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Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Convention (n° 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 - Brésil (Ratification: 1952)

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La commission prend note des observations de la Confédération Nationale de l’Industrie (CNI) reçues le 31 août 2023 et également communiquées par le gouvernement dans son rapport. La commission prend également note des observations de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) communiquées par le gouvernement dans son rapport. La commission constate que ces observations et les réponses correspondantes du gouvernement concernent des sujets examinés dans le présent commentaire.
Concernant les allégations de 2022 de la CUT concernant la loi 14.437/2022 de mise en œuvre par le pouvoir exécutif de mesures de travail alternatives et d’un programme d’urgence pour l’emploi et le maintien des revenus, afin de faire face aux conséquences sociales et économiques d’un état de calamité publique, la commission prend note de la réponse du gouvernement et renvoie à ses commentaires de 2020 concernant la loi 14.020 au vu de la similitude du contenu des deux instruments. La commission avait alors relevé que la loi en question n’avait pas pour objet de mettre à l’écart les conventions et accords collectifs en vigueur mais d’établir un système temporaire de réduction d’activité et de compensation des revenus qui pouvait être déclenché par accord individuel ou par accord collectif. La commission avait alors souligné l’importance de promouvoir la pleine utilisation de la négociation collective comme moyen de parvenir à des solutions équilibrées et durables en temps de crise.
Application de la convention et respect des libertés publiques. Dans ses commentaires précédents, la commission avait pris note avec profonde préoccupation des allégations de la Confédération Syndicale Internationale (CSI) relatives à l’assassinat de 3 dirigeants syndicaux et syndicalistes en 2020 ainsi que de plusieurs cas de menaces de mort contre d’autres dirigeants.
La commission note que le gouvernement se limite à indiquer que: i) il n’existe aucune disposition légale qui confère au ministère du travail de compétence en matière pénale pour mener des enquêtes ou sanctionner les auteurs d’infractions contre des dirigeants syndicaux; et ii) il est nécessaire de vérifier l’état d’avancement des procédures judiciaires pénales ou administratives en la matière. La commission note également les observations de la CUT qui déplore la réponse du gouvernement et lui demande de fournir toutes les informations sur les assassinats signalés.
La commission note avec regret l’absence d’informations du gouvernement sur l’avancement des enquêtes concernant les crimes allégués par la CSI et sur les mesures de protection prises en faveur des dirigeants syndicaux qui feraient l’objet de menaces de mort. Soulignant que le respect des conventions ratifiées incombe à l’ensemble des autorités compétentes, la commission se voit obligée de rappeler que les droits contenus dans la convention, en particulier ceux relatifs à la négociation collective libre et volontaire, ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violences et de menaces. La commission prie de nouveau instamment le gouvernement de s’assurer que les mesures nécessaires soient prises pour: i) identifier et sanctionner les auteurs et instigateurs des crimes allégués; et ii) assurer une protection efficace aux dirigeants syndicaux dont l’intégrité physique est menacée. La commission prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des informations détaillées à cet égard.
Article 1 de la convention. Protection adéquate contre la discrimination antisyndicale. La commission rappelle que, tout en notant l’existence de dispositions constitutionnelles et légales qui protègent de manière générale l’action syndicale, elle demande depuis de nombreuses années au gouvernement de prendre des mesures pour que la législation établisse expressément des sanctions spécifiques suffisamment dissuasives contre tous les actes de discrimination antisyndicale. Observant l’absence d’éléments nouveaux sur ce sujet et rappelant l’importance fondamentale d’assurer une protection effective contre la discrimination antisyndicale, la commission se voit donc obligée de réitérer sa demande et espère que le gouvernement sera en mesure de faire état de progrès tangibles à cet égard.
Article 4. Promotion de la négociation collective. Articulation entre la négociation collective et la loi. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié le gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs, les mesures nécessaires pour réviser les articles 611-A et 611-B de la Consolidation des lois du travail (CLT) de manière à encadrer plus précisément les situations où des clauses dérogatoires de la législation pourraient être négociées ainsi que la portée de ces dernières. À cet égard, la commission avait pris note des préoccupations exprimées en 2021 par la CSI, la CUT et la Confédération nationale des travailleurs des établissements d’enseignement (CONTEE) concernant les effets de la mise en œuvre de ces dispositions dans le contexte de la crise économique causée par la pandémie de COVID-19 et pouvant, selon elles, conduire les travailleurs à devoir accepter, par le biais de la négociation collective, une forte détérioration de leurs conditions de travail et d’emploi.
La commission note que le gouvernement réaffirme que: i) la primauté de la négociation collective sur la législation instaurée par la loi no 13.467 de 2017 contribue à renforcer la confiance dans les mécanismes de négociation conformément à la convention et à la Constitution fédérale de 1988; ii) en garantissant que les droits des travailleurs consacrés par la Constitution (article 611-B de la CLT) ne peuvent être dérogés par voie de négociation collective, le législateur a cherché à clarifier le domaine de la négociation collective tout en préservant les droits fondamentaux des travailleurs de valeur constitutionnelle; et iii) Le Tribunal Suprême Fédéral a confirmé par un arrêt de juin 2022 la validité, indépendamment de l’indication spécifique d’avantages compensatoires, des conventions collectives qui limitent ou restreignent certains droits au travail dès lors que ceux-ci ne sont pas garantis par la Constitution.
La commission note également les informations fournies par le gouvernement sur le nombre des conventions et accords collectifs conclus dans le pays, et selon lesquelles: i) de janvier 2019 à juin 2023, 181 838 instruments collectifs de travail ont été enregistrés, dont 149 096 accords collectifs de travail (conclus au niveau d’une ou plusieurs entreprises) et 32 742 conventions collectives de travail (conclues à un niveau plus large, telles qu’un secteur d’activité ou une profession); ii) en 2022, 41 742 accords et conventions collectifs ont été conclus, en comparaison avec les 47 672 signés en 2017. Le gouvernement informe enfin de l’adoption du décret no 11.477 du 6 avril 2023, qui crée un groupe de travail interministériel chargé d’élaborer une proposition de restructuration des relations de travail et de valorisation de la négociation collective.
La commission note que les observations de la CNI coïncident avec les éléments fournis par le gouvernement, l’organisation d’employeurs ajoutant de plus que depuis l’entrée en vigueur de la réforme, le nombre d’actions en justice questionnant la validité de clauses de conventions collectives a baissé de 80 pour cent. La commission note que la CUT affirme pour sa part que selon les analyses du Département intersyndical des statistiques et des analyses socio-économiques: i) les négociations collectives sont devenues plus difficiles depuis l’entrée en vigueur de la réforme en 2017, ce qui se traduit par une diminution du nombre de conventions et d’accords collectifs de travail et par un plus grand pouvoir discrétionnaire des entreprises; ii) il est incontestable que les changements introduits par la réforme du travail, en particulier ceux contenus dans l’article 611-A de la CLT, violent les conventions no 98 et no 154 de l’OIT; et iii) rien n’a été fait par le gouvernement pour donner effet aux observations de la commission d’experts à cet égard et la commission établie en 2023 pour restructurer les relations de travail et valoriser la négociation collective n’a pour l’instant pas dans son plan de travail la prise en compte des observations de la commission d’experts.
La commission prend note des différent éléments fournis par les mandants tripartites nationaux et note les indications statistiques selon lesquelles le nombre total d’instruments collectifs conclus est en baisse de 12,5 pour cent par rapport à 2017 (le nombre de conventions collectives conclues étant stable tandis que le nombre d’accords collectifs conclus au niveau de l’entreprise a quant à lui baissé de 17,6 pour cent). La commission relève par ailleurs l’absence d’actions prises par le gouvernement pour réviser les articles 611-A et 611-B de la CLT. La commission rappelle qu’elle estime que, si des dispositions législatives ciblées portant sur des aspects spécifiques des conditions de travail et prévoyant, de manière circonscrite et motivée, la possibilité d’y déroger par la voie de la négociation collective peuvent être compatibles avec la convention, une disposition qui établirait une possibilité générale d’écarter les règles protectrices de la législation du travail au moyen de la négociation collective serait en revanche contraire à l’objectif de promouvoir la négociation collective libre et volontaire posé par l’article 4 de la convention. Tout en prenant note des limites déjà contenues dans l’article 611-B de la CLT, la commission prie de nouveau le gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs, les mesures nécessaires pour réviser les articles 611-A et 611-B de la CLT de manière à encadrer plus précisément les situations où des clauses dérogatoires de la législation pourraient être négociées ainsi que la portée de ces dernières. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les avancées à cet égard. La commission prie par ailleurs le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’évolution du nombre de conventions et accords collectifs conclus dans le pays, en y incluant des données sur les conventions et accords qui contiennent des clauses dérogatoires à la législation en précisant la nature et la portée de ces dernières.
Articulation entre la négociation collective et les contrats de travail individuels. La commission rappelle que, en vertu de la loi 13.467 de 2017, il résulte de l’article 444 de la CLT que, dans le champ couvert par l’article 611-A de la CLT, les clauses des contrats individuels de travail des salariés titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur et qui perçoivent un salaire au moins deux fois supérieur au plafond des prestations du régime général de sécurité sociale prévalent sur le contenu des conventions et accords collectifs, y compris lorsque les clauses des contrats individuels en question sont moins protectrices. La commission rappelle à cet égard que: i) la présente convention est pleinement applicable aux travailleurs couverts par l’article 444 de la CLT dans la mesure où, en vertu de ses articles 5 et 6, seuls peuvent être exclus de son champ d’application les membres de la police et des forces armées (article 5) ainsi que les fonctionnaires commis à l’administration de l’État (article 6); et ii) tel que par ailleurs explicitement exprimé dans le paragraphe 3 de la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, l’obligation de promotion de la négociation collective posée par l’article 4 de la convention requiert que la négociation individuelle des clauses du contrat de travail ne puisse déroger aux conventions collectives applicables étant entendu que les contrats de travail peuvent toujours prévoir des conditions de travail et d’emploi plus favorables. Relevant l’absence d’informations à cet égard, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre, après consultation des partenaires sociaux représentatifs concernés, les mesures nécessaires afin d’assurer la mise en conformité de l’article 444 de la CLT avec la convention. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute avancée à cet égard.
Champ d’application de la convention. Travailleurs autonomes ou indépendants. La commission rappelle qu’à la suite de l’extension de la définition des travailleurs autonomes découlant du nouvel article 442-B de la CLT, elle a entamé un dialogue avec le gouvernement concernant l’accès de ces travailleurs au droit de négociation collective. À cet égard, la commission avait: i) accueilli favorablement les indications du gouvernement selon lesquelles il résulte de l’article 511 de la CLT, qui reconnaît aux travailleurs autonomes le droit de se syndiquer, que ces derniers jouissent également du droit de négociation collective; ii) relevé l’affirmation de la CUT que si l’article 511 de la CLT reconnaît aux travailleurs autonomes le droit de se syndiquer, cette disposition ne leur donne pas pour autant la possibilité d’accéder aux mécanismes de négociation collective, en particulier du fait de l’absence d’interlocuteur et que, dans la pratique, le passage du statut de salarié à celui de travailleur autonome en application de l’article 442-B aura pour effet d’exclure les travailleurs concernés du bénéfice des conventions collectives en vigueur; et iii) pris note de l’indication du gouvernement que l’émergence de différentes formes de travail atypique représente pour l’ensemble des pays un défi supplémentaire pour la négociation collective, en particulier du fait de leur faible niveau de syndicalisation. Au vu de ces éléments, la commission avait invité le gouvernement à: i) fournir des exemples de conventions ou accords collectifs négociés par des organisations représentant des travailleurs autonomes ou indépendants ou, à tout le moins, dont le champ d’application couvrirait ces catégories de travailleurs; et ii) à tenir des consultations avec toutes les parties concernées dans le but d’identifier les adaptations appropriées à introduire aux mécanismes de négociation collective afin de faciliter leur application aux travailleurs autonomes et indépendants. Relevant l’absence d’informations du gouvernement à ce sujet, la commission réitère au gouvernement ses requêtes précédentes et espère qu’il fournira des informations concrètes sur d’éventuelles conventions collectives couvrant ces catégories de travailleurs ainsi que sur la réalisation des consultations demandées avec les partenaires sociaux.
Articulation entre les différents niveaux de la négociation collective. La commission rappelle que selon l’article 620 de la CLT tel que révisé par la loi no 13.467, les conditions établies dans les accords collectifs de travail (conclus au niveau d’une ou plusieurs entreprises) prévalent toujours sur celles contenues dans les conventions collectives de travail (conclues à un niveau plus large, telles qu’un secteur d’activité ou une profession). La commission avait alors rappelé qu’il résulte de l’article 4 de la convention que la négociation collective doit être promue à tous les niveaux et que, selon le principe général énoncé au paragraphe 3(1) de la recommandation no 91, toute convention collective devrait lier ses signataires ainsi que les personnes au nom desquelles elle est conclue. Notant l’absence d’éléments fournis par le gouvernement dans son rapport sur l’articulation entre les différents niveaux de négociation, la commission prie à nouveau le gouvernement: i) d’indiquer de quelle manière est garanti le respect des engagements pris par les partenaires sociaux dans le cadre des conventions conclues au niveau de la branche ou de la profession; et ii) de fournir des informations sur l’impact de l’article 620 de la CLT sur le recours respectif à la négociation de conventions collectives et d’accords collectifs ainsi que sur le taux de couverture global de la négociation collective dans le pays.
Article 4. Promotion de la négociation collective libre et volontaire. Soumission des conventions collectives à la politique économique et financière. La commission rappelle que, depuis de très nombreuses années, elle souligne la nécessité d’abroger l’article 623 de la CLT en vertu duquel sont déclarées nulles et non avenues les dispositions d’une convention ou d’un accord qui seraient contraires aux normes régissant la politique économique et financière du gouvernement ou la politique salariale en vigueur.
Dans ses commentaires plus récents, après avoir relevé l’indication du gouvernement que l’article 623 de la CLT, adopté en 1967, n’est pas en accord avec les orientations de la constitution de 1988 et n’était donc plus appliqué, la commission avait insisté sur la nécessité d’éliminer de l’ordonnancement juridique cette disposition contraire au principe de la négociation collective libre et volontaire consacré par l’article 4 de la convention. Relevant l’absence d’éléments nouveaux de la part du gouvernement, la commission prie une nouvelle fois le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger l’article 623 de la CLT et de communiquer des informations dans son prochain rapport sur toute mesure prise à cet égard.
La commission veut croire que le groupe de travail interministériel créé en avril 2023 pour élaborer une proposition de restructuration des relations de travail et de valorisation de la négociation collective prendra pleinement en compte les différents points et recommandations soulevés dans le présent commentaire et que le gouvernement sera prochainement en mesure de faire part d’avancées tangibles en la matière.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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