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Demande directe (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Allemagne (Ratification: 1956)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Allemagne (Ratification: 2019)

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Demande directe
  1. 2023
  2. 2018
  3. 2016
  4. 1992

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La commission salue la ratification par l’Allemagne du protocole de 2014 à la convention sur le travail forcé, 1930, et prend dûment note du premier rapport du gouvernement ainsi que des informations fournies en réponse à ses commentaires précédents au titre de la convention.
Article 1 de la convention et article 1, paragraphes 1 et 2, du protocole. Politique nationale et action systématique. Mise en œuvre et évaluation. La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que le ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales (BMAS) élabore un plan d’action national (PAN) contre l’exploitation au travail et le travail forcé. La commission note également que, en septembre 2023, le ministère fédéral de la Famille, des Personnes âgées, des Femmes et de la Jeunesse (BMFSFJ) a diffusé un document pour discussion qui contient des propositions aux fins d’un PAN de lutte contre la traite des êtres humains, afin de recueillir les contributions des partenaires sociaux et de groupes de la société civile. Selon le BMFSFJ, les deux PAN porteront sur des domaines d’action différents mais se veulent complémentaires. Alors que le PAN contre l’exploitation au travail et le travail forcé visera principalement à améliorer la prévention du travail forcé sur le marché du travail, le PAN contre la traite des personnes se concentrera sur le renforcement des poursuites pénales et de la protection des victimes de toutes les formes d’exploitation, y compris l’exploitation sexuelle (BMFSFJ, communiqué de presse, 9 septembre 2023).
La commission note également l’adoption en 2017, par le groupe de travail Gouvernement fédéral-Länder sur la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail, d’une stratégie commune de lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation au travail. Cette stratégie commune repose sur six objectifs: 1) étendre la prévention; 2) sensibiliser davantage les autorités et améliorer l’identification des personnes affectées; 3) développer les structures consultatives et de soutien; 4) renforcer l’application de la loi; 5) améliorer les données; et 6) sensibiliser le public. La mise en œuvre de la stratégie sera suivie par l’unité de service contre l’exploitation au travail, le travail forcé et la traite des êtres humains, qui relève du BMAS.
La commission salue l’approche globale suivie par le gouvernement pour lutter contre toutes les formes de travail forcé, et prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises dans le cadre du Plan d’action national de lutte contre l’exploitation au travail et du Plan d’action national de lutte contre la traite des personnes, en indiquant comment est coordonnée la mise en œuvre des deux plans d’action. La commission prie également le gouvernement de communiquer des informations au sujet des activités déployées par le groupe de travail Gouvernement fédéral-Länder sur la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail, dans le cadre de sa stratégie conjointe de 2017. Prière de fournir des informations concises sur tout suivi effectué par le groupe de travail, y compris sur les conclusions et recommandations formulées.
Article 2 du protocole. Prévention. Alinéas b) et e). éducation et information des employeurs. Appui à la diligence raisonnable. La commission note que l’unité de service contre l’exploitation au travail, le travail forcé et la traite des êtres humains du BMAS a formulé des directives sur les analyses de risque au sujet des secteurs de l’économie qui présentent un risque plus élevé de travail forcé et de conditions de travail abusives, notamment les secteurs de la logistique et de la production de viande.
La commission note avec intérêt que la loi sur la diligence raisonnable des entreprises dans la chaîne d’approvisionnement, entrée en vigueur en janvier 2023, prévoit des obligations de diligence raisonnable pour les entreprises afin de prévenir les risques de travail forcé dans la chaîne d’approvisionnement, en ce qui concerne les fournisseurs directs et indirects, et de faire face à ces risques. Ces obligations comprennent la mise en place d’un système de gestion des risques, une analyse régulière des risques, l’adoption de mesures correctives et la création de mécanismes de plainte. La loi s’applique à toutes les entreprises dont l’administration centrale, le principal lieu d’activités, le siège administratif ou le siège social se trouvent en Allemagne, et qui occupent au moins 1 000 personnes. Les entreprises couvertes par la loi doivent élaborer un rapport annuel sur la réalisation de leurs obligations de diligence raisonnable, et le rendre public. Le contrôle de l’application de la loi incombe au ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement. La commission salue ces mesures et encourage le gouvernement à continuer d’appuyer le secteur privé pour prévenir les risques de travail forcé et y répondre. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les activités menées par le ministère de la Coopération économique et du Développement pour contrôler l’application de la loi sur la diligence raisonnable des entreprises dans la chaîne d’approvisionnement, et pour aider les entreprises à s’acquitter de leurs obligations de diligence raisonnable. La commission prie aussi le gouvernement de communiquer toute évaluation réalisée à cet égard.
Alinéa c) et d). Protection des travailleurs migrants contre les pratiques abusives et frauduleuses. Inspection du travail. La commission note que la loi de 2016 sur le travail intérimaire prévoit l’obligation de garantir aux travailleurs intérimaires les mêmes conditions de travail de base, notamment la rémunération, applicables à un travailleur comparable de l’entreprise utilisatrice (article 8 (1)). En vertu de l’article 15 (1) de la loi, quiconque agit pour le compte d’une agence de travail temporaire et place chez un tiers un ressortissant étranger qui n’a ni permis de séjour ni autorisation de travailler est passible d’une peine allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement ou d’une amende. Le gouvernement indique que, depuis janvier 2022, les agences de placement privées sont tenues, en vertu de l’article 299 du livre III du Code social, d’informer les salariés recrutés à l’étranger sur les conditions de leur emploi en Allemagne (durée de la relation de travail, tâches spécifiques, temps de travail, congés, etc.). De plus, dans le cadre du programme « Intégration équitable », qui relève de la responsabilité du BMAS, tous les ressortissants étrangers peuvent recevoir des informations sur les droits au travail en Allemagne, y compris sur les permis de travail.
S’agissant des inspections, la commission note que, conformément à l’article 23 (3) de la loi sur l’application des mesures de sécurité et de santé au travail, qui vise à améliorer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs au travail, lorsqu’une inspection établit que l’employeur a recruté des étrangers sans permis ou n’a pas payé les cotisations de sécurité sociale, l’autorité compétente doit signaler la situation aux autorités de justice pénale pour qu’elles mènent une enquête plus approfondie sur d’éventuels cas de travail forcé. Le gouvernement ajoute qu’en application de la loi adoptée en 2020 qui vise à améliorer l’application de la santé et de la sécurité au travail, les autorités compétentes devront effectuer à partir de 2026 un nombre minimum d’inspections par année civile (article 1 (2) (b)), ce qui pourrait avoir pour effet d’accroître le nombre de cas de travail forcé détectés.
La commission encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour protéger les travailleurs migrants contre les pratiques abusives et frauduleuses et à fournir des informations à cet égard. La commission prie aussi le gouvernement de communiquer des informations sur les inspections effectuées et sur les cas s’apparentant à du travail forcé qui ont été identifiés et signalés par les inspecteurs du travail aux autorités de justice pénale.
Article 3 du protocole. Identification et protection des victimes. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle l’Office fédéral de police criminelle (Bundeskriminalamt – BKA) gère un site Internet d’information qui présente des lignes directrices et des outils pour enquêter sur les cas de traite des personnes et d’exploitation au travail, et permet d’échanger des informations avec les Länder et le réseau d’ONG de lutte contre la traite des personnes (KOK) afin de mieux identifier les victimes. Selon le rapport de 2022 du BKA sur la traite des personnes et l’exploitation, les 346 procédures d’enquête sur la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et de prostitution forcée ont permis d’identifier 476 victimes en tout (453 femmes et 16 hommes). La plupart d’entre elles étaient des ressortissants allemands, puis des ressortissants bulgares, roumains et chinois. La même année, 1 019 victimes d’exploitation au travail, en particulier par le travail forcé et la traite des personnes, ont été identifiées dans les 346 procédures d’enquête, soit une augmentation de 593,2 pour cent par rapport aux victimes identifiées en 2021, qui étaient 147. Les secteurs économiques les plus touchés sont l’industrie de la viande (301 victimes), le secteur logistique (226 victimes) et la construction (48 victimes).
En ce qui concerne la protection des victimes, l’unité de service contre l’exploitation au travail, le travail forcé et la traite des personnes aide les victimes en fonction de leurs besoins spécifiques. Cette aide peut comprendre un hébergement, des prestations sociales, des soins médicaux, un soutien psychosocial et des conseils juridiques sur les règles relatives au séjour et les droits au travail. En outre, le BMAS et la Confédération allemande des syndicats (DGB) ont signé un accord-cadre destiné à dispenser une formation sur la protection des victimes et à sensibiliser davantage dans la pratique aux besoins des victimes du travail forcé.
La commission note en outre qu’en vertu de la loi fédérale sur les conditions de séjour, les victimes d’une infraction à la loi qui ne possèdent pas de permis de séjour allemand bénéficient d’une période de réflexion de trois mois, pendant laquelle elles ne peuvent pas être expulsées du pays, pour décider si elles souhaitent témoigner dans un procès pénal (article 59 (7)). De plus, l’article 25 (4a) de la loi prévoit un permis de séjour temporaire spécial pour les victimes de la traite des personnes et du travail forcé: si le ministère public ou le tribunal pénal estime que la présence du ressortissant étranger est utile dans le cadre de la procédure pénale relative aux infractions pénales susmentionnées; si le ressortissant étranger a rompu tout contact avec les personnes accusées d’avoir commis l’infraction; et si le ressortissant étranger a manifesté sa volonté de témoigner dans la procédure relative à l’infraction. Au terme de la procédure pénale, le permis de séjour peut être prolongé pour des raisons humanitaires ou d’intérêt public.
La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations statistiques actualisées sur le nombre de victimes du travail forcé, y compris de la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail et d’exploitation sexuelle, qui ont été identifiées (si possible ventilées par genre, pays d’origine et secteur économique). La commission prie aussi le gouvernement de communiquer des informations sur le nombre de victimes qui ont demandé un permis de séjour temporaire au titre de l’article 25 (4a) de la loi fédérale sur les conditions de séjour, en indiquant s’il y a eu des cas dans lesquels les demandes ont été refusées ainsi que les motifs des refus. Prière de fournir des informations sur la protection des victimes qui refusent de collaborer aux enquêtes.
Article 4, paragraphe 1, du protocole. Accès à des mécanismes de recours et de réparation efficaces, tels que l’indemnisation. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle toute victime de travail forcé peut engager une procédure pénale contre l’auteur de l’infraction et bénéficier de l’aide d’un avocat (article 406f du Code de procédure pénale). Dans le cadre de cette procédure, la victime peut demander une indemnisation à l’auteur de l’infraction. La commission prend bonne note du fait qu’en vertu de l’article 1 de la loi sur l’indemnisation des victimes d’infractions violentes, telle que modifiée en 2021, les victimes de travail forcé peuvent demander une indemnisation à l’État au motif des dommages sanitaires ou économiques qui ont résulté du travail forcé. Selon les informations fournies en 2023 par le gouvernement allemand au Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) du Conseil de l’Europe, les victimes étrangères peuvent également déposer, depuis l’étranger, une demande d’indemnisation en vertu de la loi, sans conditions supplémentaires. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de victimes qui ont reçu une indemnisation au titre de l’article 1 de la loi sur l’indemnisation des victimes, et sur le nombre de victimes qui ont reçu une indemnisation de l’auteur de l’infraction. À cet égard, la commission prie également le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises pour aider les victimes du travail forcé, sur les différentes possibilités existantes pour obtenir une indemnisation, et sur toute difficulté rencontrée par les victimes ou par l’administration de la justice à cet égard.
Article 25 de la convention et article 1, paragraphe 3, du protocole. Poursuites et application de sanctions dissuasives. La commission rappelle que le Code pénal interdit le travail forcé sous ses différentes formes et prévoit des peines d’emprisonnement pour les auteurs des infractions suivantes: traite des personnes (article 232); prostitution forcée (article 232(a)); travail forcé (article 232(b)); exploitation au travail (article 233); exploitation comportant la privation de liberté (article 233(a)).
1. Traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et de prostitution forcée. La commission prend bonne note du rapport annuel de 2022 sur la traite des personnes et l’exploitation publié par le BKA, qui contient des informations statistiques détaillées sur l’application des dispositions susmentionnées du Code pénal. Selon le rapport, en 2022, un total de 346 procédures d’enquête sur des cas d’exploitation sexuelle (notamment la traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle, la prostitution forcée et l’exploitation comportant la privation de liberté) ont été closes, soit une augmentation de 18,9 pour cent par rapport à 2021. À la suite de ces enquêtes, 488 suspects ont été arrêtés, soit une hausse de 24,8 pour cent par rapport à 2021. Le rapport du BKA souligne également que l’exploitation sexuelle est passée de la forme classique de la prostitution dans les bars, les maisons closes et la rue à la prostitution à domicile ou dans un hôtel. Des femmes originaires d’Europe de l’Est, de Chine, de Thaïlande et du Viêt Nam figurent parmi les victimes les plus nombreuses de l’exploitation sexuelle. La commission prie le gouvernement de continuer à veiller à ce que les cas de traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et de prostitution forcée (articles 232 et 232(a) du Code pénal) fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites appropriées, et de communiquer des données statistiques à cet égard, en indiquant combien de procédures d’enquête ont conduit à des condamnations.
2. Travail forcé et exploitation au travail. La commission note l’adoption en 2019 de la loi sur la lutte contre le travail illégal et la fraude aux prestations sociales. Cette loi confère des pouvoirs supplémentaires au Bureau du con–trôle financier du travail non déclaré (Finanzkontrolle Schwarzarbeit - FKS) de l’Administration des douanes pour effectuer de manière autonome des inspections et des enquêtes sur des situations de travail non déclaré. Le gouvernement indique à cet égard que, en vertu de cette législation, l’administration des douanes pourra examiner toutes les conditions d’emploi afin de vérifier si les travailleurs sont occupés dans des conditions qui sont très éloignées de celles des travailleurs qui occupent le même emploi ou un emploi équivalent. Selon les informations fournies en 2023 par le gouvernement au GRETA, le gouvernement prévoit de créer 3 500 postes supplémentaires au FKS pour assurer l’application effective de cette loi.
La commission note à la lecture du rapport de 2022 du BKA que, depuis la participation du FKS à l’identification de cas de travail non déclaré, on observe une hausse progressive des procédures d’enquête conclues sur des cas de travail forcé et d’exploitation au travail (21 procédures en 2018 contre 34 en 2022). Il ressort également du 14e rapport, pour la période 2017-2020, du gouvernement fédéral allemand sur l’impact de la loi relative à la lutte contre le travail illégal, soumis au Parlement allemand, que le nombre d’enquêtes ouvertes et le nombre de procédures menées à terme en ce qui concerne la traite des personnes à des fins d’exploitation au travail restent encore faibles. Selon le rapport, l’une des raisons de cette tendance est que les normes appliquées en vertu de la jurisprudence pour les éléments constitutifs de cette infraction sont très exigeantes et posent des difficultés considérables pour les enquêtes. De plus, des enquêtes ont été interrompues en raison de la réticence des victimes à témoigner. La commission prie le gouvernement de continuer à renforcer les capacités des organes chargés de l’application de la loi, en particulier l’inspection du travail, à détecter, enquêter et poursuivre les cas d’exploitation au travail qui s’apparentent au travail forcé, et de communiquer des informations sur les mesures prises pour surmonter les difficultés auxquels ces autorités sont confrontées. La commission prie aussi le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le nombre d’enquêtes, de poursuites et de condamnations liées aux infractions de traite des personnes (article 232), de travail forcé (article 232(b)) et d’exploitation au travail (article 233).
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