National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
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Une représentante gouvernementale, ministre du Travail, de la Sécurité sociale et de la Solidarité, a déclaré que la soumission tardive du rapport du gouvernement a été due au fait que les ressources humaines sont limitées et à des changements administratifs au ministère du Travail, à la suite des recommandations de l’OIT, dans le cadre du projet en cours d’assistance technique sur l’administration du travail. Néanmoins, le gouvernement a pu soumettre l’ensemble des rapports demandés pour 2017 en vertu de l’article 22 de la Constitution de l’OIT, le rapport demandé au titre de l’article 19, tous les questionnaires sur la préparation des questions examinées à la présente session de la Conférence, et la réponse du pays aux commentaires de la commission d’experts concernant l’application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui était attendue en 2018. L’oratrice a souligné que le gouvernement actuel promeut la négociation collective et favorise le dialogue social. Le ministère du Travail a donné la priorité absolue au rétablissement de deux principes essentiels de la négociation collective (le principe d’extension et le principe de faveur). Ces deux principes avaient été suspendus en 2011 par le gouvernement précédent. Le gouvernement actuel a placé les droits collectifs du travail au centre de sa stratégie de croissance afin que les travailleurs obtiennent, par le biais de négociations, une juste part de la richesse produite. Le gouvernement a participé à des négociations longues et difficiles avec ses créanciers, à savoir les institutions européennes et le Fonds monétaire international (FMI) qui étaient persuadés qu’un système coordonné de négociation collective entraverait le retour du pays à la croissance et empêcherait le taux de chômage de baisser. Finalement, la persistance du gouvernement pour rétablir le système de négociation collective a porté ses fruits, après de nombreux mois de négociations. La législation, qui entrera en vigueur en août 2018, a déjà été adoptée et rétablit les deux principes essentiels mentionnés plus haut. L’oratrice a estimé que, ce qui est encore plus important que la législation elle-même, c’est la mobilisation politique qui a eu lieu sur cette question en 2017 pendant les négociations avec les créanciers du pays pour défendre le rétablissement nécessaire du système de négociation collective. Au cours de la deuxième étape de la négociation, les questions du marché du travail ont été fermement débattues afin de traiter les questions soulevées par la commission d’experts. Le gouvernement a été appuyé par la Confédération syndicale internationale (CSI), la Confédération européenne des syndicats (CES), plusieurs députés du Parlement européen, le président de la Commission européenne et le BIT. La question de la négociation collective est devenue emblématique et est considérée comme étant au cœur du modèle social européen. Il est donc surprenant que, après autant d’efforts, le gouvernement ait été prié de fournir des explications au motif de la violation de la convention. Depuis huit ans, la Grèce est soumise à des programmes successifs d’ajustement économique dans le cadre d’un programme de financement par la Troïka, c’est-à-dire l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le FMI. Le pays avait signé un protocole d’accord avec ces créanciers pour obtenir un financement, lequel était conditionné notamment à la réalisation de réformes législatives, économiques et politiques spécifiques. Le programme de réforme a été appliqué de 2010 à 2014 pour réduire les coûts de la main-d’œuvre, non seulement en diminuant les salaires, mais aussi en imposant des restrictions générales aux droits relatifs au travail. Afin de parvenir à la dévaluation interne qui était requise, plusieurs mesures sévères ont alors été prises pendant cette période. Elles ont eu pour effet de démanteler les éléments essentiels du système grec de protection de l’emploi, d’où une forte dérégulation du marché du travail et du cadre législatif qui s’est traduite par des violations de la convention. Plus spécifiquement, les réformes adoptées en 2011 ont débouché sur l’abolition des principes d’extension et de faveur, et sur des restrictions à la durée et aux effets dans le temps des conventions collectives. En conséquence, la négociation collective avait cessé d’être une réalité dans le pays. La coordination des négociations collectives avait chuté; les inégalités de revenus et la proportion d’emplois faiblement rémunérés s’étaient accrues considérablement. Dans le même temps, la couverture de la négociation était passée d’environ 85 pour cent de la main-d’œuvre à moins de 30 pour cent. Les contrats individuels, sans protection de la négociation collective, touchaient la majorité de la population active. Ainsi, les salaires annuels réels avaient diminué de 18 pour cent et le travail à temps partiel avait augmenté de 28 pour cent. Néanmoins, ces politiques n’ont pas permis de contenir efficacement la hausse du taux de chômage, qui est de 27,9 pour cent dans l’ensemble de la population et d’environ 60 pour cent pour les jeunes. Le système grec de négociation collective a connu une «décentralisation désorganisée». La confiance parmi les partenaires sociaux, et entre les partenaires sociaux et l’Etat, en avait considérablement pâti. Telle était la réalité que le nouveau gouvernement a essayé de renverser, en 2015, avec un nouveau paradigme axé sur les droits sociaux. L’objectif du nouveau gouvernement était d’atténuer la grave crise humanitaire qui avait abouti à l’effondrement de la société grecque entre 2010 et 2014, et de poursuivre le redressement de l’économie en réduisant le fort taux de chômage et en donnant plus de moyens d’action à la main-d’œuvre. Les négociations susmentionnées ont de fait abouti au rétablissement des deux principes fondamentaux susmentionnés, à savoir l’extension des conventions collectives et le principe de faveur. Comme déjà indiqué, la restauration de ces principes est inscrite dans la loi depuis mai 2017 et entrera en vigueur en août 2018. Les derniers détails techniques ont été convenus récemment avec les partenaires sociaux, ce qui ne laisse aucun doute sur le fait que la négociation collective sera rétablie dans le pays en août 2018.
Passant à la question du système d’arbitrage en Grèce, l’oratrice a rappelé que l’arbitrage a toujours fait partie du cadre législatif grec pour le règlement des différends collectifs. L’article 22, paragraphe 2, de la Constitution grecque dispose que les conditions générales de travail sont déterminées par la loi, et complétées par des conventions collectives et, lorsque la négociation collective volontaire n’aboutit pas, par des sentences arbitrales. Depuis 1990, ce système est confié à une entité autonome, l’Organisation pour la médiation et l’arbitrage (OMED), qui est dirigée pleinement par les partenaires sociaux. Le gouvernement est conscient que la commission d’experts a affirmé à de nombreuses reprises que le droit de recourir unilatéralement à l’arbitrage n’est pas considéré comme compatible avec la convention. Néanmoins, les dispositions spécifiques de la Constitution grecque, ainsi que les décisions répétées des cours suprêmes grecques, ont été respectées par le gouvernement. Les cours suprêmes ont établi que les dispositions et les principes directeurs de la convention avaient été déjà mis en œuvre par les dispositions de la Constitution grecque pour la négociation volontaire et l’arbitrage, et qu’aucun problème de compatibilité ne se pose. En 2012, lorsque le gouvernement précédent a tenté d’abolir le recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire, l’ensemble des membres du Conseil d’Etat a invalidé en 2014 cette abolition au motif qu’elle allait à l’encontre des dispositions de la Constitution grecque. De plus, en vertu de la décision no 2307/2014, en Grèce: a) l’établissement d’un système d’arbitrage constitue une obligation constitutionnelle; b) le recours unilatéral à l’arbitrage constitue également un droit constitutionnel; et c) les sentences arbitrales doivent couvrir toutes les questions qui peuvent être négociées pendant la négociation collective et ne peuvent pas se limiter à la détermination des salaires. Conformément à ces obligations constitutionnelles, le cadre législatif en vigueur dispose que le droit de recourir de manière unilatérale à l’arbitrage n’est donné à l’une ou à l’autre partie que dans les cas suivants: i) l’autre partie refuse de participer à la procédure de médiation; ou ii) après la présentation de la proposition du médiateur. Ainsi, ce droit ne peut être exercé que lorsque toutes les possibilités de négociations libres et volontaires ont été épuisées. En outre, plusieurs autres dispositions restreignent également le rôle de l’arbitrage afin de promouvoir la négociation collective volontaire. Par exemple, un arbitrage de second degré a été établi (dans le cadre d’un recours en justice). Ce recours est examiné par une commission composée de cinq membres (deux arbitres, deux juges d’une cour suprême (du Conseil d’Etat et d’Areios Pagos) et un membre du Conseil juridique de l’Etat). De plus, les propositions des médiateurs ainsi que les sentences arbitrales doivent être pleinement justifiées et documentées. En outre, le contrôle judiciaire des sentences arbitrales a été accru et renforcé. Enfin, à la lumière des dispositions de la convention, ainsi que des dispositions de la Constitution grecque, le gouvernement a récemment entamé un dialogue tripartite sur la base d’une étude d’un expert indépendant portant sur la médiation et l’arbitrage dans la négociation collective. A la suite de ce dialogue tripartite, le ministère du Travail envisage d’introduire d’autres amendements à l’arbitrage dans le but d’élargir encore la négociation collective libre et volontaire et les négociations de bonne foi entre les parties, et de renforcer la procédure de médiation. Au moyen de ces amendements à la procédure de médiation, il est espéré que la négociation collective volontaire sera élargie encore et que l’arbitrage se limitera à jouer un rôle complémentaire, conformément aux recommandations de la commission d’experts, tout en préservant les particularités constitutionnelles de la Grèce. En conclusion, l’oratrice a souligné l’importance que le gouvernement actuel attache à la négociation collective et au dialogue social. Dans des conditions extrêmement difficiles, le gouvernement rétablit actuellement un système coordonné de négociation collective et garantit les conditions législatives nécessaires pour promouvoir le dialogue social.
Les membres travailleurs ont regretté que le gouvernement ne se soit pas acquitté de son obligation de faire rapport, condition sine qua non d’un contrôle effectif de l’application des normes de l’OIT. Faisant référence à l’observation de la commission d’experts, ils ont rappelé que, compte tenu du fait que les petites entreprises sont majoritaires sur le marché du travail grec, l’abandon du principe de faveur (loi no 3845/2010), conjugué avec la possibilité pour les associations de personnes de conclure une convention collective d’entreprise, lorsque celle-ci n’a pas de syndicat (loi no 4024/2011), avait de graves effets préjudiciables pour tout le fondement de la négociation collective dans le pays. Les chiffres repris dans le rapport de la commission d’experts sont jugés assez édifiants à ce propos: sur les 409 conventions collectives conclues en 2013, 218 l’ont été par des associations de personnes, et seulement 191 par des syndicats. Or le droit à la négociation collective garanti par l’article 4 de la convention est un droit prévu pour les organisations de travailleurs, et il est évident que des associations de personnes ne sont pas des organisations de travailleurs à proprement parler. A l’occasion d’observations précédentes de la commission d’experts, le gouvernement avait expliqué qu’une association de personnes est créée indépendamment du nombre total de travailleurs et pour une durée déterminée; que trois cinquièmes des travailleurs de l’entreprise au moins sont requis pour créer une association de personnes, et que ces travailleurs sont protégés contre le licenciement antisyndical et peuvent déclencher des actions de grève. Les membres travailleurs considèrent que ces explications ne sont guère convaincantes. La recommandation (nº 91) sur les conventions collectives, 1951, prévoit certes que, en l’absence d’organisations de travailleurs, il est possible pour les représentants des travailleurs intéressés, dûment élus et mandatés par ces derniers en conformité avec la législation nationale, de conclure des conventions collectives. Toutefois, il ressort des travaux préparatoires de cette recommandation que cette possibilité a été introduite afin de prendre en considération les cas des pays où les organisations syndicales n’ont pas atteint un niveau de développement suffisant et afin que les principes posés par la recommandation puissent être appliqués dans ces pays. Or la Grèce n’est certainement pas un pays où les organisations syndicales sont insuffisamment développées, et la législation nationale prévoit que, pour les travailleurs dans les PME, la représentation se fait via les syndicats sectoriels. Les membres travailleurs se sont également référés à la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, ratifiée par la Grèce, qui prévoit en son article 3, paragraphe 2, que des mesures appropriées devront être prises, chaque fois qu’il y a lieu, pour garantir que la présence de représentants non syndicaux ne puisse servir à affaiblir la situation des organisations de travailleurs intéressées. Il en résulte trois conséquences: i) les principes et normes de l’OIT impliquent que les Etats sont tenus de promouvoir et développer la négociation collective: ii) cette négociation doit se faire à un niveau qui permette de faire participer les organisations des travailleurs; et iii) le fait de prévoir via la législation que des accords au niveau de l’entreprise peuvent déroger aux accords sectoriels et nationaux, dans un contexte où les organisations syndicales ne sont pas présentes au niveau de l’entreprise, constitue une violation des conventions et recommandations de l’OIT.
Les membres travailleurs ont en outre souligné que le Comité de la liberté syndicale avait eu l’occasion d’observer, dans des cas concernant l’Espagne et la Grèce, que «la mise en place de procédures favorisant systématiquement la négociation décentralisée de dispositions dérogatoires dans un sens moins favorable que les dispositions de niveau supérieur peut conduire à déstabiliser globalement les mécanismes de négociation collective ainsi que les organisations d’employeurs et de travailleurs et constitue en ce sens un affaiblissement de la liberté syndicale et de la négociation collective à l’encontre des principes des conventions nos 87 et 98». Dès lors, il incombe au gouvernement de prendre les mesures appropriées afin de promouvoir de manière effective le droit à la négociation collective avec les organisations de travailleurs. S’agissant du recours à la procédure d’arbitrage obligatoire, les membres travailleurs ont estimé que la nature du système existant avait pour effet de renforcer la position des employeurs en leur permettant de ne pas participer aux procédures de résolution des différends. Aussi est-il demandé au gouvernement, dans la réponse que ce dernier va apporter à la décision du Conseil d’Etat jugeant inconstitutionnelle la suppression du recours unilatéral à l’arbitrage, d’adopter une approche consistant à restaurer des mécanismes de négociation collective effectifs. Enfin, pour ce qui est de la protection contre le licenciement antisyndical soulevé dans l’observation de la commission d’experts, les membres travailleurs considèrent que cette question s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des formes de travail flexibles (flexibilité dans la prérogative de la direction d’une entreprise de mettre un terme aux contrats de travail à plein temps, imposition unilatérale d’horaires de travail réduits, durée plus longue du recours autorisé aux agences de travail temporaire, allongement de la période d’essai et de la durée maximale des contrats à durée déterminée). Toutes ces modalités ont pour conséquence de rendre les travailleurs plus vulnérables aux pratiques déloyales et aux licenciements injustifiés. Il est dès lors nécessaire que des mesures soient prises afin de veiller à ce que les travailleurs bénéficient d’une protection adéquate contre les discriminations portant atteinte à la liberté syndicale. Les membres travailleurs ont terminé leur propos en faisant observer que la question de la décentralisation de la négociation collective et celle du rôle joué par les associations de personnes ne sont pas seulement le fait du gouvernement. Il s’agit de mesures conditionnelles, de diktats, imposés à la Grèce depuis 2010 dans les négociations avec la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le FMI. Il y a lieu de préciser que l’achèvement du programme d’ajustement n’implique nullement la fin des mesures conditionnelles imposées par les créanciers qui réaffirment que la Grèce restera sous stricte surveillance. Dès lors, l’examen du cas de ce pays constitue plutôt une opportunité pour les membres travailleurs de rappeler que la logique de l’austérité avec toutes ses conséquences dramatiques sur les travailleurs et les sociétés sont incompatibles avec les principes et normes fondamentales de l’OIT.
Les membres employeurs ont indiqué qu’ils partagent les préoccupations des membres travailleurs et de la commission d’experts face à l’absence de présentation de rapport du gouvernement à la commission d’experts, qui empêche cette dernière de procéder à l’examen approfondi de la question. Cela restreint la capacité de la Commission de la Conférence à examiner des informations récentes. La convention exige que des mesures appropriées aux conditions nationales soient prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges des procédures de négociation volontaire des conventions collectives entre les employeurs ou les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi. Se référant à la décision du Conseil d’Etat sur l’inconstitutionnalité de la disposition de la loi no 4046 du 14 février 2012 qui prévoit la suppression du recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire, les membres employeurs ont indiqué qu’il semble que le gouvernement encourage à recourir à l’arbitrage obligatoire plutôt qu’à la négociation volontaire. La commission d’experts a pris note des questions soulevées par la Fédération grecque des entreprises et industries (SEV) et de ses préoccupations concernant l’insistance du gouvernement à maintenir des règlements permettant le recours à l’arbitrage obligatoire pour contourner la négociation collective. Les membres employeurs ont exprimé leur préoccupation face à l’absence de réponse aux questions soulevées par la SEV. Les employeurs se sont dits surpris de la déclaration du gouvernement selon laquelle l’une de ses priorités premières est de rétablir un système de négociation collective, puisqu’il indique aussi que l’arbitrage a toujours fait partie du système juridique grec, en dépit des nombreuses observations de la commission d’experts mentionnant qu’un système d’arbitrage obligatoire ne remplit pas l’obligation découlant de la convention. Le gouvernement a déclaré prendre en considération la décision du Conseil d’Etat à la lumière de la Constitution du pays. La déclaration du gouvernement semble signifier que, compte étant tenu des récents amendements, il s’est acquitté de ses obligations découlant de la convention, et que la responsabilité revient donc aux organisations de travailleurs et d’employeurs. L’arbitrage obligatoire a un effet de distorsion sur le marché du travail et pourrait affecter sensiblement les résultats des négociations. En 1978, le rapport de mission du Programme international pour l’amélioration des conditions et du milieu de travail (PIACT) concernant la Grèce indiquait que le recours systématique à l’arbitrage obligatoire a non seulement pour effet d’empêcher l’instauration d’une tradition de dialogue entre les partenaires sociaux, mais dissuade également les organisations syndicales de concevoir des politiques. La prédiction selon laquelle le recours systématique à l’arbitrage obligatoire étoufferait la négociation collective s’est avérée exacte.
Les membres employeurs ne sont pas d’accord avec les membres travailleurs lorsque ces derniers affirment que le statu quo est favorable aux employeurs du pays. Ils conviennent néanmoins que le gouvernement devrait rétablir des mécanismes efficaces de négociation collective. Les dispositions législatives qui permettent à l’une ou à l’autre partie de demander unilatéralement un arbitrage obligatoire pour régler un différend ou établir une convention collective ne sont pas de nature à promouvoir la négociation collective volontaire, et étouffent la négociation collective et sont contraires à la convention. Les membres employeurs ont prié instamment le gouvernement de veiller à ce que ni une décision d’un tribunal national ni un amendement législatif ne fasse de l’arbitrage obligatoire le processus normal pour régler les différends ou établir des conventions collectives. Ils ont demandé une fois encore au gouvernement d’examiner le système d’arbitrage existant avec les partenaires sociaux, en vue de le mettre en conformité avec les normes internationales du travail. Un véritable dialogue social fort avec les organisations de travailleurs et d’employeurs au niveau national est nécessaire pour régler les questions liées au recours à l’arbitrage obligatoire, y compris en ce qui concerne sa portée. Enfin, les membres employeurs ont demandé au gouvernement de prendre des mesures immédiates à cet égard et de présenter un rapport complet à la commission d’experts sur les mesures prises, avant sa session de 2018.
La membre travailleuse de la Grèce s’est félicitée du soutien offert par l’OIT pour contrôler l’application des normes du travail, ainsi que de son assistance technique. Le gouvernement n’ayant pas résolu les problèmes auxquels le pays est confronté en termes de ressources humaines, celui-ci ne respecte pas ses obligations concernant la soumission de rapports à l’OIT. La négociation collective, déstabilisée par des restrictions légales répétées, n’a toujours pas été rétablie et les problèmes posés par des ingérences importantes dans la négociation collective volontaire et dans le principe de l’inviolabilité des conventions collectives librement conclues, soulevés par le Comité de la liberté syndicale, n’ont pas été traités efficacement. Un certain nombre de questions sont en suspens, notamment: l’infraction réglementaire consistant à fixer le salaire minimum à des niveaux de pauvreté et à l’abaisser encore pour les jeunes travailleurs; la suppression de la Convention générale collective nationale (NGCA), en refusant le droit des partenaires sociaux qui l’ont signée à la négociation collective; l’affaiblissement de la négociation collective par secteur; la suppression des principes fondamentaux qui protègent les conditions de rémunération et de travail, tels que l’extension des conventions collectives et le principe de faveur; et le fait d’accorder à des associations de personnes non élues la capacité de conclure des accords contraignants au sein de l’entreprise. Ces mesures ont privé les partenaires sociaux du droit fondamental à la négociation collective et des moyens de progresser et de défendre leurs intérêts économiques et sociaux, ce qui provoque une baisse de la couverture conventionnelle qui est passée de 80 pour cent de la main-d’œuvre à un peu plus de 30 pour cent. En outre, des mesures successives ont balayé les garanties institutionnelles qui existaient encore, et qui offraient des règles du jeu équitables sur les marchés du travail, ce qui a eu une incidence sur les licenciements collectifs, les baisses du montant des retraites et le droit de grève. De plus, les autorités ont ignoré l’appel pressant lancé par le Comité de la liberté syndicale d’examiner, avec les partenaires sociaux, toutes les mesures contestées ainsi que leurs répercussions. Pour lutter contre l’effet néfaste que cette accumulation des mesures a sur l’exercice du droit à la négociation collective, et pour que les conventions collectives puissent être conclues, il est nécessaire de garantir la conformité sans équivoque du droit et de la pratique de la Grèce avec la convention et l’ordre constitutionnel du pays. Bien que l’adoption de l’article 5 de la loi no 4475/2017, qui restaure l’extension des conventions collectives et le principe de faveur, soit une bonne chose, le gouvernement a entrepris de rationnaliser et de codifier la législation du travail existante, ce qui implique la consolidation et le maintien de toute la législation préjudiciable adoptée depuis 2010, notamment les dispositions qui vont ouvertement à l’encontre de la convention. Pour ce qui est de la procédure d’arbitrage, le gouvernement ne se conforme pas pleinement à la décision no 2307/2014 prise par le Conseil d’Etat en séance plénière, et la nature du système existant n’est que subsidiaire. Le marché du travail est complètement déréglementé, les travailleurs souffrent de désavantages institutionnels importants, et les pratiques abusives de la part des employeurs empêchent la conclusion de conventions collectives. Par exemple, les employeurs évitent de participer ou refusent d’être désignés en tant qu’organisations d’employeurs. En 2013, la commission a demandé au gouvernement d’instaurer un modèle opérationnel de dialogue social afin de promouvoir la négociation collective, mais le dialogue social tripartite a dégénéré en une procédure fragmentée et superficielle, et tout dialogue existant ne peut être mis au crédit que des partenaires sociaux et de l’OIT. En conséquence, la commission est appelée à: réaffirmer les précédentes recommandations et conclusions des organes de contrôle de l’OIT et demander la révision tripartite des mesures susmentionnées, sur la base de l’évaluation de leurs répercussions, dans le but de rendre la législation et la pratique compatibles avec les droits inscrits dans la convention; mettre l’accent sur le fait que les institutions de négociation collective ne peuvent pas être rétablies efficacement sans abroger toutes les interventions légales qui vont à l’encontre de la convention, y compris les associations de personnes et l’article 2(7) de la loi no 3845/2010, qui réduisent le champ d’application des conventions collectives; rappeler que les autorités publiques devraient éviter toute ingérence limitant le droit à la libre négociation collective ou empêchant qu’il soit exercé légalement; et insister à nouveau sur la nécessité de rétablir le prestige et la pratique du dialogue social tripartite, en priant instamment l’Etat de respecter aussi bien l’autonomie et la représentativité des partenaires sociaux que les résultats de la négociation collective.
Le membre employeur de la Grèce a rappelé les deux thèmes principaux de la discussion: d’abord les conventions collectives d’entreprise et les associations de personnes et, ensuite, le problème de l’arbitrage obligatoire. En ce qui concerne l’habilitation des associations de personnes à représenter les travailleurs au sein d’une entreprise où il n’existe pas de syndicat, cette pratique est parfaitement conforme aux normes de l’OIT, promeut activement la négociation collective et le dialogue social et ne devrait, par conséquent, pas être modifiée. Compte tenu du contexte national particulier, la mise en place d’une réglementation spéciale permettant la création de sections syndicales dans les petites entreprises serait considérée comme une ingérence du gouvernement dans la liberté des travailleurs de s’organiser. La législation ne devrait donc pas être modifiée, qu’elle contienne ou non un principe de faveur. Les organes de contrôle de l’OIT ont estimé que le système actuel, prévoyant un recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire, est contraire aux normes de l’Organisation. Le système d’arbitrage est prépondérant et essentiel dans les relations professionnelles en Grèce, mais le recours à l’arbitrage obligatoire étouffe la négociation collective et explique, dans la pratique, l’absence d’actions collectives et de développement de la négociation collective. Même si du point vue d’un employeur la quasi-élimination des actions collectives peut paraître positive, l’absence presque totale de grèves sur des questions salariales est un symptôme révélant que le système a invariablement conduit à des solutions aisées satisfaisant les travailleurs et indique une distorsion fondamentale de l’environnement de la négociation collective. Cette situation explique en partie l’inexistence presque totale de dialogue social entre les travailleurs et les employeurs ces dix dernières années. L’adoption de la loi no 4303/2014, dans la foulée de la décision du Conseil d’Etat en 2014, a rétabli l’arbitrage obligatoire, mais essentiellement dans les mêmes termes que les lois précédentes, pourtant jugées contraires à la convention par les organes de l’OIT, et le gouvernement a l’intention de poursuivre dans cette voie. Néanmoins, même au vu de cette décision, il est possible d’améliorer considérablement la situation en ajustant la portée de l’arbitrage obligatoire pour qu’elle s’approche le plus possible des normes de l’OIT. La proposition consiste à n’accepter l’arbitrage obligatoire qu’en tant que mesure ultime pour résoudre des conflits collectifs dans les cas suivants: 1) lorsque les employeurs appartiennent à l’administration de l’Etat ou lorsqu’ils fournissent des services essentiels; 2) dans les secteurs de l’économie où la résolution d’un conflit collectif s’impose, car il met en danger l’intérêt public – exception faite de l’administration de l’Etat et des services essentiels –, un conflit collectif au niveau d’une entreprise ou d’une profession ne peut pas être vu comme faisant courir un risque à l’intérêt public, et l’arbitrage obligatoire ne doit donc pas être autorisé dans les différends survenant à ces niveaux; pour les conflits aux échelles sectorielle, régionale ou nationale, il faut démontrer les risques à l’intérêt public pour déterminer s’il convient de recourir à l’arbitrage obligatoire; 3) lorsque l’une des parties refuse de mauvaise foi d’entamer des négociations; 4) lorsque les négociations ont définitivement échoué et qu’un tel échec est avéré par plusieurs conditions cumulatives (au moins une année s’est écoulée depuis l’expiration de la convention collective précédente, les procès-verbaux des négociations montrent qu’une partie refuse d’accepter les propositions réalistes de l’autre et tous les moyens de pression syndicale ont été épuisés). Le recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire est donc inacceptable tant qu’une action de grève n’a pas été menée pour faire pression sur l’employeur. Même si la proposition ne permet pas de satisfaire pleinement aux normes de l’OIT, elle représente une amélioration significative et propose une mesure intermédiaire jusqu’à ce que l’occasion se présente de remédier à la situation au niveau de la Constitution ou de son interprétation. Du reste, il faut apporter des améliorations importantes au cadre actuel de l’OMED, notamment des procédures prévoyant une véritable représentativité des deux parties impliquées dans le conflit, de solides mesures de sauvegarde pour veiller à l’indépendance et aux qualifications professionnelles des arbitres et des médiateurs, des normes visant à ce que les décisions soient suffisamment étayées relativement à leur incidence économique, et l’autogestion totale de l’OMED par les partenaires sociaux en ce qui concerne son organisation administrative ou juridique, son financement et ses procédures internes d’arbitrage et de médiation. En décembre 2017, la SEV a officiellement invité la Confédération générale grecque du travail (GSEE) à discuter d’un nouveau système d’arbitrage mais, depuis, la GSEE a fait connaître son souhait de revenir au système qui existait avant la crise et d’annuler les réformes de la loi no 4303/2014 rétablissant le système d’arbitrage obligatoire, tout en y apportant quelques améliorations marginales par rapport à l’ancien système. La discussion ne s’est pas poursuivie. Quant au gouvernement, il ne manifeste aucune velléité de faire le moindre geste dans la direction indiquée, comme le montre l’absence de toute référence aux changements suggérés dans un document technique rédigé en collaboration avec les créanciers du pays, ce qui montre explicitement que le gouvernement continuera à l’avenir de mépriser la convention au même titre que la convention no 154. Pour conclure, si le gouvernement souhaite véritablement relancer la négociation collective, il est invité à commencer par prendre des mesures pour se conformer à la convention et, si les travailleurs ont la conviction que la négociation collective libre est l’un des piliers d’un dialogue social efficace, ils doivent trouver le courage de dénoncer l’arbitrage obligatoire.
La membre travailleuse du Royaume-Uni rappelle que la capacité des syndicats et des employeurs indépendants à prendre part à la négociation collective volontaire pour défendre et promouvoir l’intérêt de leurs membres est une valeur fondamentale de l’OIT. Les systèmes de négociation collective efficaces garantissent que les travailleurs et les employeurs ont une voix égale dans les négociations et que les résultats de ces négociations sont justes et équitables. Il est profondément regrettable que les réformes du droit du travail qui ont été introduites depuis 2010 à la demande des créanciers de la Grèce et de la troïka aient conduit au démantèlement du mécanisme de négociation collective et considérablement affaibli la position des travailleurs sur le marché du travail, les privant des moyens institutionnels requis pour faire face aux difficultés économiques. En 2012, le salaire minimum national – qui avait été fixé auparavant grâce à la négociation collective et avait offert un filet de sécurité aux travailleurs faiblement rémunérés – a été considérablement réduit. Le système de négociation collective a été sérieusement affaibli par le retrait de mécanismes d’extension de conventions à l’échelle des secteurs et par le fait que la prévalence est donnée aux conventions à l’échelle des entreprises. Les réformes ont aussi limité la durée et le contenu des conventions collectives, de même que leur effet sur les contrats individuels après leur expiration, tout en imposant des restrictions sévères sur le droit accordé aux parties de demander unilatéralement un arbitrage. Ces mesures ont découragé la négociation collective volontaire dans la mesure où elles permettent aux employeurs d’imposer des salaires bas et de moins bonnes conditions de travail, tout en obligeant les syndicats soit à accepter les termes imposés par les employeurs, soit à risquer des pertes de salaires encore plus importantes et une réduction de leurs droits à la négociation. En outre, il n’existe aucune garantie que les baisses de salaire acceptées au niveau d’un secteur ne soient pas encore accrues par la prolifération d’accords moins favorables à l’échelle d’une entreprise. Le démantèlement des institutions chargées de la négociation collective, la suppression de salaire qui l’accompagne et d’autres mesures d’austérité ont eu des répercussions de grande portée, notamment une augmentation dramatique du risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Par conséquent, l’oratrice appelle le gouvernement à ne pas s’immiscer dans l’autonomie collective des partenaires sociaux et à restaurer de toute urgence le mécanisme de négociation collective.
Le membre employeur de l’Espagne a estimé préoccupant, et pas seulement pour les employeurs grecs, le non-respect par un Etat membre de l’UE, depuis tant de décennies, des normes de l’OIT. La crise de ces dernières années a montré l’interconnexion entre les économies des pays européens. En période de crise, il est d’autant plus important que les partenaires sociaux aient une compréhension commune des problèmes de chaque pays. Il n’est pas possible d’obtenir des résultats sans une telle compréhension et une recherche commune de la solution. L’absence d’une culture de négociations collectives efficaces est probablement l’une des raisons du retard dans l’approbation des réformes structurelles. Le dialogue social n’est pas une création spontanée mais nécessite des conditions préalables et repose sur la construction progressive d’une confiance et d’un respect mutuels entre les partenaires sociaux engagés dans des échanges continus à travers des négociations collectives. Un véritable dialogue social profiterait à la fois à l’économie grecque et aux autres partenaires au sein de l’UE. Par ailleurs, l’arbitrage obligatoire est contraire à l’acquis communautaire. La CES réaffirme que l’abolition de l’arbitrage obligatoire ne devrait susciter aucune appréhension et mettrait la situation en conformité avec les conventions de l’OIT et la Charte sociale européenne. En conclusion, l’orateur a appuyé les propositions de la SEV et a prié le gouvernement de se conformer aux normes de l’OIT et aux normes européennes.
La membre travailleuse de l’Allemagne a indiqué que les réformes adoptées par la Grèce depuis 2010 sont contraires à la convention. Sous la pression de la troïka, le gouvernement a affaibli la validité de la convention collective générale nationale et a remplacé les négociations des partenaires sociaux sur la détermination des salaires minima par la législation. Le gouvernement a également aboli le principe de faveur et fragilisé les conventions collectives d’entreprise. Le pouvoir de négociation des syndicats indépendants a été compromis par l’autorisation donnée aux associations de personnes d’agir et de négocier en tant que représentants des travailleurs. Les effets dévastateurs de la décentralisation des négociations collectives sont indéniables. Les conventions collectives d’entreprise sont désormais la principale forme de négociation collective, représentant plus de 90 pour cent de l’ensemble des accords en 2015. Près de la moitié d’entre elles ont été négociées avec des associations de personnes. Le nombre de conventions collectives de branche est passé de 65 en 2010 à seulement 12 en 2015. Etant donné le nombre disproportionné de petites et microentreprises en Grèce, la protection assurée par une convention collective a chuté de 85 pour cent avant la crise à 10 pour cent en 2016, selon les estimations. Les réductions de salaire sont plus fortes lorsque les négociations sont menées au niveau de l’entreprise et avec des associations de personnes et non avec des syndicats représentatifs. Le dialogue poursuivi dans le cadre des conventions collectives est devenu difficile ou, dans certains cas, a totalement cessé. Si cette situation se prolonge, ce sont les droits collectifs et la participation démocratique des travailleurs qui sont menacés. Par conséquent, l’oratrice a demandé instamment au gouvernement de rétablir, dans les meilleurs délais, le cadre institutionnel de façon à ce qu’un partenariat social effectif et des négociations collectives libres soient garantis à tous les niveaux, notamment au niveau de l’entreprise et à l’échelle nationale. Qui plus est, la représentation des intérêts des travailleurs par des associations de personnes et non par des syndicats doit être interdite par la loi. L’oratrice a prié instamment les Etats membres de l’UE d’aider la Grèce à rétablir une société pacifique et à rebâtir un système de négociation collective démocratique et juste.
La membre travailleuse de la France a estimé qu’il était regrettable que les programmes d’ajustement économiques mis en œuvre en Grèce depuis un certain nombre d’années aient fait l’économie d’un dialogue social effectif, constat partagé à la fois par les travailleurs et les employeurs. En dépit des recommandations des organes de contrôle formulées à plusieurs reprises, les seuls formats de dialogue social effectif sont ceux qui impliquent la présence du BIT dans le cadre de l’assistance technique. Les accords bipartites entre travailleurs et employeurs sont tout simplement ignorés et des mesures concernant le droit du travail, et la négociation collective ont été prises en dehors de toute consultation avec les partenaires sociaux. Ces derniers ont clairement demandé de réinstaurer un dialogue social tripartite effectif dans le cadre d’un accord sur la négociation collective générale en mars 2018, demande déjà formulée dans des déclarations communes en 2015 et 2016. Alors que la Grèce a ratifié la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, les partenaires sociaux ne sont même pas conviés à travailler sur les rapports dus par la Grèce. L’oratrice a demandé la restauration du dialogue social tripartite dans un cadre structuré et dont les procédures respectent l’expérience et les connaissances des partenaires sociaux.
Le membre employeur de la France a déclaré que la question de l’arbitrage obligatoire en Grèce devait être examinée au regard des conventions nos 98 et 154, toutes deux ratifiées par la Grèce, ainsi qu’au regard de la recommandation (nº 92) sur la conciliation et l’arbitrage volontaires, 1951, et de la recommandation (nº 163) sur la négociation collective, 1981. Le recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire est un problème persistant et contraire aux principes fondamentaux de l’OIT. En résumé, la législation grecque accorde le droit d’entrer, sans consentement de l’autre partie, dans un processus de médiation et, par la suite, dans un processus d’arbitrage, si la convention collective n’aboutit pas. La décision arbitrale est ensuite assimilée à une convention collective normalement conclue, même en l’absence de l’accord des parties, et possède la même force contraignante qu’une convention collective. L’orateur a montré qu’il existait des contradictions juridiques évidentes entre les instruments précités et la législation nationale et a souligné que le gouvernement ne répondait pas aux préoccupations exprimées par la SEV, quand elle affirme que le recours à l’arbitrage obligatoire unilatéral vient étouffer la négociation collective. Il est temps que le gouvernement prenne des mesures en vue d’assurer la mise en conformité de la législation avec les conventions de l’OIT, l’histoire ayant prouvé que le système d’arbitrage obligatoire, par sa nature même, minait la négociation collective, principe fondamental du dialogue social.
Le membre travailleur du Portugal, s’exprimant aussi au nom de la Confédération syndicale des commissions ouvrières (CCOO) et de l’Union générale des travailleurs d’Espagne (UGT), a déclaré que la restructuration du marché du travail explicitement imposée par les créanciers de la Grèce va à l’encontre des conventions fondamentales de l’OIT et prive les travailleurs de moyens institutionnels pour se défendre et conduire des négociations collectives. Associé à une économie informelle importante, le démantèlement de la négociation collective a amplifié l’impact cumulé négatif sur l’emploi, exacerbé des inégalités qui existaient déjà et gravement compromis le droit au travail. D’après les statistiques sur le taux de chômage dans le pays, celui-ci reste le plus élevé dans l’UE, malgré une baisse récente. Le chômage est souvent de longue durée et touche plus d’un million de personnes, en particulier les jeunes, ce qui montre qu’il présente de plus en plus des caractéristiques structurelles. En outre, alors que les emplois à temps plein accusent une baisse, on constate que le nombre de travailleurs à temps partiel et d’emplois à rotation de postes – ce que l’on appelle les formes flexibles de travail – sont en hausse, alors même que ces emplois précaires ne peuvent pas contribuer à une progression durable de l’emploi. La perturbation des relations professionnelles a de fait conduit à une dégradation de la protection fondamentale de l’emploi et à une hausse alarmante du nombre de conventions collectives négociées au niveau des entreprises.
La membre travailleuse de la Suède, s’exprimant au nom de la CSE, a déclaré que l’état de droit peut être respecté seulement si les Etats membres se conforment aux normes juridiques internationales, même dans des situations économiques difficiles. Le cas en l’espèce concerne les droits de l’homme. Le système de négociation collective en Grèce a été radicalement restreint et démantelé, ce qui a ouvert la voie à des violations. Les syndicats grecs ont entrepris diverses actions juridiques pour rétablir le système de relations professionnelles et le droit à la négociation collective, ainsi que pour garantir et appliquer les accords. En conséquence, depuis 2011, des juridictions nationales, des organes de contrôle internationaux et des procédures spéciales ont identifié des violations des normes internationales des droits de l’homme, dont des droits relatifs au travail et à la sécurité sociale. Ces organismes ont exprimé de profondes préoccupations concernant l’impact des mesures d’austérité et ont regretté profondément que leurs recommandations n’aient pas été suivies. Aucun progrès n’a été réalisé pour faire en sorte que les droits garantis dans la convention soient respectés dans la pratique. On citera par exemple la décision d’établir par voie légale le salaire minimum sans consulter les partenaires sociaux et d’accepter que des accords d’entreprises soient conclus avec des associations de personnes ne présentant aucune garantie en matière d’élections et de représentativité. La CSE a critiqué les mesures d’austérité et assuré la GSEE de sa solidarité et de son soutien, en demandant au gouvernement de poursuivre un dialogue plein et franc avec la confédération. Il faut garantir et respecter les droits de l’homme. En conclusion, le gouvernement est instamment prié de prendre les mesures nécessaires pour respecter la convention, notamment en modifiant sa législation.
Un observateur représentant l’Internationale des services publics (ISP) et l’Internationale de l’éducation (IE) a dit regretter une fois encore que le gouvernement n’ait pas remis son rapport à la commission d’experts, se soustrayant ainsi aux obligations qui lui incombent au titre de la Constitution et des conventions de l’OIT. Cela empêche une discussion honnête sur le secteur public où la mise en application des mémorandums de 2010 a des conséquences dévastatrices. En Grèce, il n’existe pas de conventions collectives dans le secteur public, y compris dans le système d’enseignement. Il faut se rappeler qu’en Grèce plus de 95 pour cent des écoles sont des écoles publiques et que les salaires et les droits au travail des enseignants sont réglementés par le ministère des Finances et le ministère du Travail. Tous les fonctionnaires sont soumis aux mêmes règles, quel que soit le secteur. Toutes les conventions collectives ont été abrogées depuis l’entrée en vigueur des mémorandums de 2010 et elles ont été remplacées par des contrats de travail individuels. Quoi qu’il en soit, avant l’entrée en vigueur des mémorandums, déjà, les hausses de salaires de l’ensemble des fonctionnaires étaient décidées de manière unilatérale par l’Etat en l’absence de toute consultation. S’agissant des enseignants, d’autres augmentations étaient accordées à la suite de grèves et de mobilisations à grande échelle. Or pendant la dernière grève, le ministère de l’Education a publié des arrêtés de mobilisation des enseignants, les privant de facto de leur droit de grève; une décision qui a par la suite été avalisée par les tribunaux. Il n’y a plus de dialogue social. A titre d’exemple, alors que la Fédération des enseignants du secondaire (OLME) siège au Conseil national de l’éducation et doit être invitée à la Commission de l’éducation du Parlement pour être consultée sur tout nouveau texte de loi qui est déposé, l’Etat n’est pas tenu de tenir compte de ses avis. En quarante-quatre ans d’action syndicale, une certaine forme de dialogue s’était instaurée entre le syndicat et l’unique employeur des enseignants de l’école publique en Grèce, le ministère de l’Education. On ne peut toutefois pas parler de «dialogue social» au sens propre du terme parce qu’il ne débouche pas sur un accord entre les parties. Un véritable dialogue social doit être authentique, crédible et efficace.
La représentante gouvernementale a réitéré que les principes d’extension des conventions collectives et de faveur, qui sont suspendus respectivement depuis 2010 et 2011, seront rétablis en août 2018, après la sortie du programme d’ajustement économique. En outre, il n’est pas exact de dire que le contrôle serait strict après avoir quitté ce programme; au contraire, cela serait uniquement limité à la réalisation des objectifs budgétaires. Le gouvernement actuel estime que ces deux principes sont extrêmement importants pour le fonctionnement d’un système de négociation collective stable, efficace et coordonné, raison pour laquelle il tient à leur restauration. Ces principes évitent le déséquilibre des pouvoirs entre les parties, favorisent le dialogue social et incitent les parties à s’y engager; ils uniformisent les règles et les rendent équitables, réduisent l’inégalité des revenus et permettent une répartition équitable du revenu national. En plus du rétablissement des principes de la négociation collective, une augmentation du salaire minimum est en cours. En outre, des structures de négociation collective coordonnées induisent divers avantages en termes économiques et en termes d’efficacité: réduction des coûts de transaction, plus grande productivité, réduction du chômage et paix sociale. En effet, le rétablissement d’un système de libre négociation organisé et pleinement opérationnel a toujours été et reste au cœur de la stratégie de croissance globale que le gouvernement a élaborée et présentée à l’Eurogroupe le mois dernier. La stratégie repose sur un modèle de croissance socialement équitable et durable, où les droits sociaux sont des conditions préalables et non des goulets d’étranglement pour la croissance économique. A cet effet, elle a rappelé le soutien qu’avait reçu le gouvernement suite aux efforts déployés. Notamment: a) une déclaration conjointe du président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, et du Premier ministre grec en mai 2015; b) un communiqué de presse, des déclarations et des lettres adressés au président de la Commission européenne de la part de nombreux membres du Parlement européen en décembre 2016; c) une déclaration de la CES de 2016; et d) un communiqué de presse conjoint de la CES et de la CSI en 2017, alors que la GSEE est restée silencieuse.
En ce qui concerne le recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire, le gouvernement envisage d’apporter d’autres modifications à l’arbitrage en vue d’améliorer les négociations libres et de bonne foi entre les parties. Les modifications sont les suivantes: 1) le médiateur pourra s’abstenir de toute proposition, bloquant ainsi temporairement la voie vers l’arbitrage, s’il est raisonnablement convaincu qu’il reste une chance de négociation de bonne foi entre les parties; dans un tel cas, les parties retourneront à des négociations directes; 2) le recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire ne sera autorisé que: i) pour la partie qui aura opté pour la médiation, l’autre partie ayant refusé d’y participer; ou ii) pour la partie ayant accepté la proposition du médiateur, quand l’autre partie l’a rejetée. La première condition pénalise la partie qui aurait fait preuve de mauvaise foi en refusant de participer au processus de médiation, tandis que la seconde garantit que le droit de recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire sera accordé uniquement à la partie qui aurait fait preuve de bonne foi et d’un comportement consensuel en acceptant la proposition finale du médiateur. L’oratrice a exprimé des doutes quant à l’argument des membres employeurs selon lequel l’arbitrage porterait atteinte à la négociation collective, et souligné que les données statistiques prouvent que la médiation et l’arbitrage ont un rôle complémentaire dans la négociation collective. Les sentences arbitrales ne représentent en général qu’une petite partie de l’ensemble des conventions collectives. En effet, au cours des vingt-huit dernières années, le taux moyen des décisions arbitrales était de 12 pour cent. Depuis 2014, seulement 7,7 pour cent des conflits collectifs ont conduit à la médiation et seulement 2,3 pour cent d’entre eux ont été résolus par une décision arbitrale. Enfin, plus de 55 pour cent des cas ayant abouti à la médiation et à l’arbitrage ont été résolus sur la base d’un consensus entre les parties, sans nécessité de recours à l’arbitrage. L’oratrice a également rappelé que les amendements à la procédure d’arbitrage ont été décidés à la suite d’un dialogue tripartite approfondi, avec la participation de la SEV. Quelques-unes des propositions soumises par cette dernière ont été prises en compte, tandis que la plupart des autres propositions ont été jugées contraires à la fois à la Constitution de la Grèce et à la décision du Conseil d’Etat mentionnée plus haut. Le gouvernement essaye toutefois de limiter l’étendue du recours unilatéral à l’arbitrage. L’oratrice a conclu que les éléments antérieurs illustrent l’objectif, la stratégie et les priorités du gouvernement visant à renforcer le pouvoir de négociation des travailleurs, à accroître leurs revenus et à poser ainsi les conditions préalables à une croissance socialement équitable et inclusive. Il est important que ces conditions préalables soient définies, au moment où l’économie grecque entre dans une phase de forte reprise. La récession est passée et le pays est revenu à des taux de croissance positifs. Le gouvernement a pris toutes les mesures visant à ce que le nouveau modèle de croissance devienne une réalité. Il appartient désormais aux partenaires sociaux d’utiliser en toute bonne foi les outils qui leur sont donnés et de négocier des conventions collectives favorisant la paix sociale et la promotion de la justice sociale.
Les membres employeurs ont rappelé que plusieurs intervenants ont souligné l’absence de dialogue social au niveau national. L’intervention du gouvernement laisse craindre qu’il se montre réticent à adopter des mesures permettant de respecter pleinement la convention en ce qui concerne la question de l’arbitrage obligatoire. Il demeure préoccupant que le gouvernement n’ait pas soumis à la commission d’experts un rapport sur l’application de la convention. Si des informations statistiques ont été fournies à la Commission de la Conférence, il est nécessaire que les informations soient soumises à la commission d’experts. Quant à l’obligation au titre de l’article 4 de la convention d’encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives, il est précisé que le recours à l’arbitrage obligatoire dans le système grec ne favorise pas la négociation volontaire, et que la commission d’experts a déclaré à plusieurs reprises que les obligations de la convention ne sont pas compatibles avec le recours régulier et répété à l’arbitrage obligatoire. Les membres employeurs estiment que l’arbitrage obligatoire n’est pas conforme à l’article 4 de la convention, et que les lois et la pratique en vigueur en Grèce ne semblent pas justifiées par une quelconque exception acceptable. Par conséquent, le gouvernement doit introduire des changements qui interdisent le recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire, conformément aux prescriptions de la convention. La référence par le gouvernement à la décision du Conseil d’Etat sur les obligations constitutionnelles ne suffit pas à répondre à cette question. Les membres employeurs ont prié instamment le gouvernement de rétablir sans tarder l’interdiction du recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire, lui demandant d’informer la commission d’experts des mesures prises à cet égard et de se prévaloir de l’assistance technique du BIT afin de se mettre en conformité avec la convention.
Les membres travailleurs ont souhaité lever le malentendu concernant le recours à l’arbitrage obligatoire. Ils n’ont pas soutenu que celui-ci était favorable aux employeurs; en revanche, c’est le contexte et la situation générale dans laquelle se trouve le marché du travail grec qui leur sont favorables. Il ressort des discussions au sein de la commission que l’arbitrage obligatoire prévu en Grèce vise à pallier les insuffisances des mécanismes de négociation collective. Les membres travailleurs ont ensuite réitéré qu’un pays comme la Grèce, dont le marché du travail est composé essentiellement de petites entreprises et qui décide de confier la négociation collective à des associations de personnes, ne garantit pas ce droit de manière effective. Si la convention ne s’oppose pas à ce qu’une négociation puisse se mener à des niveaux différents, le choix du niveau de la négociation doit être laissé aux parties, et les autorités ne peuvent fixer de manière unilatérale et générale que les accords conclus au niveau inférieur peuvent déroger aux accords supérieurs. C’est aux parties elles-mêmes qu’il revient de décider s’il y a lieu ou non de permettre à des accords sectoriels ou d’entreprise de déroger aux accords généraux. Cette décision est donc elle-même soumise à la négociation collective. Au moment de répondre à la décision du Conseil d’Etat concernant l’arbitrage obligatoire, il appartient au gouvernement d’adopter une approche globale passant par la réinstauration des mécanismes de négociation collective effectifs. Il lui appartient également de veiller à prendre les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs contre tout acte de discrimination antisyndicale. Ce point revêt une importance particulière eu égard à la situation de l’emploi en Grèce et à la multiplication des formes flexibles de travail. La commission se doit de réaffirmer les recommandations et conclusions antérieures des organes de contrôle de l’OIT et de demander la révision sans retard des mesures susmentionnées dans le cadre d’un examen tripartite fondé sur leur analyse d’impact, en vue de rendre le système législatif et la pratique compatibles avec les droits consacrés par la convention. Il importe enfin de réaffirmer que les pouvoirs publics devraient s’abstenir de toute ingérence qui restreindrait le droit à la libre négociation collective ou entraverait son exercice légal et de rétablir d’urgence le statut et la pratique du dialogue social tripartite, afin de montrer que l’Etat respecte l’autonomie collective, la représentativité et les résultats de la négociation collective.
Conclusions
La commission a pris note des déclarations orales de la représentante gouvernementale et de la discussion qui a suivi.
La commission s’est dite préoccupée par la déclaration du gouvernement sur le système d’arbitrage obligatoire et par la décision du Conseil d’Etat aux termes de laquelle la disposition de la loi no 4046 qui prévoyait la suppression du recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire a été déclarée inconstitutionnelle.
La commission s’est également dite préoccupée par le fait que le gouvernement n’a pas communiqué en temps voulu de rapport à la commission d’experts pour sa dernière session, en novembre 2017.
Prenant en compte les éléments fournis par le gouvernement et la discussion qui a suivi, la commission a prié instamment le gouvernement de:
Prenant en compte que le gouvernement n’a pas satisfait à ses obligations de faire rapport en 2017, la commission l’a prié instamment de respecter à l’avenir ses obligations de faire rapport à la commission d’experts.