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Observation (CEACR) - adopted 2024, published 113rd ILC session (2025)

Worst Forms of Child Labour Convention, 1999 (No. 182) - Chad (Ratification: 2000)

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Article 3 de la convention. Pires formes de travail des enfants.Alinéa a). Toutes formes d’esclavage ou pratiques analogues. Recrutement forcé d’enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés. La commission note l’indication du gouvernement, dans son rapport, selon laquelle le Code de la protection de l’enfant n’a pas été adopté. Pour rappel, l’avant-projet du Code de protection de l’enfant, qui interdit le recrutement et l’utilisation des personnes de moins de 18 ans dans les forces de sécurité nationale et qui prévoit des sanctions à cet effet, envisage également l’établissement de procédures de plaintes transparentes, efficaces et accessibles pour les cas de recrutement et d’utilisation d’enfants dans les conflits armés. Le gouvernement indique néanmoins que la loi no 001/PR/2017 du 8 mai 2017 portant Code pénal a été adoptée, et qu’en vertu de l’article 370 du Code pénal, «quiconque aura facilité l’enrôlement ou l’utilisation des enfants dans les forces ou les groupes armés ainsi que leur utilisation dans les guerres et conflits armés, sera puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 1 000 000 à 10 000 000 de francs CFA».
La commission note, d’après le rapport du Secrétaire général des Nations Unies au Conseil de sécurité du 3 juin 2024 sur le sort des enfants en temps de conflit armé, que: 1) les conflits transfrontaliers et la violence intercommunautaire ont continué de frapper les enfants, en particulier ceux qui vivent dans le centre du Sahel et la région du bassin du lac Tchad; 2) l’ONU a vérifié 2 258 violations graves commises contre 1 193 enfants (505 garçons, 677 filles, 11 de sexe inconnu) dans la région du bassin du lac Tchad, dont 741 enfants qui ont été victimes de violations multiples. Ces violations comprenaient des recrutements et utilisation d’enfants (720 cas) par des forces rebelles ou étrangères; 3) dans la Province du Lac, l’ONU a vérifié 60 violations graves commises contre 59 enfants par des auteurs non identifies, dont 10 cas de recrutements et d’utilisations; 4) le Secrétaire Général a salué les efforts déployés par le gouvernement tchadien pour appliquer son plan d’action visant à lutter contre le recrutement et l’utilisation d’enfants, achevé en 2014, et le protocole de remise de 2014. Il lui a toutefois de nouveau demandé de faire en sorte que les auteurs de violations sur la personne d’enfants soient amenés à répondre de leurs actes et à veiller à ce que tous les programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration et réinsertion sociale tiennent compte des droits et besoins spécifiques des enfants qui ont été associés à des groupes armés (A/78/842S/2024/384, 3 juin 2024, paragr. 8, 270, 271 et 272).
Tout en prenant note du fait que les forces armées gouvernementales semblent ne plus recruter d’enfants, la commission note toutefois avec une profondepréoccupation la poursuite de l’utilisation et du recrutement d’enfants par des groupes armés. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires: i) en vue d’assurer l’élimination, dans la pratique, du recrutement forcé d’enfants de moins de 18 ans par les groupes armés et de procéder à la démobilisation immédiate et complète de tous les enfants; ii) pour assurer que des enquêtes approfondies et des poursuites contre toutes les personnes qui recrutent de force des enfants de moins de 18 ans en vue d’une utilisation dans un conflit armé soient menées, afin que soient plus largement imposées, dans les faits, des peines suffisamment efficaces et dissuasives; et iii) afin d’assurer l’adoption du Code de protection de l’enfance, et ce dans les plus brefs délais. Elle le prie de fournir des informations sur les mesures concrètes prises à cet égard.
Servitude pour dettes, servage et travail forcé ou obligatoire. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que, bien que le travail forcé, y compris la servitude et l’esclavage, soit interdit par la législation nationale, notamment par l’article 5 du Code du travail, une pratique d’exploitation des garçons appelés «enfants bouviers», âgés de 6 à 15 ans, existe au Tchad. Selon cette pratique, un contrat de louage de services est conclu entre les parents ou tuteurs de l’enfant et un éleveur, propriétaire du troupeau. Le garçon est payé en nature – une tête de bétail au bout d’une année –, mais il est soumis à un régime de semi-esclavage où son identité et sa personnalité sont difficilement conservées. La commission note l’indication générale du gouvernement selon laquelle, pour lutter contre cette pratique, il a créé des Comités de protection de l’enfance dans toutes les régions du Tchad. Toutefois le gouvernement ne fournit pas d’informations sur les mesures concrètes prises, y compris par les Comités de protection de l’enfance, pour mettre un terme à la pratique des enfants bouviers. En outre, elle note, d’après le rapport du gouvernement au CRC que: 1) l’éradication de l’exploitation des enfants bouviers est une des préoccupations du gouvernement; 2) l’avant-projet de code de protection de l’enfant interdira expressément cette pratique; et 3) des mesures de renforcement des capacités des acteurs impliqués dans la lutte contre le phénomène ont été prises, notamment en ce qui concerne la gestion et le partage d’information et l’organisation de campagnes de sensibilisation (CRC/C/TCD/3-5, 16 juillet 2024, paragr. 131).
La commission note avec préoccupation que la pratique des enfants bouviers perdure. Elle rappelle à nouveau qu’en vertu de l’article 1 de la convention des mesures immédiates et efficaces doivent être prises de toute urgence pour assurer l’interdiction et l’élimination des pires formes de travail des enfants. Elle prie donc instamment le gouvernement de: i) prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection des enfants de moins de 18 ans contre la pratique des enfants bouviers, et ce de toute urgence; et ii) s’assurer que des enquêtes et des poursuites des contrevenants sont menées et que des sanctions efficaces et dissuasives sont imposées aux personnes reconnues coupables d’avoir eu recours à cette pratique, conformément à l’interdiction du travail forcé de l’article 5 du Code du travail. La commission prie également le gouvernement de: i) fournir des informations à cet égard; et ii) fournir une copie du Code de protection de l’enfant, une fois adopté.
Alinéa b). Utilisation, recrutement ou offre d’un enfant à des fins de prostitution. La commission note que le nouveau Code pénal continue à incriminer le proxénétisme (avec des sanctions aggravantes lorsque le délit a été commis à l’égard d’un mineur – articles 335 et 336). Cependant, la commission note avec regret que le Code pénal ne contient toujours aucune disposition qui incrimine le client, donc l’utilisation des enfants de moins de 18 ans à des fins de prostitution. Par conséquent, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer que la législation contienne des dispositions incriminant spécifiquement le client qui utilise un enfant de moins de 18 ans pour la prostitution. Elle le prie de fournir des informations sur tout progrès réalisé à cet égard.
Alinéa c). Utilisation, recrutement ou offre d’un enfant aux fins d’activités illicites. La commission note avec regret que le nouveau Code pénal ne contient toujours aucune disposition interdisant l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant de moins de 18 ans aux fins d’activités illicites. Une fois de plus, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer que la législation contienne des dispositions interdisant et sanctionnant l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant de moins de 18 ans aux fins d’activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants. Elle prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations à cet égard.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéas a) et b). Empêcher que les enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants et les soustraire de ces pires formes de travail et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Enfants ayant été enrôlés et utilisés dans un conflit armé. Faisant suite à ses commentaires, la commission note l’absence d’information dans le rapport du gouvernement. Elle note toutefois, d’après le rapport du gouvernement adressé au CRC, que: 1) conformément au Protocole d’Accord entre le gouvernement de la République du Tchad et le Système des Nations Unies au Tchad relatif au transfert des enfants associés aux forces ou groupes armés du 10 septembre 2014, un travail d’identification, de transfert et de prise en charge des mineurs se fait régulièrement; 2) en avril 2019, 25 enfants associés aux forces et groupes armés dont un âgé de 15 ans, 13 âgés de 16 ans et 11 âgés de 17 ans ont été retirés de la prison de haute sécurité de Koro Toro et placés dans les Centres de Transit et d’Orientation de N’Djaména pour une prise en charge; 3) en Avril 2021, 96 mineurs ont été identifiés par les forces de sécurité et ont été remis au ministère de la Femme, de la famille et de la Protection de l’Enfance pour leur prise en charge transitoire en prélude à une réunification familiale; 4) le groupe BOKO HARAM utilise fréquemment les enfants pour commettre des forfaits. Dès que les forces régulières récupèrent ces enfants, ils sont remis au ministère en charge de l’action sociale, en partenariat avec l’UNICEF pour leur prise en charge et réunification familiale. Ainsi, pour l’année 2016, le gouvernement a réunifié à leur famille 94 enfants associés au groupe BOKO HARAM, dont 13 filles. En 2017, neuf ont été réunifiés à leur famille dont deux filles; et 5) dans le cadre de ce partenariat, a été créé, à Bol, Province du Lac, un Centre de Transit et d’Orientation qui accueille les enfants associés au groupe BOKO HARAM (CRC/C/TCD/3-5, 16 juillet 2024, paragr. 168, 172, 173, 184 et 185). La commission prie le gouvernement de continuer à renforcer ses efforts et de continuer sa collaboration avec l’ONU et l’UNICEF afin de prévenir l’enrôlement d’enfants dans des groupes armés. En outre, la commission prie le gouvernement de continuer à prendre des mesures pour assurer que les enfants soldats soient soustraits des groupes armés et bénéficient de l’aide directe et nécessaire à leur réadaptation et intégration sociale, y compris en les réintégrant dans le système scolaire ou dans une formation professionnelle, le cas échéant. Elle prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les résultats obtenus à cet égard, notamment en indiquant le nombre d’enfants qui ont bénéficiés de mesures de réadaptation et d’intégration sociale.
Alinéa d). Enfants particulièrement exposés à des risques.Enfants mouhadjirines (talibés). La commission, d’après le rapport du gouvernement au CRC: 1) que l’éradication de l’exploitation des enfants mouhadjirines est une des préoccupations du gouvernement; et 2) l’avant-projet de code de protection de l’enfant envisage l’interdiction de cette pratique à des fins d’exploitation économique (CRC/C/TCD/35, 16 juillet 2024, paragr. 131). La commission rappelle que, bien que la quête de l’aumône utilisée comme un outil pédagogique ne relève pas du mandat de la commission, il est clair que l’utilisation d’enfants pour la mendicité à des fins purement économiques ne peut être acceptée en vertu de la convention (voir Étude d’ensemble sur les conventions fondamentales, 2012, paragr. 483). Elle note donc avec regret que, depuis 2009, le gouvernement ne fournit pas d’information sur les mesures concrètes prises pour protéger les enfants mouhadjirines des pires formes de travail des enfants. Par conséquent, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures dans un délai déterminé pour empêcher que les enfants mouhadjirines de moins de 18 ans ne soient victimes de travail forcé ou obligatoire, tel que la mendicité, ainsi que pour les y soustraire et de prévoir l’aide directe nécessaire et appropriée pour assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Elle le prie de fournir des informations concrètes sur les mesures prises à cet effet, ainsi que sur les résultats obtenus.
Enfants qui travaillent comme domestiques. La commission note avec regret, qu’une fois de plus, le gouvernement ne fournit aucune information sur ce point. Elle rappelle que: 1) dans la pratique, l’emploi abusif des enfants dans les travaux domestiques a été constaté; et 2) que le gouvernement avait indiqué que ce secteur était en voie d’être réglementé. La commission prie le gouvernement de prendre des mesures dans un délai déterminé pour protéger les enfants qui travaillent comme domestiques des pires formes de travail, les y soustraire et prévoir l’aide directe nécessaire et appropriée pour assurer leur réadaptation et leur intégration sociale, notamment par la création de centres d’accueil pourvus de moyens. Elle prie le gouvernement de: i) fournir des informations sur les mesures prises à cet égard; et ii) indiquer si la réglementation portant sur le travail domestique a été adoptée.
À la lumière de la situation décrite ci-dessus, la commission déplore la poursuite du recrutement et de l’utilisation d’enfants par des groupes armés. La commission note également avec une profonde préoccupation que la pratique des enfants bouviers perdure, à travers laquelle les enfants sont soumis à un régime de semi-esclavage, et l’absence d’informations fournies par le gouvernement pour mettre un terme à cette pratique. La commission note en outre avec préoccupation que, depuis 2009, le gouvernement ne fournit pas d’informations sur les mesures prises pour protéger les enfants talibés (ceux qui sont forcés de mendier) du travail forcé ou obligatoire. La commission note également avec regret l’absence continue d’informations concernant les dispositions législatives visant à interdire et incriminer l’utilisation d’un enfant à des fins de prostitution et l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant de moins de 18 ans aux fins d’activités illicites. La commission considère que ce cas répond aux critères énoncés au paragraphe 90 de son rapport général pour être soumis à la Conférence.
La commission soulève d’autres questions dans une demande adressée directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 113 e  session et de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2025.]
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