Préambule
La Conférence générale de l’Organisation internationale du Travail,
Convoquée à Genève par le Conseil d’administration du Bureau international du Travail, et
s’y étant réunie le 1er juin 2015, en sa 104e session;
Reconnaissant que, de par son ampleur, l’économie informelle, sous toutes ses formes,
constitue une entrave de taille aux droits des travailleurs, y compris les principes et
droits fondamentaux au travail, à la protection sociale, à des conditions de travail
décentes, au développement inclusif et à la primauté du droit, et qu’elle a un impact
négatif sur l’essor des entreprises durables, les recettes publiques, le champ d’action
de l’Etat, notamment pour ce qui est des politiques économiques, sociales et
environnementales, ainsi que sur la solidité des institutions et la concurrence loyale
sur les marchés nationaux et internationaux;
Constatant que la plupart des individus n’entrent pas dans l’économie informelle par
choix mais du fait du manque d’opportunités dans l’économie formelle et faute d’avoir
d’autres moyens de subsistance;
Rappelant que c’est dans l’économie informelle que les déficits de travail décent – déni
des droits au travail, insuffisance des possibilités d’emploi de qualité, protection
sociale inadéquate et absence de dialogue social – sont les plus prononcés;
Constatant que l’informalité a des causes multiples qui relèvent notamment de questions
de gouvernance et de questions structurelles, et que les politiques publiques peuvent
accélérer le processus de transition vers l’économie formelle, dans un contexte de
dialogue social;
Rappelant la Déclaration de Philadelphie, 1944, la Déclaration universelle des droits de
l’homme, 1948, la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au
travail et son suivi, 1998, et la Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une
mondialisation équitable, 2008;
Réaffirmant la pertinence des huit conventions fondamentales de l’OIT, et des autres
normes internationales du travail et instruments des Nations Unies pertinents énumérés
dans l’annexe;
Rappelant la résolution et les conclusions concernant le travail décent et l’économie
informelle, adoptées par la Conférence internationale du Travail à sa 90e session (2002)
et les autres résolutions et conclusions pertinentes énumérées dans l’annexe;
Affirmant que la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle est
essentielle pour réaliser un développement inclusif et le travail décent pour tous;
Reconnaissant la nécessité pour les Membres de prendre d’urgence des mesures appropriées
permettant la transition des travailleurs et des unités économiques de l’économie
informelle vers l’économie formelle, tout en garantissant la préservation et
l’amélioration de leurs moyens de subsistance durant la transition;
Reconnaissant que les organisations d’employeurs et de travailleurs jouent un rôle
important et actif pour faciliter la transition de l’économie informelle vers l’économie
formelle;
Après avoir décidé d’adopter diverses propositions relatives à la transition de
l’économie informelle vers l’économie formelle, question qui constitue le cinquième
point à l’ordre du jour de la session;
Après avoir décidé que ces propositions prendraient la forme d’une recommandation;
adopte, ce douzième jour de juin deux mille quinze, la recommandation ci-après, qui sera
dénommée Recommandation sur la transition de l’économie informelle vers l’économie
formelle, 2015.
I. Objectifs et champ d’application
- 1. La présente recommandation vise à orienter les Membres pour:
- a) faciliter la transition des travailleurs et des unités
économiques de l’économie informelle vers l’économie formelle
tout en respectant les droits fondamentaux des travailleurs et
en offrant des possibilités de sécurité du revenu, de
subsistance et d’entrepreneuriat;
- b) promouvoir la création d’entreprises et d’emplois décents,
leur préservation et leur pérennité dans l’économie formelle,
ainsi que la cohérence entre les politiques macroéconomiques,
d’emploi, de protection sociale et les autres politiques
sociales;
- c) prévenir l’informalisation des emplois de l’économie
formelle.
- 2. Aux fins de la présente recommandation, les termes «économie
informelle»:
- a) désignent toutes les activités économiques des travailleurs
et des unités économiques qui – en droit ou en pratique – ne
sont pas couvertes ou sont insuffisamment couvertes par des
dispositions formelles;
- b) ne désignent pas les activités illicites, en particulier la
fourniture de services ou la production, la vente, la possession
ou la consommation de biens interdites par la loi, y compris la
production et le trafic illicites de stupéfiants, la fabrication
et le trafic illicites d’armes à feu, la traite des personnes et
le blanchiment d’argent, tels que les définissent les
conventions internationales pertinentes.
- 3. Aux fins de la présente recommandation, les unités économiques
de l’économie informelle comprennent:
- a) les unités qui emploient de la main-d’œuvre;
- b) les unités détenues par des particuliers travaillant à leur
propre compte, soit seuls, soit avec le concours de travailleurs
familiaux non rémunérés;
- c) les coopératives et les unités de l’économie sociale et
solidaire.
- 4. La présente recommandation s’applique à tous les travailleurs
et à toutes les unités économiques de l’économie informelle, comprenant
les entreprises, les entrepreneurs et les ménages, en particulier:
- a) aux personnes opérant dans l’économie informelle qui
détiennent et administrent des unités économiques, y compris:
- i) les travailleurs à leur propre compte;
- ii) les employeurs;
- iii) les membres des coopératives et des unités de
l’économie sociale et solidaire;
- b) aux travailleurs familiaux non rémunérés, qu’ils travaillent
dans des unités économiques de l’économie formelle ou de
l’économie informelle;
- c) aux salariés ayant des emplois informels au sein des
entreprises formelles ou des unités économiques de l’économie
informelle, ou travaillant pour elles, notamment dans le cadre
de la sous-traitance et des chaînes d’approvisionnement, ou en
tant que travailleurs domestiques rémunérés employés par des
ménages;
- d) aux travailleurs dont la relation de travail n’est pas
reconnue ou pas réglementée.
- 5. Le travail informel peut être observé dans tous les secteurs
de l’économie, tant dans les espaces publics que dans les espaces
privés.
- 6. En donnant effet aux dispositions figurant dans les
paragraphes 2 à 5 ci- dessus et compte tenu des diverses formes que
l’économie informelle peut revêtir dans les Etats Membres, l’autorité
compétente devrait identifier la nature et l’étendue de l’économie
informelle telle que décrite dans la présente recommandation, ainsi que
sa relation avec l’économie formelle. Pour ce faire, l’autorité
compétente devrait avoir recours à des mécanismes tripartites auxquels
participent pleinement les organisations d’employeurs et de travailleurs
les plus représentatives qui devraient compter dans leurs rangs,
conformément à la pratique nationale, les représentants d’organisations
représentatives dont les membres sont des travailleurs et des unités
économiques de l’économie informelle.
II. Principes directeurs
- 7. Lorsqu’ils conçoivent des stratégies cohérentes et intégrées
visant à faciliter la transition vers l’économie formelle, les Membres
devraient prendre en compte les éléments suivants:
- a) la diversité des caractéristiques, des situations et des
besoins des travailleurs et des unités économiques dans
l’économie informelle et la nécessité d’y répondre par des
approches spécifiques;
- b) la spécificité des situations, lois, politiques, pratiques et
priorités nationales concernant la transition vers l’économie
formelle;
- c) le fait que des stratégies multiples et diverses peuvent
s’appliquer afin de faciliter la transition vers l’économie
formelle;
- d) ) la nécessité d’assurer la cohérence et la coordination au
sein d’un vaste ensemble de politiques visant à faciliter la
transition vers l’économie formelle;
- e) la promotion et la protection effectives des droits humains
de tous ceux qui opèrent dans l’économie informelle;
- f) la réalisation du travail décent pour tous par le respect,
dans la législation et la pratique, des principes et droits
fondamentaux au travail;
- g) les normes internationales du travail à jour qui donnent des
orientations dans des domaines d’action spécifiques (voir
l’annexe);
- h) la promotion de l’égalité entre femmes et hommes et la
non-discrimination;
- i) la nécessité de prêter une attention spécifique aux personnes
qui sont particulièrement exposées aux plus graves déficits de
travail décent dans l’économie informelle, notamment les femmes,
les jeunes, les migrants, les personnes âgées, les peuples
indigènes et tribaux, les personnes vivant avec le VIH ou
affectées par le VIH ou le sida, les personnes handicapées, les
travailleurs domestiques et les personnes vivant de
l’agriculture vivrière ;
- j) la préservation et le développement, lors de la transition
vers l’économie formelle, du potentiel entrepreneurial, de la
créativité, du dynamisme, des compétences et des capacités
d’innovation des travailleurs et des unités économiques de
l’économie informelle;
- k) la nécessité d’une approche équilibrée combinant des mesures
incitatives et correctives
- l) la nécessité de prévenir et sanctionner le contournement ou
la sortie délibérée de l’économie formelle visant à se
soustraire à l’impôt et à la législation sociale et du
travail.
III. Cadres juridique et politique
- 8. Les Membres devraient dûment procéder à une évaluation et à un
diagnostic des facteurs, des caractéristiques, des causes et des
circonstances de l’informalité dans le contexte national pour aider à
concevoir et mettre en œuvre une législation, des politiques et d’autres
mesures visant à faciliter la transition vers l’économie formelle.
- 9. Les Membres devraient adopter une législation nationale ou
d’autres mesures et réexaminer et appliquer la législation ou les
mesures en place afin de s’assurer que toutes les catégories de
travailleurs et d’unités économiques sont couvertes et protégées de
manière appropriée.
- 10. Les Membres devraient s’assurer qu’un cadre de politiques
intégrées est inclus dans les stratégies ou plans nationaux de
développement ainsi que dans les stratégies nationales de réduction de
la pauvreté et les budgets, afin de faciliter la transition vers
l’économie formelle, en tenant compte, s’il y a lieu, du rôle des
différents niveaux de gouvernement.
- 11. Ce cadre de politiques intégrées devrait porter sur:
- a) la promotion de stratégies de développement durable,
d’éradication de la pauvreté et de croissance inclusive, et la
création d’emplois décents dans l’économie formelle;
- b) l’établissement d’un cadre législatif et réglementaire
approprié;
- c) la promotion d’un environnement propice aux entreprises et à
l’investissement;
- d) le respect, la promotion et la réalisation des principes et
droits fondamentaux au travail;
- e) l’organisation et la représentation des employeurs et des
travailleurs pour promouvoir le dialogue social;
- f) la promotion de l’égalité et l’élimination de toutes les
formes de discrimination et de violence, y compris la violence
sexiste, sur le lieu de travail;
- g) la promotion de l’entrepreneuriat, des microentreprises et
des petites et moyennes entreprises, ainsi que d’autres formes
de modèles d’entreprises et d’unités économiques, comme les
coopératives et autres unités de l’économie sociale et
solidaire;
- h) l’accès à l’éducation et à la formation tout au long de la
vie ainsi qu’au développement des compétences;
- i) l’accès aux services financiers, y compris au moyen d’un
cadre réglementaire favorisant un secteur financier
inclusif;
- j) l’accès aux services aux entreprises;
- k) l’accès aux marchés;
- l) l’accès aux infrastructures et aux technologies;
- m) la promotion de politiques sectorielles;
- n) l’établissement, lorsqu’ils n’existent pas, de socles de
protection sociale et l’extension de la couverture de la
sécurité sociale;
- o) la promotion de stratégies de développement local en milieu
rural et urbain, notamment l’accès réglementé aux espaces
publics en vue de leur utilisation et l’accès réglementé aux
ressources naturelles publiques aux fins de subsistance;
- p) des politiques effectives de sécurité et de santé au travail;
- q) des inspections du travail efficaces et effectives;
- r) la sécurité du revenu, y compris des politiques de salaire
minimum adéquatement conçues;
- s) l’accès effectif à la justice
- t) des mécanismes de coopération internationale.
- 12. Lorsqu’ils formulent et mettent en œuvre un cadre de
politiques intégrées, les Membres devraient assurer la coordination
entre les différents niveaux de gouvernement et la coopération entre
organes et autorités compétents, notamment les autorités fiscales, les
institutions de sécurité sociale, les services d’inspection du travail,
les autorités douanières, les instances chargées des questions
migratoires et les services de l’emploi, compte tenu des situations
nationales
- 13. Les Membres devraient reconnaître l’importance de préserver
les possibilités de sécuriser le revenu des travailleurs et des unités
économiques dans la transition vers l’économie formelle, en offrant à
ces travailleurs ou unités économiques les moyens d’obtenir la
reconnaissance de leur propriété existante ainsi que les moyens de
formaliser les droits de propriété et l’accès à la terre.
IV. Politiques de l’emploi
- 14. Lorsqu’ils poursuivent l’objectif de créer des emplois de
qualité dans l’économie formelle, les Membres devraient élaborer et
mettre en œuvre une politique nationale de l’emploi conforme à la
convention (no 122) sur la politique de l’emploi, 1964, et faire de la
promotion du plein emploi, décent, productif et librement choisi, un
objectif central de leurs stratégies ou plans nationaux de développement
et de croissance.
- 15. Les Membres devraient promouvoir la mise en œuvre, sur la
base de consultations tripartites, d’un cadre global de politiques de
l’emploi pouvant inclure les éléments suivants:
- a) des politiques macroéconomiques favorables à l’emploi qui
soutiennent la demande globale, l’investissement productif et
les transformations structurelles, promeuvent les entreprises
durables, soutiennent la confiance des entreprises et remédient
aux inégalités;
- b) des politiques commerciales, industrielles, fiscales,
sectorielles et relatives aux infrastructures propres à
promouvoir l’emploi, à renforcer la productivité et à faciliter
les processus de transformations structurelles;
- c) des politiques de l’entreprise qui favorisent les entreprises
durables et en particulier les conditions d’un environnement qui
leur soit propice, compte tenu de la résolution et des
conclusions concernant la promotion d’entreprises durables,
adoptées par la Conférence internationale du Travail à sa 96e
session (2007), y compris l’appui aux microentreprises et aux
petites et moyennes entreprises et à l’entrepreneuriat, ainsi
que des réglementations bien conçues, transparentes et bien
diffusées pour faciliter la formalisation et la concurrence
loyale;
- d) des politiques et des institutions du marché du travail
visant à aider les ménages à faible revenu à sortir de la
pauvreté et à accéder à l’emploi librement choisi, telles que
des politiques salariales adéquatement conçues et portant
notamment sur les salaires minima, des programmes de protection
sociale, y compris les allocations monétaires, des programmes
publics d’emploi et de garanties d’emploi, ainsi que des
services de l’emploi qui atteignent davantage et mieux les
personnes opérant dans l’économie informelle;
- e) des politiques sur les migrations de main-d’œuvre qui
tiennent compte des besoins du marché du travail et promeuvent
le travail décent et les droits des travailleurs migrants;
- f) des politiques d’éducation et de développement des
compétences qui soutiennent l’éducation et la formation tout au
long de la vie, répondent à l’évolution des besoins du marché du
travail et aux nouvelles technologies et reconnaissent les
compétences acquises notamment dans le cadre de systèmes
d’apprentissage informels, élargissant ainsi les possibilités
d’emploi formel;
- g) des mesures d’activation globales pour faciliter la
transition de l’école à la vie active des jeunes, en particulier
les jeunes défavorisés, tels que des programmes de
garanties-jeunes pour accéder à la formation et à l’emploi
productif continu;
- h) des mesures pour favoriser la transition du chômage ou de
l’inactivité vers le travail, en particulier pour les chômeurs
de longue durée, les femmes et autres groupes défavorisés
- i) des systèmes d’information sur le marché du travail
pertinents, accessibles et actualisés.
V. Droits et protection sociale
- 16. Les Membres devraient prendre des mesures pour parvenir au
travail décent et pour respecter, promouvoir et réaliser les principes
et droits fondamentaux au travail pour les personnes opérant dans
l’économie informelle, à savoir:
- a) la liberté d’association et la reconnaissance effective du
droit de négociation collective;
- b) l’élimination de toute forme de travail forcé ou
obligatoire;
- c) l’abolition effective du travail des enfants
- d) l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de
profession.
- 17. Les Membres devraient:
- a) prendre des mesures immédiates afin de remédier aux
conditions de travail dangereuses et insalubres qui
caractérisent souvent le travail dans l’économie
informelle;
- b) promouvoir la protection de la sécurité et de la santé au
travail et l’étendre aux employeurs et aux travailleurs de
l’économie informelle.
- 18. Dans le cadre de la transition vers l’économie formelle, les
Membres devraient progressivement étendre, dans la législation et la
pratique, à tous les travailleurs de l’économie informelle, la sécurité
sociale, la protection de la maternité, des conditions de travail
décentes et un salaire minimum qui tienne compte des besoins des
travailleurs et considère les facteurs pertinents, notamment le coût de
la vie et le niveau général des salaires dans le pays.
- 19. Lorsqu’ils établissent et maintiennent leurs socles nationaux
de protection sociale au sein de leur système de protection sociale et
favorisent la transition vers l’économie formelle, les Membres devraient
accorder une attention particulière aux besoins et à la situation des
personnes opérant dans l’économie informelle et de leur famille.
- 20. Dans le cadre de la transition vers l’économie formelle, les
Membres devraient étendre progressivement la couverture de l’assurance
sociale aux personnes opérant dans l’économie informelle et, si
nécessaire, adapter les procédures administratives, les prestations et
les contributions en tenant compte de la capacité contributive de ces
personnes.
- 21. Les Membres devraient encourager la prestation de services de
garde d’enfants et d’aide à la personne qui soient de qualité et
financièrement abordables, ainsi que l’accès à ces services, afin de
promouvoir l’égalité entre femmes et hommes en matière d’entrepreneuriat
et de possibilités d’emploi et de permettre la transition vers
l’économie formelle.
VI. Mesures incitatives, conformité et mise en application
- 22. Les Membres devraient prendre des mesures appropriées, en
combinant notamment des mesures préventives, l’application de la loi et
des sanctions effectives, pour remédier à l’évasion fiscale, au
non-paiement des contributions sociales et au contournement de la
législation sociale et du travail et d’autres lois. Toutes les
incitations devraient avoir pour objectif de faciliter la transition
effective et en temps voulu de l’économie informelle vers l’économie
formelle.
- 23. Les Membres devraient réduire, lorsqu’il y a lieu, les
obstacles à la transition vers l’économie formelle et prendre des
mesures pour promouvoir la bonne gouvernance et la lutte contre la
corruption.
- 24. Les Membres devraient fournir des incitations et promouvoir
les avantages qu’offre la transition effective vers l’économie formelle,
y compris un accès amélioré aux services aux entreprises, au
financement, aux infrastructures, aux marchés, aux technologies, aux
programmes d’éducation et d’acquisition de compétences, ainsi qu’aux
droits de propriété.
- 25. En ce qui concerne la formalisation des micro et petites
unités économiques, les Membres devraient:
- a) entreprendre des réformes concernant la création
d’entreprises en réduisant les coûts d’enregistrement et la
longueur des procédures, et en améliorant l’accès aux services,
par exemple au moyen des technologies de l’information et de la
communication;
- b) réduire les coûts de mise en conformité en mettant en place
des dispositifs simplifiés de calcul et de paiement de l’impôt
et des contributions;
- c) faciliter l’accès aux marchés publics, conformément à la
législation nationale, y compris la législation du travail, par
exemple en adaptant les procédures et le volume des marchés, en
dispensant des formations et des conseils sur la participation
aux appels d’offres publics et en réservant des quotas à ces
unités économiques;
- d) améliorer l’accès à des services financiers inclusifs, tels
que le crédit et les actions, les services de paiement et
d’assurance, l’épargne et les mécanismes de garantie, adaptés à
la taille et aux besoins de ces unités économiques;
- e) améliorer l’accès à la formation à l’entrepreneuriat, au
développement des compétences et à des services d’appui aux
entreprises adaptés;
- f) améliorer l’accès à la sécurité sociale.
- 26. Les Membres devraient mettre en place des mécanismes
appropriés ou réviser les mécanismes existants pour assurer
l’application de la législation nationale, et notamment garantir la
reconnaissance et le respect des relations de travail de manière à
faciliter la transition vers l’économie formelle.
- 27. Les Membres devraient disposer d’un système d’inspection
adéquat et approprié, étendre la couverture de l’inspection du travail à
tous les lieux de travail dans l’économie informelle afin de protéger
les travailleurs, et fournir des orientations aux organes chargés
d’assurer l’application des lois, y compris sur la façon de traiter les
conditions de travail dans l’économie informelle.
- 28. Les Membres devraient prendre des mesures assurant la mise à
disposition effective d’informations, une assistance à la mise en
conformité avec la législation applicable et le renforcement des
capacités des acteurs concernés.
- 29. Les Membres devraient instituer des procédures efficaces et
accessibles de plainte et de recours.
- 30. Les Membres devraient prévoir des mesures préventives et
correctives appropriées pour faciliter la transition vers l’économie
formelle et veiller à ce que les sanctions administratives, civiles ou
pénales prévues par la législation nationale en cas de non-respect
soient adéquates et strictement appliquées.
VII. Liberté d’association, dialogue social et rôle des organisations d’employeurs et de travailleurs
- 31. Les Membres devraient s’assurer que les personnes opérant
dans l’économie informelle jouissent de la liberté d’association et du
droit de négociation collective, y compris le droit de constituer les
organisations, fédérations et confédérations de leur choix et de s’y
affilier, sous réserve des statuts de l’organisation concernée.
- 32. Les Membres devraient créer un cadre favorable à l’exercice
par les employeurs et les travailleurs de leur droit d’organisation et
de négociation collective et à leur participation au dialogue social
dans la transition vers l’économie formelle.
- 33. Les organisations d’employeurs et de travailleurs devraient,
s’il y a lieu, étendre aux travailleurs et aux unités économiques de
l’économie informelle la possibilité de s’affilier et d’accéder à leurs
services.
- 34. Lorsqu’ils élaborent, mettent en œuvre et évaluent des
politiques et des programmes concernant l’économie informelle, et
notamment sa formalisation, les Membres devraient consulter les
organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives
et promouvoir la participation active de ces organisations qui devraient
compter dans leurs rangs, conformément à la pratique nationale, les
représentants d’organisations représentatives dont les membres sont des
travailleurs et des unités économiques de l’économie informelle.
- 35. Les Membres et les organisations d’employeurs et de
travailleurs peuvent solliciter l’assistance du Bureau international du
Travail afin de renforcer les capacités des organisations
représentatives d’employeurs et de travailleurs et, lorsqu’elles
existent, des organisations représentatives des personnes opérant dans
l’économie informelle, à aider les travailleurs et les unités
économiques de l’économie informelle, en vue de faciliter la transition
vers l’économie formelle.
VIII. Collecte des données et suivi
- 36. Les Membres devraient, en consultation avec les organisations
d’employeurs et de travailleurs, régulièrement:
- a) chaque fois que possible et en tant que de besoin, collecter,
analyser et diffuser des statistiques ventilées par sexe, âge,
lieu de travail et autres critères socio- économiques
spécifiques concernant l’ampleur et la composition de l’économie
informelle, notamment le nombre des unités économiques
informelles, des travailleurs qu’elles emploient et les secteurs
où elles opèrent
- b) suivre et évaluer les progrès accomplis vers la
formalisation.
- 37. Lorsqu’ils formulent ou révisent les concepts, les
définitions et la méthodologie utilisés pour produire des données, des
statistiques et des indicateurs sur l’économie informelle, les Membres
devraient prendre en considération les orientations pertinentes fournies
par l’Organisation internationale du Travail, en particulier, selon
qu’il convient, les Directives concernant une définition statistique de
l’emploi informel, adoptées par la dix-septième Conférence
internationale des statisticiens du travail en 2003, et leurs
actualisations ultérieures.
IX. Mise en œuvre
- 38. Les Membres devraient donner effet aux dispositions de la
présente recommandation, en consultation avec les organisations
d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives qui devraient
compter dans leurs rangs, conformément à la pratique nationale, les
représentants d’organisations représentatives dont les membres sont des
travailleurs et des unités économiques de l’économie informelle, par un
ou plusieurs des moyens suivants, selon qu’il convient:
- a) la législation nationale;
- b) les conventions collectives;
- c) des politiques et des programmes;
- d) une coordination effective entre les organes gouvernementaux
et les autres parties prenantes;
- e) le renforcement des capacités institutionnelles et la
mobilisation des ressources;
- f) d’autres mesures conformes à la législation et à la pratique
nationales.
- 39. Les Membres devraient, selon qu’il convient, procéder à un
réexamen régulier de l’effectivité des politiques et des mesures afin de
faciliter la transition vers l’économie formelle, en consultation avec
les organisations les plus représentatives d’employeurs et de
travailleurs qui devraient compter dans leurs rangs, conformément à la
pratique nationale, les représentants d’organisations représentatives
dont les membres sont des travailleurs et des unités économiques de
l’économie informelle.
- 40. Lorsqu’ils définissent, élaborent, mettent en œuvre et
réexaminent périodiquement les mesures prises pour faciliter la
transition vers l’économie formelle, les Membres devraient tenir compte
des orientations fournies par les instruments de l’Organisation
internationale du Travail et des Nations Unies pertinents pour
l’économie informelle énumérés dans l’annexe.
- 41. Aucune disposition de la présente recommandation ne doit être
interprétée comme réduisant la protection accordée par d’autres
instruments de l’Organisation internationale du Travail aux personnes
opérant dans l’économie informelle.
- 42. L’annexe peut être révisée par le Conseil d’administration du
Bureau international du Travail. Toute annexe ainsi révisée, une fois
adoptée par le Conseil d’administration, remplacera l’annexe précédente
et sera communiquée aux Membres de l’Organisation internationale du
Travail.
Annexe
Instruments de l’Organisation internationale du Travail et des Nations Unies pertinents pour faciliter la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle
Instruments de l’Organisation internationale du Travail
Conventions fondamentales
- — Convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et le protocole de 2014
relatif à la convention sur le travail forcé, 1930
- — Convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit
syndical, 1948
- — Convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation
collective, 1949
- — Convention (no 100) sur l’égalité de rémunération, 1951
- — Convention (no 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957
- — Convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et
profession), 1958
- — Convention (no 138) sur l’âge minimum, 1973
- — Convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants,
1999
Conventions de gouvernance
- — Convention (no 81) sur l’inspection du travail, 1947
- — Convention (no 122) sur la politique de l’emploi, 1964
- — Convention (no 129) sur l’inspection du travail (agriculture),
1969
- — Convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux
normes internationales du travail, 1976
Autres instruments
Liberté syndicale, négociation collective et relations
professionnelles
- — Convention (no 141) sur les organisations de travailleurs ruraux,
1975
- — Convention (no 154) sur la négociation collective, 1981
Egalité de chances et de traitement
- — Convention (no 156) sur les travailleurs ayant des responsabilités
familiales, 1981
Politique et promotion de l’emploi
- — Recommandation (no 122) sur la politique de l’emploi, 1964
- — Convention (no 159) sur la réadaptation professionnelle et l’emploi
des personnes handicapées, 1983
- — Recommandation (no 169) concernant la politique de l’emploi
(dispositions complémentaires), 1984
- — Convention (no 181) sur les agences d’emploi privées, 1997
- — Recommandation (no 189) sur la création d’emplois dans les petites et
moyennes entreprises, 1998
- — Recommandation (no 193) sur la promotion des coopératives, 2002
- — Recommandation (no 198) sur la relation de travail, 2006
Orientation et formation professionnelles
- — Convention (no 142) sur la mise en valeur des ressources humaines,
1975
- — Recommandation (no 195) sur la mise en valeur des ressources humaines,
2004
Salaires
- — Convention (no 94) et recommandation (no 84) sur les clauses de
travail (contrats publics), 1949
- — Convention (no 131) et recommandation (no 135) sur la fixation des
salaires minima, 1970
Sécurité et santé au travail
- — Convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs,
1981
- — Convention (no 184) et recommandation (no 192) sur la sécurité et la
santé dans l’agriculture, 2001
- — Convention (no 187) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la
santé au travail, 2006
Sécurité sociale
- — Convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum),
1952
- — Recommandation (no 202) sur les socles de protection sociale, 2012
Protection de la maternité
- — Convention (no 183) sur la protection de la maternité, 2000
Travailleurs migrants
- — Convention (no 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949
- — Convention (no 143) sur les travailleurs migrants (dispositions
complémentaires), 1975
VIH et sida
- — Recommandation (no 200) sur le VIH et le sida, 2010
Peuples indigènes et tribaux
- — Convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989
Catégories particulières de travailleurs
- — Convention (no 177) sur le travail à domicile, 1996
- — Convention (no 189) et recommandation (no 201) sur les travailleuses
et travailleurs domestiques, 2011
Résolutions de la Conférence internationale du Travail
- — Résolution et conclusions concernant la promotion d’entreprises
durables, adoptées par la Conférence internationale du Travail à sa 96e
session (2007)
- — Résolution et conclusions concernant la crise de l’emploi des jeunes,
adoptées par la Conférence internationale du Travail à sa 101e session
(2012)
- — Résolution et conclusions concernant la deuxième discussion récurrente
sur l’emploi, adoptées par la Conférence internationale du Travail à sa
103e session (2014)
Instruments des Nations Unies
- — Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948
- — Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels, 1966
- — Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966
- — Convention internationale sur la protection des droits de tous les
travailleurs migrants et des membres de leur famille, 1990