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Interim Report - Report No 409, March 2025

Case No 3456 (Panama) - Complaint date: 18-NOV-23 - Active

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent le meurtre de manifestants, des arrestations arbitraires, des actes d’intimidation à l’encontre de représentants syndicaux, et la fermeture des comptes bancaires du SUNTRACS en représailles de leur participation à des manifestations contre la décision d’approuver un contrat de concession minière

  1. 260. La plainte figure dans des communications de la Confédération nationale de l’unité syndicale indépendante (CONUSI) et du Syndicat unique des travailleurs de l’industrie de la construction et des secteurs apparentés (SUNTRACS), datées du 18 novembre 2023, des 12 et 19 mars 2024, du 5 août 2024, du 18 novembre 2024 et du 14 février 2025.
  2. 261. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications datées du 6 décembre 2023, du 22 février 2024, du 20 mai 2024 et du 9 janvier 2025.
  3. 262. Le Panama a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 263. Dans une communication datée du 18 novembre 2023, les organisations plaignantes font savoir que le SUNTRACS, ainsi que d’autres organisations syndicales, ont mené des actions de protestation contre la décision du gouvernement d’approuver, par la loi no 406, le contrat de concession minière entre l’État et la Sociedad Minera Panamá S.A. (ci-après la «société minière»). Elles précisent que cette loi a été déclarée inconstitutionnelle par un arrêt de la Cour suprême.
  2. 264. Les organisations plaignantes allèguent que, suite aux actions de protestation, le gouvernement a commis les actes de représailles, à savoir: i) le meurtre des enseignants Abdiel Díaz et Iván Rodrigo Mendoza pendant les manifestations, la mort de deux autres personnes et la détention de 1 500 autres dans le contexte des manifestations contre la loi no 406; ii) des instructions données aux organes de sécurité publique visant à empêcher les manifestations; iii) des poursuites pénales engagées contre les représentants syndicaux des organisations plaignantes et d’autres organisations syndicales; iv) des menaces de mort proférées contre le secrétaire général du SUNTRACS, Saúl Méndez Rodríguez, et du secrétaire aux relations internationales, Jaime Caballero, ainsi que des actes de vandalisme commis dans les locaux du syndicat; et v) la fermeture brutale des comptes bancaires détenus par le SUNTRACS à la banque nationale Caja de Ahorros (ci-après «banque nationale 1»), empêchant ainsi la mise à disposition et l’usage de fonds syndicaux. En ce qui concerne la fermeture des comptes bancaires, les organisations plaignantes précisent que la banque nationale 1, dont le conseil d’administration est présidé par un ministre d’État, se justifie en alléguant l’irrégularité présumée de mouvements associés au blanchiment d’argent et même, d’après un moyen de communication se fondant sur des informations qui auraient été obtenues auprès du gouvernement, au financement d’activités terroristes. Elles indiquent également que, face à ces accusations infondées, le SUNTRACS a engagé des poursuites pénales contre la banque nationale 1 et a interjeté un recours en protection auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme.
  3. 265. Dans une communication datée du 12 mars 2024, les organisations plaignantes ont présenté de nouvelles allégations, dans lesquelles elles affirment que: i) la fermeture des comptes bancaires concerne les comptes du SUNTRACS, de la Cooperativa de Servicios Múltiples SUNTRACS R. L. et de plusieurs dirigeants syndicaux (18 comptes bancaires au total); ii) le 5 janvier 2024, le parquet chargé de la lutte contre le crime organisé a ouvert une enquête contre le SUNTRACS sur la base d’un rapport soumis par l’Unité d’analyse financière au bureau du Procureur général de la nation, faisant état de trois transactions bancaires liées à la fausse accusation de blanchiment d’argent; iii) aucune banque n’autorise le SUNTRACS ni ses dirigeants à ouvrir des comptes bancaires, ce qui les empêche de percevoir les cotisations syndicales; iv) le 26 février 2024, Jaime Caballero, secrétaire aux relations internationales du SUNTRACS, a été détenu arbitrairement pendant cinq heures et interrogé par la police pour délits présumés contre la liberté et l’ordre économique, et ce, en dépit du fait que le représentant syndical susmentionné, étant candidat au Congrès du Panama, est protégé par la Charte électorale; v) les accusations de délits contre la liberté et l’ordre économique visent également l’enseignant Diógenes Sánchez et des dirigeants indigènes ayant participé aux manifestations; et vi) le 10 mars 2024, un incendie aurait été déclenché au siège du SUNTRACS à Panama Ouest, endommageant une partie des locaux de ce syndicat.
  4. 266. En date du 19 mars 2024, le SUNTRACS fournit d’autres documents pour étayer ses allégations, notamment des communications entre le SUNTRACS et la banque nationale 1, le ministère du Travail et du Développement de l’emploi (MITRADEL) et la Direction générale des banques du Panama; les plaintes pénales déposées contre les fonctionnaires responsables de la banque nationale 1; et le recours en protection interjeté devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme.
  5. 267. Dans une communication datée du 5 août 2024, la CONUSI indique que, suite aux réunions tenues avec les nouvelles autorités gouvernementales, la Banque nationale du Panama (ci après «la banque nationale 2») a indiqué qu’elle acceptait de recevoir les fonds du SUNTRACS. La CONUSI affirme cependant que les conditions bancaires proposées autorisent un montant de transactions bien inférieur aux recettes et aux dépenses administratives du syndicat, ce qui mettrait en évidence l’objectif visant à contrôler la gestion et l’utilisation des ressources du SUNTRACS, une situation qui violerait les droits de cette organisation syndicale.
  6. 268. Dans une communication datée du 18 novembre 2024, le SUNTRACS présente les informations suivantes: i) la résolution no 29 du ministère public du 30 août 2024, dans laquelle le procureur adjoint de la deuxième juridiction spécialisée dans la lutte contre le crime organisé a ordonné le classement provisoire du dossier pénal pour délit présumé contre l’ordre économique sous forme de blanchiment d’argent commis par le SUNTRACS, étant donné que ces délits n’ont pas été prouvés; et ii) la résolution no 8061j-2023 du 30 septembre 2024 sur la réparation pour violation des droits, émise par le bureau du Défenseur du peuple, qui dispose que la fermeture des comptes bancaires du SUNTRACS constitue une violation claire des droits syndicaux, recommande à la banque nationale 1 de rétablir tous les comptes fermés du syndicat, et prie instamment le MITRADEL de jouer un rôle plus actif au regard des faits dénoncés et la Direction générale des banques d’adopter une approche plus proactive en matière de protection des droits de l’homme des titulaires de comptes.
  7. 269. Dans une communication en date du 14 février 2025, les organisations plaignantes allèguent que, à la suite de vastes manifestations contre une réforme néfaste de la sécurité sociale: i) le Président de la République a attaqué le syndicat dans les médias et ordonné une répression féroce de toute manifestation; ii) le 12 février 2025, la police a violemment réprimé une manifestation du syndicat et détenu 500 manifestants pendant plus de 24 heures sans garantir une procédure régulière; et iii) le 13 février 2025, sur ordre du Président de la République, les comptes du SUNTRACS ont été gelés pour une durée indéterminée auprès de la banque nationale 2 et le compte de sa coopérative a été fermé.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 270. Dans une communication datée du 6 décembre 2023, le gouvernement indique que: i) les manifestations qui ont eu lieu au Panama entre le 24 octobre et le 28 novembre 2023 ne sont pas liées à des questions de travail ou à des faits relatifs à des violations de la liberté syndicale, mais sont liées au rejet populaire d’une concession minière qui a donné lieu à un arrêt de la Cour suprême de justice du 28 novembre 2023, déclarant l’inconstitutionnalité de la loi portant approbation de cette concession; le gouvernement précise que les organisations plaignantes ont participé à ces manifestations avec d’autres organisations syndicales, mais que celles-ci ne figurent pas dans la plainte; ii) les manifestations ont donné lieu à l’arrestation de 1 317 personnes, dont 1 110 ont été déférées devant les juges de paix ou renvoyées au ministère public pour actes de vandalisme, agressions contre les forces de l’ordre, vols, fermetures de routes et perception illégale de péages, et que les quatre décès dont il est fait état n’ont pas été causés par les forces de police mais par des particuliers qui ont été arrêtés et renvoyés devant les autorités judiciaires; iii) il est inexact que le gouvernement aurait donné des instructions visant à empêcher les manifestations, et que la vie de Saul Méndez et de Jaime Caballero serait en danger, la preuve en étant que sur les 1 317 personnes détenues, aucune n’est membre du SUNTRACS ou de la CONUSI, et qu’aucune procédure judiciaire n’est en cours contre Saúl Méndez; toutefois, en ce qui concerne Jaime Caballero, un mandat d’arrêt a été émis et l’affaire est devant le ministère public pour délit présumé contre l’administration de la justice; et iv) le MITRADEL a demandé à la banque nationale 1 d’expliquer les raisons de la fermeture des comptes bancaires du SUNTRACS, demande qui est restée sans réponse à ce jour, et a indiqué que le Centre financier international de Panama n’est pas contrôlé par le pouvoir exécutif ni par le gouvernement national puisqu’il relève d’un cadre réglementaire spécifique et non de la compétence du MITRADEL; il convient également de noter qu’à l’exception des comptes du SUNTRACS, aucun autre compte des organisations syndicales ayant participé aux manifestations contre la loi no 406 n’a été fermé par les institutions bancaires.
  2. 271. Dans une communication datée du 22 février 2024, le gouvernement joint les documents suivants: i) divers communiqués d’organisations professionnelles d’employeurs, à savoir le Conseil de l’entreprise privée et la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture du Panama, dans lesquels celles-ci expriment leur point de vue sur les manifestations contre la loi no 406; ii) la note no 2023 (123-01) 254, du 7 décembre 2023, envoyée par la banque nationale 1 au MITRADEL, déclarant qu’en vertu du secret bancaire prévu par la loi sur les banques, elle n’est pas en mesure de divulguer la raison expliquant la fermeture des comptes bancaires du SUNTRACS; et iii) une référence à une vidéo dans laquelle apparaîtraient les faits justifiant les enquêtes pénales contre Jaime Caballero (encouragement de M. Caballero à empêcher l’acheminement de denrées alimentaires vers la ville de Panama au moyen d’un pont humanitaire destiné à atténuer les effets des fermetures de routes).
  3. 272. Dans une communication du 20 mai 2024, le gouvernement a soumis des informations complémentaires indiquant que: i) dans une note datée du 15 avril 2024 (note 2024 123 01 76), la banque nationale 1 a indiqué être une institution publique autonome fonctionnant conformément à la loi et que, conformément aux dispositions de sa réglementation, elle est tenue de maintenir la stricte confidentialité des transactions bancaires, et qu’elle n’est autorisée à divulguer des informations sur ses clients ou ses activités qu’avec leur autorisation ou à la demande des autorités compétentes; et ii) dans une communication du 10 avril 2024 (note SBP-2024-02394), la Direction générale des banques du Panama a indiqué que, au vu de la confidentialité administrative des informations auxquelles elle a accès concernant les clients d’une banque, elle peut seulement indiquer que la plainte déposée par le SUNTRACS contre la banque nationale 1 est en cours de traitement, et indique aussi qu’en général les comptes de dépôt sont régis par le contrat entre le déposant et la banque et par les normes réglementant les opérations financières, et qu’elle a compétence pour engager une procédure de sanction seulement si des infractions à ces normes ont été constatées. Le gouvernement joint également une communication du bureau du Procureur général de la nation, datée du 15 avril 2024 (DPGN-068-2024), indiquant que: i) le ministère public n’a pas décidé de mesure conservatoire ou de confiscation des fonds détenus par le SUNTRACS dans la banque nationale 1, que toute décision de fermer les comptes détenus par cette institution financière ou de ne pas leur permettre d’ouvrir de nouveaux comptes n’entre pas dans son champ d’action; ii) le ministère public n’a aucune influence sur la décision des banques établies au Panama de ne pas accepter que le SUNTRACS ouvre de nouveaux comptes; iii) le 7 novembre 2023, des plaintes ont été déposées contre Saúl Méndez, Jaime Caballero et le SUNTRACS pour délits présumés à l’ordre économique, et que le 6 novembre 2023 une enquête a été ouverte d’office contre Jaime Caballero pour délit présumé contre l’administration de la justice, mais que ces deux enquêtes n’ont donné lieu à aucun acte lié aux comptes bancaires du SUNTRACS et à aucune détention préventive; et iv) la plainte du SUNTRACS contre des fonctionnaires de la banque nationale 1 a été reçue, celle-ci faisant actuellement l’objet d’une enquête préliminaire. Le gouvernement indique également que, selon des informations publiées dans le journal La Prensa du 20 avril 2024, s’agissant du meurtre présumé de deux enseignants pendant les manifestations, l’auteur de ces crimes est un particulier qui est en prison sur ordre de l’organe judiciaire, après avoir été reconnu coupable des crimes d’homicide volontaire aggravé et de possession et de trafic d’armes et d’explosifs. Le gouvernement précise que, selon la réponse fournie par le ministère de la Sécurité publique en date du 8 mai 2024 (note no 0187-OAL-2024), en ce qui concerne les deux autres décès, ceux-ci ont été causés par des incidents de circulation sans rapport avec les manifestations et, en ce qui concerne les allégations d’attentat contre les locaux du SUNTRACS à Panama Ouest, l’incendie qui s’est produit le 10 mars 2024 aurait été initié par deux individus inconnus, mais ne serait pas lié aux manifestations contre la loi no 406 de septembre 2023. En outre, selon la note envoyée par le ministère de la Sécurité publique, les manifestations contre la loi no 406 ont donné lieu à des fermetures de routes, la perception illégale de péages, des dommages matériels et d’autres actes constitutifs de différents délits, et les actes dénoncés dans la plainte comme étant une violation de la liberté syndicale ne sont pas imputables à l’action des forces de sécurité publique.
  4. 273. Dans une communication du 9 janvier 2025, le gouvernement fournit de nouvelles informations, faisant état d’un registre des activités menées par le MITRADEL concernant l’allégation de fermeture brutale des comptes bancaires des organisations plaignantes détenus à la banque nationale 1. À cet égard, il est rappelé que le MITRADEL n’a pas compétence pour ouvrir ou fermer des comptes bancaires, intervenir dans les aspects financiers ou réglementaires des institutions financières ou leur imposer des sanctions, même si le ministère susmentionné reste l’interlocuteur des organisations syndicales afin de veiller à ce que les institutions bancaires ne restreignent pas l’exercice de la liberté syndicale. Le gouvernement précise que: i) le 9 août 2024, le nouveau Président de la République a donné des instructions à la ministre du Travail et du Développement de l’emploi afin de répondre aux questions soulevées par la CONUSI; ii) le 18 novembre 2024, la ministre du Travail et du Développement de l’emploi a fait suite à la résolution du 30 septembre 2024 sur la réparation pour violation des droits, émise par le Défenseur du peuple de la République du Panama, demandant à ce ministère de «jouer un rôle plus actif dans la protection de la liberté syndicale, au vu de la décision prise par la banque nationale 1 de fermer les comptes bancaires du SUNTRACS»; et iii) la banque nationale 2 a procédé à l’ouverture de comptes bancaires du SUNTRACS, lui permettant ainsi, sous la nouvelle administration, de recevoir des fonds correspondant aux cotisations syndicales, tout en maintenant la restriction lui interdisant de recevoir des fonds de l’étranger en raison des enquêtes en cours.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 274. Le comité observe que, dans le présent cas, les organisations plaignantes allèguent le meurtre de quatre manifestants, des arrestations arbitraires, des actes d’intimidation à l’encontre de représentants syndicaux, et la fermeture de 18 comptes bancaires du SUNTRACS et de ses représentants par le gouvernement et la banque nationale 1, en représailles de leur participation à des manifestations contre la décision d’approuver, par la loi no 406, un contrat de concession minière. Le comité note que, pour sa part, le gouvernement affirme que les manifestations qui ont eu lieu en octobre et novembre 2023, et auxquelles ont participé non seulement plusieurs organisations syndicales mais aussi de larges secteurs de la société civile, ne sont pas liées à des questions de travail et n’ont donné lieu à aucun acte de répression antisyndicale, que le gouvernement en général et le MITRADEL en particulier n’ont pas compétence pour contrôler les décisions des institutions bancaires et que, après l’entrée en fonction des nouvelles autorités, le SUNTRACS dispose d’un compte à la banque nationale 2.

    Allégations de meurtres, d’arrestations de manifestants et de poursuites pénales, d’actes d’intimidation et d’attentats contre des locaux syndicaux

  1. 275. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent que, à la suite de manifestations contre la loi no 406, portant approbation du contrat de concession minière entre l’État et une société minière, quatre personnes ont été tuées, dont deux enseignants tués pendant les manifestations (Abdiel Díaz et Iván Rodrigo Mendoza), et l’arrestation de plus de 1 800 personnes. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent en outre des menaces de mort proférées contre le secrétaire général du SUNTRACS, Saúl Méndez Rodríguez, et du secrétaire aux relations internationales, Jaime Caballero, ainsi que l’incendie criminel des locaux du SUNTRACS à Panama Ouest.
  2. 276. Le comité observe que, de son côté, le gouvernement indique que: i) l’auteur du meurtre des deux enseignants est en détention, après avoir été poursuivi pour homicide et possession illégale d’armes et d’explosifs; ii) la mort de deux autres personnes est liée à des incidents de circulation sans rapport avec les manifestations; iii) les manifestations ont entraîné la fermeture de routes, des agressions contre les forces de l’ordre, des vols, la perception de péages, des dégâts matériels et d’autres actes constitutifs de différents délits, et 1 317 personnes ont été arrêtées, dont 1 110 ont été déférées devant des juges de paix ou renvoyées vers le ministère public, aucune d’entre elles n’étant un dirigeant ou membre des organisations plaignantes; iv) l’incendie criminel des locaux du SUNTRACS à Panama Ouest, initié par deux individus en mars 2024, ne serait pas lié aux manifestations de novembre 2024. Le comité prend dûment note des informations fournies par le gouvernement. Le comité souligne que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation où les droits fondamentaux de l’homme sont respectés et garantis, en particulier ceux relatifs à la vie, à la sécurité de la personne, au respect de la loi et à la protection des locaux et des propriétés des organisations d’employeurs et de travailleurs [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 83], et rappelle aussi que l’ensemble des allégations de violence contre des travailleurs, qui sont organisés ou qui veulent défendre de toute autre manière les intérêts des travailleurs, devraient faire l’objet d’une enquête approfondie et il devrait être pleinement tenu compte de toute relation, directe ou indirecte, que l’acte violent est susceptible d’avoir avec une activité syndicale. [Voir Compilation, paragr. 101.] Compte tenu de ce qui précède, le comité prie le gouvernement de: i) fournir des informations sur les résultats définitifs des enquêtes et des poursuites relatives à la mort de quatre personnes survenues lors des manifestations de novembre 2024; ii) veiller à ce que l’incendie des locaux du SUNTRACS à Panama Ouest donne lieu à une enquête afin d’en identifier les auteurs, et rendre compte des résultats obtenus; et iii) veiller à ce que les dirigeants du SUNTRACS bénéficient des mesures de protection nécessaires dans le cas où ils seraient exposés à des situations de risque. Le comité observe que les organisations plaignantes dénoncent également l’ouverture de procédures pénales contre plusieurs dirigeants du SUNTRACS, suite à leur participation aux manifestations de novembre 2023. Les organisations plaignantes se réfèrent en particulier à la situation de Jaime Caballero, secrétaire aux relations internationales du SUNTRACS, qui aurait été arbitrairement détenu et interrogé par la police pendant cinq heures, le 26 février 2024. Le comité note que, de son côté, le gouvernement déclare enquêter sur les plaintes reçues le 7 novembre 2023 contre Saúl Méndez et Jaime Caballero et le SUNTRACS pour délits présumés contre l’ordre économique, et que, le 6 novembre 2023, une enquête a été ouverte d’office contre Jaime Caballero pour délit présumé contre l’administration de la justice, mais que personne n’a été placé en détention provisoire.
  3. 277. Le comité note également que les organisations plaignantes joignent la résolution no 29 du ministère public du 30 août 2024, dans laquelle le procureur adjoint de la deuxième juridiction spécialisée dans la lutte contre le crime organisé a ordonné le classement provisoire du dossier pénal pour délit présumé contre l’ordre économique sous forme de blanchiment d’argent commis par le SUNTRACS, étant donné que ces délits n’ont pas été prouvés. Compte tenu de ce qui précède, et constatant que le gouvernement n’a pas fourni d’informations sur cette dernière enquête, le comité prie le gouvernement de: i) indiquer si la résolution susmentionnée entraîne la clôture de toute enquête pénale à l’encontre du SUNTRACS pour délit présumé de blanchiment d’argent; ii) indiquer les résultats de l’enquête pénale ouverte d’office à l’encontre de Jaime Caballero pour délit présumé contre l’administration de la justice; et iii) indiquer si d’autres enquêtes pénales sont en cours à l’encontre des représentants syndicaux susmentionnés et, le cas échéant, fournir des informations sur l’état d’avancement de ces enquêtes.

    Fermeture des comptes bancaires du SUNTRACS et autres restrictions bancaires

  1. 278. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent que: i) la banque nationale 1 a brutalement fermé les comptes bancaires du SUNTRACS en novembre 2023, de la Cooperativa de Servicios Múltiples SUNTRACS R. L. et des dirigeants syndicaux (18 comptes bancaires au total), empêchant ainsi la mise à disposition et l’utilisation des fonds syndicaux; ii) de même, aucune banque ne permettait au SUNTRACS et à ses dirigeants d’ouvrir des comptes bancaires, ce qui les empêchait de recevoir les cotisations syndicales; iii) suite à ces actes réprimant la participation du SUNTRACS aux manifestations de novembre 2023, le syndicat a engagé des poursuites pénales contre la banque et la Direction générale des banques, a interjeté un recours en protection devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme et s’est adressé au bureau du Défenseur du peuple de Panama; iv) en janvier 2024, la juridiction spécialisée dans la lutte contre le crime organisé a ouvert une enquête contre le SUNTRACS sur la base d’un rapport, soumis par l’Unité d’analyse financière au bureau du Procureur général de la nation, qui faisait état de trois transactions bancaires liées à la fausse accusation de blanchiment d’argent; cette enquête a été clôturée le 30 août 2024, ayant été établi qu’il n’y avait pas d’éléments constitutifs du délit en question; iv) si le SUNTRACS a finalement été en mesure d’ouvrir des comptes dans une autre banque nationale, l’utilisation de ces comptes est limitée puisque le montant des transactions autorisé est bien inférieur aux opérations financières régulières réalisées par le syndicat, ce qui restreint son fonctionnement et son autonomie; et v) le 30 septembre 2024, le bureau du Défenseur du peuple a indiqué que la fermeture des comptes bancaires du SUNTRACS constituait une violation manifeste de ses droits syndicaux et a recommandé à la banque nationale 1 de rétablir tous les comptes fermés de ce syndicat, tout en priant le MITRADEL et la Direction générale des banques de garantir la liberté syndicale.
  2. 279. Le comité observe que, de son côté, le gouvernement indique que: i) la fermeture des comptes syndicaux par la banque nationale 1 découle d’une décision autonome de la banque elle-même; ii) le MITRADEL n’a pas compétence pour ouvrir ou fermer des comptes bancaires, ni pour intervenir dans les aspects financiers ou réglementaires des institutions financières qui sont régies par une législation spécifique; iii) nonobstant ce qui précède, le MITRADEL est resté l’interlocuteur des organisations syndicales afin de veiller à ce que les institutions bancaires ne restreignent pas l’exercice de la liberté syndicale; iv) le MITRADEL a demandé à la banque nationale 1 et à la Direction générale des banques d’indiquer les raisons expliquant la fermeture des comptes; v) la banque nationale 1 a déclaré qu’elle n’était autorisée à divulguer des informations sur les clients ou les transactions qu’avec l’autorisation de ces derniers ou à la demande des autorités compétentes; vi) de son côté, la Direction générale des banques a déclaré que les comptes de dépôt sont régis par le contrat entre le déposant et la banque, et par les normes réglementant les opérations financières, et qu’elle a compétence pour engager une procédure de sanction seulement si des infractions à ces normes ont été constatées; vii) le ministère public a indiqué qu’il n’avait ordonné aucune mesure conservatoire ou de confiscation des fonds détenus par le SUNTRACS à la banque nationale 1, et que toute décision de fermer les comptes détenus par cette institution financière ou de ne pas leur permettre d’ouvrir de nouveaux comptes n’entre pas dans son champ d’action; viii) le 9 août 2024, le nouveau président de la République a donné des instructions à la ministre du Travail et du Développement de l’emploi afin de répondre aux questions soulevées par la CONUSI; ix) le 18 novembre 2024, la ministre du Travail et du Développement de l’emploi a fait suite à la résolution du 30 septembre 2024 sur la réparation pour violation des droits, émise par le Défenseur du peuple de la République du Panama, demandant à ce ministère de «jouer un rôle plus actif dans la protection de la liberté syndicale, au vu de la décision prise par la banque nationale 1 de fermer les comptes bancaires du SUNTRACS»; et x) la banque nationale 2 a procédé à l’ouverture de comptes bancaires du SUNTRACS, lui permettant ainsi de recevoir, sous la nouvelle administration, des fonds correspondant aux cotisations syndicales, tout en maintenant la restriction lui interdisant de recevoir des fonds de l’étranger en raison des enquêtes en cours.
  3. 280. À la lumière de ce qui précède, le comité note que, selon les éléments fournis par les parties, notamment les termes de la résolution no 29 du ministère public du 30 août 2024 et de la résolution no 8061j-2023 du 30 septembre 2024 sur la réparation pour violation des droits, émise par le bureau du Défenseur du peuple, il observe que: i) en novembre 2023, la banque nationale 1 a unilatéralement fermé les comptes du SUNTRACS qui, à ce moment-là, ne pouvait pas ouvrir de compte dans d’autres banques du pays; ii) selon les organisations plaignantes et le bureau du Défenseur du peuple, la fermeture des comptes a coïncidé avec la publication d’un article de presse qui indiquait que les fonds du syndicat étaient liés à des activités de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme; iii) à la suite de la fermeture des comptes, en janvier 2024, le ministère public a ouvert une enquête sur le délit présumé de blanchiment d’argent lié aux comptes du SUNTRACS. La résolution no 29 du ministère public du 30 août 2024, émise par la deuxième juridiction spécialisée dans la lutte contre le crime organisé, a ordonné le classement provisoire de la plainte, étant donné qu’il n’y avait pas d’éléments constitutif de délit; iv) le ministère public a confirmé qu’il n’avait demandé aucune action concernant les comptes bancaires du SUNTRACS; v) le bureau du Défenseur du peuple a considéré que la fermeture des comptes constituait une violation manifeste des droits syndicaux de l’organisation syndicale et a recommandé à la banque nationale 1 de rétablir tous les comptes fermés du syndicat; le bureau du Défenseur du peuple a estimé qu’il n’y avait pas de fondement juridique justifiant la fermeture des comptes, en dehors du pouvoir discrétionnaire qu’ont les banques de décider de mettre fin à leurs relations contractuelles avec leurs clients; vi) le compte ouvert dans la banque nationale 2, après l’entrée en fonction du nouveau gouvernement, comporte des restrictions quant au montant des fonds pouvant être déposés (comme indiqué par le bureau du Défenseur du peuple) et quant à l’origine étrangère des fonds (comme indiqué par le gouvernement); vii) le gouvernement explique ces restrictions en mentionnant des enquêtes qui seraient toujours en cours, mais sans fournir d’informations, tandis que le bureau du Défenseur du peuple considère que ces restrictions contreviennent aux principes d’égalité et de non discrimination dans l’accès aux services bancaires et affectent directement la liberté du syndicat de gérer ses ressources.
  4. 281. Le comité constate qu’il ressort de ce qui précède que: i) la fermeture des comptes du SUNTRACS a été ordonnée directement par l’institution bancaire nationale 1, sans décision d’un organe indépendant de contrôle du système bancaire ou d’un organe judiciaire; ii) ainsi, au-delà du principe général de la liberté contractuelle, aucun fondement juridique ou réglementaire spécifique n’a été mentionné pour justifier la décision de fermer ces comptes; et iii) les restrictions actuelles imposées au compte bancaire du SUNTRACS à la banque nationale 2 seraient justifiées par des enquêtes encore en cours, toutefois, le comité n’a reçu aucune information spécifique à cet égard et il n’est pas indiqué si ces restrictions découlent d’une décision d’un organe indépendant de contrôle du système bancaire ou d’un organe judiciaire.
  5. 282. Le comité rappelle qu’il a considéré que les dispositions qui restreignent la liberté d’un syndicat de gérer et d’utiliser ses fonds comme il le désire, en vue d’objectifs normaux et licites, sont incompatibles avec les principes de la liberté syndicale [voir Compilation, paragr. 683] et que le principe général d’un contrôle judiciaire de la gestion interne d’une organisation professionnelle, de nature à garantir une procédure impartiale et objective, revêt une importance toute particulière en ce qui concerne la gestion des biens et des finances des syndicats. [Voir Compilation, paragr. 713.] Constatant en outre que les réponses du gouvernement mettent l’accent sur l’autonomie dont jouissent les institutions bancaires, le comité rappelle aussi que la responsabilité d’appliquer les principes de la liberté syndicale incombe en dernier ressort au gouvernement. [Voir Compilation, paragr. 46.]
  6. 283. Compte tenu de ce qui précède, du temps écoulé depuis la fermeture des comptes bancaires du syndicat et de l’impact que cela a sur sa capacité à exercer ses activités pour défendre ses membres, le comité prie le gouvernement, en l’absence de décision contraire d’une autorité compétente, de prendre immédiatement des mesures pour veiller à ce que le SUNTRACS dispose pleinement de ses fonds et puisse faire usage de ses comptes bancaires. Le comité prie en outre le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs et en vue de garantir pleinement le droit des organisations syndicales d’organiser leur activité, de veiller à ce que toute restriction à l’utilisation des fonds syndicaux ou à la gestion de leurs comptes bancaires soit fondée sur une procédure impartiale et objective, menée par un organisme indépendant des autorités administratives et, en tout état de cause, faisant l’objet d’un contrôle judiciaire. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  7. 284. Le comité prend finalement note de la communication en date du 14 février 2025 des organisations plaignantes et prie le gouvernement de faire part de ses observations sur les allégations qui y sont contenues.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 285. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • Le comité prie le gouvernement de: i) fournir des informations sur les résultats définitifs des enquêtes et des procédures judiciaires concernant la mort de quatre personnes survenue lors des manifestations de novembre 2024; ii) veiller à ce que l’incendie du local syndical du Syndicat unique des travailleurs de l’industrie de la construction et des secteurs apparentés (SUNTRACS) à Panama Ouest donne lieu à une enquête visant à en identifier les auteurs, et fournir des informations sur les résultats obtenus; iii) veiller à ce que les dirigeants du SUNTRACS bénéficient des mesures de protection nécessaires dans le cas où ils seraient exposés à des situations de risque.
    • Le comité prie le gouvernement de: i) indiquer si la résolution no 29 du ministère public du 30 août 2024 entraîne la clôture de toute enquête pénale contre le SUNTRACS pour délit présumé de blanchiment d’argent; ii) fournir des informations sur les résultats de l’enquête pénale ouverte d’office contre de Jaime Caballero pour délit présumé contre l’administration de la justice; et iii) indiquer si d’autres enquêtes pénales sont en cours contre les représentants syndicaux susmentionnés et, le cas échéant, fournir des informations sur l’état d’avancement de ces enquêtes.
    • Le comité prie le gouvernement, en l’absence de décision contraire d’une autorité compétente et compte tenu du temps écoulé depuis la fermeture des comptes bancaires du syndicat et de l’impact que cela a sur sa capacité à exercer ses activités pour défendre ses membres, de prendre immédiatement des mesures pour veiller à ce que le SUNTRACS dispose pleinement de ses fonds et puisse faire usage de ses comptes bancaires. Le comité prie en outre le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs et en vue de garantir pleinement le droit des organisations syndicales d’organiser leur gestion, de veiller à ce que toute restriction à l’utilisation des fonds syndicaux ou à la gestion de leurs comptes bancaires se fonde sur une procédure impartiale et objective, menée par un organisme indépendant des autorités administratives et, en tout état de cause, faisant l’objet d’un contrôle judiciaire.
    • Le comité prie le gouvernement de faire part de ses observations sur les allégations contenues dans la communication des organisations plaignantes du 14 février 2025.
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