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Individual Case (CAS) - Discussion: 2015, Publication: 104th ILC session (2015)

Right to Organise and Collective Bargaining Convention, 1949 (No. 98) - Mauritius (Ratification: 1969)

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 2015-Mauritius-C98-Fr

Un représentant gouvernemental a indiqué que son pays avait ratifié la convention peu après l’indépendance du pays en 1969. A cette époque, les dispositions de la convention étaient transcrites dans l’article 13 de la Constitution, qui établit la protection de la liberté d’assemblée et d’association, tandis que les différends portant sur les relations professionnelles étaient laissés à la discrétion des parties. La loi sur les relations professionnelles (IRA), adoptée en 1973, a formalisé le régime des relations professionnelles et apporté des modifications profondes en instaurant de nouveaux dispositifs et procédures de reconnaissance des syndicats, en permettant la négociation collective et les actions collectives, en établissant des mécanismes de résolution et d’arbitrage des conflits, et en autorisant le droit de grève, bien que ce dernier soit soumis à des règles particulières. La loi sur les relations de travail (ERA) a été adoptée en 2008 afin de garantir le respect des dispositions de la convention et de remédier aux lacunes de l’IRA dans la promotion de la négociation collective. L’ERA établit les conditions du développement de la négociation collective d’une façon structurée et visant à la protection et au renforcement des droits démocratiques des travailleurs, incluant notamment les travailleurs migrants, et des droits des syndicats, et à la stimulation de la négociation collective, l’accent étant particulièrement mis sur le principe de règlement volontaire et de résolution pacifique des conflits. L’ERA a été amendée en 2013 afin de consolider plus avant le processus de négociation collective. Entre autres, les procédures de reconnaissance de la capacité de négociation des syndicats ont été modifiées; l’information sur les conflits du travail portant sur les salaires et les conditions d’emploi est limitée aux situations dans lesquelles une convention collective est en vigueur; le ministre offre un service de conciliation à la demande conjointe des parties à un conflit du travail à tout moment avant l’organisation d’une grève légale et tout accord conclu à l’issue d’une telle conciliation produit les mêmes effets qu’une convention collective.

Pour en venir aux observations de la commission d’experts, l’orateur a noté que le ministère du Travail n’ayant reçu aucune plainte d’un quelconque syndicat, le gouvernement n’est pas en mesure de procéder à une enquête pour allégation de discrimination antisyndicale. Il a ajouté qu’il serait utile à cet égard de recevoir d’autres informations au sujet de l’organisation des travailleurs qui a adressé une plainte à la Confédération syndicale internationale (CSI) selon laquelle 37 travailleuses du centre «La Colombe» auraient vu leur contrat modifié suite à leur adhésion à un syndicat. Quant aux allégations selon lesquelles l’Association des producteurs de sucre de Maurice (MSPA) aurait refusé une négociation de bonne foi, l’orateur a noté que, après intervention du ministère du Travail, les parties sont convenues d’un accord à leur satisfaction. Il a rappelé que la Fédération du service civil et d’autres syndicats (FCSOU) a adressé une plainte au BIT le 10 décembre 2013 concernant la suspension du président de l’Institut mauricien pour l’union des employés de la formation et du développement des compétences (MITDEU). Ayant été informé le 4 juillet 2014 que le cas a été réglé à l’amiable entre les parties, le BIT s’est félicité des résultats positifs obtenus. Se référant également à plusieurs cas présentés devant le Comité de la liberté syndicale concernant le gouvernement, ledit comité a noté avec satisfaction que les parties concernées sont parvenues à un accord. Il a regretté cependant que, malgré cet accord, l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et la Fédération des employeurs de Maurice aient à nouveau présenté en septembre 2014 des observations relatives à l’application de la convention. Pour ce qui est de la négociation collective dans les zones franches d’exportation (ZFE), le secteur du textile et les travailleurs migrants, le gouvernement encourage le développement le plus large possible de procédures de négociation volontaire entre les employeurs et les organisations de travailleurs en vue de la réglementation des conditions d’emploi. L’orateur a insisté sur le fait qu’il n’existe pas d’obstacle légal dans la loi sur les relations de travail (ERA) qui empêche les travailleurs des ZFE ou les travailleurs migrants d’adhérer à un syndicat ou de prendre part à une négociation collective. Le gouvernement a l’intention d’organiser une campagne de sensibilisation auprès des travailleurs concernés, et l’orateur a encouragé les syndicats de plus en plus nombreux dans le secteur à tirer pleinement profit du cadre juridique favorable existant pour prendre part et promouvoir la négociation collective. L’orateur a finalement indiqué sa ferme conviction que les dispositions de la législation du travail sont pleinement conformes au concept qui est le sien d’un cadre juridique dans lequel les droits, les intérêts et le bien-être des travailleurs sont pleinement garantis, dans le respect d’un environnement favorable aux entreprises.

Les membres employeurs ont indiqué que ce cas est actuellement examiné pour ingérence dans la négociation collective. Le pays dispose d’un vaste système lié à la négociation collective et aux normes minimales en matière d’emploi. Le Conseil national des rémunérations a promulgué des ordonnances sur le salaire minimum et les conditions d’emploi dans 30 secteurs, et il a périodiquement révisé ces ordonnances, de manière à assurer leur adéquation. Le conseil n’est pas un mécanisme de médiation ni d’arbitrage. L’ordonnance sur les rémunérations établit un plancher et les employeurs et les travailleurs peuvent alors toujours négocier de meilleures conditions. Si les parties négocient de bonne foi mais qu’elles ne parviennent pas à un accord, elles peuvent convenir volontairement d’entamer une procédure de règlement des conflits. Bien que ce mécanisme ne soit pas contraire à la convention, sa mise en œuvre pratique est assez problématique. En 2010, les partenaires sociaux de l’industrie du sucre ont négocié un accord collectif, mais les parties ne sont pas parvenues à un accord concernant 21 questions et ne se sont pas conformées aux conditions de l’ordonnance sur les rémunérations. Plusieurs semaines après, le Conseil national des rémunérations a entrepris un examen partiel des ordonnances sur les rémunérations applicables à l’industrie du sucre, en s’attachant aux 21 questions qui n’avaient pas fait l’objet d’accord pendant la négociation collective. En 2012, le Comité de la liberté syndicale a rappelé au gouvernement que le recours aux autorités publiques autrement dit, au Conseil national des rémunérations, doit être volontaire. En conséquence, le gouvernement a retiré, en août 2012, les 21 questions devant être examinées par le Conseil national des rémunérations. Néanmoins, en 2014, les mêmes problèmes se sont à nouveau posés. Après l’expiration de l’accord collectif dans l’industrie du sucre, et après des mois de négociations, le syndicat a entamé une grève. Les employeurs et le syndicat ayant conclu ultérieurement un accord collectif, le gouvernement a renvoyé les questions non résolues devant le Conseil national des rémunérations, comme il l’avait fait en 2010. Le gouvernement a également imposé un arbitrage aux partenaires sociaux, ce qui n’est pas permis par la législation nationale. L’ingérence du gouvernement dans la négociation collective n’aurait donc pas dû avoir lieu. Les membres employeurs espèrent que la commission confirmera ce point de vue.

Les membres travailleurs ont souligné que les zones franches sont un enjeu syndical majeur. Elles bénéficient d’incitations spéciales afin d’attirer les investisseurs. Ce statut spécial ne peut pas être une raison pour réduire le droit de négociation collective des travailleurs. La reconnaissance du droit de négocier collectivement a une portée générale, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Comme cela est le cas dans d’autres zones franches, la liberté syndicale et le droit de négociation collective ne sont pas respectés dans la zone franche de Port-Louis. Entre 2002 et 2012, la commission d’experts a noté l’inexistence de syndicats, un faible taux de négociation collective, une discrimination syndicale étendue, notamment dans le secteur du textile, des difficultés pour les travailleurs et leur syndicat de se réunir et une baisse du nombre de conventions collectives signées. Par ailleurs, s’ajoutent au harcèlement et à l’intimidation, la création par les employeurs d’organisations de substitution en violation de la convention no 98 et de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Lorsque le droit de négociation collective n’est pas effectif, le gouvernement doit prendre des mesures concrètes pour le promouvoir. Les membres travailleurs ont insisté sur le fait que les zones franches ne sont pas des zones de non-droit et ont soutenu la demande faite par la commission d’experts dans ce sens. La commission d’experts fait état d’une ingérence du gouvernement dans le processus de négociation des salaires dans le secteur de la canne à sucre, ingérence justifiée par l’imminence d’un mouvement de grève qu’il fallait éviter afin de pouvoir honorer les engagements pris à l’égard du marché européen. Les négociations ont donc eu lieu sous l’égide du gouvernement et les clauses qui n’ont pas fait l’objet d’un accord ont été transmises à un organe d’arbitrage imposé. L’arbitrage obligatoire est autorisé, en accord avec les principes du Comité de la liberté syndicale, dans des cas bien précis, à savoir, en cas de crise nationale aiguë, en cas de conflit dans la fonction publique à l’égard des fonctionnaires exerçant des fonctions d’administration de l’Etat et en cas de conflit dans les services essentiels au sens strict du terme. Dans le cas présent, l’ingérence ne répond pas à ces critères et ne peut être acceptée. Malheureusement, un nombre croissant de gouvernements, estimant que la situation nationale exige l’application de politiques de stabilisation, ont adopté des mesures visant à restreindre ou à empêcher la libre détermination des salaires par voie de négociation collective. A cet égard, la Commission de la Conférence a déjà souligné que, si au nom d’une politique de stabilisation économique ou d’ajustement structurel, le taux des salaires ne peut être fixé librement par la négociation collective, des restrictions peuvent être appliquées à titre exceptionnel. Ces restrictions doivent se limiter au nécessaire, être appliquées sur un période raisonnable et être assorties de garanties appropriées pour protéger le niveau de vie des travailleurs concernés. Les membres travailleurs ont insisté sur le fait que de telles mesures ne peuvent être prises que si elles sont rendues nécessaires par des raisons impérieuses d’intérêt national économique. Le secteur de la canne à sucre ne représentant que 6 pour cent de l’activité économique du pays, l’ingérence du gouvernement dans la négociation collective n’était pas justifiée.

Le membre employeur de Maurice a indiqué que la réalité du pays n’est pas favorable à la pratique de la négociation collective. Si le gouvernement a mis en place une législation relative à la négociation collective, des lacunes importantes demeurent. La législation n’atteint pas l’objectif de fournir un cadre pour la négociation collective et ne s’accompagne pas des politiques appropriées et d’institutions fonctionnant de manière satisfaisante. L’ERA prévoit que la négociation collective est obligatoire et qu’elle est subordonnée à la seule affiliation syndicale, ce qui n’est pas conforme à la convention. Dans le secteur privé, 88 pour cent des travailleurs ont décidé de ne pas adhérer à un syndicat, et un employeur ne peut donc pas négocier librement avec des représentants de travailleurs dûment choisis. L’ingérence du gouvernement dans la fixation des salaires du secteur privé et dans le relèvement annuel des salaires aux termes de la loi sur la rémunération complémentaire pose problème et limite la portée de la négociation collective. En 2010, des employeurs de l’industrie du sucre ont été contraints de signer une convention collective, et des questions n’ayant pas été résolues à la faveur de la négociation ont été soumises au Conseil national de rémunération. En dépit des assurances données que cette ingérence n’interviendrait plus, elle a refait surface en décembre 2014. Dans le cadre de la négociation collective, des travailleurs ont organisé une grève, et les employeurs ont respecté leur droit de grève. Cela étant, le gouvernement est intervenu et a exigé la signature d’une convention collective qui ne prenait pas en compte les préoccupations des employeurs. De plus, les demandes des syndicats qui n’avaient pas été acceptées au cours des négociations collectives ont de nouveau été portées devant le Conseil national de rémunération ou soumises à l’arbitrage. L’ingérence du gouvernement dans le processus de négociation volontaire est inacceptable, et le mécanisme de résolution des différends ne règle pas de manière efficace les conflits du travail. Les allégations relatives à une baisse du nombre des conventions collectives dans les ZFE ne sont pas fondées. Les lois du travail s’appliquent à ce secteur et les droits fondamentaux des travailleurs sont protégés.

Les structures du dialogue social existent à Maurice et les employeurs du pays ont eu l’occasion de partager leurs points de vue avec le nouveau ministre du Travail. Le nouveau gouvernement a énoncé ses priorités et a approuvé la décision d’engager des consultations avec les partenaires sociaux dans le but de réviser les lois du travail. L’orateur a réitéré son appel pour une révision des lois du travail qui constituent actuellement un frein pour la croissance et la création d’emplois. Maurice ambitionne de faire partie des pays à revenu élevé et doit pour ce faire se donner les moyens efficaces et appropriés de réviser la législation du travail. La commission est invitée à formuler des recommandations claires demandant instamment au gouvernement de mettre un terme aux violations de l’article 4 de la convention, de réaliser une analyse d’impact des réglementations relatives à la législation nationale du travail, de mettre un terme à l’ingérence indue dans la fixation des salaires du secteur privé, d’engager le dialogue avec les partenaires sociaux et de demander l’assistance technique du BIT afin d’adapter la législation nationale pour qu’elle soit conforme aux conventions de l’OIT.

Le membre travailleur de Maurice a déclaré que, malgré la législation du travail en vigueur, dans la pratique, les droits des travailleurs ne sont pas respectés. Les syndicats ont demandé au gouvernement de revoir la législation. Les nouvelles révisions de la législation ne doivent pas être de pure forme, et le ministère du Travail doit prévoir des garanties pour les travailleurs, notamment dans la mesure où les protections existantes pour les syndicats et les dirigeants syndicaux figurent dans un code de pratique qui n’a pas de caractère contraignant. La discrimination antisyndicale a toujours cours dans le pays, malgré les protections d’ordre législatif, et les travailleurs en sous-traitance ont peur de se faire licencier s’ils participent à des activités syndicales. Si la négociation collective existe dans la loi, elle n’existe pas dans la pratique. Le dialogue social est également absent dans le pays. Dans le secteur public, les conditions d’emploi et de rémunération sont imposées. Certains travailleurs dans ce secteur reçoivent des salaires très bas, parfois en dessous du salaire minimum. Le gouvernement doit apporter une solution à ce problème, notamment par le biais de la négociation collective. Aucune négociation volontaire n’a cours dans le secteur public. Les syndicats peuvent exprimer leurs points de vue à l’organisme qui règle les conditions d’emploi et de rémunération, mais ensuite cet organisme prend ses propres décisions. Le droit d’organisation des travailleurs migrants pose également problème dans les ZFE. Ces travailleurs ne sont pas libres de se syndiquer car ils se sentent menacés et risquent de se faire expulser. L’orateur a demandé que des mesures énergiques soient prises pour veiller à ce que la convention soit mise en œuvre dans le pays.

Le membre employeur d’Afrique du Sud a déclaré que le gouvernement doit respecter les droits relatifs à la négociation collective dans le pays. Le fait que l’application de la convention doive encore être examinée plus de quarante-cinq ans après sa ratification est source de perplexité. Le gouvernement est instamment prié d’appliquer pleinement la convention.

S’exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques et de l’Estonie, le membre travailleur de la Norvège a déclaré que, à Maurice, pour qu’un syndicat ait le droit à la reconnaissance en tant qu’agent négociateur au nom d’une unité de négociation au sein d’une entreprise ou d’une industrie, il faut qu’il ait le soutien d’au moins 30 pour cent des travailleurs de cette unité. Or la reconnaissance par un employeur des principaux syndicats représentés dans l’entreprise, ou des plus représentatifs de ces syndicats, constitue la base même de toute procédure concernant la négociation collective. Cette disposition législative a un sérieux impact sur le droit qu’ont les syndicats minoritaires à négocier au nom de leurs membres. L’orateur a affirmé que, si aucun syndicat n’atteint le seuil de représentativité requis par la loi, chaque syndicat de l’unité correspondante devrait bénéficier des droits à la négociation collective, au moins au nom de ses membres. En conséquence, le gouvernement devrait modifier sa législation de manière à permettre aux syndicats minoritaires de négocier au nom de leurs membres. Le gouvernement est instamment prié de promouvoir le développement et l’utilisation les plus complets des mécanismes et des lois de négociation collective afin d’accroître le nombre de travailleurs pouvant bénéficier de conventions collectives effectives. Ceci est particulièrement important pour les travailleurs vulnérables employés dans le pays, y compris les travailleuses dans le secteur du textile et les travailleurs migrants.

Le membre travailleur du Mali a déclaré que son intervention bénéficiait du soutien des membres travailleurs du Libéria, du Nigéria, et de la Sierra Leone. Le maintien du taux de croissance annuel du pays à plus de 3 pour cent a été rendu possible grâce aux contributions dévouées de la main-d’œuvre et aux ZFE du pays. Ces dernières sont considérées comme des enclaves ayant leur propre souveraineté, à l’abri des obligations et exigences qu’implique le respect des droits humains et syndicaux. Malgré l’existence de lois, la pratique veut en général que les travailleurs ne puissent compter sur le soutien de l’Etat pour bénéficier de leurs droits syndicaux dans ces zones. Les autorités et les employeurs empêchent les travailleurs de s’organiser pour mener des négociations collectives et le niveau de ces dernières a diminué de 70 pour cent depuis 2009. Dans la plupart des cas, les organisations syndicales se voient refuser par les employeurs l’accès aux sites industriels, ce qui explique que le taux de syndicalisation dans les ZFE est inférieur à 12 pour cent. Il n’est pas raisonnable d’accueillir avec enthousiasme les investisseurs et leurs entreprises sans promouvoir les droits des travailleurs, y compris ceux de la main-d’œuvre migrante. Sans de tels droits, les travailleurs du pays et leurs familles n’auront pas bénéficié des investissements lorsque les investisseurs s’en iront. L’orateur a salué les premières démarches entamées par le gouvernement en vue de l’instauration d’un mécanisme de fixation d’un salaire minimum et a pris acte des modifications de la législation du travail visant à renforcer les sanctions en cas de discrimination antisyndicale. Le gouvernement doit lever toutes les barrières qui empêchent la négociation collective et instaurer une culture de négociation collective forte dans le respect du dialogue social, surtout au sein des ZFE. C’est l’unique façon de partager équitablement les fruits de la croissance économique pour améliorer le niveau de vie de la population du pays.

La membre travailleuse du Royaume-Uni a noté que des problèmes d’hostilité antisyndicale se posent dans les ZFE. Dans le cas des représailles pour avoir exercé des activités syndicales, la loi n’offre que peu de protection. La législation nationale ne permet pas de réintégrer des travailleurs qui ont été licenciés en raison d’activités syndicales. De plus, toute personne participant à une grève qui ne respecte pas le cadre juridique peut être licenciée, sans véritable droit de recours pour obtenir réparation si le licenciement n’est pas considéré comme justifié. Plusieurs exemples de discrimination antisyndicale sont signalés, affectant non seulement des travailleurs dans les ZFE que les travailleuses, mais aussi dans l’industrie du sucre. Dans le cadre des négociations entre l’Association des producteurs de sucre mauriciens et le Groupe paritaire de négociation des syndicats, un accord a été conclu concernant les demandes d’augmentation de salaires, au terme d’une grève. Cela étant, les travailleurs n’ont pas touché leur salaire pendant la durée de la grève, et les travailleurs syndiqués n’ont pas reçu la prime de fin d’année en raison de la grève. Le gouvernement s’est engagé à augmenter les amendes et les sanctions relatives à la discrimination antisyndicale mais doit prendre de nouvelles mesures pour veiller à ce que la législation reflète comme il se doit les obligations souscrites au niveau international.

Le représentant gouvernemental a rappelé les mesures que le gouvernement prend depuis des années pour donner effet à la convention et pour répondre aux demandes de la commission d’experts, y compris les modifications apportées à l’ERA, les mesures visant à protéger les organisations de travailleurs et d’employeurs contre les actes d’ingérence, et le remplacement de la loi sur les ZFE. L’orateur a souligné que, dans l’ERA telle que modifiée, rien n’empêche les travailleurs dans les ZFE ou les travailleurs migrants d’adhérer à des syndicats ou de négocier collectivement. Il revient donc aux syndicats d’utiliser le cadre juridique existant pour mener et promouvoir la négociation collective dans tous les secteurs. Le gouvernement n’a pas cherché à compromettre la négociation collective. Si des questions ont été soumises au Conseil national de rémunération dans un contexte très particulier, c’est parce qu’une grève dans l’industrie sucrière à ce moment-là aurait nui à la situation économique dans le pays. Le gouvernement n’a pas pour politique de demander au Conseil national de rémunération d’intervenir dans les cas où un accord collectif final a été conclu. Concernant la soumission à un arbitrage du différend du Groupe paritaire de négociation des syndicats et de l’Association des producteurs de sucre de Maurice, l’orateur a indiqué que les négociations n’ayant pas permis d’aboutir à un accord collectif, les parties ont saisi du conflit la Commission de conciliation et de médiation. Aucun accord n’a été conclu au niveau de la commission et le Groupe paritaire de négociation des syndicats avait choisi de recourir à la grève, ce qui aurait eu des effets économiques négatifs. Par conséquent, le ministre du Travail, conformément à l’article 79 paragraphe A) de l’ERA, a réuni les deux parties à la table de négociation et un accord collectif intérimaire a été conclu. Le conflit a alors été soumis à un arbitre nommé par le gouvernement en raison de l’absence d’accord entre les parties. Au sujet de l’arbitrage obligatoire, l’article 53 de l’ERA oblige uniquement à entamer des négociations après une notification, mais la législation n’oblige pas les parties à conclure un accord collectif. Obliger les partenaires sociaux à négocier collectivement n’est pas contraire aux dispositions de la convention. L’orateur a mentionné à cet égard le cas no 2149 du Comité de la liberté syndicale (328e rapport) et a indiqué qu’il n’est pas contraire à l’article 4 de la convention d’obliger les partenaires sociaux, de façon à encourager et à promouvoir l’élaboration et la pleine utilisation d’un mécanisme de négociation collective, à négocier les conditions d’emploi. Le gouvernement écoutera les opinions des partenaires sociaux et la discussion devant la commission a été l’occasion d’exercer démocratiquement le dialogue tripartite. Le gouvernement continuera à suivre une approche transparente en ce qui concerne l’application de la convention et est prêt à considérer les éventuelles recommandations de la commission, avec l’assistance technique du Bureau. Les recommandations seront examinées dans le cadre de l’examen en cours de la législation du travail auquel le gouvernement s’est engagé. A ce sujet, une commission technique a été créée et toutes les parties prenantes ont été invitées à lui présenter des propositions sur la révision de la législation.

Les membres employeurs ont pris note de la volonté du gouvernement de s’engager dans un dialogue avec la commission. A titre d’exemple, on peut citer le cas des indemnités relatives aux motocycles dans le secteur sucrier, pour illustrer la manière dont le Conseil national de rémunération est intervenu dans le processus de négociation collective. Cette question n’avait fait l’objet d’aucun accord au moment de négocier la convention collective et avait ensuite été renvoyée au Conseil national de rémunération. On peut admettre que l’ingérence dans la négociation collective n’est pas positive. Si la législation semble adéquate, la manière dont elle est interprétée et appliquée dans la pratique ne l’est pas. Les membres employeurs ont renvoyé au paragraphe 697 du rapport no 364 du Comité de la liberté syndicale, dans lequel le comité souligne que le but principal de l’article 4 de la convention est la promotion de négociations collectives de bonne foi en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi. Le Comité de la liberté syndicale a indiqué que de tels accords doivent être respectés et que les autorités publiques devraient s’abstenir de toute ingérence de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal. Pour que la négociation collective soit efficace, elle doit revêtir un caractère volontaire et ne pas impliquer un recours à des mesures de contrainte qui auraient pour effet d’altérer ce caractère. Les informations manquent sur la situation dans les ZFE et les membres employeurs espèrent que la négociation collective est promue dans ce secteur. La commission d’experts a demandé des informations supplémentaires sur la situation dans le secteur et il faut espérer qu’elles seront fournies. Les membres employeurs prient instamment le gouvernement de prendre des mesures pour appliquer sa propre législation, ne plus intervenir dans le processus de négociation collective et ne plus renvoyer de questions sur lesquelles les parties n’ont pas réussi à s’entendre à l’issue d’une négociation collective au Conseil national de rémunération.

Les membres travailleurs, tout en prenant acte des informations fournies par le gouvernement, ont indiqué que la question ne porte pas seulement sur la pertinence de la législation, mais qu’il existe également un problème d’application de celle-ci dans la pratique. Ils ont souligné l’importance du respect de la convention, et notamment de ses principes généraux, tant en ce qui concerne la question des ZFE que celle de la négociation collective dans le secteur de la canne à sucre. Les travailleurs des ZFE doivent pouvoir jouir du droit de négociation collective et le gouvernement doit prendre des mesures concrètes pour le promouvoir. Il s’agit d’un signal important pour les zones franches du monde entier qui ne sont pas des zones de non-droit, et où les droits des travailleurs y sont pourtant trop souvent bafoués. L’intervention du gouvernement dans la négociation collective n’est possible qu’à certaines conditions définies par la commission, et l’intervention menée dans la négociation collective du secteur sucrier était maladroite. Les membres travailleurs ont invité le gouvernement à donner pleinement l’autonomie nécessaire aux partenaires sociaux pour négocier les conventions collectives et à respecter cette dernière. Ils ont également prié le gouvernement de faire rapport à la commission d’experts en 2015 sur les négociations collectives dans les ZFE et dans le secteur de la canne à sucre.

Conclusions

La commission a pris note des informations que le représentant gouvernemental a fournies oralement et de la discussion qui a suivi.

La commission a fait observer que les points soulevés par la commission d’experts concernent des commentaires formulés par la Confédération syndicale internationale (CSI) au sujet des allégations de discrimination antisyndicale et des obstacles concrets à la négociation collective dans les zones franches d’exportation, ainsi que des observations formulées par l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et la Fédération des employeurs de Maurice (MEF) au sujet de l’ingérence présumée du gouvernement dans la négociation collective volontaire, en particulier en ce qui concerne l’industrie sucrière.

La commission a noté que le représentant gouvernemental a indiqué que la loi de 2008 sur les relations de travail a été adoptée pour établir un système de relations professionnelles promouvant le progrès social et la croissance économique, pour protéger et renforcer les droits démocratiques des travailleurs et des syndicats, pour stimuler la négociation collective ainsi que pour promouvoir le règlement volontaire et pacifique des différends. Cette loi a été modifiée en 2013 pour introduire la notion d’agent de négociation unique et exclusif, ainsi qu’un service de conciliation à la demande conjointe des parties. S’agissant des allégations de la CSI relatives à la discrimination antisyndicale, le gouvernement a indiqué que les informations communiquées ne lui permettaient pas de mener une enquête et qu’il avait besoin de plus de précisions.

Le gouvernement a également fourni des informations sur la façon dont le différend concernant l’Association des producteurs de sucre de Maurice (MSPA) a été traité, les questions en suspens ayant été renvoyées au Bureau national des rémunérations avant que le ministère du Travail ne revienne sur sa décision, les parties étant parvenues à un accord. Le gouvernement n’a pas l’intention de porter atteinte à la négociation collective; ce renvoi s’est produit dans un contexte très précis pour éviter une grève dans l’industrie sucrière. Le gouvernement a également évoqué un cas examiné par le Comité de la liberté syndicale qui a salué l’accord conclu. Le gouvernement a également indiqué qu’il attend des données appuyant les allégations avancées, tout en faisant observer que l’OIE et la FEM ont soumis des observations supplémentaires en septembre 2014.

Enfin, en ce qui concerne les zones franches d’exportation (ZFE), le représentant gouvernemental a indiqué qu’il n’existe aucun obstacle juridique à la négociation collective pour les travailleurs de ces zones et que le gouvernement fera tout son possible pour encourager et promouvoir le développement de la négociation volontaire entre les organisations d’employeurs et de travailleurs de ce secteur, notamment en augmentant le nombre de campagnes de sensibilisation des travailleurs à leurs droits.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission a demandé instamment au gouvernement:

    - de s’abstenir d’enfreindre l’article 4 de la convention et de se garder de commettre pareille violation à l’avenir;

    - de cesser tout ingérence abusive dans la négociation collective au sein du secteur privé en examinant de manière sélective les ordonnances sur les rémunérations en fonction de l’issue de la négociation collective;

    - d’engager le dialogue social avec les partenaires sociaux sur la négociation collective et les ordonnances sur les rémunérations;

    - de prendre des mesures concrètes pour promouvoir la négociation collective dans les zones franches d’exportation et de communiquer à la commission d’experts des informations sur la négociation collective dans ces zones.

Le représentant gouvernemental a pris note des conclusions et indiqué que, lors de la révision de la législation du travail, les conclusions de la commission seront prises en compte en consultation avec les partenaires sociaux.

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