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Scéance spéciale pour l'examen des faits nouveaux concernant la question de l'exécution par le gouvernement du Myanmar de la convention (no. 29) sur le travail forcé, 1930.
Comptes rendus de la discussion de la Commission de l'application des normes
Le président a indiqué que la présente séance spéciale a pour objet d'examiner dans quelle mesure le Myanmar remplit ses obligations relativement à la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930. Ce point est inscrit à l'ordre du jour de la commission, conformément au paragraphe 1 a) de la résolution adoptée par la Conférence à sa session de 2000 relative à l'adoption, en application de l'article 33 de la Constitution de l'OIT, de mesures visant à assurer l'exécution des recommandations de la commission d'enquête chargée d'examiner le respect par le Myanmar de ses obligations au titre de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930. La Conférence a décidé que "la question de la mise en uvre des recommandations de la commission d'enquête et de l'application de la convention no 29 par le Myanmar ferait l'objet d'une séance spéciale de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations lors des futures sessions de la Conférence internationale du Travail, tant qu'il ne serait pas avéré que ce Membre s'acquitte de ses obligations".
Pour l'examen de ce cas, la commission est saisie des documents suivants: 1) l'observation de la commission d'experts sur l'application de la convention no 29 par le Myanmar reproduite sous B ci-dessous; et 2) le document C.App./D.6(Corr.) sur les autres faits nouveaux concernant la question de l'exécution par le gouvernement du Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, qui contient le rapport du chargé de liaison ad interim (reproduit sous C ci-dessous) et le document C.App./D.7, contenant les documents du Conseil d'administration GB.282/4 (rapport de la Mission de haut niveau), GB.282/PV (procès-verbaux de la discussion à la 282e session du Conseil d'administration), GB.283/5/2 (rapport de la mission de coopération technique du BIT au Myanmar) et GB.283/5/3 (autres faits nouveaux depuis le retour de la mission de coopération technique du BIT) (reproduits sous D à G ci-dessous).
Un représentant gouvernemental du Myanmar a déclaré que son pays connaît une série de changements politiques, économiques et sociaux dont les récents développements sont bien accueillis par la communauté internationale. Le gouvernement a pris, entre la 89e et la présente session de la Conférence internationale du Travail, diverses mesures significatives et soutenues.
L'un des développements importants depuis la 89e session de la CIT a été la visite d'une Mission de haut niveau de l'OIT au Myanmar du 17 septembre au 6 octobre 2001. La mission a reconnu dans son rapport une certaine diminution des cas de travail forcé et, contrairement à la situation rapportée en 1998 par la commission d'enquête, n'a relevé aucun indice de recours actuel au travail forcé pour des projets d'infrastructure civile. La mission a également fait des recommandations sur la manière de résoudre le problème.
Un autre développement significatif a été la nomination d'un chargé de liaison ad interim du BIT au Myanmar suite au protocole d'entente signé entre le gouvernement du Myanmar et l'OIT au mois de mars 2002, protocole que le gouvernement a veillé à appliquer. Le Directeur général a proposé au gouvernement de nommer un chargé de liaison ad interim le temps de désigner le titulaire permanent de ce poste, et c'est ainsi que M. Leon de Riedmatten, directeur du Centre pour le dialogue humanitaire, a été nommé comme chargé de liaison ad interim à compter du 6 mai 2002. Il a tenu depuis un total de 24 entretiens avec les autorités et un grand nombre de personnes, notamment avec le lieutenant général Khin Nyunt, secrétaire du Conseil d'Etat pour la paix et le développement, le ministre du Travail, le ministre de l'Intérieur, le représentant du Cabinet du Premier ministre, le ministre attaché aux Affaires étrangères, ainsi que de hauts fonctionnaires appartenant à divers autres ministères et départements, des personnalités politiques, des représentants des minorités ethniques, les cercles diplomatiques et les représentants des institutions spécialisées des Nations Unies et des ONG du Myanmar. Il a, en outre, eu des discussions approfondies sur des questions cruciales quant au respect de la convention no 29 avec la Commission d'application de la convention dirigée par le vice-ministre de l'Intérieur. Des équipes d'observation dirigées par les membres de la Commission d'application de la convention ont voyagé à plusieurs reprises vers différentes parties du pays, l'objectif de ces voyages étant de vérifier si les arrêtés interdisant le travail forcé sont respectés et si le cadre législatif, administratif et exécutif mis en place par le gouvernement fonctionne sur le terrain.
L'orateur a précisé que ces mesures significatives prises par le gouvernement du Myanmar ne constituent pas une liste exhaustive et que les progrès importants faits par le gouvernement du Myanmar et l'OIT à cet égard ont été dûment rapportés par M. de Riedmatten dans le document no D.6(Corr.). Le rapport de M. de Riedmatten est dans son ensemble positif, factuel et assez bien nuancé. Les développements significatifs et les mesures positives prises par le gouvernement du Myanmar, tels qu'esquissés dans ce rapport, démontrent clairement la volonté politique cohérente et l'engagement ferme des autorités du Myanmar de poursuivre leurs efforts pour l'élimination du travail forcé dans le pays. A cette fin, le gouvernement du Myanmar fait tout ce qui est en son pouvoir en prenant des mesures efficaces de manière systématique et pas à pas. Certaines choses doivent être accomplies par le Myanmar et d'autres par la communauté internationale, ce que la Mission de haut niveau a justement souligné dans la partie 6 de son rapport. La Mission de haut niveau a mis l'accent sur l'importance d'une modernisation économique, une volonté politique cohérente des autorités et l'engagement de la communauté internationale. Elle avait également souligné que la communauté internationale devrait prêter assistance à ce processus. Puisque les efforts sérieux du gouvernement ont encore progressé, la communauté internationale devrait répondre de manière positive à ces mesures significatives. L'orateur espère que ces mesures prépareront le terrain pour un réexamen de la question de retirer toutes les mesures prises contre le Myanmar en vertu de l'article 33 de la Constitution de l'OIT. Le gouvernement du Myanmar attache une grande importance au processus de dialogue et de coopération avec l'OIT qui a bien fonctionné et a donné des résultats concrets. L'orateur a exprimé son souhait de poursuivre sur cette lancée afin de résoudre le problème et d'atteindre les objectifs mentionnés précédemment.
Les membres travailleurs ont pris note de la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle la situation se serait améliorée. Ils exhortent le gouvernement à comprendre que les initiatives et changements évoqués doivent être évalués par l'OIT et que l'Organisation doit pouvoir évaluer l'application de la convention no 29, et notamment examiner, de façon objective et impartiale, la mise en uvre et l'impact réel des mesures prises sur le travail forcé au Myanmar. Les éléments actuellement disponibles ne permettent pas de conclure que la situation s'améliore. Le travail forcé sévit au Myanmar depuis de nombreuses années, et la recherche d'une solution est très difficile aussi bien à l'OIT que dans d'autres organisations internationales. Cette session spéciale s'inscrit dans l'approche globale adoptée par l'OIT devant la situation.
Les membres travailleurs ont rappelé que, indépendamment des documents D.6(Corr.) et D.7, la Commission de la Conférence s'appuie en premier lieu sur le rapport de la commission d'experts, sans exclure pour autant toutes informations nouvelles.
Les membres travailleurs tiennent à ce que ce cas soit maintenu à l'examen tant que la situation du travail forcé ne s'améliorera pas au Myanmar. La gravité, la persistance et le caractère systématique des violations de la convention no 29 au Myanmar ne sont plus contestés, mais le problème est complexe, de par sa nature, la diversité de ses formes et son étendue. Il pèse sur l'ensemble de la population et ses conséquences sont effroyables. Il est néfaste pour l'emploi, puisque les réquisitions en masse de main-d' uvre par les autorités empêchent le travail "normal", ce qui est préjudiciable pour l'économie entière du pays.
Constatant que les violations de la convention no 29 sont généralisées, systématiques et structurées dans la législation comme dans la pratique, les membres travailleurs demandent que le gouvernement mette enfin en uvre les recommandations de la commission d'enquête et du Conseil d'administration, à savoir: 1) que la législation soit rendue conforme à la convention no 29 et qu'ainsi toute législation qui rend le travail forcé possible soit abrogée; 2) que, dans la pratique, il soit effectivement mis fin au recours au travail forcé dans tout le pays et notamment dans les régions reculées; 3) que les sanctions prévues à l'encontre des personnes reconnues coupables d'avoir imposé du travail forcé soient effectivement appliquées.
Certes, suite aux démarches du Bureau, des changements ont pu être constatés. Mais ces changements se situent principalement, sinon uniquement, au niveau de la procédure. Sur les instances de la commission, le BIT a envoyé en 2001 une Mission de haut niveau au Myanmar et dans les régions frontalières, pour se rendre compte de la situation sur place. Sur la base du rapport de cette mission, le Conseil d'administration a adopté des conclusions tendant notamment à ce que le Directeur général "poursuive le dialogue en vue de mettre au point avec les autorités les modalités et paramètres d'une représentation continue et efficace de l'OIT au Myanmar qui devrait être en place dans les plus brefs délais".
Une mission de coopération technique a fait suite, en février 2002, pour convenir des conditions et modalités possibles d'une représentation efficace de l'OIT dans le pays. Aux termes d'un protocole d'entente entre l'OIT et le gouvernement du Myanmar, M. de Riedmatten a été nommé chargé de liaison ad interim le 6 mai pour une période de deux mois.
Mais tous ces événements ne concernent que les procédures. La situation concrète, elle, n'a pas changé, en tout cas pas de manière significative. Dans les trois domaines susmentionnés, le gouvernement doit faire le nécessaire pour que la situation change fondamentalement, car il n'y a aujourd'hui aucune amélioration, comme l'a relevé la commission d'experts au paragraphe 29 de son observation, où elle note "qu'aucune des trois recommandations formulées par la commission d'enquête et acceptées par le gouvernement n'a encore été mise en uvre".
Tant qu'il n'y aura pas de preuves irréfutables et surtout convaincantes que la situation au Myanmar s'améliore, les membres travailleurs ne sauraient même envisager de changer leur position quant aux mesures qui ont été décidées sur la base de l'article 33 de la Constitution de l'OIT.
Enfin, les membres travailleurs ont signalé que, pour la suite des discussions, chacun des aspects incidents de ce cas particulièrement complexe serait abordé, au nom du groupe des travailleurs, par d'autres orateurs: les preuves de la persistance du travail forcé au Myanmar, par le membre travailleur du Pakistan; les aspects concernant les infrastructures, par le membre travailleur de la France; les aspects concernant la diversité ethnique, par le membre travailleur de l'Indonésie; les relations sociales et du travail, par le membre travailleur de la Suède; l'attitude de l'armée et les atteintes aux droits de l'homme, par le membre travailleur de la République de Corée; l'attitude du gouvernement japonais et l'aide étrangère au développement, par le membre travailleur du Japon; l'implication des multinationales, par le membre travailleur des Pays-Bas; les migrations transfrontalières par le membre travailleur de la Thaïlande; et les informations recueillies par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) dans le pays, par M. Maung-Maung, secrétaire général de la Fédération des syndicats de Birmanie.
Le membre travailleur des Etats-Unis, s'exprimant au nom des membres travailleurs, a relevé que bien des choses se sont passées depuis la session spéciale de l'année passée concernant ce cas très difficile. Nonobstant les derniers développements, la base de la discussion au sein de la Commission de la Conférence est le rapport de la commission d'experts. Il s'appuiera donc principalement sur les observations des experts relatives aux manquements persistants de la Birmanie à ses obligations aux termes de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930. Toutefois, il fera également des commentaires sur les informations contenues dans les documents D.6(Corr.) et D.7. Les commentaires de la commission d'experts se divisent en trois parties: les amendements législatifs, la pratique actuelle et l'application de sanctions pénales pour l'imposition du travail forcé.
Beaucoup a été dit à la Commission de la Conférence et au Conseil d'administration sur les arrêtés administratifs enjoignant les autorités de ne plus se prévaloir des dispositions de la loi sur les villes et de la loi sur les villages permettant de réquisitionner la main-d' uvre. La commission d'experts a indiqué au paragraphe 5 de son observation que l'adoption de mesures supplémentaires telles qu'indiquées au paragraphe 539-b) du rapport de la commission d'enquête s'avère nécessaire. Ces mesures ont d'ailleurs déjà été discutées dans le passé à la Commission de la Conférence et au Conseil d'administration. La commission d'experts fait remarquer au paragraphe 4 de son observation que la Mission de haut niveau a noté que des pouvoirs législatifs ont été exercés par le gouvernement à deux reprises, en juin 2000 et février 2001, lors de l'adoption de la "loi judiciaire, 2000" et de la "loi du ministère de la Justice, 2001". Par conséquent, les arguments présentés par le gouvernement dans le passé pour expliquer son refus d'amender la loi sur les villes et la loi sur les villages semblent tomber et les membres travailleurs s'interrogent sur les raisons pour lesquelles le gouvernement refuse toujours obstinément de se conformer aux demandes de la commission d'enquête et de la commission d'experts d'amender les lois. En fin de compte, du point de vue des victimes, un simple retrait des arrêtés administratifs, peut-être par la seule signature d'un militaire haut gradé, rétablirait la justification "légale" pour imposer un travail forcé. De plus, diverses interrogations continuent de se poser quant à la volonté et au sérieux des efforts déployés par le gouvernement pour diffuser l'information au peuple birman et aux responsables de l'imposition de travail forcé, les chefs militaires locaux et régionaux. Tel que souligné au paragraphe 9 de l'observation de la commission d'experts, des instructions claires demeurent nécessaires afin d'indiquer à toutes les autorités concernées, y compris aux militaires de tous rangs, les tâches pour lesquelles le travail forcé est prohibé de même que la manière de les effectuer.
Concernant la façon dont les arrêtés administratifs ont été portés à la connaissance du public, le chargé de liaison intérimaire a signalé à la commission (paragr. 25 du document D.6(Corr.)) que cette information avait notamment été diffusée par des crieurs publics. Cela semble quelque peu insuffisant. Les travailleurs s'inquiètent du fait que peu d'efforts semblent avoir été déployés afin de faire connaître ces arrêtés administratifs dans les différents dialectes et se demandent pourquoi la radio et les autres médias ne semblent pas avoir été utilisés. Le informations contenues dans le rapport de la commission d'experts montrent que le gouvernement est toujours réticent à entreprendre une véritable campagne pour que les gens sachent que le travail forcé ne sera pas toléré et que ceux responsables d'avoir imposé le travail forcé seront punis. De récents entretiens auprès de victimes réfugiées en Thaïlande confirment cette description. D'ailleurs, très peu de ces témoins étaient au courant que le travail forcé était maintenant illégal en Birmanie.
En ce qui concerne la poursuite de pratiques de travail forcé en Birmanie, l'orateur a insisté sur le récent rapport émis par la Fédération des syndicats du Myanmar, ainsi que par une ONG de réputation internationale, EarthRights International, qui fait état de la persistance du travail forcé dans trois Etats ethniques et deux Divisions, sur la base d'entretiens menés avec 77 victimes. Il est important de noter que le recours au travail forcé continue à être associé à d'autres violations graves des droits de l'homme. De nombreuses victimes interrogées par EarthRights avaient été battues, frappées et/ou torturées. De nombreux rapports font état d'exécutions et d'incidents résultant dans des décès multiples. Et il y a eu six cas de viol dont certains ont conduit à la mort de la victime. Ces informations sont un rappel de la réalité concrète dont il s'agit dans ce cas. Pour ce qui est de l'application des sanctions, les experts relèvent que rien n'indique que des personnes responsables de l'exaction de travail forcé et de crimes concomitants aient été condamnées ou du moins inculpées en vertu du Code pénal et conformément à l'article 25 de la convention no 29. Le rapport du chargé de liaison intérimaire confirme (paragr. 25 du document D.6(Corr.)) que, jusque-là, aucune poursuite n'a été exercée sur la base de l'article 374 du Code pénal. Cet aspect semble d'ailleurs avoir été confirmé par le représentant du gouvernement dans son intervention. En résumé donc, les experts ont conclu une fois de plus, comme depuis plusieurs années, qu'aucune des trois recommandations formulées par la commission d'enquête et acceptées par le gouvernement n'a encore été mise en uvre.
En ce qui a trait aux informations contenues dans les documents D.6(Corr.) et D.7, tout en reconnaissant que l'établissement d'un bureau de liaison intérimaire indique un certain mouvement, les membres travailleurs estiment qu'il s'agit uniquement de la première étape d'une longue démarche et non pas d'une percée historique, comme l'a laissé entendre le représentant du gouvernement. Plusieurs conditions doivent être satisfaites pour que le bureau de liaison soit crédible et contribue de manière significative à l'élimination du travail forcé. Les membres travailleurs souhaitent qu'un chargé de liaison permanent soit nommé rapidement et rappellent, comme le Conseil d'administration l'a fait à sa session de mars 2002, que cette nomination n'est que le premier pas vers l'établissement d'un bureau de représentation permanent efficace et complet. Dans l'intérim, un personnel suffisant devrait être engagé rapidement pour le bureau de liaison qui, comme cela avait été souligné dans les discussions au Conseil d'administration, devrait pouvoir entreprendre son travail en toute liberté et dans tout le pays. Un doute subsiste quant à savoir s'il incombera au bureau de représentation/liaison permanent de vérifier si des progrès dans l'élimination du travail forcé ont réellement lieu. Considérant l'ampleur du problème partout au Myanmar, cela représenterait une tâche extrêmement difficile pour le bureau et requerrait un personnel suffisamment nombreux et compétent. Pour cette raison, la nomination sans délai d'un chargé de liaison adjoint s'impose. De même, afin de garantir que le bureau de liaison uvre de manière efficace, une continuité entre son travail et celui de la commission d'enquête, de la Mission de haut niveau et d'autres missions passées doit être assurée. Ce besoin de continuité devra être un facteur lors de la nomination du chargé de liaison, de son adjoint et du personnel supplémentaire. Les membres travailleurs sont sérieusement préoccupés par la formulation du paragraphe 24 du document D.6(Corr.) concernant l'importance du respect de la confidentialité afin de faciliter le travail du bureau de liaison. Ils présument que le chargé de liaison sera tenu de faire rapport au Conseil d'administration sur tous les aspects de son travail incluant tout progrès constaté ou, le cas échéant, l'absence de progrès dans l'élimination du travail forcé. Dans le cas où le besoin de confidentialité compromettrait cet aspect du travail du chargé de liaison, le gouvernement devra consentir à l'établissement d'autres mécanismes, tels que des missions régulières afin de relever les progrès effectués ou non. L'entière coopération et le consentement du gouvernement sont donc requis. Une telle information constante et crédible est extrêmement importante afin d'écarter toute fausse impression de progrès alors qu'en réalité il n'y en a pas, qui pourrait être causée par la confidentialité exigée du bureau.
Il existe bien entendu d'autres moyens, plus efficaces, pour vérifier dans quelle mesure les autorités continuent à avoir recours au travail forcé, de même que pour donner aux victimes potentielles collectivement les moyens d'y résister Comme indiqué par la mission de haut niveau au paragraphe 68 du document GB.282/4, s'il existait de véritables organisations de la société civile, et en particulier des organisations de travailleurs fortes et indépendantes - comme prévu par la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Birmanie -, les victimes du travail forcé bénéficieraient d'un cadre et d'un soutien collectif qui pourraient les aider à utiliser au mieux les recours existants pour défendre leurs droits reconnus. Malheureusement, il n'existe aucune liberté d'association en Birmanie. Il n'existe aucun syndicat indépendant et toute tentative d'en établir un est sévèrement réprimée. Les travailleurs demandent à nouveau au gouvernement, comme la Commission de la Conférence l'a fait depuis de nombreuses années, de respecter ses obligations en vertu de la convention no 87. Comme l'a rappelé la Mission de haut niveau, il s'agit d'une composante essentielle de tout effort sincère et effectif du gouvernement pour l'élimination du travail forcé.
Les travailleurs sont extrêmement déçus du refus du gouvernement (paragr. 21 du document D.6(Corr.)) de nommer un ombudsman qui pourrait traiter les plaintes relatives au travail forcé. En l'absence de toute instance judiciaire indépendante, il y a un urgent besoin pour une telle institution, qui constituerait la seule autorité légale potentiellement effective qui serait accessible aux victimes pour mettre fin à la pratique du travail forcé et faire prévaloir leurs droits. Le défaut du gouvernement de donner suite à cette recommandation de la Mission de haut niveau permet de douter de sa volonté d'assurer la mise en uvre des changements législatifs prétendument apportés. Les membres travailleurs n'y voient que de petits changements et une résistance constante de la part du gouvernement plutôt qu'un réel engagement à mettre un terme au travail forcé. Ils sont une fois de plus extrêmement déçus des commentaires du ministre du Travail contenus au paragraphe 21 du document D.6(Corr.) relatifs aux allégations du meurtre, par les militaires, de sept villageois de l'Etat de Shan qui se seraient plaints du travail forcé. Le refus persistant du gouvernement d'admettre une enquête indépendante alimente l'impression que les allégations doivent être fondées. Si le gouvernement croit réellement que tel n'est pas le cas, le représentant gouvernemental devrait expliquer pour quelles raisons le gouvernement continue de refuser une enquête indépendante, notamment sous les auspices du président de la Mission de haut niveau, Sir Ninian Stephen, comme proposé à la dernière session du Conseil d'administration. L'établissement des faits au terme d'une enquête indépendante et l'engagement de poursuites judiciaires contre les responsables de ces meurtres démontreraient en termes très concrets la sincère volonté du gouvernement de coopérer avec l'OIT. A défaut, le gouvernement ne fera qu'entamer davantage sa crédibilité, pour ce qui est de sa volonté et capacité de punir les responsables du travail forcé, y compris les membres des forces armées.
Compte tenu de la gravité de ce cas, les travailleurs sont de plus en plus déçus de ne noter au fil des ans que de petits mouvements. Ils ont besoin de voir de véritables progrès vers l'élimination du travail forcé, au nom des victimes passées et futures. Le gouvernement a été une fois de plus incapable de fournir des preuves contredisant les conclusions de la commission d'experts à l'effet qu'aucune des trois recommandations de la commission d'enquête n'a été respectée à ce jour. Ils souhaitent donc et attendent que les conclusions de cette commission reflètent la réalité actuelle du travail forcé en Birmanie et l'attente urgente de cette commission que le gouvernement agisse beaucoup plus rapidement et résolument pour mettre un terme au travail forcé tant en droit qu'en pratique. Le représentant gouvernemental de la Birmanie a commencé sa déclaration en indiquant les progrès réalisés par le pays. Lorsque, par le passé, les membres travailleurs se référaient à la situation politique en Birmanie, on leur opposait que la question politique était hors sujet, le cas concernant exclusivement le travail forcé. L'orateur s'est dit d'accord avec le représentant gouvernemental lorsque celui-ci affirme que les développements politiques ont un impact sur l'élimination du travail forcé. Il a souligné comme l'a noté la commission d'enquête dans le passé, que la situation en Birmanie ne pourra s'améliorer que lorsque seront rétablis la normalisation politique, l'Etat de droit et la démocratie.
Les membres employeurs ont rappelé que ce cas peu commun porte sur des violations sérieuses et prolongées de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930. La population du Myanmar souffre depuis longtemps du travail forcé qui lui est imposé par les militaires pour la construction de routes, lignes de chemin de fer et autres infrastructures. Cette situation fait l'objet d'observations de la part de la commission d'experts depuis maintenant plus de dix ans et cela fait plus de trente ans que l'OIT réclame l'abolition immédiate du travail forcé et que le gouvernement ne cesse de la promettre, alors que la présente commission s a examiné ce cas à plusieurs reprises en notant la violation des droits consacrés par la convention no 29 dans des paragraphes spéciaux.
C'est à juste titre que la convention no 29, qui a recueilli le plus grand nombre de ratifications, est considérée comme une convention fondamentale de l'OIT, puisqu'elle touche à un droit fondamental de l'être humain. Bien que le gouvernement ait d'abord rejeté toutes allégations concernant l'existence du travail forcé dans le pays, celle-ci a été amplement documentée dans le rapport de la commission d'enquête de 1998. Cette pratique s'est appuyée sur deux lois, la loi sur les villes et la loi sur les villages, dont la commission d'experts a demandé la révision, en même temps que l'abolition de cette pratique dans les faits et la poursuite des coupables. Toutes ces demandes ont été fortement appuyées aussi bien par le Conseil d'administration que par la Commission de la Conférence. Devant l'absence de progrès au fil des ans, la Conférence a adopté, à sa 88e session (mai-juin 2000), une résolution aux termes de laquelle la Commission de l'application des normes de la Conférence examinera cette question chaque année jusqu'à complète satisfaction. Il a été conclu en mai 2000, entre le représentant du Directeur général du BIT et le gouvernement du Myanmar, un "Protocole d'entente sur une évaluation objective par l'OIT" ayant pour objet de permettre la conduite d'une telle évaluation quant à la mise en uvre pratique et à l'impact réel du dispositif législatif, gouvernemental et administratif dont le gouvernement a fait état. Ultérieurement, en automne 2001, une Equipe de haut niveau s'est rendue dans le pays et son rapport a été soumis au Conseil d'administration à sa session de novembre 2001. Une autre mission a été menée en février 2002. Les faits démontrent qu'il existe encore au Myanmar des bases légales permettant d'imposer un travail forcé. Les deux lois qui le permettent n'ont toujours pas été abrogées et la pratique reste inchangée. Certes, le gouvernement a pris un certain arrêté no 1/99 et son arrêté complémentaire tendant à instaurer un correctif dans le cadre de la législation en vigueur en vue de donner effet, dans la pratique, à la convention. Si cette mesure n'est pas négligeable, il n'en reste pas moins que la législation en vigueur doit être modifiée et que cela n'a toujours pas été fait.
D'une manière générale, l'évolution de ce cas présente deux aspects. L'un concerne les discussions entre le BIT et le Myanmar. Après une attitude initiale de rejet, ce dernier a bien voulu progressivement se montrer coopératif avec l'OIT, acceptant qu'une Mission de haut niveau se rende dans le pays et que diverses autres missions aient lieu. Depuis mai 2002, un chargé de liaison ad interim est nommé. Au cours de ces diverses missions, le gouvernement a tenu ses engagements et s'est montré coopératif, comme les rapports le montrent. Mais, pour parvenir à ce résultat, il a fallu maintenir une pression permanente. Si l'on constate une volonté apparemment croissante de coopération de la part du gouvernement, cette volonté aurait pu se manifester plus tôt. Il se dégage néanmoins de l'ensemble de ces éléments une impression positive.
Par contre, sur le fond, c'est-à-dire sur la question même de l'abolition définitive du travail forcé, les employeurs insistent sur le point que le seul moyen de progresser est d'abolir dans le droit et dans la pratique le travail forcé qui a prévalu au Myanmar et qui continue de le faire dans une mesure certaine. Or, si les deux arrêtés susmentionnés pourraient constituer un point de départ pour assurer le respect de la convention dans la pratique, un problème majeur qui se pose encore est la diffusion de leur teneur. Cela est naturellement indispensable à leur application. Le gouvernement a excipé à plusieurs reprises des obstacles que constitueraient sur ce plan l'étendue du territoire et la difficulté d'accès de certaines régions. Il est important d'assurer la diffusion de l'information concernant ces arrêtés de manière plus intensive, en recourant à tous les moyens de communication disponibles, notamment les mass media. A l'évidence, s'en remettre pour cela aux autorités locales ou à l'armée n'est pas la meilleure solution puisqu'il s'agit des principaux acteurs qui imposent du travail forcé. En outre, au vu du grand nombre de langues parlées dans le pays, les dispositions de ces arrêtés devraient être traduites et publiées dans toutes ces langues, afin que leur teneur ne soit plus ignorée nulle part. Or aucun progrès n'a été constaté sur ce plan. Sur un autre plan, et compte tenu de l'ampleur des programmes de développement s'effectuant en recourant au travail forcé, l'abolition de cette pratique aurait nécessairement des implications financières qui ne manqueraient pas de se manifester sur le plan budgétaire. Or, l'absence de tout élément de cet ordre constitue un indice de ce que le travail forcé n'est pas entièrement aboli. Il en est de même en ce qui concerne l'application de sanctions, alors que les instructions interdisant la réquisition de main-d' uvre pour du travail forcé semblent être rarement appliquées. Il faut donc que la charge de la preuve soit inversée. Il appartient au gouvernement de démontrer que la réquisition de travail forcé n'a plus lieu. Quant à l'affirmation du gouvernement que le travail obligatoire correspond à une tradition dans le pays, on ne peut que craindre la persistance d'une "zone grise" entre ce qui constitue du travail forcé et ce qui est du travail volontaire. Cependant, la réalité fournit certains indices. L'armée, en tant que principale autorité imposant le travail forcé, a vu ses effectifs croître. Il n'y a pas eu de plaintes concernant le recours au travail forcé parce que, dans la plupart des cas, ceux qui osent se plaindre sont réprimés. Le gouvernement refuse que des observateurs indépendants viennent dans le pays cependant que, comme indiqué dans le document D.6(Corr.), le chargé de liaison ad interim déclare avoir des raisons d'être pessimiste quant à l'installation d'un médiateur. A cela s'ajoute qu'aucune enquête n'a été ouverte à propos des allégations d'imposition de travail forcé qui ont causé la mort de sept villageois et que la mise en uvre d'une interdiction du travail forcé dépend des autorités locales et notamment des commandants militaires.
Tous ces éléments démontrent qu'il reste encore beaucoup de chemin à faire avant que le travail forcé ne soit aboli. Il conviendrait que la commission presse instamment le gouvernement de hâter le processus d'abolition du travail forcé dans le pays. Quelques mesures ont été prises dans le bon sens mais elles devraient aller plus vite et plus loin. Les progrès ne doivent surtout pas rester sur le papier, l'enjeu porte en effet sur des vies humaines et des droits fondamentaux. Le but de la présente commission doit être de faire des droits inscrits dans la convention no 29 une réalité sociale pour la population du Myanmar. Les membres employeurs, imprégnés de réalisme, resteront attentifs à l'évolution de cette situation, dans un esprit critique et rationnel, avec en ligne de mire les droits des populations du Myanmar.
Le membre gouvernemental de l'Espagne a fait une déclaration au nom des membres gouvernementaux de l'Union européenne, à laquelle se rallient les membres gouvernementaux de la Bulgarie, de l'Estonie, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Pologne, de la Roumanie, de la Slovaquie, de la Slovénie et de la République tchèque - Etats d'Europe centrale et orientale associés à l'Union européenne -, les membres gouvernementaux de Chypre, de Malte et de la Turquie - Etats associés - et les membres gouvernementaux de la Suisse, de la Norvège et de l'Islande. L'Union européenne continue d'encourager la restauration de la démocratie, la poursuite de la réconciliation nationale, la protection des droits de l'homme et l'élimination du travail forcé en Birmanie/Myanmar. L'Union européenne a également pris note du dernier rapport de l'OIT et, à cet égard, a accueilli avec satisfaction les progrès accomplis dans l'établissement d'un bureau de liaison à Rangoon comme un premier pas vers l'objectif d'une représentation effective de l'OIT en Birmanie/Myanmar. L'Union européenne a appelé les autorités de la Birmanie/Myanmar à faire en sorte que le Bureau dispose d'un personnel suffisant et bénéficie du soutien technique de façon à accomplir ses obligations, ainsi que la liberté de mouvement et le degré de collaboration requis pour s'acquitter de ses obligations en pratique.
L'Union européenne a de nouveau vivement recommandé aux autorités du Myanmar de nommer un médiateur permanent, qui pourrait jouer un rôle très important dans la poursuite de l'élimination du travail forcé. Des consultations dans ce sens devraient avoir lieu entre le Bureau et les autorités du Myanmar. L'Union européenne a également recommandé avec insistance aux autorités de donner suite à la proposition faite au Conseil d'administration de mars 2002 tendant à ce que les enquêtes sur les allégations concernant le meurtre de sept personnes dans l'Etat de Shan soient examinées par une autorité extérieure indépendante acceptable par toutes les parties. L'Union européenne est préoccupée de constater que, malgré la coopération avec l'OIT, aucun progrès significatif n'a été fait vers l'éradication du travail forcé, mais qu'au contraire, selon certaines informations, le travail forcé et des contributions forcées seraient en recrudescence dans certaines régions. De plus, l'Union européenne a appelé les autorités de la Birmanie/Myanmar à prendre d'urgence des mesures immédiates pour l'éradication totale du travail forcé dans le pays. Compte tenu de ce qui précède et des progrès encore très modestes qui ont pu être atteints par les autorités de la Birmanie/Myanmar dans la lutte contre le travail forcé dans ce pays, l'Union européenne estime que les mesures décidées en application de l'article 33 de la Constitution de l'OIT ne peuvent pas être levées pour le moment. L'Union européenne continuera à suivre la situation de près dans les mois précédant la session du Conseil d'administration de novembre 2002.
Le membre gouvernemental de l'Indonésie, prenant la parole au nom des pays membres de l'OIT appartenant aussi à l'ANASE, a remercié le Directeur général pour ses efforts de coopération avec le gouvernement du Myanmar. L'Indonésie accueille favorablement la signature du protocole d'entente signé le 19 mars 2002 entre le gouvernement du Myanmar et le BIT sur la nomination du chargé de liaison au Myanmar au plus tard au mois de juin 2002. L'Indonésie ajoute que la sélection du chargé de liaison est extrêmement importante et devait être faite de façon consciencieuse, après consultation des parties concernées, et il se félicite de l'accord sur la nomination de M. Leon de Riedmatten en tant que chargé de liaison ad interim à compter du 6 mai 2002, dans l'attente de la nomination du titulaire à titre permanent d'un chargé de liaison. La nomination de ce chargé de liaison ad interim est le signe d'une évolution positive de la coopération entre le BIT et le gouvernement du Myanmar, et l'Indonésie souhaite ardemment que les discussions sur cette question devant la commission soient conduites de manière constructive et que le gouvernement et le BIT poursuivent leur coopération jusqu'à ce que ces questions soient complètement résolues.
Le membre gouvernemental de l'Australie, s'exprimant aussi au nom du membre gouvernemental de la Nouvelle-Zélande, a exprimé son intérêt profond et continu pour ce cas et a noté les progrès modestes qui ont été réalisés depuis l'année dernière, notamment la visite et le rapport de la Mission de haut niveau et, plus récemment, la désignation du chargé de liaison ad interim. Soulignant la coopération continue entre l'OIT et le gouvernement du Myanmar et reconnaissant les efforts passés et présents du Myanmar pour éliminer le recours au travail forcé, l'orateur a souligné que les différentes visites qui ont eu lieu et la présence de l'OIT au Myanmar ne sont que des étapes pour atteindre l'objectif. Toutefois, les progrès constatés au niveau du processus ne signifient pas des progrès sur le fond de la question elle-même, soit l'éradication du travail forcé. Malgré une légère amélioration, la mission de haut niveau a constaté au cours de l'année 2001 que la pratique du travail forcé était toujours répandue. Tout en saluant les progrès modestes qui ont été réalisés depuis 1998, l'orateur a estimé qu'il reste encore beaucoup de chemin à faire et a encouragé le gouvernement à redoubler d'efforts pour éradiquer le recours au travail forcé.
L'orateur a exprimé son soutien à l'action continue de l'OIT sur le terrain et encouragé le gouvernement à coopérer avec l'OIT afin de désigner rapidement un chargé de liaison permanent, à plein temps, jouissant de la liberté de mouvement et d'accès afin de garantir une présence plus substantielle de l'OIT dans le pays. A cet égard, un véritable bureau de l'OIT bénéficiant des ressources nécessaires et du personnel adéquat devrait être établi dès que possible. L'orateur a prié instamment le gouvernement de mettre en uvre les recommandations de la mission de haut niveau, particulièrement en nommant un médiateur qui, de par sa fonction, pourra enquêter et combattre le travail forcé. L'orateur a aussi insisté sur la nécessité pour le gouvernement de mener des investigations plus poussées ou de consentir à ce qu'une autorité indépendante et impartiale acceptée par toutes les parties enquête sur les allégations de meurtre de sept villageois dans l'Etat de Shan. Il a exprimé l'espoir qu'un rapport à la Conférence de 2003 fera état de progrès significatifs et substantiels dans l'éradication du travail forcé.
Le membre gouvernemental du Canada a déclaré que le Canada se félicite de plusieurs développements positifs récents au Myanmar: la libération de Mme Daw Aung San Suu Kyi, dans l'optique de la réconciliation nationale; la nomination d'un chargé de l'OIT ad interim (M. de Riedmatten). Le Canada appelle le BIT et le gouvernement du Myanmar à s'entendre sur la nomination permanente du chargé de liaison de l'OIT à Yangon, afin que ce dernier soit en mesure d'assumer pleinement ses fonctions d'ici à la fin de ce mois, comme convenu à la dernière session du Conseil d'administration. Mais, si ces développements augurent favorablement de la coopération future entre l'OIT et le gouvernement du Myanmar, l'objectif premier reste celui de l'abolition du travail forcé au Myanmar. Sur ce point, la nomination d'un chargé de liaison de l'OIT n'est qu'une première étape en attendant la mise en place d'une présence permanente de l'OIT au Myanmar. Comme cela a été dit lors de la 283e session du Conseil d'administration, le chargé de liaison de l'OIT ne pourra s'acquitter de son mandat que s'il bénéficie d'une totale liberté de mouvement et de contact, notamment avec la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), les populations ethniques et les autorités militaires.
Le chargé de liaison peut jouer un rôle important dans la diffusion des arrêtés modifiant la loi sur les villes et la loi sur les villages, et le Canada juge encourageants les efforts du gouvernement à cet égard. Il exhorte néanmoins le gouvernement du Myanmar à enquêter sur les allégations de travail forcé, à entamer des poursuites et à sanctionner les coupables en vertu de l'article 373 du Code pénal. Le gouvernement du Canada continue de croire que la nomination d'un médiateur est un outil non négligeable pour les victimes de travail forcé. Le Canada demande, à nouveau, que soit ouverte une enquête indépendante sur le sort de sept villageois de l'Etat de Shan, qui auraient été abattus après avoir porté plainte pour contrainte au travail forcé devant les autorités militaires. Le gouvernement du Canada souhaite que le BIT et le gouvernement du Myanmar continuent de coopérer afin d'établir une présence efficace de l'OIT pour aider le gouvernement à mettre en uvre les recommandations de la commission d'enquête et les recommandations et conclusions du Conseil d'administration du BIT tendant à l'élimination définitive du travail forcé au Myanmar.
Le représentant de la Confédération internationale des syndicats libres, secrétaire général de la Fédération des syndicats de Birmanie, s'est félicité du retour à la liberté de la dirigeante de la LND, Mme Daw Aung San Suu Kyi, après 19 mois d'assignation à résidence. Cependant, bien que les médias internationaux aient fait état de cette libération, les médias birmans, contrôlés par les militaires, n'en ont aucunement fait mention. Les médias de cet Etat n'ont pas non plus répercuté les instructions du général Khin Nyunt interdisant le travail forcé, alors que celui-ci avait informé l'OIT qu'un ordre avait été adopté après l'adoption de la résolution sur le travail forcé dans le pays. Cela montre que, même si cela est contesté en public, le régime craint la pression internationale et man uvre discrètement pour l'alléger.
Le travail forcé continue à exister dans ce pays bien que la convention no 29 ait été ratifiée depuis 1955. C'est-à-dire que des fermiers, des enseignants, des travailleurs de santé, sans distinction d'âge, d'ethnie ou de religion, sont contraints par les militaires de travailler sans être payés pendant des semaines, même quelquefois jusqu'à six mois. Ces personnes ne sont pas autorisées à rentrer et informer leurs familles ou ne sont autorisées à partir que lorsqu'elles sont malades. Ainsi, réquisitionné par les militaires, un agriculteur ne peut pas moissonner sa récolte, non plus qu'un pêcheur réquisitionné pour le portage ne peut pêcher et gagner sa vie; des villages entiers doivent travailler pendant des mois à débroussailler et faire du terrassement pour l'installation d'un gazoduc par des entreprises multinationales. Malgré l'action de l'OIT, la population est toujours forcée de travailler contre sa volonté et sans contrepartie. Un document signalait, par exemple, en mai 2002, le cas d'une fillette de 13 ans qui devait débroussailler et planter des arbres pour les militaires. Ce document décrit comment, depuis 1962, le régime militaire a si mal mené le pays qu'un pays qui était l'un des plus riches du Sud-Est asiatique est devenu en 1987 un des pays les moins développé (PMD), et ce bien avant qu'il n'ait été fait mention d'aucune sanction; ce ne sont donc pas les sanctions imposées par la communauté internationale suite aux élections de 1990 qui ont fait du tort au pays mais l'isolement auto-imposé et la mauvaise gestion par les juntes militaires qui ont épuisé les ressources du pays et provoqué des difficultés telles que les gens ont dû quitter le pays. Voilà pourquoi la Thaïlande accueille plus de 1 million de travailleurs birmans migrants illégaux, la Malaisie plus de 30 000 et le Bangladesh et l'Inde plus de 50 000.
En observant comment les choses se passent dans le pays, le groupe de sympathisants a donné deux exemples qui montrent comment, après un refus prononcé de coopérer selon la voie des discussions diplomatiques traditionnelles, le régime a lentement réagi à l'action directe. Depuis plus de 40 ans, l'OIT demande aux régimes successifs d'arrêter de recourir au travail forcé; alors qu'ils continuaient à y avoir recours, les régimes ont toujours nié les violations qu'ils commettaient et ont répondu que la législation était en cours de modification. Ce n'est qu'après que l'OIT a fait des actions concrètes, en 2000, que le régime, afin de minimiser la pression internationale, a réduit le travail forcé, mais seulement dans les régions qui pouvaient être facilement accessibles par la communauté internationale. Le régime était ainsi parvenu à faire signer par les marins un papier déclarant qu'ils ne devaient en aucun cas contacter la Fédération internationale des travailleurs des transports (ITF) sous peine que leurs passeports et certificats de navigation soient révoqués. Ce n'est que lorsque l'ITF a fait campagne à travers les syndicats pour que cette pratique illégale cesse que le régime a cessé d'obliger les marins à signer ces papiers.
Pour conclure, le combat pour la démocratie au Myanmar a fait de grands progrès. L'action directe a montré des résultats; il est temps à présent qu'un nombre croissant d'actions directes soient entreprises afin de pousser le régime vers un système démocratique transparent.
Le membre travailleur du Japon, s'exprimant au nom des membres travailleurs, a accueilli avec enthousiasme la libération de Mme Aung San Suu Kyi qui constitue une première étape dans la démocratisation du pays. Il a appelé à la mise en uvre rapide des recommandations de la Mission de haut niveau. Cependant, il regrette que, même après la libération de Mme Aung San Suu Kyi, il y ait toujours des prisonniers en détention depuis plusieurs années relativement à leurs activités politiques et à leur implication pacifique dans des organisations de travailleurs; il fait notamment référence au cas du Dr Salai Tun Than, qui a été arrêté pour avoir conduit une manifestation pacifique au mois de novembre 2001 en distribuant des copies d'une pétition demandant une élection générale. Son arrestation est contraire aux principes démocratiques tels que le droit à la liberté d'association. L'orateur a souligné que l'élimination du travail forcé est étroitement liée au processus de démocratisation et, par conséquent, à la reconnaissance de la liberté d'association. Il a exhorté le gouvernement à garantir la liberté d'association de toute la population du pays et de libérer rapidement les prisonniers politiques suivants: Dr Zaw Myint Maung, Jimmy, Soe Myint, Ba Myo Thein, Dr Myint Maung, Thet Min Aung, U Tin Win, Phyo Min Thein, Htay Win Aung, Zaw Min, Zaw Tun, Nyunt Zaw, Myat Tun, Soe Htet Khine, Tun Win, Win Thein, Sein Hlaing, Kyi Pe Kyaw, Aung Myo Tint, Ko Ko Oo, Aung Kyaw Oo, Hla Than et Yin Htwe. La restauration de leurs droits politiques contribuerait au développement de la démocratie dans le pays.
L'orateur a souligné que le gouvernement japonais détient une responsabilité spéciale quant à la démocratisation du Myanmar, étant son plus grand donateur étranger, et a demandé au gouvernement japonais de faire pression sur le gouvernement du Myanmar afin qu'il n'utilise pas le travail forcé dans les projets d'aide au développement sous supervision japonaise qui doivent être strictement limités aux fins humanitaires. Le gouvernement du Japon doit s'assurer que de tels projets ne profitent pas au régime militaire et que les organisations internationales des travailleurs continuent à porter une attention spéciale à l'utilisation du travail forcé dans le projet Baluchaung Hydropower Station financé par le Japon. Les organisations de travailleurs japonaises soutiennent ceux qui ont dû quitter le pays et venir s'établir au Japon à cause de leur participation au processus de démocratisation de leur pays. Toutefois, le gouvernement du Japon continue à détenir sept réfugiés dans un centre de détention, soit Aye Thant Kyu, Win Kyaw, Soe Lwin, Maw Thin, Maung-Maung, Win Myint Oo et Khin Maung Lat. L'ambassade du Myanmar fait toujours payer des impôts à ses ressortissants qui habitent au Japon, totalisant 10 pour cent de leur salaire mensuel ou un minimum de 12 000 yen japonais et, s'ils refusent de payer cet impôt, leur passeport n'est pas renouvelé. L'orateur a demandé que cette pratique n'ait plus lieu, car elle est contraire aux règles du droit international.
Le membre travailleur de la Suède, s'exprimant également au nom des membres travailleurs, a exprimé la profonde préoccupation du mouvement syndical suédois et nordique sur les graves violations des droits de l'homme au Myanmar. Sa délégation est l'une de celles qui ont été à l'origine de l'action de l'OIT en la matière, estimant qu'on ne peut pas laisser un Etat Membre continuer de violer les droits humains fondamentaux, en particulier quand les violations se sont poursuivies pendant plus de quarante ans comme c'est le cas en l'espèce. Au cours des dernières années, le gouvernement a soit refusé de coopérer avec l'OIT, soit agi au dernier moment pour éviter que le Conseil d'administration ne prenne des décisions à son encontre. Le fait que des missions de l'OIT aient été autorisées à visiter le pays récemment ne change rien à l'impression générale selon laquelle le régime militaire n'agit que lorsqu'il est confronté à une véritable pression. Les difficultés rencontrées dans l'établissement d'une représentation de l'OIT dans le pays illustrent ce problème. Aucune volonté réelle n'a encore été démontrée par le pays pour coopérer avec l'OIT et pour suivre ses recommandations. En effet, la commission d'experts a conclu qu'en permettant aux exploiteurs du travail forcé d'être perçus comme représentant l'autorité de l'Etat le gouvernement a confirmé les conclusions de la commission d'enquête selon lesquelles l'impunité dont bénéficient les membres du gouvernement, en particulier les militaires, dans leur façon de traiter la population civile comme un réservoir illimité de travailleurs forcés non rémunérés et comme des serviteurs à leur disposition, fait partie intégrante d'un système politique fondé sur l'utilisation de la force et sur l'intimidation pour dénier au peuple la démocratie et l'Etat de droit. Il a exprimé son accord total avec le principe exprimé par le professeur Amartya Sen lors de son intervention devant la commission lors de la 87e session de la Conférence (juin 1999), selon lequel un travail décent ne constitue pas seulement une exigence du droit du travail et de la réalité du travail mais également la nécessité d'une société ouverte et de la promotion du dialogue social. Le professeur Sen a ajouté que la vie des travailleurs dépend directement des règles et des conventions qui régissent leur emploi et leur travail. Mais elle est aussi influencée par leurs libertés de citoyens avec une voix susceptible d'influencer les politiques ainsi que les choix institutionnels.
L'orateur a souligné qu'il n'existe pas de syndicats libres au Myanmar et que toute tentative de les instaurer est brutalement réprimée. L'inexistence totale de syndicats distingue le Myanmar d'autres Etats à parti unique. En effet, il n'existe aucune possibilité véritable de dialogue tripartite dans un pays où les syndicats n'ont pas le droit d'exister. La démocratie et la liberté syndicale sont des éléments indispensables à un véritable dialogue social et à l'élimination des pratiques de travail forcé dans le pays. Pour finir, il a noté que les représentants démocratiquement élus du pays réunis à Bommersvik dans son pays un peu plus tôt dans l'année avaient exprimé leur appréciation aux syndicats, aux employeurs et aux gouvernements pour leur rôle dans la Conférence internationale du Travail et leur a vivement recommandé d'appliquer les recommandations du Conseil d'administration jusqu'à ce qu'il soit mis un terme aux pratiques de travail forcé dans le pays. Il a ainsi fait appel à tous les membres de la commission pour qu'ils prennent la responsabilité de mettre en uvre les mesures nécessaires pour atteindre cet objectif.
Le membre travailleur de l'Espagne a déclaré que le travail forcé constitue une grave atteinte à la liberté individuelle et signifie un retour au Moyen Age et aux droits des seigneurs féodaux sur leurs serfs.
L'orateur a signalé qu'on peut déduire de l'observation de la commission d'experts qu'avant que l'OIT n'exerce de pressions le gouvernement a édicté l'arrêté no 1/99 prohibant le recours au travail forcé pour les travaux publics. Néanmoins, les militaires ont continué à recourir au travail forcé, démontrant ainsi le manque de volonté du gouvernement de mettre un terme au travail forcé. Ce cas représente un défi pour l'OIT pour trois raisons: 1) la gravité de ce cas qui implique le déni du droit de travailler librement et constitue un obstacle à l'intégration de la personne au sein de la société; 2) le gouvernement du Myanmar édicte des arrêtés administratifs afin d'éviter de se faire accuser d'immobilisme mais sans volonté de régler définitivement ce grave problème; et 3) le fait qu'il est inadmissible que dans le contexte de la mondialisation certains pays continuent d'avoir recours au travail forcé. L'orateur rappelle que la Commission de la Conférence doit à l'occasion de ce cas démontrer clairement son efficacité.
Le membre travailleur des Pays-Bas, s'exprimant au nom des membres travailleurs, approuvant les positions des précédents intervenants, a souligné le rôle des directives de l'OCDE pour les entreprises multinationales dans la mise en uvre de la résolution de l'OIT de juin 2000. Bien que les directives aient été adoptées en 1976, elles ont été révisées en 2000 et comprennent maintenant des orientations relatives au travail forcé qui recommandent aux sociétés de s'efforcer de contribuer à son élimination. De plus, une partie de la révision porte sur le système de mise en uvre qui, très léger dans le passé, a été renforcé. En plus de ces orientations sur le travail forcé, les directives contiennent des éléments supplémentaires pertinents. L'orientation en matière de politique générale selon laquelle les entreprises doivent respecter les politiques des pays dans lesquels elles opèrent et tenir compte des vues des autres parties impliquées est le premier de ces éléments. Le second est une référence aux responsabilités des sociétés dans la chaîne d'approvisionnement. Il est donc clair que les entreprises basées dans les pays de l'OCDE, mais qui opèrent dans les pays tiers, sont censées se conformer aux directives de l'OCDE dans ces pays. En outre, il est très clair que les directives ne recommandent pas aux entreprises de se conformer aux politiques des gouvernements qui sont contraires à leurs obligations internationales.
Prenant l'exemple de son propre pays, l'orateur a expliqué comment les directives de l'OCDE peuvent être utilisées par les Membres de l'OIT pour la mise en uvre de la résolution. En 2001, lorsque le gouvernement néerlandais a fait rapport au Directeur général de la mise en uvre de la résolution, il a indiqué avoir ni encouragé ni découragé les activités économiques par les entreprises néerlandaises au ou avec le Myanmar. Quelques mois après, à la suite du dialogue avec les syndicats, la politique a changé et le gouvernement a décidé de décourager les transactions économiques avec le pays. De plus, le gouvernement a recommandé aux syndicats de prendre en compte les activités des multinationales néerlandaises et des autres entreprises faisant des affaires au Myanmar. Dans le Point de contact national des directives de l'OCDE, les syndicats ont consigné une plainte contre un très important investisseur néerlandais au Myanmar sur la base de son non-respect de la résolution de l'OIT qui fait partie de la politique du gouvernement néerlandais. Les syndicats ont également accusé l'entreprise de n'avoir pas tenu compte des autres parties impliquées dans le pays et de n'avoir rien fait pour mettre en uvre les directives de l'OCDE telles que celles relatives au travail forcé. Suivant cette procédure, les syndicats sont actuellement engagés dans un dialogue avec l'entreprise afin qu'elle parvienne à se conformer aux directives de l'OCDE. En outre, l'action engagée a débouché sur des mesures parallèles concernant les partenaires commerciaux de ladite entreprise au Royaume-Uni. Les syndicats néerlandais, en coopération avec le Centre birman des Pays-Bas, ont pris des mesures similaires par rapport à diverses agences de voyage. Prenant pour référence l'action menée dans son propre pays, l'orateur a appelé les gouvernements à s'assurer que les entreprises commerçant avec le Myanmar sont mieux informées des directives de l'OCDE et les Etats membres de l'Union européenne à promouvoir activement les directives de l'OCDE comme un moyen de mise en uvre de la résolution de l'OIT. Les fédérations d'employeurs devraient tenir leurs membres mieux informés de leur soutien à la résolution de l'OIT; les syndicats dans les pays de l'OCDE pourraient faire meilleur usage des directives de l'OCDE comme canal pour prendre en compte les activités des entreprises multinationales qui sont basées ou opèrent dans leur pays. Ils pourraient également recommander instamment à leurs membres dans les comités de travail européens de prendre des mesures similaires.
Le membre travailleur du Sénégal a rappelé que la régularité avec laquelle ce cas revient devant la commission résulte indéniablement de la persistance des autorités du Myanmar dans leur attitude. Comme rappelé par un rapport de la CISL, le recours au travail forcé dans ce pays est une pratique généralisée, notamment dans les zones de conflit, et la controverse à propos du meurtre de villageois dans l'Etat de Shan est suffisamment révélatrice de la sujétion à laquelle la population est réduite par les autorités et du sort qui attend les individus qui se hasarderaient à faire valoir leurs droits. Telle est en effet la réalité, en dépit des affirmations contraires du gouvernement. Le manque de sincérité de ce dernier est d'ailleurs suffisamment illustré par la façon dont il assure l'information du public sur le caractère illégal du travail forcé. Cet ensemble d'éléments a pour conséquence qu'à l'avenir la crédibilité du gouvernement ne pourra pas s'appuyer seulement sur quelques signes de bonne volonté sur le plan des procédures mais, au contraire, sur la réalité d'efforts véritables, attestés par des instances impartiales.
Le membre travailleur de la Thaïlande, s'exprimant au nom des membres travailleurs, a déclaré que son pays a constaté une hausse marquée du nombre d'immigrants illégaux provenant du Myanmar. On estimait leur nombre à 500 000 en 1991, comparé à près de 2 millions en 2000. Le gouvernement de la Thaïlande procède à l'enregistrement de ces immigrants illégaux dont 500 000 sont maintenant enregistrés, ce qui permet d'éviter qu'ils soient exploités par les employeurs. L'orateur a demandé au gouvernement du Myanmar de modifier ses politiques générale et économique qui, avec le travail forcé et les relocalisations forcées de la population, causent l'exode de celle-ci. Si de tels changements n'interviennent pas rapidement, le nombre d'immigrants continuera à augmenter. L'orateur a ajouté que le gouvernement et le peuple de la Thaïlande ont soutenu la candidature du Myanmar au sein de l'ANASE dans l'espoir que, en devenant membre, le Myanmar améliorerait les conditions de vie de son peuple. Néanmoins, les violations continuent et, en conséquence, l'orateur a demandé que la résolution de l'OIT soit maintenue et qu'un contrôle plus ferme soit effectué afin de prévenir les violations continues des droits des travailleurs.
Le membre travailleur de la France, s'exprimant au nom des membres travailleurs, a fait référence à l'observation de la commission d'experts, dans laquelle on signale que le travail forcé généralisé prévaut toujours en l'absence de clarté de la directive du 1er novembre 2000 et des instructions qui ont suivi, qui ne font pas de distinction claire entre travail obligatoire et travail volontaire. La législation du Myanmar ne prohibe toujours pas clairement le recours au travail forcé et la pratique se poursuit. La population n'est généralement pas informée de ses droits et ne peut se soustraire aux exactions des militaires qui lui extorquent travail, fournitures, nourriture et argent. Aucun indice budgétaire, aucune indication concrète du gouvernement du Myanmar ne vient corroborer une diminution et encore moins une disparition du travail forcé. Tous les témoignages recueillis par la Mission de haut niveau montrent au contraire que l'armée continue ses pratiques au niveau local, ses effectifs ayant plus que doublé au cours des dix dernières années, ce qui laisse supposer un recours toujours accru aux pratiques d'extorsion de travail et de confiscation des biens des villageois. L'armée étant chargée de développer des infrastructures telles que chemins de fer, routes et ponts, elle recourt au travail forcé pour les réaliser, sous la menace des armes. Les arrêtés pris par la junte n'auraient véritablement de valeur que dans un Etat de droit, démocratique, mais un tel Etat a été aboli par ceux-là mêmes qui gouvernent le pays.
L'orateur a souligné qu'un travail non payé, ou dont le salaire est confisqué par l'Etat ou dans l'intérêt privé des militaires, est un travail forcé. Les salaires, même dans les cas où ils sont versés par des compagnies étrangères, sont le plus souvent confisqués: les travailleurs sont rassemblés dans les villages et contraints de rétrocéder leurs gains aux militaires de la base la plus proche. L'extorsion du salaire pour le travail accompli pour une compagnie étrangère ou l'extorsion d'un travail forcé et non rémunéré pour la conduite de travaux publics reviennent finalement à une contrainte au travail sans contrepartie équitable, en violation de la convention no 29. Il en va de même pour le travail forcé dans les prisons, où l'exploitation est si dure que des détenus meurent d'épuisement.
En ce qui concerne les travaux forcés à "titre gratuit" et soi-disant volontaires dans les infrastructures civiles, les témoignages abondent sur le caractère généralisé et les actes de barbarie qui les accompagnent. L'orateur a cité deux témoignages de victimes réquisitionnées en 2002 pour la construction d'infrastructures civiles routières, l'une d'elles au profit d'une compagnie pétrolière internationale, dont des représentants avaient inspecté le début des travaux. De telles pratiques constituent non seulement une violation de la convention no 29, mais également de toutes les normes fondamentales ainsi que de toutes les libertés civiles, économiques et sociales. Les droits humains sont interdépendants; la violation d'un droit fondamental tel que le droit à un travail librement choisi et équitablement rémunéré ne peut qu'accompagner d'autres violations graves de toutes les conventions fondamentales et des pactes de l'ONU. Le pays ne connaîtra pas un développement durable sur ces bases d'oppression et d'exaction.
Les villageois appartenant aux ethnies des Etats frontaliers sont de plus victimes de discrimination ethnique. Les travailleurs agricoles et ceux des plantations ne jouissent pas de la liberté d'association, bien que le Myanmar ait ratifié les conventions nos 11 et 87.
Toute action internationale doit avoir pour but d'aider le peuple du Myanmar, soumis, dans un pays où la démocratie a été confisquée, à un régime sous lequel le travail forcé constitue une pratique généralisée de l'Etat militaire. Aucun progrès réel et durable ne s'étant encore manifesté du côté des dirigeants militaires du pays, l'action de l'OIT doit se poursuivre.
Le membre travailleur du Pakistan, s'exprimant au nom des membres travailleurs, a accueilli tous les discours condamnant le travail forcé. Au début du XXIe siècle, qui devait être un âge de connaissances, de raison et de valeurs humanitaires, et alors que tous croient aux valeurs démocratiques, il est honteux que des crimes contre l'humanité et les valeurs fondamentales et la dignité humaine soient toujours commis. Bien que le membre gouvernemental ait indiqué que la nomination du chargé de liaison est une mesure prise dans un processus par étapes de l'abolition du travail forcé, tous les membres de la Commission de la Conférence reconnaissent que le travail forcé est une violation des droits humains et de la convention no 29. N'est-il pas possible pour le gouvernement de punir sévèrement ceux qui ont commis ces crimes afin de prévenir des violations futures? Rien n'indique que des poursuites judiciaires aient été engagées ou des sanctions prises conformément aux recommandations de la Mission de haut niveau. Dans la pratique, telle que relevée par la commission d'experts, les progrès faits semblent incohérents d'une région à l'autre, avec des taux de travail forcé plus élevés dans les régions isolées. Des problèmes particuliers quant à la prévention de l'utilisation du travail forcé par les autorités militaires, notamment dans les régions frontalières, subsistent. Le problème s'est également aggravé par les représailles contre ceux qui ont dénoncé les pratiques de travail forcé et le manque de confiance dans la police et dans le système judiciaire. Des violations des droits fondamentaux se poursuivent dans le pays et les personnes qui se risquent à utiliser leurs organisations de travailleurs sont emprisonnées et, de surcroît, l'imposition du travail forcé par les autorités militaires est particulièrement répandue. Le membre travailleur du Pakistan a demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour l'abolition des pratiques du travail forcé et de donner une protection complète à ceux qui se sont plaints d'être victimes de ces pratiques. Tous ceux qui ont imposé le travail forcé doivent être amenés devant les tribunaux et ceux jugés coupables punis. Finalement, ces mesures doivent être prises le plus rapidement possible et non dans le cadre d'un processus extrêmement lent par étape.
Le membre travailleur de la République de Corée, s'exprimant au nom des membres travailleurs, citant les constatations de la Mission de haut niveau, une communication de la CISL concernant le cas du Myanmar ainsi que les conclusions de la commission d'experts, a noté plusieurs violations des droits de l'homme par les militaires birmans. Il a déclaré que quelques-unes des violations les plus sérieuses des droits de l'homme se sont produites dans un contexte de portage forcé, où des civils, y compris des enfants, âgés de 15 à 60 ans auraient été enlevés et forcés à se mettre au service des militaires. Il a noté que, bien qu'habituellement chargés de l'approvisionnement des soldats en patrouille, les porteurs ont également été placés en tête des colonnes pour faire exploser les mines et éviter les embuscades, et ont également été utilisés comme "boucliers humains" au combat. Il a souligné que les porteurs faisaient l'objet d'abus physiques permanents et que beaucoup d'entre eux ont été témoins de meurtres d'autres porteurs par les troupes qu'ils servaient.
Il s'est référé aux observations faites par les ONG indiquant qu'un total de quatre jours par famille et par mois constitue plus un plancher qu'un plafond et que, pendant la saison sèche, les Rohingyas ont été forcés à travailler en moyenne environ une semaine par mois, parfois dix jours, voire deux semaines. En ce qui concerne les projets liés au développement concernant le travail forcé, il a noté que les passages à tabac, la torture et les exécutions sommaires sont des violations des droits de l'homme courantes, citant en particulier des informations selon lesquelles des femmes auraient été violées par les soldats ou le cas d'une femme tuée pour avoir cessé son travail afin de nourrir son enfant. Il a en outre cité le rapport annuel des violations des droits syndicaux de la CISL indiquant la persistance des atteintes aux droits sociaux et aux droits de l'homme.
Pour conclure, il a déclaré que le gouvernement du Myanmar doit fournir une preuve véritable et crédible de progrès en ce qui concerne la question du travail forcé comme une condition préalable absolue pour envisager un retrait des mesures prises en vertu de l'article 33 de la Constitution de l'OIT, et a réaffirmé son soutien à la Ligue nationale pour la démocratie.
Le membre travailleur de l'Inde a exprimé son indignation et son anxiété en ce qui concerne la violation continue de la convention no 29 par le gouvernement militaire du Myanmar. Il a noté que les lois sur les villes et les villages de 1907, habilitant les autorités à réquisitionner des personnes pour effectuer un travail non rémunéré, font partie de l'héritage colonial du Myanmar, et a exprimé le regret que ce pays ait décidé de maintenir ces lois - au détriment de son peuple et des droits de l'homme de celui-ci. Il a noté que le problème du travail forcé persiste à ce jour, ce malgré les modifications des lois sur les villes et les villages, et recommande instamment au BIT de poursuivre ses discussions avec le gouvernement pour parvenir à mettre un terme à ce problème. Il a cependant insisté, à cet égard, sur le fait que la promotion des normes internationales du travail ne devrait pas être liée à la question du maintien du commerce avec le Myanmar, cela pouvant s'avérer contre-productif et jouer contre les intérêts des travailleurs de ce pays. Il a conclu en déclarant que toute action entreprise dans ce domaine ne devrait subir aucune ingérence du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale ou de l'Organisation mondiale du commerce.
Le membre travailleur de l'Indonésie, s'exprimant au nom des membres travailleurs, a déclaré, à la lumière des rapports de la Fédération des syndicats de Birmanie (FTUB), de l'ONG EarthRights International ainsi que d'autres documents, regretter que le gouvernement du Myanmar n'ait pas accompli de progrès significatifs dans l'abolition du travail forcé.
L'orateur a insisté sur la question de l'appartenance ethnique dans le cadre du problème du travail forcé puisqu'il est surtout pratiqué dans les Etats frontaliers du Myanmar tels que l'Etat de Karen, l'Etat Mon, l'Etat Chin et la commune de Tavoy à la frontière de l'Inde. Les militaires forcent souvent les gens à travailler sans rémunération comme porteurs ou pour d'autres travaux militaires. L'orateur a cité en exemple le cas d'un civil de l'ethnie Karen qui a été forcé à travailler à maintes reprises pour les militaires - notamment le transport d'équipement militaire très lourd - durant une période prolongée, avec peu de repos et aucune provision d'eau ou de nourriture. Il a décrit aussi les perturbations et traumatismes infligés à l'ensemble des villageois par la fuite des jeunes hommes en vue d'éviter d'être réquisitionnés pour du travail forcé. Bien que les villageois aient pris connaissance de l'ordonnance du général Khin Nyunt prohibant le travail forcé, ils n'ont pas cru que cela s'appliquait à leur région puisque l'armée a continué d'y avoir recours comme d'habitude. Bien que le Conseil d'administration à sa 282e session en novembre 2001 ait requis que l'arrêté complétant l'arrêté no 1/99 soit diffusé dans les principaux dialectes afin de permettre au peuple de comprendre les efforts continus déployés par la Mission de haut niveau, on constate que ces arrêtés n'ont pas été diffusés dans les mass media et n'ont été distribués qu'en anglais et en birman, ce qui a causé des malentendus.
En conclusion, l'orateur a déclaré qu'il n'y a aucune preuve que le gouvernement du Myanmar a pris des mesures spécifiques et sérieuses. Par conséquent, il a insisté pour que le gouvernement du Myanmar donne une explication raisonnable sur les mesures entreprises jusqu'à maintenant afin d'appliquer les recommandations de la commission d'enquête qu'il a d'ailleurs acceptées. Il demande de plus aux mandants de l'OIT de continuer à prendre des mesures concrètes afin de cesser le commerce et l'assistance qui pourraient contribuer à maintenir les pratiques discriminatoires de travail forcé à l'encontre des minorités ethniques.
Le membre gouvernemental du Japon a exprimé son appréciation au Directeur général pour ses efforts dans le renforcement du dialogue et la coopération avec le gouvernement du Myanmar et s'est félicité de l'accord entre l'OIT et le gouvernement du Myanmar portant sur l'établissement d'un officier de liaison de l'OIT. Il s'est aussi félicité de la nomination de M. Leon de Riedmatten, du Centre pour le dialogue humanitaire, au poste d'officier de liaison par intérim, et a exprimé sa satisfaction pour son rapport.
L'orateur a considéré qu'il est de la plus haute importance pour le gouvernement du Myanmar de prendre les mesures nécessaires en réponse aux recommandations de la commission d'enquête, de façon à satisfaire aux attentes des Membres de l'OIT exprimées depuis deux ans. Il a espéré que le premier pas du gouvernement du Myanmar serait une pierre angulaire pour travailler à l'établissement d'une représentation effective et permanente de l'OIT au Myanmar. Il a encouragé les autorités dans leurs efforts pour assurer une élimination rapide et effective du travail forcé et a fait référence à la levée des restrictions imposées au mouvement de Daw Aung San Suu Kyi le 6 mai 2002 qui pourrait créer un environnement favorable en vue de faciliter la démocratisation et la réconciliation nationale et contribuer à l'élimination du travail forcé. Enfin, l'orateur a espéré qu'il serait possible au gouvernement du Myanmar et à l'OIT de travailler ensemble de façon résolue et a fermement espéré qu'un chargé de liaison serait prochainement nommé et qu'il s'acquitterait de sa tâche de coopération soutenue aux fins d'éliminer le travail forcé.
L'orateur a déclaré que les relations entre le Japon et le Myanmar ne contiennent et ne contiendraient aucun élément induisant directement ou indirectement le travail forcé. Par ailleurs, aucun projet d'assistance élaboré par le Japon dans le domaine des besoins humains fondamentaux, y compris la réhabilitation de l'usine hydroélectrique no 2 de Baluchaung, qui produit 24 pour cent de l'électricité totale dans le pays et qui nécessite une réfection, n'implique le recours au travail forcé. L'orateur a rappelé que le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies a fait état d'un besoin d'assistance humanitaire supplémentaire au Myanmar, particulièrement dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'énergie électrique et de l'aide alimentaire. L'orateur a enfin déclaré que, si le processus de démocratisation devait effectivement se poursuivre, le gouvernement du Japon soutiendrait plus activement les efforts vers la construction de la nation.
En réponse aux commentaires du membre travailleur du Japon, l'orateur a déclaré que le gouvernement du Japon respecte strictement ses obligations en vertu des instruments internationaux applicables et des lois et règlements japonais dans le traitement des étrangers au Japon.
Le membre gouvernemental des Etats-Unis a déclaré que la situation du travail forcé au Myanmar est une préoccupation constante pour son gouvernement. Des initiatives dans le bon sens ont été prises par les autorités du Myanmar depuis la session spéciale de la commission l'année dernière, notamment dans les semaines suivant le Conseil d'administration du mois de mars. Plusieurs indications de bonne volonté et un nombre important de mesures touchant aux procédures ont vu le jour. Toutefois, à ce jour, les recommandations de la commission d'enquête sont toujours loin d'être intégralement mises en uvre: la loi sur les villes et la loi sur les villages doivent toujours être rendues conformes à la convention no 29, et les arrêtés pris à ce jour sont loin d'être suffisants; des instructions claires, détaillées et adéquatement divulguées sont toujours nécessaires afin d'assurer que le travail forcé n'est pas imposé en pratique, particulièrement par les autorités militaires, et les peines sanctionnant l'imposition du travail forcé doivent être appliquées de façon stricte sur la base d'enquêtes approfondies, de poursuites et de la condamnation judiciaire de ceux reconnus coupables.
La commission d'experts, la Mission de haut niveau et, plus récemment, le chargé de liaison ad interim de l'OIT ont soumis des suggestions détaillées quant à l'application des recommandations de la commission d'enquête. Les autorités du Myanmar doivent y donner suite sans délai. Il serait notamment urgent de mettre en place sans délai une représentation permanente de l'OIT au Myanmar. De plus, un médiateur indépendant et impartial, qui serait chargé d'enquêter sur les allégations de travail forcé, compléterait les autres mécanismes de contrôle et de sanction déjà en place. La controverse quant au meurtre de sept villageois de l'Etat de Shan démontre la nécessité de ce type d'enquête indépendante et externe.
Enfin, l'oratrice a souligné que l'objectif de l'OIT n'est pas de punir le Myanmar mais de l'aider, de façon constructive, à l'éradication d'une pratique qui est une offense à la dignité humaine et que tous les Membres de l'OIT s'entendent à ne pas tolérer. Tant que les trois recommandations de la commission d'enquête n'auront pas été appliquées, l'Organisation internationale du Travail devra maintenir les mesures qu'elle a adoptées à la 88e session de la Conférence, conformément à l'article 33 de sa Constitution.
Le membre gouvernemental de l'Inde a déclaré qu'après avoir attentivement examiné l'ordre du jour et l'information disponible devant la commission il a accueilli avec enthousiasme la nomination de M. Leon de Riedmatten comme chargé de liaison de l'OIT ad interim en attendant la nomination d'un chargé de liaison à plein temps, conformément au protocole d'entente entre le gouvernement du Myanmar et l'OIT. L'Inde note avec satisfaction les activités entreprises par le chargé de liaison à ce jour ainsi que la coopération du gouvernement du Myanmar. L'Inde, par principe, a toujours appuyé la démarche promotionnelle suivie par l'OIT pour les questions relevant de sa compétence et s'oppose, en conséquence, à toute démarche tendant à faire avancer ses objectifs par la sanction. L'Inde est convaincue que les objectifs de l'OIT peuvent être mieux promus par le dialogue, la coopération et l'assistance technique. L'orateur espère la continuation de la collaboration complète du gouvernement du Myanmar. L'Inde encourage les deux parties à continuer leur dialogue afin de résoudre les questions pendantes tout en gardant à l'esprit de supprimer les mesures prises à l'encontre du Myanmar.
Le membre employeur du Japon a réitéré que les employeurs étaient optimistes tout en demeurant réalistes, et il a exprimé le ferme espoir que la pratique du travail forcé soit éliminée le plus tôt possible au Myanmar. Il a félicité le Directeur général et le personnel du BIT pour les efforts déployés. Il a cité le paragraphe 28 du document D.6(Corr.) qui fait état de diverses mesures qui pourraient être entreprises par le chargé de liaison et a déclaré que l'OIT était compétente pour s'acquitter de cette tâche. Enfin, il a souligné l'importance d'une large participation tripartite de même que de la coopération technique afin de mettre un terme au travail forcé au Myanmar.
Les membres employeurs ont pris note du débat sérieux et approfondi qui était nécessaire en raison des problèmes concernés. L'orateur a noté des signes de progrès tels que les procédures établies pour la coopération entre le gouvernement du Myanmar et l'OIT ainsi que diverses mesures administratives. La coopération technique est très importante dans la recherche du progrès. Toutefois, en ce qui concerne le fond de l'affaire, de petits pas ont été accomplis mais de plus grands pas sont nécessaires. De nombreux obstacles existent toujours tels que la taille du pays, sa nature fermée, l'implication des autorités à différents niveaux et le fait que le travail forcé est une pratique de longue date et qui prendra du temps à disparaître.
Une présence permanente de l'OIT au Myanmar est cruciale jusqu'à la résolution du problème. Les mesures mentionnées dans le rapport de l'officier de liaison, telles que la promotion de l'emploi, doivent aussi être prises. Le gouvernement doit réaliser que le travail forcé ne nuit pas seulement aux victimes mais également au pays tout entier par les opportunités perdues et une mauvaise image au sein de la communauté internationale. En général, même si la situation présente une lueur d'espoir, elle comporte encore une grande part d'obscurité. Les conclusions de la Commission de la Conférence doivent refléter à la fois les progrès déjà réalisés et les problèmes importants qui persistent dans l'abolition du travail forcé de façon à stimuler davantage le dialogue avec le gouvernement du Myanmar en vue d'une résolution du problème.
Le membre gouvernemental du Myanmar a déclaré avoir écouté la discussion avec beaucoup d'intérêt et a apprécié les déclarations des orateurs, en particulier celles de l'Association des Nations du Sud-Est asiatique (ANSEA), qui s'est félicitée des changements mis en uvre.
En ce qui concerne la nomination d'un médiateur, l'orateur a déclaré que le Myanmar dispose déjà d'un système pour traiter les plaintes: la division des affaires juridiques du ministère de la Justice. Cette autorité est chargée de porter les plaintes à l'attention des autorités compétentes pour protéger les intérêts des gens. Les fonctionnaires doivent examiner les plaintes en conformité avec les directives du ministre de la Justice. L'orateur a également noté l'existence de 28 nouvelles sous-communes avec des officiers assistants de commune compétents pour traiter les différends, y compris les plaintes pour travail forcé. Un tel système est plus efficace qu'un médiateur, en raison de l'isolement de nombreuses régions du pays. De plus, l'officier de liaison par intérim a tenu de larges discussions sur le sujet.
L'orateur a déclaré que l'affaire des sept villageois assassinés a fait l'objet d'une enquête et qu'il s'est avéré que les responsables sont des terroristes; de plus, l'affaire ne concerne pas le travail forcé. Les discussions avec M. de Riedmatten ont traité la question.
L'orateur a soulevé une objection au fait que M. Maung-Maung, de la Fédération des syndicats de Birmanie, ait été autorisé à prendre la parole. L'orateur a affirmé que M. Maung-Maung est un terroriste et un criminel, et qu'en conséquence lui laisser prendre la parole constitue un abus de cette tribune de l'OIT.
L'orateur a exprimé son désir de continuer le dialogue et la coopération entre le Myanmar et l'OIT, qui s'est révélée fructueuse. Il a souligné que l'OIT devrait encourager le gouvernement à faire le maximum, mais il ne serait pas positif que les efforts accomplis ne soient pas reconnus. Il attend de la Commission de la Conférence qu'elle réponde positivement à la bonne volonté manifestée par le gouvernement.
Les membres travailleurs ont fait observer que le très vif intérêt suscité par ce débat de la part des membres des trois composantes de cette commission démontre suffisamment que la situation au Myanmar devra être maintenue à l'examen encore longtemps et, en tout état de cause, tant que des progrès réels n'auront pas été constatés, sur les trois plans évoqués par la commission d'enquête et la Mission de haut niveau. Ainsi, tant que la législation du Myanmar n'aura pas été rendue conforme à la convention no 29, que la pratique du travail forcé n'aura pas disparu et enfin que les personnes reconnues coupables d'imposer du travail forcé ne seront pas effectivement poursuivies, la pression sur ce pays devra être maintenue. Pour les membres travailleurs, s'il existait au Myanmar de véritables organisations de la société civile et, en particulier, des organisations de travailleurs fortes et indépendantes, comme le prévoit la convention no 87, ratifiée par le Myanmar, de telles organisations pourraient offrir aux victimes de travail forcé le soutien dont elles ont besoin pour pouvoir user des voies de recours qui leur sont ouvertes afin de défendre leurs droits reconnus.
Enfin, devant certains propos du représentant gouvernemental du Myanmar à l'adresse d'un représentant d'une organisation syndicale, M. Maung-Maung, les membres travailleurs ont rappelé qu'en vertu de cette même convention no 87, ratifiée par le Myanmar, les organisations de travailleurs sont libres de désigner leurs représentants et ont attiré solennellement l'attention de la commission sur des menaces contre la sécurité individuelle d'un représentant syndical ainsi désigné.
(non reproduit:
Observation de la commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur l'exécution par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930,
Autres faits nouveaux concernant la question de l'exécution par le gouvernement du Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930,
Rapport de la Mission de haut niveau (documents du Conseil d'administration GB.282/4 et GB.282/4/Appendices),
Procès-verbaux de la discussion à la 282e session du Conseil d'administration des faits nouveaux concernant la question de l'exécution par le gouvernement du Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930 (document du Conseil d'administration GB.282/PV),
Rapport de la mission de coopération technique du BIT au Myanmar (19-25 février 2002) (document du Conseil d'administration GB.283/5/2),
Autres faits nouveaux depuis le retour de la mission de coopération technique du BIT (document du Conseil d'administration GB.283/5/3(Rev.))
Après avoir pris connaissance des informations fournies par le représentant du gouvernement, la commission a pris note avec une profonde préoccupation de l'observation de la commission d'experts évaluant la suite donnée aux trois recommandations de la commission d'enquête en tenant compte des informations contenues dans le rapport de la Mission de haut niveau. En ce qui concerne en premier lieu la loi sur les villes et la loi sur les villages, qui n'ont pas encore fait l'objet de modifications, la commission d'experts a noté que l'arrêté no1/99, tel que complété, a reçu une large publicité et peut momentanément avoir affecté certains projets d'infrastructure civile, mais n'a pas mis un terme aux exactions de travail forcé, notamment par les militaires. Les instructions spécifiques et concrètes et les dispositions budgétaires qui font défaut n'ont pas encore été adoptées, ou du moins préparées, en vue de remplacer effectivement le recours au travail forcé par une offre de salaires et de conditions d'emploi décente, permettant d'attirer librement la main-d' uvre nécessaire. Enfin, aucune sanction n'a été imposée en vertu de l'article 374 du Code pénal ou de toute autre disposition, conformément à l'article 25 de la convention, aux personnes responsables des exactions de travail forcé, et les voies de recours offertes aux plaignants ne sont pas effectives.
La commission s'est par ailleurs penchée sur les informations relatives à la Mission de haut niveau et aux suites qui lui ont été données contenues dans le rapport supplémentaire soumis à la commission. Elle a relevé que, grâce à la coopération des autorités, il a été possible de disposer pour la première fois, à travers ce rapport, d'une évaluation conduite librement sur place ainsi que de l'autre côté de la frontière quant à l'impact de la nouvelle réglementation sur les réalités de la situation du travail forcé à travers le pays. Elle salue également le fait que l'une des recommandations de la Mission de haut niveau visant à assurer une présence de l'OIT au Myanmar ait fait l'objet d'un suivi et que la présence de l'OIT se soit déjà utilement concrétisée à travers la désignation du chargé de liaison ad interim et le rapport qu'il a été déjà en mesure d'établir. Elle souligne cependant que cette présence n'est qu'un moyen et ne peut avoir de sens que si le futur chargé de liaison dispose au plus vite de la capacité et du soutien administratif, ainsi que des facilités qui lui permettront de conduire les différentes activités pouvant contribuer à la mise en uvre effective de l'interdiction du travail forcé. Ces facilités doivent inclure notamment la liberté de mouvement et de contact et exigent la coopération de toutes les autorités, y compris militaires. La commission regrette par ailleurs qu'aucune suite concrète n'ait été donnée jusqu'ici aux autres importantes suggestions présentées par la Mission de haut niveau en ce qui concerne, d'une part, les allégations relatives à l'assassinat de victimes du travail forcé dans l'Etat de Shan et, d'autre part, l'institution d'une forme de médiation indépendante et crédible qui pourrait offrir une voie de recours à laquelle les futures victimes puissent faire confiance. Une telle institution est d'autant plus nécessaire, en l'absence de la liberté syndicale, dont le lien avec la situation du travail forcé a été souligné par la Mission de haut niveau. La commission regrette aussi que la meilleure diffusion des dispositions interdisant le travail forcé par tous les moyens et dans toutes les langues appropriées, qui avait été réclamée par la Mission de haut niveau, n'ait pas été suivie d'effet. De manière générale, la commission souligne la nécessité d'un progrès réel, rapide et vérifiable non seulement sur le plan des procédures, mais aussi et surtout sur la réalité persistante du travail forcé et l'impunité générale des responsables, notamment militaires. Elle encourage le Bureau et le Directeur général à poursuivre résolument leurs efforts sur l'ensemble de ces questions, et le dialogue avec le gouvernement et toutes les parties concernées, ainsi qu'à faire rapport au Conseil, auquel il appartiendra d'examiner, selon le cas, les conséquences qu'il conviendrait de tirer des progrès ou de l'absence de progrès à sa session du mois de novembre 2002.
La commission a pris note à cet égard que le représentant du Myanmar, au terme du débat, a exprimé la volonté de son gouvernement de s'acquitter de ses obligations internationales et de poursuivre le dialogue avec l'OIT.
Elle rappelle enfin que le gouvernement devra soumettre, pour examen par la commission d'experts, à sa prochaine session, un rapport détaillé sur toutes les mesures adoptées pour assurer le respect de la convention dans la législation et dans la pratique.