu lieu sous les garanties des tribunaux militaires d'après lesquelles ils ont fonctionné dès leur constitution.
  596. 4. Les tribunaux militaires fonctionnent seulement dans des cas déterminés et sous la présidence des juges réguliers nommés à vie. La procédure devant le tribunal militaire est presque identique à celle suivie par les tribunaux ordinaires, étant donné que le Code pénal militaire, actuellement en vigueur, est adapté aux dispositions fondamentales du droit pénal commun. Plus spécifiquement sont reconnues formellement comme principes fondamentaux de la procédure l'audience publique et la forme orale (art. 333). Les droits de la défense et les droits de recours sont pleinement reconnus. Enfin, il est expressément prévu que toute lacune du Code pénal militaire sur des questions de procédure doit être comblée en recourant aux dispositions pertinentes de la procédure pénale ordinaire (art. 434 du Code pénal militaire).
  597. 5. Les assemblées et les réunions des organisations professionnelles ne sont pas interdites. Lesdites organisations fonctionnent librement et conformément à leurs statuts et aux dispositions du Code civil et de la loi no 281 de 1914 sur les associations, comme ces dernières ont été codifiées par le décret royal ne 667 de 1968.
  598. 6. On a procédé très rarement à une perquisition à domicile et toujours sous les garanties des
  599. 7. La censure de la correspondance, appliquée seulement pendant les premières semaines de la révolution, fut abrogée ensuite.
  600. 8. Les articles 10 et 11 de la Constitution de 1952 ont été remis en vigueur le 30 mai 1968 en vertu du décret royal ne 369 du 30 mai 1968.
  601. La dissolution de certaines organisations professionnelles pendant la première période de la révolution a eu lieu parce que celles-ci avaient un caractère politique et s'adonnaient à des activités illégales (voir A 3 ci-dessus).
  602. D'autre part, il ne correspond pas à la vérité que la constitution de nouvelles organisations a été interdite. La preuve en est que, dès le 21 avril 1967, ont été créées cinq organisations professionnelles du deuxième degré et cent cinquante-six organisations professionnelles du premier degré.
  603. Conformément à l'article 19 de la nouvelle Constitution, le droit de grève est aujourd'hui rétabli.
  604. La grève est interdite seulement au personnel des services publics, des autorités d'administration locale ou d'autres personnes morales de droit public.
  605. Après la remise en vigueur des articles 10 et I l de la Constitution de 1952, à savoir après le 30 mai 1968, aucune autorisation n'est requise pour les assemblées des organisations professionnelles, qui fonctionnent librement et sans aucune censure.
  606. Conformément à l'article 18 de la nouvelle Constitution, la police ne peut assister qu'à des réunions publiques.
  607. Comme il a été susmentionné, les articles 10 et 11 de la Constitution de 1952 sont en vigueur dès le 30 mai 1968 et les articles respectifs 18 et 19 de la nouvelle Constitution de 1968 dès le 15 novembre 1968, et aucune réclamation ou plainte y relative n'a été présentée.
  608. 9. En ce qui concerne le cinquième rapport de la Commission de vérification des pouvoirs au sujet de la délégation ouvrière de la Grèce, nous signalons les faits suivants:
  609. a) la commission a reconnu que la Confédération générale du travail de Grèce est l'organisation des travailleurs la plus représentative et, par conséquent, la désignation de la délégation des travailleurs de Grèce semble être conforme au paragraphe 5 de l'article 3 de la Constitution de l'OIT;
  610. b) la commission a décidé, compte tenu de l'intention du gouvernement de la Grèce de soumettre une nouvelle Constitution au peuple, prévoyant notamment la pleine liberté d'association, de ne pas retenir les protestations de la Confédération internationale des syndicats libres et de la Fédération syndicale mondiale.
  611. En ce qui concerne le 101ème rapport du Comité de la liberté syndicale (cas no 519), nous nous référons à notre lettre no 55090/379 du 23 mai 1968 comprise dans le rapport de la Commission pour l'application des conventions constituée par la Conférence internationale du Travail à sa 52ème session dont vous trouverez copie annexée à la présente lettre.
  612. 10. Les bureaux du soi-disant Mouvement démocratique syndical étaient en réalité des bureaux du mécanisme illégal du Parti communiste grec. Des éléments révélateurs ont été saisis et publiés dans la presse quotidienne.
  613. 11. Aucune personne n'a été déportée en raison de sa qualité syndicale ou de ses activités syndicales. Nous notons à ce propos que le nombre des personnes déportées pour des raisons de sécurité nationale s'est déjà réduit et diminue toujours davantage. Ce nombre est de beaucoup moins restreint que celui des personnes détenues d'après la même procédure suivie par des gouvernements parlementaires.
  614. 12. Certaines des organisations dissoutes constituées comme des organisations syndicales n'étaient que des organisations frontales en non pas des organisations syndicales au sens des dispositions des conventions internationales no 87 et no 98 comme il a été à maintes reprises démontré ci-dessus.
  615. 13. En ce qui concerne les biens des organisations dissoutes, le tribunal a jugé que, d'après la loi no 434 de 1968, ils devraient être transférés à leurs successeurs. Voir ci-dessus A.
  616. 14. Depuis le 30 mai 1968, les organisations professionnelles ne sont pas obligées de prévenir la police des réunions de leur conseil d'administration, des noms des membres du conseil, des questions inscrites à l'ordre du jour ainsi que de l'heure et du lieu de la réunion.
  617. Les organisations professionnelles ont, d'après la Constitution, le droit de se réunir, de s'associer librement, en observant les lois de l Etat qui, toutefois, ne peuvent en aucun cas subordonner l'exercice de ce droit à une autorisation préalable du gouvernement.
  618. 15. Aucune intervention de la police n'a eu lieu eu égard à la création des organisations professionnelles. Au contraire, dans le pays entier ont déjà été constituées et se constituent des organisations professionnelles visant à l'amélioration de la situation de leurs membres.
  619. L'avocat, M. Chr. Fotiadis, chaque fois qu'il a rédigé des statuts des nouvelles organisations professionnelles, procédait en tant que conseiller juridique de la Confédération générale du travail de Grèce. A notre avis, il n'est pas compréhensible que le plaignant formule des commentaires quant à l'attribution d'aide juridique de la part de la CGTG aux organisations professionnelles y affiliées. D'ailleurs, le nom de M. Fotiadis exerçant ses fonctions à Athènes figure dans un nombre très restreint de statuts, étant donné que la plupart des organisations ont été constituées dans les provinces.
  620. 16. En ce qui concerne la plainte d'après laquelle des dirigeants syndicaux ont été destitués de leurs fonctions, nous notons que les dirigeants syndicaux sont nommés par les tribunaux chaque fois qu'il y a lieu avec le mandat de procéder aux élections dans quelques mois.
  621. 17. L'institution de nouvelles organisations professionnelles n'est pas interdite. Comme il a été exposé dès le 21 avril 1967, ont été constituées cent soixante et une organisations professionnelles.
  622. En ce qui concerne la plainte d'après laquelle le paiement des cotisations interdit depuis le premier jour du coup d'Etat persiste, nous voudrions avoir des éclaircissements afin de donner réponse.
  623. 18. Eu égard à la plainte d'après laquelle la police et la CGTG tentent d'obliger les administrations également élues à démissionner, nous nous référons ci-dessus au paragraphe B 16.
  624. 19. Eu égard à la plainte sur des arrestations massives de cadres syndicaux, nous vous faisons savoir qu'aucun syndicaliste actif n'est détenu. Aucun cas de détention ne nous a été référé, sauf les cas mentionnés ci-dessus, paragraphe A 4, sur lesquels nous avons donné des informations précises.
  625. 20. Ne correspond pas à la vérité la plainte d'après laquelle ont été licenciés des dizaines de milliers de travailleurs. Au contraire, le gouvernement a promulgué les lois nos 99 de 1967 et 173 de 1967 sur le contrôle des licenciements massifs.
  626. Conformément aux dispositions des lois susmentionnées, les licenciements massifs ne sont pas valables si, avant l'expiration d'un mois de la communication auprès du bureau de placement compétent, le ministre du Travail n'a pas donné son approbation, sur demande de l'employeur intéressé, après consultation du Conseil national de politique sociale, siégeant auprès du ministère du Travail.
  627. 21. La plainte d'après laquelle a été supprimée l'indemnité prévue par la loi no 2112 de 1920 ne correspond pas à la vérité. La vérité est que, d'après la loi no 99 de 1967, modifiée par la loi no 173 de 1967, le montant suprême de l'indemnité est limité à 240 000 drachmes, dans le cas où l'employeur est l'Etat, des personnes morales de droit public, des banques ou des entreprises d'utilité publique. La limitation du montant suprême de l'indemnité a été faite parce que, pour un trop petit nombre des cas d'employés, les indemnités versées étaient privilégiées, s'élevant à des sommes considérables et constituant une provocation pour la grande masse des travailleurs. Or la loi no 2112 de 1920 est toujours en vigueur et applicable (art. 2, paragr. 2, de la loi no 173 de 1967).
  628. 22. En ce qui concerne la plainte d'après laquelle des employés d'Etat et des banques ont été licenciés, nous voudrions préciser que c'étaient seulement certains employés d'Etat et de banques communistes ou extrêmement dépravés qui ont été licenciés. Aux employés susmentionnés, le gouvernement a donné le droit de recours devant un comité auquel participait un juge ainsi que devant un comité composé de trois ministres. Le fonctionnement desdits comités est régulièrement mis en marche, et un nombre considérable desdits employés est réintégré.
  629. 23. La plainte d'après laquelle le gouvernement a pris possession des caisses du personnel des banques, d'électricité et des télécommunications ne correspond pas à la vérité. Toutes les caisses d'assurances des travailleurs salariés ainsi que celles susmentionnées sont administrées par leur conseil d'administration d'une composition tripartite (Etat, représentants des travailleurs, représentants des employeurs). Le gouvernement n'a fait que réduire le nombre des membres des conseils d'administration des caisses d'assurances en visant à diminuer leurs frais d'administration. En ce qui concerne notamment la caisse d'assurance du personnel des organisations des télécommunications, celle-ci est présidée par M. K. Tsaganos, ancien syndicaliste.
  630. Enfin, en nous référant aux commentaires formulés dans la plainte de M. Hlavicka concernant l'institution de " Front ouvrier ", nous tenons à signaler que cela ne peut qu'être considéré comme ingénu. La vérité est qu'il s'agit d'un effort désespéré visant à conserver le mécanisme communiste anéanti, encouragé d'un nombre limité de personnes auto-exilées dont les intérêts partiaux ont été touchés.
  631. Veuillez agréer, Monsieur le Directeur général, l'assurance de ma haute considération.
  632. (Signé) A. P. VOYATZIS, ministre du Travail.
  633. Annexe IV
  634. Mesures prises par le Conseil d'administration à la suite du dépôt des plaintes
  635. Le 13 novembre 1968, à sa 173ème session, le Conseil d'administration a adopté un rapport de son bureau, c'est-à-dire de son Président, M. George L.-P. Weaver, représentant du gouvernement des Etats-Unis, de son Vice-président employeur, M. Pierre Waline (Français) et de son Vice-président travailleur, M. Jean Möri (Suisse). Ce rapport contenait les passages suivants:
  636. ........
  637. 4. La convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ont été ratifiées par la Grèce le 30 mars 1962; elles sont donc en vigueur pour la Grèce depuis le 30 mars 1963. MM. Beermann, Morris, Vognbjerg et Sunde d'une part, et M. Hlavicka d'autre part, étaient, à la date du dépôt de leurs plaintes respectives, à savoir le 25 juin 1968, délégués travailleurs de leur pays à la 52ème session de la Conférence internationale du Travail. Leurs pouvoirs avaient été régulièrement déposés et n'avaient pas été contestés. Par conséquent, ils pouvaient, en vertu de l'article 26, paragraphe 4, de la Constitution, déposer une plainte si, à leur avis, la Grèce n'assure pas de manière satisfaisante l'exécution des deux conventions.
  638. 5. Les quatre délégués travailleurs cités en premier lieu dans le paragraphe 4 ci-dessus ont demandé que, compte tenu des informations fournies par les représentants de la Grèce à la 52ème session de la Conférence internationale du Travail, le Conseil d'administration saisisse immédiatement la commission d'enquête de leur plainte " sans invoquer au préalable la procédure prévue au sous paragraphe 5 de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, selon lequel une plainte peut d'abord être communiquée au gouvernement mis en cause ". Les plaignants voulaient sans doute viser les dispositions contenues, en réalité, dans le paragraphe 2 de l'article 26 de la Constitution.
  639. 6. Il appartient au Conseil d'administration de se prononcer sur cette demande préliminaire. Les délégués gouvernementaux de la Grèce ont en effet eu l'occasion, au cours de la 52ème session de la Conférence internationale du Travail, de donner des informations sur la situation syndicale en Grèce, en particulier devant la Commission de l'application des conventions et recommandations et la Commission de vérification des pouvoirs. D'autre part, l'application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, a déjà donné lieu à communication d'informations fournies par le gouvernement grec soit dans le cadre de l'examen, par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, des rapports sur les conventions ratifiées, soit en relation avec la procédure de plaintes en violation de la liberté syndicale devant le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration, ou avec la procédure de la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale.
  640. 7. Les informations ainsi fournies par le gouvernement grec l'ont été cependant hors du cadre de la procédure prévue aux articles 26 à 29 et 31 à 34 de la Constitution, laquelle revêt un caractère judiciaire. Par ailleurs, depuis le dépôt des plaintes en question, la situation en Grèce en matière de liberté syndicale aura peut-être évolué et il serait souhaitable que le Conseil, avant d'arrêter une décision quant à la suite à donner à ces plaintes, prenne en considération les informations qui pourraient être fournies à cet égard par le gouvernement grec.
  641. 8. Dans ces conditions, le bureau du Conseil a estimé que le Conseil voudrait sans doute suivre, pour l'examen du présent cas, une procédure analogue à celle qu'il a approuvée pour l'examen de la plainte présentée par le Ghana contre le Portugal, d'une part, et de la plainte présentée par le Portugal contre le Libéria, d'autre part.
  642. 9. En conséquence, comme dans ces derniers cas, une discussion du fond de la plainte ne saurait être envisagée au stade actuel. En effet, il serait incompatible avec le caractère judiciaire de la procédure prévue à l'article 26 et aux articles suivants de la Constitution qu'une discussion ait lieu, au Conseil d'administration, au sujet du fond de plaintes alors que le Conseil d'administration ne dispose pas de considérations du gouvernement contre lequel ces plaintes ont été présentées, ni de l'appréciation objective de l'ensemble du cas de la part d'un organisme indépendant. En outre, une telle discussion serait inappropriée, pendant qu'une proposition de renvoyer les plaintes devant une commission d'enquête est en attente devant le Conseil d'administration, ou pendant que l'affaire est encore pendante devant une commission d'enquête. Si une commission d'enquête doit être instituée - ce qu'il appartiendra au Conseil d'administration de décider en vertu de l'article 26, paragraphe 4, de la Constitution -, c'est lorsque celle-ci aura présenté son rapport sur le fond des plaintes que le Conseil d'administration pourra être appelé à prendre des mesures à leur sujet.
  643. 10. Au stade actuel, il s'agit de prendre les décisions nécessaires quant à la procédure permettant d'examiner la plainte promptement et régulièrement. C'est pourquoi le bureau du Conseil d'administration recommande au Conseil de prendre les décisions suivantes à sa présente session:
  644. a) le gouvernement de la Grèce, en tant que gouvernement contre lequel les plaintes ont été déposées, devrait être invité par le Directeur général à lui communiquer ses observations pour le I5 janvier 1969 au plus tard;
  645. b) conformément aux dispositions du paragraphe S de l'article 26 de la Constitution, le Conseil d'administration devrait inviter le gouvernement de la Grèce à désigner un délégué pour prendre part aux délibérations du Conseil relatives à cette affaire lors de sessions ultérieures; en adressant cette invitation au gouvernement de la Grèce, le Directeur général devrait lui faire savoir que le Conseil d'administration envisage de procéder à ces discussions à sa 174ème session, qui se tiendra à Genève en février-mars 1969;
  646. c) à sa 174ème session, le Conseil d'administration devrait déterminer si les deux plaintes doivent être renvoyées devant une commission d'enquête, en se fondant sur les plaintes reçues et sur les informations qui auront été fournies par le gouvernement de la Grèce.
  647. 11. Le bureau du Conseil envisage qu'au cas où une commission d'enquête serait instituée les membres de celle-ci seraient désignés selon les mêmes critères et siégeraient dans les mêmes conditions que les membres de la commission désignée pour l'examen de la plainte déposée par le gouvernement du Ghana au sujet de l'observation par le Portugal de la convention de 1957 concernant l'abolition du travail forcé, ainsi que de la commission désignée pour l'examen de la plainte déposée par le gouvernement du Portugal au sujet de l'observation par le Libéria de la convention de 1930 sur le travail forcé. Ils siégeraient à titre individuel et personnel, seraient choisis pour leur impartialité, leur intégrité et la considération dont ils jouissent et s'engageraient par une déclaration solennelle à exercer leurs devoirs et attributions " en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et en toute conscience ". Une déclaration solennelle en ces termes correspondrait à l'engagement que doivent prendre les juges de la Cour internationale de justice. Le bureau du Conseil présentera en temps opportun des propositions concernant les autres arrangements à prendre.
  648. 12. Il convient d'ajouter qu'après la réception des plaintes mentionnées ci-dessus le Directeur général a reçu deux communications du ministre du Travail de Grèce datées l'une du 14 août et l'autre du 11 octobre 1968 par lesquelles il était demandé que l'assistance technique du BIT soit accordée au gouvernement de la Grèce en ce qui concerne la modification éventuelle d'un texte récent codifiant la législation sur les organisations professionnelles, en ce qui concerne le financement des organisations professionnelles des travailleurs, sans ingérence de la part du ministère du Travail, et en ce qui concerne l'éducation syndicale. Le Directeur général a répondu qu'étant donné que l'ensemble de la question de l'application en Grèce des conventions de liberté syndicale a fait l'objet d'une plainte aux termes de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, plainte dont le Conseil d'administration sera saisi à sa session de novembre 1968, il ne lui a pas paru possible de se prononcer sur les possibilités pour le Bureau d'offrir en même temps son assistance technique dans des domaines si directement liés aux questions qui font l'objet de cette plainte.
  649. 13. Le bureau du Conseil d'administration a noté cet échange de correspondance et a estimé qu'effectivement tant que la procédure constitutionnelle de plainte dans le domaine de la liberté syndicale est en cours il ne serait pas approprié que le Bureau international du Travail fournisse une assistance technique dans des domaines directement liés aux questions qui font l'objet de la plainte.
  650. 14. Le bureau du Conseil d'administration recommande au Conseil d'administration d'approuver la conclusion énoncée au paragraphe précédent.
  651. Envoi d'observations parle gouvernement hellénique
  652. Les observations demandées au gouvernement hellénique ont été reçues par le Directeur général le 16 janvier 1969, par une communication en date du 14 janvier 1969, dont le texte intégral figure à l'annexe III ci-dessus.
  653. Décision du Conseil d'administration relativement à la nomination d'une commission en vertu de l'article 26 de la Constitution
  654. A sa 174ème session (mars 1969), le Conseil d'administration a été saisi d'un rapport de son bureau, c'est-à-dire de son Président, M. George L. P. Weaver, représentant du gouvernement des Etats-Unis, de son Vice-président employeur, M. Pierre Waline (Français) et de son Vice-président travailleur, M. Jean Möri (Suisse). Ce rapport, après avoir indiqué que le gouvernement hellénique avait présenté ses observations sur les plaintes déposées contre lui, contenait les indications et recommandations suivantes:
  655. .......
  656. 8. Le rapport du bureau du Conseil, approuvé par le Conseil d'administration le 13 novembre 1968, indiquait qu " il serait incompatible avec le caractère judiciaire de la procédure prévue à l'article 26 et aux articles suivants de la Constitution qu'une discussion ait lieu, au Conseil d'administration, au sujet du fond des plaintes, alors que le Conseil d'administration ne dispose pas des considérations du gouvernement contre lequel ces plaintes ont été présentées, ni de l'appréciation objective de l'ensemble du cas de la part d'un organisme indépendant. En outre, une telle discussion serait inappropriée pendant qu'une proposition de renvoyer les plaintes devant une commission d'enquête est en attente devant le Conseil d'administration, ou pendant que l'affaire est encore pendante devant une commission d'enquête. Si une commission d'enquête doit être instituée - ce qu'il appartiendra au Conseil d'administration de décider en vertu de l'article 26, paragraphe 4, de la Constitution-, c'est lorsque celle-ci aura présenté son rapport sur le fond des plaintes que le Conseil d'administration pourra être appelé à prendre des mesures à leur sujet. "
  657. 9. La situation syndicale en Grèce ces dernières années est devenue une question d'importance publique internationale et elle a suscité tant au sein de l'Organisation qu'en dehors de celle-ci un intérêt considérable. C'est ainsi que, notamment, le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations et la Commission de la Conférence pour l'application des conventions et recommandations, et la Conférence internationale du Travail elle-même, ont été saisis de la question à plusieurs reprises et ont exprimé les préoccupations qu'elle leur inspirait. Actuellement, le Conseil est saisi sur cette question de déclarations contradictoires émanant des plaignants et du gouvernement. Dans ces conditions, le bureau du Conseil estime qu'un des moyens d'action à disposition pour aboutir à un examen indépendant aussi approfondi que possible, en droit et en fait, de cette affaire est le recours à la commission d'enquête prévue par l'article 26 et les articles suivants de la Constitution, lesquels établissent une procédure de caractère judiciaire applicable indistinctement à toutes les conventions internationales du travail.
  658. 10. Le bureau du Conseil recommande en conséquence au Conseil d'administration de traiter de l'affaire à ce stade exactement de la manière dont le Conseil d'administration a traité des deux plaintes précédentes relatives au Portugal et au Libéria, en renvoyant sans autre discussion l'ensemble de la question à une commission nommée conformément à l'article 26 de la Constitution de l'Organisation et en demandant à cette commission de présenter un premier rapport à sa 177ème session du Conseil d'administration (novembre 1969).
  659. 11. Le bureau recommande, d'autre part, que la commission détermine sa propre procédure conformément aux dispositions de la Constitution de l'Organisation et au rapport du bureau du Conseil d'administration approuvé par le Conseil le 13 novembre 1968 en s'inspirant des directives générales suivantes:
  660. La commission commencera ses travaux par un examen des observations présentées par le gouvernement de la Grèce en vue de déterminer les points sur lesquels elle aurait besoin d'informations plus détaillées. La commission consultera alors, par l'intermédiaire du Directeur général, le gouvernement de la Grèce, les organisations appropriées ayant le statut consultatif auprès de l'OIT et les auteurs des plaintes, mais sans être liée par les opinions des uns ou des autres, au sujet des arrangements nécessaires pour qu'elle dispose d'informations complètes et objectives sur les questions en cause; au cas où une difficulté se présenterait, la commission en informerait par un rapport le Conseil d'administration.
  661. 12. Si ces suggestions sont approuvées par le Conseil d'administration, le Directeur général soumettra au Conseil des propositions concernant la composition de la commission avant la clôture de la présente session.
  662. .....
  663. Lors de la discussion de cette question au Conseil d'administration, le 5 mars 1969, le représentant du gouvernement de la Grèce a fait la déclaration suivante, telle qu'elle apparaît au procès-verbal du Conseil d'administration:
  664. M. Tziras commence par rappeler au Conseil d'administration que, bien que les plaignants aient demandé la création immédiate d'une commission d'enquête, le Conseil d'administration, dans sa sagesse, a jugé plus convenable de laisser d'abord au gouvernement grec la possibilité de soumettre ses observations et de se faire représenter au Conseil d'administration lorsque la question viendrait en discussion, et qu'il a pris une décision à cet effet à sa précédente session.
  665. Etant donné que le gouvernement grec, en communiquant ses observations, a réfuté les allégations point par point et que le Conseil d'administration n'a pas pour tâche d'examiner l'affaire quant au fond, il suffira de quelques remarques générales qui ont un rapport avec les décisions en matière de procédure que le Conseil d'administration est sur le point de prendre.
  666. La première a trait au caractère prétendument arbitraire des mesures prises par le gouvernement en dérogation aux dispositions des conventions nos 87 et 98. Bien qu'elle ait ratifié ces conventions le 30 mars 1962 et, notamment, ait assumé l'obligation, stipulée à l'article 8 de la convention no 87, de veiller à ce que sa législation ne porte pas atteinte aux garanties prévues par la convention, la Grèce ne s'est pas engagée à rapporter l'article 91 de la Constitution de 1952 relatif à l'état d'exception. Les conventions n'exigent pas - et ne peuvent pas exiger - l'abrogation de ces dispositions qui sont communes à toutes les constitutions nationales. L'état d'exception est, en droit public, une notion aussi fermement établie que l'est, en droit privé, le cas de force majeure. Sa proclamation, les restrictions apportées à titre temporaire à l'exercice de certaines libertés, la levée provisoire des garanties accordées aux travailleurs, comme toutes les situations découlant de l'application de la loi de 1912 sur l'état de siège, sont constitutionnelles et rentrent dans le cadre de la stricte légalité, de même que la décision prise par les autorités militaires compétentes de dissoudre un certain nombre d'organisations qui avaient cessé d'exercer des fonctions syndicales légitimes telles que les définit l'article 10 de la convention no 87 et qui, en outrepassant les limites de la légalité, avaient violé les dispositions de l'article 8. Des syndicalistes ont été arrêtés et détenus, non pas en tant que tels, mais pour des délits tombant sous le coup des lois sur la sécurité de l'Etat, datant de 1929, 1947 et 1962. Les conventions n'exigent pas que l'immunité pour les syndicalistes soit prévue dans des textes semblables, et, de fait, les lois ne l'accordent pas. La liberté de se réunir et le droit de constituer des organisations ont été suspendus du 21 avril 1967 au 29 mai 1968, également en application des dispositions de la Constitution sur l'état d'exception. Si l'on admet que la Constitution prévaut sur la loi et que le gouvernement est seul juge des circonstances qui ont rendu nécessaire la proclamation de l'état d'exception, il est évident que les garanties prévues par les conventions n'étaient pas intangibles et que leur suspension, aussi regrettable qu'elle fût, n'avait pourtant rien d'arbitraire.
  667. En second lieu, la situation réelle n'est plus la même que celle dont il est fait état dans les plaintes. Aujourd'hui, les organisations syndicales dissoutes sont libres de se reconstituer et nombre d'entre elles l'ont déjà fait, comme l'indique le ministre du Travail dans la lettre qui figure en annexe au rapport. Aux termes de la loi no 434, en date du 29 mai 1968, leurs biens doivent être dévolus, sur décision des tribunaux ordinaires, à des organisations professionnelles visant des buts similaires. Les allégations des plaignants concernant le droit des travailleurs de se réunir librement et de constituer des organisations de leur choix sont également dépassées par les faits. Les droits de réunion et d'association, suspendus le 21 avril 1967, à la suite de la proclamation de l'état d'exception, ont été rétablis par un décret royal du 29 mai 1968 et confirmés par les articles 18 et 19 de la Constitution, qui sont en vigueur depuis le 15 novembre 1968. Pour ce qui est du droit de grève, le Président du Conseil a officiellement donné l'assurance à la Confédération générale du travail de Grèce, dans une lettre datée du 26 mai 1967, qu'il n'avait jamais été aboli en fait; il a d'ailleurs été formellement rétabli par l'article 19 de la nouvelle Constitution.
  668. A la lumière de ces considérations, on est en droit de se demander si la proposition de suivre la procédure prescrite par l'article 26 de la Constitution de l'OIT reflète vraiment l'esprit de coopération et de conciliation entre les gouvernements, les employeurs et les travailleurs qui doit présider au sein de l'Organisation dans des cas semblables.
  669. C'est pourquoi l'orateur désire faire trois suggestions. En premier lieu, le Conseil d'administration pourrait reconsidérer sa décision récente de ne pas fournir une assistance technique au gouvernement grec tant que serait en cours la procédure constitutionnelle d'enquête au sujet des plaintes. Une telle assistance aiderait le gouvernement à surmonter certaines difficultés et à hâter des solutions donnant satisfaction aux travailleurs. En second lieu, le Conseil d'administration pourrait renvoyer l'ensemble de la question à son Comité de la liberté syndicale. Des conclusions définitives sur une plainte largement analogue contre le gouvernement grec figurent dans le 110e rapport du comité, que le Conseil d'administration doit encore adopter et que le gouvernement n'a pas eu jusqu'ici la possibilité d'étudier. En soumettant également au comité les plaintes qui font actuellement l'objet du débat, on n'aurait plus besoin de déclencher la procédure de l'article 26. Suivant une autre solution, le Conseil d'administration pourrait décider une enquête menée sur place sur la situation de fait en matière syndicale en Grèce, semblable à celles qui ont déjà été effectuées par l'OIT dans d'autres pays à la suite d'une décision prise en 1958.
  670. Rien ne semble motiver une décision précipitée du Conseil d'administration sur la procédure à suivre, et le ministre du Travail de Grèce, au nom du gouvernement, a demandé, par une démarche officielle, au Conseil d'administration d'ajourner sa décision à une session ultérieure.
  671. A la suite de cette intervention, M. Roberto Ago (représentant du gouvernement de l'Italie, président du groupe gouvernemental du Conseil d'administration et président du Comité de la liberté syndicale) a fait la déclaration suivante, telle qu'elle apparaît au procès-verbal du Conseil d'administration:
  672. M. Ago indique qu'il a écouté avec grand intérêt la déclaration de M. Tziras, dont il ressort clairement que le nœud de la question en cours d'examen est constitué par le problème essentiellement juridique de savoir jusqu'où vont les obligations qu'assument les Etats Membres en ratifiant les conventions internationales du travail. Ce n'est évidemment pas au Conseil d'administration lui-même de se prononcer sur ce point, mais il lui revient de décider de la procédure la mieux appropriée pour enquêter sur les plaintes.
  673. En ce qui concerne la première suggestion de M. Tziras, la reprise rapide de l'assistance technique à la Grèce, bien qu'elle soit certainement souhaitable, ne mènerait à rien tant que les présentes plaintes n'auront pas fait l'objet d'une enquête sérieuse, étant donné le caractère typiquement juridique des problèmes soulevés, dont une assistance technique ne pourrait guère faire avancer la solution.
  674. La possibilité de renvoyer les plaintes au Comité de la liberté syndicale - c'est la seconde suggestion de M. Tziras - a déjà été largement débattue au comité. Celui-ci a été surtout conçu pour examiner les allégations de violation de la liberté syndicale dans des pays qui n'ont pas ratifié les conventions en la matière; or la Grèce les a ratifiées. De plus, lorsque les plaignants et le gouvernement énoncent, comme ici, des affirmations contradictoires, le comité ne peut que le constater et conclure qu'elles doivent être vérifiées grâce à une enquête sur place.
  675. La troisième suggestion - une étude de la situation syndicale en Grèce semblable à celles qui ont été effectuées dans d'autres pays - semble trahir une confusion. On pourrait certes utilement reprendre de telles études; mais, dans le cas présent, le Conseil d'administration se trouve en présence d'une plainte précise selon laquelle la Grèce aurait violé les obligations découlant de conventions ratifiées, et la question n'est donc pas de celles que peut traiter une mission de fonctionnaires du BIT chargés d'aller examiner l'ensemble de la situation syndicale dans le pays.
  676. Puisqu'il s'agit ici, comme M. Tziras lui-même l'a reconnu, d'une question juridique ayant trait au respect de conventions ratifiées, la procédure la mieux appropriée est celle qui est prévue par l'article 26 de la Constitution. Les membres de la commission d'enquête - personnes choisies pour leur qualification particulière et leur renommée - examineraient les plaintes avec une impartialité que le gouvernement grec ne peut espérer plus grande auprès d'aucun autre organisme et surtout pas auprès d'un organisme plus qualifié du point de vue politique que du point de vue juridique. En outre, s'il n'était pas satisfait du rapport de la commission et s'il ne voulait pas souscrire aux recommandations de celle-ci, le gouvernement grec pourrait, aux termes de l'article 29 de la Constitution, renvoyer tes plaintes à la Cour internationale de justice, instance dont l'objectivité est absolument hors de doute.
  677. M. Jean Möri, Vice-président travailleur du Conseil d'administration, a appuyé la déclaration de M. Ago.
  678. A la suite de ces interventions, le Conseil d'administration a approuvé les recommandations susmentionnées de son bureau.
  679. Annexe V
  680. Décrets-lois nos 185/1969 et 186/1969 (Traductions non officielles)
  681. Décret-loi no 185/1969 tendant à compléter et modifier la législation sur les organisations professionnelles (JO no 86 du 10 mai 1969)
  682. Nous, CONSTANTIN, roi des Hellènes, Sur proposition de Notre Conseil des ministres, avons décidé et ordonné ce qui suit:
  683. Article premier
  684. 1. Les organisations professionnelles de toute catégorie, qui fonctionnent légalement, sauf celles des gens de mer, des fonctionnaires de l'Etat, des personnes morales de droit public et des autorités administratives locales, sont régies par la législation en vigueur concernant les organisations professionnelles (décret royal no 667 de 1968 sur la codification de la législation en vigueur concernant les organisations professionnelles, etc.) telle qu'elle est complétée ou modifiée par la présente.
  685. 2. Les organisations professionnelles des gens de mer, qui fonctionnent légalement, sont régies par les dispositions de la loi no 257 de 1968 sur les associations professionnelles des gens de mer et les fédérations telles qu'elles sont complétées ou modifiées par le présent décret.
  686. 3. Les organisations professionnelles des fonctionnaires de l'Etat, des personnes morales de droit public et de l'administration locale légalement en fonction sont régies par les dispositions de la loi no 4879 de 1931 sur les associations des fonctionnaires telle que modifiée par le décret d'application présidentiel du 5/17 décembre 1931, et les dispositions des articles 1 à 9 de la loi no 5403 de 1932 sur le droit de grève des fonctionnaires telles que celles-ci ont été postérieurement modifiées et complétées.
  687. 4. Les dispositions du Code civil concernant les personnes morales régissent les organisations professionnelles prévues dans les paragraphes ci-dessus du présent article à titre supplémentaire aux dispositions spéciales y relatives.
  688. Article 2
  689. 1. Chaque ouvrier ou employé a le droit de s'affilier à une seule organisation professionnelle et par celle-ci aux unions des organisations respectives.
  690. 2. Chaque organisation professionnelle des travailleurs, en vue d'être représentée ou d'exercer ses droits d'une manière quelconque, ne peut compter que pour une seule fois toute personne physique ou morale, qui lui est affiliée, de quelque manière et à quelque titre que ce soit.
  691. Article 3
  692. 1. Sera considérée comme grève l'arrêt du travail, continu ou périodique et après entente préalable, de plus de cinq salariés en relation de travail avec un employeur quelconque, que celui-ci soit une personne physique ou morale, exception faite pour les services publics, les personnes morales de droit public et les autorités administratives locales, pour autant que ladite abstention est due à un conflit résultant de la violation des normes ou conditions régissant les relations de travail ou vise à l'amélioration ou au maintien des conditions de travail existantes.
  693. 2. La grève, telle que définie dans le paragraphe ci-dessus, est proclamée et déclenchée dès que l'organe exécutif compétent d'après le statut de l'organisation pertinente représentative des travailleurs en a décidé à la majorité absolue des membres ayant le droit de voter.
  694. 3. La grève décidée conformément aux dispositions des paragraphes ci-dessus ne peut se prolonger au-delà de trois jours. Seule l'assemblée générale de l'organisation professionnelle des travailleurs peut décider une grève d'une durée supérieure à trois jours à la majorité absolue de ses membres ayant le droit de voter.
  695. 4. L'organe exécutif de l'organisation intéressée qui, selon le paragraphe précédent, est compétent pour proclamer la grève est tenu, d'une part, de veiller à ce que le personnel nécessaire à la sécurité des installations des entreprises pertinentes continue à offrir ses services pendant la durée de la grève et, d'autre part, de notifier la proclamation de la grève, quarante-huit heures au moins avant le début de celle-ci, à l'organisation professionnelle des employeurs qui a le droit, selon les dispositions en vigueur, de conclure avec elle une convention collective de travail, au ministère du Travail ainsi qu'au ministère de tutelle.
  696. 5. Sera considérée comme grève, au sens du paragraphe 1, le cas où plus de cinq salariés de la même entreprise présents dans les locaux de travail s'abstiennent, d'un commun accord, de travailler ou réduisent intentionnellement d'une manière quelconque leur rendement de travail.
  697. Article 4
  698. 1. Il est interdit de proclamer ou de déclencher une grève pendant la durée du délai prévu par le décret-loi no 3239 de 1955 sur les modalités de réglementation des conflits collectifs du travail, etc., tel qu'il a été modifié, en vue de résoudre le conflit par voie d'arbitrage.
  699. 2. Les organisations professionnelles de salariés dans les entreprises de communications, de fourniture d'eau, d'éclairage, de combustibles, de force motrice et de fabrication de pain ainsi que de prestation de soins médicaux ont le droit de proclamer ou de déclencher une grève même si le conflit ne relève pas de la procédure des conflits collectifs, selon les dispositions en vigueur, pour autant qu'une demande ait été soumise par elles à leur employeur, au ministère dont relève l'entreprise et du ministère du Travail, et que le déroulement de la procédure visant à résoudre le différend par les organes responsables selon les dispositions en vigueur n'ait pas été entamé dans les quinze jours, à compter de sa présentation au ministère du Travail. Dans le cas où il n'existe pas de dispositions spéciales visant à régler de tels différends, le renvoi du différend par le ministre du Travail ou par le ministre dont relève l'organisation professionnelle aux négociations collectives et aux tribunaux d'arbitrage selon les dispositions de la loi no 3239 de 1955, devenant par suite d'un tel renvoi compétent pour la solution dudit renvoi indépendamment de sa nature, équivaut au déclenchement de la procédure.
  700. Article 5
  701. 1. Les travailleurs salariés qui participent à une grève proclamée ou déclenchée, à l'encontre des dispositions de l'article 3, paragraphe 2, et de l'article 4, paragraphes 1 et 2, du présent décret-loi, ou qui, pendant la grève, n'offrent pas leur travail en vue d'assurer la sécurité des machines de l'entreprise dans laquelle ils sont occupés, bien qu'ils aient été désignés conformément à l'article 3, paragraphe 4, sont considérés comme ayant dénoncé leur contrat de travail et n'ont pas droit à la protection prévue par la loi no 3198 de 1955.
  702. 2. Sont également considérés comme ayant dénoncé leur contrat de travail et n'ayant pas droit à la protection prévue par la loi no 3198 de 1955 les membres de l'organe exécutif de l'organisation professionnelle qui a décidé la proclamation de la grève, à moins qu'ils ne se soient conformés à l'obligation découlant de l'article 3, paragraphe 4, du présent décret en ce qui concerne la désignation du personnel de sécurité des installations de l'entreprise intéressée.
  703. Article 6
  704. 1. A l'article 12 du décret royal no 667 de 1968 sont ajoutés les nouveaux paragraphes 5 et 6 suivants:
  705. 5. Les organisations professionnelles dont les buts ou activités sont dirigés contre l'intégrité territoriale de l'Etat, contre le régime politique ou social, contre la sûreté de l'Etat ou les libertés civiles et individuelles des citoyens sont dissoutes par décision du tribunal de première instance, après demande d'un de leurs membres ou du procureur auprès du tribunal de première instance du siège de l'organisation.
  706. 6. Les membres d'un comité exécutif ou de contrôle, ainsi que les représentants d'organisations professionnelles, qui déploient individuellement des activités dirigées contre l'intégrité territoriale de l'Etat ou contre sa sécurité ou le régime politique ou social sont destitués, conformément à la procédure prévue dans le paragraphe précédent.
  707. 2. A l'article 13 du décret royal no 667 de 1968 est ajouté le paragraphe 3 suivant:
  708. 3. Le tribunal de première instance du siège d'une organisation professionnelle dissoute avant l'acte constitutionnel " B " ou venant à être dissoute conformément aux dispositions de l'article 12 du décret royal no 667 de 1968, tel que modifié, peut ordonner que les biens de ladite organisation soient cédés à une autre organisation professionnelle qui poursuit des objectifs identiques ou analogues après demande de cette dernière sous réserve qu'elle soit considérée comme poursuivant les objectifs que l'organisation dissoute poursuivait. Les décisions de tribunaux, émises conformément à la loi no 434 de 1968, restent en vigueur.
  709. Article 7
  710. Le paragraphe 1er de l'article 15 du décret royal no 667 de 1968 est remplacé comme suit:
  711. Deux ou plusieurs associations professionnelles peuvent, conformément à leurs dispositions statutaires, former une ligue ou union (centre ouvrier, fédération, confédération) en vue de poursuivre leurs intérêts communs en conservant, en même temps, leur autonomie économique et administrative.
  712. Les unions susmentionnées peuvent être reconnues d'après les dispositions du présent décret-loi, mais elles sont tenues de communiquer les noms des personnes qui constituent l'administration de leurs associations membres.
  713. Aux assemblées générales (congrès, etc.) de telles unions, de tout degré, chaque association ou union d'associations est représentée et dispose d'un nombre de suffrages proportionnel au nombre des membres ayant voté. Cette proportion du nombre de suffrages qui doit être prévue par les statuts de chaque union doit être la même pour toutes les associations y affiliées, et pour le nombre total des membres ayant voté. En cas de fraction, si celle-ci est supérieure à la moitié, le nombre est considéré comme entier. En tout cas, le nombre total des suffrages dont dispose chaque association ne peut pas être supérieur au cinquième du nombre total des suffrages de l'assemblée générale.
  714. Les unions reconnues et les personnes de leurs comités de direction ont les mêmes droits et les mêmes obligations que les autres associations selon les dispositions du présent décret-loi.
  715. Article 8
  716. 1. Les organisations professionnelles de travailleurs dont le titre est enregistré dans la liste des associations reconnues, se trouvant auprès de tout tribunal de première instance jusqu'au jour de la promulgation du présent décret-loi, seront considérées comme reconnues et fonctionnant légalement, à la condition qu'elles aient déposé, par l'intermédiaire de leur comité de direction légal, auprès du secrétaire du tribunal de première instance pertinent, dans un délai de trois mois après la promulgation du présent décret-loi, photocopie du compte rendu des élections signé par le juge qui en a assuré le contrôle et qu'elles soient inscrites dans la liste spéciale des organisations professionnelles reconnues de travailleurs. Ladite photocopie doit contenir les éléments prévus par le paragraphe 2 de l'article 81 du Code civil.
  717. 2. Les organisations ne se conformant pas à la procédure établie au paragraphe précédent sont considérées de plein droit comme nulles et leurs membres sont passibles des sanctions prévues par l'article 188 du Code pénal.
  718. 3. L'inspecteur du travail compétent, ainsi que toute personne ayant un intérêt légal, a le droit de contester la validité du dépôt de nouveaux documents justificatifs et du titre des organisations professionnelles de travailleurs, en déposant un recours devant le tribunal de première instance du siège de l'organisation, lequel se prononce dans un délai de huit jours sur leur validité. Dans le cas où le recours est adopté, la décision est portée en marge de l'inscription faite dans le registre des organisations professionnelles reconnues de travailleurs après avoir été remise au secrétaire du tribunal de première instance par le requérant.
  719. Article 9
  720. 1. Dès la mise en vigueur du présent décret-loi, ne peuvent être élus ou assumer, de manière quelconque, des fonctions en tant que membres des comités exécutifs ou en qualité de représentants des syndicats professionnels de travailleurs:
  721. a) les personnes n'ayant pas accompli, au cours des six dernières années qui précèdent le jour des élections, cent jours de travail effectif au moins par an, ou six cents jours de travail au total, dont cinquante au moins par an, dûment prouvés par des données de la caisse d'assurance principale, à laquelle elles sont assujetties;
  722. b) les personnes qui ne sont pas membres réguliers de l'organisation.
  723. 2. Pour qu'une personne soit élue à l'une des charges mentionnées au paragraphe précédent, elle est tenue, avant toute élection, de présenter à la commission de contrôle des élections une demande de candidature, conformément aux dispositions statutaires pertinentes.
  724. 3. Le juge qui, selon la loi, assiste aux assemblées générales des syndicats professionnels de travailleurs et de leurs unions est tenu, lors de l'élection de la commission de contrôle ainsi que des élections, et avant de procéder au vote, d'inviter les personnes ayant présenté des demandes de candidature à soumettre une déclaration écrite certifiant qu'elles ont les qualifications d'éligibilité requises par la loi et le statut. Si le juge, à la suite du contrôle exercé en la matière, vérifie que ces personnes possèdent lesdites qualifications, il procède à la désignation des candidats ayant droit à participer aux élections.
  725. 4. Dès l'entrée en vigueur du présent décret-loi prend fin de plein droit le mandat des membres des comités exécutifs des syndicats professionnels de travailleurs ou de leurs unions qui, au cours des six dernières années qui précèdent la date de la mise en vigueur du présent décret, n'ont pas accompli cent journées de travail effectif au moins par an, ou six cents journées de travail au total, dont cinquante au moins par an, dûment prouvées par des données de la caisse d'assurance principale à laquelle lesdits membres sont assujettis.
  726. 5. Dans le cas où l'expiration du mandat cité au paragraphe précédent a eu lieu lors de la dernière année du délai prévu par le statut pertinent, le comité exécutif est réputé comme légalement constitué par l'ensemble des membres restant et jusqu'à l'expiration du terme du mandat, à condition qu'après qu'il a été fait appel, conformément au statut et à la loi, aux suppléants pour venir occuper les places devenues vacantes des membres sortants ou, en l'absence de ceux-ci, le nombre total des participants ne soit pas inférieur à la moitié plus un de l'ensemble des membres. Dans le cas contraire, un comité exécutif est nommé conformément à l'article 69 du Code civil pour le reste de la période du mandat.
  727. 6. Les membres des comités exécutifs qui reçoivent mensuellement de la part des organisations professionnelles de travailleurs une indemnité ordinaire et dont le mandat est réputé expiré aux termes du présent décret-loi ont droit, à condition qu'ils aient accompli à l'expiration de leur mandat, et à la suite d'élections légales, trois années de mandat, successives ou interrompues, au sein de la même organisation professionnelle, à l'indemnité prévue par la loi no 3198 de 1955, les années de leur mandat de même que celles de leur service éventuel en tant qu'agents de ladite organisation entrant en ligne de compte, sous réserve qu'ils n'aient pas été en même temps rémunérés par leur employeur.
  728. Cette indemnité, calculée sur la base de l'indemnité moyenne habituelle mensuelle, qu'ils ont touchée au cours du dernier semestre de leur mandat, et ne pouvant pas dépasser le maximum fixé par la loi no 173 de 1967, est versée à la charge du foyer ouvrier (Ergatiki Estia), à la demande du bénéficiaire et après consultation de l'organisation intéressée, en douze versements égaux mensuels.
  729. De la somme calculée de la manière susmentionnée est déduite toute somme que les personnes dont le mandat a ainsi pris fin ont touchée, ou à laquelle ils ont droit, de la part de la branche de prévoyance de la Caisse d'assurance auxiliaire des représentants et employés des organisations professionnelles de travailleurs sous forme d'allocation forfaitaire correspondant à la période prise en considération pour le calcul du taux d'indemnité prévue par les dispositions du présent paragraphe.
  730. 7. Les personnes présentant de fausses attestations au sens du paragraphe 3 du présent article tombent sous le coup de l'article 225 du Code pénal, et les personnes qui, de quelque manière que ce soit, participent à l'action administrative des organisations professionnelles des travailleurs, en violation du paragraphe 3 du même article, tombent sous le coup des sanctions de l'article 17, paragraphe 4, du décret royal no 667 de 1968.
  731. 8. A l'article 6 du décret royal no 667/1968 sur la codification de la législation en vigueur des syndicats professionnels est ajouté le paragraphe 5 suivant:
  732. 5. Pendant les heures de travail, les personnes visées au paragraphe 1 du présent article ont droit à un congé sans rémunération de huit à cinquante heures par mois; ce congé est accordé dans le but de faciliter aux dites personnes leurs activités syndicales d'après les dispositions statutaires. Les différends éventuels entre employeurs et représentants des organisations syndicales en la matière, constituant un conflit collectif, sont réglés suivant la procédure fixée par la loi no 3239 de 1955 telle que modifiée.
  733. 9. La période accordée sous forme de congé est réputée comme période de travail effectif en ce qui concerne le calcul du temps de travail requis par le paragraphe 1 du présent article.
  734. Article 10
  735. 1. A partir du premier jour du mois suivant la date de la promulgation du présent décret-loi, la rémunération mensuelle des personnes liées par un contrat de travail aux organisations professionnelles de travailleurs de tout degré ainsi que les indemnités versées à un titre quelconque aux membres de comités exécutifs ou à d'autres personnes s'occupant de quelque manière que ce soit des affaires des organisations ne peuvent en aucun cas dépasser au total le maximum des rémunérations mensuelles dont bénéficient, conformément aux dispositions de la convention collective ou de la sentence arbitrale en vigueur, les employés de sociétés anonymes.
  736. 2. Les conseillers juridiques et avocats employés avec un traitement fixe au sein des organisations visées au paragraphe précédent ne peuvent en aucun cas bénéficier de rémunérations mensuelles supérieures au traitement prescrit, y compris les majorations légales, des avocats auprès des tribunaux de première instance, dans la mesure où ceux-ci sont occupés auprès d'organisations professionnelles de travailleurs, et de ceux des avocats auprès de la cour d'appel dans la mesure où ils sont occupés auprès d'unions d'organisations professionnelles de travailleurs.
  737. 3. Dans le cas où les personnes visées aux paragraphes précédents touchent des rémunérations ou indemnités de la part de plusieurs organisations pour les services susvisés, le total des rémunérations ou indemnités ne peut en aucun cas dépasser, selon leurs qualités, les limites correspondantes fixées dans les paragraphes 1 et 2.
  738. 4. Les membres de comités exécutifs d'organisations professionnelles de travailleurs de tout degré, qui sont rémunérés par un employeur, ont droit à la différence entre l'indemnité visée au paragraphe 1 et la rémunération accordée par cet employeur. Lesdites personnes peuvent aussi toucher, au titre de frais de représentation, une indemnité s'élevant jusqu'à concurrence de la moitié de la somme visée au paragraphe 1 du présent article, sous réserve que ce versement soit prévu par les dispositions statutaires de l'organisation intéressée.
  739. 5. Les personnes qui donnent leur approbation pour des rémunérations ou indemnités supérieures à celles prévues dans les paragraphes précédents de même que celles qui touchent de telles rémunérations seront punies conformément aux dispositions de l'article 390 du Code pénal; elles seront tenues de retourner le double de la somme des rémunérations illicitement touchées à l'organisation bénéficiaire.
  740. 6. Les personnes mentionnées aux paragraphes 1 et 2 du présent article, en cas de résiliation du contrat de travail par l'organisation professionnelle de travailleurs pour une raison quelconque, ont droit à l'indemnité de départ prévue par la loi; cette indemnité ne peut toutefois dépasser la limite maximum, telle qu'elle est fixée par la loi no 173 de 1967.
  741. Article 11
  742. 1. Les personnes visées dans l'article précédent qui recevraient, lors de la promulgation du présent décret, des rémunérations ou indemnités supérieures à celles prévues au paragraphe précédent sont tenues de notifier, par déclaration écrite communiquée par l'intermédiaire d'un huissier dans un délai d'un mois à compter de la date de la promulgation du présent décret, à l'organisation à laquelle elles sont assujetties ainsi qu'au foyer ouvrier si elles acceptent les rémunérations ou indemnités prévues par le présent décret ou préfèrent quitter à titre volontaire leur poste.
  743. Dans ce dernier cas, le foyer ouvrier est tenu de servir dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification l'indemnité due aux termes des lois en vigueur en raison de la cessation de la relation de travail, laquelle indemnité ne peut en tout cas dépasser la limite maximum fixée par la loi n, 173 de 1967.
  744. 2. Les personnes qui ont droit à cette indemnité, et jusqu'à l'expiration d'un délai de cinq années, n'ont pas le droit de recevoir de la part d'une organisation professionnelle une rémunération, indemnité ou un montant forfaitaire; dans le cas contraire, elles tombent sous le coup des sanctions pénales prévues par le paragraphe 5 de l'article 10, à moins qu'elles ne restituent au foyer ouvrier toute la somme perçue en vertu du présent article.
  745. 3. A la demande des comités exécutifs des organisations professionnelles de travailleurs, le conseil d'administration du foyer ouvrier verse l'indemnité prévue par les lois pertinentes, laquelle ne peut, toutefois, dépasser la limite maximum fixée par la loi no 173 de 1967, aux personnes rémunérées par lesdites organisations à quelque titre que ce soit, si le contrat par lequel celles-ci sont liées a été légalement dénoncé par une décision de leur comité exécutif.
  746. Article 12
  747. 1. Toute disposition contraire au présent décret-loi est abrogée.
  748. 2. Tout différend résultant de l'application des articles 9 à 11 du présent décret est jugé par le tribunal de première instance à composition simple.
  749. Article 13
  750. Par décret royal unique, promulgué sur proposition du ministre du Travail, la codification dans un texte unifié de la législation concernant les syndicats professionnels est autorisée.
  751. Article 14
  752. Le présent décret entrera en vigueur à partir de la date de sa promulgation au journal officiel.
  753. Athènes, le 9 mai 1969.
  754. Décret-loi no 186/1969 tendant à modifier et compléter la loi n, 3239/1955, telle que remaniée et complétée par le décret-loi no 3755/1957 (JO no 86 du 10 mai 1969)
  755. Nous, CONSTANTIN, roi des Hellènes, Sur proposition de Notre Conseil des ministres, avons décidé et ordonné ce qui suit:
  756. Article premier
  757. 1. Dès l'entrée en vigueur du présent, les organisations professionnelles habilitées à soulever un conflit collectif et à conclure des conventions collectives de travail sont celles ayant un caractère représentatif.
  758. 2. Deux organisations professionnelles de la même branche tout au plus peuvent être reconnues comme ayant un caractère représentatif.
  759. 3. Sont reconnues, en tant qu'organisations professionnelles d'ouvriers et d'employés, représentatives celles qui ont réuni lors des dernières élections en vue de la désignation des comités exécutifs au moins cent membres votants, et au moins cinq mille membres votants s'il s'agit d'associations de syndicats de la même profession ou de professions similaires (fédérations).
  760. Sont reconnues comme représentatives les unions interprofessionnelles de travailleurs de la même profession (fédérations), celles dont le nombre total d'assurés n'excède pas dix mille, pour autant que celles-ci, aux dernières élections, aient rassemblé comme membres votants au moins les deux cinquièmes de l'ensemble.
  761. Article 2
  762. 1. Si une contestation est soulevée quant au caractère représentatif d'une organisation, le président du tribunal administratif d'arbitrage de première instance de la juridiction dont relève le siège de l'organisation statue définitivement sur la demande de celle-ci ou sur celle du ministre du Travail ou de toute autre personne ayant un intérêt juridique.
  763. 2. La décision du président selon le paragraphe précédent apprécie conjointement:
  764. a) la force numérique de l'organisation par rapport à l'ensemble des personnes occupées dans la branche ou la profession et qui sont assurées auprès des organismes respectifs d'assurances sur la base du nombre de personnes ayant voté lors des dernières élections pour la désignation du comité exécutif;
  765. b) l'attitude de totale indépendance de l'organisation professionnelle à l'égard de toute influence étrangère sur les objectifs syndicaux recherchés par l'organisation et sur l'activité déployée par elle dans ce cadre;
  766. c) l'acceptation, de la part de l'organisation, de la procédure de négociation collective;
  767. d) l'existence de garanties indispensables pour l'application fidèle des lois, des statuts et de la convention collective ou de l'arbitrage, selon l'activité syndicale normale déployée par l'organisation.
  768. 3. Dans le cas où la contestation quant au caractère représentatif de l'organisation serait soulevée alors qu'un conflit collectif serait pendant devant les tribunaux administratifs d'arbitrage, devient compétent pour la trancher, selon ce qui est prescrit au paragraphe précèdent, le président du tribunal devant lequel le conflit collectif est pendant.
  769. Article 3
  770. 1. Si deux organisations professionnelles sont reconnues comme représentatives, il est déterminé, lorsque intervient la décision de reconnaissance de la seconde organisation ou même ultérieurement, selon les critères de l'article 2 du présent décret, laquelle de celles-ci est la plus représentative. Une telle qualification peut être attribuée également par une décision ultérieure, en observant les prescriptions de l'article 2, en ce qui concerne les personnes habilitées à cet effet, les organes compétents de reconnaissance et la procédure à suivre.
  771. 2. Les unions professionnelles ouvrières nationales de caractère général (confédérations) et les unions locales (centres ouvriers) sont considérées comme représentatives, pour autant qu'elles se composent en majorité d'associations membres appartenant à des unions panhelléniques représentatives de la même profession (fédérations). Les associations du premier degré sont également considérées comme représentatives, pour autant qu'elles sont affiliées à des unions ouvrières panhelléniques de la même profession.
  772. Les dispositions du paragraphe précédent s'appliquent corrélativement.
  773. Article 4
  774. 1. Les conventions collectives de travail sont valables seulement pour les membres des organisations professionnelles ayant pris part à leur conclusion. Par dérogation, si, dans l'élaboration d'une convention collective de travail, une organisation caractérisée comme plus représentative y a participé, la convention vaut également pour les membres de l'organisation, qualifiée comme simplement représentative d'une organisation de travailleurs, pour autant que cette dernière, invitée par la plus représentative à participer aux négociations, n'aurait pas comparu ou bien, étant intervenue, n'aurait pas contesté les conditions convenues par la plus représentative. Au cas où l'organisation simplement représentative aurait exprimé son désaccord, celui-ci dégage ses membres de tout lien à la condition qu'elle l'ait notifié immédiatement par écrit aux organisations contractantes, au ministre du Travail et au ministre de tutelle.
  775. 2. Pour proclamer comme obligatoire ou pour étendre l'effet d'une convention collective à des salariés ou employeurs, au-delà des personnes que celle-ci couvre, selon les prescriptions du paragraphe précédent, on applique les dispositions spéciales y relatives de la loi no 3239/1955, telle que modifiée par le décret-loi no 3755/1957.
  776. Article 5
  777. 1. En cas d'impossibilité de parvenir à un accord pour des négociations directes en vue de la conclusion d'une convention collective du travail, toute organisation professionnelle représentative est habilitée à soulever un conflit collectif par une requête, adressée à la Direction de la rémunération du travail ou à l'Inspection du travail au ministère du Travail; la requête sera inscrite le jour même dans le registre tenu à de telles fins. Sous peine d'irrecevabilité, seront déposées en même temps que la requête les pièces suivantes:
  778. a) les documents habilitant l'organisation à soulever le conflit collectif, déterminés par l'article 5, paragraphe 10, du décret royal no 667/1968, portant codification de la législation en vigueur sur les associations professionnelles;
  779. b) une photocopie certifiée conforme de l'attestation, délivrée selon les dispositions de l'article 8 du même décret royal, par le représentant de l'autorité judiciaire ayant supervisé les dernières élections;
  780. c) une attestation concernant la remise d'une copie conforme de la requête au sujet du conflit, dix jours pleins avant son dépôt, à l'autre organisation professionnelle reconnue comme représentative, avec invitation à intervenir dans la procédure statuant sur le conflit. Si l'organisation requérante a des doutes sur l'existence d'une autre organisation représentative, la demande est signifiée au fonctionnaire compétent désigné par le ministre du Travail; ce fonctionnaire invite l'autre organisation intéressée ou atteste l'inexistence d'une telle organisation.
  781. Article 6
  782. 1. Le ministre du Travail ou le fonctionnaire compétent au siège du tribunal administratif d'arbitrage de première instance, dans les cinq jours à compter de la présentation de la requête introductive du conflit, nomme comme rapporteur pour le conflit un des fonctionnaires du ministère du Travail. Le fonctionnaire qui désigne le rapporteur fixe également le jour et l'heure de l'audience des parties intéressées, y compris l'autre organisation professionnelle représentative invitée conformément à l'article précédent; il les convoque par écrit trois jours pleins au moins avant le jour fixé pour la discussion. Le rapporteur ainsi désigné, après avoir vérifié la légalité de la requête et de la représentation des parties, entend par la suite les points de vue respectifs et procède à la conciliation. Le rapporteur peut remettre la discussion, afin de réunir des éléments plus complets, mais ce délai ne dépassera pas cinq jours à compter de la date de la première discussion.
  783. 2. Si un accord est réalisé, un rapport est rédigé par le rapporteur et dûment transmis avec le dossier en vue de la conclusion d'une convention collective, selon ce qui est prescrit par la loi no 3239/1955, telle que modifiée.
  784. 3. Sur l'étendue du lien obligatoire de la convention collective, conclue après introduction d'un conflit collectif, les prescriptions de l'article 4 du présent décret sont applicables.
  785. Article 7
  786. 1. Au cas où les négociations, conduites conformément aux dispositions de l'article précédent, pour la solution du conflit collectif n'aboutiraient pas à un accord, dans les trois jours à compter de l'audience prévue au paragraphe 1 de l'article 6, le rapporteur rédige un rapport et le transmet le jour même, avec le dossier de la cause, au fonctionnaire désigné par le ministre du Travail.
  787. 2. S'il s'agit d'un conflit pour la solution duquel les tribunaux administratifs d'arbitrage de première instance d'Athènes ou du Pirée sont compétents, le rapport prévu au paragraphe 1 du présent article est renvoyé, avec le dossier, dans les vingt-quatre heures à la personne compétente du Service d'études du ministère du Travail, désignée par le ministre; cette personne ainsi saisie procède, en collaboration avec le ministère de la Coordination, à la réunion des éléments pertinents sur les données économiques et sociales pouvant influer sur le conflit. Elle fait rapport, dans les huit jours à compter de la date de réception du dossier, au ministre du Travail ou au fonctionnaire désigné par ce dernier.
  788. 3. Dans les cinq jours au plus tard à compter de la présentation du rapport par la personne compétente du Service d'études au fonctionnaire mandaté par le ministre du Travail, celle-ci est tenue ou de convoquer par-devers elle les parties intéressées et de tenter de nouveau une conciliation par une citation écrite, remise vingt-quatre heures au moins avant la date fixée pour la discussion ou de renvoyer le cas au tribunal administratif d'arbitrage de première instance, conformément à la loi no 3239/1955 actuellement en vigueur.
  789. 4. La sentence du tribunal administratif d'arbitrage de première instance compétent, qui tranche le conflit collectif soulevé par l'organisation la plus représentative, rendue exécutoire sans modification ou modifiée selon les dispositions des articles 19 et 20 de la loi no 3239/1955, vaut également à l'égard des membres de l'organisation simplement représentative, que celle-ci ait participé à la procédure du prononcé de la sentence ou non, dans les conditions prévues par l'article 4 du présent décret.
  790. 5. Si, pour la solution du conflit, des tribunaux administratifs d'arbitrage de première instance, autres que ceux d'Athènes et du Pirée, sont compétents et au cas où un accord n'est pas atteint entre les parties lors de la mise en oeuvre de la procédure prévue aux articles 6 et 7, paragraphe 1, le cas est renvoyé directement aux tribunaux d'arbitrage territorialement compétents.
  791. Article 8
  792. 1. Les délais des articles 6 et 7 du présent décret sont considérés ensemble dans l'application des articles 18, paragraphe 2, de la loi no 3239/1955 et du décret-loi no 3755/57.
  793. 2. Le paragraphe 2 de l'article 4 de la loi no 3239/55, tel que complété par le paragraphe 2 de l'article 10 du décret-loi no 3755/57, est modifié comme suit:
  794. La dénonciation d'une convention libère de tout lien pour l'avenir aussi bien l'organisation qui dénonce la convention que celle qui reçoit la dénonciation; ses effets juridiques surviennent deux mois après la date de la communication de la déclaration y relative au ministère du Travail. Cependant, les conventions individuelles de travail, qui en découlent, subsistent jusqu'à ce qu'elles soient légalement dénoncées.
  795. La dénonciation d'une convention collective de travail de durée indéterminée n'est pas admise avant un laps de temps de douze mois à compter de sa mise en application.
  796. Les effets juridiques de la dénonciation d'une convention collective de travail opèrent de plein droit, même à l'égard de ceux pour lesquels elle a été ultérieurement déclarée obligatoire, conformément au paragraphe 2 de l'article 5, ou bien à l'égard de ceux pour lesquels elle est étendue, conformément au paragraphe 3 du même article 5.
  797. 3. La contestation sur la qualification du conflit en tant que conflit collectif est résolue au stade de la procédure préliminaire par décision du ministre du Travail.
  798. 4. La communication, telle que prévue sous peine d'irrecevabilité par l'article 12, paragraphe 1, de la loi no 3239/55 de l'appel interjeté auprès du ministre du Travail, constitue désormais une obligation pour le greffier, auprès duquel l'appel est déposé; ledit greffier est passible, en cas d'omission, d'une peine disciplinaire.
  799. 5. Le paragraphe 3 de l'article 20 de la loi no 3239/55, tel que modifié par le paragraphe 9 de l'article 10 du décret-loi no 3755/57, est remanié comme suit:
  800. Si, dans le délai prévu aux paragraphes précédents, la procédure dont il s'agit n'est pas achevée, il est accordé le droit, à chacune des parties contractantes ou parties au litige, de déposer, dans un délai de dix jours à partir de l'expiration du délai ci-dessus, la convention collective ou la sentence arbitrale à la justice de paix de la circonscription, où la convention collective de travail a été établie, ou du siège du tribunal d'arbitrage ayant prononcé la sentence; une copie de la convention ou de la sentence sera remise à l'inspecteur du travail compétent.
  801. Un tel dépôt, tenant lieu de promulgation, est, à la diligence du déposant, signifié par huissier de justice au ministère du Travail et aux intéressés; les conventions collectives de travail ou les sentences d'arbitrage, promulguées de la sorte, et s'il n'en est pas autrement disposé par celles-ci, prendront effet à dater du jour suivant leur dépôt auprès de la justice de paix.
  802. Article 9
  803. 1. S'il se manifeste, entre l'employeur et les salariés, un conflit quelconque ne revêtant pas selon la loi le caractère de conflit collectif mais découlant de toute façon de la relation de travail ou de son exécution, les organisations professionnelles représentatives peuvent respectivement requérir l'inspecteur ou le contrôleur du travail ad hoc de convoquer, sous sa présidence, un comité de trois membres, en vue d'un règlement transactionnel. A ce comité participent à égalité un représentant de l'organisation des travailleurs et un représentant de l'organisation des employeurs dont les parties au conflit sont membres. S'il n'existe pas d'organisation des employeurs, un représentant désigné par la direction de l'entreprise participe à ce comité.
  804. 2. Le comité, prévu au paragraphe précédent, rassemble des éléments auprès des intéressés et de tout tiers au sujet des parties en conflit et exerce sa médiation afin d'aboutir à une solution transactionnelle du conflit. Les procès-verbaux sont tenus soit par l'inspecteur du travail en personne, soit par un employé désigné par lui.
  805. 3. Devront figurer dans les procès-verbaux: un résumé des motifs du conflit, les points de vue exprimés par les parties, l'origine des informations rassemblées, les démarches et les conclusions du comité. Les procès-verbaux signés par le président du comité, par une au moins des parties intéressées et par l'employé qui les a dressés, sont déposés en original dans les archives de l'Inspection du travail; les parties intéressées ont le droit d'obtenir une copie certifiée conforme de ces procès-verbaux.
  806. 4. Les représentants d'entreprises ou d'organisations professionnelles, ainsi que les fonctionnaires de l'Inspection du travail qui refusent sans motif valable de participer aux réunions du comité susvisé, bien qu'ils aient été convoqués à ces fins par son président vingt quatre heures au moins avant la date fixée pour l'examen du cas, sont passibles, sur plainte du ministre du Travail ou de l'inspecteur général du travail mandaté par ce dernier, des peines prévues à l'article 17, paragraphe 4, du décret royal no 667/1968.
  807. Article 10
  808. l. Les organisations ouvrières interprofessionnelles nationales (fédérations), reconnues comme représentatives, ont le droit de négocier une clause d'une convention collective ou de déclencher un conflit collectif; pour la cotisation due par chaque membre, conformément aux statuts, aux syndicats du premier degré, aux fédérations nationales de syndicats de la même branche, aux confédérations auxquelles ces fédérations sont affiliées ainsi qu'aux associations locales de syndicats (centres ouvriers), il sera retenu, par les employeurs payant les étrennes auxquelles les membres ont droit, un montant égal à une journée de salaire d'un manoeuvre ou d'un apprenti, et ce montant sera déposé par l'employeur au foyer du travail en faveur des organisations ouvrières interprofessionnelles nationales, selon ce qui est prescrit ci-dessous.
  809. 2. Sur les sommes ainsi perçues, le foyer du travail dépose à un compte spécial ouvert auprès de la Banque de Grèce, au nom des organisations ouvrières interprofessionnelles nationales ayant, selon le paragraphe précédent, négocié la clause ou déclenché le conflit collectif, autant de journées de salaire qu'il y a de personnes physiques membres des syndicats affiliés, en fonction du nombre de membres dont les cotisations sont à jour. Si plus d'une organisation ouvrière interprofessionnelle nationale a participé à la conclusion de la convention, un compte sera ouvert pour chacune d'elles séparément.
  810. 3. La répartition des montants versés par les employeurs conformément aux paragraphes précédents est effectuée comme suit:
  811. a) a droit à 10 pour cent la confédération à laquelle l'organisation ouvrière interprofessionnelle nationale la plus représentative est affiliée et qui a participé à l'établissement de la convention collective ou a déclenché le conflit;
  812. b) ont droit à 25 pour cent les syndicats du premier degré affiliés à l'organisation ouvrière interprofessionnelle nationale la plus représentative qui a participé à l'établissement de la convention collective ou déclenché le conflit; lesdites sommes sont réparties entre eux proportionnellement au nombre de leurs membres dont les cotisations sont à jour;
  813. c) ont droit à 10 pour cent les associations locales de syndicats, à la condition que, lors de la promulgation du présent décret, elles aient leur siège dans une localité comptant lors du dernier recensement officiel de la population plus de cent quatre-vingt mille habitants (la répartition se faisant proportionnellement au nombre des membres dont la cotisation est à jour que comptent les syndicats affiliés aux associations locales adhérant elles-mêmes à l'association - de la même branche professionnelle ou de branches analogues - la plus représentative ayant conclu l'accord ou déclenché le conflit);
  814. d) ont droit à 30 pour cent les associations locales de syndicats décrites dans l'alinéa précédent, à la condition qu'elles aient leur siège dans des localités comptant moins de cent quatre-vingt mille habitants, lors du dernier recensement officiel de la population (la répartition se faisant proportionnellement au nombre des membres dont la cotisation est à jour que comptent les syndicats affiliés aux associations locales adhérant elles-mêmes à l'association - de la même branche professionnelle ou de branches analogues - la plus représentative ayant conclu l'accord ou déclenché de conflit),
  815. e) ont droit aux quotités restantes les organisations ouvrières interprofessionnelles nationales conformément au paragraphe 2 du présent article. Chacune de celles-ci gère son propre compte et répartit les sommes susmentionnées parmi les ayants droit.
  816. 4. La fédération de syndicats possédant un caractère simplement représentatif, qui aurait éventuellement figuré dans la convention collective ou qui aurait déclenché le conflit collectif, pour autant qu'elle n'aurait pas été en désaccord lors des négociations collectives, a droit à un compte séparé proportionnel au nombre de membres dont la cotisation est à jour que comptent les syndicats qui y sont affiliés. Auront droit à une part du compte dont elle bénéficie: la confédération à laquelle la fédération est affiliée, les associations locales de syndicats et les syndicats eux-mêmes. La répartition se fait proportionnellement au nombre des membres dont la cotisation est à jour, conformément aux proportions fixées par le paragraphe 3 du présent article.
  817. 5. Tout différend ou conflit entre les bénéficiaires des versements susvisés quant à leurs droits et engagements respectifs sera jugé par le tribunal de première instance à juge unique du siège de l'organisation ouvrière interprofessionnelle nationale ayant procédé à la conclusion de la convention ou ayant déclenché le conflit; on observera la procédure sur les conflits ouvriers prévue aux articles 691 et suivants du Code de procédure civile, en omettant cependant la phase de la procédure de conciliation.
  818. Article 11
  819. 1. Les membres d'organisations ouvrières, ayant rempli l'obligation prévue à l'article 10 du présent décret, sont libérés de leur obligation de verser au foyer ouvrier, selon les dispositions en vigueur, une journée de salaire prélevée sur leurs étrennes.
  820. 2. La journée de salaire versée selon l'article 10 du présent décret par les membres des organisations professionnelles ouvrières est compensée par la cotisation prévue pour l'année suivante par les statuts de l'organisation à laquelle chaque membre appartient et selon le nombre de cotisations parvenues à chaque organisation.
  821. Article 12
  822. 1. Les organisations professionnelles ouvrières, reconnues comme représentatives, ont le droit, jusqu'à ce qu'elles réussissent, par une convention collective de travail ou par une sentence arbitrale, à percevoir la contribution prévue en leur faveur selon ce qui est prescrit à l'article 10 du présent décret, de toucher des montants mensuels provenant des sommes versées, selon les dispositions en cours, au foyer du travail, et ce sur la base du nombre des membres ayant voté aux dernières élections pour la constitution de leurs organes exécutifs, ce nombre étant certifié par le procès-verbal relatif aux élections qui est rédigé selon la loi.
  823. 2. Les organisations professionnelles ouvrières peuvent, jusqu'à ce qu'elles soient reconnues comme représentatives ou appartiennent à la catégorie de celles qui sont habilitées à déclencher des conflits collectifs, bénéficier d'une contribution financière mensuelle, selon ce qui est prescrit au paragraphe précédent, et cela pendant une période de deux années à compter de la date de la promulgation du décret, dans la mesure où elles n'encaisseraient pas de cotisations, sur la base d'une convention collective ou d'une sentence arbitrale.
  824. 3. Les ayants droit des deux paragraphes précédents sont désignés par décision du conseil administratif du foyer du travail approuvée par le ministre du Travail.
  825. Article 13
  826. Les organisations professionnelles ouvrières, auxquelles ne peut être reconnue la capacité représentative par suite du nombre insuffisant de leurs membres, tel que fixé selon le paragraphe 3 de l'article 1 du présent décret-loi, ou qui n'appartiennent pas à la catégorie de celles qui sont habilitées à déclencher des conflits collectifs, peuvent bénéficier d'une contribution financière selon les dispositions en vigueur jusqu'à la promulgation du présent décret durant deux années supplémentaires à compter de son entrée en vigueur.
  827. Article 14
  828. Les organisations professionnelles ouvrières qui, lors de la promulgation du présent décret, sont administrées par des conseils exécutifs en application de l'article 69 du Code civil ont droit à une contribution financière pendant six mois au plus à partir de la promulgation du décret. Les organisations professionnelles ouvrières administrées par des conseils exécutifs désignés après la publication du présent décret au journal officiel ont droit à une contribution financière pendant trois mois au plus.
  829. Dans chaque cas, cette contribution financière sera renouvelée après l'élection du conseil exécutif.
  830. Article 15
  831. 1. Le ministre du Travail, après décision du conseil d'administration du foyer du travail, peut approuver qu'il soit accordé une contribution financière extraordinaire à des organisations professionnelles ouvrières pour le règlement de diverses dépenses: frais de loyer des locaux; frais d'organisation de congrès ou d'assemblées générales ou de conférences; frais de communications, soit en Grèce, soit à l'étranger, avec des organisations syndicales internationales.
  832. 2. Peuvent également bénéficier d'une contribution financière les associations d'ouvriers et d'employés retraités pour la réalisation de programmes de loisirs en faveur de leurs membres dont la cotisation est à jour.
  833. 3. Les organisations professionnelles bénéficiant des contributions financières en vertu des paragraphes précédents règlent leurs comptes avec le foyer du travail dans un délai fixé par le conseil d'administration de celui-ci.
  834. Article 16
  835. 1. Par décision conjointe du Premier ministre et des ministres de la Coordination, de l'Industrie et du Travail, après consultation des organisations les plus représentatives d'employeurs et de travailleurs, peuvent être établis des niveaux minima de salaires et de traitements pour des catégories générales d'ouvriers non spécialisés, d'employés et d'apprentis, sans discrimination particulière par branche et spécialité. La consultation sera organisée par les soins du ministre du Travail.
  836. 2. Lors de la fixation des salaires et traitements minima, sont pris en considération le taux d'expansion économique du pays, le pourcentage d'augmentation du revenu national, la productivité par rapport à l'évolution d'ensemble de l'économie nationale et le coût de la vie.
  837. 3. Les conflits collectifs déclenchés jusqu'à la promulgation du présent décret et ayant trait à la conclusion d'une convention collective générale nationale demeurent valides; ils sont réglés selon les dispositions en vigueur avant la promulgation du présent décret-loi; les conventions collectives générales nationales déjà conclues continuent à être valables.
  838. 4. Les dispositions relatives aux conventions collectives générales nationales de la loi no 3239/1955, telles qu'ultérieurement modifiées et concernant la fixation du salaire minimum, les allocations de toute nature ou leurs augmentations, sont abrogées à partir de l'entrée en vigueur du présent décret.
  839. 5. Sont également abrogées les dispositions de l'article 22 de la loi no 3239/1955 ainsi que toute autre disposition contraire au présent décret-loi.
  840. Article 17
  841. Par décret royal, sur proposition du ministre du Travail, les dispositions de la loi no 3239/1955, du décret-loi no 3755/57 et du présent décret peuvent être codifiées en un texte uniforme.
  842. Article 18
  843. Le présent décret prend effet à la date de sa publication au journal officiel.
  844. Athènes, le 9 mai 1969.
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